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Supplément à Vivre en Val-d’Oise n° 105. Publié par les Editions du Valhermeil. Ne peut être vendu séparément.

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Supplément à Vivre en Val-d’Oise n° 105. Publié par les Editions du Valhermeil. Ne peut être vendu séparément.

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Garges-lès-Gonesse

Arnouville-lès-Gonesse

Villiers-le-Bel

Sarcelles

Garges-lès-Gonesse

Arnouville-lès-Gonesse

Villiers-le-Bel

Sarcelles

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Parler des loisirs, c’est à coup sûr aborder une thématique à forte connotation sociétaleet revendicative, dont l’histoire s’inscrit dans cette volonté d’aller vers toujours plus

d’épanouissement individuel ou collectif par la pratique d’activités choisies. Le repos hebdomadaire et le dimanche chômé, la limitation journalière de la durée de

travail, la semaine de 40 heures et les congés payés, les 35 heures sont autant de jalonsinstitutionnels balisant la conquête de ce temps qui, dégagé des obligations profession-nelles, permet de se divertir ou développer de façon désintéressée son information et saformation.

Il est donc opportun que la MMIV ait consacré un numéro, le cinquième, de Patrimoineen Val de France aux loisirs tels qu’ils ont été pratiqués dans les villes de la Communautéd’agglomération au XXe siècle.

La variété des sujets traités permet d’aborder les différents types d’activités de loisirs,sportives et physiques, manuelles, artistiques, associatives et sociales, ainsi que leurévolution, voire leur mutation sur des périodes historiques significatives.

Le riche travail réalisé, fruit de compétences entremêlées, conjugue travaux de cher-cheurs et regards d’historiens locaux, mais aussi savoir-faire des Editions du Valhermeil etdes services de Val de France, le tout agrémenté d’une iconographie due, pour une largepart, à quelques « fous de vieux papiers».

Sans prétendre à l’exhaustivité, cette livraison de Patrimoine en Val de France, nousoffre des aperçus riches d’enseignements sur des histoires d’hommes et de femmes quiont eu la volonté d’ouvrir la culture à tous et pour tous. Une ambition qui reste, de notrepoint de vue, toujours d’actualité et à laquelle Val de France s’efforce de prendre toutesa part.

Dominique Strauss-KahnPrésident de la communauté d’agglomérationVal de France

Maurice BonnardVice-Président de Val de France

chargé de la Culture et du Patrimoine

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2 Patrimoine en Val de France n° 5, sept. 2007

S O M M A I R EPréfaceDominique Strauss-KahnMaurice Bonnard

EditorialCatherine Roth

Parties de campagne etcabanons du dimanche Béatrice Cabedoce

Aux origines du sportlocalTony Froissart

Du théâtre cinématogra-phique au cinéma multi-plexeJosiane Goncalves et EtienneQuentin

Gaieté, jeunesse, solida-ritéJean-Jacques Vidal

Pionniers de la culturepopulaireCatherine Roth

Vision-téléDominique Renaux

Sorties et excursions :un bonheur partagéPierre-Jacques Derainne

Petite histoire des sallesdes fêtesMaurice Bonnard

Directrice de la publication : Marthe Meneghetti-Défossez. Rédactrice en chef : Catherine Roth. Rédacteur en chef adjoint : Joël Godard.

Rédaction : Maurice Bonnard, Béatrice Cabedoce, Pierre-Jacques Derainne, Tony Froissart, Andras Gal, Josiane Goncalves, Sophie Jobez,

Claire Morère, Etienne Quentin, Dominique Renaux, Catherine Roth, Jean-Jacques Vidal. Maquette et mise en pages : Abdel Grich. Photo-gravure : Aurélie Petitjean. Prépresse : Conseil Graphique — Editions du Valhermeil. Impression : Corlet S.A. Routage : GIS.Crédit photographique et illustrations :

ACTA : p.42a. Archives Municipales de Garges-lès-Gonesse : p.6 b, p.24 a, p.25 a, p.25 b, p.26 a, p.36 c, p.37 c. Archives Municipales de Sarcelles : p.18 a, p.20.

Archives Municipales de Villiers-le-Bel : p.30 b, p.36 b, p.37 b. Association Animation Dame Blanche : p.24 b, p.25 c, p.25 d. Association Garges Tamoul Welfare :

p.26 b. Association Noyer des Belles Filles : p.27. Maurice Bonnard : p.3, p.4, p.5 b, p.6 a, p.8, p.10, p.28, p. 29, p.30 a, p.30 d, p.31, p.34 a, p.47c. Centre de loisirs

Anatole France : p.42b, p.42c. ©Conseil général du Val d’Oise : p.48a, p.48b. ©Robert Delpit : p.22, p.23 b, p.42d. Lagnado Douek : p.21. Andras Gal : p.38, p.39.

M.Galtier : p.14 b. Jean Grosso : p.18 b, p.19 a. IGN : 2ème de couv. Journal des Associations DR : p.15. DR : p.35. Jean-Yves Lacôte, Conseil général du Val d’Oise :

p.48c. Virginie Loisel : p.44. Béatrice Métivier : Couverture, p.16, p.17. ©MEDAD/SG//SIC : p.36 a. ©METATTM/SIC : p.14 c. Gilbert Poupaert : p.7 a, p.7 b. Etienne

Quentin : p.5 a, p.9, p.11, p.12, p.13, p.14 a, p.34 b. Dominique Renaux : p.30 c, p.47a. Sarcelles et son histoire : p.47b. Marc Valantin : p.7 c, p.23 a, p.32, p.33.

Jacques Windenberger / Ville de Sarcelles : p.1, p.19 b, p.19 c, p.37 a. Val de France : p. 45a, p.45b. Ville de Garges-lès-Gonesse : p.46 Ville de Sarcelles : p.43

Fiche pédagogique :Loisirs des uns, travaildes autres

Fiche pédagogique :Eté 1936

Fiche pédagogique : Desmaisons pour les jeunes

Autres regards

Pour en savoir plus

41 CHANTIERSDU PATRIMOINE

42 La rénovation desCarreaux s’inscrit dansles mémoires

43 De la croisée desmémoires à un avenirpartagé

44 Un parcours culturel aucollège Paul Eluard

45 Un fonds documentairepour mieux connaître leterritoire de Val deFrance

46 En bref

48 L’invité : l’Atelier deRestitution du Patri-moine et de l’Ethnologiedu Val-d’Oise

En couverture : le groupe Mickey Jazz, Arnouville, années 1930.

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Patrimoine en Val de France n° 5, sept. 2007 3

EditorialLa démocratisation des loisirs constitue une transformation

majeure du XXe siècle. Avec l’émergence d’un temps pour soi,distinct du temps de travail, naissent des activités destinées àoccuper ce nouvel espace de liberté pour les classes popu-laires.

Promenade, pêche à la ligne, jardinage, ce sont d’abordplutôt des pratiques ordinaires, qui prennent appui sur lesressources de la nature. C’est ainsi que le territoire de Val deFrance est devenu un site de loisirs, offrant son cadre cham -pêtre aux dimanches des ouvriers et des employés parisiens.Avec l’urbanisation apparaissent des distractions plus collec-

tives. Les habitants des nouveaux lotisse-ments, unis par leur condition de «mal lotis»et animés par un esprit pionnier, organisentdes activités récréatives avec des moyens defortune. Quelques décennies plus tard, lacréation des grands ensembles suscite unmouvement identique.

La gamme des activités s’enrichit aussiavec la naissance des politiques publiques.Sous le Front Populaire, et surtout pendantles Trente Glorieuses, l’Etat et les collecti-vités locales investissent la question dutemps libre, notamment par la créationd’équipements socioculturels ou sportifs.L’industrie du divertissement joue un rôle

croissant dans l’invention des loisirs, des premiers spectaclesorganisés dans les cafés jusqu’au cinéma à domicile d’aujour-d’hui. Elle a imposé le loisir-consommation, sans pour autantfaire disparaître d’autres manières de vivre le temps pour soi.

C’est donc une histoire foisonnante que celle des loisirs, àla croisée des expériences individuelles et collectives. Par delàles transformations, elle raconte l’extraordinaire intérêt suscitépar ce temps libéré des obligations quotidiennes, grâceauquel chacun peut se délasser, se divertir, développer sestalents ou découvrir de nouveaux horizons.

Catherine Roth

Mission Mémoires et Identités en Val de France

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4 Patrimoine en Val de France n° 5, sept. 2007

Les communes encore rurales de Garges-lès-Gonesse, Sarcelles, Villiers-le-Bel, Arnou-

ville-lès-Gonesse voient affluer, dès le débutdu xxe siècle, Parisiens et banlieusards enquête de bon air. Délaissant les quartiersindustriels enfumés du nord de la capitale etleur logement sombre, ils recherchent lesbords de rivières et paysages champêtres pourse ressourcer et se reposer après la semainede travail.

Rappelons toutefois que le repos dominical,imposé en 1814 puis aboli par une loi de1880, a fait l’objet de débats multiples à la findu XIXe siècle. C’est en effet autour dudimanche que se cristallisent les oppositionsentre cléricaux et républicains, patrons ettravailleurs. Le mouvement des médecinshygiénistes s’intensifie autour de ce thèmetandis que les républicains font l’apologie du«bon citoyen au corps sain». Le principal argu-ment demeure toutefois à dominante sociale :renforcer la famille, qui s’avère être le meilleurgarant de l’ordre moral, en octroyant à tous unmême jour de détente. Le repos hebdoma-daire, fixé de préférence le dimanche, est fina-lement voté en 1906.

Démocratisation de la partiede campagne

L’accroissement du niveau de vie engendreau même moment un désir d’ascensionsociale, tandis que la notion de droit auxloisirs, signe de distinction, s’étend auxcouches populaires. Paul Lafargue publie en1883 le Droit à la paresse, un plaidoyer pour laréduction du temps de travail et la multiplica-tion des jours fériés. Un modèle s’impose :celui de l’aristocratie et de la bourgeoisie, quidepuis longtemps déjà profitent des beauxjours pour «villégiaturer» sur leurs terres. Enrégion parisienne, elles ont investi les campa-gnes aux alentours de la capitale et fait cons-truire châteaux et villas : propriété Machault àArnouville, Blondel à Garges, Grimard etDessaigne à Sarcelles, d’Astanières et Archi-nard à Villiers-le-Bel...

Le développement du chemin de fer à partirde la seconde moitié du XIXe siècle puis l’amé-lioration des voies de communicationraccourcit les distances. Les classes populairespeuvent dès lors quitter la ville plus souvent.L’objectif : rompre avec la grisaille du quoti-

Parties de campagneet cabanons du dimancheAvec l’instauration de jours de congé et le développement des moyens de communication, lesclasses populaires peuvent goûter aux plaisirs de la villégiature. Le territoire de Val de Francecompte parmi les coins de campagne investis par ces nouveaux propriétaires de résidencesecondaire.

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dien et les habitudes de la semaine, se retrou -ver en famille ou entre amis, bricoler, pêcherou jardiner pour les adultes, jouer lesRobinson et marauder dans la campagne envi-ronnante pour les plus jeunes, profiter chacunà sa manière de ce temps privilégié. La «partiede campagne» entre dans les mœurs et sedémocratise.

Au milieu des lotissements

D’abord en train à vapeur, puis à vélo, entandem, en car ou en voiture, les citadinss’évadent, passent les « fortif» pour découvrir,aux portes de la capitale, l’espace que l’oncommence à dénommer banlieue. A proximitédes gares, des marchands de bien, spéculantsur l’intérêt nouveau pour la campagne et lebon air, ne tardent pas à découper les champspour les vendre par lots de quelques centainesde m2; à moins que des particuliers ne seregroupent pour constituer une sociétéd’épargne afin d’acquérir du terrain. Peu àpeu, surgissent en pleine nature les lotisse-ments, paysage hétéroclite de bicoques auto-construites et de maisons en dur.

Les pionniers de cette épopée, des Parisienset habitants de la petite couronne, ont décou-vert les lieux au hasard d’une promenade, pardes parents, ou grâce aux affiches annonçantla mise en vente de lots, et choisissent de s’yfixer. Beaucoup achètent une parcelle àtempérament. Avec des matériaux de récupé-ration – bois, briques de rebut produites loca-lement…– ils y construisent une cabane,premier élément d’ancrage et de confort, qui,agrandie et consolidée, devient pour certainsla résidence principale. D’autres n’y passentque les fins de semaine et les vacances. Enpériode estivale, le père de famille y rejointfemme et enfants chaque week-end. Surplace, populations rurales, nouveaux résidentset citadins en villégiature se côtoient à l’église,au café ou à l’épicerie.

Des cabanons fonctionnels

Appelé aussi cabane, tonnelle, guitoune,abri, le cabanon construit par le nouveaupropriétaire des lieux implique un rapportparticulier à la nature. C’est au XVIIIe et au XIXe

siècles que se développent les mythes de lacabane et du bon sauvage, symboles desimplicité et d’un état de nature cher au philo-sophe Jean-Jacques Rousseau. Si, au XIXe

siècle, la villégiature bourgeoise s’inspirelargement de la cabane, notamment avec le

chalet et la villa anglo-normande qui font unelarge part au bois, par la suite c’est le cabanonpopulaire qui tente de reproduire la maison decampagne des classes aisées.

Mais la cabane du dimanche se doit avanttout d’être fonctionnelle. Elle sert d’abri contrela pluie ou les ardeurs du soleil, de lieu destockage et de réserve à outils. En fonction del’aménagement, on y déjeune, on y dortmême aux beaux jours. Extensive, avec auventou véranda, elle déborde sur le jardin etcompense ainsi le logement exigu où parentset enfants cohabitent la semaine.

Pour le dimanche ou les vacances

Le petit village rural de Garges-lès-Gonessevoit, dès 1910, surgir les premiers lotisse-ments de la Lutèce et l’Argentière. Ceux deBellevue, le Parc de Garges, l’Espérance, leCentre, la Croix Buard, Garges-Sarcellessuivent, durant l’entre-deux-guerres. Un habi-tant de La Lutèce se souvient : «Au départ,bien sûr, il y avait quelques petites maisons,mais beaucoup de gens, des Parisiens ou desgens d’autres banlieues, n’y avaient construit

Le cabanon du dimanche s’inspire du modèle des villas.Propriété Dessaigne, à Sarcelles.

Repas au cabanon, probablement dans la banlieue nord.

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qu’une petite cabane, néanmoins habitablel’été». C’est par la gare de Stains-Pierrefitteque ces vacanciers arrivent le plus souvent,parcourant à pied les deux kilomètres qui lesséparent de leur quartier d’été.

Situé à trois kilomètres de la gare Sarcelles-Saint-Brice, (mais ici on peut prendre l’om-nibus!), le Haut-du-Roy à Sarcelles est trèsfréquenté le dimanche. Regroupés au seind’une société d’épargne, les employés duthéâtre parisien La Scala y ont acheté en 1900un terrain qui a été divisé en 100 lots, attribuéspar tirage au sort aux 33 sociétaires. Certains y

De l’autre côté de Sarcelles, à Chauffour, enlisière de forêt et de rivière, quelques famillesmodestes venant de Paris et sa prochebanlieue se sont installées sur de petitsterrains, au début des années 1920. Ne béné-ficiant ni d’eau ni d’électricité, elles campentdans de vieux wagons ou autobus à plate-forme, rachetés à la Compagnie des Cheminsde Fer du Nord et à la Société des Transportsen Commun de la Région Parisienne. D’unefréquentation de fin de semaine, il semble quel’on soit passé à l’installation définitive depopulations marginales. En 1928, la réalisationde lotissements en chasse les occupants.

Souvenirs de parties de campagne

Au Cottage Parisien, à Villiers-le-Bel, aprèsavoir découvert le coin grâce à un collègue detravail de son père demeurant non loin de là,monsieur P. achète, en 1956, un lot de 400 m2

en pleine campagne : «C’était pour me désin-toxiquer de Paris, je demeurais pas loin dela place de la Nation…rue d’Avron, dans leXXe arrondissement, une rue très bruyante;donc ça faisait du bien de se retrouver aucalme le week-end». Son objectif : s’installer àdemeure le plus rapidement possible. Maisavant d’y faire construire «en dur», il y vient enfamille trois années durant, aux beaux jours,couchant dans la baraque «Vilgrain» que leprécédent propriétaire y a laissé.

