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CHANSON D’AMOUR
Dieu ! qu’il la fait bon regarderLa gracieuse bonne et belle !Pour les grands biens qui sont en elle,Chacun est prêt de la louer.
Qui se pourrait d’elle lasser ?Toujours sa beauté renouvelle.Dieu ! qu’il la fait bon regarder,La gracieuse bonne et belle !
Par deçà, ni delà la mer,Ne sais dame ni demoiselleQui soit en tous biens parfaits telle ;C’est un songe que d’y penser.Dieu ! qu’il la fait bon regarder !
Charles d’Orléans, Œuvres poétiques
Une strophestrophe est un groupe de
vers formant une
unité et répondant
à d'autres strophes
dans un poème.
Comment appelle-t-on
chaque partie encadrée ?
Elle et lui
Je me souviens de leur rencontrecomme si elle datait d’hier.
Il était riche comme Crésus,elle était pauvre comme Job.
Il avait poussé comme une asperge,elle était haute comme trois pommes.
Il était maigre comme un clou,elle était dodue comme une caille.
Il était beau comme un astre,elle était laide comme un pou.
Il était doux comme un agneau,elle était méchante comme une teigne.
Il était malin comme un singe,elle était bête comme une oie.
Il était naïf comme un enfant qui vient de
[naître,elle était rusée comme un renard.
Il était têtu comme un âne,elle était changeante comme une
[girouette.
Il était muet comme une carpe,elle était bavarde comme une pie.
Il était timide comme un collégien,elle était effrontée comme un page.
Il était précis comme une horloge,elle était tête en l’air comme pas deux.
BEAU (Michel), Jonglerimes
distiques
Combien y a-t-il de vers dans chaque strophe ?
Le temps a laissé son manteau de vent, de froidure et de pluie, et s’est vêtu de broderie, de soleil rayant, clair et beau.
Il n’y a bête ni oiseau qu’en son jargon ne chante ou crie Le temps a laissé son manteau de vent, de froidure et de pluie.
Rivière, fontaine et ruisseauPortent en livrée jolieGouttes d’argent d’orfèvrerie ;Chacun s’habille de nouveau.
Le temps a laissé son manteau.Charles d’Orléans
quatrains
Combien y a-t-il de vers
dans chaque
strophe ?
Combien y a-t-il de vers dans ce poème ?
Ce poème est un quintil.
L’ADIEU
J’ai cueilli ce brin de bruyèreL’automne est morte souviens-t’enNous ne nous verrons plus sur terreOdeur du temps brin de bruyèreEt souviens-toi que je t’attends
APOLLINAIRE (Guillaume), Alcools.
Combien y a-t-il de vers dans
chaque strophe ?
Ce poème est composé de
sixains.
CHANSON D’AUTOMNE
Les sanglots longsDes violonsDe l’automneBlessent mon cœurD’une langueurMonotone.
Tout suffocantEt blême, quandSonne l’heure,Je me souviensDes jours anciensEt je pleure ;
Et je m’en vaisAu vent mauvaisQui m’emporteDeçà, delà,Pareil à laFeuille morte.
VERLAINE (Paul),
Poèmes Saturniens
Combien y a-t-il de vers dans
chaque strophe ?
Mais le Bon Dieu n’a pas vouluQue je connaisse leurs amoursJe t’ai connue, tu m’as connuGloire à Dieu au plus haut des nuesLas, que fussé-je devenu?Sans toi la nuit, sans toi le jourJe t’ai connue, tu m’as connuGloire à Dieu au plus haut des nues
Paul Fort
SI LE BON DIEU L’AVAIT VOULU
Si le Bon Dieu l’avait vouluLanturlurette lanturluJ’aurais connu la CléopâtreEt je ne t’aurais pas connueJ’aurais connu la CléopâtreEt je ne t’aurais pas connueSans ton amour que j’idolâtreLas, que fussé-je devenu ?
Si le Bon Dieu l’avait vouluJ’aurais connu la MessalineAgnès, Odette et MélusineEt je ne t’aurais pas connueJ’aurais connu la PompadourNoémi, Sarah, Rebecca,La fille du Royal TambourEt la Mogador et Clara.
