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Cent jours pour réussir Le point de vue des Dirigeants

Cent jours pour réussir - Association des Centraliens · Mais dans le délai des 100 Jours, il n’y a pas le temps de bâtir des systèmes de reporting sophistiqués. Le dirigeant

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Cent jours pour réussirLe point de vue des Dirigeants

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La question des cent premiers jours d’exercice, pour un dirigeant qui arrive dans une entreprise envue de la rénover ou de la redresser, trouve toute son acuité dans le cas du Management de Transition.Les missions assurées par les intervenants et les conseillers qui les pilotent s’effectuent dans desdélais exigeants ; en vue d’objectifs précis et ambitieux ; souvent dans des situations critiques.

Nous avons voulu tirer les leçons de dix-huit ans de terrain à travers un atelier interne de réflexionsur les “100 Jours”. Il nous a semblé que notre pratique professionnelle, pour extrême qu’elle soitparfois, n’en comportait pas moins de nombreux enseignements directement utilisables dans lecadre d’une prise de fonctions plus traditionnelle. Les grands enjeux qui s’en dégagent, et lesréflexes qu’elles exigent, peuvent profiter à tout le monde.

Pour élargir cette réflexion, nous avons rencontré des dirigeants opérationnels confirmés, exer-çant à des niveaux de direction générale ou de direction de division au sein de grands groupes.Dans des contextes et avec des styles différents, tous ces hommes ont su conduire avec suc-cès des opérations de transformation ou de redressement décisives, parfois dans des conditionsextrêmement difficiles.

Il s’agit de Raymond BERT, Thomas BITTNER, Sven BOINET, Jean-Paul BRAYER, Philippe CITERNE,Jean-Pierre CLAMADIEU, Philippe COMBES, Pierre CREAU, Rémi DESCOSSE, Pierre ENSCH, LucFÉCHANT, Michel GALIANA-MINGOT, Jean-Paul GIRAUD, Éric GIULY, Paul HOLDERITH, Jean-ClaudeJACOMIN, Jean-Lucien LAMY, Philippe LAZARE, Franck LECOQ, Bernard LEMOINE, Guy MAUGIS,Jean-Charles PAUZE, Bruno ROQUEPLO, Gilles TALDU, François TERREN et Jérôme TOLOT.

Ces décideurs ont enrichi notre premier travail par leur propre vision sur les 100 Jours. Ensemble,nous avons dégagé sept clés effectives de changement durant cette période, et identifié leursprincipales composantes. Nous avons demandé à nos interlocuteurs d’évaluer chacun de ceséléments, tant en termes d’importance que de difficulté. Leurs avis se révèlent largementconcordants, comme l’illustrent les tableaux statistiques que nous avons tirés de ce sondage,et qui ouvrent chaque chapitre.

Préambule

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Si ces évaluations constituent le fil rouge de notre argumentaire, nous avons préféré organisernotre propos selon un axe méthodologique. Plutôt que d’aller de l’essentiel à l’accessoire, nousbrosserons un « scénario » de la période-type des 100 Jours, depuis les débuts jusqu’à laconclusion, en revenant chaque fois sur les points décisifs et sur leur difficulté relative. Notre planrecoupera donc les différentes « étapes » de cette période, bien qu’il y ait des exceptions — certainsdomaines d’action se révélant décisifs tout du long.

Nous illustrons enfin notre propos par quelques citations « verbatim » tirées de nos entretiens.Elles disent les choses mieux que nous ne saurions le faire et montrent la qualité des contributionsdont nous avons pu bénéficier. Toutefois les rapprochements et analyses que nous en tirons sontles nôtres et ne reflètent pas nécessairement l’opinion de tous.

Voilà donc les pistes de travail qu’on trouvera dans ces pages. Elles ne représentent qu’unepremière étape dans la synthèse que nous avons engagée : nous espérons susciter de nouvellesinterventions qui puissent enrichir le débat. EIM entend poursuivre sa réflexion sur cetteproblématique décisive qui, loin d’être exclusive au Management de Transition, demeure néanmoinsau cœur de notre métier.

Les Associés d’EIM France, octobre 2006.

2 EIM - Les 100 jours

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Sommaire

Page 01 PréambulePage 04 Introduction

Page 06 CLE N°1 : MAITRISER LE CHAMP DES OPERATIONS.

Page 10 CLE N°2 : ETABLIR SES APPUIS.

Page 14 CLE N°3 : ENGAGER LES PREMIERES MESURES.

Page 19 CLE N°4 : CONTROLER ET MESURER LES ACTIONS.

Page 23 CLE N°5 : ADAPTER LES STRUCTURES.

Page 28 CLE N°6 : COMMUNIQUER SANS CESSE.

Page 33 CLÉ N°7 : ASSEOIR SON LEADERSHIP.

Page 37 Conclusion

3EIM - Les 100 jours

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Introduction

Le monde de l’entreprise change, et de plus en plus vite. En dixans, la globalisation des échanges, l’accroissement de la concur-rence mondiale et les mouvements de concentration sectorielleont remodelé de fond en comble le visage et le territoire dessociétés françaises. Redéploiements, inflexions stratégiques,changements de périmètre ou d’actionnariat se multiplient,provoquant une rotation accélérée du management.Dans la carrière d’un dirigeant opérationnel, une situationautrefois exceptionnelle tend à devenir la norme : une prisede fonctions dans un contexte plus ou moins critique, récla-mant une réaction énergique. Comment cerner les enjeux,redresser la barre sans délai et imposer sa marque ?

LES HOMMES, LE TEMPS.

Cette problématique est aussi celle du Management deTransition. Dans notre expérience, pour réussir une mission dechangement dans un délai serré (typiquement, de neuf à dix-huit mois), il existe deux éléments prépondérants à surveillersans cesse : les hommes et le temps.Pas de succès possible sans adhésion collective ; et le chan-gement, au départ, n’est porté que par un seul. D’où le rôledécisif du dirigeant : il lui faudra un bagage opérationnel soli-de ; de la stature ; les bons réflexes. Le succès se jouera pourbeaucoup sur son « fit » général avec le problème, car unesituation particulière appelle un profil particulier :

« Ce qui compte, c’est de bien comprendre le problème enamont — et de choisir ensuite le manager adapté. »

L’autre facteur décisif, c’est le temps. L’état de grâce nedurera pas. Pour le nouveau venu résolu à faire bouger leschoses, il existe une « fenêtre d’opportunité » qui se révè-le largement indépendante de la situation concrète (celatient à l’inertie naturelle des organisations). Cette fenêt-re correspond à peu près aux vingt premières semaines

d’exercice : si l’on n’est pas parvenu à marquer son ter-ritoire au bout de 100 Jours, l’échec est assuré.

« Si l'on avait raté le coche dans cette période initiale, lasuite aurait été très compliquée. L'atteinte des objectifs àcourt terme a permis de restaurer la confiance et la dyna-mique dans l'entreprise. »

Les changements de fond ne se décident pas du jour aulendemain ; leur mise en œuvre ne s’étale pas sur des mois,mais souvent sur des années. Il faut néanmoins une impul-sion initiale pour lancer une dynamique, lui imprimer del’élan — et rendre possible, à plus long terme, de vraies réfor-mes. Cette mise en place indispensable se jouera durant lapériode décisive des 100 Jours, et pas au-delà.

Dans cet ouvrage, nous nous consacrons à ce parcours de« demi-fond » où le dirigeant doit trouver ses marques ;asseoir sa crédibilité ; s’imposer comme moteur de change-ment et insuffler les conditions de la réussite.

SEPT CLES POUR CHANGER.

Il n’y a pas de recette toute faite pour réussir les 100Jours. D’une part, il faut pouvoir s’adapter à chaquesituation ; d’autre part, le mode d’action dépendra pourbeaucoup du flair et du style personnel de chaquedirigeant. Pourtant quelques principes généraux, bonnespratiques et règles de bon sens se dégagent des entretiensque nous avons animés. Nous les avons regroupés ensept clés de changement.

• La clé n°1 : maîtriser le champ des opérations, décritl’évaluation initiale de la situation : comprendre les enjeux,les organisations et les hommes. Il est indispensable de sefaire une idée de ces éléments-clés dès les premièressemaines. Cela suppose de savoir aller à l’essentiel, sansrechercher l’exhaustivité.

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• La clé n°2 : établir ses appuis, porte sur les premières déci-sions concernant les hommes. Le dirigeant aura besoin derelais pour mener les actions nécessaires. Le choix d’uneéquipe rapprochée revêt une importance décisive : sans bou-leverser les structures en place, il faut verrouiller lespostes-clés tout en sachant éliminer les facteurs de blocage.

• La clé n°3 : engager les premières mesures, se jouedès le premier mois. Au-delà d’un impact financier immé-diat — qui peut être une question de survie — les « earlywins » contribueront à mobiliser les équipes. Ces mesu-res déboucheront sur l’annonce d’un plan de marcheexplicite.Une fois ce plan défini, l’impulsion de changement devra setrouver relayée dans le temps, les mesures d’urgence débou-chant sur des changements à moyen, voire à long terme.Cette dynamique s’étend en gros sur le deuxième et le troi-sième mois : elle implique une attention soutenue à quelquesgrands indicateurs éclairants, l’évaluation des résultats etdes hommes, l’adaptation progressive des structures.

• La clé n°4 : contrôler et mesurer les actions, rappellequ’ on ne peut pas avancer sans outils fiables de mesure.Mais dans le délai des 100 Jours, il n’y a pas le temps debâtir des systèmes de reporting sophistiqués. Le dirigeantprivilégiera le bon sens en concentrant ses efforts surquelques indicateurs simples, parlants et aisément com-municables. Au-delà de ce reporting, il s’agira aussid’instaurer le suivi rapproché des plans d’action et de met-tre l’entreprise sous tension.

• La clé n°5 : adapter les structures, se penche sur l’amé-nagement nécessaire de l’organisation, de ses systèmesd’information et de pilotage RH. Il faudra le faire de façon trèsprogressive et pragmatique, sans se tromper de priorité : cer-taines mesures, plus délicates, devront être reportées à pluslongue échéance. Deux domaines, enfin, révèlent leur impor-tance décisive tout au long de la dynamique des 100 Jours.

• La clé n°6 : communiquer sans cesse, revient en détailsur ce levier crucial. Il s’agit pour l’essentiel d’une com-munication de proximité, pragmatique et directe, plutôtque d’une communication institutionnelle. Le dirigeantdevra trouver le juste équilibre entre rassurer et dynami-ser les hommes.

• La clé n°7 : asseoir son leadership, rassemble les condi-tions sous lesquelles le dirigeant établira son pouvoir, sacrédibilité personnelle, et saura trouver l’adhésion collec-tive pour réussir le pari du changement. Même si leleadership se bâtit dans la durée, sur l’ensemble des actionsengagées par le dirigeant et des résultats obtenus, il exis-te quelques éléments à surveiller tout particulièrement.

Ces sept clés de changement font chacune l’objet d’unchapitre. A chaque fois, nous discuterons les enjeux prin-cipaux mis en lumière par nos interlocuteurs, en nousefforçant d’en tirer des recommandations concrètes.

Les tableaux en début de chapitre inventorient pour chaqueclé un certain nombre de sous-domaines. Nous avonsrecueilli l’évaluation de nos interlocuteurs sur chacun de cespoints, en les interrogeant à la fois sur ce qui leur semblaitle plus important et sur la difficulté relative de chaquetâche. Le classement que nous présentons fait la synthè-se de leurs réponses : sur l’axe vertical, le plus important(selon une échelle de 1 à 10, 10 représentant la priorité laplus forte) ; sur l’axe horizontal, le degré de difficulté. Lepositionnement des sous-domaines sur chaque graphiqueoffre un reflet fidèle des préoccupations qui animent les diri-geants opérationnels.

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MAITRISER LE CHAMP DES OPÉRATIONS

Importance

Difficulté

10987654

3

3

10

9

8

7

6

5

4

IDENTIFIER LES PARTENAIRES- CLÉS

COMPRENDRE L'HISTOIRE : HOMMES, STRUCTURES…

DISCERNER LES RITUELS OFFICIELS ET OFFICIEUX

COMPRENDRE LA SITUATION

DÉTECTER LES RÉSEAUX D'INFLUENCE

MAÎTRISER L'ENVIRONNEMENT LOCAL

S S S S

H H H H

C C C C

I I I I

S E S E S E S E E E

BALISER LES GRANDS RISQUES

CLE N°1 : MAITRISER LE CHAMP DES OPERATIONS.

