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Chapitre 4 – Fluctuations et crises économiques 1. L’évolution des fluctuations économiques de moyen terme depuis le 19 ième siècle Document 1 : fluctuations et croissance au 19 ième Document 2 : fluctuations économiques et croissance après 1945 ESH ECE 1 Camille Vernet Nicolas Danglade 2017-2018 Taux de croissance du PIB Temps Expansi on Récession : ralentissement activité Reprise Taux de croissance du PIB Dépression : baisse 0 % 0 % Expansion : la croissance Temps Récession : la Temps PIB 1

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Chapitre 4 – Fluctuations et crises économiques

1. L’évolution des fluctuations économiques de moyen terme depuis le 19ième siècle

Document 1 : fluctuations et croissance au 19ième

Document 2 : fluctuations économiques et croissance après 1945

ESH ECE 1 Camille Vernet Nicolas Danglade 2017-2018

Taux de croissance du

PIB

Temps

Expansion

Récession : ralentissement activité et ralentissement hausse du NGP

Reprise

Taux de croissance du

PIB

Temps

Expansion : la croissance accélère

Dépression : baisse activité

0 %

0 %

Récession : la croissance décélère

Temps

PIB

Temps

PIB

1

Document 3 : depuis 25 ans, le retour des dépressions ?

Document 4 : croissance sur le long terme depuis le 19ième siècle

ESH ECE 1 Camille Vernet Nicolas Danglade 2017-2018

PIB

Temps

Après 1945

19ième siècle

Depuis 25 ans ?

2

2. Expliquer les fluctuations économiques de moyen terme

2.1 Une approche endogène et déterministe des fluctuations : l’explication keynésienne des cycles économiques

Document 5 : L’oscillateur, multiplicateur + accélérateur L’oscillateur de Samuelson s’appuie sur une décomposition comptable : Y = C+I+G Il établit les relations entre les éléments de la demande globale (C+I+G) qui alimentent le produit global (Y). Il distingue deux relations explicatives qui, en étant combinées, permettent d’expliquer les fluctuations : celle du multiplicateur et celle de l’accélérateur. L’effet multiplicateur explique comment une hausse de l’investissement (I ou G) provoque une hausse de la demande globale. L’effet accélérateur explique comment l’investissement des entreprises est déterminé par rapport aux variations de la demande. La relation part donc de la demande pour expliquer l’investissement (l’inverse du multiplicateur).Les effets multiplicateur et accélérateur s’enchaînent les uns après les autres. Prenons comme point de départ, une situation de vieillissement du capital qui nécessite une hausse de l’effort d’investissement. Cette augmentation de l’investissement (motif de remplacement) produit alors un effet multiplicateur : la demande se met à augmenter. Cette hausse provoque à son tour un effet accélérateur : pour faire face à une demande plus grande, les entreprises décident d’augmenter encore leurs investissement : l’investissement n’est pas seulement un investissement de remplacement mais aussi un investissement de capacité. Mais l’effet accélérateur provoque une sur-réaction de l’investissement : le stock de capital qui a été constitué est supérieur à celui qui est nécessaire pour faire face à la demande. les entreprises ont donc constituée des capacités de production trop importantes. L’effort d’investissement baisse, entraînant un fléchissement plus marqué de la demande. le stock de capital vieillit et arrive un moment où les entreprises doivent augmenter leurs investissements pour faire face à l’obsolescence.

Document 6 : pour comprendre l’effet accélérateur, la métaphore du poêle à charbon (Aftalion)Si à cause de la baisse de la température constatée dans une pièce on ravive et alimente le feu du foyer, un temps s'écoulera avant que s'obtienne la tiédeur considérée. Comme le froid persiste et que le thermomètre continue à le signaler, on serait conduit par là (…) à jeter plus de combustible dans l'appareil de chauffage. On en jetterait alors même que la quantité de combustible entassée dans l'appareil est déjà telle qu'elle dégagera, lorsque tout aura pris feu, une chaleur intenable. En se laissant guider par la sensation de froid présente, par les indications présentes du thermomètre, on surchauffera fatalement la pièce à cause même du temps nécessaire jusqu'à ce que rougisse tout le combustible et que se répande la chaleur dans la chambre [...].

A. Aftalion, " La réalité des surproductions générales, essai d'une théorie des crises générales et périodiques ", Revue d'économie politique n°2, 1902

Document 7 : schéma

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1.Pour reconstituer le stock de capital, l’investissement se redresse : effet multiplicateur sur la demande

2. Le stock de capital augmente au-delà de ce que nécessité la demande : effet accélérateur sur l’I

3. l’effet multiplicateur s’estompe

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Document 8 : Répartition des revenus et investissement, le modèle de GoodwinSelon le postkeynésien Goodwin, les fluctuations cycliques s’expliquent par la dynamique de la répartition des revenus. Le modèle de Goodwin repose sur deux hypothèses centrales :

- la variation du salaire réel est une fonction décroissante du taux de chômage, selon un principe de courbe de Phillips ; il existe en particulier un taux de chômage u*, tel que la variation du salaire réel soit nulle ;

- les profits sont épargnés et donc investis, tandis que les salaires sont intégralement consommés.

Partant ce des hypothèses, supposons que l’économie soit au départ dans une situation dans laquelle la part des profits est élevée (point A dans le schéma) ; ce qui se traduit par un fort investissement : la croissance économique s’accélère, ce qui crée des emplois et fait diminuer le taux de chômage. Tant que le chômage reste supérieur à u*, ce processus se poursuit ; mais la diminution du taux de chômage débouche à un moment donné sur un taux de chômage inférieur à u* : les salaires réels se mettent à augmenter, ce qui se traduit par une baisse de la part des profits. Lorsque la part des profits devient inférieure à *, la croissance de l’économie devient plus faible que la croissance de l’emploi : le chômage augmente de nouveau. Lorsque le taux de chômage dépasse u*, les salaires réels diminue, ce qui rétablit la part des profits et permet une reprise de l’investissement.

Emmanuel Combe, Précis d’économie, Collection Major, PUF, 2012

Document 9 : Les limites des explications mécanistes du cycle économiqueCes modèles explicatifs sont utiles car ils mettent à jour des facteurs responsables des fluctuations de l’activité (investissement, demande, répartition des revenus) mais ils ont un inconvénient, ils ont du mal à rendre compte de l’aspect beaucoup plus aléatoire des retournements de l’activité économique. Ils fournissent une interprétation trop « mécanique » du cycle. Ainsi, dans leur manuel Macroéconomie. À l’échelle européenne (2006), Michael Burda et Charles Wyplosz écrivent : « Les phases du cycle conjoncturel tendent à être semblables mais en réalité elles sont loin d’être identiques. Par exemple au Royaume-Uni, après la récession de 1975, la reprise de 1976 fut de courte durée et hésitante, débouchant (…) sur un retour immédiat de la récession en 1977. À l’inverse, la reprise qui suivit la récession du début des années 1980 fut nettement plus longue. C’est en raison de cette irrégularité qu’il est délicat d’identifier avec précision les sommets et les creux des cycles. Le PIB réel des pays industrialisés fluctue autour de sa tendance, de manière récurrente mais irrégulière, durant un cycle de cinq à huit ans en moyenne. »

Manuel ESH ECE1, Studyrama, 2017

2.2 Une explication exogène et non déterministe des fluctuations économiques : l’impact et la diffusion des chocs aléatoires 

2.2.1 Le modèle offre globale / demande globale

2.2.1.1 La construction de la fonction de demande globale

Document 10 : La pente de la courbe de demande globaleLa courbe de demande globale représente la relation entre la quantité demandée et le niveau des prix. Nous pouvons construire la courbe de demande globale en étudiant ses quatre composants : la dépense de consommation (demande totale en biens et services de consommation), l’investissement désiré (dépense totale prévue par les entreprises en nouvelles machines, usines … et dépenses immobilières prévues par les particuliers), les dépenses publiques, et les exportations nettes (ou solde commercial). (…) L’analyse par les composants implique une courbe de demande globale décroissante : un niveau des prix plus faible conduit, à quantité nominale de monnaie donnée, à (…) une hausse de la demande globale.

Frederic Mishkin et alii, Monnaie, banque et marchés financiers, Pearson, 2010 (9ème édition)

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Document 11 : L’effet de richesse (Pigou) et l’effet de taux d’intérêt (Keynes) : justification de la pente négative de la courbe de demande globale

La valeur nominale de l’argent que vous possédez, dans votre portefeuille ou sur votre compte en banque, est constante, mais sa valeur réelle varie en fonction du niveau des prix. Si les prix baissent votre argent vous permet de consommer davantage. (…) Cette consommation supplémentaire signifie un accroissement de la demande globale. Cet effet de richesse fut présenté par Pigou (….). Quand les prix (l’ensemble des prix, donc le niveau général des prix) baissent, les ménages ont moins besoin d’argent pour acheter les biens et services qu’ils veulent. Donc (…) les ménages en prêtent une partie. Ils peuvent par exemple acheter des obligations ou déposer leur argent sur des comptes rémunérés, et la banque utilisera ces sommes pour financer des prêts. Dans les deux cas alors que les ménages transforment leur argent en actifs porteurs d’intérêt, ils font baisser les taux d’intérêt. Cette baisse des taux favorise l’investissement des entreprises (…) et des ménages. Ainsi la baisse des prix fait baisser les taux d’intérêt, ce qui fait monter les dépenses globales en biens d’investissement et donc la demande globale. Cet effet de taux d’intérêt fut présenté par Keynes.

Gregory Mankiw, Principes de l’économie, Economica, 1998

2.2.1.2 Les déplacements de la fonction de demande globale

Document 12: Les déplacements de la courbe de demande globaleQuels sont les facteurs importants de la courbe de demande globale ? Les variations de l’offre de monnaie déplacent la courbe de demande globale. Pour un niveau de prix donné, une augmentation de l’offre de monnaie entraîne l’offre de monnaie réelle, ce qui conduit à un accroissement de la demande globale qui se déplace vers la droite. Pour un niveau de prix donné, la politique budgétaire, les variations du solde commercial ou des dépenses des consommateurs et des entreprises font bouger la courbe de demande globale. (…) Enfin, si les consommateurs et les entreprises se montrent plus optimistes, la consommation et l’investissement désiré augmentent, déplaçant à nouveau la cou-rbe de demande vers la droite.

Frederic Mishkin et alii, Monnaie, banque et marchés financiers, Pearson, 2010 (9ème édition)

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Niveau général des prix

Produit

Demande globale

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Document 13 : à compléter Evènement affectant la demande toutes choses étant égales par ailleurs

Variation du volume de la DG pour un

niveau de prix donné

Choc positif ou

choc négatif ?

Représentation graphique du choc de demande

Essor de la consommation

Dégradation du solde commercial

Recul de l’investissement

Pessimisme des consommateurs

Politique monétaire expansionniste (hausse de l’offre de monnaie)

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Document 14 : demande anticipée, incertitude et investissement

Nos résultats empiriques soulignent l’importance de la demande agrégée anticipée comme facteur déterminant de l’investissement des entreprises. En conséquence, les politiques économiques visant à doper la demande anticipée constituent l’outil le plus efficace pour stimuler l’investissement. Cela étant dit, le rôle des autres facteurs ne doit pas être négligé. Le coût du capital semble jouer un rôle plus modeste pour la plupart des pays, mais notre décomposition par pays révèle qu’il a apporté une contribution importante dans certaines économies périphériques de la zone euro. L’incertitude semble également jouer un rôle. Réduire l’incertitude globale devrait conduire à une hausse de la croissance de l’investissement, conformément à la théorie économique. Lorsque l’on tente de distinguer les contributions des différents déterminants de la croissance de l’investissement des entreprises à court terme depuis la crise financière mondiale, la principale conclusion qui ressort de l’analyse est que le ralentissement de l’investissement des entreprises dans notre panel d’économies avancées est essentiellement dû à la demande anticipée (contribution négative de plus de 80 %), l’incertitude jouant cependant également un rôle (contribution négative de 17 %). En revanche, pour les pays pris dans leur ensemble, le coût du capital contribue peu à cette chute.

Source : Revue en ligne de la Banque de France « Rue de la Banque », n°44, 2017 « Le rôle de la demande anticipée et de l’incertitude dans la récente faiblesse de l’investissement »

2.2.1.3 La construction de la fonction d’offre globale

Document 15 : La courbe d’offre globale à long terme : une droite verticaleLa courbe d’offre globale relie la quantité offerte aux variations du niveau général des prix. Il est important de distinguer deux situations de l’offre globale : le court terme et le long terme.À long terme, l’offre globale d’une économie se fixe au niveau d’utilisation maximal de ses facteurs. Il n’y a pas de gaspillage des ressources. Ce qui fait varier l’offre de long terme, c’est l’évolution de la quantité de facteurs utilisés (travail et capital) et l’évolution de la productivité globale des facteurs. L’offre globale ne réagit donc pas dans ce modèle aux variations du niveau général des prix. Ici, on retrouve l’analyse quantitative de la monnaie et la séparation entre les phénomènes « réels » (la production) et les phénomènes monétaires (l’inflation). Graphiquement, cela signifie qu’une courbe d’offre de long terme est représentée par une droite verticale.

