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© Nathan 2019 – Histoire 2 de – coll. G. Le Quintrec 35 Présentation de la question La Méditerranée médiévale, quel espace, quelle périodisation ? Traiter du Moyen Âge nécessite forcément une réflexion sur le choix des bornes chronologiques pour délimiter la période. La notion même de Moyen Âge est de plus en plus discutée. Le programme reste cependant dans une acception classique de la périodisation de l’his- toire ; cela permet de circonscrire le sujet du chapitre aux XI e -XV e siècles : le XI e siècle correspond au début des avancées chrétiennes en Al Andalous, l’Espagne musulmane, et aboutit à la première croisade en 1095 ; en 1453, date que le programme utilise comme début de la séquence suivante (le chapitre 1 du thème 2), les Otto- mans prennent Constantinople et mettent un coup d’arrêt définitif à la puissance byzantine, en déclin sur toute la période. À la fin du XV e , de nouvelles dynamiques émer- gent entre les grands ensembles politiques et envers les multiples communautés religieuses ; les expulsions des juifs et des musulmans des royaumes ibériques à partir de 1492 en sont le témoin. Durant ces cinq siècles, la mer Méditerranée constitue le cœur des échanges commerciaux. Elle est une zone de confluence humaine entre l’Europe, l’Afrique et l’Asie. Il est important de conserver le plus possible cette contex- tualisation large, en ne se concentrant pas sur les rives de la mer mais en observant cet espace en lien avec les espaces périphériques évoqués. La Méditerranée est non seulement un espace de circulation, mais aussi de coexis- tence entre trois grands ensembles qui présentent chacun une relative homogénéité, à défaut d’unité, sur les plans politiques, linguistiques, culturels et religieux : l’Occi- dent latin, l’Empire byzantin et les territoires musulmans. Des contacts entre des « civilisations » Ce deuxième chapitre du programme invite à analyser et à comprendre les contacts, sous toutes leurs formes, entre trois « civilisations ». La notion de civilisation se comprend ici dans une acception retravaillée depuis le début du XXI e siècle, par Robin Collingwood par exemple (« Ce que ’’la civilisation’’ veut dire », Cités, 2002/4 n° 12). On peut définir la civilisation comme l’en- semble de traits caractéristiques qui permettent de définir des ensembles de populations, d’organisations politiques, d’espaces, à une époque donnée. Cette notion ne fige pas forcément des blocs dans une identité immuable, il faut en effet bien concevoir une civilisation comme un cadre de pensée poreux dans lequel les échanges, les influences extérieures et les métissages sont possibles. Ces civilisations sont à penser comme des grands ensembles culturels inscrits dans des territoires mais aussi ouverts aux influences extérieures. Le programme évoque à juste raison la présence essentielle en Méditer- ranée des trois grands monothéismes : juif, chrétien et musulman. On ne peut néanmoins pas limiter la question aux seules oppositions religieuses. Il est important de considérer ces ensembles sous une pluralité de critères incluant le fait religieux mais aussi linguistique, politique et social. La religion est un fait total dans la mesure où il est pleinement intégré dans de nombreuses stratégies économiques et politiques, de la part des communau- tés qui détiennent le pouvoir comme des minorités qui doivent vivre sous les règles extérieures à leur commu- nauté, comme c’est le cas des juifs en territoires chrétiens et musulmans ou des musulmans vivant en territoires conquis par les chrétiens à partir du XI e siècle (Espagne, Orient). Des échanges multiples en Méditerranée Cette question connaît de nombreux renouvellements scientifiques depuis le début des années 2000, autant dans l’analyse des échanges commerciaux ou intellec- tuels entre les communautés que dans le regard porté aux affrontements militaires, à travers la question des violences en particulier. Les échanges commerciaux ont longtemps été présentés comme un élément pacifica- teur au milieu de relations très conflictuelles et souvent violentes, caractérisant la période médiévale. Cette ana- lyse est cependant réévaluée dans les études historiques récentes. Les stratégies mises en place par la République de Venise pour se tailler une thalassocratie en Méditer- ranée en attestent : le commerce peut être un facteur créateur de tensions, voire de conflits. Le dossier docu- mentaire proposé sur Venise met en avant l’ambiguïté existant entre des échanges créateurs de lien social et des enjeux politique et militaire liés aux dominations com- merciales. Chapitre 2 La Méditerranée médiévale : espace d’échanges et de conflits à la croisée de trois civilisations > MANUEL PAGES 72-97

Chapitre 2 La Méditerranée médiévale : espace d’échanges

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Page 1: Chapitre 2 La Méditerranée médiévale : espace d’échanges

© Nathan 2019 – Histoire 2de – coll. G. Le Quintrec 35

■ Présentation de la question

◗◗ La Méditerranée médiévale, quel espace, quelle périodisation ?

Traiter du Moyen Âge nécessite forcément une réflexion sur le choix des bornes chronologiques pour délimiter la période. La notion même de Moyen Âge est de plus en plus discutée. Le programme reste cependant dans une acception classique de la périodisation de l’his-toire ; cela permet de circonscrire le sujet du chapitre aux XIe-XVe siècles : le XIe siècle correspond au début des avancées chrétiennes en Al Andalous, l’Espagne musulmane, et aboutit à la première croisade en 1095 ; en 1453, date que le programme utilise comme début de la séquence suivante (le chapitre 1 du thème 2), les Otto-mans prennent Constantinople et mettent un coup d’arrêt définitif à la puissance byzantine, en déclin sur toute la période. À la fin du XVe, de nouvelles dynamiques émer-gent entre les grands ensembles politiques et envers les multiples communautés religieuses ; les expulsions des juifs et des musulmans des royaumes ibériques à partir de 1492 en sont le témoin.

