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14 HISTOIRE RELIGIEUSE DE L'OCCIDENT MÉDIÉVAL sociale. L'histoire des événements où le politique domi- nait s'est peu à peu effacée devant l'histoire-synthèse qui essaie de saisir les sociétés entières dans leur mouvement profond et, peu à peu, de brosser une peinture de tout l'homme passé. Les mentalités, les formes de sensibilité religieuse constituent des champs nouveaux et parti- culièrement féconds pour l'enquêteur. ' Longtemps, l'histoire de l'Eglise a consisté à étudier ses structures, son enseignement, son appel aux hommes, sans se soucier de la réplique fournie à cet appel. Nous pensons que ces réponses divergentes des hommes constituent l'essentiel de I'histoire religieuse d'une époque. Dans la mesure où l'Eglise déclare avoir vocation pour sauver tous les hommes, la façon dont tous les hommes, par leurs paroles, leurs gestes, leur action, leur genre de vie en un mot, accueillent ou refusent cet appel, fournit à l'historien la physionomie et l'intensité de la vie religieuse d'un temps. Ainsi, pour que le bénéfice intellectuel soit total et la vision complète, nous nous sommes efforcé d'adopter cette conception ample et populaire de l'histoire de l'Eglise. Nous avons voulu, dans la mesure où de bonnes études récentes nous le permettaient, réintégrer le peuple de Dieu dans l'histoire de l'Eglise et, ce faisant, réintégrer l'histoire de l'Eglise dans l'histoire universelle. Introduction au vocabulaire usuel du christianisme l. christianisme fait partie intégrante du patrimoine dc' la culture française et européenne. Il a joué un tel rôle d III l'histoire de notre civilisation que le méconnaître u-vicnt à la mutiler de ses pages essentielles. L'histoire Il, 1Moyen Age, en particulier, deviendrait incomp!~hen- i\)le si l'on voulait en écarter les aspects religieux. l .ongtemps même, du fait que la culture restai.t l'~panag~ el 'S clercs c'est-à-dire des gens d'Eglise, l'histoire reli- pi 'use ab~orba ou colora toute: l'histoire .. Les mouv~- III nts contemporains de laïcisation de la sc~en~eont fait unltre une attitude inverse. On a tendu à réduire la part Il '8 motivations religieuses dans l'histoire et à mettre en " .lief d'autres aspects de l'activité humaine. Alors qu'un .quilibre plus ha~monieux vi~,nt ~'établir dans la ,. cherche un certam nombre d étudiants, sans forma- lin religi~use ou peu famil~ers de c~s.pr<?blèmes, s'~n~é- ressent vivement au domaine de 1histoire du christia- nisme mais sont arrêtés par un vocabulaire spécifique, dont ils ignorent le contenu doctrinal ou institutionnel.

Chélini Vocabulaire usuel christianisme

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14 HISTOIRE RELIGIEUSE DE L'OCCIDENT MÉDIÉVAL

sociale. L'histoire des événements où le politique domi-nait s'est peu à peu effacée devant l'histoire-synthèse quiessaie de saisir les sociétés entières dans leur mouvementprofond et, peu à peu, de brosser une peinture de toutl'homme passé. Les mentalités, les formes de sensibilitéreligieuse constituent des champs nouveaux et parti-culièrement féconds pour l'enquêteur. 'Longtemps, l'histoire de l'Eglise a consisté à étudier

ses structures, son enseignement, son appel auxhommes, sans se soucier de la réplique fournie à cetappel. Nous pensons que ces réponses divergentes deshommes constituent l'essentiel de I'histoire religieused'une époque. Dans la mesure où l'Eglise déclare avoirvocation pour sauver tous les hommes, la façon dont tousles hommes, par leurs paroles, leurs gestes, leur action,leur genre de vie en un mot, accueillent ou refusent cetappel, fournit à l'historien la physionomie et l'intensitéde la vie religieuse d'un temps. Ainsi, pour que lebénéfice intellectuel soit total et la vision complète, nousnous sommes efforcé d'adopter cette conception ampleet populaire de l'histoire de l'Eglise. Nous avons voulu,dans la mesure où de bonnes études récentes nous lepermettaient, réintégrer le peuple de Dieu dans l'histoirede l'Eglise et, ce faisant, réintégrer l'histoire de l'Eglisedans l'histoire universelle.

Introduction au vocabulaire usueldu christianisme

l . christianisme fait partie intégrante du patrimoinedc' la culture française et européenne. Il a joué un tel rôled III l'histoire de notre civilisation que le méconnaîtreu-vicnt à la mutiler de ses pages essentielles. L'histoireIl, 1Moyen Age, en particulier, deviendrait incomp!~hen-i\)le si l'on voulait en écarter les aspects religieux.l .ongtemps même, du fait que la culture restai.t l'~panag~el 'S clercs c'est-à-dire des gens d'Eglise, l'histoire reli-pi 'use ab~orba ou colora toute: l'histoire .. Les mouv~-III nts contemporains de laïcisation de la sc~en~eont faitunltre une attitude inverse. On a tendu à réduire la partIl '8 motivations religieuses dans l'histoire et à mettre en" .lief d'autres aspects de l'activité humaine. Alors qu'un.quilibre plus ha~monieux vi~,nt ~'établir dans la,. cherche un certam nombre d étudiants, sans forma-lin religi~use ou peu famil~ers de c~s.pr<?blèmes, s'~n~é-ressent vivement au domaine de 1histoire du christia-nisme mais sont arrêtés par un vocabulaire spécifique,dont ils ignorent le contenu doctrinal ou institutionnel.