Ce poème est composé de
huitains.
PENSÉES DES MORTS
Voilà les feuilles sans sèveQui tombent sur le gazon ;Voilà le vent qui s’élèveEt gémit dans le vallon ;Voilà l’errante hirondelleQui rase du bout de l’aileL’eau dormante des marais ;Voilà l’enfant des chaumièresQui glane sur les bruyèresLe bois tombé des forêts.
C’est la saison où tout tombeAux coups redoublés des vents ;Un vent qui vient de la tombeMoissonne aussi les vivants :Ils tombent alors par mille,Comme la plume inutileQue l’aigle abandonne aux airs,Lorsque des plumes nouvellesViennent réchauffer ses ailesA l’approche des hivers.
C’est alors que ma paupièreVous vit pâlir et mourir,Tendres fruits qu’à la lumièreDteu n’a pas laissés mûrir !Quoique jeune sur la terre,Je suis déjà solitaireParmi ceux de ma saison ;Et quand je dis en moi-même« Où sont ceux que ton coeur aime ? »Je regarde le gazon.
C’est un ami de l’enfance,Qu’aux jours sombres du malheurNous prêta la providencePour appuyer notre coeur ;Il n’est plus, notre âme est veuve ;Il nous suit dans notre épreuveEt nous dit avec pitié :« Ami, si ton âme est pleine,De ta joie ou de ta peineQui portera la moitié ? »
C’est une jeune fiancéeQui, le front ceint du bandeau,N’emporta qu’une penséeDe sa jeunesse au tombeau :Triste, hélas ! dans le ciel même,Pour revoir celui qu’elle aimeElle revient sur ses pas,Et lui dit : « Ma tombe est verteSur cette terre déserteQu’attends-tu ? je n’y suis pas ! »
C’est l’ombre pâle d’un pèreQui mourut en nous nommant ;C’est une soeur, c’est un frère,Qui nous devance un moment,Tous ceux enfin dont la vie,Un jour ou l’autre ravie,Emporte une part de nous,Semblent dire sous la pierre« Vous qui voyez la lumière,De nous vous souvenez-vous ? »
Voilà les feuilles sans sèveQui tombent sur le gazon ;Voilà le vent qui s’élèveEt gémit dans le vallon ;Voilà l’errante hirondelleQui rase du bout de l’aileL’eau dormante des marais ;Voilà l’enfant des chaumièresQui glane sur les bruyèresLe bois tombé des forêts.
Lamartine
Ce poème
est composé de dizains
Une strophestrophe est un groupe de vers
formant une unité et répondant à d'autres strophes
dans un poème.• Un distiquedistique est un groupe de 2 vers ; • un tercettercet, un groupe de 3 vers ; • un quatrainquatrain comprend 4 vers ;• un quintilquintil comprend 5 vers ;• un sixainsixain comprend 6 vers ;• un huitainhuitain comprend 8 vers ;• un dizaindizain comprend 10 vers.
Une balladeballade est un
poème
de 3 huitains
d'octosyllabes ou
de 3 dizains de
décasyllabes
et d’un envoi.
LE VERGER DU ROI LOUIS
Sur ses larges bras étendus,La forêt où s’éveille Flore,A des chapelets de pendusQue le matin caresse et dore.Ce bois sombre, où le chêne arboreDes grappes de fruits inouïsMême chez le Turc et le More,C’est le verger du rois Louis.
Tous ces pauvres gens morfondus,Roulant des pensers qu’on ignore,Dans des tourbillons éperdusVoltigent, palpitants encore.Le soleil levant les dévore.Regardez-les, cieux éblouis,Danser dans les feux de l’aurore.C’est le verger du roi Louis.
Ces pendus, du diable entendus,Appellent des pendus encore.Tandis qu’aux cieux, d’azur tendus,Où semble luire un météore,La rosée en l’air s’évapore,Un essaim d’oiseaux réjouisPar dessus leur tête picore.C’est le verger du roi Louis.
EnvoiPrince, il est un bois que décoreUn tas de pendus enfouisDans le doux feuillage sonore.C’est le verger du roi Louis
Théodore de Banville.