Durant ces cinq siècles, la mer Méditerranée constitue le cœur des échanges commerciaux. Elle est une zone de confluence humaine entre l’Europe, l’Afrique et l’Asie. Il est important de conserver le plus possible cette contex-tualisation large, en ne se concentrant pas sur les rives de la mer mais en observant cet espace en lien avec les espaces périphériques évoqués. La Méditerranée est non seulement un espace de circulation, mais aussi de coexis-tence entre trois grands ensembles qui présentent chacun une relative homogénéité, à défaut d’unité, sur les plans politiques, linguistiques, culturels et religieux : l’Occi-dent latin, l’Empire byzantin et les territoires musulmans.

◗◗ Des contacts entre des « civilisations »

Ce deuxième chapitre du programme invite à analyser et à comprendre les contacts, sous toutes leurs formes, entre trois « civilisations ». La notion de civilisation se comprend ici dans une acception retravaillée depuis le début du XXIe siècle, par Robin Collingwood par exemple (« Ce que ’’la civilisation’’ veut dire », Cités, 2002/4 n° 12). On peut définir la civilisation comme l’en-semble de traits caractéristiques qui permettent de définir

des ensembles de populations, d’organisations politiques, d’espaces, à une époque donnée. Cette notion ne fige pas forcément des blocs dans une identité immuable, il faut en effet bien concevoir une civilisation comme un cadre de pensée poreux dans lequel les échanges, les influences extérieures et les métissages sont possibles.

Ces civilisations sont à penser comme des grands ensembles culturels inscrits dans des territoires mais aussi ouverts aux influences extérieures. Le programme évoque à juste raison la présence essentielle en Méditer-ranée des trois grands monothéismes : juif, chrétien et musulman. On ne peut néanmoins pas limiter la question aux seules oppositions religieuses. Il est important de considérer ces ensembles sous une pluralité de critères incluant le fait religieux mais aussi linguistique, politique et social. La religion est un fait total dans la mesure où il est pleinement intégré dans de nombreuses stratégies économiques et politiques, de la part des communau-tés qui détiennent le pouvoir comme des minorités qui doivent vivre sous les règles extérieures à leur commu-nauté, comme c’est le cas des juifs en territoires chrétiens et musulmans ou des musulmans vivant en territoires conquis par les chrétiens à partir du XIe siècle (Espagne, Orient).

◗◗ Des échanges multiples en Méditerranée

Cette question connaît de nombreux renouvellements scientifiques depuis le début des années 2000, autant dans l’analyse des échanges commerciaux ou intellec-tuels entre les communautés que dans le regard porté aux affrontements militaires, à travers la question des violences en particulier. Les échanges commerciaux ont longtemps été présentés comme un élément pacifica-teur au milieu de relations très conflictuelles et souvent violentes, caractérisant la période médiévale. Cette ana-lyse est cependant réévaluée dans les études historiques récentes. Les stratégies mises en place par la République de Venise pour se tailler une thalassocratie en Méditer-ranée en attestent : le commerce peut être un facteur créateur de tensions, voire de conflits. Le dossier docu-mentaire proposé sur Venise met en avant l’ambiguïté existant entre des échanges créateurs de lien social et des enjeux politique et militaire liés aux dominations com-merciales.

Chapitre 2La Méditerranée médiévale : espace d’échanges et de conflits à la croisée de trois civilisations

> MANUEL PAGES 72-97

Page 2: Chapitre 2 La Méditerranée médiévale : espace d’échanges

Ces contacts, protéiformes dès le XIe siècle, reposent sur des acteurs et des espaces jouant le rôle essentiel d’intermédiaires. Les marchands, en particulier, sont des passeurs incontournables qui s’inscrivent dans des stratégies sociales qui dépassent largement les limites de leur espace culturel, comme le montre le deuxième dossier documentaire sur le commerce. Les échanges sont très intenses dans certaines grandes villes portuaires (Alexandrie, Acre, Marseille, Constantinople) mais aussi dans les zones de front de conquête, rendues multicul-turelles par les vagues successives de domination : la Sicile, sur laquelle un dossier documentaire est proposé, l’Espagne (le grand centre intellectuel Tolède en parti-culier) ou les États latins d’Orient. À l’intérieur même des villes, certains lieux constituent des points de ren-contre et d’échanges entre les différentes communautés : les quartiers de commerce, dans lesquels se côtoient des marchands de toutes origines ainsi que des lieux de loi-sirs comme les bains.

Ces espaces de contact ont été particulièrement mis en avant par les études historiques récentes. Ils constituent des aires de métissage, de construction de nouvelles cultures caractérisées par les mélanges religieux, linguis-tiques et sociaux.

Dans ce cadre, des notions anachroniques sont à évi-ter comme le concept d’intolérance ou à l’inverse de tolérance, dont les acceptions contemporaines ne cor-respondent pas à la réalité de sociétés médiévales, inégalitaires par essence et reposant sur des statuts très hiérarchisés, fondés sur les distinctions religieuses (les groupes ne reconnaissant pas le culte en vigueur dans un pays sont considérés comme inférieurs par nature). Cette distinction n’empêche pas des attitudes au quotidien, voire des décisions politiques du pouvoir, qui tendent vers une protection des minorités religieuses : les com-munautés différentes sont acceptées et leur existence est entretenue par les pouvoirs en place justement parce que leur présence permet de maintenir la hiérarchie statutaire entre les groupes. L’étude consacrée aux Juifs dans l’Es-pagne chrétienne le montre (p. 86).