Parents et enfants débarquent du train levendredi soir à la gare de Villiers-le-Bel-Arnou-ville-Gonesse, puis parcourent à pied lechemin d’un kilomètre jusqu’au lotissement,ou prennent l’unique taxi à la gare avecbagages et poussette. Le dimanche passevite, à jardiner, entretenir le potager, pêcherdans l’étang du Thillay, déjeuner au jardin avec

Le lotissement de la Lutèce, entre pavillons et cabanons.

ont aménagé de petits cabanons. Les pêcheurs,quant à eux, se retrouvent sur les berges du lac.Des guinguettes – Scala-ville, Moulin-Bleu –animent le lieu. «Tous les dimanches, il y avaitun bal, c’était dehors. On était le long du lac duHaut-du-Roi; il faisait cent cinquante mètres delong. Il y avait deux bals autour, avec le bistrotproprement dit, et puis une piste de danse,mais en carreaux. Et en dessous des arbres, il yavait des balançoires pour les petits gosses, etnous on s’asseyait sur les tables et les chaises»,rapporte un témoin.

Partie de pêche au bord du lac du Haut-du-Roy. En arrière-plan, la guinguette Scala-ville.

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des amis venus pour la journée, se balader.«On allait jusqu’à Bouqueval à pied, à traversles champs, c’était merveilleux. On allait aussià Ecouen, à Villiers-le-Bel bien sûr ; on pouvaitmême descendre par Sarcelles en coupant parles champs. On se figurait être loin de Paris.

Les lapins venaient au grillage, on entendaitles alouettes, tout ça c’était merveilleux».

Mais le dimanche soir, il faut refaire le trajeten sens inverse pour ne pas rater le train àvapeur, qui ne passe que toutes les demi-heures. Les Parisiens se retrouvent nombreux àla gare : «Le vendredi soir ça se voyait moinsparce que ça s’échelonnait, tout le monden’arrivait pas en même temps. Tandis que ledimanche soir, presque tout le monde repar-tait en même temps. Les trains étaient biengarnis !». A la fin des années 1950, la cons-truction du Grand ensemble des Carreaux puisde celui de la Fauconnière va transformer lepaysage, encerclant de béton le petit lotisse-ment.

Transformation des cabanons

Aujourd’hui, les derniers cabanons dudimanche sont implantés dans les jardins fami-liaux de Sarcelles et Villiers-le-Bel. Les jardi-niers y entreposent outils, matériel divers et ypique-niquent en famille. Le règlement desassociations leur interdit toutefois d’y passer lanuit. Parisiens et banlieusards ne viennent pluss’encanailler dans les guinguettes locales etpique-niquer au jardin. La démocratisation dela voiture et le développement des infrastruc-tures routières permet désormais d’aller enquelques heures bien au-delà de l’Ile-de-France. L’urbanisation des franges de lagrande couronne fait rechercher enNormandie, Picardie, voire même plus loin, lespaysages champêtres où se détendre ledimanche.

Béatrice Cabedoce

Atelier de Restitution du Patrimoine et de

l’Ethnologie, Conseil général du Val-d’Oise

Promenade du dimanche à proximité du Cottage Parisien.

Dimanche dans une baraque Vilgrain au Cottage Parisien.Rachetées à l’armée américaine sous l’impulsion du gouver-nement en 1919, ces baraques servaient plutôt de résidenceprincipale aux populations démunies.

Dans les jardins familiaux de Villiers-le-Bel, 2006.

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8 Patrimoine en Val de France n° 5, sept. 2007

Al’aube du XXe siècle, la diffusion du sporten France se déroule presque exclusive-

ment dans les grandes villes. Pourtant si lesdécisions sont prises de la Capitale, c’est biendans les communes que se tisse le réseauassociatif. En Val de France de nombreux spor-tifs dynamiques se confrontent amicalement,d’autant plus que l’exercice physique est utile.Cependant tout n’est pas idyllique et laconcurrence sportive ou idéologique entreclubs est forte, elle traduit les fonctions attri-buées au sport.

La gymnastique patriotique

Après la défaite de Sedan en 1870, l’essorde la gymnastique et la promotion des sportss’inscrivent dans un esprit de revanche. Ilconvient de s’intéresser prioritairement à lajeunesse et de forger le citoyen-soldat. Lespetits Français sont mis au pas de gymnas-tique au sein de sociétés gymniques valorisantl’instruction militaire. La rigueur de la gymnas-tique développe en effet la persévérance, l’au-dace et l’obéissance, ces vertus sont complé-tées à partir de 1882 par le tir. La formation dufutur soldat est ainsi solidement préparée.

En Val de France, où la population locale asouffert de l’invasion pendant la guerre de1870-1871, la situation géographique impose

particulièrement de développer une éducationmilitaire préventive car les communes se situenten limite intérieure, voire en dehors de la cein-ture de fortifications conçue en 1874 par Seréde Rivières pour protéger Paris. Ainsi, au seindes quatre communes, se créent des sociétésaux noms évocateurs comme L’Alliance d’Ar-nouville dont le président, Fery, est un colonelen retraite, L’Espérance, La Jeanne d’Arc ou LaFraternelle de Villiers-le-Bel, ou encore LesCarabiniers Flobertistes de Sarcelles.

Force est de constater que les craintesétaient fondées : Epinay-Champlâtreuxcommune située à 8 km de Villiers-le-Bel futen 1914 le point extrême de l’avancée alle-mande. Le traumatisme laissé par la pénétra-tion de l’envahisseur aux portes du Val deFrance conduit, en 1923, le curé de Sarcelles àdéclarer la société de tir et de gymnastiqueL’Avenir, alors que la guerre est terminéedepuis cinq ans. Conscient des craintes popu-laires, le clergé entend lui aussi jouer un rôlepatriotique.

Sport et santé

Après la Première Guerre mondiale, uneautre utilité est prêtée aux exercicesphysiques : restaurer la santé d’une nationmeurtrie par quatre ans de conflit.

Aux origines du sport local Avec l’émergence des loisirs naissent les tentatives de modeler ces nouvelles activités pratiquéespendant le temps libre à des fins idéologiques. Les premiers pas du sport sur le territoire de Valde France témoignent de ces stratégies.

La société de tirL’Espérance, vers 1900.

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Patrimoine en Val de France n° 5, sept. 2007 9

Cette politique nationale est relayée locale-ment où le sport se pratique pour ses vertuséducatives. En 1924, un membre de l’UnionSportive de Villiers-le-Bel (USVB) déclare dansla presse locale : «L’Education Physique esttout aussi nécessaire que l’éducation morale.Parents, qui êtes soucieux de l’intérêt et de lasanté de vos enfants, laissez les venir et mêmeplus envoyez les parmi nous. Notre moniteur,M. Martini saura vous les rendre plus forts, plussouples et ce sera pour eux une distractionsaine et agréable». Dans ce contexte, seuleune pratique polyvalente semble en mesurede contribuer efficacement à la santé physiqueet morale. Ainsi culture physique, cyclisme,sport d’équipe, athlétisme et tennis sontofferts aux 125 adhérents.

Curé, républicain, «rouge» :tous sportifs

Tous les clubs s’accordent sur l’utilité d’uneéducation physique et sportive, toutefois l’ap-parente unité de finalités masque des diver-gences idéologiques.

La concentration d’associations rivalesillustre cette concurrence. Pour répondre auxobjectifs fixés par l’encyclique RerumNovarum du pape Léon XIII (1891) les catho-liques développent des œuvres sociales àdestination de la jeunesse. Les patronagessont créés dans chaque paroisse et leur acti-vité sportive est structurée par la fédérationgymnastique et sportive des patronages deFrance dès 1898. L’Alliance d’Arnouville crééeen 1911 ou La Saint-Charles déclarée en 1912sont affiliées à cette fédération catholique,tout comme La Jeanne d’Arc fondée un an

plus tôt par le curé de Villiers-le-Bel. Dans lesvillages, l’abbé est aussi animateur sportif. Lesassociations catholiques se lancent résolumentdans l’éducation populaire, et prennentquelques longueurs d’avance sur les associa-tions républicaines.

En effet il faut plusieurs années pour que lesradicaux se convertissent au sport et délais-sent une ligne républicaine basée sur uneconception morale de la gymnastique. Associéà ce courant rénovateur le Club Sportif deSarcelles fondé en 1913 est avant-gardiste enproposant le football. Toutefois ce club offreégalement l’éduction physique et la liste deses membres actifs affiche la moitié de mili-taires (38/76) ce qui laisse penser que lagymnastique y fait aussi bonne figure. L’UnionSportive Gargeoise et Le Patronage Laïc deSarcelles sont déclarés en 1929, ils proposentune pratique omnisport.

Dans le même temps, un sport ouvrier, rapi-dement contrôlé par les partis de gauche, sedéveloppe au sein de la Fédération Sportivedu Travail (FST), il trouve matière à s’épanouir

Défilé de L’Avenir à Sarcelles, avec l’abbé en tête, 1936.

L’équipe de football junior du Patronage Laïc de Sarcelles,1932.

Page 12: Cf`j`ij - Roissy Pays de France

Compagnie d’Arc de Villiers-le-Bel¸ rituel du « bouquetprovincial », 1932.

Compagnie d’Arc de Villiers-le-Bel, rituel du Papegai, ditaussi « abat de l’oiseau », années 1930.

10 Patrimoine en Val de France n° 5, sept. 2007

dans la région, L’Etoile Sportive Ouvrière deStains-Garges accueille les «rouges» pour unepratique militante. Le stade devient le lieu oùl’on défend ses idées et les courses permettentaux cyclistes «travaillistes» de jeter quelquestracts à la volée. Ce militantisme conduit lesous-préfet à interdire les courses organiséespar la FST dans le pays de France (1931).

La guerre des clansProgressivement l’équilibre numérique s’ins-

talle entre les trois tendances se disputant lemuscle. Il est vrai que la cause sportive agagné une plus vaste audience et la dimen-sion ludique du sport de loisir se substitue à lalogique éducative de l’exercice physique. Lesuccès populaire est réel mais les conflits segèrent au quotidien. Le partage des installa-tions est un sujet épineux et ne se résoutqu’avec l’arbitrage des élus. Ainsi, le conseilmunicipal de Garges rappelle (1930) que l’uti-lisation partagée du terrain, régie par uncalendrier, ne peut qu’être sportive. Les mani-festations politiques ou religieuses sont inter-dites. L’année suivante devant l’ampleur desconflits, la commission municipale n’a d’autrealternative que de proposer une occupationalternée, laquelle, bien entendu, ne tient pascompte du calendrier des matchs.

La dynamique conflictuelle stimule l’ardeurdes associations rivales mais des motivationsinternes poussent les acteurs du sport à seretrouver.

Le sport en compagnie

Les sociétés d’archerie sont parmi les plusanciennes, très structurées elles tardent à sedéclarer en préfecture. Ainsi La Compagnied’Arc de Villiers-le-Bel dont l’origine remonte à1851 ne réalise cette démarche qu’en 1921. Lesarchers, il est vrai, ont une vie communautaireimportante et cette reconnaissance administra-tive ne leur parait pas indispensable. Danschaque confrérie, le rituel rythme les usages ettisse des liens profonds d’amitié. Chaque annéela tradition du Papegai conduit à désigner unroi bénéficiant d’une priorité de tir. Il estsecondé par un capitaine gérant la société.Cette organisation se substitue au bureau éludes associations de type loi 1901. La compa-gnie de Villiers-le-Bel entretient la tradition etchaque printemps «abat l’oiseau» pour dési-gner son roi. Elle se montre très active commeen témoignent les articles de presse locale rela-tant la fête de Saint-Sébastien.

Un sport de communauté

Les lotissements se multiplient dans lesannées 1920. Ils provoquent un rapide accrois-sement démographique. Implantés loin desbourgs, ils deviennent, comme Argonvillers(Arnouville, Gonesse, Villiers-le-Bel) et L’Ami-cale Sportive de la Gare, des foyers commu-nautaires dépassant les frontières communaleset facilitant l’essor d’associations. Les habi-tants, déracinés, se regroupent et pratiquentle sport. La fête du quartier de la gare où dansune ambiance de kermesse se mêlent convi-vialité et pratique sportive en est le pointd’orgue. Plus spontanée, la pratique de labicyclette se démocratise et combine ladimension sportive à celle du loisir.

Moyen de transport, la bicyclette estd’usage fort utile pour les populations deslotissements excentrés et mal desservis, elledevient en dehors du temps de travail un objetde distraction.

Page 13: Cf`j`ij - Roissy Pays de France

Patrimoine en Val de France n° 5, sept. 2007 11

Distractions entre amis

La Roue Sportive de la banlieue nord,accueille les adeptes du vélo habitant Val deFrance, Gonesse ou Domont. RaymondLeroux, un habitant de la région de Gonessetémoigne de son expérience de cycliste enévoquant à la fois les entraînements et lesloisirs : «On avait un entraînement le jeudi soir.On partait de Gonesse, on allait à Villiers-le-Bel, Bouqueval, […], ou sur la piste du vélo-drome de Saint-Denis. L’été, on allait sebaigner dans le Crould». La balade à bicy-clette, fût-elle sportive, est une occasion de seretrouver ou de s’éprouver entre amis.

Une même quête d’affiliation combinée auxémotions sportives est à l’origine du rapidesuccès des tennismen de Sarcelles. L’ascen-sion du Tennis Club de Sarcelles (TCS) répondà la campagne débutée, en 1909 par le journalL’Echo des Sports pour dénoncer l’élitisme«des clubs du bottin mondain», et favoriser lacréation de clubs plus modestes. Ainsi, en1924, alors que les Français triomphent àWimbledon, les mousquetaires de Sarcellesremportent le critérium national. C’est unegrande fierté pour les habitants de la régionpuisque «Le TCS n’a été fondé qu’en 1922 ets’est développé uniquement avec sesressources locales.»

Le sport de l’ombre

Malgré ces brillantes expériences, le sportlocal souffre d’un discrédit qui l’empêche dese développer. Les champions locaux sontrapidement séduits et happés par les grandsclubs parisiens. Au déficit d’équipements’ajoute le boycott des équipes ne voulant passe déplacer. Ainsi le football local subitmauvaise presse en raison de l’éloignementdes terrains. La Tribune du 12 janvier 1924 nepeut alors que regretter le forfait des adver-saires de l’USVB : «Dimanche dernier notreéquipe première devait rencontrer sur leterrain de Villiers l’AS Seine. Malheureusementmalgré le beau temps cette équipe n’a pas crubon de se déranger. Il ne nous reste à déplorerune fois de plus de tels procédés». Irrémédia-blement, les difficultés évoquées le révèlent,seul un sport discret et dans l’ombre de Paristrouve une place.

Stimulé par les antagonismes de tendances,construit sur des affinités ou pour son utilitééducative, le sport local se démarque du sporttraditionnel. Finalement n’y retrouve-t-on pasles bases de la conception développée parLéo Lagrange «pour servir la cause sportivedans les masses populaires françaises» autourd’un projet symbolisé par le titre embléma-tique d’une chanson du Front populaire :«Allons au devant de la vie».

Tony Froissart

Université de Champagne-Ardenne Course de vétérans dans le village de Sarcelles, 1938. B

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Une soirée de cinéma chez André,dans les années 1930

Les vendredis soirs, les spectateurs attendenten terrasse ou dans la salle de restaurant que leprojectionniste ait installé son appareil. Ilsentrent à 20 heures, sans oublier leur chaise !Certains emportent même leur consommation.Pendant ce temps Mr Marcel, petit notable ducoin, termine son repas, sa «suffisance» saitqu’on ne commencera pas la séance sans lui. Lepianiste égrène des notes en prenant soin que lepublic ne reconnaisse pas le morceau de peurqu’il ne se mette à chanter !

Les premières images apparaissent sur l’écranaprès 21 heures. Les plans-séquences dequelques dizaines de secondes alternent avecdes plans fixes sur des textes, commentant lesimages écoulées ou celles qui vont suivre.Parfois, un bénévole lit le texte à haute voix,puisque tout le monde ne sait pas lire… Il essayede couvrir le pianiste, qui, lui, s’efforce de faireconcorder la musique avec la cadence desimages. Pendant la séance, chacun y va de soncommentaire car le silence n’est pas de rigueur.Après une bonne demi-heure de projection, lesspectateurs quittent la salle, déçus de devoirattendre le prochain vendredi pour voir ces filmsqui comptent souvent deux ou trois épisodes.

D’après le témoignaged’une spectatrice de l’époque

Les documents manquent pour dater précisé-ment la première séance de cinéma orga-

nisée à Sarcelles, mais ce fut probablement vers1927-1928, chez André. Ce restaurateuraccueille chaque vendredi soir le «CinémaPathé», dans la grande salle qu’il a fait cons-truire pour les repas de noces, banquets etdancings du dimanche, à côté de l’hôtel dont ilest propriétaire, tout près de la gare Sarcelles-Saint-Brice. A cette époque, le cinéma se déve-loppe dans tout le pays, notamment grâce au«Pathé Rural», un appareil de projection simpled’utilisation, inventé en 1928 pour organiserdes séances cinématographiques dans lespetites communes comme Sarcelles.

