Cette Semaine N°85

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  • 7/31/2019 Cette Semaine N85

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    Quoique ne vous reconnaissant pas le droit de me poser les questions et les demandes

    que vous m'avez faites, je vous ai rpondu comme accus.

    Maintenant, c'est en accusateur. Je ne prtends pas me dfendre, quoi du reste cela me

    servirait-il devant des gens aussi bien arms que vous l'tes, ayant soldats, canons, police,

    enfin toute une arme de mercenaires qui se font vos suppts.

    Soyons logiques. vous tes la force, profitez-en. et s'il vous faut encore une tte

    d'anarchiste, prenez-la, le jour de la liquidation on vous en tiendra compte, et j'ai le ferme

    espoir que ce jour-l les anarchistes seront la hauteur de leur mission, qu'ils seront sans

    piti, car jamais ils n'atteindront le nombre de vos victimes !

    Ce n'est pas vous seuls que je m'adresse, mais la socit entire, cette socit goste,

    martre, corrompue, o l'on voit d'un ct l'orgie, de l'autre la misre !

    Vous m'inculpez de vol, comme si un travailleur qui ne possde rien peut tre un voleur.

    Non, le vol n'existe que dans l'exploitation de l'homme par l'homme, en un mot par ceux

    qui vivent aux dpens de la classe productrice. Ce n'est pas un vol que j'ai commis, mais une

    juste restitution faite au nom de l'humanit, cet argent devant servir la propagande

    rvolutionnaire, par l'crit et par le fait. Faire des journaux, des brochures pour dmontrer la

    vrit au peuple [sic], il y a assez longtemps qu'on le trompe. A lui qui sent le mal, lui montrer

    le remde.

    M'occuper de chimie et prparer ce qu'il faut pour le jour de la bataille, le jour o les

    travailleurs, conscients, sortiront de leur torpeur, de leur avachissement. Car il est temps que

    cette machination diabolique du vieux monde disparaisse, pour faire place des institutions

    o tous trouveront un sort plus quitable, qui n'existe que dans le communisme anarchiste.

    Parce que l'Anarchie est la ngation de toute autorit.

    Et que l'autorit est la plus grande plaie sociale, parce que l'homme n'est pas libre, etl'homme doit tre libre de faire tout ce qu'il veut, du moment qu'il ne porte pas atteinte a la

    libert de ses semblables ou alors il devient despote son tour.

    Dans le communisme, l'homme apportant la socit selon ses aptitudes et ses forces

    doit recevoir selon ses besoins. Les hommes se groupent, se recherchent selon leurs

    caractres, leurs aptitudes, leurs affinits, prenant exemple sur le groupe qui fonctionne le

    mieux, cartant la vanit, le sot orgueil, ne cherchant mieux faire que son camarade pour

    que le camarade fasse mieux que soi.

    Alors, de l ces chefs-d'uvre utiles, plus de ces intelligences rduites nant par le

    capital, parce que les hommes pourront voluer librement, n'tant plus sous le joug

    despotique de lautorit, de la proprit individuelle. Et ces groupes pourront sans entraves

    changer mutuellement leurs produits.

    Apprenant, et sentant le bien-tre de se gouverner par eux-mmes, ils se fdraliseront

    et ne feront plus qu'une grande famille de travailleurs associs tous ensemble pour le

    bonheur de tous un pour tous, tous pour un ne reconnaissant qu'une seule loi : la loi

    de solidarit, de rciprocit.

    Plus d'or, ce vil mtal pour lequel je suis ici et que je mprise. Vil mtal, cause de tous

    les maux, de tous les vices dont lhumanit est afflige. Vil mtal, avec lequel on achte la

    conscience des hommes.

    Avec le communisme anarchiste, plus d'exploitation de lhomme par lhomme, plus de

    ces mangeurs de sueur, plus de ces commerants l'esprit mercantile, rapaces, gostes,

    empoisonnant, falsifiant leurs produits et leurs denres, amenant ainsi la dgnrescence du

    genre humain.

    Vous ne pouvez le nier, car vous tes obligs de surveiller jusqu'aux marchands de jouets

    d'enfants qui empoisonnent dj avec ces jouets de pauvres petites cratures peine nes.

    Et ces usines, o lon joue la vie des travailleurs avec un sans-gne sans pareil, telles que

    les fabriques de blanc de cruse o au bout de quelques mois les travailleurs trouvent la

    paralysie, et souvent la mort... les tameurs de glace au mercure, qui en peu de temps

    deviennent chauves, paralytiques, ont la carie des os et meurent dans d'atroces souffrances !Eh bien, il y a des hommes de science qui savent que lon peut remplacer ces produits

    malsains par d'autres produits inoffensifs. Des mdecins qui voient ces malheureux se tordre

    dans de si cruelles agonies, et qui laissent commettre ces crimes de lse-humanit. On fait

    mme mieux, on dcore ces chefs d'usines, on leur dcerne des rcompenses honorifiques

    en mmoire des services qu'ils rendent lindustrie et lhumanit.

    CETTE SEMAINEDi xi me an n e Tr i me str i e l 20 0 2 n 85 Pr i x l i bre ou abon n e me n t

    AOT/SEPTEMBRE

    IMMIGRATION

    Italie Que la peur change de camp 2

    Occupation Trvise 3Un autre printemps 4

    Aux errants 5

    France Un bilan critique du CAE 8

    SQUATS

    Marseille Bulletin dinformation du CAT 12

    Amputation du Naszdom 12

    Guingamp Bilan du FRAP et ouverture 13

    Dijon Expulsions tout va et ouverture 14

    Seine StDenis On est pas des fachos, on est des nazis 15

    DU FOND DES GELES

    Portugal Prisonnier-s-e en lutte 21Turquie Procs des anarchistes dUsak 22

    Italie Ils ne savent pas quon a des ailes 23

    Lattaque de la prison de Frosinone 24

    Espagne Rvolte Quatre Camins 26

    Contribution depuis Huelva 28

    M. Camenisch Auto-prsentation (2001) 30

    Aprs son vasion (1982) 31

    Dclaration devant le tribunal (1992) 32

    Depuis la prison de Biella (fv. 2002) 33

    Depuis la prison de Zrich (mai 2002) 33

    Etats-Unis Tribulations homosexuelles 34

    Gnes, Reflex blanchit des balances 11

    Union sacre contre les fous 16Brves de Grce janvier/mars 2002 18-22

    Lordre rgne (lections prsidentielles) 18

    Au-del de la loi 20

    Bilan rpressif des meutes de Gteborg 35

    Tarzan, seigneur de la contestation aline 36

    Clment Duval,Dclaration (1887) 38

    DCLARATION DE CLMENT DUVAL

    SUITE EN DERNIRE PAGE ...

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    Cette Semaine - juillet 20022

    Que la peur change de camp

    On nous terrorise pour nous mettre les uns contre les autres, italiens contre

    trangers, immigrs rguliers contre irrguliers.

    On nous terrorise en obligeant nombre d'entre nous migrer en qute de

    conditions de vie moins odieuses.

    On nous terrorise en obligeant nombre d'entre nous la clandestinit : avec les

    flics sur le dos et la peur des expulsions, l'Etat et les patrons poussent des milliers

    d'individus dans l'ombre, en les rendant encore plus dociles l'exploitation.

    On nous terrorise avec le chantage du travail salari : soit tu te vends un patron,

    soit tu crves de faim.

    On nous terrorise avec l'image de l'Etranger "barbare et intgriste" pour nous faire

    accepter plus de restrictions, plus de contrles, plus de prcarit; ou bien pour

    nous faire aimer une identit nationale fausse et vide (si le capitalisme ne respecte

    pas de frontires, pourquoi les exploits doivent-ils le faire?).

    On nous terrorise avec les flics dans les quartiers, avec les rondes fascistes, avec

    les rafles policires. La criminalit, c'est le prtexte (au fond, do sort la criminalit

    si ce nest de la ncessit de l'argent?), le vritable objectif cest de faire baisser la

    tte tous.

    On nous terrorise avec la prison ou les expulsions, les casernes ou les camps pour

    les clandestins.

    Plus les pauvres se hassent entr'eux, plus les riches s'engraissent

    On nous terrorise en nous faisant croire que les "terroristes" sont ceux qui luttent

    contre l'Etat et les patrons, et non pas ceux qui bombardent des populations

    entires, colonisent les territoires et les esprits en rasant les maisons avec les

    bulldozer.

    Il est temps que la peur change de camp.

    Il est temps que de la haine entre les "races" on passe la solidarit de classe, la

    guerre des exploits contre les exploiteurs.

    Les expulsions, les camps pour clandestins, les blinds et les cameras de

    surveillance: a suffit!

    Pas de flics dans les quartiers, pas de quartiers pour les flics!

    Tract de Stranieri Ovunque en

    franais reproduit dj maquett dansla version originale du journal

    (ceci est la version PDF).

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    Cette Semaine - aot 2002

    Comme partout en Europe, lItalie historiquement exportatrice de main-duvre durcit sans cesse ses lois contre lesimmigrs tout en les exploitant volontiers dans de nombreux secteurs conomiques. Ceci dans un climat de racismequotidien ouvert qui na rien envier la situation franaise. Mais alors que lEtat italien accueille les bateaux en parquantses occupants dans des camps parfois improviss la hte par larme, les immigrs dveloppent eux-mmes des rsistancescomme lors de diffrentes rvoltes dans les prisons.

    Cest dans ce contexte que des compagnons luttent avec eux. Nous publions dabord ci-dessous le premier tract crit etdistribu par les occupants de lancienne usine Secco Trvise, une petite ville du nord-est. Cette occupation est ne de lacollaboration dalgriens, de burkinabs et divoiriens, avec la complicit dune petit groupe ditaliens, partir de laquestion du logement. Entre le racket des associations et le business des marchands de sommeil, ilsont dcid de se prendre en main. A noter que depuis cette date (mars 2002), ils occupentun autre lieu bien plus confortable que cette usine en friche : un ancien sminaireappartenant une congrgation religieuse (avec parc, chambres, etc.) dans la prochepriphrie de Trvise, qui tenait toujours dbut juillet.

    A ct de ce texte, nous avons reproduit deux tracts distribus cette anne par lescompagnons, notamment Turin : Que la peur change de camp et Auxerrants (paru en juin). Avec la perspective des Jeux Olympiques dans cetteville en 2006, les immigrs subissent, en plus des rafles policires qui bouclentdes quartiers pour contrler tout le monde avant dexpulser par charters ceuxqui sont pris sans-papiers, une pression plus large visant nettoyer la ville de cespauvres trop visibles et dont une partie nest pas soumise par le salariat. A Turin

    toujours, le journalIl Viaggio (avec des articles traduits en franais et en anglais)est distribu sur les marchs et disponible dans des bars, si bien que des lienscommencent se tisser. La rciprocit dans la solidarit a ainsi pu se manifester aussibien lorsque des compagnons ont refus de prsenter leurs papiers lors dune rafle,que lorsque la police a t empche par des passants de contrler les personnes quitenaient la table de presse sur un march dun quartier populaire turinois.

    3

    Pour atteindre la richesse et la grandeuril faut voler les pauvres et assassiner les faibles.