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Dans les tout premiers moments du dirigeant dans l’entreprise, il s’a-git de prendre rapidement la mesure du contexte et de la situation,des façons possibles d’y remédier et des appuis ou obstacles poten-tiels, de sorte à prendre très vite les premières décisions.

Trois points décisifs reviennent dans le discours des opération-nels que nous avons interrogés, se signalant par une forteimportance et une certaine difficulté. En premier lieu, une justeappréhension de la situation générale de l’entreprise ; en secondlieu, l’identification des grands risques — contractuels, sociaux,mais aussi environnementaux ; enfin, la détection des réseauxd’influence, formels et informels, aptes à hâter ou à contrarierla mise en œuvre du changement.

Également prioritaires, mais ne posant pas de difficulté particulière audirigeant, sont la compréhension de l’histoire de l’entreprise et l’iden-tification de ses partenaires-clés — clients, fournisseurs, distributeurs.

On peut, enfin, mentionner deux champs d’action : la maîtrise desrituels, officiels ou officieux, qui rythment la vie de l’entreprise ; et l’ap-préhension de l’environnement (pouvoirs publics, responsables locaux),plus délicate, mais moins vitale pour la dynamique des 100 Jours.

_ TROUVER SA PLACE.

Le commanditaire — siège ou actionnaire — d’une action de redres-sement a rarement une compréhension en profondeur de la situation.Il ignore souvent les causes réelles des difficultés et ne mesure pas cequi peut être raisonnablement accompli, dans quel délai et avec quelsrésultats probables.

Qui plus est, ses motivations profondes peuvent rester partiellementcachées. Si sa conscience du problème est réelle, les moyens qu’il en-tend consentir pour y remédier ou le rôle exact qu’il entend faire jouerau dirigeant recèlent parfois des ambiguïtés.

« Il faut commencer par vérifier si le job est clair. »

Il importe, dès le départ, de comprendre autant que possible lasituation ; de mettre les non-dits sur la table ; de révéler lesenjeux cachés et d’expliciter les objectifs.

_ FAIRE LE TRI.

Durant ses premières journées d’exercice, la nécessaire prise de ren-seignements par le dirigeant se heurte à deux écueils potentiels.Il y a, d’une part, le risque toujours présent d’être égaré par uneinformation biaisée. Les mobiles des interlocuteurs sont divers : pro-téger ses acquis ; influencer les décisions dans le sens de sesintérêts ; « tester » le nouveau venu — ou simplement lui faireplaisir, en lui disant ce qu’il a (croit-on) envie d’entendre. D’où lanécessité de multiplier ses sources.

« Les gens souhaitent protéger leurs acquis, c’est d’ailleursnormal… Il s’agit donc de revalider les informations importantesauprès d’autres personnes. »

Il y a, d’autre part, la nécessité d’aller très vite. Dès cette premièreapproche, le temps du dirigeant lui est compté.

« Il faut acheter de la crédibilité et du temps… Savoir détecterles réseaux d’influence au sein du Groupe, jusqu’au plus haut niveau. »

Les avis convergent à cet égard : attention à la surcharge d’informa-tions ! Il s’agit de renoncer à la perspective rassurante d’unecompréhension totale de la situation. Les premières décisions mar-quantes sont à prendre sous deux ou trois semaines : il n’y aura pasle temps de tout baliser.

Aussi le dirigeant privilégie-t-il une perspective non exhaustive, déve-loppée sur la base d’une information parcellaire dont il reste capablede mesurer les qualités et les défauts. Un audit financier ou straté-gique peut parfois se révéler utile ; mais le plus souvent les premièresdécisions doivent être prises au flair, sans avoir fait le tour completde la situation. Il faut assumer le risque de se tromper parfois.

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« Je considère que la rapidité d’appréciation est plus impor-tante que la précision ; il faut oublier les virgules et raisonner engrandes masses. »

« J’applique le principe : approximately right, precisely wrong. »

FAIRE L’EPONGE.

Il faut commencer par se faire une idée générale — le plus rapi-dement possible — de « comment ça marche » : et ce, tant au planopérationnel que du personnel et du relationnel.

« On a besoin d’un 360° sur l’analyse de l’environnement. »

Le dirigeant va d’abord s’appuyer sur les hommes, à traversune prise d’information directe la plus étendue que le tempsle lui permet ; mais aussi sur quelques chiffres vitaux, simpleset parlants.

Pour ce qui est des hommes, la priorité va à la prudence. Rienn’est plus dommageable que d’altérer les réponses par desquestions trop pressantes — ou de nuire à sa crédibilité enposant un diagnostic hâtif à partir d’ idées préconçues. La règled’or consiste à « faire l’éponge » en s’appuyant sur une appro-che intuitive, une disponibilité opportuniste — y compris sur leterrain, sur l’écoute et sur l’observation.

« J’écoute beaucoup et je ne dis pas grand-chose. »« Le credo de la première semaine, c’est : interviewer,

parler, écouter, NE RIEN DECIDER. »

Il faudra, par ailleurs, diversifier ses sources : non seulementpour recouper ses informations, mais encore pour relativiser,apprendre à décoder les discours.

« A ce stade, l’important, c’est de voir des clients — le feed-back est toujours très intéressant — et d’aller sur le terrain, aucontact avec les gens. »

« Il s’agit d’abord de connaître les gens. »

L’erreur capitale serait de ne se cantonner qu’aux échelons supérieursde la hiérarchie : l’avis de tous est nécessaire pour se faire une justereprésentation de l’entreprise. On peut trouver des trésors d’infor-mation sur les dysfonctionnements à tous les niveaux — notammentles niveaux intermédiaires, proches du terrain.

« Il ne faut pas oublier les n-2 et n-3 : ils ont un rôle essentiel. »

_ CADRER LE RECUEIL DES INFORMATIONS.

Le décodage des renseignements recueillis réclame un minimum de pré-cautions de la part du dirigeant. Celui-ci doit tenir compte de la positionet des enjeux personnels de chacun ; poser les bonnes questions ; seconcentrer sur le concret sans se laisser imposer de solution toute faite.

« Il faut choisir ses questions. Je préfère que les gens ne me four-nissent pas leur diagnostic, mais qu’ils éclairent telle ou telle partiedes causes possibles d’un problème, ou des solutions envisagées. »

L’un des moyens, pour démêler le vrai du faux, consiste à demander deschoses précises, des faits, des résultats, à les comparer aux objectifset ne pas hésiter sur certains points précis ou importants à rentrer dansles détails. Ne pas se contenter d’explications superficielles. Certainsmettent l’accent sur un « contrat de franchise » passé avec le Comitéde Direction, compte tenu de l’urgence de la situation.

« Je fixe tout de suite la règle du jeu. Je leur dis : J’arrive. Vous pou-vez tout me dire, mais seulement maintenant… Pas dans trois mois. »

La plupart des dirigeants encadrent leur enquête par un formalismeplus ou moins poussé. Dans sa méthodologie de mission, EIM préco-nise la rédaction d’un rapport personnel d’étonnement, extrêmementutile pour faire ressortir les lignes de force des problématiques. C’estun procédé auquel recourent plusieurs dirigeant opérationnels ; d’au-tres préfèrent classer par grands thèmes les renseignements obtenus.

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« Tous mes rendez-vous font l’objet d’une fiche de synthèse ;et les informations ou documents recueillis sont classés pargrands thèmes ou cycles de l’entreprise. »

Les approches varient donc ; mais dans la grande majorité descas, l’intention et les réflexes sont les mêmes : cadrer le recueildes informations, en sorte de le rendre plus rapide et fructueux,tout en préservant son objectivité d’un interlocuteur à l’autre.

_ LA RAPIDITE PLUS QUE L’EXHAUSTIVITE.

L’information chiffrée et factuelle est une seconde source de ren-seignements. Elle recouvre une urgence décisive :

« Bien comprendre, dès le départ, le business model et lesflux financiers. »

« Il faut tout de suite chercher à comprendre la structure decoûts et les principaux foyers de pertes. »

On devra pourtant relativiser cette information : dans une situa-tion difficile, elle sera souvent de mauvaise qualité, voire serévéler à l’origine de la crise.

Les dirigeants vont privilégier ici le pragmatisme. Il est possible,dans un premier temps, de se baser sur une information financièreet un reporting imparfaits. Recoupées avec les remontées directesdu terrain sur l’organisation et sur les dysfonctionnements de l’en-treprise, et tenant compte de l’imprécision des indicateursdisponibles, ces données suffiront à orienter les premières actions.

Des sources alternatives — rapports d’audit et de conseil qui ont pré-cédé la venue du dirigeant, étude d’un repreneur éventuel — peuventse révéler plus éclairantes. Et il arrive que les informations les plus inté-ressantes se trouvent dans le « calepin noir » ou la feuille de calculd’un simple cadre, un « grognard » de l’entreprise qui a besoin de cesdonnées pour son travail. L’important, à ce stade, est d’aller vite ; dene pas se noyer dans les chiffres ; de mettre le doigt sur l’essentiel.

Pour y parvenir, le dirigeant opérationnel compte sur sa propreintuition : celle-ci se nourrit à la fois des expériences précéden-tes et des remontées du terrain.

« Il faut se plonger dans les dossiers de manière intuitive :approfondir ce qui est bizarre. »

« Allier l’intuition à l’analyse des chiffres. Les prévisionsdépendent parfois d’hypothèses cachées. Il faut pouvoir sedire : Les chiffres sont bons, mais je n’y crois pas ; je n’ai ja-mais vu ce type de situation, ça ne peut pas marcher. »

En définitive, ses meilleurs atouts, le dirigeant va les trouver dans sesfacultés de synthèse propres, conjuguées à son statut de nouvel arri-vant — porteur en soi de changement, mais aussi d’un regard neuf. C’estpourquoi il est utile de résumer ses premières impressions dans un rap-port d’étonnement, qui servira ensuite de référence à la suite de l’action.

« Il y a deux périodes dans la vie où la vision de synthèse estla meilleure : quand on arrive quelque part et quand on s’en va » !

_ EN RESUME : QUATRE REGLES D’OR POURPRENDRE SES MARQUES.

Allez vite : faites confiance à votre intuition.

Ne cédez pas à la tentation du détail ; n'attendez pas, pour décider, d'avoir une information complète.

Diversifiez vos sources ; ne négligez aucun échelon de la hiérarchie.

Utilisez votre capacité d'étonnement : votre méconnaissance du métier est un atout.

EIM - Les 100 jours

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CLE N°2 : ETABLIR SES APPUIS.

ÉTABLIR SES APPUIS

3

10

9

8

7

6

5

4

Importance

Difficulté

IDENTIFIER DES RELAIS SÛRS- CHOISIR SON ÉQUIPE

109876543

DIAGNOSTIQUER LES COALITIONS INTERNES ET RELAIS POSSIBLES

S'ASSURER DU CONCOURS GROUPES/ ACTIONNAIRES

DÉTECTER LES CHAÎNONS DÉFAILLANTS

DISTINGUER ENTRE SUPPORTERS ET OPPOSANTS

REPÉRER LES LEADERS D'OPINION

ÉTABLIR SES SOUTIENS EXTERNES

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11EIM - Les 100 jours

Une fois le champ des opérations balisé, il reste au manager à trouverses appuis et à constituer son équipe. C’est l’un des points les plus dé-licats et les plus décisifs des 100 Jours, comme en témoigne le tableau.

Celui-ci attribue à la composante principale de ce levier : lechoix d’une équipe proprement dit, l’une des notes de prioritéles plus fortes de toute notre enquête ; ce point est suivi de peupar son corollaire logique, la détection des maillons défaillantsdans la chaîne de management, tandis que le soutien de l’ac-tionnaire s’impose comme vital, mais moins difficile à obtenir.

Derrière ce groupe de tête émergent d’autres préoccupationsqui se situent dans une moyenne, par ordre de priorité et dedifficulté : l’identification des supporters et des opposants auchangement ; la cartographie des coalitions internes et relaispossibles au sein de l’organisation ; enfin, l’établissement desoutiens externes (banques, pouvoirs publics, etc.)

_ VERROUILLER LES POSTES-CLES.