A la même période, un exploitant lance «lecinéma des Variétés» dans la salle des fêtes, aucœur du village. Cette salle communale estbien connue des Sarcellois, puisqu’elle a étéconstruite dès 1907 et accueille de nombreusesmanifestations. Désormais, ils peuvent y venir

pour le « théâtre cinématographique». Pour sapremière séance, le samedi 3 novembre 1928,le cinéma des Variétés propose L’Aventurier etun orchestre symphonique. Les séances doiventnéanmoins se glisser entre les dates des bals etdes réunions d’association, quand elles ne sontpas annulées pendant toute une période élec-torale.

Entre projections et attractions

Avant chaque séance, l’exploitant desVariétés appose des rideaux noirs pour occulterles ouvertures et aligne des rangées defauteuils avec assise en velours rouge. Une foisle décorum planté, le présentateur peut montersur scène et annoncer le déroulement de la

Du théâtre cinématographiqueau cinéma multiplexeDès ses débuts, le cinéma a connu un extraordinaire succès en France. Citadins, banlieusards,paysans, tous partagent cet engouement, sans toutefois bénéficier des mêmes conditions deprojection. Panorama des salles obscures de Sarcelles au long du XXe siècle.

Chez André, vers 1927-1928.

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Patrimoine en Val de France n° 5, sept. 2007 13

soirée, en usant de qualificatifs extraordinairespour mieux plonger le public dans les délicesdu spectacle : «Mesdames et Messieurs, à l’en-tracte vous pourrez applaudir MademoiselleMarcelline de la Tour, des grands concerts pari-siens dans les meilleurs morceaux de son réper-toire» ou bien encore : «De retour des Indesmystérieuses le Prince Abdul vous dévoilera lessecrets de l’Orient»…

On vient à ces séances cinématographiquesautant pour voir le Capitaine Craddock ou leCavalier Masqué que pour goûter au plaisir despièces musicales, sketchs comiques et autresattractions qui accompagnent les projections.Les Actualités sont aussi très appréciées. A encroire un document de 1928, les Variétés et leCinéma Pathé proposent des films muets maisaussi du cinéma parlant, une toute nouvelleinvention, puisque 1929 est la date générale-ment retenue pour ses débuts en France. Cesont d’abord des courts-métrages ou desfeuilletons, avant de laisser la place à de vérita-bles longs métrages.

On se rend au cinéma en famille, lorsqu’on ena les moyens. Car le spectateur doit s’acquitterd’une somme équivalente à celle d’une placede théâtre. En établissant des comparatifs avecd’autres biens de consommation, on s’aperçoitqu’on pouvait acheter une chemise pour l’équi-valent de deux places et une paire de chaus-sures pour le prix de trois places! Les Variétésproposent néanmoins des «soirées populaires»les vendredis et des «matinées pour lesécoles », avec des réductions pour les enfants.

Un vrai cinéma

Les affaires marchent bien pour l’exploitantdes Variétés, qui ouvre quelques salles exclusi-vement dédiées au cinéma dans les communesvoisines. C’est le tour de Sarcelles en 1939.Désormais, la séance de cinéma peut s’installerdans la régularité. La salle est équipée de deuxprojecteurs et d’une sonorisation dernier cri,destinée au parlant. Comme l’indique son nom,le Sarbrice doit attirer le public de Sarcelles etde Saint-Brice, d’ailleurs il est installé boulevardde la Gare.

C’est dans des fauteuils fixes et confortables,pour 8 francs au balcon – appelé pompeuse-ment mezzanine – et pour 6 francs auxpremières, que les spectateurs assistent lemercredi 8 février à la séance inaugurale, avecau programme : Arènes joyeuses et CapitaineTzigane, et bien sûr les Actualités et des attrac-tions. Dès le week-end suivant, ils peuvent

Programme d’une soirée auxVariétés, vers 1928-1930

ORCHESTRE, ouverture et fantaisiePATHÉ-REVUE, le coton au Maroc, sports

Sensationnel drame en 6 actes avec le célèbreartiste de L’ARGENT ALCOVER dans

La CHEVRE aux PIEDS d’OR !grand roman d’amour, d’aventures, d’espionnage

Formidable mise en scène,le films des grands Etablissements

UNIQUE

ENTRACTE-ORCHESTRELa CHEVRE aux PIEDS d’OR, suite et finSketch ultra comique « Harry Pollard

encaisse »Partie musicale sous la direction de MM Cluet

et Lambert.

Toute tenue négligée sera rigoureusementrefusée

Le cinéma des Variétés dans la salle des fêtes, vers 1930.

La salle des fêtes, probablement pour une séance du cinémades Variétés, vers 1930.

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découvrir un film en couleurs, Toura, déesse dela jungle. Le bar est ouvert à l’entracte et despetits chocolats glacés sont vendus dans lasalle. Des instituteurs emmènent parfois leurclasse le jeudi au Sarbrice. La séance se réduitalors à la seule projection du film; qu’à cela netienne, la projection d’une œuvre comme Lesfeux de la rampe de Charlie Chaplin ravit lespetits spectateurs.

L’essor des cinés-clubs

Alors que Sarcelles se transforme dans lesannées 1950, avec la construction du grandensemble, elle se met à la cinéphilie, trèsrépandue dans l’hexagone. Le Sarbrice ouvresa programmation à des films d’art et d’essai etles cinés-clubs se multiplient : dans les MJC, lescentres ALFA, le Grenier de Sarcelles, le Forumdes Cholettes, le CES Jean Lurçat... On projettedes films en version originale – non sous-titrée ! –, on invite des réalisateurs, on débatjusqu’à des heures tardives de la nuit…

Le premier ciné-club sarcellois est sans douteHorizons, fondé en 1958 par l’AssociationSarcelloise, groupement d’habitants biendécidés à prendre en main la destinée de leurgrand ensemble et à lutter contre le mythe de«Sarcelles cité dortoir». Les moyens sontsommaires : un appareil de projection prêté parun ami et la cantine du groupe scolaire Dunantaménagée comme salle de projection, on doitaller chercher les films à Paris et les ramener

rapidement à vélo. Les images sont souventmédiocres, le son parfois inaudible.

Le choix des programmes répond néanmoinsaux aspirations de la population et la projectionde films comme Le salaire de la peur ou JeuxInterdits attire beaucoup de monde. Desséances à prix réduit sont organisées pour lesenfants, les jeudis après-midi, et ils sont 600 àvoir Till l’espiègle lors de la première de cesséances enfantines. Le Festival africain ducinéma, organisé en 1965, rencontre un vifsuccès. Le ciné-club a alors plus de 400 adhé-rents et peut se flatter de jouer un rôle impor-tant dans la vie culturelle sarcelloise.

Un cinéma provisoire pour une villenaissante.

La SCIC, société constructrice du grandensemble, inscrit dès 1957 le cinéma sur la listedes équipements qu’elle souhaite voir rapide-

Le cinéma Le Ravel, 1965.

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ment se créer à Lochères. Afin d’encouragercette implantation, elle bâtit un cinéma provi-soire en bois, et le Ravel peut ouvrir en 1959,grâce à un jeune exploitant, attiré par l’expé-rience pionnière de Sarcelles. Les films d’exclu-sivité à grand spectacle alternent avec les filmsd’art et d’essai, dont certains sont choisis parHorizons qui peut y organiser ses séances dansde meilleures conditions. Mais les premiershabitants du grand ensemble sont pour laplupart de jeunes couples avec des enfants enbas âge et sans grands-parents à proximitépour pouvoir les garder. L’exploitant ne baissepas les bras et adjoint au cinéma un snack-barappelé le Pubscope, qui connaît une fréquenta-tion croissante.

En 1964, la SCIC célèbre la première couléede béton du «Centre Principal» : présentécomme un «Champs-Elysées en miniature», ildoit être à la fois centre d’affaires, decommerces et de loisirs, et bien sûr, offrir dessalles de cinéma. Las, le projet s’embourbedans les difficultés financières et techniques,avec l’ennoiement, par la remontée de la nappephréatique, de la vaste cavité creusée pour lesfondations du centre. Le cinéma provisoire doits’installer dans la durée…

Un cinéma né trop tard?

Il faut attendre les années 1970 pour qu’enfinle «Centre Principal» sorte de terre, sous lenom de «Centre Régional des Flanades». Cinqsalles flambantes neuves, avec 900 places, youvrent en 1973 et réalisent en une dizaine desemaines 87000 entrées. Les propriétairesdébordent d’idées, créant des séances à tarifréduit les lundis et mercredis à midi, ainsi quedes projections de films de pop music les mer -credis et samedis à 18 h : les Rolling Stones,Easy Rider… Le Sarbrice, déjà sur la voie dudéclin, ne peut faire concurrence avec cet équi-pement moderne et organise sa dernièreséance. Quant au Ravel, il abandonne progres-sivement les séances de cinéma au profit de sesautres activités.

Le cinéma des Flanades ouvre cependant aumoment où les exploitants français enregistrentune forte chute de la fréquentation, notammentà cause de la concurrence de la télévision. Ilsubit aussi le contre-coup des difficultés duCentre commercial, qui peine à trouver sesclients. Des problèmes techniques en liaisonavec la nappe phréatique rajoutent à cescontraintes. Entre 1993 et 1997, le rideautombe plusieurs fois sur l’écran. Les salles et le

hall sont rénovés en 1995, les jeunes specta-teurs reviennent dans les salles, entre autrespour la projection du film La Haine. En 1997,deux salles sont équipées en son numérique eten dolby stéréo. Les Studios de Sarcelles,comme le cinéma s’appelle désormais, diver-sifie sa programmation et reprend les projec-tions scolaires organisées jusqu’alors par leForum des Cholettes. Mais malgré des succèsponctuels comme la programmation de Titanic,les salles restent désertes et le rideau tombepour la dernière fois en 2001. Depuis, la ville nese résout pas à avoir perdu son cinéma…Devant le coût des travaux nécessaires à laréouverture, elle vient toutefois d’y renoncer,préférant désormais étudier d’autres solutions,telle la réhabilitation du Forum des Cholettes.

Josiane Goncalves et Etienne Quentin

Sarcelles

Le cinéma des Flanades, 1982.

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Entre les deux guerres, de nouveaux lotisse-ments se construisent à Arnouville, près de

la gare, dans lesquels emménagent surtoutdes Parisiens. Parmi ces habitants, la familleVeef crée en 1926 avec des voisins Le Clubdes Sept, pour apporter plus de convivialité àleur nouveau quartier, la Fosse aux Poissons.Ce club se transforme en 1929 en uneCommune Libre d’Arnouville (CLA), sur lemodèle de la Commune Libre de Montmartre,que les Veef ont connu lorsqu’ils y vivaient.

Ce groupement fondé par de grandesfigures de la Butte, avec à sa tête une munici-palité fictive aux projets loufoques, telle lasuppression des mois d’hiver, a fait des émulesdans toute la France. Tout près d’Arnouvillesont fondées la Commune Libre des Lotisse-ments de Villiers-le-Bel, en 1928, et laCommune Libre de Garges, en 1929, toutefoismoins actives que la CLA, à en croire la presselocale de l’époque.

Les «autorités» de la Commune Libre

Comme à Montmartre, la CLA se dote d’unmaire, d’un garde-champêtre et d’une compa-gnie de pompiers, qui président aux réjouis-sances dans une «tenue de société» : haut-de-forme gris et écharpe verte et blanche pour lemaire, bicorne et baudrier pour le garde-champêtre, casque et ceinturon pour les

pompiers… Une Muse et deux demoisellesd’honneur sont élues chaque année lors d’unbal, pour accompagner ces «autorités». La«première sortie officielle» de la premièreMuse, Simone Veef, en juillet 1930, susciteune «explosion de curiosité et de joie» dansles rues des lotissements et à la fête du VieuxPays…

La CLA participe aux fêtes de quartier, auxcélébrations du 11 novembre, aux banquetsdes conscrits, mais organise aussi ses propresmanifestations. Elle se déplace en dehorsd’Arnouville, pour partir en excursion ourépondre aux invitations d’autres sociétés. Elleparticipe ainsi en 1930 à un «défilé espa-trouillant» organisé par la Commune Libre deSaint-Charles, dans le XVe arrondissement deParis, lors duquel le capitaine des pompiersest nommé «chevalier d’honneur de la Vachequi Rit»…

«En avant contre le cafard!»

La CLA est placée sous le gouvernement durire. « Il faut que les habitants d’Arnouvillesachent que la joie est notre bien» expliqueson Maire dans un communiqué. Pour unesoirée costumée, il annonce la venue du«docteur Rigolard afin de pouvoir constaterl’effet des coups mortels que nous porterons ànotre ennemi : le cafard». Pour une fête du

Gaieté, jeunesse, solidaritéLes comités des fêtes et les associations de loisirs jouent un rôle essentiel dans l’animation descommunes pendant la première moitié du XXe siècle. Portrait de l’un de ces joyeux groupementsd’habitants, la Commune Libre d’Arnouville.

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Patrimoine en Val de France n° 5, sept. 2007 17

14 Juillet, il convie ses administrés à un «balmonstre», c’est-à-dire trois soirées successivesde bal, dont l’une «durera la nuit entière»!

La musique est autant appréciée que ladanse. La CLA a sa section de bigophones,parodie de fanfare municipale qui suit chacunde ses déplacements. Dans son giron émergeaussi le groupe Mickey Jazz, dont la premièreMuse tient la batterie. Des artistes « inconnusdans le pays» sont parfois invités pourrehausser les «soirées récréatives».

«Une action de bienfaisante gaieté»

Ce sens des réjouissances se conjugue à unesprit philanthropique. Chaque année, la CLAorganise un arbre de Noël au profit desenfants de la commune; plus de 380 bambinsparticipent à la première édition, en 1929. Ellecrée aussi des «pots de feu pour les vieux»,transformant les bénéfices d’une tombola oud’un concours de déguisement en un bonrepas pour les «anciens».

« Il est bien de rire et de s’amuser, mais nousn’oublions pas ceux qui ne peuvent pas parti-

Une association très organisée

Le «vrai» maire d’Arnouville, Eugène Moitry,ne prend pas ombrage de ce pseudo-gouver-nement. Bien au contraire, il préside la plupartdes manifestations organisées par la CLA. La«fausse» commune perçoit des subventions,au même titre que cinq autres associationssoutenues par la municipalité.

La vocation joyeuse de la CLA ne l’empêchepas d’être structurée. Une association loi 1901est officiellement déclarée en décembre 1929,avec des statuts très détaillés. Cette belleorganisation rencontre toutefois des diffi-cultés. En 1930, trois des membres fondateursdémissionnent. En 1932, M. Pagny remplaceM. Moulin à la fonction de maire et unnouveau bureau est élu, tandis que le siègesocial se déplace du café Barrière au ModernBar. Y aurait-il eu des conflits au sein de laCLA? Ces problèmes ont-ils joué dans l’ex-tinction de ce groupement, vers 1935?

De la joie malgré tout

L’énergie déployée par ces passionnés d’hu-mour pourrait faire oublier combien les tempssont durs : la vie dans les nouveaux lotisse-ments privés de viabilité est difficile, la criseéconomique grossit les rangs des chômeurs,l’avenir s’obscurcit avec la montée du fascismeen Europe… De telles initiatives associativespermettent d’oublier ces tracas le temps d’unaprès-midi de jeux ou d’une soirée de bal, enmême temps qu’elles nourrissent la solidaritédes habitants des nouveaux quartiers.

Jean-Jacques Vidal

Arnouville et son passé

ciper à nos réjouissances», explique le Maire.La devise de la CLA, «Gaieté, jeunesse, soli-darité», résume cette alliance du joyeux et dugénéreux. Un point de vue que semblentpartager les autres associations d’Arnouville :les gains générés par les fêtes de quartierqu’elles animent aux côtés de la CLA sontreversés pour partie aux œuvres de lacommune, caisse des écoles, bureau de bien-faisance ou comité d’entraide aux chômeurs.

Arbre de Noël, vers 1935. A droite la Muse.

Déguisement, probablement pour un bal costumé.

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Eté 1958. Les membres de l’AssociationSarcelloise des Habitants du Bois de

Lochères (AS) sont réunis pour débattre de leurnouvelle cité. Transport, commerces, écoles, les

problèmes de la vie quotidienne sont immensesdans ce grand ensemble en chantier. L’idée decréer une bibliothèque retient pourtant l’atten-tion de ce groupement de locataires,convaincus que leur ville naissante est un terrainde choix pour développer la culture populaire.

