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Les inhibiteurs de la protéase (IP) du VIH ont montré in vitro une activité contre l’agent principal du paludisme, le Plasmodium falciparum. Afin d’évaluer si cet effet pou- vait aussi avoir un impact in vivo, un essai a été mené en Ouganda, région d’Afrique où l’endémie paludéenne est particulièrement importante, chez des enfants éligibles pour un traitement antirétroviral (ARV). Cet essai ouvert a inclus 170 enfants de 2 mois à 5 ans et séropositifs pour le VIH. L’essai leur assignait par randomisation un traitement ARV comprenant soit l’IP lopinavir boosté par le ritonavir (Kaletra ® , n = 84), soit un inhibiteur non nucléosidique de la reverse transcriptase (névirapine ou éfavirenz, selon l’âge des enfants inclus, n = 86). Les deux autres molécules présentes dans la trithérapie ARV étaient des inhibiteurs nucléosidiques de la reverse transcriptase (en général lami- vudine et zidovudine). Les enfants ont été suivis entre 6 mois et un an et évalués par rapport à la survenue d’un accès palustre, et de sa réponse au traitement antipaludéen. L’incidence d’un accès palustre était signifi- cativement plus faible chez les enfants ayant reçu du lopinavir (1,32 épisode annuel par enfant) que chez ceux recevant l’inhibiteur non nucléosidique (2,25 épisodes annuels, p = 0,04). Cette protection relative est surtout liée à une diminution encore plus nette du taux de rechute de l’accès après traitement par l’artémether luméfantrine (28,1 % pour les enfants sous lopinavir vs 54,2 % pour ceux n’étant pas sous inhibiteur non nucléosi- dique, p = 0,004), puisque ses concentrations sont significativement augmentées chez les enfants recevant l’IP. Une fréquence accrue d’effets secondaires sévères a été obser- vée dans le groupe sous lopinavir, mais la différence n’est pas significative (p = 0,16). Il avait déjà été montré chez l’enfant qu’un traitement ARV comprenant du lopinavir boosté était plus efficace vis-à-vis du VIH qu’un traitement comprenant un inhibiteur non nucléosidique. Ce travail apporte donc un argument supplémentaire pour une diffusion plus large de ce type d’association en Afrique sub-saharienne, en tout cas dans les régions à haute prévalence pour le paludisme. Achan J, Kakuru A, Ikilezi G, et al. N Engl J Med 2012;367:2110-8. Certains ARV protègeraient aussi du paludisme Un aérosol à base de kératinocytes et fibroblastes néonataux qui laisse espérer des guérisons plus fréquentes sans recours à la greffe. On n’arrête pas le progrès… C’est la première réflexion qui vient à l’esprit à la lecture d’un article du Lancet qui rap- porte un essai de phase 2 évaluant une thérapie cellulaire administrée locale- ment au moyen d’un aérosol. La patho- logie ciblée dans cette approche origi- nale est l’ulcère veineux des membres inférieurs, complication fréquente de l’insuffisance veineuse profonde. Près de 2 % de la population de plus de 65 ans seraient atteints de cette pathologie difficile à guérir, dont le traitement le plus radical requiert in fine une greffe de peau. Le traitement innovant évalué est donc un spray dont la composition est une combinaison de cellules cutanées (kératinocytes et fibroblastes néona- taux), qui a été administrée en plus d’un traitement standard à des sujets souffrant d’ulcères variqueux anciens et sévères. Ces cellules, qui proviennent de prépuces de nouveau-nés prélevés lors d’une circoncision, ont été ampli- fiées in vitro avant incorporation dans le spray. Les expérimentateurs ont randomisé 228 patients pour recevoir différentes concentrations et/ou subir différentes fréquences d’administration des cel- lules : un demi-million ou 5 millions de cellules par mL, tous les 7 ou 14 jours, une quarantaine de sujets dans chacun des 4 groupes de patients formés, ou un placebo (n = 50). Tous les patients bénéficiaient de plus d’un traitement simple par compression veineuse du membre touché. Ce nouveau type de traitement induit une diminution significativement plus élevée de la surface des ulcères par comparaison au groupe témoin (p = 0,04). Le bénéfice le plus net est constaté dans le groupe recevant la concentration cellulaire la plus faible : un demi-million de cellules par mL, administré tous les 14 jours, chez qui on observe un gain moyen de 16 % dans la réduction de la surface des plaies, en comparaison des témoins (p = 0,03). Après 12 semaines de traitement à cette posologie, 70 % des patients présentent une cicatrisation complète des lésions contre seulement 46 % dans le groupe témoin. La tolérance est satisfaisante et on ne constate pas de différence entre les sprays contenant les cellules et le spray placebo. Si ces résultats prometteurs se confir- ment lors des essais de phase 3 en cours, ce traitement deviendrait une approche adjuvante de choix pour la prise en charge des ulcères variqueux les plus sévères, laissant espérer des guérisons plus fréquentes sans recours à la greffe. Cette modalité originale d’utilisation d’une thérapie cellulaire ouvre par ailleurs la perspective d’une application locale de ces traitements, qui pourrait être, dans certaines indi- cations, à la fois plus efficace et mieux tolérée. Kirsner RS; Marston WA, Snyder RJ, et al. Lancet 2012;9846:977-85. Des cellules en spray pour accélérer la cicatrisation des ulcères variqueux REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - FÉVRIER 2013 - N°449 // 23