Le « premier cercle » doit être très rapidement et clairementdéfini : dans les 2 à 3 premières semaines. Lorsque le dirigeantaura établi son premier diagnostic et défini ses premières orien-tations, il pourra alors élargir le cercle de ses appuis.

Il importe avant tout de repérer les incontournables : ceux qui ont unrôle décisif dans le fonctionnement de la société. Or l’organigramme «defait » prime ici sur les considérations hiérarchiques : les personnes quicomptent ne siègent pas nécessairement au Comité de Direction.

« Il faut rapidement élargir le “réseau” de responsables auniveau n-2 en plus de niveau n-1 ; c’est fondamental pour mieux fairepasser les messages et accélérer le changement. »

Il faudra prendre des gens à tous les niveaux, et s’arrêter aux pro-fils bénéficiant d’une perspective transversale ou globale sur lefonctionnement de l’entreprise.

Deux postes décisifs se détachent dans cet exercice : directeurfinancier et DRH. La plupart des dirigeants que nous avons ren-contrés confient qu’ils leur consacrent en priorité leur attention.

« Le directeur financier et son contrôle de gestion sont des élé-ments-clés du succès. Un rôle privilégié, pratiquement de numéro 2,leur est confié pendant la période. Ils auront l’obligation de four-nir les données justes pour l’évaluation et le suivi des actions. »

Cette confiance nécessaire implique aussi une exigence accrue : sila confiance n’est pas très vite au rendez-vous, le dirigeant ne ter-giversera jamais sur ces postes stratégiques.

« Sécuriser immédiatement, ou les changer, le CFO et leDRH, les deux acteurs principaux au départ.»

« Je cherche à avoir une relation privilégiée avec eux : je souhai-te n’avoir aucun secret pour eux. En revanche, ils seront les premiersà sortir si je pense que je ne peux pas leur faire confiance à 100 %. »

_ NEUTRALISER LES OPPOSITIONS

Pas de renouvellement important de l’équipe à ce stade. Tousles dirigeants en conviennent : face à l’urgence, trop de chan-gement peut se révéler improductif.

« La qualité des équipes s’est rarement révélée, dans monexpérience, à l’origine des difficultés antérieures. Pour le longterme, mieux vaut s’appuyer sur les équipes en place et deve-nir leur chef plutôt qu’un colonisateur… Mais quelques recru-tements ponctuels peuvent être utiles pour boucher les trous,pour renforcer l’équipe commerciale par exemple. Ces ren-forts sont souvent très bien vus par le personnel. »

En revanche, il importe de neutraliser, le plus en amont possible,les foyers d’inertie ou d’opposition. Les dirigeants privilégientdes « actions ciblées », qui incarneront leur volonté de change-ment et auront un impact positif sur le personnel.

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12 EIM - Les 100 jours

« On cherche à garder les mêmes si possible, mais engénéral, il faut casser les baronnies ; pour cela, il est intéressantde faire tourner les rôles au sein de l’équipe. »

« S’il y a blocage immédiat avec une personne, il faut s’enséparer tout de suite. »

On ne saurait négliger l’importance d’une réaction rapide en casde vrai blocage. Le regret qui s’exprime le plus souvent chez lesdirigeants que nous avons rencontrés — malgré leurexpérience — c’est d’avoir trop tardé à se séparer d’uncollaborateur qui constituait un frein manifeste. Dans de telscas, il faut avoir le courage de trancher dans le vif sans attendre.

Le premier choix étant fait, il faut l’exprimer clairement, selonle principe : « Qui n’est pas avec moi est contre moi ».

Il est important de clarifier très vite qui sont les gens surlesquels on compte s’appuyer : ne pas laisser l’encadrementtrop longtemps dans l’incertitude. On peut se tromper sur cespremiers choix, mais ces décisions ont souvent un aspect auto-réalisateur, le fait d’être choisi comme homme de confiancerenforçant l’adhésion et la motivation.

Le plus souvent, pourtant, il faudra « faire avec » l’organisation etles hommes existants. Cela suppose une appréhension juste desenjeux et de l’équilibre des pouvoirs au sein de l’organisation.

_ CARTOGRAPHIER LES ENJEUX PERSONNELS.

La plupart des personnes se révèlent, de façon consciente ou non,guidées par leur intérêt personnel.

En règle générale, ceux qui ont à perdre dans l’arrivée du nouveaudirigeant sont des opposants ou des freins potentiels. Ceux qui ontà y gagner se révéleront probablement des supports.Il faudra prendre en compte les réseaux internes les plus écoutés—en se méfiant de ceux qui n’ont pas exercé leur influence pour tenter

de prévenir la crise. Les favoris d’hier, souvent parties prenantes dansles orientations qui ont conduit aux difficultés, ont plus à perdre qu’àgagner dans un changement de cap. En revanche, les laissés-pour-compte, les « vieux grognards » qui connaissent parfaitement l’histoirede la société, peuvent se révéler de précieux appuis.

Le dirigeant surveillera aussi ceux qui n’ont pas pris clairementparti : courtisans ; manipulateurs ; indécis ou attentistes, quiattendent de voir si ça marche avant de monter dans le projet.

Ce diagnostic humain exige une bonne connaissance politique del’entreprise. Le DRH peut apporter là-dessus une aide précieuse :mais il n’est pas nécessairement neutre et ne se rangera pas toujoursdans le camp du nouvel arrivant. D’où l’importance, encore une fois,de la prise d’information initiale évoquée plus haut.

_ LES CRITERES DE CHOIX.

Au-delà de leur rôle dans l’organisation et de leur capacité d’influence,les qualités humaines et l’état d’esprit sont des points essentiels pourle choix des managers-clés. Les dirigeants rechercheront en particulierles qualités suivantes : vision globale et transversale de l’entreprise,lucidité et honnêteté, volonté de changer, franchise dans l’expressionde leur opinion, autonomie et sens du travail en équipe.

« Je regarde s’ils sont adaptés au Business Model ; et s’ilsont une attitude personnelle positive. »

« La compréhension des enjeux et des idées claires ; lacapacité à se remettre en question et la volonté de changer ;la proposition de solutions et la recherche d’amélioration. »

« Les compétences par rapport aux enjeux ; le niveau d’au-tonomie ; la capacité à évoluer ; la volonté de s’adapter. »

« La capacité de travailler ensemble : avec moi, et au seinde mon équipe. »

Parmi ces qualités, la plus essentielle reste sans doute le couragede prendre ou de supporter des décisions difficiles.

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13EIM - Les 100 jours

Définissez votre équipe et vos relais dans les trois premières semaines.

Clarifiez rapidement ce qui est « in » et qui est « out ».

Gardez les mêmes si possible ; mais séparez-vous sans attendre des éléments bloquants.

Verrouillez les postes-clés : DAF, DRH.

Corrigez les erreurs de casting à plus long terme si elles ne se sont pas corrigées d'elles-mêmes auparavant.

Laissez-vous le temps pour redéfinir en profondeur l'organisation.

_ SE MENAGER DES MARGES DE MANŒUVRE.

Le dirigeant doit se réserver la possibilité de revenir sur seschoix et l’organisation décidée, compte tenu des orientationsqui seront prises dans la durée. Il importe de garder une cer-taine flexibilité sur l’évolution ultérieure de l’organisation — cequi n’exclut nullement la rapidité de décision initiale.

« Si on n’arrive pas à atteindre les objectifs, on peut changerd’organisation en route ; on a le droit de se tromper au départ ! »

C’est pourquoi les dirigeants aiment à se ménager des margesde manœuvre ; ils bousculeront volontiers l’organisation exis-tante de leur équipe rapprochée, mais n’auront pas d’état d’âmeà revenir sur leurs orientations en cas de besoin.

« Choisir son équipe rapprochée dès le départ ; et ne pashésiter à changer d’organisation. Il m’est arrivé de passer de 25“n-1” à moins d’une dizaine en six semaines. Au début, on faitavec les gens en place ; le vrai changement des hommes vientau bout de 12-18 mois. »

De tels remaniements restent ponctuels dans les cent premiersjours : la question de l’organisation globale de l’entreprisen’est pas prioritaire. Des réorganisations prématurées peuvent,au contraire, faire perdre du temps et entraver les premièresactions. Les grands changements interviendront donc plus tard,quand une réflexion stratégique approfondie aura pu être menéeà son terme.

_ EN RESUME : SIX REGLES D’OR POURETABLIR SES APPUIS.

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14 EIM - Les 100 jours

CLE N°3 : ENGAGER LES PREMIERES MESURES.

ENGAGER LES PREMIERES MESURES

3

10

9

8

7

6

5

4

REMETTRE EN CAUSE LES HABITUDES

IDENTIFIER LES GRANDS ENJEUX ( 20 / 80 )

Importance

Difficulté

109876543

SIMPLIFIER LES LIGNES HIÉRARCHIQUES

S'ASSURER DE L'AVAL DU SIÈGE

CHOISIR SES PREMIÈRES ACTIONS

AFFICHER CLAIREMENT LA LIGNE

DURCIR LES PLANS D'ACTION A COURT TERME

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15EIM - Les 100 jours

On ne peut pas attendre d’y voir totalement clair pour agir.Après quelques semaines, il devient crucial de prendre de pre-mières mesures d’urgence qui peuvent améliorer la situation.

Définir un plan de marche immédiat figure, pour les dirigeantsinterrogés, parmi les trois actes fondamentaux des 100 Jours,avec la communication et le leadership.

Sur le tableau, toutes les composantes se situent vers le som-met de l’échelle des priorités, pour une difficulté moyenne.L’identification des grands enjeux de l’entreprise (les « 80/20 »)est perçue comme le point le plus important, et l’un des plus dif-ficiles. Presque aussi prioritaire : l’affirmation d’une ligne claire.Cela révèle qu’à mesure que les actions s’engagent, l’adhésiondes équipes va prendre une importance croissante dans la dyna-mique des 100 Jours.

Au-delà de ces points décisifs viennent d’autres priorités : lechoix judicieux de premières actions fortes, qui vont symbo-liser le changement et consommer la rupture avec le passé ;la garantie de l’aval du siège ; la nécessité de durcir le pland’action à court terme — qui souligne déjà le besoin, pour l’ef-fort de changement, de trouver son « second souffle » dansla durée.

Deux points enfin doivent être distingués : la simplificationdes lignes hiérarchiques et le souci de remettre en cause leshabitudes, qui s’impose comme la tâche la plus ardue du lot.Mais on peut noter que ces deux exigences de réforme géné-rale ne figurent pas parmi les plus importantes. Encore une fois,les dirigeants opérationnels cultivent le pragmatisme : ilstablent davantage sur des mesures ponctuelles et symbo-liques, capables d’imposer leur marque et de susciter desrelais parmi le personnel. Les transformations de fond ne vien-dront que plus tard.

_ S’ATTAQUER AU PLUS FACILE.

Le choix des premières actions revêt une importance touteparticulière pour l’image du dirigeant. La quantité et la vitessepriment : mieux vaut cumuler dix « idées à vingt sous » plutôtque d’attendre trois mois l’idée géniale. Il ne faut pas, nonplus, craindre de se tromper : « Better do the wrong thing thando nothing »

Plus que la pertinence à terme, la plupart des dirigeants recherchentavant tout la visibilité dans cette étape décisive. C’est pourquoi ilss’attaqueront en priorité au plus facile, en s’appuyant largementsur la médiatisation des premières victoires (« early wins »).

« Il faut médiatiser les victoires, même les petites. »

Ils savent que leur crédibilité, leur leadership vont se jouer surces premières décisions, perçues comme des affirmationssymboliques de leur volonté de changement.

« Il faut des actions « symboles » qui refléteront la personnalitéet les projets prioritaires du dirigeant. »

La dimension symbolique n'est jamais à négliger, et surtout pas dansles situations de crise qui appellent une mobilisation immédiate.Un signal fort, illustrant l'implication du dirigeant, permettra souventde faire passer les « vraies » mesures d'urgence :

« La réduction des coûts a été initialisée par quelquesmesures symboliques immédiates, telles que la suppressionde la salle à manger des dirigeants. En même temps, on aimmédiatement gelé les embauches et arrêté les interventionsde consultants trop présents et trop visibles. »

Comment découvrir les points de levier appropriés ? Le bon senset la capacité d’aller à l’essentiel l’emportent sur une analyseexhaustive de la situation.