La débrouille militante

Il y a bien une bibliothèque municipale àSarcelles, mais au village, à trois kilomètres dugrand ensemble. Elle se résume à un dépôt de1 200 livres démodés, dans une salle de réunionqui n’est ouverte au public que trois heures parsemaine. La municipalité accepte de mettre àdisposition de l’AS ces ouvrages qui som -meillent dans « le Vieux-Sarcelles». Reste àtrouver un local et un bibliothécaire.

Les Grosso offrent alors leur appartement etleur temps libre. Jean est régleur-électroméca-nicien aux PTT, Renée est animatrice dans uncentre social, ils ont 26 ans et ont emménagé ily a quelques mois à Sarcelles-Lochères, avecleur fille. Militants depuis longtemps dans desmouvements d’action catholique et dejeunesse, ils ont intégré l’AS dès leur arrivée.Passionnés de littérature, ils pensent pouvoirmener à bien le projet de bibliothèque, et ainsiapporter leur pierre à l’aventure associative deSarcelles. Comme dans d’autres familles du

Pionniers de la culture populaireLa culture pour tous lancée sous le Front Populaire peut se développer dans le contexte favorabledes Trente Glorieuses. Initiatives militantes et politiques publiques se conjuguent pour faire naîtredes établissements culturels innovants, comme la bibliothèque du grand ensemble de Sarcelles.

Démarrage de la bibliothèque dans l’appartement desGrosso, 1958.

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Patrimoine en Val de France n° 5, sept. 2007 19

Paris, pour l’exposition-débat consacrée àAlbert Camus, ou pour les peintures de Lorjouprésentées en plein air, au parc Kennedy, afin defaire descendre l’art dans la rue. La bibliothèquepartage ses locaux, permettant la création d’uncercle de philatélistes et d’un groupe de recher-ches archéologiques, la JPGF. Elle se donne

grand ensemble, c’est en couplequ’ils se lancent dans cet engage-ment.

Ils dressent un catalogue du fondsmunicipal, le ronéotypent et ledistribuent aux gardiens desimmeubles pour le diffuser auprèsde toute la population. Les habi-tants peuvent remplir un bulletinpour signaler les ouvrages qu’ilsveulent emprunter et les retirerchez les Grosso, le soir ou le week-end. Des amis donnent un coup demain pour le transport des livres entre le villageet le grand ensemble. Une bibliothèque ouvreainsi en octobre 1958, bâtiment 30, escalier A,3e gauche.

Premiers pas professionnels

Très vite, le cercle des lecteurs s’agrandit, leslivres envahissent l’appartement et les Grossopeinent à concilier leurs activités profession-nelles et bénévoles. Heureusement, en mars1960, la ville met à disposition un local de50 m², dans le centre commercial n°2. Elleembauche Jean Grosso, son épouse un peuplus tard, tous deux suivant une formation pourobtenir le Certificat d’aptitude aux fonctions debibliothécaire.

Cette professionnalisation permet un nouveaudéveloppement. Une section jeunesse est crééeen 1962, puis une discothèque en 1964. Labibliothèque déménage alors dans des locauxde 120 m², dans le centre commercial n° 3. Lescrédits pour l’achat de livres s’accroissent,portant le nombre de volumes à 6 000 en 1963,et l’équipe se renforce, comptant six personnesen 1965.

Les lecteurs sont de plus en plus nombreux,faisant de la bibliothèque un des établissementsau plus fort taux de prêt de France. Le samediaprès-midi, les files d’attente s’allongent jusquedans la rue et les enfants s’installent dans lesescaliers pour lire. Ce succès doit beaucoup à ladémarche des bibliothécaires, entretenant uncontact étroit avec les lecteurs et les habitants,pour se mettre à l’écoute de leurs besoins, leurfaire connaître de nouveaux écrivains, partagerle goût de la lecture avec toutes les couches dela population.

Au cœur de la vie culturelle

En juin 1960, la bibliothèque fonde un Clubdes Lecteurs pour organiser des rencontresentre le public et les auteurs, sous forme de

Soirée du Club des Lecteurs, avec Paul Emile Victor à laMaison des Jeunes et de la Culture, 1961.

La bibliothèque au centre commercial n°3, 1965.

lectures et de débats. 150personnes part ic ipent enmoyenne à ces soirées gratuites,qui accueillent de grands nomsde la littérature, tels Max PolFouchet, Paul Emile Victor ouJoseph Kessel, séduits par cetteexpérience de culture populaireou attirés par la célébrité dugrand ensemble sarcellois. Lescontacts sont facilités par l’em-ménagement d’intellectuelsdans le grand ensemble, parmi

lesquels Anna Langfus, prix Goncourt en 1962,qui s’investit dans les activités du club et de labibliothèque dès son arrivée à Sarcelles, en1961, jusqu’à son décès en 1966.

Des expositions sont également organisées.Des milliers de visiteurs viennent, y compris de

Jean Grosso, dans la bibliothèqueinstallée au centre commercial n° 2,1960.

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aussi pour mission de diffuser les programmesdes autres groupements culturels du grandensemble, Club des spectateurs, Centre d’artdramatique, Club des droits de l’homme, Ciné-club, Maison des jeunes et de la culture…

A l’avant-garde de la Lecture Publique

Si la bibliothèque joue un rôle important dansle dynamisme culturel sarcellois, son rayonne-ment est bien plus large. Jean et Renée Grossosont membres de l’Association des Bibliothé-caires de France, grâce à laquelle ils peuventéchanger avec d’autres professionnels désireuxde dépoussiérer la Lecture Publique. Ils sontaussi en relation avec la Direction des Biblio-thèques de France, créée en 1945 au sein duministère de l’Education Nationale afin demoderniser les bibliothèques.

Tout est à faire, tant le retard est profond; lanotion même de Lecture Publique est nouvelleen France. La plupart des bibliothèques munici-pales privilégient la conservation de leurs collec-tions au détriment de leur consultation, et n’in-téressent que les érudits. Rares sont les établis-sements qui, comme la bibliothèque deSarcelles, innovent, en ouvrant une sectionjeunesse et une discothèque, en pratiquant lagratuité du prêt et le libre-accès aux rayon-nages, en intégrant l’action culturelle à leursmissions. La Direction des Bibliothèquessoutient donc l’expérience pionnière deSarcelles, jugée d’autant plus intéressante quela vie dans les grands ensembles est devenueun thème de débat national.

Une bibliothèque pilote

La nouvelle municipalité de gauche, élue en1965, adopte une politique plus volontariste etdécide de créer un véritable équipement, àl’échelle de l’intérêt des habitants pour lalecture. Elle demande une «subvention au tauxle plus élevé» à la Direction des Bibliothèqueset acquiert un local de 600 m², au deuxièmeétage d’un bâtiment situé au centre du grandensemble. Elle en confie l’aménagement aucabinet d’architecture Bailly et à la Société desBois de l’Est, une entreprise avec laquelle elle adéjà travaillé pour la création d’une colonie devacances innovante.

Les Grosso sont associés à la conception decette bibliothèque, pensée comme un lieuconvivial et ouvert à tous. L’aménagement enbois crée une ambiance chaleureuse, la salledes revues est aussi un fumoir avec distributeurde boissons, la section jeunesse offre desrecoins pour lire couché par terre ou perché enhauteur, les 22000 ouvrages sont directementaccessibles à la curiosité des lecteurs …

Ce sont plusieurs centaines de personnes quiassistent, le 5 octobre 1969, à l’inauguration decet établissement moderne. Des dizaines d’arti-cles dans la presse saluent l’évènement, et lesvisites de professionnels se succèderont dansles mois qui suivent. Cette bibliothèque modèleprend le nom d’Anna Langfus, pour rendrehommage au talent d’une Sarcelloise priméepar le prix Goncourt, mais aussi en souvenir desa participation à l’aventure collective qui adonné naissance à cet équipement culturel, lepremier du grand ensemble.

Pour une société nouvelle

Toutes les initiatives n’ont pas connu un abou-tissement aussi heureux. L’histoire de la biblio-thèque témoigne toutefois de la démarche deshabitants-animateurs du grand ensemble : ilsont les pieds dans la boue, mais s’enthousias-ment pour la démocratisation des connais-sances et des arts, le brassage des classessociales et des origines géographiques, lerenouveau de la vie citoyenne et politique…Cette société plus égalitaire et plus moderne, ilsne se contentent pas de l’appeler de leursvœux, ils veulent contribuer à sa genèse,mettant au service de ce projet leur dévoue-ment et leur créativité.

Catherine Roth

Mission Mémoires et Identités en Val de France

Bibliothèque Anna Langfus : section jeunesse et salle detravail, 1969.

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La télévision a connu une longue préhistoireen France, de la première demi-heure

d’émission quotidienne diffusée en 1937 pourune centaine de postes, jusqu’à la diffusion dupremier journal télévisé en 1949 pour 3000récepteurs. Elle ne s’installe massivement dansles foyers que dans les années 1960, avec unaccroissement spectaculaire du taux d’équipe-ment au cours de cette décennie, passant de13% à 70%.

lité jusqu’alors seulement accessibles dans lessalles de cinéma. Les grands reportages deCinq colonnes à la Une font un tabac, et ilssont 30 millions de Français à suivre en directles premiers pas sur la lune, en 1969. Docu-mentaires, pièces de théâtres, émissions litté-raire et cinéphile…, les programmes font lapart belle à la culture.

Le divertissement n’est pas oublié, avec lesvariétés, les jeux et les feuilletons télévisés,

Vision-téléLa télévision devient le plus populaire des loisirs dans les années 1960, tout particulièrement dansles banlieues. Retour sur cette première génération de téléspectateurs et mise en perspective avecla télévision d’aujourd’hui.

Les programmes de l’unique chaîne – ladeuxième chaîne n’est créée qu’en 1964 – cou -vrent 50 heures par semaine en 1960, 60 heuresen 1970. Les images sont en noir et blanc, lacouleur apparaissant en 1967. L’Etat s’estassuré le monopole de ce nouveau média et luia attribué la mission d’informer, cultiver etdistraire. Un rôle que la télévision assume avecles seuls deniers publics jusqu’en 1968, date àlaquelle apparaissent les publicités sur le petitécran.

Une télévision éducative et familiale

Le journal télévisé s’installe dans l’emploi dutemps quotidien, offrant des images de l’actua-

tels Les cinq dernières minutes ou Thierry laFronde. Les adolescents s’enthousiasmentpour Age tendre et tête de bois, tandis que lesenfants ne vont plus se coucher avant d’avoirvu Bonne nuit les petits. La nouvelle « boîte àimages » a tout pour séduire la famille, quiprend vite l’habitude de regarder quotidien-nement cette fenêtre ouverte sur le monde.

Un symbole des nouvelles banlieues

Les taux d’équipements sont plus importantsdans les grands ensembles, dont la constructionse développe en même temps que la télévision.Rares sont les observateurs venus enquêterdans ces « villes nouvelles » qui ne relient pas ce

Dans un appartement du grand ensemble Les Carreaux, 1963.

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démarcheurs à domicile encourage les achats àcrédit, jusqu’alors peu répandus. La concur-rence entre voisins ou parents pour l’achat deces nouveaux biens domestiques joue aussi. Iln’est pas rare que le père de famille, fier deson acquisition, intègre le téléviseur dans ledécor de ses photos de famille, voire luiconsacre un cliché.

En famille ou entre amis

Dans la façon traditionnelle d’habiter, lacuisine était du domaine de l’intimité familiale,tandis que la salle à manger était la pièce oùl’on recevait les visiteurs. En accueillant la télé-vision, elle passe d’un usage symbolique à unusage pratique, elle devient le séjour. Le télé-viseur prend une place centrale dans le loge-ment. D’ailleurs, dans les immeubles anciensdes villes, le fil d’antenne passant par leconduit des cheminées désaffectées posi-tionne le poste de télévision comme unsymbole renouvelé du « foyer ».

On regarde le petit écran en soirée ou ledimanche après-midi, les horaires desprogrammes correspondant à ces moments oùtoute la famille est réunie. Les voisins ou amisqui n’ont pas de téléviseur viennent parfois sejoindre au groupe familial. Leurs enfantsdemandent l’autorisation d’aller chez uncamarade ou un cousin pour pouvoir accéderà cet appareil merveilleux.

succès du petit écran avec l’absence d’équipe-ments de loisirs et « l’ennui ». Il est vrai que celoisir « en pantoufles » peut tenter ceux quihabitent des cités encore en chantier et maldesservies par les transports collectifs.

La soirée télévisée est aussi convoquée pourmettre en exergue les problèmes d’insonorisa-tion de ces nouveaux logements. « Le toutSarcelles regarde donc le même programmeau même moment, ce qui est la meilleurefaçon de ne pas gêner le voisin, puisque lesbruits des différents récepteurs se confondenten se superposant», écrit par exemple unhabitant du grand ensemble sarcellois, JeanDuquesne, tandis qu’Henri Kubnick se moquedans ses Délices des grands ensembles, de ladispute entre voisins qui ne regardent pas lemême programme, en 1969, soit après la créa-tion de la deuxième chaîne.

Crédit pour un foyer moderne

Si le téléviseur n’est plus un luxe réservé àune élite, son coût est encore élevé. Sa diffu-sion est néanmoins soutenue par l’essor de lasociété de consommation et de la publicité.Les équipements électroménagers sont érigésen symboles du foyer moderne. Les Françaissont d’autant plus séduits par ces nouveauxappareils que leur niveau de vie est en hausse.

Les familles les plus modestes succombent àces tentations. Le boniment des nombreux

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Fin de la télévision de masse

Les années 1980 ont sonné le glas de cettetélévision fédératrice. La création de chaînesprivées et le développement de chaînesthématiques, consacrées au cinéma, au sport,à l’information… ont fragmenté les publics. Ledéferlement de techniques nouvelles, télé-commandes, magnétoscopes, ordinateurs,téléphones mobiles…, a accru ce phénomène,tout comme la baisse du prix des récepteurs,favorisant la multiplication des téléviseursdans un même foyer.

Cette individualisation de la télévision est enphase avec les transformations de la société,la désynchronisation des temps sociaux etl’éclatement des références culturelles. Quoide commun entre la pratique de personnessans emploi, luttant contre la solitude avec unécran allumé en permanence, et celle d’ado-lescents, se plongeant après les cours dansleurs séries préférées et cherchant desréponses à leurs questions sur les relationsentre garçons et filles ?

Le lien au collectif

Pour autant, regarder la télévision reste uneactivité reliée au collectif. On peut facilementen parler avec son voisin. L’avantage avec elle,c’est que rien ne nous oblige à justifier nosavis, cela ressemble à parler de la pluie et du

La télévision offre aussi des éléments demémoire commune à des classes d’âge. Lesémissions enfantines et les séries regardées àl’adolescence jouent particulièrement bien cerôle, regroupant des générations d’adultesautour du souvenir nostalgique de programmesdevenus « cultes », d’ailleurs entretenu par latélévision avec des programmes de rediffusion.

Les paraboles, en donnant accès à toutes lestélévisions du monde, ouvrent la porte à uneautre forme de collectif. Elles se sont diffuséestrès rapidement auprès des familles immigrées,et surtout maghrébines et turques. Ellesrompent l’isolement social au sein du pays d’ac-cueil et maintiennent le lien affectif et linguis-tique avec le pays ou la zone culturelle d’ori-gine.

Vu à la télé

Si chacun a désormais sa télévision, lesimages des récepteurs sont perçues par lamajorité des téléspectateurs comme uneréalité. Cette croyance généralisée s’appuie surl’idée qu’il y a une vérité de l’image vue à latélévision. L’idéologie de la société contempo-raine est de considérer que la connaissancen’est pas l’intelligible mais le visible. Certes, lapratique de plus en plus intensive de la télévi-sion a permis aux spectateurs de développerdes compétences sur les trucs utilisés par lesréalisateurs des programmes. Cet apprentis-sage des codes de la communication télévi-suelle n’entame pas la puissance du « vu à latélé ». Bien plus qu’un loisir, la télévision estdevenue une façon d’être au monde.

Dominique Renaux

Collectif Fusion

Dans le grand ensemble du Puits-la-Marlière, 2005.

Dans le grand ensemble de Sarcelles, années 1980.

beau temps. Les évènements diffusés endirect sont encore plus propices auxéchanges. Les coupes du monde de footballsont l’archétype de ces moments de commu-nion télévisuelle, d’autant plus lorsque lesmatches sont diffusés sur écran géant. Cesévènements font partie des ressourcescommunes pour entrer en relation, même avecle premier venu rencontré n’importe où.

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Promenades champêtres, circuits touris-tiques, visites de musées ou de parcs d’at-

traction, rallyes automobiles, voyages à lamer…, les sorties collectives sont une constantedes pratiques de loisirs gargeoises. Elles onttouché tous les milieux, toutes les classesd’âge, répondant à une soif d’éveil, de décou-verte, de jeu et une volonté de convivialité. Aleur source, les associations et la municipalité.