    G.B. Shaw

    Il y a des choses qui sapprennent dans leslivres, ou peut-tre lcole certainement pasen regardant la tl mais il y a aussi deschoses qui sapprennent seulement dans la dureralit de la vie quotidienne. Parmi ces choses ily a la vie de ltranger, limmigr, pas le touriste :

    une personne qui a laiss ses racines, sacommunaut ; qui pour une raison ou une autrea t oblige de changer, la recherche detravail, pour se nourrir et nourrir sa famille, ou la recherche de tranquillit ou dune nouvellevie pour fuir la misre ou la rpression dunedictature, ou dune pseudo-dmocratie.

    Mais aussi ici en Italie en Europe dans cette soi-disante dmocratie, limmigrretrouve la mme situation quil avait laiss :travailler dur au profit dun patron. Mais ici sacondition prcaire et lisolement lobligent accepter un salaire plus bas, dans des conditionspires que les autres travailleurs italiens. A leur

    tour, ils seront obligs daccepter des conditionsde pires en pires, parce que la libert delindividu de se vendre sur le march du travailrduit la libert de tous les autres travailleurs etsurtout augmente les profits de ceux quiexploitent ce travail. Malgr ceux qui pensent,

    ou veulent faire croire, que ce sont les immigrsles responsables.

    Les immigrs, comme les italiens, vonttravailler et paient des impts, mais en plus ilsont la peur permanente dtre licencis, quellequen soit la raison. De plus, quand ilsdbauchent, ils ne savent mme pas o allerpour se laver ni o aller pour dormir parce quepersonne ne veut leur louer un appartement un prix presque normal, sans leur demander

    six mensualits davance ou autres obligationsabsurdes, ou parce que les dortoirs o ils sontsouvent obligs de vivre ne sont que des trous rats / prisons payants (150 euros par mois parpersonne pour une pice de 14 lits, sans pouvoirrecevoir dautres visites que celles de la policequi contrle leurs affaires). Pourtant, malgr cesconditions prcaires, le lendemain ils doiventretourner au travail, sils ne sont pas licencis,ou carrment expulss. Car tant quilstravaillent, a na pas dimportance si lesimmigrs se lavent : le porc pue, mais sa viande estbonne manger.

    Et penser manger il y a aussi le rapace

    qui spcule sur leurs problmes en faisantpasser pour aide une aumne qui sert seulementses intrts politiques. Cest le cas de FratellidItalia qui flairant laffaire des immigrs sestempress dempocher des centaines de milliersdeuros provenant de fonds europens et

    gouvernementaux, censs rsoudre lesproblmes des immigrs, mais qui nont rienreu, comme dans le cas des cooprativessociales du type Vita Nuova, Nomisma etbeaucoup dautres, vrais rackets seulementgnreux dans lexploitation des immigrs.

    A ces maires qui se sont fait connatre pourleur racisme envers nous ; lopposition quisest cache derrire le racisme de ces mairespour rien faire ; aux politiciens de toutes les

    couleurs pour qui nous ne valons quelque chosequ lapproche des lections, tous les rapacesqui veulent faire du profit sur notre dos, nous,immigrs, nous avons rpondu en occupantlex-Secco, lusine abandonne de Via Pozzette San Trovaso di Prezanziol, sans demanderlaumne personne. Mme si ce nest pasvraiment une maison, pour nous cen est une,un toit sous lequel dormir, comme lont tous leshabitants de ce pays.

    LE DROIT DE VIVRE NE SE MENDIE PAS.IL SE PREND.

    Des immigrs en colre

    [Texte publi en franais dans Il Viaggio,mensuel gratuit, n6, avril 2002, p.2. Disponible Stranieri Ovunque C.P. 1244 10100Torino Ferrovia]

    UNE RVOLTE CONTRE LA SOUFFRANCEMISE SOUS SILENCE

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    Cette Semaine - aot 20024

    LE PRINTEMPS EST FINALEMENTARRIV. Mais cette anne, il aport avec lui un vent mauvais,qui souffle fort sur les quartiers les plus

    pauvres de Turin et qui rend la vie deplus en plus difficile ceux qui sontarrivs dans cette ville pour y chercherune vie meilleure. Ce vent nest pas du

    tout invisible, il a un prnom, un nom etune adresse : il sappelle Altoimpatto, il porte luniforme de la

    police, et vient du gouvernement Rome, o le Ministre de lIntrieurScajola a annonc louverture officiellede la chasse aux immigrs sans papiers.Bien que vieux de quelques mois, cenouvel assaut aux clandestins acommenc donner ses fruits les plusamers ces dernires semaines. Dans lesrues, les bars et mme dans les maisonsde San Salvario et de Porta Palazzo sesuccdent sans arrt les interventions dela police qui remplit le plus possible sesvhicules dtrangers pauvres pour les

    porter au poste. L, ils sont identifis etceux qui ne sont pas expulss aussitt,ou enferms dans le Centre deDtention Temporaire, rentrent lamaison avec en poche un avisdexpulsion pour la semaine suivante.

    Ici, en ville, cest arriv 158albanais, presque tous accompagns la frontire, une centaine denigriennes, charges en masse sur un

    boeing 777 en direction de Lagos, etaussi beaucoup de roumains,

    marocains, algriens... Lampleur de cesoprations est telle quil a fallu faire lahte des travaux dagrandissement dulager de Corso Brunelleschi qui serade toute faon transfr dans unestructure beaucoup plus grande, parait-ilau fond de Via Bologna.

    Les dclarations trs dures deScajola sur limmigration ont galement

    permis des oprations si malsantes etlches que beaucoup danciensdirigeants locaux auraient eu honte deles proposer. Pour donner une ide du

    climat de plus en plus pesant de ceprintemps, on peut rappeler ce mairelombard qui a propos une ranon surles clandestins pour encourager lesitaliens signaler leur prsence la

    police. Ou bien, le conseil municipal deTurin qui, par lintermdiaire du chef dela police municipale, a annonc latolrance zro pour les vendeursambulants et les gardiens de parkingillgaux. Ou plus simplement, lartorsion laquelle sont soumis les barsdes quartiers pauvres sils naffichent

    pas interdit aux repris de justice et auxsans papiers.

    Lopration Alto impatto deScajola sert non seulement chasser le

    plus dimmigrs possible, mais aussi terroriser tous les autres clandestinsou pas pour les faire tous vivre

    encore plus dans lombre, pour lesrendre encore plus soumis etaccommodants envers les patrons. Etapparemment, quand le projet Bossi-Fini sur limmigration deviendra uneloi, ce climat sera permanent.

    Pourra-t-on arrter ce vent mauvais

    de printemps qui sme la peur dans lesquartiers pauvres ? En attendant, il fautsavoirde quoi il sagitexactement. Et

    pour cela, il faut savoir que derrire lesinterventions de la police dans les barsde S. Salvario il ny a pas seulementScajola et ses collgues dans leurlointain gouvernement. Il y a aussi tousles groupes politiques qui attisent enville la haine contre les immigrs. Il y aaussi tous les fonctionnaires, comme

    par exemple la responsable du bureaudes trangers de la prfecture RosannaLavezzaro, qui organisent concrtementles rafles et les expulsions. Il y a aussitoutes les organisations, mmehumanitaires, qui travaillent lintrieur du lager de C.soBrunelleschi, toutes les entreprises quifournissent le Centre en nourriture,quipement et services.

    Ce nest pas tout : en plus de lasvre rpression labore par leMinistre de lintrieur, il faut aussi

    penser que les Jeux Olympiques dhiverde 2006 se rapprochent. Les dirigeantsde la ville voudraient exhiber devant lescamras du monde entier un Turin

    dcor et propre, et cest pour a quedans les journaux on ne parle que desprojets de restructuration de PortaPalazzo et de la zone de Porta Nuova.Des projets qui prvoient avant tout unenormalisation de ces quartiers o les

    pauvres sont trop visibles et pas assezsoumis, au point de salir limage detoute la ville. Le maire est donc aussiresponsable de cette chasse de plus en

    plus violente aux immigrs.Responsables aussi, la Fiat et toutes lesentreprises et groupes de pouvoir quiaccumulent beaucoup de sous grce aux

    Jeux Olympiques.Alors, quest donc ce vent mauvais

    de printemps qui souffle sur Turin ?Cest une grosse machine, avectellement dengrenages qui tournentensemble, lun reli lautre. Il resterainsaisissable tant que les exploits nesauront pas les identifier, cesengrenages qui tournent si prs de nousquon peut les bloquer ; tant que chaque

    pauvre ne saura pas reconnatre quialimente la peur ; tant que nous necomprendrons pas tous que les discourssur la fraternit et sur la libert ne sont

    que des paroles vides quand on vit lombre des baonnettes.

    [Texte publi en franais dans Il Viaggio,mensuel gratuit, n6, avril 2002, p1]

    UN AUTRE PRINTEMPS

    Ils tiraient habituellement sur les indignes pour nourrirleurs chiens

    CETTE FOIS, nous parlerons de nous. De notre petite aventure, desrapports et de la complicit qui en sont ns. Il y a quelques semaines, noustions Porta Palazzo pour distribuer Il Viaggio et d'autres lectures contreles rafles policires au dtriment des clandestins, contre les expulsions, contreles lagers. Mais, dans la rue Cottolengo, une patrouille de carabiniers nous aarrts : ils voulaient nos papiers, les permis pour distribuer le journal... ilsvoulaient tout simplement nous faire partir Un contrle banal, comme il y ena souvent. Mais cette fois, prs de notre stand sont arrivs plusieurs dizainesde personnes, presque tous trangers, qui se trouvaient dans cette rue depassage, pour vivre ou pour travailler. Mme menacs par les carabiniers

    qui voulaient rgler le problme entre italiens ils sont rests auprs denous, nous soutenir et nous dfendre. Et mme quand les carabiniers ontessay dutiliser la manire forte avec peu de rsultats, dailleurs aucund'eux na boug : au contraire, de plus en plus de personnes venaient nousaider. A la fin, les carabiniers nont pas russi ni identifier ni prendrepersonne.

    LA SOLIDARIT, celle de la rue, na pas besoin de longs discours. Cematin-l, il a suffi r econnatre lennemi commun, les carabiniers. Ennemi qui,dans ce cas-l, sen prenait nous, mais qui dans beaucoup dautres a pris,frapp ou emprisonn beaucoup de ces personnes venues notre stand. Lespapiers, les cartes didentit que les carabiniers exigeaient de nous cettematine-l, beaucoup de ces personnes-l ne les ont pas : cest pour a que nousavons choisi de ne pas les donner nous non plus. Parce que nous nacceptonspas quun bout de papier divise les exploits entre eux, parce que dans unmonde o nous sommes de plus en plus pauvres, plus seuls, plus contrls, noussommes tous trangers, nous sommes tous clandestins.

    CES PERSONNES-L, ce matin-l, nous lont dmontr : lafraternit, la solidarit, la complicit ne sont pas lies une soi-disante identitnationale. tre frres et soeurs, compagnons de voyage et de lutte, signifiereconnatre les maux communs et qui les cre ; a signifie voir concrtement sonennemi et avoir conscience quil faut commencer se parler et sorganiserpour leur rsister. Nous voulons donc les remercier, ces personnes-l, pour leursolidarit et leur courage, pour avoir choisi de sunir nous, mme juste pourun matin, pour avoir montr une lutte commune possible.

