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Chapitre 1. Renforcement du front de taille d’un tunnel par boulonnage 17

Chapitre 1 Renforcement du front de taille d’un tunnel par boulonnage

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Chapitre 1. Renforcement du front de taille d’un tunnel par boulonnage 18

Table des matières

1.1. Introduction 19

1.2. Stabilité des tunnels 19 1.2.1 Phénomène de décompression du massif 19 1.2.2 Méthodes de renforcement 21

1.3. Le boulonnage au front de taille 22 1.3.1 Historique : du clouage des terres à la Nouvelle Méthode Autrichienne 22 1.3.2 Technique de boulonnage frontal 23 1.3.3 Caractéristiques d’un boulon en fibre de verre 25

1.4. Dimensionnement du boulonnage frontal 25 1.4.1 Approche en stabilité 26

1.4.1.a Analyse type équilibre limite 26 1.4.1.b Calcul à la rupture 26

1.4.2 Approche en déformation 28 1.4.2.a Modèles analytiques (méthode d’homogénéisation) 28 1.4.2.b Modèles numériques 28

1.5. Exemple de chantier de tunnel boulonné frontalement 29

1.6. Les modélisations expérimentales 32 1.6.1 Tunnel non renforcé 33

1.6.1.a Expérience de Chambon (L.C.P.C. Nantes – 1990) 33 1.6.1.b Expérience de Esfehani (E.N.T.P.E. – 1999) 34

1.6.2 Tunnel boulonné frontalement 35 1.6.2.a Expérience de P. Egger, D. Subrin, H. Wong (E.P.F.L – 1999) 35 1.6.2.b Expérience de Al Hallak (L.C.P.C. Nantes – 2000) 36

1.7. Conclusion 37

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Chapitre 1. Renforcement du front de taille d’un tunnel par boulonnage 19

1.1. Introduction

Depuis une quarantaine d’années, les travaux souterrains connaissent un développement considérable. En effet, l’utilisation du sous-sol se justifie pour des raisons diverses :

- en rase campagne, les moyens de communication à grande vitesse (TGV, autoroutes) ne peuvent parfois pas épouser le relief en terrain accidenté ;

- en agglomération, l’exploitation au maximum admissible de la surface et l’augmentation de la population imposent à l’homme un développement en souterrain (réseaux d’assainissement, transports en commun...) ;

- le souterrain offre une excellente protection contre les agressions de toute nature (bruit, stockage de déchets nucléaires…).

Dans le domaine des tunnels, les procédés de construction sont très nombreux, les techniques de mise en oeuvre sont de plus en plus évoluées et le matériel utilisé a connu une évolution considérable. De plus, la mécanisation des opérations a eu pour première conséquence de réduire considérablement les délais d’exécution tout en assurant une plus grande sécurité des biens et des personnes travaillant sur le chantier. Il est donc désormais possible de creuser des tunnels de très grande longueur dans les conditions les plus difficiles : mauvaise tenue du massif, présence d’une nappe phréatique, profondeur importante ... Ainsi, de nombreux projets grandioses tels que le tunnel sous la Manche ou le projet de liaison fixe entre l’Europe et l’Afrique sous le détroit de Gibraltar traduisent les progrès réalisés par l’homme dans ce domaine.

1.2. Stabilité des tunnels

Dans le cas de l’utilisation d’une machine à attaque globale telle qu’un tunnelier, les travaux sont réalisés en continu. La stabilisation du terrain est alors assurée par le bouclier dans la zone du front de taille et par un soutènement continu. Dans le cas du creusement à front ouvert, il arrive que le terrain ne soit pas d’une tenue suffisante pour assurer la stabilité du front durant la période transitoire entre la phase d’excavation et la pose du soutènement. Cela se traduit par des mouvements de terrain importants, voire des chutes de blocs ou un effondrement du terrain. Dans cette configuration, on a recours à des techniques de traitement du front qui permettent d’assurer la stabilité, de creuser à pleine section et de limiter les déformations.

1.2.1 Phénomène de décompression du massif

Au fur et à mesure que l’on creuse dans le terrain initialement stable, l’état de contrainte pré-existant est modifié. En effet, la contrainte sur le contour de l’excavation s’annule : c’est le phénomène de décompression. Cette modification de l’état de contrainte n’intervient que dans une zone entourant le front de taille : c’est la zone d’influence du front. Elle s’étend sur une longueur à l’avant du front qui est du même ordre de grandeur que le diamètre du tunnel, d’après les mesures de déplacement réalisées sur plusieurs chantiers (Lunardi 1997). Au cours de l’avancement, trois zones caractéristiques distinctes se forment dans le massif. Elles diffèrent par leur état de contrainte (Figure 1.1) : - une zone non perturbée par l’excavation, loin devant le front, où le massif est soumis au champ de contrainte initial ; - une zone perturbée (ou zone du front de taille), en avant du front et à proximité de celui-ci, limitée par le rayon d’influence du front, où le champ de contrainte est tridimensionnel ; - une zone de stabilisation, loin derrière le front, où celui-ci n’a plus d’influence et où le champ de contrainte devient plan.

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Figure 1.1. Formation de trois zones caractéristiques lors du creusement d’un tunnel (Lunardi 1993)

Les perturbations dues à la zone d’influence du front se manifestent par des déformations horizontales (extrusion) à l’avant du front et verticales (convergence) à l’arrière du front. On définit le noyau d’avancement comme le prisme de terrain en amont du front de taille. Il s’étend sur une longueur correspondant au rayon d’influence du front soit environ le diamètre du tunnel. L’arrivée du front de taille modifie le champ de contrainte autour de ce noyau d’avancement en supprimant la contrainte sur le front même (Figure 1.2).