LE VERGER DU ROI LOUIS
Sur ses larges bras étendus,La forêt où s’éveille Flore,A des chapelets de pendusQue le matin caresse et dore.Ce bois sombre, où le chêne arboreDes grappes de fruits inouïsMême chez le Turc et le More,C’est le verger du rois Louis.
Tous ces pauvres gens morfondus,Roulant des pensers qu’on ignore,Dans des tourbillons éperdusVoltigent, palpitants encore.Le soleil levant les dévore.Regardez-les, cieux éblouis,Danser dans les feux de l’aurore.C’est le verger du roi Louis.
Ces pendus, du diable entendus,Appellent des pendus encore.Tandis qu’aux cieux, d’azur tendus,Où semble luire un météore,La rosée en l’air s’évapore,Un essaim d’oiseaux réjouisPar dessus leur tête picore.C’est le verger du roi Louis.
Envoi
Prince, il est un bois que décoreUn tas de pendus enfouisDans le doux feuillage sonore.C’est le verger du roi LouisThéodore de Banville.
Une chansonchanson, contenant un refrain,
est souvent destinée à être chantée.
LA LEGENDE DE LA NONNE
Venez, vous dont l’œil étincelle,Pour entendre une histoire encore,Approchez, je vous dirai celleDe doña Padilla del Flor.Elle était d’Alanje où s’entassentLes collines et les halliers
Enfants, voici des bœufs qui passent,Cachez vos rouges tabliers !
Il est des filles à GrenadeIl en est à Séville aussiQui pour la moindre sérénadeA l’amour demandent merciIl en est qui parfois embrassentLe soir, de hardis cavaliers
Enfants, voici les bœufs qui passent, Cachez vos rouges tabliers !
Ce n’est pas sur ce ton frivoleQu’il faut parler de PadillaCar jamais prunelle espagnoleD’un feu plus chaste ne brillaElle fuyait ceux qui pourchassentLes filles sous les peupliers.
Enfants, voici les bœufs qui passent, Cachez vos rouges tabliers !
Elle prit le voile à TolèdeAu grand soupir des gens du lieu.Comme si, quand on n’est pas laide,On avait droit d’épouser DieuPeu s’en fallut que ne pleurassentLes soudards et les écoliers.
Enfants, voici les bœufs qui passent, Cachez vos rouges tabliers
Or, la belle à peine cloîtrée,L’amour dans son cœur s’installa,Un fier brigand de la contréeVint alors, et dit : « Me voilà ! »Quelquefois, les brigands surpassentEn audace les chevaliers.
Enfants, voici les bœufs qui passent, Cachez vos rouges tabliers !
Il était laid et très austère,La main plus rude que le gant.Mais l’amour a bien des mystères,Et la Nonne aima le brigand.On voit des biches qui remplacentLeurs beaux cerfs par des sangliers.
Enfants, voici les bœufs qui passent, Cachez vos rouges tabliers !
La Nonne osa, dit la chronique,Au brigand, par l’enfer conduitAu pied de Sainte Véronique,Donnez un rendez-vous la nuit,A l’heure où les corbeaux croassentVolant dans l’ombre par milliers.
Enfants, voici les bœufs qui passent, Cachez vos rouges tabliers !
La Nonne osa, dit la chronique,Au brigand, par l’enfer conduitAu pied de Sainte Véronique,Donnez un rendez-vous la nuit,A l’heure où les corbeaux croassentVolant dans l’ombre par milliers.
Enfants, voici les bœufs qui passent, Cachez vos rouges tabliers !
Or, quand dans la Nef descendue,La Nonne appela le bandit,Au lieu de la voix attendueC’est la foudre qui répondit.Dieu voulut que ses coups frappassentLes amants, par Satan liés.
Enfants, voici les bœufs qui passent,Cachez vos rouges tabliers !
Cette histoire de la novice,Saint Ildefonse, Abbé voulut,Qu’afin de préserver du viceLes vierges qui font leur salut,Les prieures la racontassentDans tous les couvents réguliers.
Enfants, voici les bœufs qui passent,Cachez vos rouges tabliers !
Victor Hugo.