Enfin, les contacts entre les différentes civilisations peuvent s’avérer violents. Les campagnes militaires ont été étudiées depuis plusieurs décennies et témoignent surtout d’une instrumentalisation du fait religieux par des autorités soucieuses d’affirmer leur autorité (le pape, lors des deux premières croisades par exemple, Saladin se présentant comme le chantre de l’unité des musulmans à la fin du XIIe siècle également). Il est donc important de montrer que les croisades et le jihad comportent une dimension politique forte, dans laquelle le discours reli-gieux n’est qu’une partie des motifs de guerre.

■ Bibliographie ◗◗ Ouvrages généraux

● Sur le contexte politique de cette vaste zone géographique :

– Jansen Ph., Nef A. et Picard C., La Méditerranée entre pays d’islam et monde latin (milieu Xe-milieu XIIIe siècle), Sedes, 2000. – Jehel G., La Méditerranée médiévale de 350 à 1450,

Armand Colin, 1992. – « Atlas de la Méditerranée », L’Histoire, Hors-série,

n° 1, 2012.

● Sur le monde musulman 

– Picard C., Le monde musulman du XIe au XVe siècle, Armand Colin, 2014. – Edde A.-M., Pouvoirs en Islam : Xe-XVe siècle,

La documentation française, 2015. – Garcin J.-C. (dir.), États, sociétés et cultures du monde

musulman médiéval, Xe-XVe siècle, PUF, coll. « Nouvelle Clio », 3 vol., 1995-2000.

● Sur l’occident chrétien

– Kaplan M. (dir.), Histoire médiévale / Tome 2, Le Moyen Âge XIe-XVe siècles, Bréal, 1998. – Mayeur J.-M., Pietri Ch. et L. (dir.), Histoire du chris-

tianisme des origines à nos jours. Tome V : Apogée de la papauté et expansion de la chrétienté (1054-1274), Desclée, 1993.

● Sur l’Empire byzantin 

– Ducellier A., Byzance et le monde orthodoxe, 3e édi-tion, Armand Colin, 2006. – Laiou A. et Morrison C. (dir.), Le monde byzantin.

Tome III : Byzance et ses voisins (1204-1453), PUF, 2001.

● Sur les communautés juives en Méditerranée 

– Germa A., Lellouche B. et Patlagean E. (dir.), Les Juifs dans l’Histoire, Champ Vallon, 2009. Pour les commu-nautés juives.

◗◗ Ouvrages spécialisés

● Sur les affrontements et contacts violents entre communautés

– Balard M., Croisades et Orient latin : XIe-XVe siècle, 3e édition, Armand Colin, 2017. Sur les croisades en Orient. – Cahen C., Orient et Occident au temps des croisades,

Aubier, 1983. – Nirenberg D., Neighboring Faiths: Christianity, Islam

and Judaism in the Middle Ages and Today, Chicago, Chicago University Press, 2014. Sur les processus de violences en Espagne. – Maalouf A., Les Croisades vues par les Arabes, J’ai

Lu, 1999.

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Page 3: Chapitre 2 La Méditerranée médiévale : espace d’échanges

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● Sur les échanges commerciaux en Méditerranée 

– Malamut E. et Ouerfelli M. (dir.), Les échanges en Méditerranée médiévale : Marqueurs, réseaux, circula-tions, contacts, PUF, 2012. – Rüdiger J., « Thalassocraties médiévales : pour une his-

toire politique des espaces maritimes », dans Abdellatif Rania, Benhima Yassir, König Daniel, Ruchaud Elisabeth (dir.), Acteurs des transferts culturels en Méditerranée médiévale, 2012. – Jehel G., L’Italie et le Maghreb au Moyen Âge : conflits

et échanges du VIIe au XVe siècle, PUF, Oldenbourg Ver-lag, 2001. – Picard Ch., La Mer des califes. Une histoire de la Médi-

terranée musulmane, VIIe-XIIe siècle, Le Seuil, 2015.

● Pour approfondir les connaissances sur les trois monothéismes

– Attias J.-C. et Benbassa E., Dictionnaire de civilisation juive, Larousse, 1998. – Attias J.-C. et Benbassa E., Petite histoire du judaïsme,

Librio, 2007. – Corbin A. (dir.), Histoire du Christianisme, Seuil, 2007.

– Chelini J., Histoire religieuse de l’Occident médiéval, Fayard, rééd. 2010. – Encyclopédie de l’Islam, Leyde, Brill, 3e éd. en cours

d’édition depuis 2007. Disponible en ligne : https://referenceworks.brillonline.com/entries/encyclopedie-de-l-islam/ – Amir-moezzi M. et Lory P., Petite histoire de l’islam,

Librio, 2007.

◗◗ Compilations de sources littéraires médiévales

– Guyotjeannin O., Les Sources de l’histoire médiévale, Le Livre de Poche, 1998. – Gabrieli F., Chroniques arabes des croisades, Sind-

bad-Acte Sud, 2014.

◗◗ Sites internet

– http://classes.bnf.fr/idrisi/ : un site très riche sur les apports culturels de la civilisation musulmane, et en par-ticulier autour de la figure d’al-Idrisi. – https://www.imarabe.org/fr/decouvrir-le-monde-arabe/

sciences – https://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/sicile/ : un site

très fourni sur la Sicile médiévale.

■ Plan du chapitreComme le préconise le programme, le chapitre débute

par une présentation des trois grands ensembles de civi-lisation qui coexistent autour de la mer Méditerranée : l’Empire byzantin, le monde musulman et l’occident chrétien. La leçon souligne en particulier les fractures et l’hétérogénéité qui existent entre eux et au sein de chacun de ces ensembles (cours 1). Ceci permet, dans un second temps, de présenter les affrontements militaires issus des conquêtes chrétiennes, les croisades en Orient et en Espagne, et les ripostes musulmanes, mais aussi les situations conflictuelles produites par ces affrontements, vécues par les communautés chrétiennes, musulmanes et juives (cours 2). Les contacts ne sont pas uniquement conflictuels et le cours s’attache donc, dans un troisième temps, à envisager les autres formes de relations, comme les échanges commerciaux et culturels (cours 3).