    DANS UN TURIN o les attaques des patrons se font de plus en plusfrquentes et impitoyables plus de rafles, plus de misre et de contrles pourtous o lintention du conseil municipal est de balayer les pauvres tropnombreux hors de San Salvario et Porta Palazzo, notre seule possibilit estde redcouvrir la solidarit de rue, la complicit de la lutte contre les

    oppresseurs communs, la rsistance des exploits, italiens et trangers unis,dans les quartiers. Descendre dans la rue pour empcher les rafles, lesexpulsions, les tabassages est l'affaire de tous.

    [Texte publi en franais dans Il Viaggio, mensuel gratuit, n6, avril2002, p2]

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    Nous avons demand de la main d'oeuvre,nous avons eu des hommes.

    Max Frisch

    Personne n'migre pour le plaisir c'est une vrit trs simple quebeaucoup veulent cacher. Si une personne laisse de bon gr sa terre et lessiens, on ne l'appelle pas un migrant mais un touriste ou un voyageur. Lamigration, c'est un dplacement forc, c'est errer la recherche demeilleures conditions de vie.

    Il y a actuellement 150 millions d'trangers dans le monde cause deguerres, coups d'Etat, catastrophes cologiques, famines ou simplement lefonctionnement normal de la production industrielle (destruction descampagnes et des forts, licenciements de masse, etc). Tous ces facteurscomposent une mosaque d'oppression et de misre dans laquelle les effetsde l'exploitation deviennent eux-mmes des causes de souffrance et dedracinement, dans une spirale infinie qui rend hypocrite toute distinctionentre vacus, migrants, exils, demandeurs d'asile, rfugis,survivants. Pensons quel point les soi-disantes urgences cologiques(pnurie en eau, dsertification, strilit des champs) sont sociales :l'explosion d'une raffinerie de ptrole, unie la destruction de touteautonomie locale sur laquelle elle a t construite, peut parfois changer lesort dune entire population.

    Contrairement ce que voudrait nous faire croire lapropagande raciste, l'immigration implique seulementpour 17% le Nord riche et concerne tous lescontinents (en particulier l'Asie et l'Afrique) ; cequi signifie que pour chaque pays pauvre il y ena un encore plus pauvre d'o fuient desmigrants. La mobilisation totale impose parl'conomie et les Etats est un phnomneplantaire, une guerre civile non dclare etsans frontire : des millions d'exploits errentdans l'enfer du paradis marchand, ballotts defrontires en frontires, enferms dans descamps de rfugis encercls par la police et

    l'arme et grs par les organisations dites decharit complices dans les tragdies dontelles ne dnoncent pas les causes relles dansle seul but de profiter des consquences entasss dans les zones d'attentes desaroports ou dans les stades, enferms dans descamps appels centri di permanenzatemporanea, et enfin emballs et expulss dansl'indiffrence la plus totale. de nombreux gards,on peut dire que ces indsirables reprsentent notreralit, et c'est aussi pour a qu'ils nous effraient.L'immigr nous fait peur parce que nous voyons le reflet denotre misre dans la sienne, parce que dans son errance nousreconnaissons notre condition quotidienne : des individus de plus en plus

    trangers dans ce monde et eux-mmes.Le dracinement est la condition la plus rpandue dans la socit

    actuelle, et pour ainsi dire son centre, et non pas une menace venue d'unmystrieux et terrifiant Ailleurs. C'est seulement en regardant mieux notre

    vie quotidienne que nous pouvons comprendre en quoi la condition desimmigrs nous concerne tous. Mais nous devons d'abord dfinir un conceptcentral, le concept de clandestin.

    LA CRATION DU CLANDESTIN, LA CRATION DE LENNEMI

    [...] Qutes-vous ? [...]Vous n 'tes pas du chteau, vous n' tes pas du village, vous ntes rien. Et pourtant,

    vous tes quelque chose, malheureusement, vous tes un tranger, un qui est toujours detrop et toujours entre nos jambes, un qui provoque beaucoup de soucis, [...]dont on ne

    sait pas les intentions.F. Kafka

    Le clandestin est tout simplement un immigr qui n'a pas de papiersen rgle. Et, bien sr, pas par plaisir du risque et de l'illgalit, mais parceque dans la plupart des cas, pour avoir ces papiers, il devrait fournir desgaranties qui ne feraient pas de lui un migrant, mais un touriste ou untudiant tranger. Si ces critres taient appliqus tous, on serait jets lamer par millions. Quel chmeur italien, par exemple, pourrait fournir lagarantie d'un revenu lgal ? Comment feraient tous les prcaires d'ici quitravaillent par l'intermdiaire d'agences d'intrim, dont les contrats ne sontpas reconnus aux immigrs pour le permis de sjour ? Et y a-t-il tantd'italiens qui vivent dans un appartement de 60 mtres carrs avec deuxautres personnes maximum ? Lisons-les, les diffrents dcrets (de droite oude gauche) sur l'immigration, on comprendra alors que la clandestinisationdesimmigrs est un projet prcis des Etats. Pourquoi ?

    A un tranger, on peut plus facilement faire du chantage, lui faireaccepter, en le menaant d'expulsion, des conditions de travail et d'existenceplus odieuses (prcarit, dplacements continus, logements de fortune, etc.).Et cette menace existe aussi pour ceux qui ont le permis de sjour, mais quisavent trs bien quel point il est facile de le perdre quand on n'est pascomplaisant avec le patron ou les agents de police. Grce la menace desgendarmes, les patrons se procurent des salaris dociles, ou plutt, de

    vritables travailleurs forcs.Mme les partis de la droite la plus ractionnaire et

    xnophobe savent trs bien qu'une fermeturehermtique des frontires est nonseulement techniquement impossible,

    mais aussi dsavantageuse. Selon lesNations Unies, l'Italie devrait, pourmaintenir l'actuel quilibre entre

    population active et inactive,accueillir, d'ici 2025, un quota cinqfois suprieur celui actuellement tablipar an. En effet, la Confindustriasuggre sans cesse de doubler le quotafix jusqu' maintenant.

    La concession ou le refus de

    permis annuels et saisonniers dtermineune hirarchie sociale prcise entre lespauvres. La distinction entrerapatriement forc immdiat etexpulsion (c'est dire l'obligation, pourlimmigr irrgulier, de se prsenter la

    frontire pour tre renvoy la maison)permet de choisir sur la base de critres

    ethniques, des accords conomico-politiquesavec les gouvernements des pays d'o vientl'immigr et des besoins du march du travail

    ceux clandestiniser et ceux loigner tout de suite.En effet, les autorits savent trs bien que personne ne se prsenteraspontanment la frontire pour se faire expulser ; certainement pas ceux

    qui ont dpens tout ce qu'ils avaient et parfois mme plus pour sepayer le voyage. Les chefs d'entreprise dfinissent les caractristiques desmarchandises qu'ils achtent (l'immigr est une marchandise, comme nous tousd'ailleurs), l'Etat rassemble les donnes, la police excute les ordres.

    L'alarme donne par les politiques et les mass media, les proclamationsanti-immigration crent des Ennemis imaginaires, pour pousser lesexploits d'ici dcharger sur un commode bouc missaire les tensionssociales grandissantes et pour les rassurer, en leur faisant admirer lespectacle de pauvres encore plus prcaires et victimes de chantage qu'eux ;et enfin, pour qu'ils se sentent membres d'un fantme appel Nation. Enfaisant de l'irrgularit qu'ils crent eux-mmes un synonyme dedlinquance et de danger, les Etats justifient un contrle policier et unecriminalisation des conflits de classe de plus en plus latents. C'est dans cecontexte qu'agit la manipulation du consensus aprs le 11 septembre,

    rsume dans l'ignoble slogan clandestins=terroristes, qui unit, si on le litdans les deux sens, la paranoa raciste la demande de rpression enversl'ennemi interne (1e rebelle, le subversif).

    Ils hurlent, gauche comme droite, contre le racket qui organise levoyage des clandestins (dcrit par les mass media comme une invasion, unflau, l'arrive d'une arme) alors que ce sont leurs lois qui le favorisent. Ils

    AUX ERRANTS

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    hurlent contre le crime organis qui exploite normment d'immigrs(fait exact mais partiel), alors que ce sont eux qui leur fournissent la matirepremire dsespre et prte tout. Etat et mafia, dans leur symbiosehistorique sont unis par le mme principe libral : les affaires sont lesaffaires.

    Le racisme, instrument d'exigences conomiques et politiques, russit se rpandre dans un contexte de massification et d'isolement gnraliss,quand l'inscurit cre des peurs opportunment manipulables. a ne sertpas grand chose de condamner moralement ou culturellement le racisme,car ce n'est pas une opinion ou un argument, mais une misrepsychologique, une peste motionnelle. C'est dans les conditions sociales

    actuelles qu'il faut chercher les explications de son expansion et, en mmetemps, les forces pour le combattre.

    LACCUEIL DUN CAMP DE CONCENTRATION

    Dfinir camps de concentration les Centri di Permanenza Temporanea pourimmigrs en attente d'expulsion centres introduits en italie en 1998 parle gouvernement de gauche avec la loi Turco-Napolitano ce n'est pas dela rthorique, comme pensent au fond beaucoup de ceux qui utilisent cetteexpression. Il s'agit d'une dfinition stricte. Les camps nazis taient descamps de concentration o taient enfermes des individus que la policeconsidrait, mme en absence de conduite pnalement condamnable,

    dangereux pour la scurit de l'Etat. Cette mesure prventive dfiniedtention protectrice consistait retirer tous les droits civils etpolitiques certains citoyens. Qu'ils soient rfugis, juifs, tziganes,homosexuels ou subversifs, il revenait la police, aprs des mois ou desannes, de dcider de leur devenir. Les camps n'taient donc pas desprisons o on purgeait une peine pour un dlit, ni une extension du droitpnal. Il s'agissait de camps dans lesquels la norme tablissait l'exception ;c'est dire une exception lgale la lgalit. Un camp ne dpend donc pasdu nombre d'incarcrs ni de celui des assassins (entre 1935 et 1937, avantla dportation des juifs, il y avait 7500 incarcrs en Allemagne), mais de sanature politique et juridique.

    Les immigrs finissent aujourd'hui dans les centres, indpendammentd'ventuels dlits, sans aucune procdure pnale : leur incarcrationdcide par le questore, est une simple mesure de police. Exactement comme

    en 1940 sous le rgime de Vichy, quand les prfets pouvaient faireenfermer les individus dangereux pour la dfense nationale et la scuritpublique ou bien les trangers en surnombre par rapport l'conomienationale. On peut se rappeler la dtention administrative en Algriefranaise, en Afrique du sud de l'apartheid ou les actuels ghettos pourpalestiniens crs par l'Etat d'Isral.

    Ce n'est pas un hasard si, au sujet des conditions infmes des centrespour immigrs, les bons dmocrates ne font pas appel au respect d'unequelconque loi, mais des droits humains dernire chance pour desfemmes et des hommes qui il ne reste que l'appartenance l'espcehumaine. On ne peut pas les intgrer en tant que citoyens, alors on faitsemblant de les intgrer en tant qu'humains. L'galit abstraite desprincipes masque partout les relles ingalits.