Manuel ESH ECE1, Studyrama, 2017

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Document 16 : La courbe d’offre globale à court terme en présence de rigidités : une droite de pente positive

À court terme, il y a un débat entre économistes pour savoir si la courbe d’offre a une autre forme qu’une droite verticale. Certains considèrent en effet que la courbe d’offre est de pente positive. Lorsque le niveau général des prix augmente, cela stimule l’offre des producteurs, tandis qu’une baisse du niveau général des prix a un effet dépressif sur l’offre. Comment expliquer cette réaction « positive » entre variation du niveau général des prix et variation du produit global ? On distingue généralement trois types d’explication :- Milton Friedman (et les monétaristes) considère que les agents économiques sont victimes d’illusion monétaire et qu’ils commettent des erreurs dans leur interprétation de l’évolution des prix. Par exemple, lorsque les producteurs n’anticipent pas une baisse du niveau général des prix, ils interprètent la baisse des prix des biens qu’ils vendent comme une baisse du prix relatif de ces biens (alors qu’il s’agit en fait d’une baisse du prix nominal de tous les biens). Ils pensent donc que la valeur de leur production baisse et cette confusion les incite à réduire leur production.- John M. Keynes avance, quant à lui, l’argument de la rigidité des salaires nominaux à court terme : les salaires sont négociés et fixés par des contrats pour une période donnée et ne peuvent donc pas s’ajuster immédiatement au niveau général des prix. Lorsque l’inflation (P) s’accélère et que les salaires nominaux (W) sont rigides, cela a pour conséquence de faire baisser le coût réel du travail, qui est mesuré par le rapport (W/P) : les entreprises sont alors incitées à embaucher et la production augmente. Lorsque le niveau général des prix augmente, la rigidité des salaires provoque une hausse de la production.- Pour les nouveaux keynésiens, il existe d’autres rigidités qui empêchent les prix ou les salaires de s’ajuster : le coût de catalogue en est un. Les entreprises ne modifient pas leurs prix à chaque instant. Les prix sur la carte de restaurant ne changent pas tous les jours. Les asymétries d’information entre employeurs et salariés conduisent également à une rigidité des salaires qui ne réagissent pas aux variations du niveau d’activité.On remarque que ces explications disparaissent à long terme : chez Friedman, les agents se défont de l’illusion monétaire ; chez Keynes, les salaires sont renégociés ; chez les nouveaux keynésiens, les entreprises modifient leurs prix. Le court terme est donc bien une période temporaire.Le fait que le court terme se distingue du long terme a une conséquence importante : il peut exister un écart à court terme entre le produit réel et le produit maximal. Dit autrement, un écart entre la croissance réelle et la croissance potentielle ; entre le PIB réel et le PIB potentiel. L’évolution de cet écart représente les fluctuations de l’économie par rapport à son trend de croissance. Ces fluctuations soulèvent alors un autre débat entre ceux qui considèrent que l’État peut intervenir pour les réduire (keynésiens et nouveaux keynésiens) et ceux qui considèrent que l’intervention de l’État est nuisible (les monétaristes).

Manuel ESH ECE1, Studyrama, 2017

Document 17 : les explications de la pente positive de l’offre globale de court termeMécanisme explicatif

Théories de la mésinterprétation

Théorie de J..M. Keynes

Théorie de la nouvelle économie keynésienne

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2.2.1.4 Les déplacements de la fonction d’offre globale

Document 18 : Les déplacements de la courbe d’offre globale de court termeLe profit tiré d’une unité de production détermine la quantité de produit offerte. Si le coût de production unitaire s’accroît, le profit tiré d’une unité de produit diminue et (…) les entreprises diminuent leur production pour ce niveau de prix. La courbe d’offre globale se déplace vers la gauche lorsque les coûts de production augmentent, et vers la droite lorsqu’ils diminuent. Les facteurs capables de déplacer la courbe d’offre globale de court terme son ceux qui affectent les coûts de production : 1) importance des tensions sur le marché du travail ; 2) tentatives des salariés pour accroître leurs salaires réels ; 3) anticipations d’inflation ; 4) variations des coûts de production non salariaux (coût de l’énergie par exemple). En période de forte expansion de l’économie et de tension sur le marché du travail, (…) les employeurs augmentent les salaires pour attirer les travailleurs dont ils ont besoin, poussant alors à la hausse les coûts de production qui s’accompagnent d’une baisse du profit unitaire à un niveau de prix donné.Des revendications salariales couronnées de succès (les salariés obtiennent des augmentations de salaires réels) déplacent la courbe d’offre globale vers la gauche. Tant les travailleurs que les entreprises raisonnent en termes de salaire réel, c’est-à-dire de pouvoir d’achat en biens et services. (…) Un salarié anticipant un accroissement du niveau des prix va demander un salaire nominal plus élevé afin de préserver son salaire réel. (…) Par conséquent, une augmentation du niveau de prix anticipé déplace la courbe d’offre globale vers la gauche ; plus l’inflation anticipée est élevée, plus l’amplitude de déplacement est grande. Le progrès technologique ou les aléas d’approvisionnement en matières premières, qu’on appelle des chocs d’offre, ont également la capacité de déplacer la courbe d’offre globale. Un choc d’offre négatif accroît les coûts de production et déplace la courbe d’offre globale vers la gauche ; un choc d’offre positif abaisse les coûts de production et décale la courbe d’offre globale vers la droite.

Frederic Mishkin et alii, Monnaie, banque et marchés financiers, Pearson, 2010 (9ème édition)

Document 19 : complétez le tableau Evènement affectant l’OG toutes choses étant égales par ailleurs

Effet sur les coûts de

production et le profit unitaire

Effet sur le volume de

l’offre global

e

Choc d’offre positif

ou négatif 

?

Choc affectant les coûts salariaux ou non-

salariaux ?

Représentation graphique du choc d’offre

Excès d’offre sur le marché du travail

Mobilisation collective réussie des salariés pour obtenir des hausses de salaire

Anticipations d’inflation par les salariés

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Baisse du prix du pétrole

Hausse de la fiscalité

Introduction d’une innovation de procédé

2.2.2 Les fluctuations sont les effets de la propagation d’un choc de demande ou d’offre

2.2.2.1 Distinguer le choc (impulsion) et ses conséquences (les effets de propagation)

Document 20 : Le modèle impulsion-propagationImaginons que l’économie soit constamment sujette à des perturbations aléatoires (des chocs). Ils affectent tant la demande (l’esprit des entreprises et le moral des consommateurs tantôt gaillard et tantôt chagrin ; les mesures de politiques économiques) que l’offre (récoltes exceptionnelles ou désastreuses, catastrophes naturelles, grandes inventions ou découvertes telles que la machine à vapeur, l’électricité, les chemins de fer, les ordinateurs ou innovations mineures ; troubles sociaux). La liste des chocs possibles est sans fin. Telles des gouttes de pluie irisant la surface d’un lac, ces chocs heurtent constamment l’économie et provoquent des réactions en chaîne. Ces chocs, souvent appelés impulsions, modifient les conditions de l’offre ou de la demande. Une fois perturbée de façon aléatoire, l’économie entame le type d’ajustement déterministe décrit à la section précédente (mécanisme de l’oscillateur), et ce jusqu’au choc suivant. Le mécanisme de propagation transforme les impulsions en oscillations. (…) Contrairement à la section précédente, il est ici inutile de se mettre en quête d’un improbable cycle qui s’auto-perpétuerait. Il suffit d’accepter l’idée que l’économie soit assaillie par une série interminable de chocs qui l’empêchent de ne jamais se reposer à son état stationnaire. Cette piste est la pierre angulaire de la théorie moderne du cycle conjoncturel. Ce mécanisme d’impulsion-propagation est l’approche dominante des cycles conjoncturels parce qu’il s’accorde bien avec les faits stylisés.

Michael Burda, Charles Wyplosz, Macroéconomie Une perspective européenne, De Boeck, 2009 (5ème édition)

Document 21: la succession des chocs et la croissance de long termeLe caractère aléatoire des chocs explique qu’il en résulte des « cycles » de durée et d’amplitude variables. Si beaucoup de chocs sont liés à des innovations technologiques permanentes, ils ne vont pas seulement produire des cycles conjoncturels, mais à long terme, ils vont se cumuler dans un processus de croissance sans fin. A long terme, le processus de croissance (l’accumulation de chocs positifs) domine les cycles conjoncturels (la réaction à des chocs particuliers).

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Michael Burda, Charles Wyplosz, Macroéconomie Une perspective européenne, De Boeck, 2009 (5ème édition)

2.2.2.2 Un exemple des effets d’un choc de demande positif

Document 22 : Un exemple de cycle conjoncturel impulsé par un choc de demande positif, l’exemple de la réunification allemande

La réunification allemande, vue du point de vue de l’Allemagne de l’ouest, nous fournit un choc de demande difficilement contestable. En effet, on a alors assisté à une hausse rapide de la consommation, de l’investissement et des dépenses publiques des résidents d’Allemagne de l’est, alors que la production est-allemande s’effondrait. Des consommateurs longtemps rationnés et anticipant des revenus accrus ont reçu un accueil empressé des banques d’Allemagne de l’Ouest, heureuses de voir affluer ces nouveaux clients potentiels et de surcroît non endettés. Ces banques étaient également ravies de financer les projets de construction de nouvelles infrastructures et autres installations des pouvoirs locaux. Ce sont les producteurs ouest-allemands, prêts à satisfaire cette hausse de la demande, qui ont le plus bénéficié de ces dépenses. Au départ, la demande n’a pas provoqué de pression inflationniste significative. Ce n’est qu’après deux ans que les signes classiques d’une surchauffe sont apparus : revendications salariales, taux élevés d’utilisation des équipements, … La banque centrale allemande s’est finalement opposée à toute nouvelle croissance monétaire. En permettant une hausse des taux d’intérêt de marché, et en relevant à plusieurs reprises ses taux directeurs, elle a rapidement restauré des conditions non-inflationnistes.

Michael Burda, Charles Wyplosz, Macroéconomie Une perspective européenne, De Boeck, 2009 (5ème édition)

2.2.2.3 Un exemple des effets d’un choc d’offre négatif

Document 23 : Un exemple de choc d’offre négatif, le premier choc pétrolierEn 1973, le monde entier fut frappé par un choc d’offre négatif important : à partir d’un embargo sur le pétrole instauré lors de la guerre israélo-arabe dite du Kippour en octobre, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) parvint à imposer un quadruplement du prix du pétrole en restreignant la production. En outre, de mauvaises récoltes dans un grand nombre de pays conduisirent à une hausse des prix de nombreux produits agricoles. A ce moment, les taux de chômage faibles donnaient un pouvoir de négociation fort aux salariés, leur permettant d’exiger de fortes hausses de salaires. Ces différents éléments conduisirent à un déplacement brutal ESH ECE 1 Camille Vernet Nicolas Danglade 2017-2018

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vers la gauche de la courbe d’offre globale. Comme l’analyse d’offre et de demande globale le prédit, à la fois l’inflation et le chômage augmentèrent rapidement.

Année (source : OCDE) Taux de chômage Taux d’inflation1973 2,7 7,51974 2,9 13,71975 4,2 11,6

La situation se répéta presque à l’identique en 1979, où une nouvelle hausse du prix du pétrole résultat du renversement du Chah d’Iran, et de nouvelles mauvaises récoltes firent de nouveau augmenter les prix agricoles.

Frederic Mishkin et alii, Monnaie, banque et marchés financiers, Pearson, 2010 (9ème édition)

Document 24 : Le choc pétrolier à travers OG-DG

2.3 Une explication endogène mais non déterministe  des fluctuations: le cycle financier

Document 25Les approches mécanistes des cycles font des fluctuations des phénomènes totalement endogènes, tandis que les approches stochastiques (par les chocs aléatoires) font des fluctuations les conséquences de la propagation de chocs d’origines diverses, la multiplicité des chocs dans le temps fournissant la chronologie des fluctuations. L’approche en termes de cycle financier s’appuie sur une explication endogène des fluctuations économiques (elle s’éloigne des approches stochastiques), mais elle ne permet pas de prédire le moment du retournement du cycle (elle s’éloigne des approches mécanistes).

Document 26 : les croyances face à l’avenir joue sur les comportements de crédit + le paradoxe de la tranquillité

À partir des travaux de Knut Wicksell, Hyman Minsky (Can “it” Happen Again? Essays on Instability and Finance, 1982) garde le rôle des banques et de la création monétaire dans le cycle et de John M. Keynes, il conserve les anticipations et les croyances des agents dans l’avenir. Les décisions d’investissement sont marquées par l’incertitude radicale et les agents à besoin de financement (les entreprises), aussi bien que ceux à capacité de financement (les banques par exemple), agissent en s’appuyant sur l’idée générale qu’ils se font de l’avenir ; ce que l’on pourrait appeler aujourd’hui le climat des affaires, ou une convention financière chez André Orléan (Les Crises financières, 2004). Les facteurs qui alimentent cette croyance dans l’avenir sont rationnels mais s’appuient aussi sur des ressorts plus psychologiques. John M. Keynes (Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, 1936) parle à ce propos des « esprits animaux » des agents économiques. Lorsque les croyances dans l’avenir sont optimistes, ESH ECE 1 Camille Vernet Nicolas Danglade 2017-2018

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les banques ouvrent l’accès au crédit, les investisseurs achètent des titres sur les marchés. L’endettement des agents progresse. Peu à peu des projets de moins en moins rentables sont financés et les premières faillites apparaissent. Dès que le rendement commence à décevoir, les croyances dans l’avenir basculent et passent de l’optimisme au pessimisme. Ce qui provoque la récession, voire la dépression économique, c’est la situation d’endettement des agents économiques et le changement de comportement des banques.