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16 HISTOIRE RELIGr;EUSE DE L'OCCIDENT MÉDIÉVAL

Expliquer chaque mot difficile lors de sa première appa-rition eût considérablement alourdi l'exposé; le ren-voyer en appendice dans un lexique revenait à le séparerd'un contexte susceptible de l'éclairer. Aussi avons-nousdécidé de consacrer une brève introduction au vocabu-laire particulier du christianisme pour que l'étudiant yacquière une première familiarité d'ensemble avec desmots qu'il retrouvera sans cesse dans l'histoire religieuseou profane. En effet, la plupart des termes étudiés ici ontgardé un caractère d'actualité. A leur propos nousn'avons pas toujours donné de précision chronologique,car il s'agit d'un vocabulaire courant utilisé dès le MoyenAge, mais encore en usage aujourd'hui.L'ÉgliseLes chrétiens (christianus de Christus: le Christ) sont

des fidèles du Christ (du grec Christos, l'Oint du Sei-gneur). Leur communauté s'appelle l'Eglise (ecclesia :l'assemblée). Longtemps ecclesia désigna la commu-nauté groupée autour de son, chef, l'évêque. On parlaitencore, au VIl!e siècle, des Eglises du Christ. Plus tar-divement, l'Eglise au singulier tendit à désignerl'ensemble des chrétiens. Mais l'on dit encore en parlantd'une communauté locale, rassemblée autour de sonpasteur (l'évêque est très souvent comparé à un berger etles fidèles à un troupeau), l'Eglise de Reims, d'Amiensou de Marseille. Des séparations étant intervenues entre.chrétiens que l'on appelle schismes (du grec schisma :séparation), l'on distingue entre l'Eglise catholiqueromaine, qui désigne les évêques, le clergé et les fidèlesen communion avec l'évêque de Rome et les Eglisesorthodoxes, dépendant, à partir du ve siècle, de l'évêquede Constantinople mais devenues progressivement auto-nomes (l'on dit autocéphales, du grec autè kephalè :[étant] elles-mêmes tête) depuis 1453. Au Moyen Age, onparlait volontiers d'Eglise latine par opposition à l'Eglisegrecque ou byzantine à cause de la différence de culture.Au XVIe siècle apparurent les Églises de la Réforme.

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Réforme n'est pas un terme nouveau inventé par lesprotestants, c'est un mot clé de la catholicité médiévaleqlli fut marquée par de nombreuses réformes: réformerur lingienne, réforme grégorienne, grandes réformesmc nastiques de Cluny ou de Cîteaux. Ainsi Gré-~(lire VII (1073-1085) lutta-t-il contre la simonie, traficd 'S choses saintes, du nom de Simon le Magicien quiiurait tenté d'acheter à saint Pierre le don de faire desmiracles, et le nicolaïsme ou concubinage des clercsmajeurs, un certain diacre Nicolas aurait pris positioncontre le célibat des prêtres; on dit aussi clérogamie (du,'l'CC kleras : clerc; gamos : mariage) : mariage desclercs.

Les ÉcrituresLe catholicisme a développé sa doctrine à partir des

Saintes Ecritures. La Bible (du grec biblia, pl. debiblion : livre, Les Livres saints) comprend d'abord leslivres de l'Ancien Testament (testamentum : térnoi-nage), antérieurs à la venue du Christ, hérités du[udaïsme : la Genèse (du grec genesis : la création),l' Exode (du grec exados : la sortie [des Hébreuxd' gypte]) , le Lévitique (tire son nom de la tribu deL 'vi, code rituel), les Nombres (il traite du recensementdu peuple juif, d'où son nom), le Deutéronome (du grecri uteronomian, litt. « seconde loi »). Ces cinq premierslivres constituaient un ensemble que les juifs appellent laLoi, la Tora et que les exégètes chrétiens appellentPentateuque (du grec pentateuchas [bibUas] de penta:.inq, teuchas : instrument), le livre en cinq volumes.Ensuite, vient une série de livres historiques: Josué, LesJuges, Ruth, Samuel, Les Rois, Les Chroniques, Esdras,Néhémie, Tobie, Judith, Esther, Les Macchabées.Ensuite, se placent les livres poétiques et sapientiaux(sapientia : la sagesse) : Job, Les Psaumes, Les Pro-verbes, L'Ecclésiaste, Le Cantique des cantiques, LeLivre de la Sagesse, l'Ecclésiastique; enfin, les livresprophétiques : Isaïe, Jérémie, Les Lamentations,

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Baruch, Ézéchiel, Daniel, et les douze petits prophètes:Osée, Joël, Amos, etc.Le Nouveau Testament comprend l'Évangile (du grec

euangelion : la bonne nouvelle). Quatre évangélistes ontrédigé chacun leur témoignage sur la vie et la prédicationdu Christ: Mathieu, Marc, Luc, Jean. Le NouveauTestament comprend en outre le récit de l'activité desapôtres après la mort du Maître : Les Actes des apôtresiapostolus, ,du grec apostolos : envoyé), les lettres desapôtres ou Epîtres (epistolae : lettres), notamment cellesde l'apôtre Paul, les plus nombreuses, aux chrétiens deRome, de Corinthe, de Galatie, d'Ephèse, de Philippes,de Colosses, de Thessalonique, à Timothée, à Tite, àPhilémon et aux Hébreux. Le Nouveau Testament seclôt sur un texte prophétique, l'Apocalypse (du grecapocalupsis : la révélation), rédigé par Jean l'Évangé-liste.Ces textes, en latin, dans la traduction de saint Jérôme

appelée Vulgate (vulgata: version connue, ordinaire),nourrirent la foi et la piété médiévales. La récitation desPsaumes, le Psautier, alimenta la vie spirituelle desmoines. Les grands écrivains ecclésiastiques de l'Anti-q~ité et du haut Moyen Age que l'on appelle les Pères del'Eglise (l'adjectif dérivé patristique désigne leurs tra-vaux et le substantif la patristique, la science de leursœuvres) commentèrent l'Ecriture et l'expliquèrent gram-maticalement ou allégoriquement. L'on appelle àl'époque moderne exégèse (du grec exègèsis : explica-tion), ce travail d'élaboration sur l'Ecriture sainte etexégète celui qui s'y livre. Mais la Bible fut aussi unesource d'inspiration pour les artistes, les sculpteurs et lespeintres. Certains livres comme Le Livre des Rois ou LeCantique des cantiques se prêtaient mieux à l'illustra-tion; ils ont été transcrits dans d'innombrables manus-crits médiévaux. La sculpture des tympans romans ougothiques se déchiffre avec l'Evangile de saint Mathieu,

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1111 quelquefois d'après des apocryphes (du grec apocru-,,1111.1' : caché) c'est-à-dire des récits évangéliques, œuvresIIIIV'nt très anciennes mais difficiles à authentifier et qui

1 1Il'IIlaient au Moyen Age, à côté des livres canoniques(dll irec kanôn : loi, norme) c'est-à-dire admis parl' l'Id ise. Tantôt l'influence de l'Ancien Testament1'1 mporta comme aux temps carolingiens, où l'on peutl' III 'r d'une civilisation à caractère ~étéro-test,ame~-1III" tantôt le courant née-testamentaire fut prédorni-111111" comme dans la prédication de saint François.