Figure 1.2. Comportement du noyau d’avancement en fonction de l’état de contrainte (Lunardi 1993)

Les déformations créées par l’annulation des contraintes au front peuvent être de différents ordres :

- en domaine élastique, le front se maintient stable avec des déformations limitées et quasiment négligeables ;

- en domaine élasto-plastique, l’extrusion du front devient importante et ceci donne lieu à une situation de stabilité à court terme. En l’absence d’interventions, il s’amorce alors un phénomène de plastification qui se propage longitudinalement et radialement sur le contour d’excavation.

- en domaine proche de la rupture, le noyau devant le front devient instable et c’est une situation évidemment inacceptable.

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Chapitre 1. Renforcement du front de taille d’un tunnel par boulonnage 21

1.2.2 Méthodes de renforcement

L’amélioration des caractéristiques de résistance et de déformabilité du noyau d’avancement est destinée à éviter l’extrusion prématurée du front et à limiter l’apparition de zones en déformations plastiques et leur propagation à l’arrière du front par le phénomène de convergence. Les techniques de renforcement du front ont d’abord été mises en oeuvre pour permettre le franchissement d’accidents géologiques localisés que les études préliminaires n’avaient pas prévues. Depuis le début des années 80, ces techniques se sont beaucoup améliorées et généralisées et concurrencent désormais les techniques de creusement utilisant un tunnelier, même dans les terrains de mauvaise tenue. Différentes méthodes de pré-confinement du massif à l’avant du front existent, comme le montre la Figure 1.3. Elles se divisent en trois groupes :

- les interventions de conservation directe qui consistent à réaliser un pré-soutènement afin de protéger le contour du noyau, tels que le jet-grouting sub-horizontal, le prédécoupage mécanique ou encore la réalisation d’un arc cellulaire ;

- les interventions de conservation indirecte qui consistent à améliorer les caractéristiques du noyau par exemple par congélation ou par mise en place d’inclusions en fibre de verre au noyau ;

- les interventions de conservation mixte qui réunissent à la fois une intervention directe de protection et une intervention indirecte de renforcement du noyau, comme par exemple le prédécoupage mécanique et le pré-renforcement simultané du noyau par des inclusions en fibre de verre.

Parmi toutes ces techniques, c’est celle du renforcement du noyau par tubes en fibre de verre qui nous intéresse plus particulièrement dans cette étude et qui fait l’objet du paragraphe suivant.

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Figure 1.3. Méthodes de renforcement du noyau d’un tunnel par pré-confinement (Lunardi 1993)

1.3. Le boulonnage au front de taille

1.3.1 Historique : du clouage des terres à la Nouvelle Méthode Autrichienne

Le clouage, technique de renforcement des sols en place par barres passives en acier, est apparu dans les années 50 dans les mines des Etats-Unis. En France, il a débuté au début des années 70 avec la réalisation d’un mur provisoire construit pour un élargissement de la voie ferrée Paris-Versailles. L'expérience française n'a alors cessé de s'enrichir du fait de la flexibilité d'emploi et de mise en œuvre de cette technique. Son application, en tant que renforcement radial, s’est notamment développée dans les

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Chapitre 1. Renforcement du front de taille d’un tunnel par boulonnage 23

chantiers souterrains en site difficile (par exemple en montagne) par le traitement des difficultés ponctuelles comme les chutes de bloc. L’extension de cette technique aux terrains de caractéristiques médiocres a conduit à l’utiliser de manière systématique comme soutènement radial définitif, en l’associant au béton projeté (Nouvelle Méthode Autrichienne). L’idée d’appliquer le boulonnage au front de taille du tunnel s’est développée dans les années 80 et sa première utilisation concerne un des tunnels de la ligne ferroviaire Grande Vitesse Rome-Florence, en Italie, en 1988. Les boulons utilisés sont en fibre de verre. Depuis, de nombreux tunnels, notamment français et italiens, ont été creusés à front ouvert en utilisant cette technique, comme le montre le Tableau 1.1.

Années Pays Projet Longueur Section Rayon moyen Profondeur

1988-90 Italie Ligne ferroviaire Rome-Florence 7370 m 60 m² 1989 Italie Tunnel de Siracuse 1000 m

1990-91 France Tunnel de la Galaure 2680 m 145 m² 80 m 1990 Espagne Tunnel de Madrid 1991 Italie Tunnel de San Vitale 1300 m 110 m² 150 m 1993 Italie Tunnel de Vasto 4970 m 80 m² 1995 Grèce Métro d’Athènes (pusieurs tunnels)

1995-97 Portugal Métro de Lisbonne 1995-99 France Tunnel de Toulon 2400 m 100 m² 5.5 m 35 m 1996-97 Liban Tunnel hydraulic de Haret 1996-97 Colombie Tunnel routier Carretera Bogota 1996-98 France Tunnel de Tartaiguille 2340 m 180 m² 7.4 m 100 à 140 m

1996 Italie Ligne ferroviaire Bologne-Florence (9 tunnels) 73 km

Tableau 1.1. Exemples de chantiers de tunnel ayant utilisé le boulonnage frontal (Wong et al. 2000)