Manuel ESH ECE1, Studyrama, 2017

Document 27 : l’effet massue de l’endettement et le mécanisme de « déflation par la dette »Pris à la gorge par le retournement de l’activité, les agents endettés cherchent à se débarrasser de leur dette et à obtenir de la liquidité. Les ventes en catastrophe sur les marchés financiers font chuter les prix des actifs et appauvrissent les agents. Cette situation génère une chute de la demande et une baisse des prix, ce qu’Irving Fisher (The Debt-Deflation Theory of Great Depressions, 1933) a appelé la déflation de dette. De leur côté, les banques ferment le robinet du crédit, ce qui assèche le financement de l’économie réelle et accentue l’effet dépressif. C’est donc durant la période d’optimisme que les germes de la crise prennent naissance : la dynamique d’endettement qui stimule la croissance devient l’élément à l’origine de la dépression quand le cycle se retourne. Hyman Minsky parle de paradoxe de la tranquillité pour montrer le lien entre les deux phases du cycle.

Manuel ESH ECE1, Studyrama, 2017

Document 28 : Irving Fisher et la déflation par la dette

Document 29 : synthèse

Explication des fluctuations Exogène EndogèneDéterministe Oscillateur

GoodwinNon déterministe Effets de chocs d’offre ou de

demande aléatoiresCycle financier

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3. Faut-il lutter contre les crises (retournement de conjoncture) ?

3.1 Les théories keynésiennes marquent une rupture dans le rôle donné aux pouvoirs publics face à l’instabilité de l’activité économique

Document 30 : les crises, une fatalité dans l’économie du 19ième siècle, Clément JuglarLes premières analyses générales des crises et des cycles apparaissent au 19 ème siècle. Clément Juglar publie en 1862 Des crises commerciales et leur retour périodique en France, en Angleterre et aux États-Unis : « Les crises, comme les maladies, paraissent une des conditions de l’existence des sociétés où le commerce et l’industrie dominent. On peut les prévoir, les adoucir, s’en préserver jusqu’à un certain point, faciliter la reprise des affaires. Mais les supprimer, c’est ce qui jusqu’ici, malgré les combinaisons les plus diverses, n’a été donné à personne. » C. Juglar montre la présence de mouvements réguliers des prix et de l’activité sur des durées d’environ neuf à dix ans. Il avance l’idée que de la crise va surgir la reprise de l’activité : « La seule cause de la dépression, c’est l’essor », et inversement. On appelle également le cycle Juglar, le cycle des affaires.

Document 31 : La crise de 1929 pose la question des fluctuations d’une nouvelle manièreLa grande crise de 1929 a entraîné une diminution considérable de l’activité, des prix et de l’emploi. Ce fut véritablement une catastrophe dont les conséquences politiques sont sans doute l’apparition, ou le développement des régimes autoritaires, du fascisme et du nazisme. Alors que jusque-là la crise économique apparaissait comme une purge nécessaire, voire salutaire, au bon fonctionnement de l’économie capitaliste*, il apparut que l’existence même des régimes démocratiques pouvait, de ce fait, être mis en cause. La seconde guerre mondiale fait apparaître la possibilité de maîtriser l’économie ; la guerre fut mondiale et totale, demandant la mobilisation de l’ensemble des ressources. Le libre jeu du marché fut ainsi aboli pendant un laps de temps considérable, et dans un bon nombre de pays se réclamant jusque-là de la libre entreprise. La période de la reconstruction de l’immédiat après guerre montra qu’il était à la fois nécessaire et possible de maîtriser l’économie, et de mettre en place des régimes d’économie « mixte », caractérisés par une certaine coexistence du « plan » et du « marché ». L’apparition et le développement d’économies planifiées contribuèrent également à l’accroissement de l’intervention de l’Etat dans le domaine économique. (…) N.Krouchtchev déclare que le niveau de vie de l’URSS dépassera en 1975 le niveau de vie américain. Le monde occidental rencontre ainsi un défi : le taux de croissance apparaît ainsi comme le test de réussite (et d’échec) d’un régime politique. D’où une nouvelle raison pour les pouvoirs publics d’intervenir. De nouvelles possibilités d’action apparaissent, de nouveaux outils, de nouveaux concepts. Le terme même de « macro-économie » est forgé par R.Frisch en 1933 ; jusque là, il n’existe guère qu’une analyse du comportement individuel, « micro-économique » du producteur et du consommateur ; aucune vision globale, aucune possibilité d’action ou d’intervention sur des millions d’individus isolés. La Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (1936) constitue une véritable révolution ; non seulement parce qu’elle permet une analyse intégrée des phénomènes réels et des phénomènes monétaires, mais parce qu’elle invite à un changement complet de perspective. L’univers de Keynes est très largement un univers de totalité  ; ce sont des quantités saisies au niveau le plus global qui sont prise en compte : produit national, revenu national, investissement, consommation – toutes grandeurs émanant non d’un individu, mais d’une collectivité. Le grand avantage d’un tel changement d’approche est de prêter directement à la quantification, à la mesure et aux possibilités d’intervention. C’est largement à partir de ces concepts, de la macro-économie dite « keynésienne » qu’ont été mise en place les différents systèmes de comptabilité nationale au lendemain de la Seconde guerre mondiale ; de nouvelles possibilités de mesure, d’intervention et d’action apparaissent ainsi parallèlement. Et la régularisation de la conjoncture est alors frappante. La croissance est non seulement d’une vigueur, mais également d’une régularité à peu près sans précédent ; si le terme de « récession » remplace celui de « crise » c’est que aucun des grands pays occidentaux ne subit pendant environ un quart de siècle de diminution de production et d’activité ; les ralentissements constatés sont de faible durée et de faible ampleur. C’est jusqu’à la fin des années 1960 l’ère du « keynésianisme triomphant ». *Andrew Mallon qui était secrétaire d’Etat au Trésor des Etats-Unis déclara « liquider le travail, liquider les stocks, liquider les fermiers, liquider l’immobilier … éliminer la pourriture du système ».

Gilbert Abraham-Frois, Dynamique économique, Dalloz, 2002

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3.2 Lutter contre les crises au 20ième siècle : dompter les fluctuations économiques par des politiques de stabilisation

Document 32 : il existe un écart entre croissance potentielle et croissance réelleLes économistes contemporains se sont dotés de nouveaux outils pour distinguer la tendance de long terme et les fluctuations de court terme. Ils introduisent donc la notion de croissance potentielle à partir de laquelle il est désormais possible de mesurer un écart de production (output gap) qui indique l’état de la conjoncture. La mesure de la croissance potentielle repose sur un modèle dans lequel on évalue ce que serait le niveau de production de l’économie si elle utilisait pleinement tous ses facteurs de production : il n’y a donc ni chômage conjoncturel, ni sous-utilisation des capacités de production des entreprises. Sur le long terme, la hausse de la croissance potentielle dépend de l’accumulation des différents capitaux : le capital physique, le capital technologique, le capital humain et le capital public. À partir de l’après-Seconde Guerre mondiale, la croissance potentielle ne cesse d’augmenter, et elle peut être assimilée à la tendance de croissance de long terme de l’économie.À court terme, la croissance réelle peut s’écarter de la croissance potentielle. Lorsqu’elle se situe au-dessous, cela signifie qu’une partie des facteurs à disposition de l’économie n’est pas utilisée. L’écart de production est négatif : la croissance est inférieure à ce qu’elle pourrait être. Mais l’écart de production peut être au contraire positif : la croissance réalisée est supérieure au potentiel de croissance. Il s’agit ici d’une situation de « surchauffe » de l’économie où l’économie produit au-delà de ses capacités en mobilisant par exemple les heures supplémentaires. La distinction croissance effective/croissance potentielle permet donc de comparer la situation conjoncturelle à la tendance de long terme de l’économie : les fluctuations économiques représentent alors simplement la position de l’économie par rapport au trend de long terme.

Manuel ESH ECE1, Studyrama, 2017

Document 33 : L’output gap comme mesure des fluctuationsComme l’écrit Joseph Stiglitz dans Principes d’économie moderne (2008), « la production ne croît pas de façon régulière : la progression en dents de scie (de l’évolution du PIB réel) témoigne des fluctuations autour d’une tendance générale à la croissance (d’un trend croissant) (…). La différence entre le niveau effectif du PIB d’une économie et sa valeur potentielle constitue une mesure importante des fluctuations ». Le graphique 1 illustre la hausse continue du PIB potentiel dans le cas des Etats-Unis pour la période entre 1960 et 2000. Les fluctuations, c’est-à-dire les variations du PIB réel, s’enroulant autour du PIB potentiel.

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Document 34 : Ecart de production et chômageDans le graphique 2, on observe la corrélation entre écart de production (trait gris ; échelle de gauche) et taux de chômage (trait bleu, échelle de droite). Lorsque l’écart de production devient négatif parce que la croissance réalisée passe au-dessous de la croissance potentielle, alors le taux de chômage conjoncturel augmente, ce qui fait augmenter le taux de chômage. Cette situation correspond par exemple à la période 1980-1984. La relation qui va du taux de croissance vers le taux de chômage s’appelle le gap d’Okun (1962).

Document 35 : La Loi d’OkunNous avons décrit précédemment l’écart de production comme la différence entre le PIB effectif et le PIB potentiel exprimée en % du PIB potentiel. Quand l’écart de production est nul, le PIB effectif est égal au PIB potentiel et l’économie est au plein emploi. Etre au plein-emploi ne signifie pas que le taux de chômage est nul : il y aura toujours du chômage saisonnier, frictionnel ou structurel. En revanche, il n’y a pas de chômage conjoncturel. On appelle taux de chômage naturel le taux de chômage qui prévaut quand le chômage conjoncturel est nul. Quand l’écart de production est positif, le taux de chômage effectif est inférieur au taux de chômage naturel. Quand, il est négatif, le taux de chômage effectif est supérieur au taux de chômage naturel. Le taux de chômage peut varier au cours du temps sous l’influence de facteurs comme la structure de la population active par exemple. Par exemple, le taux de chômage des salariés les plus jeunes est en général plus élevé que celui des salariés plus âgés. Par conséquent, quand la génération du baby-boom a commencé faire partie de la population active, pendant les années 1960, le taux de chômage associé à un écart de production nul s’est accru. Au cours des années 1970 et 1980, la plupart des économistes pensaient que le taux de chômage naturel se situait autour de 6 %. Dans la mesure où les salariés entre 40 et 60 ans connaissent des taux de chômage inférieurs à la moyenne, le taux de chômage naturel a baissé à mesure que la génération du baby-boom prenait de l’âge. Actuellement, de nombreux économistes pensent que la valeur du taux de chômage naturel se situe entre 5 et 5,5 %.La figure ci-dessous montre la relation existant les fluctuations du taux de chômage et celles du produit de l’économie. (…) La relation décroissante entre l’écart de production et le taux de chômage apparaît clairement. L’économiste Arthur Okun (…) a montré que, quand une économie sort d’une récession, la production augmente d’un % supérieur à celui de l’emploi. En sens inverse, quand une économie entre en récession, la production baisse d’un % supérieur à celui de l’emploi. Ce résultat est connu sous le nom de loi d’Okun. Les estimations actuelles de la relation entre l’écart de production et l’emploi laissent penser qu’un accroissement d’un point de pourcentage du taux de chômage correspond à une diminution d’environ 2 % de l’écart de production.

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Joseph Stiglitz, Principes d’économie moderne, De Boeck, 2007

Document 36 : l’approche des fluctuations à travers l’écart de productionPIB réel par

rapport au PIB potentiel

Expansion, récession ou

stabilité du taux de croissance

Corrélation avec le taux de chômage

Corrélation avec le taux d’inflation

Output gap positif PIB réel > PIB potentiel

Expansion

Baisse du taux de chômage (car baisse de sa dimension

conjoncturelle)

Accélération de l’inflation

Output gap nulPIB réel < PIB

potentiel RécessionTaux de chômage à son niveau naturel

Stabilité de l’inflation

Output gap négatif

PIB réel = PIB potentiel Stabilité du taux

de croissance

Hausse du taux de chômage (car hausse de sa dimension

conjoncturelle)

Ralentissement de l’inflation

Document 37 : la politique budgétaire pour lutter contre l’insuffisance de la demande globaleSi la question des dépenses publiques et de leur financement est très ancienne, la politique budgétaire, au sens où on l’entend généralement, renvoie à une utilisation du budget de l’Etat propre au keynésianisme, popularisé dans le courant de la Grande Dépression. Sa finalité est de réguler les à-coups de la conjoncture, liés à l’instabilité de la demande et à l’existence de cycles économiques. A court terme, les économistes admettent généralement que l’économie fonctionne selon des mécanismes keynésiens : c’est la demande, et non l’offre, qui détermine le niveau de production, car les salaires et les prix

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sont rigides, notamment à la baisse, en raison des coûts d’étiquetage, de contrats entre fournisseurs et des procédures de négociation des salaires. En l’absence de mécanisme de flexibilité des prix, ce sont les quantités qui s’ajustent : les entreprises adaptent leur offre à la demande, dans la limite de leurs capacités productives. Il découle que l’économie peut à tout moment se trouver en situation de sous-emploi des capacités de production ou au contraire fonctionner en surrégime (recours aux heures supplémentaires par exemple). (…) L’objectif de la politique budgétaire est donc de réduire l’output gap, à savoir l’écart entre la production potentielle correspondant au plein emploi des capacités de production, et la production réelle, en compensant le niveau trop faible ou excessif de la demande privée par un budget public déficitaire ou excédentaire. L’action des pouvoirs publics, (…) s’ajoute à celle des « stabilisateurs automatiques ». Source : Les notices de la documentation française « La politique économique et ses instruments », 2010, p. 96