Un calligrammecalligramme est un poème dont les mots dessinent le sujet.
APOLLINAIRE (Guillaume),Calligrammes
APOLLINAIRE (Guillaume),Calligrammes
Un calligrammecalligramme est un poème dont les mots dessinent le sujet.
« Cumpainz Rollant, sunez vostre
olifan,
Si l'orrat Carles, ki est as porz
passant
Jo vos pievis, ja returnerunt Franc.
— Ne placet Deu, » co li respunt
Rollant,
« Que co seit dit de nul hume
vivant,
Ne pur paien que ja seie cornant !
Ja n'en avrunt reproece mi parent,
Quant jo serai en la bataille grant
E jo ferrai e mii colps e VII cenz,
De Durendal verrez l'acer
sanglent ;
Franceis sunt bon, si ferrunt
vassalment ;
Ja cil d'Espaigne n'avrunt de mort
guarant. »
La Chanson de Roland
Compagnon Roland, sonnez de votre
olifant.
Charles l'entendra, qui est au passage
des ports ;
je vous l'assure, les Français
reviendront.
— Ne plaise à Dieu, lui répond Roland,
qu'homme vivant puisse jamais dire
que j'aie sonné du cor pour des païens !
On ne fera jamais tel reproche à mes
parents.
Quand je serai en pleine bataille,
je frapperai mille et sept cents coups,
vous verrez l'acier de Durendal tout
sanglant.
Les Français sont braves, ils frapperont
vaillamment.
Les gens d'Espagne n'échapperont pas à
la mort. »
La Chanson de Roland
L'épopéeL'épopée (texte épique) est un long poème
qui célèbre les hauts faits de héros avec intervention de merveilleux .
LE RENARD ET LES RAISINS
Certain Renard Gascon, d'autres disent Normand,Mourant presque de faim, vit au haut d'une treille
Des raisins mûrs apparemmentEt couverts d'une peau vermeille.
Le galand en eût fait volontiers un repas ;
Mais comme il n'y pouvait atteindre :Ils sont trop verts, dit-il, et bons pour des goujats.
Fit-il pas mieux que de se plaindre ?
LA FONTAINE (Jean de), Fables, III, 11
La fablefable est un court récit, en vers ou en prose,
qui illustre une vérité morale, sous la forme d'une allégorie.
HEUREUX QUI COMME ULYSSE...
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,Ou comme cestui-là qui conquit la toison, Et puis est retourné, plein d'usage et raison, Vivre entre ses parents le reste de son âge !
Quand reverrai-je, hélas ! de mon petit villageFumer la cheminée, et en quelle saisonReverrai-je le clos de ma pauvre maison,Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?
Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeuxQue des palais romains le front audacieux ;Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine,
Plus mon Loire gaulois que le Tibre latin, Plus mon petit Liré que le mont Palatin, Et plus que l'air marin la douceur angevine.
Joachim du BELLAY, Regrets, XXXI
Un sonnetsonnet est
un poème de 2
quatrains d'alexandrin
s sur 2 rimes
et de 2 tercets
d'alexandrins
sur 2 autres rimes.
Un rondeaurondeau est
un poème de 1 quintil, 1 tercet 1 quintil, écrit sur 2
rimes (aabba-
aab-aabba).
DE SA GRANDE AMIE...
Dedans Paris, ville jolie,Un jour, passant mélancolie,Je pris alliance nouvelleA la plus gaie demoiselleQui soit d’ici en Italie.
D’honnêteté elle est saisie,Et crois, selon ma fantaisie,Qu’il n’en est guère de plus belle Dedans Paris.
Je ne la vous nommerai mie,Sinon que c’est ma grande amie ;Par un doux baiser que j’eus d’elle,Sans penser aucune infamie, Dedans Paris.
Clément MAROT
STOP
OU
ENCORE
Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.J’irai par la forêt, j’irai par la montagne. Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,Et, quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombeUn bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
3 septembre 1847HUGO (Victor), Les Contemplations,
Aujourd’hui, Paucae meae, XIV
quatrain
LA LEGENDE DE LA NONNE
Venez, vous dont l’œil étincelle,Pour entendre une histoire encore,Approchez, je vous dirai celleDe doña Padilla del Flor.Elle était d’Alanje où s’entassentLes collines et les halliers
Enfants, voici des bœufs qui passent,Cachez vos rouges tabliers !
