Changement de paradigme (Peter A.Hall)

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Essai sur le changement de paradigme en politique publique

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  • UNIVERSIT LAVAL

    PETER A. HALL : CHANGEMENT DE PARADIGME

    Travail de session prsent comme exigence du cours POL-7038

    Remis :

    Messieurs Jean Mercier et Louis Imbeau

    Par : Emely Lefranois

    LEFE09549104

    15 dcembre 2014

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    Altough any new paradigm will be credible only if it is grounded in economic science,

    it will also have to speak to the quintessential political dilemmas

    of an age in which many have lost faith in the capacities of the state,

    worry that redistribution to others will mean less for them,

    and wonder to whom they owe solidarity in a rapidly globalizaing world.

    (Hall, 2013 : 191)

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    Peu importe le domaine de recherche acadmique, il est illusoire de penser obtenir un

    consensus autour dune seule et unique thorie. On peut mme avancer lide quun tel

    consensus nest pas souhaitable. Aprs tout, la rfutabilit nest-elle pas un des critres

    fondamentaux du caractre scientifique dune thorie ? En prsence dune thorie unique,

    ne serions-nous pas plutt en prsence dun dogme ? Paradoxalement, consensus il y a

    leffet que la connaissance se trouve enrichie de ce foisonnement dides tantt

    contradictoires, tantt complmentaires. Cela tant, certaines thories marquent leur

    discipline davantage que dautres. Cette influence est plus souvent quautrement visible

    au raffinement dont font lobjet les concepts et les liens ainsi qu la littrature plus ou

    moins abondante quelle inspire.

    Ltude des politiques publiques ne sest formalise en un champ dtudes part entire

    que de faon trs rcente, comparativement dautres disciplines. Dj, pourtant,

    certaines thories et auteur-e-s traversent le temps pour nourrir des rflexions et de

    nouvelles conceptualisations. Cest le cas, notamment, de Peter A. Hall, dont larticle

    dsormais clbre Policy Paradigm, Social Learning and the State : The Case of

    Economic Policymaking in Britain continue de laisser des traces manifestes, sinon

    implicites, sur une gnration de chercheurs et chercheuses intress-e-s au rle des ides

    dans llaboration et/ou la modification des politiques publiques. En effet, on peut dire

    sans se tromper que ce texte est un incontournable pour quiconque sintresse

    srieusement aux politiques publiques, et plus forte mesure pour ceux et celles

    passionn-e-s par ce qui est dornavant dsign sous le vocable de perspective

    cognitiviste. Aux dires dYves Surel, cette perspective se fonde sur lintuition que les

    lments cognitifs et normatifs jouent un rle important dans la faon dont les acteurs

    comprennent et expliquent le monde (Surel, 2000 : 495). Il identifie trois sous-

    ensembles, soit les travaux ayant recours aux notions de (1) paradigmes (Hall), (2) de

    systmes de croyances (Sabatier) ou de rfrentiels (Jobert et Muller)1; et souligne quils

    partagent une volont commune de mener une analyse de niveau macro qui mette en

    lumire linfluence des normes sociales sur le comportement collectif et les politiques

    publiques (Sabatier, 2000 : 496).

    1 Voir lannexe, pour cette typologie.

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    Aux fins du prsent travail, cest le texte de Peter A. Hall qui retiendra lessentiel de

    notre attention, mme si certains parallles avec dautres approches serviront

    ponctuellement prciser notre propos. Dans un premier temps, le modle de Hall sera

    prsent en insistant sur les notions dapprentissage politique (policy learning), de

    niveaux de changement (first, second, third order of change) et de paradigme (policy

    paradigm). Finalement, nous aborderons certaines limites ayant t soulignes.