Document 38 : la complémentarité entre la politique budgétaire et la politique monétaire (le policy-mix)La politique budgétaire est complémentaire de la politique monétaire, qui constitue l’autre levier de stabilisation de la conjoncture. (…) Dans la perspective du modèle IS/LM, qui a servi de fondement à l’action économique des pouvoirs publics pendant plusieurs décennies, l’augmentation de l’activité accroît la demande de monnaie pour motif de transaction. Si l’offre (de monnaie) reste fixe, le taux d’intérêt s’élève, provoquant une baisse de la demande globale par le canal de l’investissement annulant partiellement les effets de la relance. Une expansion monétaire (donc une hausse de l’offre de monnaie) permet alors de lutter contre cet effet et de préserver l’efficacité de la politique budgétaire. En phase ascendante du cycle, la discipline budgétaire et l’austérité monétaire se complètent également : elles permettent toutes deux de modérer les tensions inflationnistes et d’éviter un emballement non maîtrisé de la croissance économique, souvent associé à la formation de bulles spéculatives. Source : Les notices de la documentation française « La politique économique et ses instruments », 2010, p. 96-

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Document 39 : graphique O/D globales chez les keynésiens de la synthèse (modèle « traditionnel »)

Source : F.Mishkin « Monnaie, banque et marchés financiers », Pearson, 2007 p. 872

Document 40 : le modèle des nouveaux keynésiens et le rôle des anticipations des agents dans un univers de viscosité des salaires et des prix

Dans le modèle des nouveaux classiques, les prix et les salaires sont complètement flexibles  : ils intègrent en temps réel les anticipations de variation du niveau général des prix. Cela signifie qu’une augmentation anticipée du niveau général des prix se traduit par une augmentation immédiate et égale se traduit par une augmentation immédiate et égale du niveau des salaires et des prix. Beaucoup d’économistes, qui acceptent l’hypothèse des anticipations rationnelles comme hypothèse de travail, n’adhèrent pas pour autant à la conception des nouveaux classiques de la flexibilité des prix et des salaires. Ces économistes, les nouveaux keynésiens, s’opposent à l’hypothèse de flexibilité parfaite des prix et des salaires, et identifient au contraire des facteurs qui contribuent à la rigidité des prix et des salaires alors même qu’une augmentation du niveau général des prix est anticipée. Les contrats de travail de longue durée sont ainsi à l’origine de rigidités empêchant les salaires et les prix de réagir instantanément à une augmentation anticipée du niveau général des prix. Les salariés peuvent être liés à leur entreprise par un contrat de travail qui définit leur salaire pendant les prochaines années. Même si, en réaction à la publication d’une information nouvelle, ces salariés révisent leurs anticipations sur

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l’évolution du niveau général des prix, ils ne pourront pas renégocier leurs salaires du fait de l’accord salarial qui les engage. Il leur faudra attendre la fin du contrat, et sa renégociation, pour tenir compte du taux d’inflation qui sera anticipé à ce moment là. A l’instant présent, dans tous les cas, les salaires sont rigides. Un autre facteur de rigidité est que les entreprises peuvent être réticentes à modifier les salaires, même en l’absence de contrats explicités pour les fixer. En effet, de telles modifications peuvent contribuer à une baisse de motivation des salariés. (…) Une rigidité des prix peut aussi apparaître parce que les entreprises sont liées à des fournisseurs ou des sous-traitants par des contrats de longue durée sans possibilité de renégocier les prix, ou parce qu’il est coûteux pour l’entreprise de renégocier fréquemment les prix. Toutes ces rigidités, qui diminuent la flexibilité des prix et des salaires, peuvent expliquer qu’une augmentation anticipée du niveau général des prix ne se traduise pas immédiatement par un ajustement des prix et des salaires et ce, même si les rigidités en question ne concernent pas tous prix, ni tous les salaires. Les nouveaux keynésiens, s’ils n’acceptent pas la flexibilité totale des prix et des salaires des nouveaux classiques, reconnaissent néanmoins l’importance des anticipations dans la détermination de l’offre globale. Ils acceptent donc la théorie des anticipations rationnelles comme mode de formation des anticipations. Ils ont développé un modèle qui intègre les anticipations rationnelles sans pour autant supposer une flexibilité totale des prix et des salaires. Sa conclusion est qu’une politique économique non anticipée est plus efficace qu’une politique anticipée (comme dans le modèle des nouveaux classiques). Toutefois, contrairement au modèle des nouveaux classiques, la proposition d’inefficacité de la politique économique ne s’applique pas. Les politiques économiques, mêmes anticipées, ont un effet sur le produit global et sur le cycle économique.

Source : F.Mishkin « Monnaie, banque et marchés financiers », Pearson, 2007 p. 867-868

Document 41 : les nouveaux keynésiensLe modèle des nouveaux keynésiens prend une position intermédiaire entre les deux modèles précédents, puisque, contrairement au modèle des nouveaux classiques, les politiques anticipées ont tout de même un effet sur le produit global et parviennent à en réduire les fluctuations. Les responsables de la politique économique peuvent compter sur une certaine efficacité des politiques économiques actives, même si elles sont anticipées, et peuvent les utiliser pour stabiliser l’économie. Contrairement au modèle traditionnel, le modèle des nouveaux keynésiens opère une distinction entre politiques anticipées et politiques non anticipées. Les responsables de la politique économique font face à une plus grande incertitude sur les conséquences de leurs actions, parce qu’ils ne peuvent pas savoir si, ou dans quelle mesure, leurs actions sont anticipées par les agents économiques. En dépit de cette incertitude, les politiques de stabilisation agiront toujours dans le bon sens et atteindront, plus ou moins généralement, leurs objectifs. Le modèle des nouveaux keynésiens conclut donc qu’une politique de stabilisation peut être bénéfique, mais l’incertitude à propos des conséquences exactes d’une telle politique rend difficile la définition de la politique économique optimale.

Source : F.Mishkin « Monnaie, banque et marchés financiers », Pearson, 2007 p. 872

Document 42 : O/D globales et nouveaux keynésiens

Source : F.Mishkin « Monnaie, banque et marchés financiers », Pearson, 2007 p. 872

3.3 Les déséquilibres économiques sont les conséquences de l’action publique ESH ECE 1 Camille Vernet Nicolas Danglade 2017-2018

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Document 43 : Les crises sont la conséquence d’institutions entravant la flexibilité des prix et le fonctionnement efficient des marchés (Jacques Rueff et Lionel Robbins)

Document 44 : la politique monétaire expansionniste provoque des crises de surproduction (autrichiens)

Document 45 : La lecture autrichienne de la crise japonaiseLe Japon a connu une forte croissance à la fin des années 1980, suivie d’une crise brutale au début des années 1990, à laquelle a succédé une période de plus d’une décennie de stagnation déflationniste. Selon l’explication autrichienne, la croissance de la fin des années 1980 est artificiellement causée par la politique expansionniste de la Bank of Japan (BoJ) à la suite des accords du Plaza. En 1985, le Japon signe cet accord dans le cadre du G5 sous l’impulsion américaine ; l’objectif est d’endiguer la forte appréciation du dollar face au mark et au yen afin de rééquilibrer la balance commerciale des Etats-Unis. L’économie japonaise, très dépendante de ses exportations, craint alors que l’appréciation qui s’en suit du yen ne l’entraîne dans la récession et, à partir de 1985, la BoJ accroît l’offre monétaire de 10,5 % par an jusqu’en 1990, avec des taux d’escompte passant de 5 % en janvier 1986 à 2,5 % en février 1987 (…). Cette politique incite dans le

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même temps les consommateurs à accroître leur dépenses (à réduire leur épargne) et les entrepreneurs à accroître leurs investissements : entre 1987 et 1990, la consommation des ménages augmente de 5,6 % par an en moyenne, alors que les investissements croissent de 10,63 % par an. Cette croissance n’est soutenable que tant que la BoJ continue ses injections monétaires massives, l’économie se trouvant, selon la grille autrichienne, au delà de sa frontière des possibilités de production (le chômage commence à chuter à partir de 1987 jusqu’à atteindre le plancher de 2% en 1990).En réalité, l’afflux de fonds prêtables a une double origine : d’une part la politique monétaire souple de la BoJ ; de l’autre, sous l’effet de la dépréciation du dollar, le rapatriement de l’épargne extérieure japonaise libellée en dollar. Cet afflux de liquidité s’oriente massivement vers l’immobilier et le marché des actions, alimentant jusqu’en 1990 une énorme bulle spéculative : l’indice Nikkei est multiplié par quatre entre 1986 et 1990, le prix du foncier résidentiel fait plus que doubler et celui du foncier commercial est multiplié par cinq sur la même période. Bien que l’indice des prix à la consommation ne connaisse qu’une accélération contenue, la crainte inflationniste incite la BoJ à modifier sa politique avec cinq hausses consécutives du taux d’escompte, passant de 2 % à 6 % entre mai 1989 et août 1990 ; c’est le point de retournement du boom en crise. En 1992, le Nikkei a perdu la moitié de sa valeur, et les prix de l’immobilier commencent une chute vertigineuse qui durera plusieurs années, entraînant un effet boule de neige sur l’économie financière et réelle dû aux spécificités du système bancaire nippon. En effet, les prêts souscrits pour spéculer sont quasi exclusivement garantis par des hypothèques immobilières. Le retournement des actifs financiers et immobiliers engendre des difficultés de remboursement, et les banques accumulent les créances douteuses. De plus en plus d’investissements, avec la hausse des taux d’intérêt, ne sont plus profitables et de nombreuses entreprises deviennent insolvables, fragilisant encore plus le système bancaire nippon. Monétaristes et autrichiens s’accordent pour voir dans la restriction monétaire de 1990 la cause de la récession. Mais alors que les monétaristes pensent qu’il aurait fallu continuer l’expansion monétaire et ainsi éviter la crise, les autrichiens voient dans la contraction un mal nécessaire pour réharmoniser la structure productive avec les préférences intertemporelles des ménages (arbitrage épargne-consommation). Dix ans plus tard cependant – la décennie perdue –, le processus d’autocorrection n’a toujours pas pris place en raison des interventions publiques massives d’inspiration keynésienne qui ont pris le relais dès le début des années 1990, consistant à renflouer les banques en difficulté, à nationaliser des industries, empêchant l’assainissement de la structure productive. La dette publique japonaise est passée de 50 % du PIB en 1992 à 125 % en 2002, avec douze plans de relance successifs. Dans le milieu des années 1990, le gouvernement a également tenté une politique monétaire expansive avec une baisse du taux d’intérêt jusqu’à 0,5 % qui n’a guère réussi à redynamiser les investissements dans un environnement déprimé offrant de faibles perspectives de profit.  Selon les autrichiens, ces interventions publiques n’ont fait que contrecarrer le processus spontané d’ajustement en enfonçant l’économie dans une spirale déflationniste plus longue et douloureuse.

Sandye Gloria-Palermo, L’école économique autrichienne, Collection Repères, La Découverte, 2013

Document 46 : M.Friedman introduit l’importance des anticipations des agents pour expliquer pourquoi les politiques monétaires ont provoqué l’entrée dans la stagflation dans les années 1970

L’inflation galopante se traduit à la fin des années 1970 par une hausse du niveau général des prix de 15% aux Etats-Unis et de 22% en Italie. Mais cette accélération continue de l’inflation s’accompagne aussi d’une hausse du chômage. Les autorités doivent désormais faire face en même temps à plus de chômage et plus d’inflation. Les politiques de stimulation qui sont menées pour freiner le chômage n’arrêtent pas sa hausse tout en produisant de l’inflation, et les politiques de freinage ne stoppent pas l’inflation alors que le chômage continue de croître. L’arbitrage inflation-chômage disparaît. L’école monétariste propose une explication de cette période, qualifiée de stagflation par Milton Friedman. Elle s’appuie tout d’abord sur une réinterprétation de la courbe de Phillips qui est désormais « augmentée des anticipations ». Le point de départ du raisonnement est la mise en place d’une politique monétaire expansionniste cherchant à réduire le chômage. cette politique produit de l’inflation à court terme : la quantité de monnaie augmente alors que la quantité de biens et servies à échanger n’augmente pas (l’offre est rigide à court terme). mais cette inflation est confondue par les agents économiques avec une hausse de leur pouvoir d’achat  : il y a phénomène d’illusion monétaire. Ils se mettent donc à consommer davantage, la demande globale augmente, ce qui réduit sensiblement le taux de chômage. Mais rapidement, cette illusion monétaire disparaît. Les salariés se rendent compte que leur pouvoir d’achat n’a pas augmenté, au contraire, l’inflation l’érode. Ils demandent, et obtiennent, des hausses de salaires. Les coûts de production augmente, un choc d’offre négatif se met en place. Le chômage se remet à augmenter. Lorsque l’illusion monétaire, se dissipe l’économie sort du court terme pour

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aller vers le long terme. que reste-t-il de la politique monétaire ? un taux d’inflation qui a augmenté et un taux de chômage qui n’a pas bougé. C’est pour cela que sur le long terme, la courbe de Phillips augmentée des anticipations est verticale. Les agents font alors preuve d’anticipations adaptatives, ils savent désormais que la politique expansionniste provoque de l’inflation et réduit leur pouvoir d’achat. A chaque annonce d’une politique de relance, ils cherchent à compenser la future perte de pouvoir d’achat en obtenant une hausse de salaire. L’effet de la relance monétaire est donc de plus en plus faible. Le taux de chômage ne baisse pas et le taux d’inflation augmente.