    UN NOUVEAU DRACINEMENT

    Les immigrs qui dbarquaient pour la/ premire fois Battery Parkne tardaientpas/ se rendre compte que ce qu 'on leur avait/ racont de la merveilleuse

    Amrique/ ntait pas du tout exact :/ la terre appartenait peut-tre tous,/mais ceux qui taient arrivs en premiers/ s'taient amplement servis,/ et il ne leur

    restait plus qu'/ s'entasser dix dans les taudis sans fentre/ duLower EastSide et/ travailler quinze heures par jour. Les dindes ne tombaient pas dj rties/

    dans les assiettes et les rues deNew York/ ntaient pas en or/ En fait bien souventelle ntaient pas/ paves du tout. Et ils comprenaient alors/ que ctait justementpour les leur faire paver/ quon les avait fait venir. Et pour creuser des tunnels/

    et des canaux, construire des rues, des ponts des grandes/ digues, des chemins de fer,

    dfricher des forts, exploiter/ des mines et des carrires, fabriquer des voitures et descigares,/ des carabines et des vtements, des chaussures, des chewing gums,/du corned-beef et des savonnettes, et construire/ des gratte-ciels encore plus grands/

    que ceux quils avaient dcouverts en arrivant.Georges Perec

    Si on fait quelques pas en arrire, il s'avre vident que le dracinementest un moment essentiel du dveloppement de la domination tatique etcapitaliste. Au dbut de cette domination, la production industrielle aarrach les exploits des campagnes et des villages pour les concentrerdans les villes. L'ancien savoir-faire des paysans et des artisans a t ainsiremplac par l'activit force et rptitive de l'usine activit impossible contrler, dans ses instruments et sa finalit, par les nouveaux proltaires.Les fils ans de l'industrialisation ont donc perdu au mme moment leursanciens lieux de vie et leurs connaissances antiques, celles qui leurpermettaient de se procurer de manire autonome une bonne part de leursmoyens de subsistance. De plus, en imposant des millions de femmes etd'hommes les mmes conditions de vie (mmes lieux, mmes problmes,mme savoir), le capitalisme en a unifi les luttes, leur a fait retrouver desnouveaux frres pour combattre contre cette vie insupportable. Le

    vingtime sicle a marqu l'apoge de cette concentration productivetatique dont les emblmes taient l'usine-quartier et les camps deconcentration et aussi lapoge des luttes sociales les plus radicales poursa dmolition.

    Lors des vingt dernires annes, grce aux innovations technologiques,le capital a remplac la vieille usine par des nouveaux centres de productionde plus en plus petits et dlocaliss sur le territoire, dsagrgeant aussi le

    tissu social l'intrieur duquel ces luttes avaient grandi, et en dterminantainsi un nouveau dracinement.

    Ce n'est pas tout. La restructuration technologique a acclr et facilitles changes, en ouvrant le monde entier la concurrence la plus froce,en ruinant les conomies et les modes de vie de pays entiers. En Afrique,en Asie, en Amrique Latine, la fermeture de nombreuses usines, leslicenciements de masse, dans un contexte social dtruit par le colonialisme,de la dportation des habitants des villages aux bidonvilles, des champs auxchanes de montage, ont produit une foule de pauvres devenus inutiles leurs patrons, des enfants indsirs du capitalisme. Si on ajoute la chute des payssoi-disant communistes et le racket des dettes organis par le FondMontaire International et la Banque Mondiale, on obtient une carte assezprcise des migrations, des guerres ethniques et religieuses. Ce qu'onappelle aujourd'hui flexibilit et prcarit est la consquence de tout

    cela : un autre progrs dans la soumission aux machines, une augmentationde la comptition, une aggravation des conditions matrielles (contrats,sant, etc.). Nous en connaissons dj la raison : le capitalisme a dmantelles communauts qu'il avait lui-mme cres. Il serait de toute faonpartiel de concevoir la prcarit seulement au sens conomique, c'est direabsence d'un travail fixe et fiert du propre mtier. Celle-ci est un isolementdans la massification, c'est dire un conformisme fanatique sans espacescommuns. Dans l'angoissant vide de sens et de prospectives, le besoininsatisfait de communaut revient, mystifi, sous forme de vieillesoppositions nationalistes, ethniques ou religieuses, une tragiquereproposition d'identit collective l o s'est vanouie toute rciprocitrelle entre les individus. Et c'est justement dans ce vide que s'installe lediscours intgriste, fausse promesse d'une communaut qui s'est rachete.

    GUERRE CIVILE

    Tout ceci nous amne de plus en plus vers un scnario de guerre civilepermanente, sans faire de distinctions entre temps de paix et temps de

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    guerre. Le conflit n'est plusdclar comme l'a dmontrl'intervention militaire dans lesBalkans mais simplement gren garantissant le maintien del'Ordre Mondial. Ce conflit sanstrve touche toute la socit et lesindividus eux-mmes. Les espacescommuns de dialogue et de luttesont remplacs par l'adhsion auxmodles marchands : les pauvres

    se font la guerre pour le sweat oula casquette la mode. Lesindividus se sentent de plus enplus insignifiants, et donc prts se sacrifier pour le premier leadernationaliste ou pour un bout dedrapeau. Maltraits chaque jourpar l'Etat, les voici dfendre aveczle une quelconque Padania (dsoleet pollue, avec des usines et des centres commerciaux partout est-cedonc a l'enviable terre des anctres ?). Attachs ce mirage de propritqui leur reste, ils ont peur de se montrer tels qu'ils sont : des engrenagesinterchangeables d'une Mgamachine, qui ont besoin de psycholeptiquespour tenir jusqu'au soir, de plus en plus envieux envers quiconque ayant

    seulement un peu l'air plus heureux qu'eux. A une rationalit de plus en plusfroide, abstraite et calculatrice, correspond des pulsions de plus en plusbrutales et inavoues. Alors, quoi de mieux qu'une personne diffrente depeau ou de religion pour dcharger sa rancoeur ? Comme disait unmozambicain, les gens ont pris la guerre l'intrieur d'eux. Certainesconditions externes suffisent pour faire tout exploser comme en Bosnie. Etces conditions, on nous les sert avec soin. A l'universalisme capitalistes'oppose, dans un tragique jeu de miroirs, le particularisme ethnique. Sousl'ordre institutionnel, avec ses espaces de plus en plus anonymes etsurveills, se prpare l'implosion des rapports humains. On dirait les mmessables mouvants d'o a surgit, dans les annes trente, l'homme totalitaire.

    DEUX ISSUES POSSIBLES

    Pourquoi avons nous jusqu'ici parl d'immigration et de racisme, tantdonn que nous ne sommes pas directementconcerns par le problme delerrance et de l'expulsion ? Le capitalisme rapproche de plus en plus nos

    vies la prcarit et limpossibilit de dcider de notre prsent et de notrefutur ; c'est pour cela que nous nous sentons frres, dans les faits, desexploits qui dbarquent sur les ctes de ce pays.

    Face au sentiment de dpouillement que des millions d'individusprouvent envers un imprialisme marchand qui les oblige tous rver lemme rve sans vie, aucun appel au dialogue et l'intgration dmocratiquen'est possible. Quoiqu'en disent les antiracistes dmocratiques, il est troptard pour les leons d'ducation civique. Quand ils poussent partout desbidonvilles de Caracas aux banlieues de Paris, des territoires palestiniens aux

    centres et stades o sont enferms les clandestins les campso on assignela misre ; quand l'tat d'exception c'est dire la suspension juridique detout droit devient la norme ; quand on laisse littralement pourrir desmillions d'tres humains dans les rserves du paradis capitaliste ; quand onmilitarise et blinde des quartiers entiers (Gnes, a vous dit quelquechose ?), parler d'intgration est une norme plaisanterie. A ces conditionsde dsespoir et de peur, cette guerre civile plantaire, il n'y a que deuxissues possibles : l'affrontement fratricide (religieux et de clan dans toutesses variantes possibles), ou la tempte sociale de la guerre de classe.

    Le racisme est la tombe de toutes les luttes des exploits contre lesexploiteurs, c'est la dernire carte la plus sale joue par ceux qui

    voudraient nous voir nous massacrer entre nous. Il peut seulementdisparatre dans les moments de lutte commune, quand on reconnat nosennemis rels les exploiteurs et leurs sous-fifres et on se reconnaten

    tant qu'exploits qui ne veulent plus l'tre. Le conflit social des annessoixante et soixante-dix en Italie quand les jeunes ouvriers immigrs dusud rencontrrent ceux du nord sur le terrain du sabotage, de la grvesauvage et de la totale dloyaut envers le patron l'a prouv. Ladisparition aprs les annes soixante-dix des luttes rvolutionnaires (duNicaragua l'Italie, du Portugal l'Allemagne, de la Pologne l'Iran) a

    affaibli la base d'une solidaritconcrte entre les expropris dela Terre. On pourra seulementreconqurir cette solidarit dansla rvolte et non pas dans lesdiscours impuissants desnouveaux tiersmondistes et desantiracistes dmocratiques.Donc, ou le massacre de clan etde religion, ou la guerre de classe.Et c'est seulement au fond de

    celle-ci que nous pouvonsentrevoir un monde libre del'Etat et de l'argent, dans lequelnous n'aurons besoin d'aucunpermis pour vivre et voyager.

    UNE MACHINEQUON PEUT BRISER

    Dans les annes quatre-vingt, il y avait un slogan qui disait :Aujourd'hui ce n'est pas tellement le bruit des bottes dont on doit avoirpeur mais du silence des pantoufles. Maintenant, elles sont toutes de

    retour. Avec un langage de guerre sainte (les forces de l'ordre, l'arme dubien qui protge les citoyens des immigrs, l'arme du mal, comme l'aaffirm rcemment le prsident du Conseil), l'Etat organisequotidiennement des rafles d'immigrs. Leurs maisons sont dvastes, lesclandestins sont ramasss dans la rue et dports, enferms dans les campset expulss dans lindiffrence la plus totale. Dans de nombreuses villes, desnouveaux centres de dtention sont dj en construction. La loi Bossi-Fini,continuation digne de Turco-Napolitano, veut limiter les permis de sjourselon la dure exacte du contrat de travail, ficher tous les immigrs,transformer la clandestinit en dlit et renforcer la machine des expulsions.

    Le mcanisme dmocratique de la citoyennet et des droits, bienqu'largis, prsupposera toujours l'existence d'exclus. Critiquer et essayerd'empcher les expulsions des immigrs signifie critiquer en acte la fois leracisme et le nationalisme ; cela signifie chercher un espace commun de

    rvolte contre le dracinement capitaliste qui nous touche tous ; cela signifieentraver un mcanisme rpressif tant important qu'odieux ; cela signifiebriser le silence et l'indiffrence des civilissqui restent l regarder ; celasignifie, enfin, discuter le concept mme de loi, au nom du principe noussommes tous clandestins. Bref, il s'agit d'une attaque un des piliers de lasocit tatique et de classe : la comptition entre les pauvres, leremplacement, aujourd'hui de plus en plus menaant, de la guerre socialepar la guerre ethnique ou religieuse.