Les dogmes1.' contenu de la foi catholique est défini dans le Credo

(dll latin credo: je crois) ou symbole (du grec sumbo-(1111 : le signe) de Nicée (325) et dans la f<?rmu.leplusIl vcloppée de Constantinople (381) .. Elle implique .lalill ance en un Dieu unique, en trois personnes dis-lill "l s, la Trinité divine, égales en dignité et identiquesl'II substance; le Père créateur, le Fils appelé le Verbe(l'l'rhum traduit du grec logos, c'est-à-dire la parole deI)j'u), l'Esprit-Saint appelé aussi le Paraclet (du grect'nracletos : défenseur). L'intervention du péché dans laIl arion par la faute du premier couple (ces scènes de ~a( l mèse sont reproduites à l'infini par l'iconographieIII diévale : l'Ève du Portail d'Autun; Adam et Eve surh-II pieds-droits de la chapelle Br~ncachi dan~ l'église dei('nrmine à Florence, par Masaccio, etc.) suscite le rachatd' l'humanité, la Rédemption (redimere : rac~eter) parl'Incarnation (caro, carnis : chair) du Verbe qui prend lauuture humaine en devenant fils de Marie, restée vierge.

a vie terrestre de Jésus-Christ, sa mort sur la Croix et'S conséquences libératrices fournissent les thèmespre que exclusifs de l'art ~édiév~l. sous to~tes :esformes. Le Christ mort ressuscite trois JOursapres. Cettevictoire sur la mort fonde la foi des chrétiens et sa'ommémoration constitue leur plus grande fête : Pâques(pascha : le passage, en souvenir de la fête juive mar-

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20 HISTOIRE RELIGIEUSE DE L'OCCIDENT MÉDIÉVAL

q.u~nt la fuite des Hébreux d'Égypte). Le Christ ressus-cité apparut aux premiers de ses fidèles, les douzeapôtres e~ s~s autres disciples, tdiscipuli : élèves). Il leurdonn~ mISSIOnde prêcher l'Evangile, il s'éleva ensuiteaux :le~x, Ascension (ascendere: monter) et envoya às~s dl,SClpl~sras.semb~éspour les aider dans leur prédica-non 1Esprit-Saint l.eJour de la Pentecôte (du grec pentè-conta: cinquante [jours après Pâques]). Il avait annoncé~ ses fidèles que l'esprit d.eDieu les guiderait jusqu'à lafi? des temps et que ce Jour-là il reviendrait juger lesvivants et les morts. Jésus laissait une loi d'amour conte-n~e dans les deux commandements essentiels: «Tuaimeras le ~eigneur, ton Dieu, et tu le serviras parfaite-ment. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Ilavait développé son enseignement sur l'amour desautres, la pauvreté et l'humilité dans son sermon sur lamontagne, passage que l'on désigne sous le nom deBéatitudes (beatitudo : bonheur), car chaque assertioncommence par « Bienheureux ... ». On appelle dogmes(du grec dogma : décision, décret) l'ensemble descroyances précises et obligatoires auxquelles le chrétiendoit adhérer.

Le salut

L~ christianisme est une religion de salut. L'Église~nselgne que !'h.omme a une âme (anima: souffle vital)Immortelle, distincte du corps périssable, qu'il doit sau-ve~. Les élus (electi : choisis) jouissent, après la mort etle Jugement personnel qui la suit, de la vision de Dieudurant une éternité bienheureuse c'est le Paradis leCiel. ~s ?an;nés (damnati : cond;mnés), les réprou'vésso.nt pnv~~ eterne~~ment de cette contemplation deDIeu, la VISIOnbéatifique, et souffrent de cette privationc'est l'enfer (inferi : les lieux inférieurs les enfers de lam~tholo~e païenne). Le Moyen Age a imaginé de façontres réaliste ces deux états en les localisant au ciel et sousla terre et en prêtant aux damnés des supplices corporels,

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notamment le feu que Dante évoque longuement dansOlt œuvre et dont la représentation a inspiré d'innom-hrables compositions plastiques. Des êtres céles~~s, leslinges (angelus, du grec angelos : me~sager), cre~s par1 )jeu avant les hommes, peuplent le CIel avec le~ el~s etINsurententre ce monde et l'autre des commurucations

!)l·rmanentes. A leur tête est placé l'ar~ha~ge Michel (de'h breu Mtkâêl : qui est semblable a Dieu), chef desmilices célestes. Des anges révoltés ont été chassés duParadis par le créateur et peuplent l'enfer,. ce sont lesIl mons (du grec daimones) dont le chef L~clfe~ (de lux,lucis : la lumière et de ferre: porter, celui qUI porte !alumière) est appelé le Diable (diabolus) ou .le M~lmtuialignus : méchant), qui au Moyen Age intervientronstamment dans les croyances et la vie quotidienne deschrétiens. Ceux qui, sans être élus dès leur mort, neIII ritent pas l'enfer sont soumis à un délai I?robatoire oùIls sont privés de la vision divine, le purgatoire (purg~re :purifier) dont les contours conceptuels ont acheve deprendre 'corps au Moyen Age. Les â~es des .enfants1II0rtssans baptême survivent dans un lieu marginal, leslimbes (limbus : bord).Le péché (peccatum : faute morale) engendre la l!I0rt

l tcrnelle ; la grâce sauve. La grâce est un don gratuit deDieu que l'homme ne mérite en aucun cas à ca~se de sanature viciée par le péché originel d'Adam et d'~ve e~sat .ndance au mal, la concupiscence (concuptscentta :-nvie , désir). Mais l'enseignement traditi~nnel, del' glise fait une part dans l'œuvre de salut à la liberte ~el'homme et à ses bonnes actions, les œuvres. Le pomtJ'équilibre dans le salut entre la grâce de Dieu et laliberté de l'homme marque le catholicisme orthodoxe.l'accent mis exclusivement sur la liberté caractériseI:hérésie pélagienne, le pélagianisme (de Pélage, m~ineiclte du début du ye siècle). Le salut par la seule grace,sans intervention des œuvres, a été défendu par lesr formés, Luther et Calvin, et repris par les jansénistes