Document 47 : comment expliquer les erreurs répétées des politiques monétaires durant les années 1970 ? (M.Friedman)

Pour Friedman, à partir de la fin des années 1960, le taux de chômage progresse car sa partie «  naturelle » augmente. Friedman définit le chômage « naturel » comme celui qui découle du fonctionnement du marché du travail et non pas celui qui découle du niveau global de la demande (explication keynésienne du sous-emploi). Le fonctionnement du marché du travail se caractérise par un niveau de demande de travail donné (de la part des entreprises), un niveau de travail offert (de la part des actifs) et par les conditions dans lesquelles se rencontrent cette offre et cette demande. Le taux de chômage « naturel » ou « structurel » peut donc augmenter dès lors que le rythme de création d’emplois diminue, que les actifs refusent certains emplois ou que les conditions d’appariement entre l’offre et la demande sont mauvaises. Or, cette augmentation de la partie naturelle du taux de chômage n’est pas perçue par les autorités en charge des politiques publiques. elles multiplient donc les politiques de relance alors que le taux de chômage naturel ne cesse d’augmenter. Le résultat est une hausse continue de l’inflation et dans le même temps un taux de chômage qui progresse en raison de la croissance de sa partie « naturelle ». Le taux de chômage naturel (ou structurel) est indépendant du niveau de l’inflation et il n’est pas modifié par la politique monétaire.

Document 48 : l’explication monétariste de la stagflation, la courbe de Phillips « augmentée des anticipations »

Document 49 : La lecture monétariste de la crise des années 1930 : la Fed est responsable parce qu’elle n’a pas joué sont rôle de prêteur en dernier ressort

La crise des années trente a été un événement d’une rare violence. Entre 1929 et 1933, la masse monétaire diminue de 26 %, le niveau des prix de 25 % et la production de 27 %. Sur la même période, des milliers des banques font faillite en plusieurs vagues. Après plusieurs décennies, les économistes ne s’accordent toujours pas sur les mécanismes exacts qui ont généré ces dynamiques dépressives. L’interprétation monétariste domine

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A partir de la fin des années 1970, le taux de chômage augmente

Les pouvoirs publics considèrent que cette hausse est conjoncturelle

Mise en place de politiques de relance

La politique monétaire a un impact de court terme car les AE ont des anticipations adaptatives

Une fois agents économiques anticipent la future inflation, ils agissent de manière à se prémunir contre les pertes de pouvoir d’achat

La hausse des coûts conduit les entreprises à réduire leur demande de travail= le chômage augmente et revient à son niveau de départ (qui est le chômage

naturel)

Le renouvellement de la politique monétaire expansionniste conduit donc à l’accroissement de la quantité de monnaie en circulation sans hausse de la

production = inflation par la monnaie

En réalité, c’est le taux de chômage naturel qui augmente

Sur le court terme

Sur le long terme

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aujourd’hui dans les débats universitaires et ce sont Milton Friedman et Anna Schwartz (1963) qui en ont donné la formulation la plus célèbre.Les deux économistes se sont appuyés sur l’équation quantitativiste pour affirmer que la contraction monétaire fut relativement exogène au déclin de la production : la diminution de la quantité de monnaie et la décélération de la vitesse de circulation, impulsée par la ruée sur les billets, auraient entraîné l’effondrement de la valeur de la production. En raison du multiplicateur monétaire, les banques réagissent à une baisse des dépôts en réduisant plus que proportionnellement leurs prêts pour maintenir leur liquidité. Par conséquent, avec l’aggravation de la crise bancaire, la baisse des dépôts et la nécessité d’accroître les réserves se seraient mutuellement renforcées pour conduire à un assèchement du crédit. Confrontées à des difficultés croissantes de financement, les entreprises ont diminué leurs dépenses, licencié leur personnel, voire fait faillite. La chute subséquente de l’investissement, de la consommation et de la production aurait alors rétroagi sur les turbulences bancaires.Dans le schéma monétariste, la dépression trouve donc sa source dans les crises bancaires. Celles-ci apparaissent comme largement exogènes : elles expliquent la sévérité de la crise sans avoir elles-mêmes été produites par une quelconque évolution économique dans la période antérieure. Friedman et Schwartz ont donc cherché à identifier, dans le chapitre 7 de leur ouvrage A Monetary History of the United States (1963), les différents mouvements de la masse monétaire qui apparaissent inhabituels au regard des conditions économiques de la période courante, mouvements qu’ils qualifient de « chocs monétaires ». Ils concluent leur étude en accusant la Fed d’avoir été responsable, ne serait-ce que par son inaction, des divers enchainements qui ont conduit à transformer la récession en véritable dépression. La banque centrale aurait en effet insuffisamment alimenté en liquidité le système bancaire pour stopper la chute des dépôts ; elle ne se contente, par exemple, de réaliser des opérations d’open market qu’au début de la crise, fin 1929, et brièvement durant l’été 1932. Or, privées de liquidité interbancaire, les banques se révèlent incapables de maintenir leur activité de prêt, ce qui amplifie le ralentissement de l’activité.

Source : http   ://www.blog-illusio.com/article-l-interpretation-monetariste-de-la-grande-depression-114862410.html

Document 50 : l’effet d’éviction annule l’effet multiplicateurSur le plan théorique, les fondements mêmes de la politique budgétaire sont remis en cause par les économistes d’inspiration libérale, qualifiés par opposition aux keynésiens, de « classiques ». Une première critique des politiques budgétaires keynésiennes met en évidence un effet d’éviction de la demande privée par la demande publique. L’idée est que le creusement du déficit budgétaire induit par la politique de relance provoque une augmentation de l’offre de titres publics qui pousse le taux d’intérêt à la hausse. Il en résulte une réduction de la demande par le canal de l’investissement, qui annule l’augmentation initiale de la production. (…) Source : Les notices de la documentation française « La politique économique et ses instruments », 2010, p.100

Document 51 : les agents économiques modifient leur comportement une fois la politique budgétaire mise en œuvre, ces changements annulent l’effet multiplicateur

L’essentiel de la critique « classique » consiste à remettre en question les hypothèses relatives au comportement des agents économiques. Keynes et ses successeurs avaient déjà montré que l’efficacité du multiplicateur dépendait du comportement des agents économiques en matière de consommation et d’épargne. Les monétaristes puis les nouveaux classiques construisent une critique fondée essentiellement sur le comportement des agents (les anticipations) et la flexibilité des prix. (…) Milton Friedman suppose que le comportement des ménages ne se fonde pas sur le revenu courant mais le revenu permanent, qui prend en compte les revenus passés et les revenus futurs anticipés. Les revenus transitoires supplémentaires perçus à la suite d’une politique de relance auront donc tendance à être épargnés, remettant en cause le mécanisme du multiplicateur. Une autre hypothèse relative au comportement des agents économiques est avancée par Barro, qui reprend une intuition de Ricardo : financer les dépenses publiques par une hausse des impôts ou par un emprunt revient au même, car dans le second cas, les ménages anticipent une hausse future des impôts pour rembourser la dette, et épargnent donc le surcroît de revenus distribués. Les effets de l’expansion budgétaire sont donc annulés par les anticipations des agents économiques.Source : Les notices de la documentation française « La politique économique et ses instruments », 2010, p.100

Document 52 : la politique budgétaire n’est pas efficace et par ailleurs elle a des effets négatifs (inflation + déficit)

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L’augmentation de la demande provoquée par une expansion budgétaire n’a donc aucun autre effet que celui de produire de l’inflation et creuser le déficit public, et les ajustements de prix sont d’autant plus rapides que les agents anticipent l’effet inflationniste des politiques. C’est ce qui a amené certains économistes à dire que les politiques budgétaires ne peuvent être efficaces que si les agents économiques sont victimes de l’illusion monétaire. Or, cette méprise est de moins en moins probable au fur et à mesure que les politiques sont répétées. Leur efficacité, limitée au très court terme, ne reposerait alors que sur un effet de surprise. A la remise en cause de l’efficacité des politiques budgétaires s’ajoute ainsi une critique portant sur leur légitimité  : est-il acceptable, d’un point de vue démocratique, de recourir à des mesures nécessitant de « tromper » le citoyen ? Source : Les notices de la documentation française « La politique économique et ses instruments », 2010, p.100

Document 53 : O/D globales et nouveaux classiquesLe résultat final de la politique budgétaire = plus d’inflation pour un produit global qui n’augmente pas

Source : F.Mishkin « Monnaie, banque et marchés financiers », Pearson, 2007 p. 872

Document 54 : les pouvoirs publics ne défendent pas l’intérêt général (Ecole du public choice)Le courant du Public Choice complète la critique des politiques budgétaires en mettant l’accent sur le comportement des dirigeants politiques, qui à l’opposé de l’hypothèse de l’autorité publique bienveillante, sont supposés penser avant tout à leur réélection. Les effets pervers des politiques de relance sont alors d’autant plus à craindre que les gouvernements ont intérêt à creuser régulièrement le déficit budgétaire : les gains sont immédiats (croissance & emploi) tandis que les coûts sont reportés à plus tard. Aucun gouvernement n’a en revanche intérêt à baisser les dépenses publiques et à augmenter les impôts, s’agissant de mesures impopulaires à court terme, dont les bénéfices ne sont perçus qu’à long terme. Il en résulte une asymétrie de la politique budgétaire au cours du cycle économique : les soldes budgétaires se détériorent davantage en période de ralentissement qu’ils ne s’améliorent en période d’expansion. Toute politique budgétaire discrétionnaire – c’est-à-dire décidée par les pouvoirs publics au gré des circonstances – produit une accumulation de déficits publics. Ce problème théorisé par Kydland et Prescott (1979), puis par Barro et Gordon (1983), justifie que les gouvernements « se lient les mains » par des règles de politiques économiques. Le déséquilibre permanent des budgets depuis les années 1970 dans de nombreux pays, dont la France, donne du crédit à cette analyse, et explique que plusieurs pays européens aient adopté ou discutent de règles limitant la possibilité pour les gouvernements de voter des budgets déficitaires. Source : Les notices de la documentation française « La politique économique et ses instruments », 2010, p.100

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4. Les fluctuations dans une perspective de long terme : la théorie schumpétérienne des cycles longs

4.1 Approche empirique

Document 55

Document 56 : la décomposition de la croissanceLa croissance provient d’une plus grande utilisation des facteurs de production (le travail et le capital) mais aussi d’une hausse de la productivité globale des facteurs. Les théories des fluctuations de long terme (également appelés cycles longs) s’appuient sur les variations de la PGF pour expliquer les variations de la croissance.

Document 57 : les vagues de productivité au 20ième siècle, le cas des Etats-Unis

Source : cours Philippe Aghion, Collège de France

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4.2 Innovation et dynamique de destruction créatrice

Document 58 : L’innovation comme facteur explicatif des cycles longsEn 1912 dans Théorie de l’évolution économique, Joseph A. Schumpeter définit l’innovation comme l’acte de réaliser l’exécution de nouvelles combinaisons « des choses et des forces présentes ». Les innovations peuvent porter sur un nouveau bien ; un nouveau marché ; une nouvelle méthode de production ; une nouvelle matière première ; ou une nouvelle structure de marché. Dans son manuel d’Oslo (2005), l’OCDE distingue aujourd’hui quatre grands types d’innovation : les innovations de produit (ex. : le téléphone portable), les innovations de procédés (ex. : la robotisation des tâches), les innovations organisationnelles (ex. : le taylorisme) et les innovations de commercialisation (ex. : la vente par correspondance).Pour que les innovations aient un impact dans l’économie, il faut qu’elles apparaissent en grappe, c’est-à-dire que l’innovation se décline dans différents secteurs ou sous différentes formes. Ces grappes d’innovations apportent de nouvelles sources de revenus et de profit qui vont susciter des imitations et des améliorations. La dynamique de croissance est enclenchée puis progressivement s’épuise. Le cycle se retourne alors. Une partie des investissements réalisés n’est plus rentable et les faillites se succèdent. C’est durant cette phase dépressive que les innovateurs cherchent de nouvelles sources de profit. Progressivement, les grappes d’innovation se reconstituent et un nouveau cycle haussier s’enclenche.La dynamique cyclique de la croissance s’accompagne aussi d’une transformation en profondeur de la structure économique. Joseph A. Schumpeter évoque un phénomène de destruction créatrice : lorsque les innovations se diffusent, elles remettent en cause d’anciennes manières de produire, rendent obsolètes certains produits, déstabilisent des positions acquises par des entreprises sur le marché, ouvrent de nouvelles perspectives d’innovation. Il y a donc des gagnants et des perdants, et Schumpeter considère que les impacts positifs l’emportent sur les impacts négatifs : « De telles révolutions remodèlent périodiquement la structure existante de l’industrie. (…) ces phénomènes constituant autant de pièces du mécanisme de rajeunissement récurrent de l’appareil de production (…). L’évolution capitaliste accomplit ce résultat à travers une série de vicissitudes dont la sévérité est proportionnelle à la rapidité du progrès réalisé – mais elle l’accomplit effectivement » (Capitalisme, socialisme et démocratie, 1942).

Manuel ESH ECE1, Studyrama, 2017

Document 59 : Innovations et cycles longsType

d’innovationEmergence Diffusion Crise

d’adaptationMaturité Période totale

Machine à vapeur et textile 1762 – 1774 1794 – 1834 1834 – 1843 1844 – 1861 1762 – 1861

Rail et sidérurgie 1831 – 1847 1847 – 1888 1888 – 1895 1896 – 1917 183 – 1917

Production de masse 1882 – 1908 1908 – 1937 1937 – 1949 1950 – 1973 1882 – 1973

Information et communication 1961 – 1981 1981 – 2000 2000 – 2013 2013 – ? 1961 – ?