Le chapitre comprend aussi cinq dossiers documen-taires permettant de préciser la grande diversité des contacts autour de la Méditerranée, tout en réalisant des focus sur des acteurs et des espaces au cœur des relations entre civilisations. Le premier dossier propose une étude

des affrontements militaires entre chrétiens et musul-mans. Il permet de rentrer dans le cœur des logiques de croisade et de djihad. Le deuxième dossier permet d’étudier les échanges commerciaux au sein de l’espace méditerranéen et les contacts commerciaux avec les régions environnantes (Europe du Nord, Afrique, Asie). Le troisième dossier propose une étude originale sur la situation de la communauté juive dans l’Espagne chré-tienne. Le quatrième dossier se concentre sur la figure de Bernard de Clairvaux, un clerc au cœur de la deu-xième croisade. Le cinquième dossier propose d’étudier en détail la thalassocratie vénitienne. Le sixième dossier propose un regard sur la Sicile, une terre de contact entre toutes les civilisations méditerranéennes.

Ouverture > MANUEL PAGES 72-73

• Doc. Carte extraite de l’Atlas catalan

Abraham Cresques, cartographe juif majorquin, réalise vers 1375 un ensemble de six portulans représentant le

Commentaire des documents et réponses aux questions

Page 4: Chapitre 2 La Méditerranée médiévale : espace d’échanges

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monde, de l’océan Atlantique à la Chine. Cet ensemble de parchemins, appelé Atlas catalan, est une des œuvres majeures d’une école de cartographie très dynamique à Majorque durant le XIVe siècle et jusqu’au début de l’époque moderne. L’auteur lui-même est un témoin des contacts intenses entre communautés en Espagne et des mobilités nombreuses en Méditerranée : issu de la communauté juive de catalogne, il travaille avec des cartographes chrétiens (son fils, lui aussi cartographe, se convertit ensuite au catholicisme) et mène plusieurs voyages en France pour répondre à des commandes du roi Charles V ainsi qu’en Aragon.

Il s’agit d’un portulan, c’est-à-dire d’une carte marine. Elle est construite selon les besoins spécifiques des navi-gateurs. Elle indique tous les ports accessibles ainsi que la direction des vents dominants. Destinée à être tournée selon la direction à emprunter, elle présente des inscrip-tions permettant une lecture simple sans imposer un sens unique de lecture de la carte. Toutes les écritures sont orientées vers la Méditerranée, élément central de la carte. Le détail et la justesse dans le dessin des littoraux témoigne par ailleurs de la connaissance de cette mer Méditerranée, en comparaison avec les contours moins nets des rives Atlantiques et de la Baltique.

Cette carte se veut également extrêmement détaillée dans les indications politiques : les souverainetés sont indiquées par des mentions d’héraldiques (drapeaux). Les capitales et villes royales sont représentées.

Pour les élèves, cette cartographie a le mérite d’ins-taurer dès le début de ce chapitre un contexte plus large que les territoires bordant la Méditerranée : les espaces plus éloignés sont visibles, comme le Nord de l’Afrique (la Nubie notamment), le Proche orient et l’essentiel de l’Europe, jusqu’à la Baltique.

Repères > MANUEL PAGES 74-75

Cette double page offre des repères temporels et spa-tiaux clairs afin de contextualiser la période et la zone étudiées dans ce chapitre.

Une frise chronologique permet de souligner les bornes de la période du Moyen Âge étudiée dans ce chapitre : de l’An Mil au début du XIVe siècle. Cette période constitue selon la tradition historique le « Moyen Âge central » ; la page de repères chronologiques replace celui-ci dans le temps long du Moyen Âge. On indique en particu-lier deux évènements qui marquent profondément les contacts en mer Méditerranée à la fin du Moyen Âge : la prise de Constantinople par les Turcs en 1453 et la prise de Grenade par les rois catholiques espagnols en 1492.

La carte, centrée sur la mer Méditerranée, localise les principaux lieux évoqués durant le chapitre, tout en proposant un cadre plus large. L’échelle choisie permet

de placer la zone méditerranéenne dans un contexte d’échanges entre l’Europe du Nord, l’Afrique et l’Orient.

La Méditerranée, une zone d’affrontements violents

> MANUEL PAGES 82-83

Cette double page met en lumière les affrontements militaires entre chrétiens et musulmans, mettant en regard les croisades en Orient et les guerres en Espagne liées à la Reconquista. Elle confronte les points de vue chrétien (à travers l’appel à la croisade du pape Urbain II) et musulman (à travers l’appel au djihad de Saladin). Ce dossier permet d’étudier la dimension religieuse dans les justifications des affrontements militaires en Méditerra-née. Il met également en avant des figures historiques, les souverains Saladin et Louis IX notamment, comme acteurs centraux de ces affrontements.

• Doc. 1. L’appel du pape Urbain II à la première croisade

Il s’agit d’un extrait des chroniques de Foucher de Chartres, Histoire du pèlerinage de Jérusalem, au XIIe siècle, retranscrivant le discours tenu lors du concile de Clermont en 1095 par le pape, appelant les chrétiens d’occident à partir en croisade.

• Doc. 2. Affrontement lors de la Reconquista

Nous proposons une illustration de scène de bataille entre armées chrétienne et musulmane. Cette enlumi-nure est tirée du manuscrit du roi d’Aragon Cantigas de Alfonso au XIIIe siècle.