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Le manager va surtout concentrer son attention sur les gise-ments d’amélioration ; les aberrations qui n’ont jamais étéréglées ; les décisions ou les clarifications que tout le mondeattend.

Il importe, en premier lieu, de stopper une éventuelle hémor-ragie financière : de mettre les engagements sous contrôle ;d’arrêter ou de différer les projets les plus coûteux.

« En général, on n’a pas beaucoup de choix pour ses pre-mières actions… L’essentiel, c’est déjà de fermer les robinetsles plus coûteux. C’est possible, on peut y parvenir rapide-ment, et les gens savent le faire. Il faut améliorer la situationd’une façon visible. »

L’identification des grands enjeux financiers de l’entreprise (les« 80/20 ») révèle ici son importance. Il s’agira, de même, derepérer les grands risques financiers et contractuels, les datesbutoirs à ne pas dépasser — pour dénoncer certains contrats,par exemple.

« Il faut décider : choisir les sites à fermer — et savoir s’y tenir,malgré les arguments toujours nombreux pour ne pas le faire… »

« Il faut en priorité s’assurer qu’il n’y ait pas un “feu”quelque part : par exemple, un contrat en signature et quipourrait avoir des conséquences graves. Il m’est aussi arrivéde découvrir une problématique de grands projets en cours :ERP, systèmes d’information, modèle logistique… Il a fallu com-prendre rapidement les enjeux, faire des choix, et arrêtercertains développement inutiles. »

Cela peut se faire malgré un reporting lacunaire. Pour le diri-geant expérimenté, la qualité de l’information chiffrée n’estpas essentielle dans cette première phase. Il arrivera presquetoujours à se faire une idée de la situation et des priorités —sur la base des informations chiffrées disponibles et des entre-tiens avec les équipes — et à dégager une première impressionqui s’avèrera souvent la bonne.

_ DEUX REPERES : LE CASH, LE CLIENT.

Le premier diagnostic du dirigeant recourra aux règles de gestionconnues, mais peut s’appuyer aussi sur quelques principes simples :

• Établir, après 2 à 4 semaines, un rapport personnel d’étonnement ;• Décrypter les flux physiques et financiers ;• Faire une cartographie de la Société et des processus transversaux ;• Repérer les dysfonctionnements, les points de blocage oules leviers d’accélérations dont on dispose ;• Comprendre la nature des avantages concurrentiels et privi-légier les investissements qui les renforcent ;• Se forcer à formaliser sa vision, ses réflexions et ses idées.On constate souvent que le plan approximatif fait par un diri-geant expérimenté au bout de 3 à 4 semaines alors qu’il nedispose encore que d’informations très parcellaires, s’avèrerafinalement exact à 95 % et constituera une base de référencepersonnelle très utile pour la suite.

Le bon sens, l’approche intuitive et le regard neuf du dirigeantpermettront de découvrir des améliorations jusque-là négligées.Le détail curieux, la « fausse note » d’un dossier peuvent suffi-re à débusquer un lièvre sérieux.

« Il ne faut pas sous-estimer les petits dysfonctionnementsou problèmes de qualité : ils sont souvent révélateurs de gise-ments d’amélioration importants. Si on vous dit, par exemple,que le taux de service à la clientèle est de 80 %, cela signifiesimplement que votre chaîne logistique ne fonctionne pas. »

Les dirigeants avec lesquels nous nous sommes entretenusdistinguent deux repères simples permettant de structurer leurdiagnostic : la trésorerie et le client.

C’est à partir de ces exigences qu’ils arrêteront leurs toutes pre-mières mesures, puis un premier plan d’action organisé —mais en se réservant la possibilité de redéfinir ce plan dans unavenir proche.

16 EIM - Les 100 jours

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17EIM - Les 100 jours

« A court terme (3 mois), tout centrer sur le “pognon” (priorité n°1)et les clients pour le chiffre d’affaires ; centraliser toutes les décisionscash — et en même temps, garder la pression sur le terrain opéra-tionnel et commercial. A moyen terme (6 à 12 mois), il faut des mesuressimples qui remettent en cause les modes opératoires pour unemeilleure efficacité opérationnelle, tout en débloquant des situationshistoriques et en faisant évoluer la mentalité des gens. »

« La première priorité est le respect du client : il doit être livréà l’heure, avec la bonne qualité... Il faut recentrer tout le tempsvers le client. »

_ UN PLAN A COURT TERME N’EST PAS UNESTRATEGIE !

Au delà des toutes premières mesures, on l’a dit, il faut un pre-mier plan de bataille. Un diagnostic doit être effectué au boutde 2 à 3 semaines ; les orientations, définies après 6 à 8 semai-nes ; la communication du plan, au bout de 2 à 3 mois. Lespremiers résultats seront visibles après 4 à 5 mois, c’est à direpeu après les 100 Jours.

Rester modeste et prudent est une préoccupation constan-te des dirigeants opérationnels, à l’heure où les premièresmesures prennent effet. Dans le feu de l’action, on a tôt faitd’hypothéquer l’avenir de l’entreprise, alors qu’on ne maî-trise pas encore tous les enjeux.

« C’est le moment où il faut éviter de dire qu’on a tout compris. »

C’est pourquoi le manager s’attache avant tout à maintenir le capsur des objectifs concrets et accessibles ; à donner une ligneclaire, sur laquelle il faudra communiquer sans cesse — en évitantsurtout de s’enfermer dans des axes trop rigides.

« Il s’agit d’identifier les grands enjeux pour afficher desaxes de direction clairs, avec des dates-clés, plutôt que d’en-trer dans les détails. »

« Il faut être clair sur le plan d’action opérationnel à courtterme ; pas nécessairement sur la stratégie — celle-ci peutchanger dans le temps. »

« La vraie “vision” pour le redéveloppement, la croissanceet la stratégie à long terme ne vient qu’après 2 à 3 ans. »

Un plan à court terme ne doit jamais se confondre avec une stra-tégie. Les dirigeants ont à cœur de préserver des marges demanœuvre, et de faire évoluer le plan d’action selon les besoins.

« Il faut avoir une certaine vision, mais il n’est pas néces-saire d’annoncer au départ une stratégie ; il faut se donner letemps de la fiabiliser progressivement, au niveau n ou n-1,avant de l’annoncer au reste de l’organisation — parfois beau-coup plus tard. »

« Priorité au premier mois : définir une nouvelle organi-sation, une première stratégie et des priorités à court termeet FAIRE REVER. »

« A court terme, surtout ne pas parler de stratégie ; quelqueslignes de force suffisent pour positionner le plan d’action sur unhorizon à un an maxi. La stratégie, il faut la faire sans la dire ! »

_ DU COURT AU LONG TERME.

Entre les toutes premières mesures, voire le premier plan d’action,et la stratégie orientée sur le long terme, l’élan du changementdoit trouver des relais dans le temps : sans quoi la dynamique des100 Jours est condamnée à s’essouffler prématurément.

« Quelles que soient les actions de réduction de coûts, il fautrechercher des axes de croissance qui seront les bases du futur. »

C’est pourquoi les dirigeants attachent une grande importan-ce à la nécessité de durcir les plans d’action. L’enjeu consisteà savoir faire déboucher les préoccupations de court terme surdes orientations à moyen et long terme ; et cela, tout en main-tenant vivace la « flamme » du changement.

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Faites vite : les premières décisions doivent se prendre sous trois semaines.

Allez à l'essentiel — les « 80/20 ». Focalisez- vous sur le cash et sur le client.

Corrigez rapidement les aberrations flagrantes.

Cherchez quelques victoires rapides.

Oubliez la « grande stratégie » à ce stade.

18 EIM - Les 100 jours

« On a su trouver le bon rythme : ne pas s'engager sur unredressement difficile à trop court terme, mais définir une “road-map” précise et jalonnée, grâce à laquelle on a pu démontrer trèsrapidement que les résultats intermédiaires étaient atteints. »

« Prendre garde à ne pas déstabiliser le court terme ; main-tenir le chiffre d’affaires pour éviter une spirale déflationniste. Ilne faut pas abandonner le terrain pendant la phase de réflexion. »

« Tout projet doit pouvoir avoir un premier impact à court terme (surun an maximum). Les dates clés à suivre sont toujours à moins d’un an.»

La tâche n’a rien d’évident : elle ne peut s’accomplir que dans ladurée. Mais il s’agit d’un enjeu que l’on se doit de garder cons-tamment à l’esprit. Il relève d’un dosage au cas par cas, où ledirigeant va s’efforcer de faire valoir son expérience.

« La difficulté, à ce stade, est de bâtir des plans d’action à courtterme sans oublier de prendre des décisions très importantes, maisqui n’auront un impact qu’à moyen-terme. »

Les opérationnels procéderont différemment en fonction de la situa-tion, de leur profil et de leurs préférences. C’est vers ce moment qu’ilspourront choisir, ou non, de recourir à un consultant extérieur pour arrê-ter les grandes lignes d’une action à moyen terme ou d’une stratégie.

Mais tous s’attachent à procéder « à petits pas », par ajustements progressifs quipermettront de dégager et d’affiner la perspective stratégique, à mesure que lechangement s’enclenche et que leur compréhension de l’entreprise se précise.

« Le détail des plans d’action s’est fait avec l’aide d’unconsultant extérieur, un petit cabinet qui connaît bien le Groupe.Le pointage de ce plan s’effectuait tous les 15 jours à chaqueCODIR, et avec le consultant extérieur pendant trois mois. »

« Il faut un plan à moyen terme assez rapidement, quitte àle modifier au fur et à mesure ; ce plan est élaboré avec unpetit noyau marketing / finance et le support d’un cabinet deconseil extérieur ou, au moins, à partir d’une étude antérieurefaite par un investisseur.»

_ EN RESUME : CINQ REGLES D’OR POURIDENTIFIER LES PREMIERES ACTIONS.

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CLE N°4 : CONTROLER ET MESURER LES ACTIONS.

Importance

CONTRÔLER ET MESURER LES ACTIONS

3

10

9

8

7

6

5

4

DES INDICATEURS DE SUIVI SIMPLES ET CLAIRS

FIABILISER LES PRÉVISIONS

Difficulté

109876543

METTRE LES ENGAGEMENTS SOUS CONTRÔLE

CONTRÔLER LE CASH

IDENTIFIER ET SURVEILLER LES GRANDS LEVIERS ÉCONOMIQUESFIABILISER LES OUTILS EN PLACE

SÉCURISER ET RENFORCER LE CONTRÔLE DE GESTION

19EIM - Les 100 jours

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20 EIM - Les 100 jours

Après avoir choisi les premières mesures immédiates, puis défi-ni un plan d’action plus construit, reste à obtenir des résultats.

« Le point clé, c’est de bien exécuter, avec discipline etrigueur, les premières actions qui ont été décidées en suivantles priorités qui ont été affectées. »

« Avoir son plan d'action sous les yeux et cocher les cases l'uneaprès l'autre : “click the box”, c'est la bonne façon d'avancer. »

Pour cela, il faut mettre l’entreprise sous tension et instituer un systèmede suivi, en s’appuyant sur quelques indicateurs simples qui aideront laconduite des affaires ; les prises de décision ; la mesure des progrès.

Dans l’ensemble, le contrôle des actions est perçu comme la clé la plusdifficile à mettre en œuvre de toute notre enquête : cela s’illustredans le positionnement des différentes composantes sur le graphique.

Au point de vue des priorités, les décideurs ne privilégient pasnettement l’une ou l’autre composante : tout a son importance.Mais la priorité n°1 reste la mise au point d’indicateurs simples,clairs, partagés par tous.

Au-delà de cette exigence, les mesures se répartissent en deux grou-pes distincts. D’une part, il y a celles qui concernent le contrôle généralde la trésorerie — le cash, les engagements et la surveillance desgrands leviers économiques. Ces points sont importants mais neparaissent pas poser de difficulté particulière aux dirigeants.

D’autre part, on trouve les mesures qui touchent à l’améliorationdu reporting et de la justesse des estimations financières : fiabili-sation des outils en place, du contrôle de gestion et des prévisions.Ces trois derniers points se caractérisent par une difficulté très éle-vée (entre 7 et 8) : ce sont en fait les trois notes les plus hautes denotre enquête. Autant dire qu’en la matière, la compétence desdirigeants trouve son challenge le plus redoutable.