    Cadre conceptuel de Peter A. Hall (1993)

    Policy Paradigm, Social Learning and the State : The Case of Economic Policymaking

    in Britain est, des mots mme de son auteur, an attempt to specify more fully the roles

    that ideas play in policymaking (Hall, 1993 : 276). Pour ce faire, il propose de

    dcomposer le concept dapprentissage politique tel quil a dabord t labor par Hugh

    Heclo (1974), puis utilis par de nombreux auteurs contemporains sintressant au rle de

    ltat. Ces derniers, les state theorists, ont mis de lavant que le premier facteur

    contingent en importance pour expliquer une politique publique rside dans lhritage

    politique (policy legacies) ou, dit autrement, dans les formes prcdentes qua pris cette

    politique. Dans cette conception de lapprentissage politique, les experts jouent un rle

    crucial, bien davantage que les politiciens, et ltat est conu comme un acteur

    relativement impermable aux pressions sociales (Hall, 1993 : 278). On verra que dans le

    modle de Hall, si ltat a rsolument une dynamique qui lui est propre, il nopre pas en

    vase clos comme le croyait Heclo. Hall dfinit de faon provisoire lapprentissage

    social/politique comme une tentative dajustement dlibre des buts ou des

    instruments de politique en rponse aux expriences du pass et de nouvelles

    informations (Hall, 1993 : 278).

    Comme nous lavons mentionn plus haut, Hall suggre de diviser le concept en trois

    pour mieux en saisir toute la porte. Plus prcisment, il conoit llaboration politique

    comme un processus that usually involves three central variables : the overarching

    goals that guide policy in a particular field, the techniques or policy instruments used to

    attain those goals, and the precise setting of these intruments (Hall, 1993 : 278). Trois

    variables centrales donc, - les buts atteindre, les instruments et lagencement de ces

    instruments - qui sont autant de niveaux dapprentissage politique. Plutt que de

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    concevoir ce processus comme un processus unifi o il ny aurait quune seule forme de

    changement, Hall affirme que lon peut distinguer trois niveaux dapprentissage. Le

    premier, le first order change, renvoie aux modifications dans lagencement des

    instruments, cest--dire dans des modalits prcises, sans que les instruments ou les buts

    eux-mmes ne soient remis en question. Dans un mmoire rcent sur les modifications du

    rgime dassurance-chmage canadien, le chercheur Simon Carreau mobilise le cadre

    thorique de Peter A. Hall et nous offre par le fait mme des exemples contemporains.

    Carreau illustre les changements de premier ordre en donnant lexemple de plusieurs

    variables ayant subies des modifications de multiples reprises depuis lentre en vigueur

    initiale du rgime, soit : les cotisations, le salaire assurable maximal, la dure des

    prestations, etc. (Carreau, 2010 : 22). Par ailleurs, il nest pas faux de dresser un parallle

    entre le changement de premier ordre et lincrmentalisme (Hall, 1993 : 280). Les

    changements de premier ordre sont donc des changements la marge et relativement

    mineurs. Cependant, il nest pas impossible quune accumulation de ces changements la

    marge, sur une longue priode de temps, conduise une reconfiguration de plus grande

    importance.

    Le changement de second ordre, quant lui, dsigne les situations o les instruments

    dintervention et leur agencement are altered in response to past experience even

    though the overall goals of policy remain the same (Hall, 1993 : 278). Il sagit donc

    essentiellement dun changement concernant les outils utiliss. Dans son tude de cas sur

    le systme conomique britannique, Hall illustre ce type de changement de certaines

    nouveauts (un nouveau systme de contrle de la masse montaire, un systme de

    contrle des dpenses publiques, entre autres) qui viennent changer les moyens daction

    de ltat anglais sans pour autant modifier la direction gnrale de sa politique

    conomique. Le changement de second ordre peut rsulter dun changement de stratgie

    de la part dun gouvernement (Hall, 1993 : 280), sans que la finalit vise ne soit

    modifie. Prcisons que ces deux premires formes de changement se produisent de

    faon assez frquente et font partie du processus politique normal (normal policymaking)

    (Hall, 1993 : 279; Howlett et al., 2009 : 203).

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    loppos, le changement de troisime ordre renvoie un processus profondment

    diffrent, caractris par des modifications profondes dans lorientation politique et la

    hirarchie des buts (overarching goals) :

    First and second order change can be seen as cases of normal policymaking, namely of a process that adjusts policy without challenging the overall terms of a given policy paradigm. Third order change, by contrast, is likely to reflect a very different process, marked by the radical changes in overarching terms of policy discourse associated with a paradigm shift. If first and second order changes preserve the broad continuities usually found in patterns of policy, third order change is often a more disjunctive process associated with periodic discontinuities in policy (Hall, 1993 : 279).