Environnement 1972 – 2015 2015 – ? ?? ?? 1972 – ??Michel Aglietta, Sortir de la crise et inventer l’avenir, Michalon, 2014

4.3 Le rôle des entrepreneurs innovateurs chez J.Schumpeter

Document 60 : La figure de l’entrepreneur innovateurOn peut faire remonter au physiocrate français Richard Cantillon une des premières définitions de l’entrepreneur en 1755. Pour lui, l’entrepreneur est celui qui est capable de tirer profit de la vente d’un produit en prenant des risques, compte tenu de l’incertitude qui règne sur le prix de vente. Cette définition liée à la prise de risque fut reprise à la fois par A.Smith et J.B.Say puisque l’entrepreneur est celui qui est chargé de tous les risques liés à la production. Il se distingue du capitaliste qui apporte les ressources disponibles mais n’agit pas directement dans le processus productif. (…) C’est essentiellement chez Schumpeter dans la première moitié du XXième siècle que l’on va trouver une analyse dans laquelle l’action de l’entrepreneur est centrale. La conception néoclassique est vue comme la description d’un équilibre statique. Or, c’est de l’évolution économique dont il est question chez Schumpeter et le progrès vient des modifications qui touchent l’équilibre ESH ECE 1 Camille Vernet Nicolas Danglade 2017-2018

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statique. Les transformations ne sont pas continues mais spontanées. Elles sont le résultat de l’innovation qui seule « maintient en mouvement la machine capitaliste » et est portée par les entrepreneurs. L’innovation confère à l’entrepreneur, et c’est ce qui le motive, une situation de monopole, donc un profit. (…) Ce dernier est provisoire car il dure tant que l’innovation n’est pas arrivée à maturité et/ou que de nouveaux concurrents ne sont pas venus sur le marché. La fonction de l’entrepreneur-innovateur ne se confond pas avec celle du capitaliste. Ainsi, sauf s’ils constituent la seule et même personne, l’entrepreneur n’est pas soumis à un risque financier direct particulier. (…)

Jean-Marc Huart, Stratégies des entreprises et efficacité économique, Collection Thèmes et Débats, Bréal, 2002 p.54-60

Document 61 : Les caractéristiques de l’entrepreneur chez SchumpeterProduire, c’est combiner les choses et les forces présentes (…). Produire autre chose ou autrement, c’est combiner autrement ces forces et ces choses. (…) Nous appelons « entreprise » l’exécution des nouvelles combinaisons et également ses réalisations dans des exploitations, etc… et «entrepreneurs » les agents économiques dont la fonction est d’exécuter de nouvelles combinaisons et qui en sont l’élément actif. (…) Maintenant surgit la question décisive : pourquoi exécuter de nouvelles combinaisons est-il un fait particulier et l’objet d’une « fonction » de nature spéciale ? (…) On peut analyser la nature de ces difficultés sous trois rubriques. En premier lieu l’agent économique, hors des voies accoutumées, manque pour ses décisions des données que le plus souvent il connaît très exactement quand il reste sur les voies habituelles. (…) Ce point concerne le problème posé à l’agent économique ; le second, concerne sa conduite. Il est objectivement plus difficile de faire du nouveau que de faire ce qui est accoutumé et éprouvé et ce sont là deux choses différentes  ; mais l’agent économique oppose encore une résistance à une nouveauté, il lui opposerait même une résistance si les difficultés objectives n’étaient pas là. L’histoire de la science confirme grandement le fait qu’il nous est extrêmement difficile de nous assimiler, par exemple, une nouvelle conception scientifique. (…) Le troisième point est la réaction que le milieu social oppose à toute personne qui veut faire du nouveau en général ou spécialement en matière économique. Cette réaction s’exprime d’abord dans les obstacles juridiques ou politiques. Même abstraction faite de cela, chaque attitude non conforme d’un membre de la communauté sociale est l’objet d’une réprobation dont la mesure varie suivant que la communauté sociale y est adaptée ou non.

Joseph Schumpeter, Théorie de l’évolution économique, 1912

Document 62 : L’entrepreneur, un être d’exception dans une société d’égauxMais pourquoi tous les individus ne sont-ils pas entrepreneurs ? Plus exactement, si la liberté d’entreprendre est un corollaire de la liberté moderne, pourquoi chacun n’exerce-t-il pas cette liberté avec la même intensité et le même succès ? Ces questions sont importantes pour justifier l’autorité de l’entrepreneur sur les employés et distinguer (…) le gouvernant et le gouverner. La distinction, qui est à l’origine de l’entreprise, crée, en effet, une inégalité apparente entre des individus libres : certains (les employés) doivent contractuellement se soumettre au gouvernement des employeurs. Comme justifier, dans le modèle libéral, cette perte d’autonomie ? Dans l’esprit du libéralisme, la justification s’appuie sur deux critères : la quantité et la qualité du travail. Tout d’abord, la quantité de travail. L’entrepreneur est celui qui se caractérise par son travail (…). Celui qui travaille accumule, celui qui travaille moins, soit par paresse, soit par choix, se trouve finalement détenteur d’une propriété moindre. (…) L’entrepreneur est celui qui a travaillé plus que les autres pour accumuler des moyens de production. (…) Cette première justification est dans la logique de la théorie libérale de la propriété privée comme produit du travail et comme moyen d’en priver les autres : c’est aussi un moyen de les associer à un projet que l’on dirige. Le gouverné accepte alors de payer le prix du moindre effort qu’il a librement consenti. Une seconde justification de l’inégalité entre employeur et employé vient de la qualité du travail. Si les hommes sont égaux en droits, la nature leur attribue des compétences individuelles différentes, des talents, des dons propres. C’est pourquoi le travail peut conduire à des résultats différents. On passe de l’exaltation du travail à celle du travail de l’entrepreneur en particulier. (…) Au fur et à meure que s’établir l’ordre libéral en occident, la figure exemplaire de l’entrepreneur se consolide pour devenir l’idéal type de l’individu libre et efficace dans la société. L’entrepreneur n’est pas seulement celui qui possède des qualités personnelles supérieures mais aussi celui qui manifeste un talent exceptionnel pour combiner les différents moyens de production. Autant qu’inventeur, l’entrepreneur est un organisateur. Dans un monde économique sans Dieu, il est le nouveau créateur, un créateur de la civilisation matérielle, qu’il construit par son énergie et son travail. (…) On voit donc que dans une société devenant libérale, fondée sur l’indifférenciation et l’autonomie des individus, la liberté d’entreprendre conduit à une inégalité acceptable, parce que justifiée par des compétences exceptionnelles. (…) si la figure de l’entrepreneur se dessine peu à peu comme l’individu qui tire sa légitimité de la propriété due à son travail et de la qualité spécifique de ce travail, il manque une dimension essentielle

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pour rendre acceptable son pouvoir aux yeux des gouvernés : c’est le sens de l’intérêt général. Dans une société libérale sans ordre et donc sans bien commun a priori, il faut supposer que les entrepreneurs n’agissent pas de manière à maximiser leur richesse et leur autonomie au détriment de celles des autres, conduisant alors à établir une société injuste. L’enjeu politique est considérable. (…) Les penseurs libéraux comme Adam Smith, vont s’attacher à montrer que l’entrepreneur est mû par l’intérêt général du fait même de sa nature d’entrepreneur. (…) Il n’y a pas d’opposition entre richesse privée et richesse commune. (…) La figure de l’entrepreneur devient essentielle pour établir la dynamique de la société libérale, car elle établit un lien « naturel » entre la force entrepreneuriale et le progrès de la société. Dans l’idéologie libérale, l’entrepreneur n’est pas un industriel égoïste et isolé cherchant son profit, il est le moteur même du progrès économique.

Pierre-Yves Gomez, Harry Korine, L’entreprise dans la démocratie, De Boeck, 2009 p.36-40

4.4 Le rôle des systèmes d’innovation

Document 63 : Les technologies à portée générale et leurs conditions de diffusion dans l’économie : l’importance du « système d’innovation »

L’idée schumpétérienne de grappe d’innovations renvoie à celle plus récente de technologies à portée générale que l’on retrouve chez Philippe Aghion et Peter Hewitt (Growth and Cycles Through Creative Destruction, 1998). Ces technologies à portée générale se caractérisent par de larges possibilités d’application et d’amélioration, des usages possibles dans de nombreux domaine, et une forte complémentarité avec des technologies existantes. Les potentiels d’utilisation de cette technologie sont importants. Par des effets de spillover, ces technologies transforment tous les domaines de l’économie : la production, la consommation et les formes d’organisation économiques et sociales.L’émergence d’une technologie à portée générale conduit à l’apparition d’un nouveau paradigme technologique. Dans un premier temps, cette émergence ne se traduit pas par des effets sur la productivité ; ce qui fait dire à Robert Solow en 1988 : « On voit des ordinateurs partout sauf dans les chiffres de la croissance. » Puis cette technologie a des effets positifs dans le secteur des nouvelles technologies où elle est apparue. Et enfin, dans un troisième temps, les effets de spill-over conduisent à une hausse de la productivité globale des facteurs dans toute l’économie. Les effets de la technologie à portée générale repoussent alors la frontière des possibilités de production et stimulent la croissance potentielle.

Manuel ESH ECE1, Studyrama, 2017

Document 64 : Les innovations à portée générale dans l’histoire et les conditions de leur diffusion dans l’économie

Ferguson et Washer (2004) fournissent une synthèse détaillée de la littérature concernant les grandes révolutions technologiques ayant eu un impact notable sur la croissance de la productivité aux Etats-Unis depuis la guerre civile. Depuis 1873, l’économie américaine a connu quatre épisodes d’accélération forte de la productivité horaire du travail : 1873-1890, 1917-1927, 1948-1973 et 1995 à nos jours (…) ce dernier épisode étant toujours en cours (ndlr : en 2007). Chacun des quatre épisodes d’accélération de la productivité se caractérise simultanément par :

- un développement rapide de la diffusion de certaines innovations technologiques : machines à vapeur, à charbon, transport ferroviaire, développement du télégraphe pour le premier épisode ; diffusion de l’énergie électrique, du téléphone du moteur à explosion pour le deuxième épisode ; diffusion des produits plastiques et développement de l’industrie chimique, de l’industrie électronique, changements technologiques dans les transports (air, chemin de fer, camions…), etc. pour le troisième épisode ; les TIC pour le quatrième épisode.

- des changements organisationnels : économies d’échelle pour les deux premiers épisodes et également économie de gamme (intégration verticale) et marketing pour le 2ème épisode, séparation de l’entreprise en départements pour le troisième, sous-traitance et délocalisation pour le quatrième ;

- des transformation des marchés financiers : sociétés par actions et drainage de l’épargne par les banques lors du premier épisode, réduction des asymétries d’information par l’apparition de sociétés d’analyse financière et de rating dans le deuxième ; développement des techniques de financement externe, mondialisation des mouvements de capitaux et développement de l’importance des investisseurs institutionnels (fonds de pension) dans le troisième, junk bond market, capital risque et meilleure gestion des risques dans le quatrième ;

- des transformations dans le mode d’accumulation du capital humain : début du besoin d’une main d’oeuvre encadrante qualifiée lors du premier épisode, besoin en moyenne d’une main d’oeuvre de plus

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en plus qualifiée lors des deuxième et troisième épisodes, et progrès technique biaisé en faveur de qualification encore plus élevées lors du quatrième épisode.

Trois causes sont avancées pour expliquer la fin de ces épisodes de forte croissance de la productivité :- un surinvestissement induit par un excès d’optimisme dans les technologies nouvelles ; - une saturation de la diffusion de ces nouvelles technologies ; - des chocs externes.

L’intervention publique a joué un rôle important à chacun de ces épisodes : - en contribuant directement ou indirectement (par exemple par les commandes militaires) au financement

de la recherche et du développement des nouvelles technologies et de leur diffusion (financement des grandes lignes de chemin de fer, etc.) ;

- en organisant le cadre institutionnel favorable au développement de l’environnement financier adéquat ; - en organisant l’augmentation du capital humain, en particulier par la démocratisation de l’éducation.

Ces quatre révolutions technologiques ont également bénéficié aux autres grands pays industrialisés, avec cependant un retard d’une à deux décennies pour les deuxième et troisième. Un tel retard s’explique sans doute en grande partie par celui de certains des autres bouleversements accompagnant les révolutions technologiques, en particulier l’accumulation du capital humain.

Gilbert Cette, Productivité et croissance en Europe et aux Etats-Unis, collection Repères, La Découverte, 2007

Document 65 : les innovations à portée générale aux Etats-Unis depuis la fin du 19ème siècle (d’après Fergusson et Washer)

Périodes d’accélération de la productivité horaire du travail aux USA

1ère période1873-1890

2ème période1917-1927

3ème période1948-1973

4ème période1995-?