1.3.2 Technique de boulonnage frontal

Deux matériaux sont utilisés pour la fabrication de boulons : l’acier ou la fibre de verre, le premier étant utilisé pour le boulonnage radial des tunnels alors que le second est associé au boulonnage frontal. Différents boulons en acier existent suivant leur mode d’ancrage au terrain (Subrin 2002) : - le boulon à ancrage ponctuel est scellé au terrain seulement à ses extrémités ; - le boulon à ancrage réparti est scellé au terrain sur toute sa longueur grâce à un coulis de ciment ou de résine ; - le boulon à friction est constitué d’un tube creux à haute adhérence dans lequel une pression interne (par exemple, injection d’eau pour les boulons de type Swellex) permet de plaquer le boulon directement contre le terrain. On s’intéresse ici uniquement aux boulons frontaux en résine de polyester renforcé de fibres de verre (appelés plus couramment boulons en fibre de verre) qui sont à ancrage réparti. Il en existe plusieurs types sur le marché, suivant leur forme. Certains sont constitués d’un tube nervuré en fibre de verre servant également de tube d’injection du mortier de scellement (VTR) alors que d’autres sont constitués d’éléments triangulaire (Figure 1.4a) ou rectangulaire (Figure 1.4b) en fibre de verre associés à un tube d’injection en PVC.

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a) Plaquette triangulaire en fibre de verre avec tube PVC d’injection sur le coté

b) Trois plaquettes rectangulaires en fibre de verre entourant le tube PVC d’injection

Figure 1.4. Différents types de boulon longitudinal en fibre de verre (Société Sireg, Italie)

Les différents éléments formant un boulon sont assemblés sur chantier (Figure 1.5a) et leur longueur est généralement comprise entre 10 et 20 mètres. Ils sont placés à l’intérieur d’un forage frontal horizontal d’environ 10 cm de diamètre (Figure 1.5b) réalisé à l’aide d’une foreuse puis scellés au terrain par l’injection de mortier de ciment ou de résine dans le tube d’injection.

a) Assemblage de boulons

b) Mise en place dans le forage

Figure 1.5. Pose de boulons en fibre de verre au front de taille

60 mm 60 mm

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L’opération est renouvellée plus ou moins fréquemment et entièrement selon les chantiers. Ainsi, pour la traversée souterraine de Toulon, les boulons sont renouvellés partiellement tous les trois mètres (Figure 1.6a) : c’est un cycle court. Alors que pour le tunnel de Tartaiguille les boulons sont renouvellés entièrement lorsqu’ils atteignent une longueur minimale d’une douzaine de mètres (Figure 1.6b) : c’est un cycle long. Dans les deux cas, la densité de renforcement décroit à l’avant du front.

a) Tunnel de Toulon : cycle court (renouvellement partiel tous les 3 m)

b) Tunnel de Tartaiguille : cycle long (renouvellement complet tous les 12 m)

Figure 1.6. Deux types de cycles de boulonnage du front : court ou long

L’un des avantages majeurs de cette technique est que, de part la légèreté du matériel requis pour la mise en place des boulons en fibre de verre, leur nombre et leurs dimensions peuvent être adaptés localement en fonction des conditions géologiques du terrain.

1.3.3 Caractéristiques d’un boulon en fibre de verre

Les boulons en fibre de verre possèdent une forte anisotropie. Leur résistance élevée en traction (de 200 à 800 kN) et leur totale adhérence au mortier de scellement viennent renforcer le front, réduisant ainsi les mouvements de terrain. En revanche, leur résistance aux efforts transversaux est faible mais permet ainsi d’assurer une destruction facile par les engins d’abattage au fur et à mesure de l’avancement. Le Tableau 1.2 donne les valeurs caractéristiques des boulons en fibre de verre utilisés pour trois chantiers différents.

Nom du tunnel Toulon Tartaiguille San Vitale Type de boulon VTR* Durglass Fl** VTR*

Section (fibre de verre uniquement) Sb [mm²] 1570 840 1180 à 1570 Module d’élasticité Eb [MPa] 20 000 40 000 19 000

Contrainte limite élastique σyb [MPa] 500 1000 600 Allongement à la rupture εyb [-] 2%

* tube en résine de polyester renforcé de fibre de verre ** boulon constitué de trois plaquettes en fibre de verre entourant un tube PVC

Tableau 1.2. Caractéristiques des boulons en fibre de verre utilisés pour trois chantiers différents

Notons que de part la forte déformabilité d’un boulon, la traction développée (qui dépend de la déformation) peut être très inférieure à la limite de résistance.

1.4. Dimensionnement du boulonnage frontal

Le boulonnage frontal s’inscrit dans les ouvrages en sol cloué, dont le comportement est un problème complexe à cause des phénomènes d'interaction entre les différents constituants de l'ouvrage (sol, boulons et parement) d'une part et la stabilité globale de l'ouvrage d'autre part. Différentes méthodes de

Tunn

el

Tunn

el

3 m

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dimensionnement ont déjà été proposées pour les murs cloués ou les tunnels boulonnés radialement mais très peu pour les tunnels boulonnés longitudinalement.

1.4.1 Approche en stabilité

1.4.1.a Analyse type équilibre limite Une modélisation simplifiée du front de taille consiste à considérer un talus vertical soumis en tête à un chargement évalué par différentes méthodes empiriques (Figure 1.7). Le problème revient alors à dimensionner un mur de soutènements en sol cloué (Clouterre, 1991). Ces approches donnent le coefficient de sécurité de l’ouvrage vis-à-vis de la rupture mais ne donnent aucune information sur le champ de déformation de l’ouvrage.