Une pratique ancienne

Dès l’entre-deux-guerres, alors que Gargesne comptait qu’un village et quelques lotisse-ments et que les distractions collectives yétaient rares, les tambours-clairons et trompet-tistes de l’Espérance ou les anciens combat-tants de l’Amicale partaient une fois l’an enautocar déjeuner sur les bords de l’Aisne, visiterles châteaux de Compiègne ou de Fontaine-bleau... Les Pionniers, groupement de jeunessecommuniste, proposaient aux enfants dessorties champêtres dans les environs et des

séances de piscine à Saint-Denis. En 1936, unnoyau de commerçants et d’artisans fondamême l’Amicale touristique et familiale en vued’organiser pour les enfants et adultes des« sorties touristiques, d’études et d’agrément »,témoignant de la diffusion du goût desvacances et des voyages sous le Front Popu-laire.

Sorties et excursions :un bonheur partagéIls habitent la même ville et partent ensemble pour une journée, vers des sites de plein air, dejeux ou de culture. Décryptage d’une pratique ancienne, à mi-chemin entre l’évasion des vacanceset la convivialité locale, à partir de l’exemple de Garges-lès-Gonesse.

Sortie du patronage laïque en forêt de Chantilly, années 1960.

Etape du rallye de l’Association animation Dame Blanche àla Croix-sur-Ourcq (Aisne), 1973.

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A partir des années 1950, ce fut au tour desBleuets, une structure d’encadrement catho-lique créée par le curé de la commune, d’offriraux jeunes Gargeois des visites, promenades etjeux dans les environs ou à Paris : le Musée dela Marine, les Invalides et la forêt de Carnellel’année suivante… Les groupes qui y partici-paient dépassaient souvent la centaine depersonnes.

Le développement des années 1960

Durant les années 1960, alors que le thèmedes loisirs se renforçait en France, la questiondes distractions revêtait une forte acuité du faitde l’isolement des nouveaux habitants dugrand ensemble. La municipalité refusant l’idéede « ville dortoir » décida alors de mettre surpied un certain nombre d’équipements éduca-tifs, sociaux et culturels, gérés souvent par desassociations paramunicipales, dont plusieursintégraient les excursions dans leurs activités.

Ces sorties visaient avant tout les jeunes. Ellesétaient organisées entre autres par le Patro-nage laïque municipal, une ancienne structurerelancée à partir de 1959. S’appuyant sur des«Francs camarades» et des instituteurs, ilproposait aux enfants, outre des activitésmanuelles et des jeux, des «sorties distractiveset récréatives», par exemple, en 1967, en forêtd’Orry-la-Ville. La même année, le Comité de lacaisse des écoles récompensa par une sortie defin d’année les lauréats du « certif » (certificatd’études primaires) : au programme, les Flora-lies d’Orléans, un déjeuner à Beaugency, lavisite des châteaux de la Loire. La Maison desjeunes et de la culture, créée en 1966, proposaaussi des excursions, comme un voyage àDieppe en 1970. Soucieuse de favoriser la viedes enfants en « plein air », la municipalité inau-gura encore, au début des années 1960, lespremières colonies et classes de neige.

De nombreuses initiatives associatives

Dans cette commune en pleine extension, lesassociations, en nombre croissant, valorisaientelles aussi les sorties. Car celles-ci permettentde conforter la convivialité parmi les adhérents,en mêlant souvent distraction et découverte, deremercier tous les soutiens de l’association etde promouvoir également celle-ci au-delà deses seuls membres. C’est ainsi que la Sociétédes sapeurs pompiers organisa pour sesmembres honoraires et « tous ses amis » une

Départ en colonies de vacances dans le Calvados, années1960.

Promenade en bateau-mouche à Paris pour la sortie de find’année des lauréats du certificat d’études, années 1960.

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excursion en autocar durant l’été 1960, près duTréport, puis durant l’hiver 1962 un circuit dansles Vosges et en Alsace. Au sein du grandensemble, une association d’habitants commel’Association animation Dame Blanche, fondéeen 1961 afin de lutter contre l’image d’ennuiassociée à ces cités nouvelles, se lança égale-ment dans les sorties distractives. Pour fêter sesdix ans, elle organisa par exemple en 1971 unevisite en car des « plages du débarquement ».

Les années 1970 marquent un certainengouement des associations pour les« rallyes », ces circuits ludiques effectués enautomobile où l’objectif de chaque équipe étaitde retrouver l’itinéraire du parcours à partir desdocuments fournis par les organisateurs. En1972, les concurrents du rallye de l’Amicale desBretons de Garges entamèrent ainsi un circuitpassant par Montmorency, l’Isle-Adam,Viarmes, Valmondois pour se terminer à Chau-montel dans le parc de la colonie de vacances

de Saint-Ouen, où les résultats sont proclamésaprès un copieux déjeuner. Le premier prixreçoit un poste auto-radio, les suivants se parta-geant de nombreux accessoires automobiles.

A partir des années 1980, les sorties ont étépratiquées par des associations très diffé-rentes : un groupement d’anciens combattantscomme la FNACA, une structure caritative tel leSecours populaire, une association de sensibili-sation comme les Donneurs de sang…Plusieurs associations de type communautaire,centrées sur une confession ou une originecommunes, ont également été très friandesd’excursions, car elles sont l’occasion de décou-vertes collectives d’un pays qui reste pourbeaucoup méconnu. C’est le cas par exempledu Club de l’amitié, qui regroupe des femmesde confession juive, la plupart venues duMaghreb, et plus récemment de GargesTamoul welfare ou de l’Etoile d’Antioche…

Des jeunes aux anciens

Les années 1960 ont vu les premières sortiesorganisées pour les personnes âgées. L’Uniondes vieux de France, créée en 1967, mit rapi-dement sur pied une grande sortie annuelle :Paris en bateau-mouche en 1972, forêts deChantilly et d’Halatte en 1973, châteaux deSaint-Germain et Versailles en 1974... Elle affir-mait en effet « avoir le devoir d’organiser lesloisirs de ceux du troisième âge et de les sous-traire le plus souvent possible, à la solitude, leurgrande ennemie ». Ces voyages, qui mêlaientdistraction et culture, venaient compléter les

Sortie des anciens, 1960.

Sortie de l’Association Garges Tamoul Welfare.

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excursions proposées par la municipalité et lebureau d’aide sociale, tel le voyage à Dieppeen 1973. Les excursions organisées pour les« anciens » se sont multipliées dans les décen-nies suivantes, et tant la municipalité que lestrois associations, le Club du troisième âge,l’UNRPA et la Retraite buissonnière, continuentà proposer des sorties.

Les jeunes constituent l’autre public principa-lement visé par ces activités. Avec la dégrada-tion progressive des conditions de vie àGarges, les sorties préparées à leur intentionsont plus qu’un moment de détente et deconvivialité, elles constituent une sorte d’ur-gence sociale, un palliatif aux carences éduca-tives et culturelles, une possibilité de réconcilia-tion avec un environnement rejeté. Pour Enmarche par exemple, association éducative duquartier de la Muette, la découverte par lesenfants de l’architecture et du patrimoine peuten retour susciter un regard plus respectueuxsur leur propre environnement. Quant auxvisites, sorties à la mer ou au zoo, elles permet-tent de « retisser un peu le lien entre les parentset les enfants, pour leur offrir un espace decommunication un peu différent de celui qu’onpeut retrouver à la maison tout simplement ».

L’énergie des préparatifs

Prisée par les associations, la sortie n’endemande pas moins un fort investissement dela part des militants. L’expérience du Noyer desbelles filles, groupe d’animation du quartierDame Blanche Nord, en est un exemple révéla-teur. L’association dut compter sur une équipesolide et enthousiaste pour organiser sesrandonnées massives d’enfants, entre 1991 et1998. Celles-ci entraînaient parfois plus de1500 jeunes sur les chemins, mobilisant 170accompagnateurs ; elles nécessitaient aupréalable de baliser le circuit, demander desautorisations auprès des municipalités, despropriétaires des terrains traversés, de l’inspec-tion académique, trouver des sponsors,convaincre les enseignants de participer,préparer du matériel … Suite au vieillissementet à la réduction de l’équipe bénévole, l’asso-ciation a préféré se tourner vers les voyagesdistractifs et culturels pour adultes, lesquelsdemandent toutefois aussi un certain travailpréalable d’organisation en matière de prépa-ration du circuit, de réservations diverses etd’information du public.

De façon générale, face à la multiplication del’offre associative locale en direction des

adultes et retraités, qui entraîne parfois uneraréfaction du public, les associations doiventgérer leur calendrier de façon que les initiativesne se chevauchent pas, d’autant plus quechaque association ne peut disposer qu’unefois par an du bus municipal. Toutes cescontraintes et difficultés expliquent pourquoicertaines associations gargeoises ont purementet simplement abandonné l’activité de sortie.

Double bonheur

Organisées par les associations ou la munici-palité, les sorties collectives ont traversé unegrande partie du XXe siècle, par delà les évolu-tions urbanistique et sociale de la commune.Elles ont attiré des habitants qui n’avaient pasles possibilités financières de fréquenter un lieu

Départ d’une randonnée pédestre organisée par l’Associa-tion du Noyer des belles filles, 1994.

culturel ni de partir en week-end ou envacances, des personnes âgées qui nepouvaient ou ne voulaient plus conduire devéhicule, des personnes isolées souhaitantétablir des liens d’amitié, des migrants avidesde découverte de leur pays d’accueil… et toutsimplement des Gargeois épris de réjouis-sances en commun. Elles ont procuré undouble bonheur, à ceux qui partaient comme àceux qui les encadraient, comme le remarqueun militant associatif : « Quand j’emmène desfamilles par exemple à la Tour Eiffel ou visiterOrléans et qu’elles sont hyper joyeuses, je medis voilà quoi, je leur apporte quelque chose,peut-être que dans leur vie je leur aurai servi àquelque chose. Ce sont des choses comme çaqui vous font continuer ».

Pierre-Jacques Derainne,

Mission Mémoires et Identités en Val de France

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Les salles des cafés ont longtemps été lesseuls lieux couverts capables d’accueillir les

manifestations festives de Villiers-le-Bel, telsles bals, les banquets ou les spectacles, orga-nisés par la municipalité ou les sociétéslocales. Les transformations du début du xxe

siècle n’y changent rien. Julien Boursier inscritla ville dont il est maire dans la dynamiquerépublicaine, créant une nouvelle mairie(1906), de nouvelles écoles (1908) et un nouvel

hôtel des Postes (1912). Pourtant il n’envisagepas la création d’une salle des fêtes. Mêmelorsque le conseil municipal lui en fait lademande en 1922, il continue à s’en remettreà l’initiative privée.

Un café très central

Nombre de cafés sont alors de petitesépiceries-buvettes fréquentées par un noyaud’habitués, agrémentées d’un espace pourjouer aux cartes, faire une partie de billard ouréunir le bureau d’une association. Quelques-uns d’entre eux disposent cependant de sallesattenantes. C’est le cas de l’hôtel-café-restau-rant situé près de la mairie, exploité sous lesnoms d’hôtel de la mairie, puis d’hôtel deParis et de café du Centre, qui loue plusieurssalles, dont l’une a quasi un statut de salle des

Petite histoire des sallesdes fêtesLa plupart des communes de banlieue comme Villiers-le-Bel sont dotées d’une salle des fêtes oud’une salle polyvalente. Mais qu’en était-il un siècle plus tôt ? Remontée dans le temps pourdécouvrir l’importance des cafés et la progressive municipalisation des lieux de distraction.

La salle Rimpert, attenante au café du Centre vers 1940. B

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Patrimoine en Val de France n° 5, sept. 2007 29

fêtes. Durant les premières décennies du XXe

siècle, de nombreux programmes de manifes-tations citent son nom, le patronyme desexploitants successifs : salle Poncin, Ragot,Mortier, Rimpert…

Les chevaliers de la Compagnie d’arcpeuvent s’y retrouver à la Saint-Sébastien, lessapeurs-pompiers à la Sainte-Barbe, le Cerclemusical à la Sainte-Cécile, la Société desecours mutuels pour son banquet annuel…La municipalité y convie la population pourdes manifestations patriotiques, des inaugura-tions, des concerts… Autant d’occasions defêtes et de délassement qui, souvent, se termi-nent par un bal. La salle abrite aussi desréunions publiques et politiques, ainsi que desmatinées proposées par les partis politiques, àl’instar des goguettes de la section du particommuniste. Seules en sont exclues les mani-festations impliquant des enfants, comme lesdistributions de Prix scolaires ou les arbres deNoël ; un juste retour des choses dans lamesure où le législateur a interdit d’ouvrir desdébits de boisson aux abords des écoles, pourlutter contre les ravages de l’alcoolisme.

Une géographie des cafés éclatée

A la sortie du bourg, sur la route nationale(RN 16), les Armes de France offre aussi des«salons pour noces, banquets, salles desociétés et de billard». Cet établissement reçoitdes groupes qui viennent de loin pour s’ydivertir, tels les Souffleurs de verre pour une«partie champêtre» ou le Syndicat des boulan-gers des cantons d’Ecouen, Gonesse et Luzar-ches pour une «grande fête familiale». Saproximité des «magnifiques forêts de la Légiond’Honneur d’Ecouen» et ses jeux de plein airattirent les promeneurs du dimanche, parmilesquels les familles qui rendent une visite àleurs enfants scolarisés dans une des deuxpensions du village. Les cyclistes de passage s’yarrêtent aussi. Cette clientèle, plutôt extérieureà la commune, est partagée avec deux autrescafés situés sur la RN 16, le Beaujolais et surtoutla séculaire auberge de l’Espérance.

A quelque deux kilomètres du village, dans lesecteur de la gare qui s’urbanise depuis ledébut du XXe siècle, de nouveaux cafés se sontimposés dans la vie locale, implantés place etavenue de la Gare, hormis quelques débits deboisson installés, souvent de façon précaire, àl’intérieur des lotissements. Les nouveauxBeauvillésois se retrouvent chez Poulain ouGallemant, au Petit Chasseur, à l’hôtel du Nord,

chez Villain… Peu leur importe que certains deces établissements soient sur le territoire de lacommune voisine d’Arnouville, c’est là qu’ilsviennent se divertir. A l’instar du café installé àcôté de la mairie de Villliers-le-Bel, le caféarnouvillois Gallemant accueille de nombreuxévènements publics, politiques et associatifs, ycompris ceux organisés par et pour des Beau-villésois.

Des cafetiers producteurs dedivertissements

Les exploitants des cafés prennent aussi l’ini-tiative d’organiser des divertissements. Les balsproposés chaque dimanche après-midi aux

Aux Armes de France, 1919.

La salle du café Gallemant, lors d’un repas des anciens, 1930.

Armes de France, depuis le début du sièclejusque dans les années 1930, ont attiré denombreuses personnes qui en ont gardé unsouvenir ému. D’autres établissements invitentleurs clients à des concours de billards, dedanse ou de cartes.

Le propriétaire du café du Centre lance,quant à lui, vers le milieu des années 1930, une«formule nouvelle, tout particulière de variétés

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qui captivera le public le plus difficile», avec«des spectacles d’une correction parfaite où lerire et le sentiment ainsi que la musique alertesont le seul but des auteurs». La «matinée-concert» qu’il organise pour le 11 novembre1938 propose par exemple un illusionniste, unthéâtre d’ombres chinoises, des clowns, unconcert, une séance de cinéma et un grand balavec orchestre… M. Rimpert, par ailleursclown et fondateur d’une troupe théâtrale,s’est-il lassé des manifestations locales un peutrop routinières?

Premières salles municipales

Après la Libération, le maire Aimé Logierestime que la ville doit se doter «d’une sallepour les œuvres péri-scolaires et les diversessociétés locales». La commune achète en1948 l’ex-salle Rimpert qui devient alors lasalle des fêtes municipale. Son animation estplutôt traditionnelle, rythmée annuellementpar le «repas des Vieux» et la Fête des Mèresorganisée par l’Association des Familles, avec«un après-midi récréatif, des danses enfan-tines, un quitte ou double, un crochet et ungoûter aux enfants».

La gestion de la salle est vite source deconflit avec les associations, qui n’y trouventpas toujours leur compte. Le président del’Amicale Sportive de Villiers-le-Bel (ASVB)s’autorise par exemple à rappeler au mairequ’il est « important et primordial d’éviter lesréunions de café». Plusieurs candidats auxélections municipales de 1959 inscrivent dansleur programme la création d’une «salle muni-cipale des fêtes pouvant être utilisée par lessociétés et groupements locaux». Les«champions de football» de l’ASVB sont lespremiers à quitter les lieux en 1960, investis-sant pour leur bal la nouvelle salle des sportsdu stade Léo Lagrange. En 1961, le constatdes utilisateurs est sans appel : la salle munici-pale est «en ruines et d’une saleté repous-sante». En 1962, le maire Louis Perreinl’attribue aux pompiers pour y remiser leursvéhicules.