    Pour fonctionner, la machine des expulsions a besoin de la participationde nombreuses structures publiques et prives (de la croix rouge qui cogreles camps aux entreprises qui fournissent des services, des compagniesariennes qui dportent les clandestins aux aroports qui organisent leszones d'attente, en passant par les associations dites de charit quicollaborent avec la police). Toutes ces responsabilits sont bien visibles et

    attaquables. Des actions contre les centres de dtention (comme s'est arrivil y a quelques annes en Belgique et il y a quelques mois en Australie, oles manifestations se sont termines par la libration de quelquesclandestins), celle contre les zones d'attente (comme en France, contrela chane d'htel Ibis, qui fournit des chambres la police) ou pourempcher les vols de l'infamie ( Francfort, un sabotage des cbles fibresoptiques avait mis hors d'usage, il y a quelques annes, tous les ordinateursd'un aroport pendant quelques jours), il y a beaucoup d'actions qu'unmouvement contre les expulsions peut raliser.

    Aujourd'hui plus que jamais, c'est dans les rues que se reconstruit lasolidarit de classe. Dans la complicit contre les rafles de la police ; dans lalutte contre l'occupation militaire des quartiers ; dans le refus obstin detoute division que les patrons voudraient nous imposer (italiens et trangers,immigrs rguliers et clandestins) ; en ayant conscience que tout outrage

    subi par chaque expropri de la Terre est un outrage tous c'estseulement ainsi que les exploits de mille pays pourront enfin sereconnatre.

    Contact :Stranieri Ovunque, C.P. 1244, 10100 Torino

    Centro di Documentazione Porfido, V. Tarino 12/c, 10124 Torino

    Woomera (Australie), mars 2002 : Manifestations contre un centre dertention, lattaque des grillages a permis 25 sans-papiers de schapper.

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    CR OFFICIELLEMENT le 7 avril 1998, le CAE Ile-de-France est audpart le regroupement de collectifs (dont la CNT-Vignoles,13Actif, le C19 et des membres de lex-collectif des Papiers pourTous 1) qui luttent dj sur le terrain de limmigration et dindividus quiarrivent sur des pratiques qui commencent se dvelopper :lintervention directe contre la machine expulser.

    DES AROPORTS ET DES GARES...

    Les premiers modes dintervention se situent dans les aroports et lesgares. Suite lexpulsion de deux glises du XIIIe arrondissement, des

    personnes se rendent quotidiennement dans les aroports afin dinciterles passagers se solidariser (en restant debout ou en protestant dediverses manires) avec les expulss embarqus sur les avions. Laconsquence directe pouvant tre le dbarquement des expulss si lecommandant de bord estime que lavion ne peut dcoller dans cesconditions ; le dlai de rtention tant de 10 jours ( lpoque), lesexpulss pouvaient lexpiration de ce terme dj entam lors de leurtentative dembarquement, tre relchs. La parade de lEtat a t de lescondamner pour refus dembarquement de 3 mois jusqu un an ferme,lenjeu est alors que ce soient les passagers qui empchent lexpulsion !En mars 1998, ce sont prs de 100 sans-papiers du 6e collectif qui ont tarrts suite ces deux occupations dglises, et lintervention sur lesaroports a permis den faire redescendre quelques uns (mais DiawaraSirin sest pris un an ferme lors de lappel en novembre 98 pour refusdembarquement). Il est noter que les individus qui contactent les

    passagers ne font que reprendre une pratique des immigrs dj en usagelorsquils voient des compatriotes se faire expulser.A partir du 15 avril 98, cest le train de 21h03 gare de Lyon que leCAE tente dempcher de partir. Cest notamment celui qui transporte lesexpulss algriens jusqu Marseille o ils prendront le bateau destination dAlger. Ce train sera bloqu cinq fois, ces interventions tant

    coordonnes avec Lyon et Marseille o dautres personnes tentent debloquer le train, voire plongent dans le port de Marseille et tournentautour du bateau. Au total, ce train accumulera jusqu deux heures deretard. Paralllement, de plus en plus de personnes viennent ce rendez-vous de 21h03 et jusqu 200 individus tentent daccder au train,courent sur les voies et... se prennent des coups de matraque. Le CAE deParis travaille demble avec le syndicat Sud-Rail qui assumera bien peultat de la gare aprs ces confrontations muscles. La Cimade,association humanitaire qui cogre les camps de rtention est galement

    prsente.

    ...AUX OCCUPATIONS

    Sans refaire toute lhistoire du CAE, ce collectif a maintenu un peu

    plus longtemps sa logique dintervention directe en occupant les locauxde la Police des Frontires qui abritent aussi un centre de rtention lagare du Nord, le 12 juin 98. Les flics prennent trs mal loccupation deleur quartier gnral et arrtent 66 des 200 personnes prsentes. Trois

    passeront en procs, lune pour outrage, rbellion, dgradation devhicule de police prendra le 12 septembre 98 une amende, lautre seracondamne 10 mois de prison dont 4 ferme le 17 dcembre 99, la

    dernire sera relaxe 2. De la mme faon, 200personnes occupent le 24 janvier 99 lhtel

    Ibis de Roissy (dont sa terrasse) qui sert decentre de rtention, tandis quen Belgique

    la maison du ministre delIntrieur est entoure de

    barbels et qu Lille

    lautoroute qui mne aucentre de rtention estmure. Des manifestations

    ont lieu Lyon (danslaroport), Toulouse et Reims (devant le

    commissariat qui sert de centre de rtention),

    Nantes 3. Enfin, une manifestation dune centaine depersonne se rend le 27 juin 99 au centre de rtention de

    Vincennes.On notera que les interventions dans les

    aroports ont continu durant toutecette priode, notamment en bloquant

    les comptoirs de compagnies ariennes(Air france, Air Afrique,...) ou enoccupant des agences dAir france

    comme le 27 mars 99 o 369 personnesseront interpelles. Suite cette dernire action

    qui concluait une manifestation de sans-papiers,lauteur de cet article, dgot par bien des choses au CAE et l

    prcisment par le fait que prs de 400 personnes se laissent arrter, naplus eu de rapports avec ce collectif. Lobjectif de cette occupationsemblait bien tre de ramener du monde autour du CAE suite la manif,sans autre fin que celle de rester dans lAgence en attendant les flics : uneaction totalement symbolique qui jouait sur laspect consommateur des

    participants. Une dernire action, enfin, qui a pu tre intressante aprscette date : loccupation le 16 dcembre 2000 de la nouvelle zonedattente Zapi 3 de Roissy.

    DES LIMITES DE PLUS EN PLUS PRGNANTES

    Les limites politiques du CAE ne se restreignent pas une priodeprcise de son histoire et la rsumer comme un chemin qui mne desactions directes contre les expulsions du lobbying ou une collaboration

    plus accrue avec le pouvoir et ses relais serait partiellement faux. Car leCAE na ds le dbut jamais t clair ni sur ses objectifs pratiques (et lesmoyens se donner pour les obtenir) pour faire avancer sesrevendications, ni surtout sur son rapport aux mdiations du pouvoir

    journalistes, autres associations investies sur les luttes de limmigration,

    syndicats ; voire mme sur son rapport avec les immigrs en lutte. Cecireflte en partie les individus qui ds le dbut lont compos, maistmoigne aussi des rapports de force internes qui ont su imposer des

    pratiques de plus en plus ambigus. Enfin, il serait galement intressantde connecter les interventions du CAE aux fluctuations internes dumouvement des sans-papiers (ce que nous ne ferons pas ici), tant il estvrai quune des spcificits franaise est que les immigrs ont une longue

    pratique des luttes, et ce de faon souvent autonome.

    OBJECTIFS PRATIQUES :

    On a vu que les membres du CAE avaient commenc en se rendantdirectement et physiquement sur les lieux de la machine expulser pourtenter de la bloquer. Ceci sest fait malgr les coups et parfois les procs.

    Cependant, agir contre ces rouages peut galement sentendre dautresmanires. Et le CAE na pas hsit les utiliser. A partir de dbut 1999,il sest lanc dans une campagne de lobbying contre le groupe Accor qui,

    par le biais des htels Ibis et du voyagiste Carlson Wagons-lits Travel,collabore aux expulsions (lun est partiellement un centre de rtention Roissy et lautre rserve les places de train pour les expulss). Alorsquattaquer directement la machine expulser suppose des modesdinterventions qui ne posent dautres limites que la volont des

    participants, la campagne de lobbying [harceler, boycotter] restera dansles limites quelle sest donne : occupons les agences, diffusons destracts aux clients et employs, redcorons les faades... 4. Et lorsque parmalheur un groupe dindividus dont des membres du CAE saccagele 6 juin 99 une agence de Carlson Paris, il nen est fait mention nulle

    part dans les nombreuses chronologies ou comme exemple daction

    intressante. La personne qui est passe en procs pour ce fait na elle pascache ce lien 5. De la mme faon, le CAE organise le 8 mai 99 un...simple rassemblement devant lhtel Ibis de Montreuil. A linverse, suite loccupation de la terrasse de lIbis de Roissy le 24 janvier 99 et pourfaire relcher les sept personnes interpelles, une petite centaine de

    personnes sest invite dans trois htels de suite pour allgrement piller

    Un bilan critique duCollectif Anti-expulsions dIle-de-france

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    bar et buffet et continuer ainsi jusqu leur libration (ce qui fut fait). Toutceci pour illustrer que passer dune perspective dattaques contre lamachine expulser celle dun boycott/harclement contre un de cesrouages, si cela permet peut-tre de ratisser plus large, est peu porteuren terme doffensive puisquon passe ainsi au terrain symbolique (leharclement avec exemples la cl dans les tracts) et la passivit (le

    boycott).

    Si ceci nempchera pas ponctuellement le CAE dtre plus radical,comme ce fut le cas Strasbourg lors du camping NoBorderen juillet2002, ce nest jamais comme stratgie dfinie, et toujours ct de

    pratiques qui acceptent toutes les mdiations. Il navigue ainsi dans toutesles eaux troubles de la tactique, avec sil le faut plusieurs niveauxdaction, tout en ne faisant jamais la publicit des pratiques intressantes(sabotage de laroport de Francfort, meutes en centres de rtentionaustraliens, attaques contre ces centres en Belgique, saccage dune agenceAccor Paris,...) voire en sen servant pour justifier un niveau publiclargi qui comporte des pratiques totalement incompatibles avec lesattaques directes (accueil de journalistes, signature de tract avec des

    partis, runions avec des associations qui vivent de la misre desimmigrs, dialogue conflictuel avec des maires). A moins que cesdiffrents modes ne soient pas antagonistes mais complmentaires !

    Le boycott dAccor comme nouvelle perspective : mais pour obtenirquoi, au fait ? Que cette entreprise ne se fasse plus de fric sur les

    expulsions ! On demande donc aux citoyens de boycotter les htelsdAccor, sa compagnie de rservation de voitures, ses cantinesdentreprise, etc. Poussant fond cette nouvelle logique de lobbying, quefit le CAE aprs avoir localis le domicile personnel du PDG dAirFrance (autre entreprise implique dans les expulsions) ? Ils lont rveilltt le matin en prcisant dans leur tract nous sommes venus interpeller

    Monsieur Spinetta aujourdhui, dsireux de lui faire prendre conscience

    de ses responsabilits, lorsquil choisit de collaborer avec le Ministre de

    lIntrieur.... Conscientiser la mauvaise conscience des PDG, voil unemthode bien singulire pour intervenir contre les expulsions. De mme,le 6 mai 98, le CAE est parvenu pntrer au 27e tage de la tourMontparnasse, sige dAccor, pour tomber en pleine runion au sommetde la branche loisirs/tourisme : et l, ils ont dnonc toutes ces bellesordures la collaboration des entreprises publiques et prives la

    politique de contrle et dexpulsion du gouvernement en distribuanttranquillement leur tract contre Accor. Enfin, le comble de cettecampagne fut peut-tre atteint le 1er mai 99 avec la lettre envoye auxcomits dentreprise (organe de cogestion par excellence entre syndicatset patrons) pour agir, avec nous, en refusant les propositions daccueil decongrs, forums, sminaires, ou autres confrences dans les htels du

    groupe Accor en informant vos adhrents, le personnel des entrepriseset des comits dentreprise.... Ecrire aux syndicats pour toucher lestravailleurs le 1er mai, il fallait y penser, et bouffer des petits-fours lorsdun cocktail chez x plutt que chez y, voil un grand pas contre lesexpulsions !