Figure 1.7. Dimensionnement courant du boulonnage frontal par une méthode d’équilibre limite bidimensionnelle

Ces approches restent très imprécisent puisqu’elles s’appuient sur un calcul 2D (largeur infinie) alors que le problème réel est à l’origine tridimensiionnel. De plus, la charge en tête est estimée forfaitèremment et l’hypothèse consistant à ne pas prendre en compte le terrain situé au-dessus du toit du tunnel est assez pessimiste puisque l’on néglige la résistance propre du terrain développée par effet de voûte. 1.4.1.b Calcul à la rupture Dans le cas sans renforcement du front de taille, différents auteurs étudient la stabilité d’un tunnel par des approches statiques (dites "par l’intérieur") (Davis et al. 1980) et cinématiques (dites "par l’extérieur") (Leca et Dormieux 1990) conduisant respectivement à une estimation par défaut et par excès de la marge de sécurité par rapport à la rupture. Leca (1997) introduit des inclusions dans les approches cinématiques précédemment citées sous forme d’un terme supplémentaire dans l’évaluation de la puissance résistante maximale du massif, la contribution individuelle de chaque boulon dépendant du frottement mobilisable à l’interface (Figure 1.8).

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Figure 1.8. Approche cinématique du calcul à la rupture avec prise en compte des boulons (Leca 1997)

Subrin (2002) propose en milieu purement cohérent et cohérent-frottant un mécanisme tridimensionnel basé sur la rotation d’un bloc rigide défini à partir de spirales logarithmiques, les boulons étant introduits par leur effet ponctuel sur les surfaces de rupture (Figure 1.9).

Figure 1.9. Milieu cohérent-frottant renforcé – Mécanisme de rupture tridimensionnel a) Schéma de principe b) Cas où ϕ = 20° (Subrin 2002)

σT v

spirales logarithmiques

Ω

M

Ω a)

b)

M

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1.4.2 Approche en déformation

1.4.2.a Modèles analytiques (méthode d’homogénéisation) La méthode d’homogénéisation des milieux périodiques est appliquée au sol et aux boulons pour obtenir un matériau équivalent ayant son comportement propre. Ainsi, une solution analytique peut être obtenue. En s’inspirant des travaux réalisés par Greuell (1993) sur le renforcement radial d’un tunnel en symétrie cylindrique, Jassionnesse & Dubois (1996), puis Wong et al (1997) ont développés différents modèles analytiques en symétrie sphérique sur le renforcement longitudinal d’un tunnel. L’hypothèse d’une pression fictive décroissante à l’intérieur d’une cavité sphérique permet de simuler l’avancement du front et s’inspire largement de la méthode "convergence-confinement". Les boulons frontaux sont disposés perpendiculairement au front (Figure 1.10). Différents modèles ont été envisagés suivant le critère de plasticité du sol (Tresca ou de Mohr-Coulomb), radoucissant ou non, le type d’interface sol/boulon (à adhérence parfaite ou à limite finie) et suivant la longueur des boulons (finie ou infinie). Tous ces modèles sont explicités au Chapitre 3 de ce document.

Figure 1.10. Représentation schématique du tunnel boulonné frontalement en modélisation sphérique

1.4.2.b Modèles numériques Modélisation par amélioration de la résistance du terrain

Indraratna et Kaiser (1990) ont réalisés des calculs axisymétriques en considérant une roche renforcée obéisant au critère de plasticité de Mohr-Coulomb dont les propriétés de résistance sont améliorées. Ainsi, l’angle de frottement ϕ’et la cohésion c’ améliorés sont définis par :

(I.1) ( )( )ϕβ

ϕβϕϕsin12

sin1sin2'sin++

++=

(I.2) ( )( )( )ϕϕ

βϕϕsin1'cos2

1'sin1cos2−

+−=′ cc avec λβ pRdb=

où λ est le coefficient de frottement sol/boulon qui dépend de la nature du terrain et du type de boulon. A l’aide de calculs axisymétriques utilisant la méthode des éléments finis, Grasso et al (1991, 1993) proposent de simuler le renforcement longitudinal du front en améliorant la cohésion du sol, qui devient :

(I.3) 3cos2sin1 σ

ϕϕ

∆+

+=′ cc

où ∆σ3 est l’incrément de contrainte principale mineure due au renforcement. Modélisation par la prise en compte d’une pression fictive au front

Peila (1994) propose dans un calcul axisymétrique 3D de prendre en compte l’apport du boulonnage par une pression fictive Pf au front égale à la somme des efforts dans les boulons ramenée à la surface du front, l’effort dans les boulons correspondant à la valeur minimale entre la résistance à la traction ou à l’arrachement du boulon, ce qui s’écrit :

Boulons Zone en équilibre limite

Tunnel

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Chapitre 1. Renforcement du front de taille d’un tunnel par boulonnage 29

(I.4) bsbybbbf LpqdSdP ;min σ=

Dans les deux méthodes citées précédemment, l’estimation de la pression fictive au front ou de l’augmentation de cohésion est basée sur la limite σyb de résistance du boulon. Cependant, dans la grande majorité des cas, le boulon étant très déformable (cf. § 1.3.3), l’effort maximal de traction dans le boulon reste faible en comparaison de sa limite de résistance, laquelle ne constitue donc pas un critère de dimensionnement. Modélisation par une méthode d’homogénéisation

Bernaud et al. (1995) ont implémenté le modèle de Greuell (1993) dans un code numérique aux éléments finis bidimensionnel. Dias (1999) a implanté un modèle de comportement homogénéisé dans le code de calcul FLAC 3D, en considérant le terrain élastique parfaitement plastique obéissant au critère de Mohr-Coulomb et sa règle d’écoulement associée. L’écrouissage macroscopique induit par la non-simultanéité des chargements pour les deux matériaux est pris en compte, ainsi qu’un éventuel glissement de type rigide-plastique à l’interface sol/inclusion. Modélisation complète tridimensionnelle du massif et des boulons