• Doc. 3. Le départ en croisade du roi Saint Louis

Il s’agit d’une miniature issue du manuscrit Vie et miracles de Monseigneur Saint Louis de Guillaume de Saint-Pathus, chroniqueur du XIVe siècle. Cette enlu-minure présente le départ en croisade du roi de France Louis IX dans une démarche hagiographique issue de la tradition médiévale des récits de miracles (le souverain est ainsi représenté avec une auréole, sur un fond d’or).

• Doc. 4. Saladin appelle au djihad

Ce texte est tiré des œuvres du chroniqueur arabe Abû Shâma, né en 1203 à Damas, auteur du Livre des deux jardins, consacré au règne de Saladin.

➡Réponses aux questions

1. Les arguments du pape sont les suivants : le devoir des chrétiens est de porter secours à d’autres chrétiens en danger, sur la demande de Dieu ; la menace des Turcs, de plus en plus pressante et de plus en plus étendue sur tous les territoires chrétiens ; enfin, les combattants obtiendront en échange la rédemption (le pardon de leurs péchés).

Page 5: Chapitre 2 La Méditerranée médiévale : espace d’échanges

2. Tous les chrétiens d’occident doivent partir en croi-sade : le pape appelle les évêques à encourager toutes les catégories sociales (doc. 1), les chevaliers comme les paysans, les riches comme les pauvres. Les souverains eux-mêmes y participent, comme Louis IX (doc. 3).

3. Les symboles religieux visibles sur les images sont la croix du Christ, portée par les soldats, notamment sur les boucliers de croisés (doc. 3) et en étendard (doc. 2), la représentation de la Vierge Marie et du Christ enfant en étendard (doc. 2). La sainteté de la lutte est représentée par l’auréole autour de la tête de Saint Louis (doc. 3).

4. Les musulmans doivent réagir aux croisades en s’armant pour défendre et reconquérir les territoires musulmans, menacés par les invasions chrétiennes. Ils doivent s’unir pour défendre la foi musulmane.

5. Cette question impose la rédaction d’une synthèse pour répondre à la problématique posée : comment la religion légitime-t-elle la guerre entre chrétiens et musul-mans ?

Du côté des musulmans comme du côté des chrétiens latins, les guerres ont pour origine essentielle des appels lancés par les chefs politiques et religieux : le pape Urbain II appelle les chrétiens d’occident à lancer une croisade en Orient lors du concile de Clermont de 1095 ; le sultan Saladin encourage vivement les arabes musul-mans à s’unir pour chasser les chrétiens des territoires qu’il juge appartenir à l’islam. Ces appels doivent loca-lement être relayés par les puissants. Ainsi, les guerres doivent, en théorie, mobiliser tous les fidèles ; le roi de France Louis IX part en croisade entre 1248 et 1254. La religion est donc le facteur permettant d’unifier les com-battants venus de territoires variés, mais se mobilisant pour la défense d’une même foi.

Les guerres sont justifiées par la nécessité de lutter contre une menace lancée par une autre religion. Les ennemis sont présentés comme des mécréants ou des « infidèles », selon les mots de Saladin. Ces ennemis sont décrits comme des destructeurs et des meurtriers, qui n’ont pour autre objectif que d’anéantir la vraie reli-gion. Ainsi, la lutte contre les mécréants prend avant tout la forme d’un combat pour la défense de sa propre reli-gion. Urbain II, par exemple, met en avant l’appel au secours lancé par les chrétiens d’Orient menacés par les musulmans ; Saladin appelle à repousser la menace gran-dissante des chrétiens en Orient. Puisqu’ils combattent au nom de leur Dieu, les combattants musulmans et chrétiens se voient promettre des récompenses de même nature : une rémission des péchés, notamment celui de tuer, et une place au paradis.

➡Faire un tableau de synthèse

Dans l’Occident chrétien

Dans les territoires musulmans

Les personnes appelées à combattre

Les princes et souverains chrétiens et tous les fidèles.

Tous les fidèles musulmans.

Les motifs de la guerre

Venir en aide aux chrétiens d’Orient.Repousser l’avancée des armées musulmanes.

Défendre et reconquérir les territoires musulmans contre les invasions chrétiennes.Réunir tous les musulmans pour défendre la foi musulmane.

La récompense assurée aux combattants

Obtenir le salut de Dieu, c’est-à-dire le pardon des péchés.

Obtenir le salut d’Allah.Obtenir la sécurité en tant que croyant.

Comment considèrent-ils leurs ennemis ?

Les musulmans sont considérés comme des envahisseurs ; ils représentent donc une menace et comme des « païens », donc ne respectant pas la vraie foi.

Les chrétiens sont considérés comme des ennemis envahisseurs et destructeurs, des « infidèles » et « mécréants », donc dans l’erreur religieuse.

La mer Méditerranée, un espace commercial majeur

> MANUEL PAGES 84-85

Cette double page présente les échanges commerciaux, très intenses, et culturels entre les grandes aires de civi-lisation au Moyen Âge et propose des sources d’une grande diversité (actes officiels, récits de voyage…).

L’étude permet de souligner le dynamisme du com-merce en Méditerranée, ainsi que les échanges culturels qui s’en suivent.

• Doc. 1. Traité entre le sultan mamelouk Qâlâwûn et la République de Gênes (13 mai 1290)Ce document diplomatique, traduit par l’historien

Claude Cahen, présente quelques-unes des mesures prises dans le cadre d’accords commerciaux entre Gênes et le sultan mamelouk d’Égypte à la fin du XIIIe siècle. Ces mesures soulignent à quel point les relations pouvaient être constructives, le sultan octroyant aux marchands génois de larges avantages économiques, à la fois dans le port d’Alexandrie et dans tout le territoire égyptien.