« Sans un contrôle efficace, pas de décision possible ; etdonc, pas de progrès envisageable. »

_ FAIRE SIMPLE.

Le contrôle et le suivi des actions est en effet le moyen privilégié parlequel les premières mesures, décidées en urgence, vont pouvoir sepérenniser en un plan à long terme ; en conservant, au quotidien,l’impulsion du changement dans l’organisation — et avec le soutiend’un commanditaire que rassurent des résultats concrets.

Tous les dirigeants que nous avons interrogés insistent surl’importance de bons tableaux de bord. C’est une nécessitéd’autant plus forte que cette information, en général, leur faitdéfaut. Les difficultés qui ont rendu nécessaire une réorienta-tion majeure, et provoqué la venue du nouveau dirigeant,trouvent souvent leur source dans des indicateurs trop com-plexes, qui n’ont pas signalé à temps les risques.

« Comme les outils ont été défaillants, il faut en utiliser d’autres, sansdoute plus approximatifs — mais plus expéditifs et plus globaux. »

« La priorité doit être donnée au contrôle de gestion — mais en par-tant des bases qu’on connaît. Tant pis si elles sont imparfaites au départ.»

Il s’agit donc de réformer les indicateurs existants, dans le sensdu pragmatisme.

« Éviter de faire trop de papier. »

La simplicité l’emporte sur le souci du détail : elle est utile nonseulement pour se faire une idée synthétique de l’évolutiondes choses, mais encore pour communiquer clairement surcette évolution. Ce premier tableau de bord pourra se trouveraffiné dans un deuxième temps.

« Un bon tableau de bord, c’est une page et 3 tableaux de chif-fres. Au pire, comme dans le cas d’Air Liquide avec ses 500usines, on peut aller jusqu’à 7 tableaux ; pas davantage. »

« Établir des indicateurs de suivi personnalisés et pas très sophistiqués:on n’a pas le temps d’aller dans le détail au départ. Au bout d’un an, ona travaillé avec des indicateurs plus élaborés : qualité, efficience, etc. »

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_ REPERES.

Que va-t-on regarder ? Essentiellement, quelques grands indi-cateurs reflétant la santé financière de l’entreprise : coûtsd’activité, engagements, effectifs et intérimaires ; mais aussi desdonnées simples, destinées à jauger la valeur ajoutée de l’en-treprise (niveau de service, par exemple).

En fait, on retrouve ici les grands repères évoqués précédem-ment — trésorerie et client — qui seront appliqués à la mesured’un plan de marche volontairement simplifié.

« Il faut des indicateurs-clés qui ne soient pas seulementfinanciers, mais aussi des délais, des jalons, afin de juger de l’ef-ficacité et de la pertinence de la mise en œuvre. Des indicateursopérationnels et simples : le turn-over dans l’équipe ; la fidé-lité des clients-clés, etc. »

« …Des indicateurs de suivi simples et basiques, pour mesu-rer le degré de mise en œuvre du plan d’action (exemple : à telledate, il a fait 60 % de ce qu’il avait dit). »

A partir de ce tableau de bord, le suivi et le feedback vont s’o-pérer dans deux domaines : la gestion financière et lesressources humaines.

_ MAITRISER LA TRESORERIE.

La priorité concerne souvent le cash ; c’est parfois une condi-tion de survie. Il faut donc mettre rapidement sous contrôle latrésorerie : elle est parfois tout bonnement ignorée dans laculture et les habitudes de l’entreprise.

C’est un domaine dans lequel on peut rapidement obtenir desrésultats en renforçant, par exemple, les actions suivantes :

• Suivi et réduction des stocks,• Suivi des comptes clients et des impayés,• Mise en place de procédures préventives de recouvrement,

• Contrôle des délais de règlements fournisseurs (il arrive qu’ilssoient payés absolument sans délai, pour de mauvaises rai-sons de « commodité »),• Mise en place d’une trésorerie prévisionnelle.

Il faut aussi réduire les coûts et, si la situation l’exige, ne pashésiter à « tailler au sabre » dans les budgets.

« Il faut arrêter déjà tous les investissements pendant 100jours, pour faire ressortir les dossiers les plus critiques. »

Dans les premières semaines, le dirigeant n’a qu’une vue par-tielle de la situation et de ce qui peut être exactement fait ; illui faut néanmoins agir.

Encore une fois, il est possible de prendre des premières déci-sions à peu près justes sur des données financièresimprécises — à condition de reconnaître leurs aspects aléatoi-res, et leur marge d’erreur possible.

Il est également nécessaire de mettre sous contrôle les dépen-ses, en redéfinissant les procédures d’engagement et designature. On pourra, par exemple, faire remonter d’un cranhiérarchique tous les niveaux d’autorisation. (A l’inverse, si lesdirecteurs sont submergés par les signatures, la solution peutconsister à responsabiliser le niveau n-2 sur certaines déci-sions d’engagement, dans le cadre d’enveloppes définies etd’objectifs de réduction de coûts globaux.)

_ DURCIR LES PLANS D’ACTION.

Le pilotage des actions dans le temps demeure le plus diffici-le. Pour y parvenir, le dirigeant va s’efforcer de mettrel’entreprise sous tension en définissant des objectifs ambi-tieux, mais réalistes, assortis de responsabilités claires, quipourront faire l’objet d’un suivi rapproché.

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Faites avec l'existant, et faites simple : des indicateurs basiques, clairs, communs, compréhensibles par tous.

Mettez sous contrôle le cash et les engagements de dépenses.

Sachez durcir les plans d'action : des responsabilités précises, un suivi rapproché.

22 EIM - Les 100 jours

Son engagement personnel et la forte pression qu’il exercerasur la réalisation effective des actions décidées seront essen-tiels pour la réussite.

« Je retiens deux dimensions pour le contrôle et la mesure : l’at-tention exigeante à quelques indicateurs simples (le niveau deservice, par exemple) ; et un engagement exemplaire du diri-geant sur le terrain : pour l’opérationnel, c’est essentiel. »

Il importe d’imprimer un rythme soutenu au cycle actions/résultats/contrôle. L’échéance budgétaire annuelle ne peutsuffire à un suivi rapproché ; aussi les dirigeants resserrent-ilsl’horizon des plans d’action au semestre ou au trimestre, pri-vilégiant la notion de budget roulant : l’impératif de la réactivitél’emporte sur celui de la prévision.

« Le reporting est plus fondamental que le budget. »

Les décisions-clés pourront faire l’objet d’objectifs et d’un suivihebdomadaires : les 3 actions réalisées, les 3 échecs ou diffi-cultés rencontrés, les 3 priorités pour la période suivante.

Ce suivi peut être adossé à un système d’évaluation simple à courtterme, avec prise en compte du comportement, et influençant lesbonus. L’enjeu étant de clarifier le lien entre les actions don-nées à chacun et leur impact global sur la marche de l’entreprise.

« Il est aussi important de faire le lien entre les actions ter-rain et les résultats du P&L ; il faut beaucoup communiquer àce niveau-là. »

_ EN RESUME : TROIS REGLES D’OR POUR LE CONTROLE ET LE SUIVI.

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CLE N°5 : ADAPTER LES STRUCTURES.

ADAPTER LES STRUCTURES

3

10

9

8

7

6

5

4

ADAPTER L'ORGANIGRAMME

PARTAGER UNE INFORMATION LISIBLE

Importance

Difficulté

109876543

RÉORGANISER LES RÉUNIONS DE DIRECTION

OBJECTIFS INDIVIDUELS DES CADRES CLÉS

DISCIPLINER LES AGENDAS, LE SUIVI

CRÉER DES GROUPES DE TRAVAIL

AJUSTER LES RÉMUNÉRATIONS

23EIM - Les 100 jours

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24 EIM - Les 100 jours

Au bout d’un mois, les premiers chantiers ont été lancés ; lesgrandes orientations, prises ; les priorités à court terme, définieset communiquées. Le virage se négocie, grâce à un plan demarche et à un contrôle rénové des actions.

Le suivi du plan de marche, l’adaptation progressive desstructures vont contenir le risque de voir la dynamique dechangement s’essouffler ; cette adaptation pourra aussi venirappuyer la vision stratégique lorsque celle-ci aura été précisée.

A l’inverse, le principal piège des 100 Jours consiste à vouloiravancer trop vite ou trop tôt sur des dossiers structurels lourdset complexes, qui mobiliseraient trop de ressources sansrésultat immédiat.

« A ce moment, il faut faire très attention de ne plus rien diresur le sujet : ne surtout pas ajouter à la complexité de ce quel’on souhaite mettre en place, alors que le processus decompréhension, d’adhésion et d’intériorisation n’est pascomplètement terminé. »

Le tableau consacré à ce domaine illustre une telleproblématique. Sept compartiments s’en dégagent, parmilesquels ceux qui impliquent des réformes approfondiesreçoivent les notes de priorité les plus basses. Il est clair queles dirigeants ont choisi, pour cette période-clé, de s’écarter desdomaines délicats tels que l’évolution des politiques deressources humaines et l’ajustement des rémunérations.

Est, en revanche, mis en avant un premier groupe d’actions quipeuvent avoir un impact immédiat sur le fonctionnement del’entreprise : révision de l’organigramme ; mise en place degroupes de travail — des task forces, dans un esprit« commando » ; formalisation plus rigoureuse des réunions,minutes, planning et suivi.

Plus importantes encore, à ce stade des 100 Jours, sont lesactions de proximité qui relèvent de la sphère directe des diri-

geants : faire partager une information lisible — budget, repor-ting, etc. ; réorganiser et animer les réunions de direction ; fixerun programme d’objectifs individuels pour les cadres-clés del’organisation.

_ NE PAS BOULEVERSER LES SYSTEMES.

Concernant l’adaptation des structures, le discours des diri-geants se veut prudent. Certaines corrections peuvent serévéler nécessaires dans le cadre des 100 Jours — mais parpetites touches uniquement. Une réforme approfondie dessystèmes existants suppose des coûts en temps en en éner-gie qui se révèlent contre-productifs, voire prohibitifs.

« On ne peut pas remettre en cause les systèmes pendantcette période : c’est trop court. »

Mieux vaut garder ses ressources focalisées sur la réalisation desobjectifs à court terme et sur l’obtention de victoires immédia-tes. On remettra à plus tard les projets ambitieux, dont lesrésultats ne peuvent être obtenus que dans la durée.

« On n’a pas le temps de créer de nouveaux systèmes ; il fautdonc travailler avec l’existant et l’élaguer ou le simplifier. Parexemple, se doter d’un même reporting pour tous et pour tou-tes les usines. »

Les investissements lourds, les actions de fond sur les struc-tures et systèmes viendront ensuite, lorsque les premièresmesures immédiates auront porté leurs fruits, que l’élan auraété donné et enfin, que la stratégie aura été précisée.

« Les changements ne viendront que plus tard, et progres-sivement, suite à l’identification des risques. »

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_ LES POLITIQUES DE RESSOURCES HUMAINES.

Cette prudence en matière de systèmes d’information vautaussi pour les systèmes de ressources humaines, qui sont d’unegrande sensibilité. Pour la majorité des dirigeants, il vaut mieuxs’abstenir de remettre en cause la politique de rémunérationdurant cette période de changement accéléré. Le « coup debalai » est une tentation dangereuse.

« Mieux vaut ne pas trop remuer la dimension sociale audépart (rémunérations, par exemple). »

Quelques-uns s’y risquent, mais davantage pour corriger uneaberration flagrante, ou dans une perspective d’incitation — etface à un constat d’urgence largement partagé. En d’autres cir-constances, le jeu n’en vaut souvent pas la chandelle.

« Nous nous en sommes tenus à quelques décisions simples etimmédiates d'organisation, rendues nécessaires par la crise. Elles ont permis de créer une sorte de rupture, de réduire les coûts etde refocaliser les divisions sur leur stratégie. Nous avons réduit pardeux le nombre de business unitset supprimé un échelon inutile. Dansles six premiers mois, nous avons également centralisé et regroupécertains services support : Finances, Ressources Humaines, etc. »

En ce qui concerne la formation, on délaissera les programmeslourds au profit d’initiatives à court terme, visant à communi-quer à ses équipes quelques outils et méthodes simples. Uneformation sur le terrain et par l’exemple peut suffire à donnerles bons réflexes opérationnels : conduite de projet, suivi desplans d’actions, analyse Pareto ou 80/20…

_ ÉCLAIRCIR, FLUIDIFIER.