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22 HlSTOIRE RELIGIEUSE DE L'OCCIDENT MÉDIÉVAL

au cours du :cv~e siècle; L'économie de la grâce, qui meten c~~mullI~a.tI?n les elus et les ~mes des justes vivantspa.r 1intermédiaire de Jésus constitue la communion dessaints, cette. société spirituelle étant le corps mystiqued?nt l~ Chnst est la .t~te et les chrétiens les membres.L enseignement traditionnel professe que les méritesacquis par une âme peuvent être imputés à d'autres~o~amme~t ~ux défunts, c'est la croyance en la réversibi~lité des men~es. Elle est à l'origine des prières pour les~orts et des indulgences, pratique par laquelle un chré-tien ~eut, p~r ses. mérites, ses prières, ses offrandes,obtenir un~ réduction du temps de purgatoire pour lui oupour un defunt. Au Moyen Age, le problème centralp~)Urcha~ue h~mme ~s,t?e .r~ire son s~lu~; l'Église l'yaIde} ~als aussi la societe civile dont l'mtegration et lacohésion sont assurées par le christianisme.Conciles et hérésies

Tr~s tôt, l'Église connut dans son sein les déviationsdoctrinales, .ou ~érésies (du grec hairesis : préférence,opmion partIcuhere). Les hérésies portèrent parfois surla mora~e, tels certams mouvements rigoristes, comme lem~ntanIsm.e (du prêtre phrygien Montan), qui condam-nait le manage et l'alimentation carnée, ou le donatisme(de l'évêque. afri~ain Donat), qui refusait l'indulgenceaux clercs.~UI ~valent apostasié, les lapsi (littéralement:« ceux qUIeta}en~ tombés» du verbe labor, lapsus sum,lor~. des persecutions des me et IVe siècles). Le mani-ch:lsme, d.~nom de son fondateur Mani, enseignait auxIII . et Ive siècles que le monde est régi par deux principesqUI se combattent, le Bien et le Mal.Les grandes hérésies du IVe au VUe siècle doivent être

divisées en deux groupes : les hérésies trinitaires et leshérésies christologiques, sur la nature du Christ. Parmilesyrernières, la plus c~lèbre est l'arianisme, prêché parAnus vers 320; elle affirme que dans la Trinité le Pèreseul est vraiment Dieu, les autres personn~s étant

INTRODUCTION AU VOCABULAIRE USUEL 23

d s créatures. Deux hérésies contradictoires déchirèrentl 'S siècles suivants, le nestorianisme et le monophysisme(du grec monè : seule et phusis: nature) f~rmulesextrêmes et durcies de l'enseignement antagomste des(' 'oies de théologie d' Antio~he et d'Al~xandri~: Nest~-1 ius, patriarche de Constantinople, enseigna q~ Il Yava.ltdans le Christ deux personnes: l'homme et Dieu, Mane(~ant seulement mère du Christ-homme, Christotokosdu grec tokeus : celle qui ~nfante). Le concile d'~phèse~ 1) affirme qu'il n'y avait qu'une personne en Jesu~ etque Marie était mère de Dieu, Théotokos. Au co~trarre,I~utycbès, supérieur d'un couvent de Constantinople,iffirma que dans le Christ il n'y avait qu'une nature~ lanature divine tellement supérieure à la nature humainequ'elle l'avait absorbée. Le concile de Chalcé?oine, en~. 1, condamna le monophysisme de la doctnne de lanature unique, en précisant que dan~ l'~nique personnedu Christ subsistaient deux natures distinctes. Le mono-physisme résista en prenant des formes de plus en plusnuancées comme le monoergisme (du grec ergon : uneiule action) ou le monothélisme (du grec ethelô : jev ux et le préfixe mo.no :une s~ule v~lo,n~é~.~a querelleIl 'S images au VUIe Siècle en Onent, 1he~esle Icor~oclaste(du grec eicôn: l'image et clân: bnser, bnser l~sImages), suscita de très violents. r~m?u~ et de~ perse-cutions sanglantes contre ceux qUIvénéraient les Images.Hn Occident au xm" siècle, l'hérésie cathareIdu greccatharos : pur de toute souillure, de tout ~éla~ge),1 surgence du manichéisme avec des aspe~ts ngonstes,pr voqua une sévère. répressi?n. En J?ratlque, chaqueIl résie suscita une mise au point doctnnale. Peu à peu,sous la pression des hérésies (oportet haereses esse: il est1\ cessaire qu'il y ait des hér~sies, sous-~~tendu pourpréciser la doctrine), la théologie du catholicisme achevade prendre forme. .'La théologie (du grec theologiaï est la sClen~~de DIeu,

fondée à la lumière de l'Ecriture et de la Tradition. Dans

Christian CASAS
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24 HISTOIRE RELIGIEUSE DE L'OCCIDENT MÉDIÉVAL

l'Église catholique, à la différence des Églises de laRéforme, qui en rejettent la valeur normative, «laTradition est en quelque façon la manière dont le textemême ou le message de l'Ecriture a été compris dansl'Eglise, puis mis en application vivante. C'est de cetteinterprétation, soit formelle, soit implicite, que veutprofiter le lecteur catholique. Il ne va pas seul à l'Écri-ture, mais avec tous ses frères dans la Foi» 1.