Cette décision accentue la délocalisation denombreuses manifestations sur le grandensemble des Carreaux (1956-1963). Dans cequartier neuf, la municipalité a bâti unecantine scolaire (1961) et un gymnase (1963)qui se métamorphosent facilement en salledes fêtes pour accueillir pièces de théâtre,concerts, repas des «anciens» ou fêtes desécoles. Des Compagnons de la Chanson à Inauguration du terrain de pétanque du Capitole, 1973.

Le gymnase des Carreaux, lors de la fête des écoles, 1965.

La salle des Fêtes municipale, ex salle Rimpert, lors de laSainte-Barbe, 1954.

Le café du Capitole, dans le quartier des Carreaux.

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Patrimoine en Val de France n° 5, sept. 2007 31

Dalida en passant par les catcheurs Chéri Bibiet l’Ange Blanc, ce sont de grandes vedettesqui se produisent dans ces nouveaux équipe-ments.

Les initiatives du constructeur-bailleur

Afin de faciliter les loisirs des nouveaux habi-tants des Carreaux, la SCIC, société construc-trice, crée en 1961 une maison sociale ou«centre ALFA» qui, bien que de taillemodeste, peut abriter des animations grâce àsa salle de spectacle installée en sous-sol.

Le constructeur bataille également pourobtenir la dérogation administrative néces-saire à l’implantation d’un café, étant donné laproximité des écoles. «Nous avons affaire àdes familles logées assez étroitement, et il estparfaitement justifié de mettre à leur disposi-tion des locaux où elles pourront recevoir leursamis, faire leurs petites fêtes», explique ledirecteur de la SCIC, tout en reconnaissantqu’il «ne faut pas trop de cafés, il en faut

La multiplication des équipementsmunicipaux

Ce développement urbain, bien qu’imposépar l’Etat, dynamise les élus. Les projetsd’équipements fusent dans les débats munici-paux, et parmi eux, ceux nécessaires aux loisirset aux distractions. Une Maison des Jeunesouvre en 1963 et s’installe en 1967 dans seslocaux définitifs, avec son ciné-club, sesboums et son bar servant des boissons nonalcoolisées. Les maisons sociales de la SCICsont reprises en charge par la ville, qui créepour les gérer un Office Socio-culturel Muni-cipal en 1972. En 1975 est inaugurée la Salledes Congrès et Fêtes Populaires MarcelPagnol, un équipement «attendu avec impa-tience tant il était nécessaire d’avoir une sallepolyvalente et suffisamment vaste».

Cet investissement croissant de la ville dans ledivertissement n’empêche pas certains cafés derester des lieux de convivialité. Le Petit Chas-seur, les Centurions, l’Avenir, le Gambetta, le

même le moins possible». Le Capitole, ouverten 1966 dans le plus grand des centrescommerciaux des Carreaux, devient un lieud’accueil pour les fêtes associatives et lesrepas de noces. Le propriétaire y organise desconcerts et des bals du samedi soir, pourlesquels il a créé une salle en sous-sol.

Dans le grand ensemble du Puits-la-Marlière(1963-1972), la SCIC procède de la mêmefaçon, en ouvrant une maison sociale et enpromouvant la création d’un café. Cet établis-sement, intégré au centre commercial dès saconception, est judicieusement placé à l’anglede deux rues importantes.

Capitole ou le café du Puits-la-Marlière perpé-tuent leur animation dans les différents quar-tiers de la commune. Depuis la fin des années1970, les débits de boisson connaissent cepen-dant des difficultés, avec l’ouverture d’établis-sements de restauration rapide, tels les MacDonald’s, la baisse de la consommation d’al-cool, le développement des loisirs domes-tiques, et surtout avec la crise économique.Certains ferment, d’autres se réinventent sousforme de salons de thé ou de salles de jeux.Devant ce déclin des initiatives privées, l’actionpublique est devenue dominante.

. Maurice Bonnard, Villiers-le-Bel

La salle Marcel Pagnol, inaugurée en 1975.

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Loisirs des uns, travail des autresF I C H E P E D A G O G I Q U E P R I M A I R E

Ce sont de nombreuses personnes qui travaillent au bonfonctionnement des activités que nous pratiquons pendantnotre temps libre. Elles nous accueillent, veillent à notresécurité, nous guident par des conseils ou des appren -tissages… Reportage à la piscine de Villiers-le-Bel.

Benilde est régisseur. Elle accueille lesusagers et veille à ce que leur nombre ne

dépasse pas le seuil de fréquentation maxi-male instantanée. Elle s’occupe des questions

financières, en relation avec le Trésor Publicqui gère les comptes de la piscine, comme

tout équipement de service public.

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Patrimoine en Val de France n° 5, sept. 2007 33

• enquêter surd’autres métiers du loisir

• dresser la liste des sportspraticables dans sa ville • étudier

l’histoire des équipements de loisirsdans sa ville • imaginer la piscine

du futur

Pistes pour des activités en classe

Philippe est responsable de lapiscine. Il encadre l’équipe,organise la logistique, contrôlel’application des normes, suit lebudget…, bref il a un œil surtout. Il travaille en relation avecles services de la Communautéd’agglomération, qui administrela piscine depuis que la Ville luien a transféré la charge, en2004.

Frédéric est maître-nageur-sauveteur. Il dispense lesenseignements de natationet anime les activitésnautiques. Il est aussi chargéde faire respecter le règle-ment intérieur par le public.Pour assurer ces fonctions,il est détenteur d’un Brevetd’Etat.

Nathalie est filtreur. Elle prélèveet analyse des échantillons pour

contrôler la qualité de l’eau de lapiscine, un point crucial pour la

sécurité des baigneurs. Elle peutmener à bien cette mission grâce

à sa formation de technicien entraitement des eaux.

Ali est agent technique. Ilest en charge de la mainte-nance des installations tech-niques, tels que les appareilsde traitement des eaux ou lachaufferie. Il est notammentchargé d’injecter le chlorequi permet de désinfecterl’eau du bassin.

Christine est agent technique.Elle s’occupe de l’entretien dela piscine, veillant à ce quel’établissement reste propretout au long de la journée,malgré les allées et venues desbaigneurs.

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34 Patrimoine en Val de France n° 5, sept. 2007

Le Front Populaire constitue une étapeimportante de l’histoire des loisirs. Les congéspayés sont créés dans un climat debouillonnement social et de liesse populaire,qui a aussi gagné le territoire de Val de France.

L’effervescence dans le monde dutravail

Dans notre département, l’arrêt de travail aété presque complet dans le bâtiment. Surd’autres industries, le mouvement de grèves’est étendu principalement dans la région deMantes, où sont installées d’importantesfirmes. Dans l’arrondissement de Pontoise,près de cent établissements ont cessé letravail. Alors qu’on pouvait espérer il y a huitjours une décroissance sérieuse (et on croyaitfermement que l’installation du Cabinet Blumy aiderait), le mouvement général continua aucontraire à évoluer dans la plus extrême confu-sion. […]

Il est entendu que l’état anarchique danslequel nous vivons se passe dans l’ordre et labonne humeur. La semaine dernière, les raresquotidiens qui arrivaient jusqu’à nous étalaientdes photos suggestives. Voici un bal improvisédans une usine occupée : des couples tour-nent au son d’un accordéon qu’on ne voit pasmais qu’on devine, et qui joue peut-être lerefrain à la mode : « Tout va très bien ».

Le Progrès de Seine-et-Oise, 13 juin 1936

Les grèves agricoles

De nouveaux mouvements de grève sedessinent en Seine-et-Oise, dans la culturemaraîchère. La cessation du travail est effec-tive sur les champs d’épandage de la Ville deParis, avec 400 ouvriers et ouvrières.

Le Progrès de Seine-et-Oise, 11 juillet 1936

Avec la victoire du Front Populaire aux élections législatives de mai 1936, la classe ouvrière, durementtouchée par la crise économique, voit l’espoir d’avancées sociales. Pour appuyer ce nouveau pouvoir

politique, une grève se déclenche dans la métallurgie, avant de s’étendre à tout le territoire et à tous lessecteurs, à l’exception de la fonction publique. Le mouvement est général lorsque le gouvernement deLéon Blum est formé, le 4 juin. Il conserve un caractère pacifique jusqu’à son extinction, au cours de l’été.Les occupations d’usines et les défilés des manifestants sont placés sous le signe de la fête et de la joie.

Les congés payés n’étaient pas inscrits dans le programme du Front Populaire, mais sont institués parla loi du 20 juin 1936. La création d’un sous-secrétariat d’Etat à la Jeunesse, aux Sports et aux Loisirs,confié à Léo Lagrange, témoigne de la nouvelle importance accordée aux loisirs. Subventions pour laconstruction de stades, création d’auberges de jeunesse, aide au théâtre populaire… une ambitieuseaction est lancée par le « ministère de la paresse », comme l’ont appelé certains.

Grève des ouvriers de l’entreprise Forclum, Villiers-le-Bel, 1936.

Bal rouge avec des ouvriers agricoles en grève à Sarcelles,1936.

Eté 1936F I C H E P E D A G O G I Q U E C O L L E G E

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Patrimoine en Val de France n° 5, sept. 2007 35

-• Observer l’histoire de la

durée du temps de travail en France• Enquêter sur la vie des ouvriers

dans les années 1930 • Imaginer la lettred’un de ces premiers vacanciers

• Etudier la biographie de LéoLagrange

Pistes pour des activités en classe

Que faire des vacances ?

Ça y est ! C’est fait, on a des vacances! Quellenouveauté! En effet, beaucoup se trouventdésemparés : c’est tellement inattendu. Quefaire de ces quinze jours? La mer paraît indi-quée, mais, me direz-vous, les notes sont tropsalées ! Alors, à la montagne, les notes sonttrop élevées. Certains ont résolu le problèmesans se creuser les méninges : «On fera lamoisson! ça nous changera de l’air enfumé del’usine, et puis on touchera la paie double! nosfemmes seront bien contentes». Ah! ces garsdu ch’Nord quand même, ils ont en ont ducran ! Et vous les agricoles, qu’est-ce que vousfaites dans tout ça? Défendez-vous, bon sang,envoyez-les aux bains dans une plage gratuite.

Le Régional du Nord de l’Ile-de-France,30 juillet 1936

Vacances

Ce n’est pas un flot humain qui s’est écouléen ces fêtes du 15 août, sur les routes et lesvoies ferrées du pays : ce sont des torrents.Depuis de nombreuses années du reste, lesgrandes fêtes et surtout les «ponts» avaientaccusé le déplacement par masses. [...] Lescongés payés étaient venus s’ajouter à cesdéparts en troupes. C’est toujours un plaisir devoir des gens sur leur départ, car le bonheur estpeint sur les visages.

Voici un énorme convoi qui se dirige sur laBelgique. La nation voisine est àla mode, car le franc belgediminue encore, là-bas, la vie quiest beaucoup meilleur marchéqu’en France. Les wagons sontbondés. […]

Sur les routes, le tableau estaussi encombré… un peu plusdangereux même, et nos amisces braves gendarmes ont d’au-tres craintes que Mmes lesgarde-barrières. Autos, camion-nettes, motocyclettes suppor-tant Monsieur, Madame et Bébé,se poursuivent à toute allure, sefrôlent, s’entrecroisent au milieudes cyclistes acrobates.

Sur les routes du Val-d’Oise, vers 1936.

Départ en vacances, vers 1936.

Il y a d’autre part, les fanatiques du campingavec tout le barda classique. Déjà ils étaientapparus aux journées de Pâques, dormant sousla pluie, le long des plages désertes de laManche. Il y a des gens qui ne doutent de rien!

Le Progrès de Seine-et-Oise, 22 août 1936

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36 Patrimoine en Val de France n° 5, sept. 2007

Le «malaise de la jeunesse» est une desquestions qui agitent la France des années1960. Pour y répondre, associations etmunicipalités créent, avec l’aide de l’Etat, desMaisons de la Jeunesse et de la Culture,ouvertes aux adultes, mais surtout destinéesaux jeunes. Retour sur une expérience auxrésultats mitigés.

Rebutés par les «machins» officiels

«Les adolescents d’aujourd’hui sont assezfermés, méfiants. Ils ont tendance à se repliersur eux-mêmes. Je ne sais pas si le gigantismede l’habitat moderne aggrave cette tendance.Ce que je sais, c’est que pas mal d’entre euxconsidèrent a priori comme un “machin” offi-ciel, plus ou moins intimidant ou rebutant,toute création qu’ils ne sentent pas leur chose

à part entière. “On aurait pu nous demandernotre avis, nous consulter, sur nos goûts, nosidées…”, m’ont dit certains. Les jeunes onttoujours l’impression qu’on veut leur imposerquelque chose, et alors tout est fichu…»

Interview du président de Sarcelles-Jeunes, LeFigaro, 14 février 1963

Rejet des activités culturelles

Nous avons décidé un dimanche matin d’or-ganiser à l’improviste une matinée dansante.Nous disposions d’un orchestre et d’une demi-douzaine de jeunes prêts à faire un peu depublicité jusqu’à l’heure du repas. A 6 heuresde l’après-midi, il y avait plus de 80 personnesdans le local [de la MJC] transformé endancing… Le dimanche suivant, après unesemaine de travail assidu, des invitationsenvoyées par la poste, une tournée en voitureradio dans les rues de Villiers-le-Bel, nous

Avec le prolongement de la scolarité, l’urbanisation des modes de vie, l’émergence d’une culture «yé-yé», les jeunes adoptent de nouvelles valeurs qui suscitent l’incompréhension de leurs aînés. La

médiatisation des méfaits de «bandes de jeunes», à la fin des années 1950, renforce l’inquiétude. Lesgrands ensembles sont désignés comme des lieux propices au mal être des jeunes, voire comme des« fabriques de blousons noirs ». La situation est jugée d’autant plus préoccupante que la génération dubaby-boom va bientôt arriver à l’âge de l’adolescence.

C’est surtout par les loisirs que la société entend « sauver sa jeunesse ». Plus de 700 Maisons de laJeunesse et de la Culture sont créées dans le pays. Le territoire de Val de France participe à ce mouve-ment et des MJC ouvrent à Sarcelles 1 4 (1958 au village, 1960 dans le grand ensemble), Villiers-le-Bel(1963) 2 5 et Garges-lès-Gonesse (1965) 3 6.

L’objectif est d’offrir des distractions «saines», de favoriser l’éducation populaire et de donner le sensdes responsabilités, en impliquant les jeunes dans le fonctionnement de « leur» maison. Discothèque, ping-pong et baby-foot y côtoient des activités plus culturelles, telles que la photographie, le théâtre ou lescauseries. Ces initiatives ne parviennent cependant pas à régler la question des jeunes. A la fin de ladécennie émerge une nouvelle figure de jeune déviant, le «hippie» ou le «gauchiste».

1 2 3

Des maisons pour les jeunesF I C H E P E D A G O G I Q U E LY C E E

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Patrimoine en Val de France n° 5, sept. 2007 37

• Enquêter sur les loisirsdes jeunes dans les années 1960

• Etudier les transformations culturellesdes années 1960 • Comparer ces textes

avec des écrits sur les jeunesd’aujourd’hui • Concevoir un lieu de

loisirs pour des jeunesd’aujourd’hui

Pistes pour des activités en classe

ouvrions les portes d’une exposition. [...] Nousavons eu la visite d’une dizaine de personnes,et parmi ces 10 personnes : 2 ou 3 jeunes!C’est effrayant ! C’est aussi la preuve qu’il fautreprendre la question à sa source.

«Les jeunes et la culture dans la maison»,Bulletin municipal de Villiers-le-Bel,

septembre 1964

Des jeunes trop différents

A Sarcelles, les jeunes se groupent par bâti-ment. Ils se plaignent qu’il n’y ait ni piscine, nistade. Qu’il n’y ait rien pour eux. Dans l’im-mensité neuve, ils se sentent un peu perdus.Comment ne le seraient-ils pas, quand leursparents eux-mêmes sont déracinés? Donc ilserrent. Donc, ils baillent. On leur demande : etla maison des jeunes? Ils répondent que lamaison des jeunes, ils n’y avaient pas pensé.Pour quoi ? Eux, apprentis ou jeunes

sent. Nous pensons, quant à nous, qu’unecertaine fermeté n’exclut pas la patience et laconnaissance des problèmes profonds de lajeunesse actuelle.