    Toute cette campagne de lobbying contre Accor nous permet de nousinterroger sur les moyens que sest donn ce collectif. Il nous semble quela logique du CAE est, fondamentalement, non pas de sopposer aux

    expulsions mais de faire quelque chose contre elles. Sil y a moins devolonts pour sattaquer la machine expulser suite lpuisement,la rpression ou une quelconque analyse surltat du mouvement par exemple , au lieudaccepter cette donne et dadapter ses actions(ne pas revendiquer par exemple),il faut tout de mme continuer

    bouger. Il y a au CAE comme unrefus permanent de se pensercomme un groupe peu nombreuxmais sur des bases claires, cequi sexprime par le faitde changer rgulirementde tactique, toujours

    chercher slargir afinde pas demeurer enmarge, soit une volontcontinuelle de rassemblerle plus de personnes

    possibles autour du fait

    dagir, ce qui ressemble fort de lactivisme gauchiste. A la fois pour desraisons de confort interne, rester ensemble, et de confort politique,demeurer visible, le niveau daction du CAE a donc au contraire t revu la baisse sans que la question de la cohrence politique ne se soit pose.Il ny a pourtant notre sens aucun rapport entre dune part des individusqui sopposent directement aux expulsions au nom doppressions et dunelibert quils dfendent en commun avec les sans-papiers (de circulationet dinstallation par exemple), cest--dire se dfendre soi en attaquantainsi des rouages de la domination ; et, dautre part, en tentant dorganiserun boycott passif de ces mmes ennemis, cest--dire en jouant sur laconsommation de ce qui devient de mauvais produits. Ce nest plus

    intervenir en individus porteurs de libert par des actions directes, maiscest apitoyer la masse (les citoyens, les consommateurs, au choix) pourquils aient limpression de participer un combat commun. Loptiquenest plus lassociation pour porter des coups lennemi mais ladlgation (le boycott cest demander dautres d agir), ce nest pluslattaque directe contre les structures mais un moyen passif (lachat de

    produits) contre un grand mchant dsign. Cela change tout en termes derappropriation de la lutte et de ses moyens par chacunE. Ce type decampagne se mprend, enfin, sur le rle entre lEtat et les entreprises, etdonc sur celui du systme capitaliste : il y a comme une volont, endnonant la collaboration entre entreprises et Etat, de dire laissez lEtatassumer seul sa politique et contentez-vous de faire du fric (nousdnonons les complicits entre lEtat et les entreprises publiques ou

    prives). Comme si ces deux ples ntaient pas conomiquement et

    politiquement troitement imbriqus depuis toujours, comme si ce ntaitpas la mme classe qui prsidait aux destines des deux. Cest unebanalit de rappeler que tout ce qui peut rapporter du fric est exploit, lesexpulsions comme le reste, et quil ny a aucun sens faire prendreconscience de ses responsabilits un patron, sinon en lliminant mais pour dautres raisons cette fois comme la vengeance, puisquil est son poste prcisment pour ce quil fait. Nous dnonons lescomplicits... revient donc dire nous dnonons le fonctionnement du

    systme capitaliste, ce qui devient pour le moins cocasse ! A linverse,de vouloir faire cesser par le boycott une collaboration rentable qui astructurellement toutes les raisons dexister, les attaques directes nontcomme ambition que de gner ou dempcher momentanment cesexpulsions, ce qui peut dj tre consquent. A moins que le CAEsouhaite que le commerce des expulsions soit nationalis ou directementexcut par les sbires de lEtat ? Comme on est bien loin des attaquescontre les trains, lorsquen en arrive vouloir (illusoirement, en plus)

    jouer un rouage contre un autre... Une dernire chose : dans un monde otout est colonis par la marchandise jusqu nos gnes , appeler faire des choix thiques lintrieur de celui-ci (lentreprise x, garantie100 % sans expulsions) plutt qu dtruire les marchandises quil

    produit ou ses centres de production, revient bien plus le consolider qule liquider.

    LES DIFFRENTES MDIATIONS :

    Dans la continuit de lexemple de cette campagne de lobbying, leCAE na jamais su cette fois depuis sa cration tre clair sur lesmdiations du pouvoir. Le point commun avec ce qui prcde est laquestion de la visibilit en vue de ramener des gens. Encore une fois,au lieu dagir comme un collectif autonome (propres objectifs, propresmoyens, indpendant des institutions et de leurs relais), il y a en

    permanence la volont dtre partie prenante dune lutte plus large, unmouvement social (ici le mouvement des sans-papiers), avec lobjectif

    de le radicaliser, cest dire de faire venir soi denouvelles personnes afin dlargir la lutte

    jusqu... la rvolution peut-tre. Lerapport aux diffrentes mdiations est

    ds lors ambigu : lorsquon se sentfort, on les ignore, mais on nhsite linverse pas faire appel elles en casde faiblesse. Toujours le mme mythedutiliser ses ennemis sans contrepartie.

    Les journal istes nontjamais t exclus desactions du CAE, ils ontmme parfois t invits,chaque action faisant en

    plus lobjet de communi-

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    qus de presse. Lors duprocs du 19 septembre2000 dans lequel une dizainede personnes taientaccuses d exploitationnon conforme dune zone

    publique dun arodrome(en fait diffusion de tracts le22 janvier prcdent Roissy), un copieux dossierde presse a t ralis. Le

    CAE na pas hsit yinclure les articles publissur lui.

    Les syndicats ont sanscesse t considrs commedes allis potentiels sinonnaturels contre lesexpulsions. Au-del de tout dece quon peut penser sur ces collabos par nature, il nous semble videntque les syndicats ne souhaitent pas enrayer la machine expulsion.Encore moins ceux des entreprises qui ont un rle direct dans cettedernire. Ils en sont complices, au mme titre sinon plus, que lestravailleurs quils aimeraient tant reprsenter. Ds le dbut du CAE, il y a

    eu des frictions avec Sud-Rail qui tait associ aux interventions gare deLyon, parce quil ne parvenait pas grer la colre des manifestants etquil napprciait pas les quelques dgradations dans la gare lorsque ceux-ci devaient se replier. Lors dune autre action conjointe, Marne-la-Valle, il a t plus loin en ngociant directement avec les flics et sescollgues (la police des chemins-de-fer) la fin du blocage du train dsquil devenait plus que symbolique. La lettre aux syndicats voque plusavant tmoigne galement de cette logique de partenariat. La raison

    politique du CAE est la suivante :au-del des actions, il est important dedvelopper des liens et des changes dinformations avec les syndicats et

    les employs de ces entreprises en les appelant protester et dsobir et,dans une autre brochure, il faut avoir en permanence le souci dedvelopper le dbat et les prises de position des salaris et syndicats des

    compagnies ariennes, de la SNCF, de la SNCM. Car au bout du compte

    les SP[sans-papiers] expulss sont des travailleurs comme eux, mais plusprcaires 7. Si on les suit, les individus qui permettent lEtat dedporter les sans-papiers sont dabord des travailleurs, ce qui justifie tout.Mais les flics, les juges, les bourreaux, les huissiers, les personnel desarsenaux, les matons le sont galement. Les expulsions ne sont pas unemachine abstraite qui fonctionne mystrieusement du choix dun ministre lAssemble larrive dun expuls dans un autre pays : ce sont deslieux, des structures, des technologies et... des hommes. Sans forcer lacomparaison, qui a convoy les trains de dports vers Auschwitz ? Destravailleurs ! Les exonrer ainsi sous prtexte quils sont des

    proltaires, cest rejoindre soi-mme ces collaborateurs dans labjection.

    Les partis politiques et institutions para-tatiques nont pas toujourst traits pour ce quils sont, loin de l. A force de vouloir amener lesautres sur ses propres bases au lieu de les considrer comme des ennemis,

    le CAE a parfois sign des tracts avec eux. En mai 2000, cest parexemple avec les Verts, le PC (alors tous deux au gouvernement) et leSNJ, syndicat de journalistes. Lerreur individuelle fut alors invoque titre dexcuse, mais quest-ce cela signifie quant la clart des bases

    politiques au sein du CAE ? Car ce tract ne sortait pas du chapeau maisbien de runions unitaires au sein desquelles des membres du CAEntaient pas gns de siger aux cts de ces crapules. Lors de leurcampagne contre la construction dun centre de rtention Palaiseau, lecollectif na pas hsit frquenter les meetings lectoraux pourinterpeller les futurs lus. Il est une chose de saboter un meeting, une autrede dialoguer avec les lus comme nimporte quel citoyen, cest--dire derentrer dans les rgles du dbat dmocratique. Lors de leur runion

    publique du 12 octobre 2000, le maire PS et un de ses adjoints y sontvenus dclarer quils taient..., selon un compte-rendu 8. Quest-ce que

    cest que ce maire PS qui peut dclarer quoi que ce soit dans unrassemblement auquel participe le CAE ? Mais il vrai, titredillustration, que le CAE avait dj utilis, comme moyen de sopposeraux expulsions, la mdiation du maire PC de Choisy-le-Roi le 24 octobre1998 pour alerter en notre prsence toute les instances possibles (...) Ilest parfois utile de connatre ladresse des lus et de leur rendre des

    visites impromptues. Pourleur faire payer oui,certainement pas pour lesutiliser comme mdiateurs,soit encore une fois le coupdes ennemis quon utilise.Si sopposer directementaux expulsions cest utiliserles maires ou tre reus endlgation chez le prfet(aprs la manif du 10

    novembre 2000 Palaiseau), les positions duCAE ont bien volu. Ilnest gure tonnant dslors quil ait sign un appel une runion publiqueavec la CGT, la Ligue desdroits de lhomme, la LCR

    et Sud-Education (toujours surPalaiseau). Un dernier exemple enfin, alors que nous connaissons tousleur fonction et leurs actions, le CAE na pas hsit solliciter Lutteouvrire, Droits devants!, le Mrap ou la Cimade pour obtenir uncommuniqu de soutien lors du procs concernant la diffusion de tract Roissy. Utiliser leur bonne image de crapules dmocrates pour se

    dfendre ensuite davoir distribu des tracts mais bien plutt des notesdinformation, sest aussi sassocier eux. Si on inverse lide, un CAEplus radical et clair (mme sil dnonce de faon gnrale dans ses textesle rle des associations) aurait-il pu avoir le soutien de ce genredorganisations ? Sa plate-forme prcise toutefois depuis le dbut queson but premier est de regrouper sur le terrain social, lensemble desindividus et organisations (sur la base de la libre circulation etinstallation de tous). Cette volont dunit laissait demble la porteouverte toutes sortes de pratiques dont la participation possibledindividus lis aux organisations qui vivent du racket des sans-papierset lorganisation dvnements avec eux. On notera que cette tendancegauchiste du CAE tait dj trs prsente dans le Collectif papiers pourtous (1996/97) avec linvestissement des mmes personnes dans le 3ecollectif de sans-papiers o elles sigeront dans des runions unitaires desoutiens aux cts de la LCR ou de la LDH sous prtexte davoir desliens directs avec un collectif de sans-papiers.