La hiérarchieLa diffusion du christianisme gagna les juiveries

urbaines de la Diaspora (du grec diaspora, c'est-à-diredispersion des juifs à travers le bassin méditerranéen),puis les milieux païens (paganus, paysan, car le christia-nisme semble avoir été d'abord urbain). Les communau-tés chrétiennes se constituèrent autour de leur chefl'évêque (du grec episcopos : surveillant), aidé par unclergé de plus en plus diversifié. En Occident, lorsque lahiérarchie ecclésiastique fut définitivement constituée,c'est le cas dès le début du Moyen Age, on distingueentre les ordres mineurs: portier, lecteur, acolyte (dugrec acolouthos : celui qui accompagne), exorciste (dugrec exorcizô : faire jurer), celui qui chasse les démons,et les ordres majeurs: sous-diacre, diacre (du grec dia-conos : serviteur), prêtre (du grec presbeuteros :l'ancien, le vieillard), évêque.En Occident, depuis le IVe siècle, le célibat était exigé

des clercs majeurs: c'est-à-dire que l'on ne pouvait plusse marier après réception des ordres majeurs, mais l'onpouvait toujours ordonner un homme déjà marié : laplupart des grands évêques du début du Moyen Agefurent mariés et pères de famille. Dans ces cas-là ilsdevaient respecter la continence. Parce qu'il a tiré unsort spécial, tel est le sens de clerus (du grec klèros : sort,

1. A.M. DUBARLE, Introduction à l'Écriture sainte dans Initiationthéologique, t. I, p. 84.

25INTRODUCTION AU VOCABULAIRE USUEL

111111' au sort), le clerc a des droits et des devoirs qui ledl 1 1\ ruent du non-clerc, le laïc (du grec, la.0s : le1" opl .). Ainsi l'on distingue entre les gens d'E~h~e : les, 10 1\ v, le clergé, et les laïcs, l'ensemble des fideles du1" opl ' chrétien. . ...,'1Il s l'origine, le Chnst avait institué PIerre chef du

1 •• 111.' des apôtres. Pierre s'i~stalla, à Rome et seslit l'l'sseurs jouirent d'une primaute sur les ~utre~qu 's. Très tôt ils furent les .arbit~es d~s confht~ qUI

11I,0vaient s'élever entre les Eglises d Occlde!1t. Mal~ enl "il'nt, les évêques d'Antioche, d' Ale,xa~dne, d~ Jéru-ilklll à cause de l'antiquité de leur Eghse, avaient unl" \'~Iige considérable. O~ prit, l'habitud~ de les ~ppelerl' III lurches (du grec patriarchès : chef d une f~mJlle) enIl .-rvant peu à peu à l'évêque de Ro~e celui de pape(/ltllla), c'est-à-dire l~ père. L'élé.vatlOn de ~yzance," Il iptisée Constantll1ople, au titre de ~apltale. de1( )1 i 'nt en 330, fit de l'évêque de cette Ville u~ rivaldl • 't du pontife romain. Il prit le titre de patna~c?eIt • nménique (du grec oicoumenè gè : la terre habitée,Il,"1' la terre), que refusa de reconnaî~re Ro~e. ~~Il,,,flit aboutit au schisme de 1054, qUI dure jusqu aIIIjourd'hui, malgré les progrès actuels de l'~c~ménism~,l 't'sl-à-dire le rapprochement entre les Eglises. chré-l i-nnes. Dans les villes importantes, souvent anciennes1 IIpitales des provinces romaines, l'évêq~e prit l~ nom deIII( tropolitain (metropolitan~ :.d~ l.a Ville capitale) ouIII .hevêque et éte~dit sa J,:r.ldl~tJOn sur l~s autresv ques de sa provmce eccléstasnque, appeles suffra-l' I111S (suffragans, antis : qui vote po.ur, 9U1sec~~d~). E~1dt il n'y eut presque jamais subordl~atl~m de 1eveque al'urchevêque. Les évêques se réunissaient souvent enl, semblées délibérantes. Ces réunions s~appelle~t('(lociles (concilium: assemblée). On les dit œ~ume-niques s'ils rassemblent les évêques d~ ~<?n?e entier. Ilu'y a pas de critère absolu de l'œcumem~lte, en ?ehorsd' prescriptions actuelles du code de droit canonique et

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26 HISTOIRE RELlGIEUSE DE L'OCCIDENT MÉDIÉVAL

par conséquent pas de liste officielle des conciles œcumé-niques. Dans l'Eglise catholique, l'usage et la traditioont élaboré la liste des vingt conciles qui ont précédVatican II. Les Orthodoxes ne reconnaissent paI'œcuménicité des conciles généraux de l'Eglise catholique au Moyen Age. Les conciles sont dits nationaux,s'ils rassemblent les évêques d'une nation; provinciauou régionaux, s'il s'agit seulement des prélats d'unprovince, sous la présidence de leur métropolitain. Lerèglements ecclésiastiques ou moraux : les canons (dgrec kanôn : règle) qui en sont issus ont été rassemblésdans les collections canoniques. Les décrétales pontifi-cales (voir ci-dessous) e,tles collections canoniques sontl'origine du droit de l'Eglise, appelé droit canonique 0droit canon.