Les « actions lourdes » ayant été mises de côté, il faut privilégierune adaptation progressive en se concentrant sur des objectifssimples, qui permettront de mettre en tension l’entreprise :

• une bonne circulation de l’information ; • l’évaluation des hommes, l’animation des réunions de direc-tion et l’établissement de la confiance ; • la définition d’objectifs individuels ou collectifs.

Plutôt que des réformer les systèmes et pratiques existants, ils’agit de les amender — juste assez pour permettre le contrôleet le suivi des actions tel qu’il a été défini précédemment.C’est la mesure que le dirigeant va donner à ses ambitions ;c’est elle qui guidera ses exigences les plus fortes vis-à-vis deses collaborateurs.

Ce souci d’amélioration peut conduire à une simplification del’organigramme, en éliminant les postes redondants ou les pro-fils inadaptés.

« Mes premières actions ont été de m’assurer du concoursdes deux hommes-clés que sont le DRH et le CFO ; tous deuxétaient déjà en place. Au bout de 45 jours, une vingtaine device-présidents (n-1, n-2) étaient “sortis” au niveau mondial.Et l’on a réorganisé le groupe par divisions opérationnelles(marchés ou clients) au lieu de l’ancienne organisation parproduits — où certaines divisions se retrouvaient en concur-rence chez les mêmes clients… »

La plupart des dirigeants que nous avons interrogés ont sim-plifié les structures, mais dans un sens pragmatique, pourpallier une urgence concrète et non pour réviser la hiérarchiede fond en comble. Leurs interventions, sur ce point, ont étévolontairement limitées.

Ensuite, un tableau de bord opérant ayant été constitué, il s’a-gira de donner toute priorité à la diffusion et à la clarté del’information. Ici, encore une fois, le reporting est plus impor-tant que le budget.

« Toutes les mauvaises nouvelles doivent remonter en priorité. »

25EIM - Les 100 jours

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_ INFLECHIR LES REGLES DU JEU.

A partir de là, il faut obtenir l’engagement des collaborateurssur des objectifs concrets, et les faire adhérer au changement.

L’impulsion part du Comité de Direction : c’est à ce niveau quela dynamique de changement pourra trouver ses « missionnaires »et ses relais.

« Il faut une transparence totale avec le Comité de Direction. »

Une réorganisation des réunions de direction, pour les disci-pliner, est à la fois une aide précieuse et un signal fort.

« Sans bousculer tout l’édifice, on peut du moins rendre cesréunions plus efficaces. »

C’est aussi l’occasion de donner pour le dirigeant de nouvellesrègles du jeu, fondées sur une confiance réciproque tout autantque sur l’exigence de résultats.

« Je mets en avant trois règles du jeu : la transparence ; l’er-reur est possible, mais pas deux fois de suite ; on est dedans,ou bien dehors. »

« S’il n’y a pas de crise, créez des crises. »

Reste à suivre régulièrement les actions entreprises, tout enmaintenant la motivation. Cela passe par un programme d’ob-jectifs concrets et quantifiables, d’où découlera une évaluationvéritable des hommes.

C’est un point parfois négligé, mais pour lequel l’entretien à luiseul ne suffit pas : le dirigeant doit s’appuyer sur des outils, s’as-treindre à formaliser son regard.

« L’évaluation des hommes, c’est primordial ; mais il faut lefaire plutôt que de le dire ! Il faut entreprendre une évaluationformalisée des cadres-clés, même à court terme. »

_ MOTIVER LE GROUPE / L’INDIVIDU.

Pour amender les structures, « fluidifier » le changement, il n’ya pas de recette toute faite. En fonction des situations et deleur personnalité, les dirigeants vont privilégier telle ou telleapproche, mais toujours dans le même objectif : parvenir àmobiliser tout en impulsant le changement le plus vite possible.

C’est pourquoi leurs avis sur ce point se révèlent convergents,mais nuancés. Certains préfèrent, à ce stade, ne donner que desobjectifs collectifs, pour rechercher l’adhésion du groupe ;d’autres, au contraire, s’appuieront sur des programmes indi-vidualisés, jumelés à une politique d’incitation.

Les positions sur la question des groupes de travail reflètent lemême balancement. Tous les dirigeants s’accordent à en sou-ligner l’importance, mais ils peuvent en avoir des conceptionsdivergentes. Les uns les verront comme des « cellules de crise »et y recourront dans un « esprit commando », avec le soucid’obtenir des solutions rapides.

« Le plus important est d’adopter un esprit “commando”pour aller plus vite et construire un avenir meilleur ; c’est pour-quoi, chez Valeo, on n’a pas trop utilisé les groupes de travailplus étendus. Il ne faut pas non plus hésiter à adapter rapide-ment l’organigramme et à éliminer les personnes inadaptées. »

D’autres soulignent les risques de clivage que soulève cette approche :

« Les groupes de travail sont très utiles, mais il faut s’assurerque 100 % des acteurs soient dans le coup. Une task force doitservir de relais d’information et d’accélérateur du mouvement ;pas de cloison ni de système de confiscation de l’information.Si les gens attendent bien sagement que la task force prennela décision, alors cela ne va pas. »

Dans ce cas, l’accent se porte davantage sur les aspects fédé-rateurs, ou fonctionnels, de l’initiative. Le groupe de travail est

26 EIM - Les 100 jours

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Corrigez rapidement sans faire la révolution : il n'y a pas le temps de changer les systèmes.

Une information simple et partagée ; des objectifs à court terme, qu'il faudrafaire respecter.

Éliminez tout ce qui bloque le plan de marchesans s' attaquer aux problèmes de long terme.

Mettez des groupes de travail sur les problèmes concrets et pressants.Suivez les hommes, évaluez-les, motivez-les.

27EIM - Les 100 jours

alors compris comme une entité plus large, dont les avancéessont appelées à se diffuser à l’organisation dans son ensemble.

« Il est important de créer des groupes de travail, mais il fautplutôt donner un esprit de “process”, avec un tempo rapide,qu’un esprit “commando”. Chaque cadre dirigeant doit avoir desobjectifs individuels précis et réalistes (80 % sont quantifiés)avec une part variable de rémunération pouvant aller jusqu’à50 % du fixe. »

Mais les écarts de ces positions reflètent surtout les momentsdifférents qui scandent une problématique commune. Les grandsobjectifs des dirigeants opérationnels sont au fond les mêmes.Ils concernent la dynamique de changement au sein de touteentreprise, qui repose sur le dialogue incessant entre l’excel-lence individuelle ou bien la force collective. Selon le moment,le contexte et son style propre, chacun ne fait que favoriserlégèrement l’un ou l’autre de ces pôles.

_ EN RESUME : QUATRE REGLES D’OR POURADAPTER LES STRUCTURES.

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28 EIM - Les 100 jours

CLE N°6 : COMMUNIQUER SANS CESSE.

MAÎTRISER LA COMMUNICATION

3

10

9

8

7

6

5

4

FÉDÉRER LES ÉNERGIES

DONNER DU SENS À L'ACTION

UNE VISION ÉPURÉE

Importance

Difficulté

109876543

COMMUNIQUER LES PLANS D'ACTION, LES RÉSULTATS

LÉGITIMER LE CHANGEMENT

EXPLIQUER LA STATÉGIE

COMMUNIQUER À L'ÉCHELLE INDIVIDUELLE

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29EIM - Les 100 jours

On ne boucle pas ses 100 Jours en se focalisant uniquement surles éléments chiffrés et techniques. La communication est lapierre angulaire du changement et, pour le dirigeant, une exigenceincessante, dès la première minute de sa prise de fonctions.

La question : « Pourquoi êtes-vous là ? » se posera immédia-tement. Il faut être prêt à y répondre.

Nos entretiens font émerger sept composantes de la communi-cation ; leur position sur le tableau, tout en haut de l’échelledes priorités, montre l’importance décisive que lui prêtent les diri-geants opérationnels. La communication figure, à égalité avec leleadership, au tout premier rang de leurs préoccupations. C’estaussi l’un des deux domaines jugés comme les plus difficiles.

_ CHAQUE POINT COMPTE.

Exprimer une vision simple et épurée est sans doute la missionla plus urgente du dirigeant en la matière, et sa vocation la plusnaturelle. Mais il existe d’autres actions très importantes, pourlesquelles il aura du mal à trouver des relais.

En tant que promoteur du changement, il est le mieux placé pourlégitimer les nouvelles orientations et pour communiquer lesplans d’action, ou commenter les résultats. Il faut que chacuncomprenne où l’on veut aller, quelles sont les priorités et com-ment sa propre action s’inscrit dans le plan d’ensemble. Audelà d’un rôle de communication positive, il s’agit aussi d’exer-cer une « pression aux résultats » — et de mettre chacun devantses responsabilités. A condition que l’on dispose d’un plancohérent et d’une vision claire, cela n’est nullement contradic-toire avec la motivation des troupes : au contraire, les équipes,en particulier dans les secteurs industriels, apprécient d’être pri-ses en main et dirigées.

Son rôle de fédérateur rend aussi le dirigeant partie prenantepour expliquer la stratégie, rassurer sans minimiser les diffi-

cultés, donner du sens à l’action. Sans « brûler ses cartou-ches » dès le début, il devra organiser une découverte et uneappropriation progressive des mesures de changement, sou-tenues par les premières actions concrètes.

Enfin, il doit s’efforcer de communiquer en face à face, en se cen-trant sur les gens et leurs enjeux personnels, et non sur de« grandes idées » ; mais aussi de fédérer les énergies, en favo-risant un langage commun, un esprit de tribu — c’est la tâchela plus difficile du lot.

« Dans ce domaine, tout est important. Il faut légitimer lechangement et expliquer le pourquoi des choses ; donner dusens à l’action et à l’effort ; fédérer les énergies ; savoir aussifixer un calendrier d’événements précis — et s’y tenir. »

Or plusieurs caractéristiques se conjuguent pour accroître la dif-ficulté du challenge.

_ LA COMMUNICATION NE SE DELEGUE PAS.

En premier lieu, la communication ne se délègue pas, ou alorstrès difficilement. Le dirigeant incarne l’entreprise, à plus forteraison dans les situations où elle se sent fragilisée : et le chan-gement, qu’il découle ou non d’une crise, en est une.

Les relais sont toujours possibles dans certaines situations etpour certains contenus : mais ils demeurent malaisés.

« C’est un point très important pour le dirigeant. Sonmanque de disponibilité l’oblige à prendre des relais, ce qui estdifficile à faire. »

Il faudra jongler avec les contraintes de son agenda. Il y aurades choix à faire, des compromis qui ne se résoudront quepartiellement, grâce au leadership et à la crédibilité personnelledu dirigeant.

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30 EIM - Les 100 jours

Le choix judicieux d’une équipe rapprochée ; la transparence aveccette équipe ; la clarté du plan d’action sont autant d’élémentsqui peuvent favoriser l’émergence de relais.

« Le dirigeant doit former rapidement des missionnairesqui prendront le relais de son action de communication surdes thèmes-clés, simples et ciblés, facilement communica-bles et mesurables. »

_ NE NEGLIGER AUCUN ACTEUR.

En deuxième lieu, la communication s’étend à toutes les dimen-sions de l’entreprise : le personnel et ses représentants, lesclients, les fournisseurs, les pouvoirs publics, les actionnai-res — voire les financiers en cas de situation tendue.

Mais cette attention à chaque acteur n'implique pas de cloisonnerles discours : au contraire, le souci de cohérence reste constant.

« Les communications interne et externe ne peuvent être dis-jointes. Ce que l'on dit à l'extérieur est très écouté en interne,et réciproquement. »

Chaque dimension a son style et ses exigences propres ; aucu-ne ne peut être négligée sans risque.

« La communication, il faut d’abord en donner, dans latransparence, en parlant vrai ; et savoir en donner à chacun :Comité d’Entreprise, clients, fournisseurs, actionnaires. »

« La communication doit couvrir toutes les dimensions : lesactionnaires, le personnel, les clients et les fournisseurs. »

Il faut rapidement se montrer capable d’adopter la culture et lelangage de l’entreprise.