• Doc. 2. Contrat entre un marchand marseillais et un marchand égyptienIl s’agit d’un accord stipulant une reconnaissance de

transaction entre un commerçant chrétien de Marseille, Bernard de Manduel, et un marchand d’Alexandrie, Alfaquin. D’une grande richesse, ce texte donne à voir les transactions financières parfois complexes, reposant sur la confiance, entre des acteurs économiques issus de deux aires culturelles différentes.

• Doc. 3. Dinar, monnaie d’or frappée dans la ville d’Acre au milieu du XIIIe siècleCes pièces de monnaie utilisées dans les transactions

au sein de cette ville des États latins d’Orient est aussi

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appelée « besant » par les chrétiens. L’objet représente parfaitement les échanges et mélanges culturels qui ont lieu dans une ville très cosmopolite comme Acre. En effet, la croix chrétienne frappée au centre de la pièce est associée à des inscriptions en arabe.

• Doc. 4. Les routes commerciales en MéditerranéeCette carte présente les principaux axes commerciaux

qui traversent la Méditerranée, mais également ceux qui relient cette zone aux espaces voisins : l’Europe du Nord, l’Afrique, l’Orient. La carte souligne l’intégration des espaces méditerranéens dans des circuits commerciaux plus vastes, permettant de faire circuler des marchandises d’Asie (épices, soie) jusqu’en Europe du Nord (tissus, bois, par exemple).

• Doc. 5. Le commerce dans les États latins d’OrientCe texte est un témoignage d’une grande richesse, livré

par le voyageur arabe de la fin du XIIe siècle, Ibn Jubayr (ce texte est tiré de son œuvre traduite sous le titre Voyages). Lors d’un pèlerinage à La Mecque, Ibn Jubayr fait étape à Acre ; il dépeint une ville extrêmement vivante, tirant sa richesse des va-et-vient permanents de marchands originaires de tous les espaces méditer-ranéens, mais aussi d’Orient. La ville elle-même est un monde d’échanges commerciaux et culturels intenses, ce qui va de pair avec une organisation stricte (caravansé-rails pour chaque communauté, douanes) permettant la cohabitation entre les communautés.

➡Réponses aux questions

1. Les acteurs du commerce méditerranéen sont des cités marchandes italiennes : Gênes, Venise, Pise, les sou-verains des territoires musulmans (le sultan mamelouk par exemple), des marchands issus des grands ports de toute la Méditerranée (Marseille, Alexandrie, Acre, par exemple), les marchands caravaniers qui traversent les territoires musulmans depuis l’Afrique ou l’Asie (évo-qués par Ibn Jubayr dans le doc. 5) et l’administration des ports marchands, les douanes en particulier.

2. Acre est un port de l’est de la Méditerranée, situé dans les États latins d’Orient, territoires chrétiens enser-rés dans les territoires musulmans.

3. La pièce présente un symbole chrétien, la croix, entourée d’inscriptions en arabe.

4. Les pouvoirs chrétiens et musulmans se montrent très conciliants vis-à-vis des marchands étrangers : mise en place d’avantages et exonérations selon des alliances avec un État, accueil dans des zones spéciales du port. L’objectif est de favoriser les échanges commerciaux tout en contrô-lant les entrées et sorties des populations étrangères.

5. Le contrat lie un marchand marseillais, Bernard de Manduel et un marchand égyptien, Alfaquin. Il stipule un achat par Alfaquin d’épices et plantes venues d’Asie. Cette transaction s’est effectuée à crédit. Le texte est une reconnaissance du montant qu’Alfaquin doit rembourser à Bernard de Manduel. Nous notons aussi l’intervention

d’un intermédiaire à Ceuta (au Maroc), peut-être un inter-médiaire traducteur.

6. Cette question impose la rédaction d’une synthèse pour répondre à la problématique posée : comment le commerce en Méditerranée contribue-t-il à pacifier les relations entre chrétiens et musulmans ?

Des acteurs d’origines diverses, de religions diffé-rentes nouent des contacts très étroits en échangeant des marchandises : les marchands se lient par des contrats commerciaux, qui les engagent financièrement, comme c’est le cas pour le marchand musulman égyptien Alfaquin et le marchand chrétien de Marseille Bernard de Manduel. Ces liens juridiques sont censés éviter des conflits et des violences entre les individus en cas de mar-chandises perdues ou non payées. Ces contrats imposent aussi aux marchands d’accorder leur confiance aux autres, quelle que soit leur origine ou leur foi. Ainsi Alfaquin scelle un contrat avec Bernard de Manduel par une pro-messe « de bonne foi ».

Les États signent entre eux des traités diplomatiques pour favoriser les échanges commerciaux. Ces accords dépassent les clivages religieux et politiques. Le sultan égyptien Qalâwûn accorde, par exemple, de nombreux privilèges à la République de Gênes en faveur de leurs marchands.

Dans les grands ports en particulier, les rencontres et les échanges quotidiens sont intenses entre des individus musulmans, chrétiens orthodoxes et chrétiens d’Occident venus de pays très différents. Dans ces lieux s’opèrent même des mélanges culturels : dans la ville d’Acre par exemple, port chrétien situé sur le littoral des États latins d’Orient, les monnaies frappées au XIIIe siècle présentent des inscriptions en arabe tout en maintenant le symbole de la croix chrétienne.

➡Mettre en récit 

Les éléments de réponse à la question 6 peuvent consti-tuer les bases de la lettre à rédiger. Il faudra mettre en avant les échanges économiques, les accords juridiques passés par les marchands et les échanges culturels.