La papauté

Très tôt, les papes répondirent par écrit aux consultations des autres évêques ou des fidèles; on prit l'habitudd'appeler décrétales (decretalia), ces décisions. Ils expédient des lettres, qu'à partir du XIIe siècle on appelbulles (bulla: sceau de plomb circulaire dont ils sservaient pour authentifier leur correspondance). Par-fois les papes envoient des représentants permanents ouprovisoires que l'on appelle légats (legatus : envoyé).Auprès de l'empereur byzantin, ils entretenaienlorsqu'ils étaient en communion avec l'Église grecque uambassadeur, apocrisiaire (du grec apocrisis : laréponse). L'institution des nonces (nuntius : envoyé),beaucoup plus tardive, n'apparut qu'au XVIe siècle. ARome le pape même est entouré de clercs qui l'aidentdans son travail. Dans l'Antiquité les diacres des régionsde la ville furent chargés de la gestion matérielle desbiens d'Eglise et des œuvres charitables. A la fin dupremier millénaire nous voyons les clercs cardinaux (car-dinalis, de cardo, inis: gond de porte), c'est-à-direattachés aux églises de Rome, constituer peu à peu un

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lIège particulier auquel participèrent les évêques desvêchés suburbicaires (suburbicarius : du faubourg),.'cst-à-dire proches de Rome. En 1059, les car?inaux-vêques furent chargés de l'élection du souveraI.n pon-lire. En 1586, Sixte-Quint fixa le nombre des cardinaux àsoixante-dix et l'on distingua jusqu'à aujourd'hui troisordres parmi les cardinaux: les cardinaux-diacres, lescardinaux-prêtres , les cardinaux-évêques. L'ensembledes cardinaux constitue le Sacré Collège, présidé par undoyen. Depuis le pontificat de Jean XXIII, le nombred s cardinaux n'est plus limité et tous sont revêtus de ladignité épiscopale, quel que soit leur titre.

Les religieuxTous ces clercs vivent au milieu du monde (saeculum :

1· siècle, en langage chrétien), on les appelle commu.né-111 nt clercs séculiers. Mais il existe des religieux, retirésdu monde, qui vivent sous une règle, ce sont les régulie~siregula : règle). A l'origine, c'étaient des laïcs? putSpi' gressivement les clercs l'emportèrent parmI eux.1 ~ elues du service de l'autel, les femmes peuvent seronsacrer à Dieu, sous une règle, loin du monde. Lemoine (monachus : solitaire) et la moniale constituentdonc une catégorie à part de la vie religieuse, attachée àIl clôture et à la résidence. En Orient, la vie religieusecommença très tôt sous la forme de l'anachorétisme (du1'1' 'C anachôrètès : celui qui vit dans .la retraite) ?u del'érémitisme (du grec erèmos : solitaire). En OCCIdent,pl' valut la forme communautaire de la vie religieuse: le\'\:nobitisme (du grec coinobios : qui vit en communauté,cuinobion : la vie commune). Sous la direction de l'abbéabbas : père), les moines vivent dans un monastère,-lnustrés c'est-à-dire enfermés dans la clôture. Il en vaIl . même pour les moniales régies par l'abbesse. DepuisIl,Vie siècle et avec des réformes successives, la règle deuint Benoît de Nursie a prévalu. D'autres formes de vieIl'Iigieuse, itinérante et prédicante, apparurent au

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xnr' siècle à côté des divers rameaux du monachismebénédictin, les ordres mendiants: dominicains et francis-cains, avec leurs correspondants féminins.Les laïcsA la frontière entre clercs et moines, les chanoines

(canonici : qui suivent une règle) entourent l'évêque etcélèbrent avec lui les offices. La vie des moines estcentrée sur la laus Dei, la louange de Dieu, qu'ilscélèbrent dans la journée au cours de plusieurs officesque l'on appelle les heures canoniques. L'office divin(opus Dei) alterne dans la règle bénédictine avecl'étudeet le travail manuel. L'érémitisme à son tour se déve-loppa fortement en Europe occidentale du xe auXIIe siècle. Moines, religieuses, ermites pratiquentl'ascétisme (du grec ascèsis : genre de vie). Ils observentde longues périodes de jeûne (jejunium : privation denourriture) où ils ne font qu'un repas par jour. Ilsrespectent l'abstinence (abstinentia : abstention), sup-pression de toute alimentation carnée et animale, parfoisdurant toute l'année. Ils mortifient leur corps par le portdu cilice (cilicium : grossière chemise de toile râpeuse) etplus tardivement par l'usage de la discipline, sorte defouet pénitentiel".Longtemps le peuple chrétien, les fidèles n'eurent

qu'un rôle passif: assister aux offices, respecter ledimanche (dies dominica : le jour du Seigneur), obéiraux clercs qui leur distribuaient les sacrements et suivreles lois de la morale chrétienne contenues dans le Déca-logue - les dix commandements donnés par Dieu àMoïse - parachevé par la loi d'amour du Christ et lescommandements élaborés par l'Eglise. Au Moyen Age,le calendrier chrétien a définitivement supplanté la façonpaïenne de compter les jours. Les grandes fêtes commé-morant les épisodes de la vie du Christ: Noël tnativitas :

1. Ainsi les Flagellants portèrent en Italie le nom de Disciplinati.

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Il rlssance [du Christ]), Épiphanie (du grec epiphania :.uunifestation [du Christ au monde]), Pâques, Ascen-1\111, Pentecôte, Assomption (assumptio : montée Jau1 Il,1de la Vierge, corps et âme]), ~afête de tc?usles ~amts1111 Toussaint alternent avec les fetes des Saints apotres,III,Irtyrs (du grec martures : les témoins), con~esseurs(1lIILfessor : qui a manifesté publiquement sa foi), pon-Ill'eset vierges. Le culte (cultus du verbe colere : cultiver,\ uérer) des saints connaît pendant tout le Moyen Age1111 faveur extraordinaire. Les fidèles cherchent à se(110 urer des reliques qui conservent la force t~aumatur-pique du saint et opèrent des miracles (mlraculu~:l'iodige). La vénération (venerari : respecter) ?es Sal?ts1 1 distincte du culte d'adoration que l'on doit à Dieu,'(II. La Vierge Marie est l'objet en Occident et en(ll'ient du culte le plus répandu ....haque petite c?mmunauté local~ ~roup~e autour de

\111 prêtre, la paroisse (du grec paroikia : seJ~ur en pays1 1ranger) , vénère son saint protecte~r. Le cur~ (cur~tus :1 t'lui qui a la charge, cura, des ames), delegue par1\ vêque très souvent sur la proposition du patron (patro-nus : protecteur) fondateur ou héritier des fondateurs del' zlise du lieu, dirige sa paroisse en tenant compte des1 \ glements établis par son évêque, les statuts synod.auxtstotuta : décisions, synodus du grec sunodos : réunion,INsembléedes prêtres autour de leur évêq';le). Les reve-nus de la paroisse, considérés de ce fait comme unIl néfice (beneficium : en latin médiéval, charge e~clé-in tique avec les revenus y afférant), et les oblatJ~)llsoblatio : offrande) des fidèles lui assurent le nécessaire.l,il paroisse est la cellule éléme~taire de la vi~ du peuplerhrétien. L'ensemble des paroisses regroupees dans ledi cèse constitue une Église dont l'évêque, successeurd .. apôtres, /est le chef. Les Églises se .rasse~blentnutour de l'Eglise de Rome (cap.ut ecclesiae : tete del' 'glise), siège du vicaire du Christ. Les ~<?mme~duMoyen Age sentaient profondément cette hiérarchie et

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ces solidarités, qui constituaient les cadres de leur uni-vers spirituel.