«La MJC», Bulletin municipal de Garges,juin 1966

Des besoins nouveaux

Il n’échappe pas à la révolte de l’adolescent,révolte qui ne se contente pas de copier lafureur de vivre d’un Johnny Halliday ou le goûtpour la dialectique d’un Cohn-Bendit, mais qui

4

travailleurs, ne s’y sentent pas chez eux. Lesgérants, les adhérents en sont des étudiants :la culture est accessible à chaque instant, pourqui le travail est réalité rêvée, non vécue. Desuns aux autres, il y a vraiment trop de distance.

«Des villes enfin blanches»,Libération, 28 novembre 1963

Problèmes de comportement

Il reste un mot à dire sur le comportementde certains groupes de jeunes au sein de laMJC. Il est sûr que c’est un des problèmesmajeurs que nous ayons à résoudre : l’avenirnous dira si l’intégration de ces groupes sefera tout naturellement ou si nous seronsobligés de prendre les mesures qui s’impo-

prend parfois des formes plus inquiétantes,voire bouleversantes, je pense à ces brutalespoussées de violence des bandes de jeunesadultes dans la région parisienne, à ce goûtnouveau pour la drogue. […] Il s’agit bien là dela manifestation d’une angoisse. Face à desmutations sans précédent, la population engénéral, et particulièrement la jeunesse ontdes besoins nouveaux de créer, de contester,de participer à toutes les activités, les finalités,occuper dès aujourd’hui leur place pourconcourir à la promotion d’un monde à leurdimension.

«Pourquoi une MJC?», Bulletin municipal deSarcelles, septembre 1969

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38 Patrimoine en Val de France n° 5, sept. 2007

Autres RegardsUn point de vue sur les loisirsproposé par l’Ecole Municipale d’ArtsPlastiques de Garges-lès-Gonesse.L’objectif du photographea saisi l’œil du dessinateur qui, lui a réinventéun morceau de la vie qui l’entoure…

Un loisir mais... «On s’attache aux gensqui sont dans la même démarche quenous et en plus c’est une histoire sansparoles. Il y a une espèce de communionautre que verbale qui s’accorde bien avecle dessin.»

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Un défi. «Réaliser un dessin pendant un tempsdonné est l’un des défis. A l’atelier de dessin cetemps est de trois heures. Alors on doitrépondre au sujet proposé, appliquer saconnaissance, maîtriser sa technique, et avanttout exprimer sa personnalité.»

Un quinzième de seconde. «Photographier àl’atelier de dessin nécessite un temps de poserelativement long parce qu’il y a peu de lumière.Et pendant ce 1/15 de seconde il y a des chosesqui se passent. Alors je peux capter le geste enmouvement, qui laisse une traînée sur l’imageou figer le moment de concentration.»

Andras Gal

Patrimoine en Val de France n° 5, sept. 2007 39

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40 Patrimoine en Val de France n° 5, sept. 2007

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www.cndp.fr/magphilo/philo14/dossierImp.htm Numérod’un magazine de philosophie consacré au sport

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www.gaumont-le-musee.fr/Suiteaccueil.html Muséevirtuel sur l’histoire du cinéma

www.diplomatie.gouv.fr/label_france/france/dossier/cine/cin.html Dossier sur l’histoire du cinéma

www.ina.fr/fresque/index.fr.html Fresque chronologiquesur l’histoire de la radio et la télévision

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«Le Front Populaire», Textes et documents pour laclasse, n° 882, 2004.

«Les Trente Glorieuses», Textes et documents pour laclasse, n°913, 2006.

Duhamel O. et alii, Les grandes batailles de la Répu-blique : les congés payés (1936), vidéocassette, CNDP,2000.

Les Trente Glorieuses, SCEREN, DVD, 2006.

Page 43: Cf`j`ij - Roissy Pays de France

la rénovationdes Carreaux s’inscrit

dans les mémoires

la rénovationdes Carreaux s’inscrit

dans les mémoires

un parcours culturelau collège Paul Eluardun parcours culturel

au collège Paul Eluard

un fonds documentairepour mieux connaître

le territoire deVal de France

un fonds documentairepour mieux connaître

le territoire deVal de France

de la croisée desmémoires

à un avenir partagé

de la croisée desmémoires

à un avenir partagé

chantiers duPATRIMOINE

l’invité : l’Atelier deRestitution du Patrimoine

et de l’Ethnologiedu Val-d’Oise

l’invité : l’Atelier deRestitution du Patrimoine

et de l’Ethnologiedu Val-d’Oise

Page 44: Cf`j`ij - Roissy Pays de France

42 Patrimoine en Val de France n° 5, sept. 2007

La rénovation des Carreauxs’inscrit dans les mémoiresL’opération de Rénovation Urbaine

des Carreaux est entrée dans saphase active en 2007. En juin, avenuePierre Sémard, à quelques centaines demètres du cœur du quartier, la cons-truction de 88 nouveaux logements adémarré. Cette rénovation sera accom-pagnée tout au long de son déroulementd’actions socio-culturelles soutenues parla mairie de Villiers-le-Bel au travers dela Maison de la rénovation urbaine.

En résidence dans le quartier desCarreaux depuis 1989, la compagnieACTA a engagé un projet artistiqueinterdisciplinaire, fondé sur la collecte etla valorisation des mémoires des habi-tants de cultures différentes. Autourd’Agnès Desfosses, fondatrice etmetteur en scène d’ACTA, comédiens,plasticiens, chanteurs, vidéastes et écri-vains travaillent sur l’influence du passésur l’avenir dans l’intimité de chacun, etsur sa transmission d’une génération àl’autre. En février dernier, 150 habitantsdes Carreaux ont pu exprimer l’émo-tion ressentie lorsque l’on quitte sonlogement en prenant part à la dernièrecréation d’ACTA : Petit/grand exil,petit/grand déménagement. Le happeningscénographique a été réalisé à partir dedivers ateliers de paroles, théâtre etphotographies sur le thème de l’exil.Entre cartons et valises, les silhouettesdes habitants étaient projetées en

ombres chinoises sur des toiles. Dans lacontinuité de ce projet, ACTA travaillaitcet été sur la réalisation d’une chansonet d’un clip-vidéo aux côtés des habi-tants des Carreaux.

Parallèlement, le Collectif Fusionentrait dans l’intimité de ces habitantspar le biais de l’exposition Intérieurs-Extérieurs. Aux côtés du photographeRobert Delpit, des habitants concernéspar le relogement se sont vu confierdes appareils photos pour immortaliserl’intérieur de leur appartement ou lavue sur l’extérieur à partir de leursfenêtres. Ces clichés ont fait l’objetd’une exposition en avril à la Maison dequartier Boris Vian. Fusion a ensuiteenchaîné en se lançant dans un travailde captation sonore d’ambiances et deprises de vues des Carreaux avantrénovation.

Le Centre de loisirs Anatole France aégalement confié aux enfants de 6 à 12ans des appareils photos jetables pourqu’ils montrent leur quartier tel qu’ils levoient.

Dans les écoles du quartier, JeanJaurès et Gérard Philipe, éclatées surcinq sites et qui seront regroupées endeux groupes scolaires flambant neufs,plusieurs projets ont vu le jour. L’asso-ciation «Les petits débrouillards»permettra une approche plus scienti-fique de la rénovation (urbanisme,transports…) dans le cadre d’ateliers àl’école, au Centre de loisirs et à laMaison de quartier. En juin dernier, lesécoliers ont aussi planché sur la méta-morphose, réalisant maquettes et autresprojets…

De leur côté, les collégiens du CollègeLéon Blum ont mené divers projets, telsD’un visage à l’autre et La cité idéale…

Toutes ces réalisations sont régulière-ment exposées, au rythme d’uneprésentation toutes les cinq semaines, àla Maison de la rénovation urbaine, rueAlexis Varagne, pendant toute la duréede la rénovation du quartier qui doits’achever en 2012…

Sophie Jobez

Exposition Intérieurs–Exté-rieurs de Fusion, photographiede R. Delpit.

Spectacle d’ACTA, Petit/grandexil, petit/grand déménage-ment.

Photographies réalisées par lesenfants au Centre de Loisirs.

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Patrimoine en Val de France n° 5, sept. 2007 43

De la croisée des mémoiresà un avenir partagéLa collecte des Mémoires Croisées

des habitants de Sarcelles est entréedans sa quatrième et dernière phase.C’est Annick Morin, l’adjointe au mairedéléguée à l’Intergénération, qui a initiéen 2004, en partenariat avec MichelWalksberg, adjoint au maire chargé de laMémoire et des Anciens Combattants,ce vaste projet, dont l’objectif est d’en-registrer et mettre en valeur les décen-nies de migrations qui ont bâti Sarcelles,en recueillant les témoignages de Sarcel-lois de tous âges et toutes origines. LaVille a ainsi voulu apporter sa pierre à lalutte contre les discriminations.

Des centaines de témoignages ontété collectés, en s’appuyant sur denom breux acteurs : le Conseil desRetraités Citoyens, le Conseil desJeunes, les résidences de retraités, lescentres sociaux, les maisons de quar-tier, les asso cia tions, etc. Ce travail demémoire a été organisé autour dequatre grands thèmes fédérateurs del’identité sarcelloise.

Le premier volet s’est écrit à partirdu soixantième anniversaire de la Libé-ration. Chacun des soixante-quatorzetémoins interrogés a raconté commentet dans quel lieu, il avait vécu cetévénement. D’Afrique, de Sarcelles, deProvence, des côtes normandes oud’ailleurs, les souvenirs de jeunesse dela Libération sont revenus. Le cinquan-tenaire du Grand Ensemble a servi decadre au second volet du projet, quis’est exprimé au travers d’événemen-tiels multiples, arbres à mémoires,expositions dans les maisons de quar-tiers, célébrations par les associa-tions… Pour son troisième volet, lamission Intergénération s’est plongéedans l’histoire des migrants aujourd’huiâgés de 30 à 60 ans. Le thème retenu« De là-bas à ici » a permis à cesSarcellois de retrouver leurs racines enracontant leurs parcours de vie.

«Ce qui est primordial, expliqueFrédéric Praud, écrivain publicbiographe en charge de la rédaction detoutes ces Mémoires Croisées, c’estqu’en libérant la parole, nous avons

créé des générations de témoins quiosent aujourd’hui raconter leur histoireet le font, dans les établissementsscolaires par exemple. Ce travail apermis, entre autres, que l’on retracel’histoire de la communauté assyro-chaldéenne, nombreuse à Sarcelles etpourtant peu connue».

Le quatrième volet de ces MémoiresCroisées porte sur « l’avenir partagé»des jeunes. Le projet, qui se déroulejusque fin 2007, s’accompagne d’ate-liers-théâtre et devrait aussi se traduirepar la réalisation d’un film. «Coupés deleurs origines familiales, les jeunes ontsouvent du mal à se projeter dansl’avenir. Une écriture intergénération-nelle peut répondre à ce handicap»,souligne Frédéric Praud.

C’est sans doute le volet desMémoires Croisées le plus difficile,parce qu’il porte sur un passé procheet actuel. «La question de l’avenir estparticulièrement sensible pour la géné-ration des 30/40 ans frappée de pleinfouet par le chômage et les multiplesproblèmes sociaux», constate FrédéricPraud, en ajoutant : «La parole desjeunes est difficile à capter parce qu’elles’extériorise de manière tardive».Farouk Zaoui, directeur du centresocial du quartier des Rosiers, et âgéde 27 ans seulement, résume ainsil’enjeu de ce projet : « Pas besoind’avoir 50 ans pour raconter sonparcours migratoire. Un jeune qui estrécemment arrivé en France peut toutautant témoigner. Le but est demontrer que chacun a vécu la mêmechose. C’est sur cette base que ledialogue pourra s’établir…»

Les nombreux documents filmés etécrits, produits de ces mémoires croi-sées sarcelloises, seront transmis à laBibliothèque Nationale et à la toutenouvelle Cité de l’Immigration qui aouvert ses portes à Paris en juindernier.

S. J.

Des extraits des mémoires croisées sont en lignesur le site de l’association fondée par FrédéricPraud www.parolesdhommesetdefemmes.fr

Rencontre autour des Mémoirescroisées à la Maison de QuartierLes Vignes Blanches.

Détail de la toile des MémoiresCroisées.

Collecte de témoignage parFrédéric Praud.

Rencontre autour des Mémoirescroisées au centre social desRosiers.

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44 Patrimoine en Val de France n° 5, sept. 2007

Un parcours culturelau collège Paul EluardAu printemps dernier, au collège

Paul Eluard de Garges-lès-Gonesse, un projet de parcoursculturel sur le thème de la mémoire afait ses premiers pas. Ce projet est néde la rencontre de Valérie Zuili, ensei-gnante en mathématiques, avec VirginieLoisel, une jeune artiste vidéaste del’association Double Face, enseignante àl’école d’arts plastiques de Garges, déjàimpliquée dans de nombreux travauxde mémoire. Il se décline en plusieursateliers, librement ouverts à tous lesélèves : danse, théâtre, vidéo…

Le projet a très vite enthousiasméDimitri Lambert, professeur de françaisà Paul Eluard. «Lorsque Valérie m’en aparlé, j’ai tout de suite voulu y parti-ciper, explique-t-il. En cinquième, onétudie “le relativisme culturel”.Travailler sur la mémoire me permetd’aborder ce sujet sous un journouveau ». Pour des élèves de 5e, lerelativisme culturel peut paraître bienabscons. En revanche, pour ces adoles-cents qui abordent la périodecomplexe de la construction de leuridentité, «décrire le pays d’où l’onvient, relier la découverte du NouveauMonde à celle d’une autre culture, d’unailleurs» prend tout son sens.

Dans la classe de 5e où Dimitrienseigne, il y a vingt-quatre élèves, issusde dix-neuf origines différentes. L’ensei-gnant leur a demandé d’évoquer oud’imaginer « le jour où je suis arrivé àGarges-lès-Gonesse». Ils ont ainsi puréfléchir à la place qu’ils occupent,«eux qui viennent de deux endroitsdifférents». Certains sont nés dans unautre pays. Quelques-uns y retournentparfois. D’autres encore s’y rendrontpendant les vacances. Il a donc sembléimportant à Dimitri de commencer cetravail de mémoire avant l’été. « J’aidemandé à ceux qui partent deramener des images, des objets, desrecettes gastronomiques, des vête-ments…».

Nina Renaux du Collectif Fusion animeaussi un atelier théâtre qui part decette idée «du jour où je suis arrivé, du

jour où j’y suis retourné». Encadrés parleur professeur de français et par Nina,les élèves produisent des textes qu’ilsmettront ensuite, eux-mêmes, en scèneet en voix. Dimitri Lambert étant aussidanseur, il a également créé un atelierde danse. A partir d’une réflexion sur lerôle et la place de chacun, les élèvessont invités à s’exprimer dans cettediscipline.

Parallèlement Valérie Zuili et VirginieLoisel ont débuté leur atelier images etsons par une initiation à la lecture desimages qui nous entourent, qu’ellessoient médiatiques ou privées. Lesadolescents travailleront ensuite sur lethème du portrait en photographie.Dans un second temps, ils s’interroge-ront sur le témoignage sonore et lerécit biographique. L’objectif de cetatelier est de permettre aux collégiensde traduire leur mémoire par un jeud’images et de voix filmées.

Le Conseil général a permis auxenseignants de financer ces premiersateliers. Mais les deux professeurs necomptent pas en rester là. A la rentréeprochaine, ils espèrent convaincre d’au-tres enseignants de rejoindre leurdémarche. «Professeurs d’arts plas-tiques ou d’histoire, toutes les matièressont les bienvenues». Le but ultime estde transformer le collège Paul Eluarden une vaste scène ouverte au publicoù de multiples performances simulta-nées se dérouleraient toute unejournée. Ce projet grandeur nature estprévu pour 2008. En complément, il estprévu d’éditer un catalogue qui retracel’expérience menée, et regroupe lesproductions artistiques et de nom -breux témoignages autour de l’histoiredu collège et du quartier. D’ici là, lesdeux jeunes profs doivent encoretrouver des partenaires financiers…

S. J.

Portraits filmés dans le cadrede l’atelier vidéo animé parVirginie Loisel.

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Patrimoine en Val de France n° 5, sept. 2007 45

Un fonds documentairepour mieux connaîtrele territoire de Val de France

les quatre communes de la commu-nauté d’agglomération. Pour cettedernière catégorie, le répertoire desréférences bibliographiques en avaitdéjà recensé cent soixante, dont lamoitié est disponible dans une desbibliothèques intercommunales.