    Le changement de troisime ordre survient donc lorsquun paradigme politique est

    remplac par un autre. Afin de mieux saisir cette notion de changement de paradigme,

    luvre dans les rarissimes changements de troisime niveau, il convient de sarrter la

    notion mme de paradigme. Pour Hall, le paradigme est un cadre dinterprtation

    constitu dides et de standards qui prcisent la fois les buts et les instruments

    lgitimes pour les atteindre, mais galement la nature mme des problmes rsoudre.

    Autrement dit, un paradigme politique est un systme dides, une conception du monde

    et de son fonctionnement, qui dfinit les buts, les instruments daction ainsi que le

    champs daction de ltat. Lune des forces de cette dfinition est quelle permet de

    mettre en lumire le caractre fondamentalement politique du choix des instruments et de

    la mise lagenda. Pour Kbler et Maillard, ce quavance Peter Hall est que, tout

    comme les acteurs scientifiques, les politiques publiques reposent sur des principes

    mtaphysiques gnraux, recouvrant des visions abstraites sur le fonctionnement de la

    socit en gnral et du domaine politique concern en particulier (Kbler et Maillard,

    2009 : 160). Et ceux-ci dajouter : le concept de paradigme de politique publique insiste

    donc sur le rle des systmes de reprsentation dans la conduite des politiques publiques

    (Kbler et Maillard, 2009 : 161). galement, comme la prcdente citation de Hall

    lindique, le changement de paradigme est perceptible, notamment, dans les basculements

    dans le discours politique. Plus encore que les arguments qui sont mobiliss, cest

    lexpertise lgitime qui est remplace. cet effet, Hall prcise que the movement from

    a paradigm to another is likely to be preceeded by a significant shifts in the locus of

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    authority over policy (Hall, 1993 : 280). Et puisque chaque paradigme est en soi une

    interprtation du fonctionnement du monde, il est la plupart du temps impossible pour les

    experts de chacun des camps de dbattre sur des aspects techniques ou des donnes

    reconnues comme valides par tous et toutes (Hall, 1993 : 280). En fait, le changement de

    troisime ordre, ou changement de paradigme, est un processus fondamentalement

    politique dont le rsultat ne dpend pas uniquement des arguments en prsence, mais

    galement de la position plus ou moins avantageuse dans le cadre institutionnel, des

    ressources pouvant tre mobilises, ainsi que des facteurs exognes ayant un impact sur

    la capacit dun groupe dacteurs imposer son paradigme plutt quun autre

    (Traduction libre, Hall : 1993 : 281). Nous avons mentionn dentre de jeu que pour

    Hall, et contrairement aux premiers state theorists, ltat noprait pas en vase clos. Il

    sagit notre avis dune des forces de ce modle que de pouvoir concilier les

    changements institutionnels susmentionns et certains facteurs exognes. Mme si les

    experts jouent un rle important dans le changement de paradigme, la russite de leur

    entreprise nest pas sans sinscrire dans un cadre social plus large o les ressources et la

    crdibilit, entre autres, peuvent tre dterminantes. Le passage dun systme

    conomique de type keynsien un systme conomique montariste en Angleterre offre

    Hall la possibilit de raffiner sa thorie ce sujet :

    The processes of first and second order change in policy correspond quite well to the image of social learning presented by Heclo and many theorists of the state. [] However, the process of third order change which moved Britain from Keynesian to monetarist modes of policymaking was quite different. Policy at time-1 was certainly a response to the consequences of policy at time-0, but politicians rather than experts played a dominant role, and the process spilled well beyond the boundaries fof the state to involve the media, outside interests, and contending political parties. Policy changed, not as a result of autonomous action by the state, but in response to an evolving societal debate that soon became bound up with electoral competition (Hall, 1993 : 288).