Les modèles tridimensionnels prennent en compte la complexité du système sol/boulon. Peila (1994) a étudié le comportement d’un front de taille de tunnel renforcé par du boulonnage en fibre de verre avec des simulations tridimensionnelles, les boulons étant modélisés par des éléments linéiques élastiques. Les déformations calculées sont en accord avec celles observées par Broms & Bennemark (1967), l’effet du renforcement correspondant bien à une réduction des déformations au front. Mémier (1995) compare deux méthodes de creusement, l’une combinant pré-voûtes et inclusions frontales, l’autre utilise des inclusions inclinées en voûte avec un décalage entre le front et le soutènement. Il conclut à une augmentation de 30% des tassements en surface dans le cas de la seconde technique. Al Hallak (1999) a également pris en compte le renforcement par boulonnage dans une approche 3D en utilisant le code de calcul CESAR-LCPC. La comparaison avec des mesures expérimentales des déplacements et de la pression interne limite au front effectuées sous centrifugueuse (§1.6.2.b) donne de bons résultats.

1.5. Exemple de chantier de tunnel boulonné frontalement

Parmi les différents chantiers de tunnel boulonné frontalement (Tableau 1.1), on s’intéresse plus particulièrement à celui de Tartaiguille (1996 – 1998), où les problèmes survenus ont conduit à d’importantes campagnes d’auscultation, avant et pendant la construction, permettant ainsi d’obtenir des données expérimentales in situ précieuses sur l’apport du boulonnage, qui seront exploitées au Chapitre 5 de ce document. Le tunnel de Tartaiguille fait partie des six tunnels et des nombreux autres ouvrages réalisés pour le passage du TGV Méditerranée qui relie désormais Lyon à Marseille. Il se situe dans le département de la Drôme, sous le col de Tartaiguille, à environ 20 km au Nord-Est de Montélimar. Profil géologique

Le tunnel s’étend sur une longueur de 2338 m en souterrain et est prolongé par deux ouvrages de tête de 46,5 m chacun. Sa couverture est supérieure à 75 m sur 1600 m et atteint au maximum 137 m. Plusieurs

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Chapitre 1. Renforcement du front de taille d’un tunnel par boulonnage 30

formations géologiques se succèdent. On rencontre ainsi, du Nord au Sud, comme le montre le profil géologique de la Figure 1.11 : - sur environ 360 m, des calcaires du Stampien Supérieur altérés, - sur environ 920 m, des argiles marneuses du Stampien inférieur, - et sur les 1150 derniers mètres, une alternance de Marnes bleues de l’Aptien et de grès de l’Albien.

Paris Marseille

PM 495PM 1370

500 250020001500100000.00

Southend

Northend

Stampien SupérieurArgiles marneuses du Stampien InférieurGrès de l’AlbienMarnes bleues de l’Aptien

Figure 1.11. Tunnel de Tartaiguille – Profil géologique longitudinal

Méthode d’excavation

Le tunnel a été attaqué simultanément par ces deux extrémités en février 1996. La méthode de creusement initialement prévue était une méthode par section divisée. Cependant, lors du creusement dans les marnes bleues (galerie Sud), d’importantes convergences ont été mesurées : 6 cm en demi-section supérieure et 15 cm en demi-section inférieure, soient 3 à 4 fois supérieures à celles initialement prévues. Cela a provoqué la fissuration et la chute de plaques de béton projeté. Une nouvelle campagne de sondage a permis de mettre en évidence l’origine de ces fortes convergences : la valeur du coefficient des terres au repos a été sous-évaluée. En effet, les études de dimensionnement ont été menées avec une valeur de k0 de 0.5, comme le prévoyait la première campagne de reconnaissance dans les marnes, alors que la seconde campagne a permis d’estimer k0 à 1.2. Les nouveaux calculs réalisés ont confirmé les fortes convergences déjà enregistrées et ont également montré que la méthode d’exécution du tunnel initialement prévue pour le tronçon argileux serait inacceptable car elle entraînerait des convergences de l’ordre de 30 à 40 cm. Le comité de pilotage du chantier a alors modifié la méthode d’excavation pour choisir de creuser en pleine section avec renforcement du front de taille par boulonnage et éventuellement projection d’une couche de béton. Cette méthode est appelée "méthode Lunardi" du nom de son initiateur. Les boulons utilisés étaient en fibre de verre d’une longueur de 24 m et leur nombre variait selon la nature du sol excavé : de 66 dans le grès jusqu’à 153 dans les argiles. L’excavation en pleine section avec renforcement du front par boulonnage a donc démarré au PM 1370, dans les grès de l’Albien, pour le côté Sud et au PM 495, dans les argiles marneuses du Stampien inférieur, pour le côté Nord, Le cycle d’avancement du tunnel en méthode pleine section se décompose comme présenté à la Figure 1.12.

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Chapitre 1. Renforcement du front de taille d’un tunnel par boulonnage 31

Etape 0 : - boulonnage minimum du front de 12 m - distance de 1 m entre le front et le dernier cintre mis en place - distance de 3,50 m entre le radier et le dernier cintre posé - réalisation du radier sur 20 m avant la mise en place du revêtement définitif Etape 1 : - consolidation du front de taille (pose de boulons de fibre de verre de 24 m de longueur) Etape 2 : - terrassement sur 4 ou 6 m par passe de 1m ou 1,33 m (selon la nature du sol) - réalisation du béton projeté ( épaisseur 5 cm ) - mise en place du cintre articulé pré-assemblé sur le chantier Etape 3 : - terrassement du radier sur 4 ou 6 m (selon la nature du sol) - ferraillage et bétonnage du radier Les étapes 2 et 3 sont répétées jusqu’à arriver à une longueur minimale du renforcement de 12 m, puis un nouveau cycle d’excavation recommence.