Les sacrements'

L'évêque, que l'on appelle aussi pontife (pontifex :membre d'une confrérie religieuse qui fait les ponts, parextension dignitaire religieux) en souvenir des grandsprêtres païens, ou encore prélat (du latinpraelatus "celuique l'on porte devant) a sur le, territoire du diocèse quilui est confié un triple pouvoir d'ordre, de juridiction etd'enseignement. Revêtu par son sacre de la plénitude dusacerdoce (sacerdos " prêtre), l'évêque peut seul consa-crer un autre évêque, ordonner les prêtres et les autresclercs. Il s'est réservé l'usage d'un autre sacrement(sacramentum " signe sacré) destiné au peuple, la confir-mation (confirmare " renforcer). Nous venons donc derencontrer deux sacrements: l'ordre et la confirmation.Au Moyen Age la doctrine des sacrements s'organisa,sans avoir le caractère rigide qu'elle acquit après leconcile de Trente. Par le baptême (du grec baptismos "l'immersion, le baptême) - pratiqué d'abord ,sur desadultes puis sur des enfants -, on entre dans l'Eglise etl'on reçoit la grâce (gratia : faveur, bienveillance) deDieu, Dans l'Eglise antique, où les baptêmes d'adultesconvertis étaient la règle, une instruction religieuse pré-cédait le baptême : le catéchuménat (du grec catéchein "faire retentir aux. oreilles, instruire de vive voix). Lescatéchumènes étaient baptisés pour Pâques. La péni-tence (me paenitet " je me repens) réconcilie le chrétienpécheur avec Dieu. Sa forme a varié depuis l'Antiquitépour prendre au Moyen Age la forme actuelle de laconfession (confiteri " avouer), aveu des fautes suivi del'absolution (absolvere " remettre) du prêtre. L'eucharis-tie (du grec eucharistia, litt. le sacrifice d'action degrâces) est la communion du chrétien au corps et au sangdu Christ, sous la forme de pain et de vin consacrés etconsommés au cours de la messe, cérémonie principale

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dl' la religion catholique. Les futurs époux se donnentmutuellement le sacrement de mariage, en présence du

Ill'stre qui bénit leur union, usage qui se répandit, dans't'~glised'Occident à partir du rx" siècle. Enfin, l'Eglisenlfre aux malades un sacrement de réconfort décrit parlint Jacques dans la fin de son Epître : l'onction desIII ilades ou extrême-onction (unguere " frotter avec unhnume, oindre).

La liturgie

Le déroulement du culte chrétien selon une ordon-unnce réglée par ,les clerc~ s'appelle. liturgie (?u. g~eclcltourgio : fonction publique, service). A ~ongme. haque Église locale avait sa liturgie. En OCCident, la1turgie romaine élimina pratiquement toutes les autresIII cours du Moyen Age. Le grec fut la langue liturgiqueIi' l'Occident jusqu'au me siècle. Le latin le remplaçausqu'à nos jours. ~a m~sse" répétition, du repas que le( 'hrist célébra le sorr du jeudi saint, la cene (cena " repasdll oir), et du sacrifice de Jésus sur la. Cr?ix, c.onstitued ,s l'origine la principale cérém?llle ht~rglque, de1'1~glisecatholique. Elle est composee de ~nere~ prepa-1 Il ires, d'une prédication (sermon, homélie, pro~e), deIl récitation du Credo, de l'offrande des matières àIOIl aerer, du canon (kânon " règle, ensembl.e des prières-ntourant la consécration fixé dès le ye SIècle), de larummunion et du renvoi des fidèles : ite missa est:• Allez, c'est le renvoi », d'où le nom de messe tirée del' -tte formule finale. D'autres cérémonies entourent lal '1 bration de certains sacrements ou de certains actesu-ligieux. Dans ce sens, on parle de la.litur~ie d~ b.ap-1 me des funérailles ou de la consécration dune eghse.r. .s textes liturgiques sont inscrits dans les livres sacrés :1· missel (missale) contient tous ceux de ~a.messe. Al'origine ces livres étaient distincts : évangéhatr~ pour ~es1 vangiles, lectionnaire pour les lectures, antiphonairepour les hymnes, etc. Le pontifical renferme les formules

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concernant le sacre des évêques et les sacrements qu'ilsadministrent. Pour désigner le déroulement de la céré-monie on parle de rites et le rituel est l'ensemble des ritesen usage dans une Eglise. Le même mot désigne souvenle livre où le déroulement des rites est consigné.