Il est des filles à GrenadeIl en est à Séville aussiQui pour la moindre sérénadeA l’amour demandent merciIl en est qui parfois embrassentLe soir, de hardis cavaliers
Enfants, voici les bœufs qui passent, Cachez vos rouges tabliers !
Ce n’est pas sur ce ton frivoleQu’il faut parler de PadillaCar jamais prunelle espagnoleD’un feu plus chaste ne brillaElle fuyait ceux qui pourchassentLes filles sous les peupliers.
Enfants, voici les bœufs qui passent, Cachez vos rouges tabliers !
Elle prit le voile à TolèdeAu grand soupir des gens du lieu.Comme si, quand on n’est pas laide,On avait droit d’épouser DieuPeu s’en fallut que ne pleurassentLes soudards et les écoliers.
Enfants, voici les bœufs qui passent, Cachez vos rouges tabliers
Or, la belle à peine cloîtrée,L’amour dans son cœur s’installa,Un fier brigand de la contréeVint alors, et dit : « Me voilà ! »Quelquefois, les brigands surpassentEn audace les chevaliers.
Enfants, voici les bœufs qui passent, Cachez vos rouges tabliers !
Il était laid et très austère,La main plus rude que le gant.Mais l’amour a bien des mystères,Et la Nonne aima le brigand.On voit des biches qui remplacentLeurs beaux cerfs par des sangliers.
Enfants, voici les bœufs qui passent, Cachez vos rouges tabliers !
La Nonne osa, dit la chronique,Au brigand, par l’enfer conduitAu pied de Sainte Véronique,Donnez un rendez-vous la nuit,A l’heure où les corbeaux croassentVolant dans l’ombre par milliers.
Enfants, voici les bœufs qui passent, Cachez vos rouges tabliers !
La Nonne osa, dit la chronique,Au brigand, par l’enfer conduitAu pied de Sainte Véronique,Donnez un rendez-vous la nuit,A l’heure où les corbeaux croassentVolant dans l’ombre par milliers.
Enfants, voici les bœufs qui passent, Cachez vos rouges tabliers !
Or, quand dans la Nef descendue,La Nonne appela le bandit,Au lieu de la voix attendueC’est la foudre qui répondit.Dieu voulut que ses coups frappassentLes amants, par Satan liés.
Enfants, voici les bœufs qui passent,Cachez vos rouges tabliers !
Cette histoire de la novice,Saint Ildefonse, Abbé voulut,Qu’afin de préserver du viceLes vierges qui font leur salut,Les prieures la racontassentDans tous les couvents réguliers.
Enfants, voici les bœufs qui passent,Cachez vos rouges tabliers !
Victor Hugo.
IL N’Y A PAS D’AMOUR HEUREUX
Rien n’est jamais acquisA l’homme ni sa force,Ni sa faiblesse ni son cœurEt quand il croit ouvrir ses brasSon ombre est celle d’une croixEt quand il veut serrerSon bonheur il le broieSa vie est un étrangeEt douloureux divorceIl n’y a pas d’amour heureux.
Sa vie elle ressembleA ces soldats sans armesQu’on avait habillésPour un autre destinA quoi peut leur servirDe se lever matinEux qu’on retrouve au soirDésarmés, incertainsDites ces mots « ma vie »Et retenez vos larmesIl n’y a pas d’amour heureux.
Mon bel amour, mon cher amourMa déchirureJe te porte dans moiComme un oiseau blesséEt ceux-là sans savoirNous regardent passerRépétant après moiCes mots que j’ai tressésEt qui pour tes grands yeuxTout aussitôt moururentIl n’y a pas d’amour heureux.
Le temps d’apprendre à vivreIl est déjà trop tardQue pleurent dans la nuitNos cœurs à l’unissonCe qu’il faut de regretsPour payer un frissonCe qu’il faut de malheursPour la moindre chansonCe qu’il faut de sanglotsPour un air de guitareIl n’y a pas d’amour heureux.
Aragon.