    Cette conception permet donc de rconcilier le changement politique et les pressions

    sociales, l o Heclo concevait ltat comme tant compltement hermtique. Une autre

    force du modle de Hall rside, selon nous, dans sa capacit prendre en considration

    des acteurs impliqus. Mme sil sagit lvidence dune thorie centre sur les ides,

    les intrts des acteurs ainsi que les rapports de force prvalant dans la socit ne sont pas

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    vacus, au contraire. Avec justesse, Hall prcise que les participants au dbat politique

    sont plus souvent immdiatement intresss par lissue des discussions et que, quelque

    soit leur provenance, ils nont dautres choix que doprer dans un cadre de dlibration

    politique ayant une configuration particulire, laquelle accorde plus de lgitimit et

    despace de parole certains intrts plutt qu dautres. Simon Carreau avance, juste

    titre, que le concept dapprentissage social permet douvrir de faon intressante sur la

    question du rapport ides/intrts (Carreau, 2010 : 20). Or, on a souvent critiqu les

    thories cognitivistes parce quelles ne prenaient pas en compte les intrts et les joutes

    de pouvoir. Il semble que le cadre conceptuel de Hall vite cet cueil puisque sil insiste

    de faon prpondrante sur le rle des ides, il prcise quil serait illusoire de perdre de

    vue que certaines ides servent des avantages matriels. Par ailleurs, malgr les

    modifications que le changement de paradigme peut apporter dans les champs

    dintervention tatiques lgitimes, les frontires de laction de ltat sont relativement

    rigides, la lumire dune histoire nationale distincte pour chaque nation et qui peut

    influencer linterprtation des enjeux (Hall, 1993 : 290).

    On voit donc que la thorie de lapprentissage politique de Hall permet dintgrer, tout

    le moins au niveau du changement de troisime ordre, dautres variables que sont les

    intrts, les pressions sociales, les intrts et le contexte lectoral. Ces facteurs ne jouent

    pas un rle directement dans llaboration politique, mais ils sont importants dans la

    dlibration inhrente au changement de paradigme. En effet, il est improbable que le

    passage dune vision du monde et de son fonctionnement avec toutes les implications

    que cela comporte pour le rle de ltat, ses interventions et son rapport aux citoyens et

    citoyennes une autre conception, ne se fasse sans dborder du cadre strict de ltat. Il

    ne faudrait pas non plus sous-estimer limpact des checs politiques (policy failures) dans

    la discrditation dun paradigme politique et de ses arguments. Au contraire, les

    exprimentations politiques et les checs jouent pour Hall un rle cl dans le passage

    dun paradigme un autre (Hall, 1993 : 280). Les revers contribuent en remettre en

    cause la cohrence, et la capacit des politiciens rsister aux pressions extrieures est

    dautant plus grande que la crdibilit du modle quils dfendent ne fait pas de doute ou

    est faiblement conteste (Hall, 1993 : 289). Finalement, il est impossible de ne pas

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    dresser de parallle entre le paradigme politique de Hall et la notion de deep core beliefs

    de Jenkins-Smith et Sabathier, que ces derniers dfinissent de la faon suivante :

    Deep core beliefs involve very general normative and ontological assumptions about human nature, the relative priority of fundamental values such as liberty and equality, the relative priority of the welfare of different groups, the proper role of government vs. markets in general (Sabatier et Weible, 2007 : 194).

    Surel effectue une comparaison semblable en regroupant les notions de deep core et de

    paradigm dans la mme catgorie, celle des principes mtaphysiques. Selon Surel, ces

    modles sont construits sur la prmisse que values and metaphysical principles define

    what is sometimes called a world view, abstract precepts circumscribing what is

    possible in a given society (Surel, 2000 : 497).

    Limites du modle thorique En ce qui a trait aux critiques adresses au modle de Hall, il est possible, dans un

    premier temps, de souligner certaines contradictions avec dautres modles thoriques.

    De faon vidente, le cadre conceptuel de Hall, et tout particulirement le concept

    dapprentissage politique, est incompatible avec le modle de la poubelle (garbage can

    model) dvelopp par James March, Johan Olsen et Michael Cohen la fin des annes

    1970. Comme le font remarquer Howlett et ses collgues, ce modle visant clairer le

    processus de prise de dcision politique nie ce mme processus ne serait-ce que la

    moindre parcelle de rationalit (Howlett et al., 2009 : 151). Or, sans rationalit,

    lapprentissage politique est impossible. En cela, si le modle de Hall nest pas centr sur

    la rationalit des dcideurs au sens o lentendaient les tenants du choix rationnel choix

    de lobjectif, analyse cot-bnfice des possibilits et prise de dcision visant

    maximiser les gains personnels il ncessite nanmoins la reconnaissance dune certaine

    forme de rationalit. Pas celle de lhomo economicus, mais celle dun tre clair qui peut

    tirer des leons du pass. Le modle de March, Olsen et Cohen insiste pour sa part sur le

    caractre souvent alatoire, ou tout le moins imprvisible, de la dcision politique :