Il serait intéressant de situer l’action de ce marchand à Alexandrie, lieu de privilèges pour les génois (doc 1).

La présentation doit reprendre les grands codes du genre épistolaire : date et lieu de rédaction en entête, for-mule d’adresse au destinataire (« Cher… »), formule de politesse finale et signature.

Les juifs : une minorité dans l’Espagne chrétienne

> MANUEL PAGE 86

Cette page permet d’étudier plus précisément la situa-tion de la communauté juive dans l’Espagne reconquise par les rois chrétiens, en particulier en Castille durant

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le règne du roi Alphonse X, souverain du XIIIe siècle, ouvert aux apports culturels musulmans mais aussi très actif dans la codification des relations entre les commu-nautés de son royaume.

• Doc. 1. Partie d’échecs entre un juif et un musulman, vue par des chrétiens

Cette miniature est issue du Livre des jeux dont la rédaction a été demandée par Alphonse X en 1283. C’est un ouvrage qui recense de nombreux jeux de société, essentiellement inspirés des arabes. Un juif, reconnais-sable à son chapeau aux larges bords et un musulman, portant un turban, jouent ensemble aux échecs. Cette image met en scène un idéal de cohabitation paci-fique et d’échanges entre les différentes communautés religieuses, et la bonne intégration des juifs dans des acti-vités sociales, comme les jeux. Il ne s’agit là que d’une vision que le souverain cherche à diffuser ; il convient donc bien de relativiser les analyses angéliques que les élèves pourraient développer. Les cohabitations entre communautés religieuses oscillent entre conflits et rela-tions pacifiques selon les époques et selon les régions.

• Doc. 2. La législation du roi de Castille Alphonse X sur les juifs

Ce texte législatif émane du grand Code mis en place par le même souverain, la loi dite des « Sept parties » (Siete Partidas). Ce texte contient de nombreuses mesures contraignantes envers les juifs du royaume, les excluant des fêtes chrétiennes par exemple. Le but de ces lois est de maintenir une distinction claire entre les communautés. Il faut se garder de parler de tolérance ou d’antisémitisme, notions anachroniques et inexactes pour la situation présente : ces lois ont pour vocation première de délimiter des statuts clairs entre juifs et chrétiens, afin d’entretenir une coexistence et un équi-libre, souvent précaire, entre les communautés. Les lois maintiennent, par exemple, l’existence des synagogues en nombre constant.

➡Réponses aux questions

1. L’objectif de la loi d’Alphonse X est de fixer les Juifs dans le royaume, tout en leur réaffirmant la possi-bilité qui leur est accordée de respecter leurs préceptes religieux (loi I). Le souverain maintient les synagogues existantes pour le culte juif. Si aucune nouvelle syna-gogue n’est autorisée, celles qui existent déjà doivent être entretenues (loi IV).

2. Les lois interdisent aux juifs de se mêler à la vie des chrétiens et de tisser des liens d’amitié avec eux : interdic-tion de participer aux fêtes religieuses chrétiennes (loi II), ou aux repas organisés par des chrétiens (loi VIII). Les lois interdisent également le prosélytisme (lois I et VII).

3. L’image représente un juif, reconnaissable à son chapeau aux larges bords, et un musulman portant un tur-ban qui jouent ensemble aux échecs. Cette image laisse

penser que les communautés se côtoyaient et échan-geaient régulièrement de façon pacifique.

4. Dans une petite réponse rédigée et organisée, on attend les éléments suivants :

– des communautés bien intégrées : idéal de cohabita-tion pacifique, de dialogue, à travers l’image du partage d’activités ;

– des communautés tolérées (acceptées, sans toutefois avoir les mêmes droits), mais tenues à l’écart : maintien du culte juif avec ses lieux de culte, mais interdits sociaux nombreux (interdiction de se mêler aux fêtes chrétiennes, de nouer de relations amicales avec les chrétiens).

Par peur du mélange, de la conversion des chrétiens au judaïsme, les juifs sont acceptés mais clairement distin-gués des chrétiens, par leurs vêtements par exemple (cf. rouelle jaune portée par les juifs en France et en Aragon).

Bernard de Clairvaux et la deuxième croisade

> MANUEL PAGE 87

L’étude de la figure de Bernard de Clairvaux est un point de passage inscrit dans le programme officiel. Cette page souligne le rôle de ce clerc dans le lancement de la deuxième croisade, ainsi que dans la constitution d’un ordre de moines soldats, les Templiers, qui joue un rôle essentiel dans les États latins d’Orient.

Une infographie présente les grandes dates de la vie de Bernard de Clairvaux.

L’ordre du Temple (dont les membres sont appelés les « Templiers ») est fondé par un noble champenois parti en pèlerinage au début du XIe siècle. Il est reconnu officiel-lement sous le nom de « milice des pauvres chevaliers du Christ et du temple de Salomon » en 1120 (lors du concile de Naplouse), car le roi de Jérusalem lui donne une par-tie du palais appelé alors (à tort) le temple de Salomon. Dès les débuts, tous les membres font vœu de chasteté, de pauvreté et d’obéissance (vœux habituels dans les ordres réguliers) ainsi que celui de protéger les pèlerins. Une règle propre leur est donnée en 1129 à la suite du concile de Troyes, le nom consacré devient alors « ordre du Temple ».

• Doc. 1. Les Templiers partant au combat

Cette fresque de la chapelle du monastère de Cressac en Charente, de 1170, présente des moines sortant de leur forteresse, avec leur équipement de chevalier. Cette scène est associée à la bataille de la Bocquée (plaine de la Bekaa) en 1163, non loin du Krak des chevaliers.