« Ne pas trop faire référence à ses propres expériences pas-sées, ce qui est en général mal ressenti. »

Jouer le jeu avec les syndicats et le CE — sans pour autant leurfaire confiance, se révèle en général payant. Il faut se montrerpédagogue, assez franc et rigoureux :

« On a très vite mis en place une instance de dialoguestratégique avec les syndicats. Ils ont pu prendre plus viteconscience de la crise, et saisir notre projet pour éviter lepire. On a donc signé un accord de méthode qui a permis dene pas perdre de temps sur les réductions d'effectifs devenuesindispensables. »

• Vis-à-vis du commanditaire (siège, actionnaire), il faut d’abordrassurer, sans donner l’impression fausse que tout sera facile ;puis communiquer progressivement, et très régulièrement.L’importance cruciale d’un reporting constant est l’une desgrandes leçons de terrain du Management de Transition. EIM,en mission, y répond à travers sa démarche de la relation tri-angulaire, qui maintient une interaction constante et rapprochéeentre le Manager de Transition, le Conseiller EIM et le Client.• Vis-à-vis des clients, des fournisseurs ou des banques, les prio-rités sont voisines : l’enjeu immédiat est de rassurer avanttout ; l’enjeu latent, de signifier clairement que les choses vontchanger — et se ménager des marges de manœuvre pour d’é-ventuelles négociations.

« Une road-map précise, un discours opérationnel et transpa-rent ont permis de rassurer les financiers, qui étaient trèssceptiques au départ. »

_ FAIRE SIMPLE ET CONCRET.

Simplifier la présentation des enjeux ; exprimer une vision claire,fédératrice et orientée vers les enjeux directs de ses destinatai-res (personnels ou clients) sont des conditions sine qua non pouremporter la conviction. C’est d’autant plus vrai dans une situa-tion difficile, où la capacité du dirigeant à débrouiller les questionsdevient un gage direct de sa crédibilité.

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31EIM - Les 100 jours

« Le plus important est d’expliquer la stratégie, et la justi-fier tout en la simplifiant au maximum ; il faut savoir aussil’expliquer aux clients. Entraîner les gens vers un objectif debusiness global qu’ils comprennent. »

Faire simple, c’est aussi rester au « ras des pâquerettes » — et loin desslogans creux. Les grand-messes sur la vision et les valeurs ne passentplus. Dans une situation tendue, les gens ne se soucient pas de cons-tructions théoriques ou de formules tranchées, mais de leur employabilité.

« Il faut communiquer simplement une vision, et non pas com-muniquer une vision simple ; éviter les slogans trop simplistes ; etgarder à l’esprit que les objectifs de communication durant les 100Jours ne sont pas forcément les mêmes en externe qu’en interne —où la priorité absolue est de créer une dynamique collective. »

Les valeurs et slogans, cent fois entendus, se révèlent d’autantplus dangereux qu’ils réclament une connaissance en profon-deur de l’entreprise pour être maniés comme il convient.

« Faire passer des messages globaux mais clairs ; éviter lesslogans ; éviter de parler des valeurs — on peut se tromper là-dessus. Rester très concret et simple. »

« S’abstenir de parler de “valeurs” qui ne résistent pas auxpressions économiques et commerciales ; plutôt se concentrer surdes règles du jeu et du comportement. Cela permettra de changerprogressivement la culture — mais bien après les 100 Jours… »

Il s’agit de mettre en place les bases d’une entente où la parole dudirigeant, loin de toute langue de bois, établira sa crédibilité.

« Il n’y a pas de règle pour les relations sociales : il faut s’a-dapter à chaque situation… Mais en veillant à toujours restéaligné, en cohérence, avec les actionnaires et le Groupe. »

Ce souci d’entente et de légitimité implique de penser aussi àdéminer les malentendus éventuels :

« Il faut communiquer aussi sur son mode de travail personnel…Par exemple, prévenir qu’on n’a pas l’habitude de serrer les mains. ».

_ DU BON EMPLOI DE LA FRANCHISE.

En termes de communication, la franchise est probablement lemeilleur atout du dirigeant qui prend ses fonctions : non seu-lement il sera entendu, mais encore c’est exactement le langageque l’on attend de lui.

Dans une mission de Transition typique, un manager forte-ment aguerri arrive en poste dans un contexte parfois trèstendu : or son constat objectif, pragmatique, exprimé sansménagement et dans une langue qui n’est pas celle de l’en-treprise, parvient à gagner la confiance et l’adhésion d’équipesque l’on croyait définitivement braquées. Son bagage opéra-tionnel, mais aussi son simple statut de nouveau venu lui ontpermis de dire ce qui restait inaudible : et c’est, pour tout lemonde, un soulagement.

« La priorité est de parler vrai en faisant passer une certai-ne empathie. En parlant vrai, on crée sa propre légitimité. Il fautsavoir, aussi, faire parler les gens à partir de leur position plu-tôt que de la nôtre. »

Ce bénéfice correspond au fameux « état de grâce » des 100Jours : il ne faut surtout pas en négliger l’impact. Un discours devérité sera d’autant plus apprécié que l’urgence est forte ; et leséquipes s’y montrent en général plus résilientes qu’on ne croit.

« Pour établir la confiance, il faut de la transparence, de laclarté et de la simplicité. Dire les choses telles qu'elles sont,dire ce que l'on va faire et faire ce que l'on a dit. »

Mais la position du « redresseur » n’est tenable qu’au plusextrême de la crise. Sitôt les premiers risques contenus, la bru-talité devient démobilisatrice et contre-productive.

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32 EIM - Les 100 jours

Communiquez, communiquez, communiquez !

Soyez simple, concret, proche du terrain. Ni grand-messe ni grand discours : restez modeste, n'abusez pas de l'héritage ni des valeurs.

Annoncez ce qui sera suivi ; sinon mieux vaut se taire.

Parlez vrai, mais sans brutalité ni naïveté. Incarnez la communication ; faites preuvede pédagogie. Trouvez un équilibre entre les propos qui rassurent et ceux qui ques-tionnent.

Il importe donc de savoir doser ses annonces : certaines déci-sions ne peuvent pas être assenées brutalement, maispré-vendues. Pour préparer les esprits, il sera parfois utile delaisser filtrer quelques informations.

Enfin, parler vrai ne signifie pas tout dire, et à n’importe qui.La posture de franchise implique au contraire, de la part dudirigeant, un surcroît de précaution.

La pédagogie, mais aussi le souci de montrer constammentque les choses avancent, impliquent de ne révéler son pland’action que progressivement. Rien de plus démotivant pour lepersonnel que de penser qu’au delà de grands discours et d’uneagitation de surface, tout va rester comme avant.

La franchise est aussi un pacte tacite, sur lequel se fonde lacrédibilité du dirigeant. Il ne peut pas tout dire — et devradonc, sur certains points, garder le silence (et non mentir). Larègle d’or consiste à ne promettre que ce que l’on peut tenir.

« S’il existe un agenda caché, par exemple une possiblefermeture à long terme, on devra demeurer très prudent sur lacommunication ; ne surtout pas s’engager sur des choses quine seront pas suivies. »

_ EN RESUME : QUATRE REGLES D’OR DE COMMUNICATION.

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CLÉ N°7 : ASSEOIR SON LEADERSHIP.

ASSEOIR SON LEADERSHIP

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SE CONCENTRER SUR L'ESSENTIEL

Importance

Difficulté

109876543

FAIRE CONFIANCE ET DÉLÉGUER

AGIR VITE, SAVOIR SURPRENDRE

MAÎTRISER LES LEVIERS- CLÉS, BOUSCULER LES CONVENTIONS

S'IMPOSER PAR SA CRÉDIBILITÉ

ENTRER PONCTUELLEMENT DANS LES DÉTAILS

PROJETER UN ÉQUILIBRE PERSONNEL

33EIM - Les 100 jours

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Le leadership compte, avec la communication, parmi les toutespremières priorités des dirigeants. En son absence, estiment-ils, le changement n’est tout simplement pas possible.

« Les 100 Jours ne peuvent pas se faire sans un leader ; il doits’imposer par son charisme, ses compétences et sa vision. Sa prio-rité est d’être un fédérateur : l’autorité n’est pas indispensable. »

Or le pouvoir ne se donne pas, il se prend : pour changer le cours deschoses, au sein d’une organisation complexe, le dirigeant devra très vitedélimiter son territoire. Il lui faut gagner la confiance pour obtenir lesinformations et le soutien nécessaires. Au-delà, il devra donner rapi-dement les gages de sa crédibilité. Son attitude, ses talents relationnels,sa capacité à s’intégrer dans le fonctionnement de l’organisation touten la réformant progressivement seront les clés du succès.

Il n’y a pas vraiment de méthode pour asseoir son leadership :le domaine se cultive difficilement. L’autorité — qui ne se confondpas avec l’autoritarisme — découlera naturellement de l’actionpoursuivie tout au long des 100 Jours. C’est la conséquence desmesures concrètes que nous avons décrites ci-dessus.

« Le leadership, ce n’est que le résultat des points précédents :ça se fait tout seul ou ça ne se fait pas. »

« C’est plus une question d’autorité que de pouvoir. L’autorité vientpar la compétence, mais surtout par le contact et la communication ; lepouvoir découle logiquement de l’autorité ; et il vient par délégation. »

Cela dit, il existe des champs d’action privilégiés qui devraientpermettre au dirigeant d’établir, sur des bases concrètes, sonautorité personnelle.

_ DONNER L’EXEMPLE.

Sept compartiments se distinguent dans le dépouillement denotre enquête : crédibilité ; focus ; maîtrise des leviers-clés del’entreprise ; capacité à entrer dans les détails ; à faire confian-

ce et à déléguer les responsabilités ; aptitude à surprendre et àstimuler ses troupes ; enfin, maintien d’un équilibre personnel.

Cette liste, qui traduit les préoccupations principales des diri-geants opérationnels que nous avons rencontrés, est un peuhétéroclite : mais elle dessine des enjeux généraux assez homo-gènes d’un profil à l’autre.

La crédibilité, vraie base de la mobilisation, reste sans doutele point le plus décisif du leadership.

« Le plus dur est de s’imposer par sa seule crédibilité, parsa compétence et non par son autorité. »

Elle peut s’entretenir à force de rigueur, de franchise et, avant,tout d’exemplarité :

« C’est un point essentiel. Le dirigeant est sur l’estrade,tout le monde le regarde : il doit être CLAIR, CREDIBLE, et COHE-RENT ; il doit donner l’EXEMPLE. »

« L’autorité vient naturellement si on sait fixer des prioritéset les suivre. »

_ GARDER UNE VISION D’ENSEMBLE.

Pour s’imposer, il faut d’abord expliquer. De par ses fonctions, ledirigeant doit promouvoir une certaine hauteur de vue, dégagéeautant que possible des complexités de la situation, lui permet-tant de faire ressortir une vision de synthèse et des axes clairs.

Plus le contexte est difficile, plus sa capacité à l’éclairer, à ledécoder, à le simplifier sera perçue comme précieuse.

« Il faut “expliquer” aux gens… Ça donne de la crédibilité etdonc de l’autorité. »

« Rester indépendant, se donner la capacité d’apparaîtrecomme au-dessus de la mêlée. »

34 EIM - Les 100 jours

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_ TENIR SON RANG.

Cette position n’est tenable qu’à condition de verrouiller soi-gneusement les assises de son pouvoir : s’assurer du contrôledes leviers-clés ; montrer que l’on sait où l’on va, en sachantquestionner certaines habitudes.

« On doit parfois bousculer les conventions, pour rappelerqui est le patron ; ne pas hésiter à sanctionner les comporte-ments inadéquats — et le faire savoir. »

« Quand j’étais dans la Marine, j’ai eu un commandant quiavait peur de la manœuvre — et cela se voyait. Ses collabora-teurs disaient de lui : C’est un type formidable… Mais on n’iraitpas au combat avec lui. C’est la même chose dans l’entreprise :il faut montrer que l’on sait tenir la barre. »

Se maintenir au-dessus de la mêlée réclame aussi du sang-froid. D’où l’importance de savoir éviter la dispersion : la priseen compte de ses propres limites — par exemple, à travers lesouci de son équilibre personnel — peut se révéler un atout pré-cieux dans la conduite du changement. Sous la pression des 100Jours, la chose est plus facile à dire qu’à faire…

Il s’agit d’une problématique familière au Management deTransition, où le dirigeant bénéficie, à cet égard, du soutien etdu recul que lui apporte le Conseiller de Transition.