Le second est plus original ; il a peud’homologues sauf dans des organismesspécialisés et d’habitude plutôt destinésaux professionnels. Son objectif est deregrouper les ouvrages qui traitent dela banlieue, des politiques urbaines etde l’histoire des grands ensembles, quisont une problématique forte du terri-toire de Val de France. Les premierstravaux de la MMIV ont bien montré lanécessité de relier les réalités locales àdes études générales.

Régulièrement les grands ensembles,notamment celui de Sarcelles, sont dessujets de recherche d’étudiants et c’estparfois même de l’étranger qu’on vientse documenter dans les bibliothèquesdu réseau. Avec le fonds Mémoires etIdentités, la communauté d’aggloméra-tion aura une vraie base de travail àleur offrir. De même, les enseignants duprimaire ou du secondaire pourrontplus facilement amener leurs élèves àmieux appréhender le territoire de leurvie quotidienne.

Tout comme les vitrines des libraires,les rayons des bibliothèques consti-tuent une mise en valeur auprès despublics. La création du fonds Mémoireset Identités, en rendant plus visibles lesouvrages relatifs au territoire, donne unrelief supplémentaire aux acteurslocaux qui œuvrent pour une connais-sance plus approfondie et mieuxpartagée des villes de l’intercommuna-lité.

J.G.

Bibliothèque intercommunale de Garges-lès-Gonesse, rue Jean-François-Chalgrin.Tél. : 01 39 93 82 83.Le répertoire des références bibliographiques esttéléchargeable sur Internet(www.agglo-valdefrance.fr/mission_vdf. asp)

Sur le territoire de Val de France, laLecture Publique est de la compé-

tence de la communauté d’aggloméra-tion. Les bibliothèques sont devenuesintercommunales en 2005. Ce sont lespremiers équipements culturels à avoirété transférés.

Pour les lecteurs, le bénéfice enterme d’offre documentaire est évident.La mise en réseau permet aux habitantsdu territoire d’emprunter indifférem-ment dans les quatre bibliothèques etd’avoir accès à de nombreux docu-ments supplémentaires. Ce sont ainsi235000 imprimés, 10000 documentssonores, 2000 DVD et 330 titres depériodiques qui sont à leur disposition.L’informatisation en cours donnera lieudans un proche avenir à un cataloguecommun qui sera accessible surInternet et dans les bibliothèques.

La politique d’acquisition d’ouvrages,quant à elle, se coordonne progressive-ment. Ainsi, hormis les ouvrages trèsdemandés qu’on pourra trouverpartout, les structures jouent désormaisla complémentarité. Par ailleurs, ellespourront plus facilement mettre enplace des fonds spécifiques, conformé-ment à la volonté des élus. C’est déjà lecas à Garges-lès-Gonesse avec le fondsMémoires et Identités, récemment créé.

Cette appellation, qui renvoie à laMission éponyme au sein de la commu-nauté d’agglomération, est un témoi-gnage de la synergie à l’œuvre sur leterritoire. Les bibliothèques et la MMIVse sont associées dès 2005 pour réaliserun répertoire des références bibliogra-phiques disponibles sur les quatre villesde Val de France. La collaboration va sepoursuivre avec l’enrichissement de cefonds, notamment en partageant l’in-dispensable travail de veille pour repérerles nouvelles publications.

Ce fonds Mémoires et Identitésregroupe deux secteurs. Le premier estun fonds local classique avec desouvrages généraux sur le Val-d’Oise etceux qui concernent plus directement

Une partie du fonds Mémoireset Identités.

Audrey Bouvier, bibliothécaireresponsable des collections desti-nées aux adultes.

Un des ouvrages du fondsMémoires et Identités.

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46 Patrimoine en Val de France n° 5, sept. 2007

En brefDe nombreux projetsà La Muette

A La Muette, pendant la réno-vation, les travaux de mémoirecontinuent… Avec le concoursdu bailleur 3F et du centresocial Dulcie September, l’asso-ciation Commun’arts a épaulé desenfants et des adultes dans laréalisation de fresques sur lacheminée conservée à côté de

sart, historien des sports. Dequoi bien commencer le week-end des Journées duPatrimoine !

Vendredi 14 septembre à 20 h 30, salleLino Ventura, Garges-lès-Gonesse. Entréegratuite.

Les 100 ans de l’écoleJean Macé

L’école élémentaire Jean Macéde Villiers-le-Bel a fêté ses 100ans par un projet pédagogiqueconsacré à son histoire. Lesélèves se sont rendus au Muséedépartemental de l’éducation etaux Archives départementales,pour se documenter sur leurécole. Ils ont ensuite travaillé surdifférents thèmes, et notammentsur les jeux de récréation. Desenquêtes auprès d’anciens élèveset de parents ont permis la réali-sation d’un répertoire de jeux etla diffusion de trois émissions deradio sur Alternative FM. Cetteaventure s’est poursuivie par desateliers de calligraphie et la réali-sation du reportage « Unejournée à l’école », avec l’aided’un photographe d’Objectif 95.L’ensemble des travaux a étéexposé en juin et sera présentélors des Journées du Patrimoine,pour lesquelles le Musée del’Education prête une anciennesalle de classe.

Samedi 15 septembre à partir de 14 h –Ecole Jean Macé, Villiers-le-Bel.

SakamoLa revue du Collectif Fusion

s’appelle Sakamo. « Nous avonsconçu cette revue comme unrecueil de paroles des habitants,explique Dominique Renaux, sonrédacteur en chef. De cesmémoires plurielles émergentdes similitudes rendant les diffé-rences intelligibles et offrant despistes de compréhension del’Histoire contemporaine ». Au fildes pages richement illustrées,s’entrecroisent les récits desexpériences des habitants deVilliers-le-Bel, Sarcelles et des

L’urbanisationd’Arnouville

A Arnouville-lès-Gonesse, l’ur-banisation a été amorcée dès leXVIIIe siècle. Jean-BaptisteMachault, seigneur des lieux, nese contenta pas d’y faire cons-truire un château et une église, ilentreprit de réorganiser levillage. Des maisons de villevinrent remplacer l’habitat ruralet la petite commune prit unaspect semi-urbain.

C’est cette expérience que lesmembres de l’association Arnou-ville et son passé s’attachentactuellement à étudier. Leurstravaux abordent aussi la créa-tion des lotissements au débutdu XXe siècle et la construc tiondes cités des années 1950et 1960. L’ensemble de cesrecherches devrait donner lieu àune exposition au printempsprochain, présentant l’urbanismeà Arnouville-lès-Gonesse depuisle XVIIIe siècle jusqu’à nos jours.

Mémoire des associationsDepuis 2004, la MMIV travaille

sur le thème de l’histoire asso-ciative, aux côtés des Archivesmunicipales, du Centre deressources des associations etd’une vingtaine d’associations deGarges-lès-Gonesse. Collecte demémoire orale, édition d’unguide pour la conservation desarchives, étude historique, l’ate-lier a abordé les diversesfacettes de la mémoire des asso-ciations avant d’aboutir à lapublication d’un ouvrage, Unsiècle de vie associative à Garges-lès-Gonesse. L’historien Pierre-Jacques Derainne présenterason livre lors d’une soiréeconsacrée à la mémoire associa-tive. Au programme, conférenceset projections de photographiesd’archives, qui feront connaîtred’autres recherches portant surl’histoire de la vie associativedans les villes de Val de France,notamment celles de Tony Frois-

ce qui fut la plus grande barredu quartier, aujourd’hui détruite.Le centre social a souhaitéconserver les piliers de son hallet les réinstaller dans sesnouveaux locaux, proposant auxhabitants d’y imprimer lamémoire de leur quartier. L’as-sociation Corpus Delicti poursuitquant à elle son travail de docu-mémoire. Le nouveau film deFabrice Macaux, Puissance 1000,s’est penché sur les interroga-tions des jeunes en suivant lequotidien de l’un d’entre eux.Bien d’autres projets devraientvoir le jour d’ici à 2010, date dela fin de la rénovation de cequartier de Garges-lès-Gonesse.

Fresque réalisée par les habitants.

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Patrimoine en Val de France n° 5, sept. 2007 47

Le plus célèbre desgrands ensembles français

Pour prolonger l’expositionprésentée par l’associationSarcelles et son histoire dans lecadre du 50e anniversaire dugrand ensemble, la MMIV aréalisé une recherche sur lesimages et les textes produitsautour du plus célèbre desgrands ensembles français. Cettecollecte a été si riche que laMMIV s’est associée à l’associa-tion pour en éditer une sélec-tion.

A l’occasion de la sortie decet ouvrage, Textes et images dugrand ensemble de Sarcelles 1954-1976 et dans le cadre des Jour-nées du Patrimoine, une projec-tion de films est organisée enpartenariat avec la Missionimages et cinéma du Conseilgénéral du Val d’Oise. Les spec-tateurs pourront notammentvoir Rue des prairies, avec JeanGabin dans le personnage d’uncontremaître du chantier deSarcelles-Lochères.

Samedi 15 septembre à 15 h salle AndréMalraux rue Taillepied Sarcelles. Entréegratuite.

10e anniversaire deSarcelles et son histoire

L’association Sarcelles et sonhistoire fêtait en juin ses dix ans.« L’identité est affaire d’histoire,explique Gilbert Morin, sonprésident. Nous avons vocationà rapprocher les générations enleur faisant découvrir l’histoirede leur ville au travers dethèmes porteurs ». Cet anniver-saire est placé sous le signe dela vitalité, puisque l’année

alentours, si diverses et pourtantconvergentes.

En dépit de ses neuf numéros,Sakamo peine à accroître sa diffu-sion. « Paradoxalement, nousavons plus de difficultés à êtredistribués localement qu’à êtrereconnus plus loin, comme à laCité Nationale de l’Histoire del’Immigration ». Au même titreque vos témoignages, vosdemandes d’abonnement sontdonc les bienvenues…

Revue semestrielle, 2 [email protected]

Deux livres pourSarcelles

Xavier Zimbardo est unphotographe globe-trotter,parcourant la planète, mais reve-nant toujours à son port d’at-tache sarcellois. Il photographieSarcelles depuis plusieursannées, et la Ville a décidé depublier une partie de ce travail,sous le titre Sarcelles, banlieue ?Belle comme le monde ! Lesphotographies présentées dansl’ouvrage Sarcelles en photosmontrent un même souci derestaurer l’image d’une ville tropsouvent décriée par les médias.Elles ont été réalisées par lesmembres de l’association Clubdes Belles Images, ainsi que parJacques Windenberger, quiphotographia Sarcelles dès lesannées 1960. Cette publicationde la Ville de Sarcelles valoriseune exposition qui s’est tenue en2006, dans le cadre du 50e anni-versaire du grand ensemble.

Galerie de photographies sur Sarcelleswww.xavierzimbardo.com

écoulée a été très active. Uneexposition a été consacrée àMel Bonis, compositrice (1858-1937) qui vécut les vingtdernières années de sa vie àSarcelles, à l’occasion du festivalintercommunal Femmes en Voix.L’association a aussi participé àla rédaction d’un livre avecOSICA sur la réhabilitation duplus ancien quartier du grandensemble, les Sablons. Pour2008, elle projette l’histoire parles lieux, un maillage de parcoursthématiques pour faire décou-vrir Sarcelles aux promeneurs.

Histoire de la voie ferréeLa MMIV a ouvert un nouveau

chantier de recherches, portantcette fois sur l’histoire de la voieferrée Saint-Denis-Creil viaChantilly. L’ouverture de cetteligne en 1859 bouleversa leterritoire, en suscitant d’abordl’installation de briqueteries, puisla création de nombreux lotisse-ments autour des communesd’Arnouville et Villiers-le-Bel.Lorsqu’un siècle plus tard, les

constructeurs ont cherché desterrains pour résoudre la crisedu logement, c’est la proximitéde la voie ferrée qui les encou-ragea à implanter les grandsensembles à Sarcelles et Garges.C’est donc une part importantede l’histoire locale qu’aborderacette nouvelle étude, qui asso-ciera des élèves de l’école JeanJaurès d’Arnouville. Une publica-tion et une exposition à labibliothèque intercommunaled’Arnouville valoriseront cetravail au début de l’année 2008,à peine un an avant le 150e anni-versaire de la voie ferrée.

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48 Patrimoine en Val de France n° 5, sept. 2007

L’invité : l’Atelier de Restitutiondu Patrimoine et de l’Ethnologiedu Val-d’Oise

PVDF : Quand l’Atelier a-t-il étécréé ? Quelles sont ses missions ?

I.L&B.C : L’ARPE est né en 2000,dans la continuité de la missionécomusée. Il est rattaché à la Directiondes affaires culturelles du Conseilgénéral. Son programme scientifique apour objectif de mieux connaître ledépartement et ses habitants enétudiant les mutations des XIXe etXXe siècles. Les Valdoisiens sont aucœur de ce projet. En scrutant lechamp de l’histoire sociale et avec lesoutils de l’ethnologie, l’Atelier recueille,interprète et restitue la mémoire localeau public sous des formes diverses(expositions, publications, films,photos…). Nous travaillons en corréla-tion directe avec les axes prioritairesfixés par le Département pour chacundes 6 territoires que sont le Vexin fran-çais, le Pays de France, la Vallée deMontmorency, l’Agglomération deCergy-Pontoise, la Plaine de France etles Rives de Seine. Nos études doiventpermettre de mieux appréhender lesévolutions futures de notre départe-ment.

PVDF : Quels ont été les sujets devos derniers travaux ?

I.L&B.C : Des métiers « bons pourelles » a permis d’effectuer des recher-ches sur les métiers anciens ou spéci-

fiques aux femmes comme d’apporterun éclairage sur la vie professionnelleactuelle des valdoisiennes au traversd’enquêtes orales, de recherche d’ar-chives ou de collecte de documentsdisparus. Dans un tout autre domaine,Eaux Usées, usages de l’eau retrace l’his-toire de l’épandage et du maraîchagedans la Plaine de Méry-Pierrelaye etmontre son évolution. Nous avonsaussi effectué une longue recherche surles briquetiers et plâtriers du Val-d’Oise…

PVDF : Comment travaillez-vous ?I.L&B.C : A partir de thèmes d’ac-

tualité ou à la demande d’autres direc-tions du Conseil général, nous recher-chons des transversalités avec d’autresstructures : communes, établissementsscolaires, bibliothèques, centres cultu-rels, musées… Nous travaillons avecune documentaliste, un scénographe,une vidéaste, des photographes, pourrépondre aux mieux aux demandes deces structures et du public. Nousn’avons pas seulement vocation à fairedes expositions. Nous exerçons unemission de conseil dans les actions demémoires, de réflexion ethnologique ausein des comités de pilotages culturelset de mise en réseau de notre vastefond documentaire sur le département.

PVDF : Quels sont vos prochainsprojets ?

I.L&B.C : Nous allons travailler surles 40 ans du département, sur lesTrésors des mairies et sur les Rives deSeine à Argenteuil et Bezons. Nousvenons d’achever un travail en collabo-ration avec le château d’Auvers-sur-Oise : Bateliers, peintres et canotiers dansle cadre de l’exposition Au fil de l’Oise,de Dupré à Vlaminck qui se déroulejusqu’au 16 septembre.

Sophie Jobez

LES FONDSDOCUMENTAIRESDE L’ARPE• 15 000 reproductionsde photographiesanciennes• 1500 cartes postalesanciennes• 37500 photographiesréalisées en interne• 600 enquêtes orales• 700 films d’archives• 1 200 notices sur lepatrimoine industriel• 200 rushs et50 montages vidéoréalisés en interne• 3000 ouvrages• 650 numéros de pério-diques

Exposition Des métiers «bonspour elles».

Photographie présentée dansl’exposition Des métiers «bonspour elles».

Isabelle Lhomel et BéatriceCabedoce sont chercheusesà l’ARPE du Conseil général duVal-d’Oise

D.R.

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La revue Patrimoine en Val de France est diffusée gratuitement, commetous les ouvrages de la collection «Publication du patrimoine en Val deFrance», dans la limite des stocks disponibles. Les publications sont àdemander à la Communauté d’Agglomération Val de France (serviceCulture et Sports), par courrier (Communauté d’agglomération, 1, Bd Carnot95400 Villiers-le-Bel), par mail ([email protected]) ou par téléphone(01 34 04 20 32).

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Répertoire des acteurset des ressourcesMémoires, Identitéset Patrimoinedans les communesde Val de France.

Communauté d’agglomération, 1, Bd Carnot 95400 Villiers-le-BelTél. : 01 34 04 17 70 - http://www.agglo-valdefrance.fr

Répertoire localisédes référencesbibliographiques sur lesvilles de Val de France.

Guide des sourcespour l’étude des grandsensembles. Garges-lès-Gonesse, Sarcelles etVilliers-le-Bel, 1950-1980.

Catalogue de ressourcesdocumentaires sur le GrandEnsemble de Sarcelles1954-1976.