Figure 1.12. Schématisation des différentes étapes de la méthode d’exécution en pleine section

La surface totale excavée est d’environ 180 m2, soit un rayon moyen de 7,4 m. Caractéristiques mécaniques du sol et des boulons

Les boulons utilisés sur ce chantier sont de type Durglass Fl commercialisés par la société Sireg. Un boulon est formé de trois plaquettes de dimension 7 mm × 40 mm, soit une section de fibre de verre de Sb=840 mm². Leur module d’Young est Eb=40 GPa et leur limite élastique σyb=1000 MPa. Le nombre de

24 m

revêtement définitif

12 m minimum

boulons

4,5 m 20 m radier

cintreAvancement

Terrassement par passe de 1 ou 1,33 m puis pose du cintre

Terrassement du radier sur 4 ou 6 m

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Chapitre 1. Renforcement du front de taille d’un tunnel par boulonnage 32

boulons au front est de 120 en moyenne : de 66 dans le grès jusqu’à 153 dans les argiles, soit une densité comprise entre 0.367 et 0.850 boulons/m². Pour l’évaluation des paramètres mécaniques du terrain, on présente au Tableau 1.3 les valeurs retenues par le comité de pilotage du chantier.

Grandeur Symbole Unité Valeur Poids volumique apparent γ [kN/m3] 21

Module d’Young Es [MPa] 400 Cohésion à court terme Cu [kPa] 1200

Angle de frottement (non drainé) ϕ [°] 0 Cohésion effective C’ [kPa] 200

Angle de frottement effectif ϕ' [°] 27 Angle de dilatance [°] 0

Tableau 1.3. Tunnel de Tartaiguille – Paramètres géotechniques du sol (d’après le comité de pilotage du chantier)

On définit Ω comme étant l’apport de résistance du boulonnage au terrain et β comme étant l’apport de rigidité du boulonnage au terrain (cf. Chapitre 2), soient:

(I.5) C

Sd ybbb

σ=Ω

(I.6) s

bbb E

ESd=β

Compte tenu des caractéristiques mécaniques données précédemment, on arrive à l’encadrement suivant de ces deux paramètres : (I.7) 60.026.0 <Ω<

(I.8) 07.003.0 << β

Ces deux paramètres donnent ainsi un ordre de grandeur sur l’apport du boulonnage au terrain en terme de résistance et de rigidité, utile quant à l’interprétation des modélisations expérimentales de tunnel boulonné frontalement (§ 1.6.2). Apport du boulonnage

La méthode en pleine section avec renforcement du front par boulonnage a permis de maintenir le terrain dans un état pseudo-élastique lui permettant ainsi de conserver sa résistance maximum. L’extrusion au front et la convergence en paroi ont ainsi été considérablement réduites par rapport à celles mesurées avec la méthode en section divisée sans renforcement, prouvant ainsi la réelle efficacité de cette méthode. Toutefois, il semblerait que la densité de boulonnage était trop importante par rapport aux effets sur la réduction des mouvements de terrain ; une densité inférieure à celle mise en place aurait conduit aux mêmes valeurs d’extrusion au front. Néanmoins, il est indéniable qu’une densité de boulonnage importante a pour effet bénéfique de se prémunir contre les chutes locales au front, très dommageables au personnel du chantier. Par cet exemple d’application du boulonnage frontale, on tient à souligner combien son dimensionnement reste encore délicat.

1.6. Les modélisations expérimentales

Les études expérimentales menées à l’aide d’un modèle réduit (sous gravité terrestre ou sous forte gravité) sont nombreuses. La plupart étudient la stabilité de l’ouvrage en s’intéressant à la forme du

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Chapitre 1. Renforcement du front de taille d’un tunnel par boulonnage 33

mécanisme de rupture. Parmi elles, deux s’intéressent à la technique de renfocement par boulonnage longitudinal (Subrin 2001, Al Hallak 1999).

1.6.1 Tunnel non renforcé

1.6.1.a Expérience de Chambon (L.C.P.C. Nantes – 1990) L’étude a été menée à l’aide de la centrifugeuse du L.C.P.C. à Nantes. La cuve 3D utilisée est de taille moyenne (largeur 120 cm, profondeur 80 cm, hauteur 50 cm) et remplie de sable de Fontainebleau (γ=16 kN/m3). L’auteur étudie le comportement du front de taille pressurisé grâce à la présence d’une membrane en latex au front, empêchant toute longueur libre à l’avant. La couverture au-dessus du tunnel varie (0.5<C/D<2). Des couches colorées de sable sont mises en place durant la confection du massif pour permettre l’observation des mécanismes de rupture à la fin de l’essai, après découpage du massif (Figure 1.14). Au cours de l’essai, la pression à l’intérieur du tunnel est diminuée par paliers et les déplacements au front sont mesurés. Pour chaque essai, la pression interne correspondant à l’apparition des premiers déplacements (notée σtd) et la pression limite à la rupture (notée σtr) sont relevées (Figure 1.13).