Certains ARV protègeraient aussi du paludisme

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Les inhibiteurs de la protéase (IP) du VIH ont montré in vitro une activité contre l’agent principal du paludisme, le Plasmodium falciparum. Afin d’évaluer si cet effet pou-vait aussi avoir un impact in vivo, un essai a été mené en Ouganda, région d’Afrique où l’endémie paludéenne est particulièrement importante, chez des enfants éligibles pour un traitement antirétroviral (ARV).Cet essai ouvert a inclus 170 enfants de 2 mois à 5 ans et séropositifs pour le VIH. L’essai leur assignait par randomisation un traitement ARV comprenant soit l’IP lopinavir boosté par le ritonavir (Kaletra®, n = 84), soit un inhibiteur non nucléosidique de la reverse transcriptase (névirapine ou éfavirenz, selon l’âge des enfants inclus, n = 86). Les deux autres molécules présentes dans la trithérapie ARV étaient des inhibiteurs nucléosidiques de la reverse transcriptase (en général lami-vudine et zidovudine). Les enfants ont été suivis entre 6 mois et un an et évalués par rapport à la survenue d’un accès palustre, et de sa réponse au traitement antipaludéen.L’incidence d’un accès palustre était signifi-cativement plus faible chez les enfants ayant reçu du lopinavir (1,32 épisode annuel par enfant) que chez ceux recevant l’inhibiteur non nucléosidique (2,25 épisodes annuels, p = 0,04). Cette protection relative est surtout liée à une diminution encore plus nette du taux de rechute de l’accès après traitement par l’artémether luméfantrine (28,1 % pour les enfants sous lopinavir vs 54,2 % pour ceux n’étant pas sous inhibiteur non nucléosi-dique, p = 0,004), puisque ses concentrations sont significativement augmentées chez les enfants recevant l’IP. Une fréquence accrue d’effets secondaires sévères a été obser-vée dans le groupe sous lopinavir, mais la différence n’est pas significative (p = 0,16). Il avait déjà été montré chez l’enfant qu’un traitement ARV comprenant du lopinavir boosté était plus efficace vis-à-vis du VIH qu’un traitement comprenant un inhibiteur non nucléosidique. Ce travail apporte donc un argument supplémentaire pour une diffusion plus large de ce type d’association en Afrique sub-saharienne, en tout cas dans les régions à haute prévalence pour le paludisme.

Achan J, Kakuru A, Ikilezi G, et al. N Engl J Med 2012;367:2110-8.

Certains ARV protègeraient aussi du paludisme

Un aérosol à base de kératinocytes et fibroblastes néonataux qui laisse espérer des guérisons plus fréquentes sans recours à la greffe.

On n’arrête pas le progrès… C’est la première réflexion qui vient à l’esprit à la lecture d’un article du Lancet qui rap-porte un essai de phase 2 évaluant une thérapie cellulaire administrée locale-ment au moyen d’un aérosol. La patho-logie ciblée dans cette approche origi-nale est l’ulcère veineux des membres inférieurs, complication fréquente de l’insuffisance veineuse profonde. Près de 2 % de la population de plus de 65 ans seraient atteints de cette pathologie difficile à guérir, dont le traitement le plus radical requiert in fine une greffe de peau.Le traitement innovant évalué est donc un spray dont la composition est une combinaison de cellules cutanées (kératinocytes et fibroblastes néona-taux), qui a été administrée en plus d’un traitement standard à des sujets souffrant d’ulcères variqueux anciens et sévères. Ces cellules, qui proviennent de prépuces de nouveau-nés prélevés lors d’une circoncision, ont été ampli-fiées in vitro avant incorporation dans le spray.Les expérimentateurs ont randomisé 228 patients pour recevoir différentes concentrations et/ou subir différentes fréquences d’administration des cel-lules : un demi-million ou 5 millions de cellules par mL, tous les 7 ou 14 jours, une quarantaine de sujets dans chacun des 4 groupes de patients formés, ou un placebo (n = 50). Tous les patients bénéficiaient de plus d’un traitement simple par compression veineuse du membre touché.Ce nouveau type de traitement induit une diminution signif icativement plus élevée de la surface des ulcères par comparaison au groupe témoin (p = 0,04). Le bénéfice le plus net est constaté dans le groupe recevant la concentration cellulaire la plus faible : un demi-million de cellules par mL, administré tous les 14 jours, chez qui

on observe un gain moyen de 16 % dans la réduction de la surface des plaies, en comparaison des témoins (p = 0,03). Après 12 semaines de traitement à cette posologie, 70 % des patients présentent une cicatrisation complète des lésions contre seulement 46 % dans le groupe témoin. La tolérance est satisfaisante et on ne constate pas de différence entre les sprays contenant

les cellules et le spray placebo.Si ces résultats prometteurs se confir-ment lors des essais de phase 3 en cours, ce traitement deviendrait une approche adjuvante de choix pour la prise en charge des ulcères variqueux les plus sévères, laissant espérer des guérisons plus fréquentes sans recours à la greffe. Cette modalité originale d’utilisation d’une thérapie cellulaire ouvre par ailleurs la perspective d’une application locale de ces traitements, qui pourrait être, dans certaines indi-cations, à la fois plus efficace et mieux tolérée.

Kirsner RS; Marston WA, Snyder RJ, et al. Lancet 2012;9846:977-85.

Des cellules en spray pour accélérer la cicatrisation des ulcères variqueux

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - FÉVRIER 2013 - N°449 // 23