    They sought to drive home the point that goals are often unknown to policy-makers, as are causal relationhips. In their view, actors simply define goals and choose means as they go along in a policy process that is ncessarily contingent and

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    unpredictable. As Gary Mucciaroni (1992 : 461) phrased it, in this model : [] What gets on the agenda at given point in time is the result of fortuitous conjonction whatever the combination of salient problemes, available solutions, and political circumstances that exist (Howlett et al., 2009 : 152).

    Est-il possible de rconcilier leur conceptualisation et celle de Hall ? Notre

    comprhension de ces thories donne penser que ce nest pas possible. Par ailleurs,

    lopposition que nous mettons en vidence dpasse largement le dilemme entre les deux

    modles susmentionns. Tout un pan de la littrature, la suite de messieurs March,

    Olsen et Cohen, sest constitu sur leur prmisse leffet que laction publique chappe

    la rationalit ainsi qu la recherche effective de solutions des problmes. notre

    connaissance, cette opposition entre, dun ct, ceux et celles qui affirment que le

    processus dcisionnel rpond aux critres de la rationalit (au sens large); et de lautre

    ct, ceux et celles qui insistent sur le hasard entourant une ou plusieurs variables,

    perdure encore ce jour. Et il a fort parier quelle nest pas prte sestomper.

    Une critique que lon peut adresser non pas directement Peter A. Hall, mais plutt sa

    postrit en est une leffet que les no-institutionnalistes ayant pris un ideational

    turn, la suite de ses travaux, ont eu tendance utiliser les ides afin de combler les

    failles de leur conceptualisation. Berman leur reproche prcisment davoir recours aux

    ides de faon camoufler leur incapacit expliquer linfluence ingale de certaines

    institutions et lorigine de ces dernires (Berman, 2013 : 222). Hall lui-mme se fait

    critique de sa postrit puisque comme laffirment Palier et Surel, lauteur de Policy

    Paradigm, Social Learning and the State : The Case of Economic Policymaking in

    Britain constate dans un article subsquent intitul The Role of Interests, Institutions,

    and Ideas in the Comparative Political Economy of the Industrialized Nations , que

    lune des spcificits dun bon nombre de travaux rcents est, en effet, dinsister

    alternativement ou concurremment sur le poids des ides, des intrts [] mais sans

    chercher vritablement fonder une articulation entre ces trois sries de variables (Hall,

    cit dans Palier et Surel, 2005 : 8).

    Finalement, Baumgartner signe un article rcent dans lequel il souligne de grandes

    similitudes entre le modle de Hall et celui de lquilibre ponctu quil a labor avec

    Bryan Jones (1993). En effet, les deux modles centrent leur explication sur le rle des

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    ides et reprennent la notion dapprentissage politique, tout en concluant que la grande

    majorit des changements sont plutt incrmentaux et que, rarement, des changements

    plus profonds et majeurs surviennent. Des parallles peuvent galement tre fait entre les

    notions de venues et de policy image de Baumgartner et Jones, et les ides de policy

    failure et de change of locus of authority de Hall (Baumgartner, 2013 : 240). Nanmoins,

    selon Baumgartner, la distinction queffectue Hall entre trois niveaux de changement

    nest pas ncessaire. Selon lui, it may be possible to conceive a single process that can

    explain the full range of types of change, without asserting qualitative differences among

    them, of boundaries separating the three levels of change (Baumgartner, 2013 : 240).