Figure 1.13. Mécanismes de rupture observés pour différentes valeurs de la couverture (Chambon 1990)

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Chapitre 1. Renforcement du front de taille d’un tunnel par boulonnage 34

Figure 1.14. Valeurs des pressions limite σtd et σtr en fonction de la couverture (Chambon 1990)

1.6.1.b Expérience de Esfehani (E.N.T.P.E. – 1999) Dans ces travaux de thèse, Esfehani étudie la longueur libre non-soutenue au devant d’un tunnel creusé en terrain meuble. Cette étude expérimentale sous gravité terrestre analyse tout particulièrement la stabilité du front de taille, la stabilité des côtés latéraux, le mécanisme de rupture et les tassements engendrés en surface. Le massif est mis en place dans une cuve de grandes dimensions (largeur 1.5 m, profondeur 1.5 m, hauteur 1.4 m) possédant une ouverture circulaire dans laquelle est mis en place un tube métallique de 3 mm d’épaisseur, et de diamètre variant selon les essais (20 cm, 30 cm ou 40 cm). Le terrassement de la longueur libre est réalisé à l’aide d’une lame d’attaque de longueur égale au rayon du tube tournant autour de l’axe. Une surcharge en surface est ensuite appliquée jusqu’à rupture du tunnel. Au front, trois capteurs ultrason sans contact permettent de mesurer l’extrusion et en surface neuf capteurs LVDT permettent de mesurer les tassements. Le sol utilisé est un mélange de sable fin et de kaolin dont la proportion en poids varie (20, 25 et 30 %) selon les essais. Son poids volumique est de 11,5 kN/m3, sa cohésion est comprise entre 2 et 4 kPa (suivant la proportion de kaolin) et son angle de frottement est estimé à 30°. Une campagne comprenant douze essais permet d’aboutir à différentes conclusions. D’abord, la surface de rupture frontale a une forme concave partant du pied du front avec un angle raide ;elle devient verticale à la hauteur de trois-quarts du diamètre du tunnel. De plus, la cohésion du sol a un effet stabilisant : plus la cohésion est importante, plus la profondeur de la surface de rupture est faible et plus la longueur libre correspondant à la rupture du front de taille est grande (Figure 1.15).

Figure 1.15. Longueur libre normalisée de la rupture du front de taille en fonction de la cohésion (Esfehani 1999)

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Chapitre 1. Renforcement du front de taille d’un tunnel par boulonnage 35

1.6.2 Tunnel boulonné frontalement

1.6.2.a Expérience de P. Egger, D. Subrin, H. Wong (E.P.F.L – 1999) Cette expérience a été réalisée au Laboratoire de Mécanique des Roches de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (Suisse) par D. Subrin, sous la direction du Professeur Egger (LMR, EPFL) et d’H. Wong (LGM, ENTPE). Ils se sont intéressés à la stabilité du front de taille d’un tunnel renforcé par des inclusions horizontales en fibre de verre, lors du creusement dans des roches tendres, en utilisant un modèle réduit tridimensionnel à l’échelle 1:20 sous gravité terrestre. La cuve d’essai, de dimensions moyennes (largeur 1 m, profondeur 1 m, hauteur 1,6 m), possède une structure métallique avec une ouverture circulaire de 48 cm de diamètre sur sa paroi frontale permettant l’enfoncement d’un tube sur un longueur de 40 cm à l’intérieur de la cuve. Le terrain est un mélange de sable calcaire fin et sec et de glycérol (0.5 % en teneur massique). La confection du massif s’effectue par couches de 5.5 cm d’épaisseur compactées statiquement. Le poids volumique du mélange de sol est de 16 kN/m3. Différents essais de caractérisation (essais de cisaillement à la boîte et essais de stabilité de tranchée) permettent d’estimer la cohésion à 0.4 kPa et l’angle de frottement à 38°. Le front de taille est renforcé par des inclusions en fibre de verre linéaires, horizontales et parallèles à l’axe du tunnel modélisées par des tiges de fil d’étain enrobé de grains de sable grossier d’un millimètre de diamètre. Des essais de traction ont permis de définir pour ces inclusions un comportement élasto-plastique avec les caractéristiques suivantes : résistance ultime unitaire Tyb=10 N, déformation limite élastique εyb=2%, section moyenne Sb=5 mm² d’où un module de déformabilité Eb=100 MPa. Le creusement est simulé par des phases successives d’enfoncement du tube et de terrassement du front à l’aide d’un aspirateur, à l’abri d’une pré-voûte qui devient nulle seulement pour la dernière phase. Une surcharge statique est alors appliquée en surface à l’aide de poids posés successivement sur une plaque rigide jusqu’à rupture du front. Huit essais ont été réalisés en faisant varier la couverture au dessus du tunnel ainsi que la densité de boulonnage. Les résultats obtenus ont montré l’effet stabilisant du boulonnage (Figure 1.16), et ceci même pour un niveau de renforcement relativement faible par rapport aux pratiques courantes sur chantiers. De plus, les boulons permettent de réduire le volume de sol instable, comme le montre la Figure 1.17.

0

2

4

6

8

10

12

14

16

0,25 0,5 0,75 1 1,25 1,5 1,75

C/D

Pre

ssio

n d'

effo

ndre

men

t glo

bale

σs [

kPa]

Non renforcé

30 boulons

60 boulons

Figure 1.16. Surcharge de rupture en fonction de la couverture normalisée pour divers niveaux de renforcement (Subrin 1999)

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Chapitre 1. Renforcement du front de taille d’un tunnel par boulonnage 36

Figure 1.17. Surface de rupture avec ou sans boulons (Subrin 1999)