    Notre vision de lautonomie dun tel collectif, qui na jamais pusimposer au sein du CAE, ncessiterait tout dabord tre clair sur le rlede toutes ces mdiations, ce qui signifie en pratique les considrer commedes nuisibles ( linverse de signer, de se runir, de dialoguer avec eux, oude les solliciter). Cette autonomie signifie galement que le collectifsassigne ses propres objectifs et quils sont indpendants de ceux descollectifs de sans-papiers en lutte. Parfois, ils se trouvent en phase aveceux, dautres fois cest linverse, mais il est hors de question dtresubordonn leurs priorits (volont que les soutiens soient unis,utilisation de moyens institutionnels pour tre rgulariss par exemple).Sans que nous dveloppions ce point ici, il nous a aussi sembl quau seindu CAE il y avait une volont rgulire dobtenir une certaine lgitimit

    de la part des sans-papiers en se raccrochant des collectifs (le 6e, celuide la MDE, Choisy, Massy, certains dlgus de la coordination Ile-de-france), quitte parfois se mler de la vie interne de certains collectifs(comme Choisy le Roi), cest dire dintervenir pour faire gagner latendance dure en leur sein. Si nous luttons, cest au mme titre que lessans-papiers partir dune situation diffrente pour nous dfendre :leur situation prcarise lensemble du travail salari, la rpression et lecontrle dvelopp contre eux nous touche galement, le durcissementaux frontires est aussi une entrave notre libert de circulation, parceque nous sommes aussi trangers ce monde et que nous sommes aussiet seront de plus en plus clandestins (par choix mais aussi par ncessit

    pour vivre nos dsirs) au regard des volutions constantes de la loi et desEtats.

    Le CAE a pu montrer parfois quil tait possible de sattaquerdirectement aux expulsions. Le reste dcoule de son volution et aussi desa vision initiale de lautonomie, sous-tendue par des bases gauchistes(i.e., tout est possible en terme dutilisation des ennemis, linverse seraitfaire de la morale !).

    Cette Semaine - aot 200210

    Woomera (Australie), mars 2002 : Manifestations contre un centre de rtention, lattaquedes grillages a permis 25 sans-papiers de schapper.

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    En se renforant, lamachine expulser sediversifie en offrant par ltoujours plus de prises. Cecombat pour la libert dechacunE, celle de tous/tes,nest pas termin.

    1. 13 Actif : regroupementde militants du 13e

    arrondissement.C19 : regroupement dejeunes trotskistes (JRE) etassocis sur le quartier du19e arrondissement.Collectif papiers pour tous: n suite loccupation delglise St Ambroise par lessans-papiers en mars 1996.Est intervenu au cours de lalutte en se rendant dans desadministrations o des sans-papiers avaient t balancs(Poste, ANPE) ou enoccupant les siges despartis politiques. A

    galement particip louverture dun squat pourles ex-rsidents du foyerNouvelle-france Montreuilou organis le prolongementde la manifestation suivantlexpulsion de St Bernardvers le centre de rtention deVincennes (3000 personnesde nuit travers le bois pourfinir au seul endroit logiquepour une telle manifestation,avec chauffoures devantle centre). On peut lire :Sans-papiers, chronique

    dun mouvement, Reflex,19962. Voir communiqu publidans Cette Semaine n79,fvrier 2000, p.313. Voir dito de CetteSemaine n76, jan/fv 99,p.14. Brochure n4 du CAE, p.25. Voir entretien dans CetteSemaine n80, mai/juin2000, pp.6-77. Brochure Librecirculation pour tous,CAE, septembre 1998, p.3& Guide pratiquedintervention dans les

    aroports, CAE, juillet2000, p.6. Cest nous quisoulignons les termes de lacitation. On trouve, dans cemme guide, cette autrephrase tonnante, afin deconvaincre tout prix(quelle dmagogie) lespassagers agir : sicertains passagers sont peu

    sensibles au problme des

    expulsions, ils peuvent tre

    rceptifs un argument

    concernant leur scurit :

    un expuls qui ne veut paspartir peut se dbattre en vol

    en mettre en pril la scurit

    de tous les passagers (p5).8. Brochure n4 du CAE,dcembre 2001, p6.

    Cette Semaine - aot 2002 11

    Quand Reflex blanchit des balances...Quelques prcisions avant de commencer. Lobjectifde cet article nest pas de polmiquer avec ce groupeparisien membre du rseau No Pasaran et diteur delivres. Mais il nous semble que ce qui sest pass Gnes est bien trop important pour laisser passerainsi leur dernire parution : Gnes, multitudes enmarche contre lEmpire, par samizdat.net, d. Reflex,juin 2002, 334 p. Nous avons pour notre part dj

    consacr de nombreuses pages ces journes (voirCS #83, sept/oct 2001, pp. 20-33), mais il semble quetoutes les calomnies, diffamations, tactiquespoliticiennes et dnonciations contre les Black Blocset plus gnralement les meutiers gnois saffirmentavec encore moins de subtilits, le temps passant. Lesmilitant-e-s du rseau No Pasaran qui postfacentlouvrage semble stre rangs dfinitivement sous labannire des Tute Bianche, multitudes et autresdchets ngristes, tout en se dclarant toujourslibertaires. Mais il est vrai quen des temps o ungroupe de la Fdration Anarchiste peut appeler

    voter Chirac, le sens du mot anarchiste oulibertaire est dsormais ranger au rayon des

    opinions communes1

    .

    LE TON DU BOUQUIN EST DONN demble par lusagedes termes multitudes et Empire qui dfinissent lecadre thorique des auteurs : le ngrisme, issu de ladissociation italienne. Tout au long des plus de 300 pages, ilva donc sagir de textes danciens membres du GSF (GlobalSocial Forum sur le modle de Porte Alegre, o lessyndicalistes dnent avec les ministres), carteldorganisations qui va des cathos aux Tute Bianche enpassant par Attac, la LCR ou les Jeunesses Communistespour la france. Reflex publie ainsi sans vergogne un textedAguiton ou deux autres dAttac Italia, cr un mois avantGnes pour la circonstance, ou bien un autre des ReteLilliput (des catholiques pacifistes) ! On y trouvera aussi

    plusieurs textes de aarrg, regroupement de jeunestrotskystes franais.

    Et dans toute cette nbuleuse, que peut-on lire ? Les mmescrapuleries connues sur les Black Blocs, couches les unes ct des autres, classes au chapitre Pices conviction ouGnes et au-del... :

    En final, le bilan du GSF est tout fait positif. Il a t lgitim, enItalie et bien au-del, par sa capacit se dmarquer des violencescommises par certains groupes de manifestants tout en dnonantfermement les autorits italiennes (...), Christophe Aguiton(Attac France), p.265Mon opinion nest mme pas une opinion, parce quelle est taye par

    les tmoignages et les images : vendredi dernier, six ou sept infiltrs ontmanipul la rage de centaines de jeunes anars, Wu Ming, p.196Toute personne ayant t prsente Gnes a vu comment les forces delordre (sic) ont laiss dvaster la ville aux combinaisons noires(...), Rafaele Laudani & Fiorino Iantorno (Attac Italie), pp.272-273Il existe aussi de nombreuses preuves (photos, vidos et tmoignages)quune grande partie des dommages ont t perptrs par de fauxgroupes du black bloc (composs de policiers ou de fascistes), Olivier(Action mondiale des peuples), p.276De nombreux tmoignages et de preuves vidos dmontrentlinfiltration du nomm Black Bloc, dont la logique dopration taitdifficile distinguer de la stratgie rpressive, Universit nomade,p.283Authenticit de leur rbellion, dbilit de la plupart de leurs objectifs :

    cette double constatation doit servir de base au ncessaire dialogue conduire avec les BB, Serge Quadruppani, p.162

    Paralllement, les auteurs ont slectionn une Lettre delintrieur du black bloc qui, si elle ne remet pas en cause lacasse, est celle qui rejoint le plus les Tute Bianche et est

    souvent confondante : Ce sont des gens[ceux du Black Bloc]qui pensent et agissent, et sils nont pas de programmle politique ou

    social, devraient tre compars des nonnes, des moines ou dautres qui

    consacrent leur vie aux autres ou bien encore comme moyendaction, lutili de la casse est limite mais importante. Cela fait venir

    les mdias et envoie un message, que ces entreprises apparemment

    impermables, ne le sont pas, Mary Black, pp. 174 & 176. Letexte qui va contre courant, sil ntait pas isol dans un

    magma de mensonges sur les faits et de rformismegauchiste sur le fond, est une longue traduction indite dumagazine autonome allemand Interim qui a le mrite deremettre quelques pendules lheure mme si nous nepartageons pas sa fin (pp. 299-316). Une courte lettre (pp.198-199) complte cette analyse.

    Derrire ces quelques citations, cest tout un montageidologique qui se conscruit depuis Gnes et qui estcautionn par Reflex : Les Black Blocs ont t manipuls par les flics/lesfascistes, voire la majeure partie de la casse a t de leur fait. Les Black Blocs ont bris la douce harmonie organisesous lgide du GSF en ne respectant pas le contrat quilavait conclu en son sein et avec lEtat ( propos des initiativesdu 20 juillet, il y aura des discussions avec le prfet auquel nous avons

    dj donn la liste des places partir desquelles nous avons lintention

    de lancer nos actions (...), Vitorio Agnoletto, porte-parole duGSF, p.28). De ce fait, ils sont co-responsables de la violencedes keufs ou des ennemis au mme titre queux : nous devonscombattre sur deux fronts, contre la rpression policire et contre les

    violents dclarait Casarini, porte-parole des Tute Bianche, le22 juillet. Une autre consquence a t que certainesassociations ou orgas publies dans ce livre se sontcomportes comme des balances contre le Black Bloc. Lorsdun concert de soutien aux inculps de Gnes organis parsamizdat au CICP (Paris), un botier lectrique extrieur at sabot et un tag prcisait : samizdat = tute bianche =balance.

    il nexisterait que deux camps, celui des casseurs dbileset celui des Tute Bianche qui organisent une contestationraisonnable, le livre appuyant les seconds. Il ny a pas detraces des autres courants critiques, comme lautonomie declasse italienne (ou les CUB et Cobas, syndicats de base), ouencore des analyses de conseillistes, dultra-gauche ou decommunistes internationalistes 2. Les Black Blocs serventainsi dpouvantail destin ramener les militants et autresactivistes dans le bercail de la contestation intgre, des foisquils seraient tents par la destruction sauvage de biens.