    En prenant appui sur une analyse des modifications budgtaires du gouvernement

    amricain, Baumgartner suggre quen analysant les changements sur une priode de

    temps suffisamment grande, il nest pas possible de distinguer diffrents processus, mais

    plutt un seul scale-free process (Baumgartner, 2013 : 247). Cependant, la conclusion

    de son analyse est ambigu, puisque sil conclut lexistence dun seul type de

    changement politique, il reconnat lexistence de dynamiques de diffrentes ampleurs et

    laisse entendre quil existe diffrents degrs de changement politique, l o Hall voyait

    diffrents types de changement. La ligne est mince et peut-tre que la cl de ce dbat est

    chercher dans la terminologie et la mthodologie, davantage que dans le fond2.

    Conclusion

    Il est indniable que larticle de Peter A. Hall a donn une remarquable impulsion

    ltude du rle des ides en politique publique. Son modle relativement simple insiste

    sur lexistence de trois ordres de changement. Les deux premiers sont des changements

    incrmentaux frquents dans le processus politique dune socit. Plus prcisment, le

    premier ordre de changement concerne les modalits des outils de politique publique, par

    exemple le niveau de prestation ou dautres paramtres qui ne remettent en cause ni les

    instruments ni les buts. Le second ordre de changement concerne pour sa part les

    instruments de politique publique, il sagit donc dune modification touchant les outils

    2 Halls explanation of policy change is very close to one Bryan Jones and I developed in a book published in the same year as his article. Although we used different language and came from a different methodological approach, our ideas resonate strongly with Halls (Baumgartner, 2013 : 239).

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    lgitimes la disposition de ltat pour intervenir. Le troisime ordre de changement en

    est un de changement de paradigme, cest--dire un changement par lequel le cadre

    dinterprtation du rle de ltat, des problmes sur lesquels il doit agir et du

    fonctionnement mme de la vie politique, est discrdit puis remplac par un nouveau

    paradigme politique. Si certaines critiques ont t adresses cet article ainsi qu la

    perspective cognitiviste plus largement, on peut dire que le texte de Hall a bien vieilli, en

    ce sens que limportance de sa contribution et sa crdibilit nont pas t remises en

    question.

    Comme il a t mentionn prcdemment, Peter A. Hall a fortement aliment les

    recherches subsquentes de lapproche cognitiviste lapproche par les ides. Ce faisant,

    a-t-il, comme laffirme Vivien Schmidt, contribu au dveloppement dun quatrime no-

    institutionnalisme ? (Schmidt, 2010). Dans un article rcent, elle soutient que les

    contributions thoriques des auteur-e-s associ-e-s lune ou lautre des trois branches

    reconnues du no-institutionnalisme qui sintressent activement aux ides et au rle des

    discours can best be classified as part of a fourth new institutionalism discursive

    institutionalism which is concerned with both the substantive content of ideas and the

    interactive processes of discourse in institutional context (Schmidt, 2010 : 1). Il faut

    dire que la description quelle fait de ce controvers quatrime no-institutionnalisme

    cadre plutt bien avec le modle de Hall. Cependant, malgr un plaidoyer crdible en

    faveur de la reconnaissance de cette nouvelle cole, lintrt du texte de Schmidt rside

    nen point douter dans lactualisation quelle fait de concepts associs aux thories

    cognitivistes en politique publique, ainsi qu la faon dont elle met en lumire le

    potentiel encore immense de ces approches pour mieux saisir tant le changement que la

    continuit dans laction publique. Ceux et celles dont lintrt aura t piqu par le texte

    de Peter A. Hall, auront tout gagner le lire.

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    Bibliographie

    Baumgartner, Frank R. 2013. Ideas and Policy Change . Governance : An International Journal of Policy, Administration and Institution, vol.26, no.2, p.239-258.

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  • 14

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    Equilibrium Theory : Explaining Stability and Change in Public Policymaking . Dans Sabatier, Paul A. Theories of the Policy Process. Cambridge : Westview Press, p.155-188.

  • 15

    Annexe Modles cognitifs et normatifs : comparaison

    Adapt de : Table 1 : Elements of cognitive and normative frames , Surel, 2005 : 497.

    Modle /lments caractristiques (en ordre dimportance, de haut en bas)

    Paradigm Advocacy Coalition Framework

    Rfrentiel

    Principes mtaphysiques Paradigme de politique publique

    Deep core Valeurs, images

    Principes

    N.A Policy core Normes

    Formes daction Choix des instruments

    Algorithmes

    Instruments Modalits prcises dutilisation des instruments

    Secondary aspects