Les lieux de culteLes cérémonies chrétiennes sont célébrées dans u

temple appelé église. La forme la plus courante eOccident dérive de la basilique antique. Dans les villes,le type classique de l'édifice se compose d'une salle assezlongue délimitée par une colonnade: la nef (navis :vaisseau) flanquée de deux salles parallèles de part ed'autre, moins élevées, les nefs latérales; les nefs'achèvent dans une abside (apsis : arc, hémicycle d'unbasilique romaine) semi-circulaire. La couverture a étlongtemps faite en charpente. La voûte, appareillage dpierres se tenant les unes les autres, apparaît tôt eOccident, mais n'élimina pas partout la charpente.D'Orient vint une autre forme de couverture, la coupolecalotte de maçonnerie serni-sphérique recouvrant uédifice carré ou polygonal. Très souvent les nefs sonrecoupées perpendiculairement par une autre salle rectangulaire, le transept (trans-septum: enceinte transversale), ce qui donne à l'église une forme de croix.L'abside des églises est orientée généralement vers l'est,mais pas toujours. L'église de l'évêque s'appelle cathédrale (de cathedra: le siège, la chaire de l'évêque). Onpris l'habitude d'appeler basilique (basilica, du grebasilikè oikia : la demeure royale; lieu où l'on rendait 1justice à Rome et dont le plan a servi de modèle aupremières églises chrétiennes) certaines églises illustrenotamment celles où les chrétiens viennent en pèlerinag(peregrinatio : le voyage comme pratique pénitentielle),sur le tombeau des saints. On appelle chapelle un petiédifice religieux, séparé, sans fonction paroissiale 0bien annexé à une église. Chapelle vient de capella

33INTRODUCTION AU VOCABULAiRE USUEL

diminutif du bas latin cappa, coiffure, chape; il s'agissaitselon la légende du manteau de saint Martin, cons~rvécomme relique dans le trésor des roi~ ~e Franc~ dep,Ul~levue siècle; par dérivation, capella désigna le heu ou Ionconservait cet ornement.Dans l'église, l'espace où sont célébrés les. mystère.s

(du grec mustèrion) et où. se déroulent. les off~ces (offt-cia: devoirs), le sanctuaire (sanctuarium : !leu saint)situé dans l'abside, est séparé de la nef où se tiennent lesfidèles, par une barrière appelée chancel ~uMoyen Age.En avant du sanctuaire les chantres se tiennent dans lechœur (chorus psallentium : groupe des chanteurs, enlangue moderne on parle de chorale). La mess~ estcélébrée sur un autel tabulaire de bois ou de plerr~renfermant ou recouvrant des reliques (reliquia : ce qurreste), c'est-à-dire les restes d'un corps saint. L~ matiè~eeucharistique est contenue dans les ~ases sacres, le vmdans le calice (calix : coupe), le pam est placé sur lapatène (patena : petite a~siette). L'usag~ de ga.rderl'eucharistie pour communier les malades fit constituerune sainte réserve, placée dans une ampoul~ en forme decolombe pendue au plafond, puis plus tardlve~ent.dansun tabernacle fixe (tabernaculum : tente). La liturgie estaccompagnée de chants dont les rythmes et la modula-tion se fixèrent au VIe siècle et que l'on appelle chantgrégorien parce qu'on l'attribue, sans certitude, au papeGrégoire le Grand.

Les sanctionsA côté du réconfort des sacrements, l'Église dispose

de sanctions contre les laïcs et les clercs gravementindisciplinés. Le pape ou l'é~êqu.e peut les fra~per. d~l'excommunication (ex: privatif et communicatto .communion, rapport avec) qui les écarte des sacrementset dans une forme plus radicale les exclut ?e to~t rappo~tavec les autres chrétiens. L'évêque peut mt~rdlre ~roVI-soirement ou définitivement à un clerc insourms ou

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34 HISTOIRE RELIGIEUSE DE L'OCCIDENT MÉDIÉVAL

c<?u'p~blela cé~é,?ratio~ des mystères, c'est la suspense adl~mlS,. ou 1~1 interdire toute activité religieuse. Lepretre interdit ne perd néanmoins pas son caractèresacerdotal? pour ~ela il devrait être réduit à l'état laïc parle so~veram pontife. Le pape peut jeter l'interdit sur toutun dlO~se ~our châ~ier un évêque ou son peuple rebelleou schismatique. Des lors, le service du culte cesse. Demême, ~'évêque peut interdire une paroisse. Le pape ou~n concile p~~t ~ép?ser un évêqu~, indi?TIeou intrus (quis est empare illégitimement du siege episcopal).

Nous recommandons vivement à nos lecteurs auxétudiants surtout, de bien se familiariser avec ce vocabu-laire sommaire et de s'y reporter au besoin en cours delecture. A leur tour, ceux qui se serviraient de ce livre àdes fins d'enseignement devraient, dans leurs explica-tio~s. ~e texte ou dans leurs exposés, reprendre cesdéfimtlOn~ pour lever toute ambiguïté dans l'emploi destermes. SI to~t le monde considère qu'il est ridicule deprendre Le Puée pour un homme, alors que l'Antiquitégrecque a sombré sa~s retour dans l'oubli pour beaucoupde nos contemporams, et n'a guère de conséquencesdans leur exi~tence,. i~ ,est encore plus grotesque depenser que Sainte Trinité est un titre réservé aux arche-vêq~es, alo~s que le christianisme, au-delà de toutepratique, VOIrede toute foi, continue de marquer toutesnos coutumes et d'imprégner de mille manières notre viequotidienne.

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Tableau des Églises chrétiennesau début du VIe siècle

La déposition, en 476, du jeune empereur d'Occident,1 omulus Augustule, par le roi des Skyres, Odoacre,Il' 'ut pas grande conséquence religieuse. Depuis la mortIl' Valentinien III en 455, l'empereur n'avait pas été unci Censeurplus efficace du christianisme que du reste del'héritage impérial. Sa disparition ne modifiait en rien,duns l'immédiat, les rapports des forces religieuses enOccident. Mais elle impliquait dans l'avenir le risquepour le pontife romain d'être directement soumis auxvolontés d'un chef barbare ou d'avoir à recourir aupr tectorat tracassier du basileus, l'empereur d'Orient.Pour la chrétienté romaine les événements politiques

graves de conséquences s'étaient passés vingt ou trenteIIlS plus tôt 1, lorsque le pouvoir impérial avait étémilitairement anéanti et que les barbares vainqueurs

l. L'invasion d'Attila datait de 450. En 455, Genséric, roi desV indales, s'était emparé de Rome. Entre 440 et 470 les Burgondes• tablirent en Savoie puis dans la vallée du Rhône; les FrancsIl cupaient la Belgique et la Rhénanie; les Wisigoths, d'abord confinés