Innovations technologiques à portée généralesur la période

machines à vapeur, à charbon, transport

ferroviaire, développement du

télégraphe

diffusion de l’énergie électrique,

du téléphone du moteur à explosion

diffusion des produits plastiques et

développement de l’industrie chimique, de l’industrie électronique,

changements technologiques dans les transports (air, chemin

de fer, camions…)

TIC

Changements organisationnels sur la période

économies d’échelle

économies d’échelle, économie

de gamme et marketing

séparation de l’entreprise en départements

sous-traitance et

délocalisation

Transformation des marchés financiers sur la période

sociétés par actions et drainage de

l’épargne par les banques

réduction des asymétries

d’information par l’apparition de

sociétés d’analyse financière et de

rating

développement des techniques de

financement externe, mondialisation des

mouvements de capitaux et

développement de l’importance des

investisseurs institutionnels (fonds

de pension)

junk bond market, capital

risque et meilleure

gestion des risques

Evolution du mode d’accumulation du capital humain

début du besoin d’une main d’oeuvre

encadrante qualifiée

besoin en moyenne d’une main

d’oeuvre de plus en plus qualifiée

besoin en moyenne d’une main d’oeuvre

de plus en plus qualifiée

progrès technique biaisé en faveur de

qualification encore plus

élevées

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Document 66 : il n’y a pas de déterminisme technologiqueL’efficacité des incitations dépend des défaillances de marché que rencontre l’économie. Par exemple, dans le domaine du financement. Les activités innovantes sont davantage marquées que les autres par l’incertitude ; ce désavantage freine leur financement. Par ailleurs, elles mettent en danger des positions établies et conduisent à des oppositions (les taxis contre Uber par exemple) qui peuvent freiner leur développement. La destruction créatrice s’accompagne donc de problèmes de coordination des acteurs et de déséquilibres. Un des objets des politiques de croissance est de résoudre ces problèmes et de réguler ces déséquilibres.Une technologie demande du temps pour se développer et avoir ses effets de portée générale. Elle apparaît dans un contexte institutionnel et des processus de production qui sont en congruence avec l’ancien système technologique ; elle produit un processus de destruction créatrice, des freins et des oppositions. Mais ce qui conduit à la croissance, au cycle long, c’est davantage les conditions d’utilisation et de diffusion d’une technologie à but général que son apparition. Il n’y a pas de déterminisme technologique : aucune technologie ne s’impose d’elle-même. L’utilisation d’une technologie peut être freinée par des « institutions » défaillantes. On constate par exemple depuis la fin des années 1990 un décrochage technologique de l’Europe, et notamment de la France, par rapport aux États-Unis. Pour Philippe Aghion, Élie Cohen et Gilbert Cette (Changer de modèle, 2014), la France souffre aujourd’hui d’« institutions économiques dépassées ». Si les institutions de l’économie française ont permis de réaliser le rattrapage des années 1950-1980, elles ne sont plus adaptées au maintien de la France sur la frontière technologique. Cela provient d’une politique industrielle qui reste encore trop verticale (top-down), d’un sous-investissement dans l’enseignement supérieur, de l’absence de passerelles entre recherche fondamentale et recherche industrielle, d’un système financier trop peu développé sur le domaine de l’innovation, d’un marché du travail et d’un marché des produits trop rigides qui sont un frein au développement des PME innovantes, et de la faiblesse des politiques de stabilisation du cycle économique menées par la puissance publique. Pour comprendre l’impact de l’innovation, il faut donc sortir du paradigme « technologique » qui est très présent chez Joseph A. Schumpeter et raisonner en termes de « système d’innovation » afin de prendre en compte les interrelations entre acteurs économiques et les incitations produites par le contexte institutionnel historique et local pour stimuler l’innovation.L’efficacité des incitations dépend des défaillances de marché que rencontre l’économie. Par exemple, dans le domaine du financement. Les activités innovantes sont davantage marquées que les autres par l’incertitude ; ce désavantage freine leur financement. Par ailleurs, elles mettent en danger des positions établies et conduisent à des oppositions (les taxis contre Uber par exemple) qui peuvent freiner leur développement. La destruction créatrice s’accompagne donc de problèmes de coordination des acteurs et de déséquilibres. Un des objets des politiques de croissance est de résoudre ces problèmes et de réguler ces déséquilibres.

Manuel ESH ECE1, Studyrama, 2017

Document 67 : un exemple de politique publique visant à stimuler l’innovation, les pôles de compétitivitéDans la plupart des pays, l’Etat favorise la collaboration entre les acteurs publics et privés, en s’appuyant sur des mesures incitatives afin de créer des effets externes positifs. En France, par exemple, la constitution de 67 pôles de compétitivité en 2005 met en œuvre un partenariat entre recherche et industrie, entre grandes et petites et moyennes entreprises autour de grands programmes (nucléaire quatrième génération, automobile propre, mobile G4 …). Un pôle de compétitivité se définit « comme la combinaison, sur un espace géographique donné, d’entreprises, de centres de formation et d’unités de recherche publiques ou privées, engagés dans une démarche partenariale destinée à dégager des synergies autour de projets innovants ». La politique structurelle ne s’inscrit donc plus dans le triptyque : recherche publique/entreprise publique/commande publique. Mais sous des formes renouvelées, en concentrant les moyens autour d’un petit nombre d’acteurs pour des projets industriels circonscrits, la politique industrielle cherche à favoriser les effets d’agglomération et la concentration oligopolistique, en l’occurrence au niveau européen.

Source : Dictionnaire de science économique, A.Colin, p. 354

Document 68 : le fonctionnement des Pôles de compétitivitéLe rapprochement des acteurs industriels, scientifiques et de la formation d’un même territoire, sur le modèle des "clusters", constitue :

- une source d’innovation : la proximité stimule la circulation de l’information et des compétences et facilite ainsi la naissance de projets plus innovants,- une source d’attractivité : la concentration des acteurs sur un territoire offre une visibilité internationale,

ESH ECE 1 Camille Vernet Nicolas Danglade 2017-2018

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- un frein aux délocalisations : la compétitivité des entreprises est liée à leur ancrage territorial grâce à la présence des compétences et des partenaires utiles.

L'État s'attache à promouvoir un environnement global favorable aux entreprises et à l'innovation et à soutenir l'effort de recherche et de développement déployé au sein des pôles de compétitivité. Ainsi, aux niveaux national ou régional, il accompagne leurs développements avec les collectivités territoriales :

- en octroyant, via le fonds unique interministériel (FUI), des aides financières aux meilleurs projets de R&D et de plates-formes d'innovation, lors d'appels à projets ;- en finançant partiellement les structures de gouvernance des pôles (associations), aux côtés des collectivités locales et des entreprises;- en aidant financièrement des actions collectives thématiques initiées par les pôles dans des domaines très divers, par l'intermédiaire des DIRECCTE ;- en impliquant divers partenaires : l'Agence nationale de la recherche (ANR), Bpifrance ou encore la Caisse des Dépôts.

Source : http://competitivite.gouv.fr/politique-des-poles-471.html

Document 69 : quelles politiques pour renforcer les effets des pôles de compétitivité ?Il n’y a pas de miracle à attendre des pôles de compétitivité. Les gains des clusters, en terme de productivité, existent bien : le point de départ des politiques de cluster et donc vérifié. Ces gains ne sont pas négligeables, mais ils apparaissent comme des effets de second ordre (…). Les clusters se forment naturellement et ils ont un impact positif sur la productivité, mais il existe un certain nombre de freins à leur expansion qui font qu’en moyenne ils n’atteignent pas toujours la taille optimale. Les freins les plus importants sont ceux liés à la mobilité des travailleurs : les coûts de transaction élevés sur le marché immobilier, les réglementations locales qui réduisent l’offre immobilière, la faible qualité des services publics dans les grandes agglomérations. Pour les moins aisés, les locataires sont rendus « captifs » de leur logement car le droit au logement social n’est en pratique pas transférable d’une ville à l’autre. D’autres freins réglementaires et politiques limitent la mobilité du côté des entreprises en augmentant le coût de fermeture ou d’ouverture des sites de production. (…) L’explosion des coûts du foncier ou des services locaux, la congestion des réseaux de transport, la réduction de la qualité de vie limitent aussi le développement des clusters. Dès lors, que vaut-il mieux faire pour le décideur public : inciter les secteurs à augmenter leur niveau de concentration géographique à l’aide de subventions ou réduire les obstacles auxquels se heurte l’établissement de clusters d’une taille efficace ? La tendance actuelle des politiques françaises du type « politique de compétitivité » privilégie clairement la première option, notre travail suggère qu’il faut au minimum se poser la question de la pertinence de la seconde. Ce constat n’est certes pas entièrement nouveau : au niveau local, les politiques de transports urbains, la mise en place de biens publics, les réglementations sur l’utilisation des terrains, etc., ont toujours constitué le fondement des politiques économiques des autorités locales, qui fournissent les conditions d’un développement autonome de compétences économiques de type cluster. Ce genre d’action est assurément moins excitant que de tenter de créer un cluster en biotechnologie ou une nouvelle Silicon Valley, mais certainement plus raisonnable au vu des connaissances accumulées par les économistes sur cette question.

Source : G.Duranton, P.Martin,T.Mayer et F.Mayneris « Les Pôles de compétitivité : que peut-on en attendre ? » CEPREMAP, 2008, p.82

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Document 70 : les pôles de compétitivité en France, que doit-on en attendre ?Pôle de compétitivité CaractéristiquesDate de création en France / nombre actuel ?

2005 (près de 70 pôles en 2014)

Objectif Générer une synergie entre acteurs publics (recherche fondamentale, université) et privés (entreprises privées, associations) ; les acteurs se regroupent sur des bassins « industriels » pour y bénéficier d’externalités positives

Modalités de l’intervention publique

Essentiellement financière + infrastructures ; l’Etat cherche donc à attirer les entreprises afin de produire des économies d’échelle externe (sur le principe des « districts marshalliens » ou des clusters)

Constat critique des auteurs du rapport du CEPREMAP en 2008 (Duranton et alii)

Les subventions publiques sont peu incitatives pour attirer les entreprises ; par contre, les clusters ont parfois du mal à se développer (dépasser une taille critique) car ils se heurtent à des difficultés de recrutement liées à la mobilité géographique des actifs trop rigide en France. Les auteurs du rapport suggèrent qu’il vaudrait mieux consacré les sommes dépensées en subvention pour attirer les entreprises en sommes dépensées pour régler les problèmes de mobilité géographique des salariés.

Conséquence sur les inégalités territoriales

Elles se renforcent ;

Document 71 : le Mittelstand allemandDans les «Trente glorieuses », la France avait construit un système industriel efficace organisé par l’Etat, que l’on peut appeler « système d’innovation industrialo-étatique ». Les entreprises publiques en étaient le fer de lance. L’aéronautique, les transports terrestres, le nucléaire et la chimie étaient les secteurs d’intégration industrielle. L’Etat dominait directement le financement avec l’aide de la Caisse des dépôts. Le retrait de l’Etat et la conversion politique au fondamentalisme de marché dans les années 1980 et surtout 1990 ont laissé le pays sans stratégie de reconversion industrielle dans le cadre de la concurrence mondiale. Ce flou de l’organisation industrielle française contraste avec le Mittelstand qui est la référence de l’excellence compétitive en Europe. Le renforcement de la puissance exportatrice de l’Allemagne depuis la création de l’euro fait pendant à la lente désindustrialisation de la France. Les entreprises allemandes ont investi massivement l’Europe de l’Est pour accroître la compétitivité des systèmes d’innovation sur leur territoire. Elles ont fortement intégré leurs investissements à l’étranger dans les systèmes industriels installés dans les Lander. Au contraire, sous l’influence de leur actionnariat anglo-saxon, les entreprises françaises se sont découplées du territoire national, déterritorialisant mêmes des centres de recherche. Le Mittelstand est une sorte d’écosystème autoreproduit qui fabrique un cercle vertueux dont dépendent sa résilience aux chocs et sa longévité historique. Le cœur du système est la qualité des actifs intangibles renouvelée dans la durée. Elle rend possible une innovation incrémentale continue ; ce que l’on appelle « la perfection du banal ». Ce n’est donc pas un système qui fait des percées fulgurantes dans les innovations radicales. Mais cette innovation incrémentale, répandue dans toute l’industrie, nourrit des avantages compétitifs hors prix qui garantissent des parts de marché solides et compatibles avec des marges élevées. Grâce à la solidité des comptes d’exploitation, l’autofinancement est la première source de l’investissement ; ce qui favorise l’indépendance par rapport à la finance, donc la continuité du contrôle capitalistique par un actionnariat principalement familial. Le maintien de ce contrôle permet aux conseils de surveillance, dans lesquels la représentation des salariés est paritaire, d’affirmer leur indépendance stratégique sur des horizons longs et de négocier des financements externes en position de force. C’est la condition essentielle pour que la finance soit mise au service de l’économie. Grâce à cette indépendance, des stratégies de spécialisation peuvent être poursuivies qui entretiennent l’innovation incrémentale et donc les parts de marché.Trois leçons peuvent être tirées de l’expérience allemande. En premier lieu, l’innovation est le plus souvent incrémentale à partir d’une base industrielle maîtrisée. En second lieu, de petites niches au niveau national peuvent produire des exportations très profitables sur les marchés globaux. En troisième lieu, on peut préserver une vaste gamme d’activités de la concurrence des pays émergents si l’on sait innover sur ses points forts. C’est l’innovation sociale qui est le facteur prédominant de la compétitivité : effort public de formation et de recyclage des travailleurs, lien étroit des entreprises et des institutions scolaires dans l’apprentissage. Il faut y ajouter ce que ne fait pas l’Allemagne, mais que fait la scandinavie : l’égalité hommes/femmes dans l’emploi et la mobilité professionnelle, l’aide publique à la prise en charge de l’enfance préscolarisée.