_ S’ENGAGER.

Inversement, la nécessité de donner l’exemple poussera le diri-geant à s’engager résolument sur le terrain, en posant desactions concrètes et visibles.

« Le personnel a besoin d’actions… il juge sur les résultatspar rapport à ces actions. »

« Bousculer les conventions, s’impliquer personnellement,aller sur le terrain… Mais ne jamais sacrifier le long terme, et ne

jamais perdre de vue l’importance des hommes dans l’exécution :ils doivent “comprendre” pour que l’alignement soit réel. »

La plupart de nos interlocuteurs insistent sur les bénéfices qu’ily a parfois à entrer dans les détails les plus concrets, voire lesmoins stratégiques. Deux raisons à cela : c’est d’abord sur leterrain que se joue le changement, et il s’agit de donner lapreuve de leur compétence opérationnelle. Mais c’est aussil’affirmation de leur indépendance, du rôle exemplaire et spé-cifique qu’ils ont à jouer.

_ BOUSCULER LES IDEES REÇUES.

Le dirigeant opérationnel doit pouvoir s’aventurer sur tous lesdomaines d’action ; selon toutes les échelles de temps ; envi-sager l’organisation à tous les niveaux. Cette liberté représenteaussi l’une de ses missions essentielles.

On a donc intérêt à se ménager une part d’imprévisibilité ; àsavoir surprendre ses collaborateurs ; les provoquer au besoin,les stimuler, et à bousculer les normes établies de l’organisation.

« Agir vite en surprenant parfois et ne pas hésiter à êtrecraint : c’est un signe de leadership. »

De cette façon, par ses actes et ses discours, le dirigeant « devient »l’entreprise elle-même — à tous ses niveaux d’existence. Par son dynamisme, il s’impose comme porteur de changement. Sonleadership va dépendre aussi de sa mobilité, tant au point de vuedes strates de l’entreprise que de la chronologie du changement.

_ CONVAINCRE.

Cette fluidité permanente entre la synthèse et le détail ne reflètepas une autorité gratuite. Elle vise à fédérer les hommes, pourobtenir l’adhésion sans laquelle rien ne peut se faire.

35EIM - Les 100 jours

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Donnez l'exemple : sachez vous engager.

Simplifiez, allez à l'essentiel, restez clair et cohérent.

Faites l'hélicoptère : prenez de la hauteur, en sachant plonger dans les détails le caséchéant. Restez mobile, réactif, imprévisible.

Tenez votre rang : assurez- vous du contrôle des leviers-clés ; avec les hommes, sachez à la fois apprivoiser et surprendre.

Elle illustre, par l’exemple, que les problématiques ponctuel-les — les enjeux individuels — et la perspective globale del’entreprise peuvent se confondre. Elle rend possible une soli-darité autour du projet de changement.

« Faire passer le message qu’on ne joue pas “perso”, qu’onest là pour soutenir les gens et les assister et non pas leurdonner des ordres. Cela peut sembler parfois un peu manipu-lateur… Mais c’est assez naturel si on aime les gens et si on aun peu d’intuition et de feeling. »

« La manière de gérer les réunions est également essentiellepour le leadership ; il faut savoir écouter, créer un sentiment d’équipe. »

Se montrant capable à la fois de garder le cap et de s’atteler à lamanœuvre, le dirigeant prouve dans les faits que son plan est pos-sible ; et son exemple devient alors un facteur puissant de motivation.

« Au départ, on est plus paysan que poète. Par la suite, ilfaut être à la fois poète et paysan : à la fois inspirer l’action etbétonner les résultats. »

En dernière analyse, le défi de l'adhésion se remporte, pour unebonne partie, au plan personnel : pour convaincre, il faut êtresoi-même convaincu. D'où toute l'importance que les dirigeantsattachent à la détermination personnelle, mais aussi aux outilssimples, aux cadres concrets qui vont leur permettre de resterconcentrés sur la vraie priorité des 100 Jours : l'action. C'est cequ'illustre ce témoignage :

« Je me suis complètement immergé dans ce redressement.On a bossé très dur avec l'équipe de direction — et je dois direque j'ai passé quelques nuits blanches quand ont surgi des obs-tacles inattendus. Mais l'ampleur de la crise m'avait donné unesorte de recul sur les choses ; et puis, la confiance est revenueprogressivement, avec l'obtention des premiers résultats. Réussirà dresser un plan court terme et le mettre en œuvre dans un telcontexte de crise, cela rassure : d'une petite victoire à l'autre, c'estun cadre qui permet réellement d'avancer. Cela peut paraître

paradoxal, mais je ne me suis jamais senti aussi serein quedurant cette période de redressement. »

_ EN RESUME : QUATRE REGLES D’OR POUR LE LEADERSHIP.

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Conclusion

La synthèse que nous avons esquissée dans les pagesprécédentes ne représente qu’un rapport d’étape. EIMcompte enrichir cette première réflexion à travers unesérie de petits-déjeuners débats rassemblant desdirigeants opérationnels : « Cent Jours pour réussir ».(Ces manifestations, qui seront chaque fois centrées surle cas concret exposé par un dirigeant invité, se tiendronten 2006 et 2007. N’hésitez pas à nous contacter pourplus d’informations.)

A ce stade, on peut malgré tout dégager quelquespremières conclusions, et souligner les points utiles à laconduite des 100 Jours.

Pour commencer, on peut dessiner les grandes étapesd’un plan d’action. Dans le détail, un tel programme devrase moduler selon les particularités de la situation. Cetoutil offre néanmoins l’intérêt de poser quelques jalons,afin de ne pas perdre de vue les priorités.

LE PLANNING DES CENT JOURS

Maitriser le champdes opérations

Établir ses appuis

Engager les premièresmesures

Contrôler et mesurerles actions

Adapter les structures

Communiquer sans cesse

Asseoir son leadership

LES SEPT CLES DU CHANGEMENT

Premier mois Deuxième mois …100 Jours

S1 S2 S3 S4 S5 S6 S7 S8 S9 S20

1

2

3

4

5

6

7

……………………

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La rapidité apparaît décisive, plus particulièrement durantles premières étapes du changement.

Une première analyse de la situation, sur la base desinformations factuelles et des entretiens individuels,devra être conduite dans les trois semaines suivant laprise de fonctions. Les premiers choix en termes d’équipeseront bouclés avant la fin du premier mois (on pourraélargir son cercle ou en corriger les contours par la suite).

Encore une fois, dans ces deux domaines cruciaux, unecertaine prise de risque est nécessaire — sachant que lesdécisions pourront se corriger d’elles-mêmes et qu’il serapossible, dans un second temps, de revenir sur l’organisation.

Les décisions visant les premières victoires, à éteindre lesfoyers de pertes ou à réaliser des gains immédiats seprendront dès la deuxième quinzaine. Pour le dirigeant,il s’agit à la fois de dégager des marges de manœuvrefinancière, de donner le signal du changement et d’obtenirl’adhésion qui permettra de poursuivre.

En parallèle, il doit mettre en place un mode d’animationet de contrôle rapproché du plan d’action qui en résulte.Ce plan s’adossera à un ensemble d’indicateurs simples,communs. On pourra ensuite passer plus de temps dansle contrôle de gestion et apporter des améliorations.

L’adaptation des structures et des systèmes doit êtreprudente et progressive. Elle s’appuiera dans un premiertemps sur un reporting simple et partagé ; sur unprocessus d’animation spécifique (réunions de direction,style de management) ; et, si nécessaire, sur la mise enplace de tasks forces vouées à des dossiers précis.

Les évolutions lourdes des systèmes ne pourront êtreabordées qu’à l’issue de la période, quand la visionstratégique à long terme aura été précisée.

La communication est permanente : elle débute dès laprise de fonction du dirigeant et devra se poursuivre toutdu long pour soutenir la dynamique de changement.

Enfin, le dirigeant doit prendre sa place et asseoir sonleadership sans retard, mais sans autoritarisme : il fautd’emblée ne pas se laisser « marcher sur les pieds » ets’assurer du contrôle des leviers-clés. Le leadership serenforce ensuite par la cohérence des actions entrepriseset par l’attitude du dirigeant. A l’issue des 100 Jours, ildevra être parfaitement établi, pour conduire l’organisationdans la deuxième phase du changement.

LES LEÇONS DE NOTRE ETUDE.

Au-delà de ce schéma d’intervention, notre travail livreplusieurs enseignements généraux. Nous avons été frappésde voir qu’il existait un large consensus chez nosinterlocuteurs, qu’ils soient Managers de Transition oubien Dirigeants permanents : de fait, leurs contextes detravail sont aujourd’hui les mêmes. Dans un environnementprofessionnel toujours plus volatil, on voit converger leurscontraintes de temps, de ressources et leurs marges demanœuvre.

Voici les six points saillants de ce consensus :

1 • La règle des « 100 Jours » n’est pas une vue de l’esprit :c’est une constante des organisations — et le dirigeantn’aura jamais plus de temps pour asseoir sa crédibilité etinitier la dynamique du changement.

2 • La rapidité d’action demeure la première exigence. Elle doitl’emporter sur le souci de la précision, pour ce qui concerneles constats, mais aussi pour les hommes et les actions àentreprendre.

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3 • La focalisation est cruciale pour le dirigeant, queguette le risque de la dispersion. Il lui faut sans cessealler à l’essentiel, préciser les objectifs, ne pas gaspillerle temps et les ressources de l’organisation dans degrands projets structurels.

4 • Il faut mettre l’entreprise sous tension, en précisantune ligne claire, en assignant des objectifs concrets et ens’impliquant très fortement dans le contrôle rapprochédes actions. Cette pression constante aux résultats estpeut-être la tâche la plus essentielle du dirigeant — et entout cas, la plus difficile.

5 • Les grand-messes et les grands discours ne passentplus : la communication doit être claire, simple, concrèteet proche du terrain.

6 • Enfin, le poids des hommes est la plus grande force —d’inertie ou de mobilité — en jeu dans la dynamique duchangement. D’où l’importance cruciale de savoir choisir sesrelais et de susciter l’adhésion. Il faut faire très attentionaussi à ne pas aller trop loin en la matière, en exigeant desbouleversements contre-productifs de l’organisation. Onne change pas les choses « malgré » les hommes : c’est unedes leçons constantes du Management de Transition.

EN CONCLUSION : UN ART PLUTOT QU’UNE SCIENCE.

En définitive, la conduite des 100 Jours s’apparente plus à unart qu’à une science : pour cette raison, être un bon dirigeantopérationnel exige de grandes qualités. Il faut faire preuved’une vision globale des enjeux — tout en sachant parfoisentrer dans les détails ; d’un sens aigu de l’écoute et d’uneproximité constante avec le terrain ; de courage et deténacité ; d’une focalisation lui permettant de donnerclairement le cap.

La réussite repose forcément sur les qualités et sur lapersonnalité du dirigeant, sans oublier sur un peu dechance. L’expérience du Management de Transition, commedes prises de fonctions plus classiques, montre qu’undirigeant excellent, dont le profil est adapté au contexte,peut obtenir des résultats spectaculaires en peu de temps.

L’étoffe humaine du manager est donc cruciale. Maisl’expérience acquise demeure un atout décisif. Sans quel’on puisse parler de recette toute faite, des règles du jeuet des repères ressortent clairement de notre pratiqueprofessionnelle comme de l’enquête que nous avonsmenée auprès des dirigeants opérationnels.

La problématique des 100 Jours est au cœur de notre métierde Management de Transition. EIM souhaite enrichir cetteréflexion en apportant sa contribution à cette questionessentielle. Car de telles situations, d’exceptionnelles il ya encore quelques décennies, sont entrées désormais dansle quotidien de l’entreprise. Nous sommes convaincus queles dirigeants ont tout à gagner à confronter leursexpériences, pour réfléchir ensemble sur les enjeux et surles leviers de ce défi.

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EIM, fondé en 1988, est le créateur du Management de Transition. Nous apportons des solutions

de management à l'entreprise dans des situations réclamant un apport exceptionnel de

compétences : acquisitions ou cessions, implantations à l'international, redressements et

restructurations, vacances temporaires de management, etc...

EIM est une structure totalement intégrée reposant sur un partenariat global à l'échelle mondiale.

Tous nos bureaux travaillent comme une seule entité afin de fournir des solutions de management

à fort impact pour nos clients dans le monde entier.

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