Dans cette expérience, la valeur du paramètre Ω précédemment défini (§ 1.5), évaluant l’apport de résistance des boulons au terrain, est estimée à 8.29. Pour le chantier de Tartaiguille, ce même paramètre était compris entre 0.26 et 0.60 : la similitude sur ce paramètre n’est donc pas vraiment respectée. Le paramètre β évaluant l’apport de rigidité des boulons au terrain n’a pu être calculé puisque le module d’Young du sol n’est pas connu. 1.6.2.b Expérience de Al Hallak (L.C.P.C. Nantes – 2000) Il s’agit d’une modélisation physique sous forte gravité (50 g) à l’aide de la centrifugeuse située au L.C.P.C. de Nantes. L’objectif de cette expérience est de simuler un tunnel prototype de 10 m de diamètre sous une couverture égale à deux fois le diamètre, renforcé frontalement par des boulons en fibre de verre. Pour cela, le tunnel est modélisé par un cylindre métallique (∅ = 20 cm, épaisseur 3 mm, longueur 30 cm) à l’intérieur d’un conteneur en acier de dimensions moyennes (largeur 1 m, profondeur 1 m, hauteur 1.6 m) indéformable rempli de sable de Fontainebleau jusqu’à atteindre une couverture de 40 cm. Des essais de cisaillement à la boîte permettent d’estimer la cohésion à 8.1 kPa et l’angle de frottement à 39.4°. Les boulons sont simulés soit par des tiges filetées en acier de 2 mm de diamètre (Eacier = 210 000 MPa), soit par des tiges en PVC (EPVC = 3 000 MPa). Leur nombre varie selon les essais de 28 à 48. Ils sont mis en place pendant la préparation du massif, après l’installation du tunnel. Le sol est arasé au niveau correspondant à chaque lit de renforcement et les boulons sont mis en place devant le front, leur installation s’accompagnant d’une couche de sable coloré. Une pression frontale à l’intérieur du tube est progressivement diminuée pour simuler le creusement du tunnel. Une fois que l’amorce de la rupture est repérée, la pression interne est augmentée pour stabiliser le phénomène. Le modèle est alors découpé pour déterminer l’allure de la zone de rupture. Six essais ont été réalisé pour étudier l’effet de boulonnage sur la stabilité et les déplacements du front de taille, deux essais sans boulon et quatre autres essais avec boulons. L’influence de la densité des boulons et le type de boulon est étudiée. Les conclusions de cette étude expérimentale en centrifugeuse sont nombreuses. D’abord, le renforcement par boulonnage permet de réduire la pression limite de soutènement (Figure 1.18), les déplacements au front et les tassements en surface. Ensuite, les boulons limitent l’étendue horizontale et verticale des zones de rupture en avant du front. Enfin, la longueur utile des boulons est au plus deux fois la distance entre le front et la surface de rupture développée en avant de celui-ci.

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Chapitre 1. Renforcement du front de taille d’un tunnel par boulonnage 37

0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

0 10 20 30 40 50

Nombre de boulons au front

Pre

ssio

n in

tern

e lim

ite [k

Pa]

0 boulon/m2

1 boulon/2,5 m2 1 boulon/2 m2

1 boulon/1,6 m2

Figure 1.18. Essais en centrifugeuse – Pression limite de soutènement en fonction de la densité du boulonnage (Al Hallak 1999)

Dans cette expérience, la valeur du paramètre β évaluant l’apport de rigidité des boulons au terrain, est estimée entre 29.4 et 134.4 dans le cas d’utilisation de tiges en acier et entre 0.42 et 1.92 dans le cas des boulons en PVC. Pour le chantier de Tartaiguille, ce même paramètre était compris entre 0.03 et 0.07 : la similitude sur ce paramètre n’est donc pas vraiment respectée. Le paramètre Ω évaluant l’apport de résistance des boulons au terrain n’a pu être calculé puisque la limite de résistance en traction des boulons n’est pas connue.

1.7. Conclusion

Les études théoriques sur le comportement d’un massif renforcé frontalement restent peu nombreuses en comparaison au renforcement radial. Trois types d’approches peuvent être considérées :

- l’approche de type calcul à la rupture permet de déterminer les limites d’équilibre du massif, mais ne renseigne pas sur son niveau de déformation ;

- les modélisations en déformation simplifiées prenant en compte le boulonnage de façon indirecte (par l’approche d’homogénéisation, par l’amélioration de certaines caractéristiques du terrain) sont parfois approximatives car basées sur des hypothèses fortes telles que l’adhérence parfaite ;

- les modélisation numériques prenant en compte le sol, le boulon et l’interface séparemment apparaissent les plus fiables mais restent relativement longues et couteuses dans leur mise en œuvre.

Le nombre de travaux expérimentaux sur le comportement d’un tunnel boulonné frontalement est à l’heure actuelle limité. Ceux réalisés à l’E.P.F.L. ont mis en évidence le rôle des boulons dans l’augmentation de stabilité, et les simulations numériques montrent une bonne modélisation du boulonnage. Cependant, des difficultés sont apparues ; d’abord, la forme de la rupture observée ne correspondant aucunement au mécanisme initial qui provoque la rupture. De plus, aucune mesure de déplacement n’a été faite, et la valeur de la charge de rupture a une certaine imprécision du fait de l’application de la surcharge par paliers importants. Les essais réalisés en centrifugeuse au L.C.P.C. de Nantes ont permis d’obtenir des informations précieuses quant à la forme primaire de la rupture grâce à l’application d’une pression au front de taille qui permet de contrôler la rupture quand celle-ci intervient et donc de la stopper immédiatement. Cependant, l’étude porte sur la stabilité et non sur les déplacements.

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Chapitre 1. Renforcement du front de taille d’un tunnel par boulonnage 38

De plus, dans ces deux études expérimentales, la modélisation physique des boulons, du point de vu des caractéristiques, n’est pas vraiment satisfaisante : la valeur des paramètres β et Ω, évaluant respectivement l’apport de rigidité et de résistance des boulons au terrain, est sur-estimée d’un facteur 10 à 20.