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La dynamique auto-entretenue de la croissance industrielle implique une organisation des rapports entre puissance publique et acteurs privés. Elle requiert aussi des politiques dédiées aux systèmes d’innovation. La stratégie industrielle doit être insérée dans les territoires. En France, il revient aux régions de promouvoir un nouvel état d’esprit. Elles doivent sélectionner des entreprises capables de développer des avantages compétitifs régionaux, détecter des segments d’industries prometteurs et monter des projets pilotes associés à des cofinancements publics – privés. Pour inciter les PME à innover et exporter, il peut être utile en France d’instituer un statut de PME innovantes qui auraient accès à des financements attractifs et d’aider beaucoup plus efficacement les PME à l’étranger. Enfin, reterritorialiser l’industrie et engendrer des flux d’innovations incrémentales repose sur la définition du développement durable comme axe de stratégie à la fois européenne et nationale.

Source : M.Aglietta « Sortir de la crise et inventer l’avenir », Michalon, 2014, p. 146-148

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5. Les crises dans l’histoire

5.1 Avec la révolution industrielle, les crises économiques changent de nature

Document 72 : Les crises frumentaires jusqu’au 19ème siècleLe découpage de l’histoire en très longues périodes a l’intérêt de mettre en évidence certaines caractéristiques importantes, parfois peu évidentes en première observation. Mais l’inconvénient est de gommer, par simple lissage, les ruptures, les crises et de mettre en évidence une régularité illusoire. La prise de conscience de l’irrégularité de la conjoncture est très ancienne. Dans les économies agricoles, les crises de subsistance sont une évidence : crues du Nil dans l’Egypte antique, famines et disettes du Moyen-Age. On trouve même dans l’Ancien Testament une première idée de périodicité dans l’apologue des vaches maigres et des vaches grasses ; il s’agit d’un rêve de Pharaon que Joseph explique (sans doute vers 1700 avant JC) et d’où il ressort la nécessité de construire des greniers pour stocker les récoltes qui permettront de faire face aux besoins pendant les années de « vaches maigres » : première ébauche de politique contracyclique …Avec la révolution industrielle, il apparaît des crises d’un type tout à fait différent. Cependant, la nouveauté du phénomène est difficile à apprécier, la prise de conscience est lente. D’abord parce que l’industrialisation est géographiquement limitée : à titre d’exemple, on peut noter que la première crise industrielle, qui apparaît en 1825, est limitée à la Grande-Bretagne ; la France et l’Allemagne, restées largement agricoles, y échappent. Une deuxième raison est le développement simultané, dans certains cas, des deux types de crises : ainsi la crise de 1848 en France est à la fois une crise de subsistance (donc d’Ancien Régime) et une crise industrielle (crise des chemins de fer).

Gilbert Abraham-Frois, Dynamique économique, Dalloz, 2002

Document 73 : Les crises mixtesA partir de la Révolution industrielle cependant, les mécanismes des crises deviennent plus complexes. C’est la raison pour laquelle les économistes et les historiens parlent de crises mixtes pour caractériser celles qui ont lieu durant cette période. Typiquement, les crises mixtes sont caractérisées par la combinaison d’une dimension agricole héritée des crises frumentaires (chute de la production agricole et hausse du prix du grain et une dimension industrielle annonciatrice des crises capitalistes dite « modernes » (faillites d’entreprises et/ou krach boursiers). C’est le cas par exemple en France de la crise 1847-1848 : deux années de mauvaise récolte suivies d’une crise dans le textile qui affectent par la suite de nouveaux secteurs issus de la Révolution industrielle comme la métallurgie. La crise s’étend ensuite au chemin de fer : en 1848, les travaux sur la ligne Paris Lyon sont suspendus et il s’en suit une crise boursière qui touche en premier lieu les compagnies de chemin de fer. Par ailleurs, l’Etat contribue à renforcer la crise en relevant le taux d’escompte pour défendre la valeur externe de la monnaie ce qui a renforcé l’effet dépressif. Enfin, cette crise revêt une dimension internationale via le marché des capitaux qui se développe à partir du milieu du 19 ème siècle : l’épargne européenne est de plus en plus utilisée pour financer les compagnies ferroviaires, la crise s’étend ainsi à la Grande-Bretagne par un mécanisme de contagion. (…) La crise de 1866 en France a une double origine : bancaire et industrielle. Entre 1862 et 1866, de nombreux secteurs industriels trouvent leurs débouchés dans l’industrie ferroviaire européenne. Ces firmes de chemin de fer (espagnoles, italiennes, russes notamment) sont principalement financées par une banque d’affaires françaises : le crédit mobilier. En 1866, ces firmes empruntent massivement pour faire face à des surcoûts de production. Une crise de confiance gagne alors les marchés et les actions des firmes chutent brutalement. Le Crédit mobilier détenant une part importante de ces titres est conduit à la liquidation financière en juin 1866. Par effet de contagion, la crise s’étend à toute l’industrie française (notamment les secteurs miniers, métallurgiques et du bâtiment).

A. Beitone et alii, Economie, sociologie et histoire du monde contemporain, Armand Colin, 2013

Document 74 : Les crises « industrielles »Avec la Révolution industrielle et le développement du « factory system » à partir du milieu du 19ème siècle, les crises économiques changent progressivement de nature. C’est dorénavant le capitalisme industriel qui impose son rythme spécifique à l’économie. Sur le plan empirique, il s’agit de crises dites de surproduction qui se caractérisent par un excès d’offre par rapport à la demande. La dimension agricole est évacuée et elles se manifestent par une interconnexion entre la sphère financière et la sphère industrielle. Typiquement, elles se traduisent par un krach boursier, des faillites bancaires et une chute des prix (processus déflationniste). Il s’ensuit alors un ralentissement de l’activité dans certains secteurs (les chemins de fer par exemple dans le cas

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de la crise de 1866 en France et en Angleterre) ce qui conduit à faire chuter la rentabilité des actions et contribue à généraliser la crise de confiance auprès des actionnaires. Dans ce cas de figure la crise boursière est une conséquence de la récession. Certains auteurs rapprochent l’analyse des crises industrielles du 19ème siècle du phénomène du cycle économique. Les surcapacités de production dans certains secteurs découlent d’un processus cyclique. Par exemple, lorsqu’un projet ferroviaire de grande ampleur arrive à son terme, l’industrie métallurgique enregistre une chute brutale de ses commandes, ce qui fait baisser les prix des produits métallurgiques. Par ailleurs, la faible institutionnalisation du marché du travail conduit à une importante flexibilité à la baisse des salaires dès le début de la crise ce qui contracte la demande globale. Dans ce cas de figure, l’ampleur de la crise est liée au degré de flexibilité des salaires et des autres prix d’actifs sur les marchés qui surréagissent aux désajustements initiaux.

Alain Beitone et alii, Economie, sociologie et histoire du monde contemporain, Armand Colin, 2013

5.2 La crise : retournement d’un cycle ou conséquence d’un choc aléatoire

5.3 La crise : dans la nature même du capitalisme (Schumpeter / Marx)

Document 75 – Les crises sont le produit des contradictions internes du capitalismeKarl Marx (Le Capital, 1867) considère que l’économie capitaliste est condamnée en raison de ses contradictions internes : en voulant lutter contre la baisse tendancielle du taux de profit, les capitalistes accumulent du capital et renforcent la concurrence, ce qui paupérise les membres du prolétariat tout en augmentant sa taille dans la société ; mais cette paupérisation et cette croissance du prolétariat font pression à leur tour sur le taux de profit. Les capitalistes peuvent apporter des réponses « momentanées » à la baisse du taux de profit (par exemple en augmentant le surtravail). Elles provoquent des cycles économiques et donc des crises industrielles et financières. Mais ces réponses ne peuvent être que temporaires tant les contradictions internes sont fortes : le capitalisme est donc condamné à disparaître.

Manuel ESH ECE1, Studyrama, 2017

Document 76: Marx et les crises du capitalisme

Document 77 : inégalités et crise de surproduction, une explication marxiste de la crise de 2008A propos de la crise de 2007-2008, un large accord existe désormais (travaux du FMI ou de l’OCDE ou bien même de Piketty et Saez) sur le lien avec le creusement des inégalités. Les données montrent en effet qu’aux Etats-Unis, l’essentiel de l’augmentation du revenu global au cours des années 1990-2000 a bénéficié aux 1% des titulaires des plus hauts revenus. De ce fait, les revenus des catégories modestes et moyennes ont faiblement (ou pas du tout) augmenté. La demande a donc été soutenue par le crédit ce qui a constitué l’amorce du gonflement de la bulle de crédit et de la bulle immobilière.

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Concurrence

Accumulation de capital

c/v augmente

(Pl/v) / (1 + c/v) diminue : Baisse tendancielle du taux

de profit

Pour rétablir le taux de profit, les capitalistes accentuent

l’exploitation (Pl/v)

Contre-tendance provisoire : Allongement de la durée du travailEt progrès technique

Substitution K/L

Pression à la baisse sur les salaires (v) :paupérisation

Armée industrielle de

réserve

Elimination des capitalistes les plus fragiles

ConcentrationFaiblesse de la demande :

crises de surproduction

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Patrick Artus a proposé pour sa part une lecture marxiste de la crise de 2007-2009. Le mécanisme centrale réside dans la tendance à la baisse du taux de profit qui résulte d’une suraccumulation du capital liée à la fois à l’euphorie des entreprises et à un rythme très rapide d’accroissement du stock de capital des pays émergents. En réaction à cette baisse des taux de profit, les entreprises exercent une pression à la baisse sur les salaires ce qui freine la consommation (donc les débouchés). Les difficultés des entreprises comme celles des ménages poussent à la hausse de l’endettement qui alimente l’euphorie dans un premier temps, mais débouche en fin de compte sur l’éclatement de la bulle de crédit et sur la crise financière.

Source : A.Beitone « Economie, sociologie et histoire du monde contemporain », A.Colin, 2013, p. 564

5.4 Le capitalisme se transforme, la nature des crises aussi : la théorie de la régulation

Document 78 : Les différents types de crise dans la théorie de la régulationDans Économie politique des capitalismes (2015), Robert Boyer pose la question suivante : « Pourquoi les crises du capitalisme se succèdent-elles et ne sont pourtant pas la répétition des mêmes enchaînements ? » Sa réponse est que « toute société a les crises qui correspondent à sa structure […]. Les crises se suivent mais ne se ressemblent pas. » Le capitalisme évolue donc au cours du temps mais il peut également être différent dans l’espace. Le capitalisme en Chine aujourd’hui n’est pas le même qu’aux États-Unis.On distingue la notion de mode de régulation et celle de régime de régulation. Le mode de régulation peut se définir comme le cadre institutionnel dans lequel les agents coordonnent leurs décisions. La notion de régime de régulation est plus dynamique, elle renvoie à la capacité du mode de régulation à fonctionner sur le long terme et à produire de l’accumulation et de la croissance économique.On observe alors différents types de crises :

celles qui ne touchent ni le mode de régulation, ni le régime d’accumulation. Par exemple, une crise peut tout d’abord provenir d’un choc exogène (un conflit international, un événement climatique) qui affecte temporairement le fonctionnement de l’économie ce que Robert Boyer nomme des crises « de premier type ». La crise peut être aussi la conséquence d’une activité économique cyclique mais ce cycle peut être une caractéristique du mode de régulation ; dans ce cas, le retournement du cycle produit bien une crise, mais pour autant, cette crise ne remet pas en cause la viabilité du mode de production. Il s’agit d’« une crise dans la régulation, c’est-à-dire surmontable sans altération des formes institutionnelles ni intervention politique exceptionnelle ». C’est par exemple le cas des cycles des affaires du 19ème siècle ou des cycles de stop-and-go durant les années 1950-1960 ;

celles qui touchent le mode de régulation. C’est le cas lorsque le mode de régulation est « incapable d’engendrer un retournement de la récession vers la reprise ». Le fonctionnement « normal » du mode de régulation ne lui permet pas de trouver une réponse aux problèmes posés par ces crises. Par exemple durant les années 1920, le fonctionnement du mode de régulation concurrentiel s’appuie sur une formation des salaires qui ne permet pas de faire émerger une consommation de masse, tandis que les conditions de l’accumulation du capital orientent la production vers la production de masse. Il en ressort un hiatus entre la production (trop importante) et la consommation (trop faible), que le mode de production concurrentiel ne peut résoudre. À partir du milieu des années 1990, l’économie japonaise

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n’arrive plus à sortir d’une longue période de stagnation, et parfois même de recul de l’activité. Les modalités de fixation des salaires poussent les entreprises à les compresser pour restaurer leurs marges dans un contexte de déflation, mais cette compression des salaires se traduit par la faiblesse du pouvoir d’achat des salariés qui alimente la spirale déflationniste ;

celles qui touchent le régime d’accumulation. Lorsque le mode de régulation est attaqué par des crises qui prennent naissance dans ses propres contradictions, le régime d’accumulation n’est plus en mesure d’assurer la croissance sur le long terme et entre en crise : incapable de créer une consommation de masse, le régime de régulation concurrentiel disparaît avec la crise des années 1920-1930. Incapable de gérer la question de l’inflation, le régime fordiste disparaît avec la stagflation des années 1970 ;

celles qui ont une portée encore plus générale et remettent en cause le mode de production. Une crise peut en effet être celle du mode de production. Par exemple, l’effondrement des économies soviétiques vient des échecs des réformes menées par le président Gorbatchev qui ont conduit à la remise en cause de deux fondements du régime soviétique : tout d’abord, la propriété collective des moyens de production et la gestion de l’économie par le Gosplan, ensuite l’exclusivité de la représentation politique par le parti communiste.

Manuel ESH ECE1, Studyrama, 2017

Document 79 : La succession des modes de régulation dans l’histoire

Document 80 : les différents types de crises dans la théorie de la régulation

Robert Boyer, Economie politique des capitalismes, Grands Repères, La Découverte, 2015 p.84

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