    Pour conclure, sous couvert de qualit de dbat et derespecter au maximum les diverses sensibilits qui se sont exprimes Gnes (p.10), le livre de Reflex est non seulement uneapologie de praxis bien loin dtre libertaires (les Tute

    Bianche), mais va plus loin en cautionnant sous un vernis depluralit (le texte dInterim) une espce de dialogue au seindu mouvement anti-mondialisation, une fois que lescasseurs auront fait leur autocritique, qui tait dj notresens sans fondement (voir la composition du GSF) et quilest dautant plus depuis Gnes.

    Note : Cest nous qui avons soulign les extraits.

    1 Dans le mme genre de galvaudages, on peut lire avec intrtla critique de Chomsky autre icne libertaire parue dansOiseau Tempte n9, t 2002, p.p. 28-31. Nous ne partageonstoutefois pas le fond qui oppose lauteur Chomsky malgr undmontage salutaire.

    2 Nous avions publi avant Gnes des textes de certains de cescourants comme celui de Undercurrent, J. Kellstadt ou LorenGoldner dans une brochure : Anti-mondialisation, activisme &...capitalisme, d. Mutines Sditions, fv. 2001, 168 p. Par ailleurs,Thorie Communiste a produit une analyse dans son numro17 sur le dmocratisme radical et ses critiques, 2001.

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    SQUATTAMARSEILLE

    1 - QU'EST-CE QUE LE C.A.T. ?Le C.A.T est un lieu occup depuis dbut

    dcembre dans le quartier du Rouet. Uncollectif informel s'y est install et y donne vie ses projets : partage des outils et des savoirs

    (jardinage, couture, mcanique, vido,jonglage), concerts, spectacles, tl de quartier,fanzinothque Tout un tas d'activits, derencontres et d'changes, pour refuser le diktatde la loi du march, le diktat des spculateurset de leurs portes mures.

    2 - MAIS DE QUOI LE CAT EST-IL ACCUS ?D'occuper sans droit ni titre l'immeuble sis

    au 26 Bd de Maillane, de ne pas respecter lasacro-sainte proprit prive, et d'embter ainsila SIM (Socit Immobilire de Marseille) qui,aprs 3 mois de procdure, a fini par retrouverson acte de proprit.

    En outre, la SIM porte quelques jugementstordants sur l'gosme et l'inutilit sociale desparasites qui la squattent ....gnant ses projetsphilanthropes et ses gnreux bulldozers, a vade soi ! Et c'est sans doute pour ne pas voir sabonne mine de logeuse ternie par unedemande d'expulsion que ce n'est plus elle quiattaque le cat officiellement, mais une autresocit moins visible dans la ville (plus grosseet plus lointaine... mais qui appartient bien auxmmes banquiers) : la Socit de la RueImpriale de Lyon. Peuchre, voil le cat faceaux aristocrates maintenant !( Nb : Le dernier report en date, et 6e du nom,

    est d l'absence d'une signature sur le contratofficiel de rachat de la SIM par la SRIL.)

    3 - ET LES PROPRITAIRES, ILS VEULENT ENFAIRE QUOI DE LEUR PROPRIT ?

    Apparemment, raser cette belle btisse depierres, draciner au passage les platanes, lescyprs, les figuiers, le pin parasol pourconstruire la place un immeuble de 10 tages.En fait, on sait pas grand chose, la Socit

    Immobilire ignore encore quelle est la sauce laplus juteuse pour tirer bnfice de cette"parcelle": la vendre, s 'allier avec lespropritaires des parcelles voisines pour unPlus Grand Projet Et puis tout a est trs

    flou, trs lointain : aucun permis de dmolir oude quoi que ce soit n'a encore t demand ladirection de l'urbanisme. Car ce que fait laSocit Immobilire, c'est de la spculation, etpour spculer il faut savoir prendre sontemps et celui des autres.

    En tout cas, il suffit d'une petite baladedans le quartier du Rouet pour comprendrerapidement la situation : on exproprie, on murependant des mois, on rase, on construit neuf,grand, cher, on vire les pauvres, on aseptise, oncontinue tuer la vie Mais tout a, mine derien, a fait du profit, pour quelques pochesdj garnies.

    4 - ET CELLES-ET-CEUX DU C.A.T, QU'EST-CE QU'ILS DISENT ?Et celles-et-ceux du quartier, qu'est-ce qu'ilsdisent ? Et celles-et-ceux de Marseille, qu'est-cequ'ils en pensent du sort que les spculateursimmobiliers rservent leurs quartiers ? Hum ?

    ... LA SUITE AU PROCHAIN PISODE ...

    Nouvelle audience, la der des der, prvuevendredi 31 mai ! Pour soutenir le C.A.T, venezdonc nous rejoindre ce matin-l, partir de11h, devant le T.G.I de la rue Grignan.

    (Pour ceux qui n'auraient pas la patienced'attendre vendredi ou la feuille d'info n 527-b.419Kl, vous pouvez toujours passer au CAT,au 26, Bd de Maillane, mercredi aprs-midi :c'est la permanence de l'infokiosque.) 26bdmaillane 13008 tel 0618316087

    [Texte envoy le 31 mai 2002 sur la liste intersquatpar mars-cat@subdimension]

    AMPUTATIONDU SQUAT NASZDOM

    Marseille, le 24/07/02

    HIER 08H30, un huissier, des dmnageurs,une entreprise de maonnerie, un architecte,une secrtaire, et quelques autres chelous se sontpoints Naszdom, une maison occupe depuisNovembre 01. Ils taient accompagns par... la

    police. En tout, c'est une bande d'une trentaine deprofessionnels qui a voulu entrer dans la maisonsans sonner. La porte a subi leurs offenses unquart d'heure avant de cder.

    "IL NY A PERSONNE !"

    Mais ce n'tait qu'un dbut. Car derrire cetteporte barricade, il y a encore d'autres portesbarricades, une annexe indite... et plusieursoccupants. En fait depuis les dbuts de Naszdom,une glise mitoyenne a t rquisitionne pour ymener des expriences qui ont boulevers les apriori qu'on peut avoir concernant l'inutilit d'un

    tel espace : mettez vous bien a dans la tte, cen'est plus une glise. C'est devenu le laboratoired'hypothses beaucoup moins farfelues que ledroit divin ou les lois du march : autogestion,autonomie, recyclage, gratuit, pratiqueexprimentale de la fte et de lard...L'ex-maison-du-seigneur (le 12) n'appartient pasaux proprios cathos de la maison des humains (le14) et celleux qui l'occupent depuis l'hiver derniern'ont pas encore t assigns en justice. Lecommandement d'expulsion ne vise donc que le14. Cet argument a sem une certaine confusionparmi les expulseurs. Finalement ils auront passla journe vider et murer une partie du squat.

    Mis part les proprios pour qui c'tait undivertissement, tout le monde s'est fait chier : lesdmnageurs ont fait le parcours du combattantdans les barricadages et sur les toits, les maonssont tombs en panne de parpaings, les flics onttenu le crachoir la secrtaire et certains doiventavoir une crampe aux biceps.Le plus chiant, c'tait pour les personnes venuessoutenir Naszdom, les voisins et les passants, de

    voir la face laborieuse et contra inte durtablissement de l'ordre.

    ET MAINTENANT...

    La petite troupe venue dfendre la propritprive et ses abus d'origine (inutilit, ruine,gaspillage, spculation, fric) n'a pas russi liquider Naszdom. Mais cette exprience ouverteet collective se trouve srieusement mutile :privs d'une grande partie de leur lieu de vie, leshabitants ne savent pas encore quelle stratgie

    vont adopter les proprios, la mairie... pour arriver l'expulsion totale du squat, ni combien de tempscela peut prendre : un jour, un mois, un an ?Nous savons que notre temps est couvert derpression. L't n'est pas encore fini, l'Etat nonplus, et de nombreux squats, espaces autogres,

    TAZ etc... ont dj t la cible des forces de l'ordre

    : ici Marseille, rcemment, les familles qui avaientrquisitionn un immeuble rnov dans le 1 pourrsister leur dplacement ont t expulses enjuin, des familles serbes et comoriennes en attentede logement ont t expulses en juillet d'unimmeuble vide appartenant l'assistance publique,

    FEUILLE DINFORMATION n325 h.418Kx(libre mais quand mme un peu autocensure)

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    Cette Semaine - aot 2002 13

    des flics municipaux ont tent de rentrer de force dans unsquat du 5, le 16 juillet dans le 7 le GIPN est intervenu surl'expulsion d'un squat sous prtexte, selon la presse, que "desfusils taient points sur la rue" alors que ses occupantsavaient dj pli bagage... Les dlais accords tant de plus enplus courts, une maison occupe juge ce printemps estexpulsable partir de demain. Quant au CAT, occup depuisdcembre 2001, le dlibr a t repouss au 19/08. Ailleursen France, Dijon, Montpellier, la Vieille Valette, contreles free, la pression s'accentue, expulse, expulse...Mais Naszdom comme ailleurs, l'mancipation collective

    d'insoumiEs et la libration de zones autonomes sontpenses et pratiques comme une rsistance permanente etglobale. La rpression n'a jamais limin les utopies, elle nenous empche pas d'imaginer et de fabriquer des situationsalternatives et antagonistes la violence du capitalisme. Bref,tu l'sais, la rue a souvent le dernier mot cousin...Naszdom continue, restez mobiliss pour le soutien.

    Contact :Naszdom, 12 rue Barthlmy, 13001 Marseille [email protected]

    [Texte envoy le 24 juillet 2002sur la liste intersquat par mars-cat@subdimension]

    SQUATTAGUINGAMP

    Dbut de semaine du 11/02, occupation d'unpavillon de consultation d'une ancienne

    clinique prive destine devenir le futurcommissariat, dans le centre de Guingamp.Mercredi 20/02, soit 2-3 jours aprs, passageau tribunal en comparution expditive.Jeudi 21/02, avis d'expulsion prononc par letribunal (5 jours...).Nuit du jeudi 21/02, disparition enchanteressedes squatteureuses dans les contres bretonnes.Vendredi 22/02, une petite centaine de C.R.S.venue de bien loin intervient 6h00 pour

    procder l'expulsion de la clinique... Pluspersonne...Fin d'aprs-midi du vendredi 22/02, l'ancienhangar de matriel agricole ARMO, 2

    minutes de Bgard est occup par unequarantaine de personne. Il y avait l'eau etl'lectricit et les premierEs occupantEs

    peuvent s'installer pour une priode nedpassant pas le week-end. Le soir, discussionsur le droulement du week-end.Samedi 23/02, 15h 00, une grosse centaine demanifestantEs se runissent place du centre Guingamp... Dpart vers le commissariat par larue pitonne (bombage, bris dedistributeurs...)...commissariat surprotg,C.R.S., grilles anti meute, camions...Du coup E.D.F. cot s'en prend plein lesfentres. Puis parcourt classique : sous-

    prfecture, re-centre, Mac Do protg,gendarmerie sauvegarde, passage devantl'ancien squatt, C.R.S. au train, on ne le reprend

    pas...VIGILE VIRIL, GARE A TOI !Entre temps, le jus a t coup Armo.Retour Armo, la soire dbute dans le noir

    jusque tard. Tandis que les filles cuisinent larcup, les gars galrent pour le rebranchement,

    les chiens hurlent et les punks se saoulent (benoui a arrive encore !). Les voisins, dsesprsd'avoir perdu jus et tl du mme coup seramnent, sympathisent et donnent un coup demain.Discut sur la prison, concert Dub solitaire (lesgroupes locaux ont dc