• Doc. 2. Les recommandations de Bernard de Clairvaux aux Templiers

Bernard de Clairvaux participe en 1129 à la rédaction de la règle du nouvel ordre monastique des Templiers à

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la demande des moines. Il adosse à ce texte un long dis-cours appelé De laude novae militiae (De l’éloge de la nouvelle milice) définissant le rôle sacré des moines en Terre sainte. Deux buts sont définis par Bernard de Clair-vaux : protéger militairement les lieux saints chrétiens en Terre sainte et tuer les ennemis des Chrétiens.

➡Réponses aux questions

1. Les personnages représentés sont des moines tem-pliers, équipés comme des chevaliers car ils partent combattre les armées musulmanes.

2. Bernard de Clairvaux explique que la violence est portée contre les musulmans. Or ces derniers sont jugés comme œuvrant pour le mal, ne respectant pas Dieu. La violence serait perpétrée pour la défense des chrétiens, par la volonté du Christ lui-même.

3. Les croisés agissent au nom de Dieu ; on leur promet donc le salut de leur âme s’ils sont tués lors des combats, c’est-à-dire le paradis. On leur promet même le statut de défenseur des chrétiens.

4. Bernard de Clairvaux est l’un des instigateurs de la deuxième croisade. Il relaie l’appel du pape à partir en croisade devant l’abbaye de Vézelay en 1146. Il parvient à convaincre le roi de France à partir en croisade. Enfin, il est à l’origine de la fondation de l’ordre des Templiers, constitué pour défendre la Terre sainte.

5. Pour la réalisation de l’exposé, il faudra d’abord rappeler ce qu’est l’Église et qui sont les acteurs qui interviennent lors de cette croisade.

Quelques conseils d’organisation :– en groupes relativement restreints (2 à 3 élèves), les

élèves doivent partir des documents de la page du dossier (p 87), ainsi que sur les pages 82-83 ;

– les recherches sur Bernard de Clairvaux, le pape et l’ordre des Templiers doivent se poursuivre au CDI, en bibliothèque ;

– la présentation peut s’appuyer sur un diaporama qui reprend le plan : une page par sous-partie. On y présente des documents iconographiques (cartes, enluminures…) mais très peu de texte : seulement quelques mots-clés ;

– à l’oral, veiller à répartir équitablement la parole : chaque sous-partie peut être prise en charge par un élève différent.

Venise, grande puissance méditerranéenne

> MANUEL PAGES 88-89

Le dossier présente une étude imposée par le pro-gramme sur Venise, grande puissance maritime et commerciale. Il s’agit, à travers des documents de natures variées, de comprendre les caractéristiques de la thalassocratie mise en place par la cité des Doges en

Méditerranée à partir de la fin du XIe siècle.Une chronologie, reprenant les jalons historiques essen-

tiels de cette période, est proposée.

• Doc. 1. Accord entre l’empereur byzantin et Venise (1082)

À la suite d’une campagne de conquête menée contre Byzance par les Normands de Sicile au nord de la Grèce (prise de Dyrrachion en 1081 par Robert Guiscard), l’empereur Alexis Comnène sollicite l’aide de Venise pour repousser la menace normande. En échange, la cité italienne obtient un statut privilégié défini dans un chry-sobulle, c’est-à-dire un décret d’une très haute valeur juridique. De nombreux avantages commerciaux et diplo-matiques sont accordés par l’empereur byzantin à Venise.

• Doc. 2. Une vision de Venise

Cette miniature peinte est extraite d’une édition du début du XVe siècle du Livre des merveilles de Marco Polo. Au-delà de quelques représentations oniriques comme les lions au premier plan à gauche (symboles de la cité), la scène montre une circulation intense sur la mer. On voit notamment le palais des Doges (en haut à gauche) paré de statues de chevaux en bronze, volées lors du sac de Constantinople en 1204.

• Doc. 3. Le réseau commercial de Venise au XIIIe siècle

Cette carte localise les sites de présence vénitienne tout autour de la méditerranée :

– les possessions (en orange) sont des territoires contrô-lés pleinement par Venise ; la cité des Doges appuie sa domination commerciale sur un ensemble de ports dans lesquels elle possède des avantages très importants (des quais, des bâtiments d’accueil, des exonérations de taxes douanières parfois) ;

– les comptoirs, répartis sur tout le pourtour de la Médi-terranée et jusqu’au Nord de la Mer Noire, sont des ports dans lesquels Venise possède des installations (quais, entrepôts) et des avantages financiers.

• Doc. 4. Accord entre les barons francs de Syrie et Venise (1123)

Ce texte est extrait des chroniques de l’archevêque de Tyr, Guillaume de Tyr. Il présente une concerta-tion entre les grands seigneurs du royaume chrétien de Jérusalem et Venise. L’intervention militaire de cette dernière est obtenue pour mener des batailles contre des cités côtières. La puissance militaire vénitienne est clairement reconnue. En contrepartie de cette aide, Venise obtient des avantages très importants dans les villes reconquises.

• Doc. 5. Le pillage de Constantinople par les croisés (1204)

Le texte de Robert de Clari, acteur du pillage de la capitale byzantine, en souligne les motifs économiques

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et met l’accent sur le rôle moteur de Venise, qui s’octroie la moitié du butin.

➡Réponses aux questions

1. Les avantages commerciaux recherchés par Venise sont :

– des revenus financiers (par exemple : 20 livres par an, données par l’empereur, distribuées aux églises véni-tiennes à Constantinople) ;

– le contrôle et l’usage exclusif de quartiers entiers de villes portuaires, sous forme d’entrepôts et de quais de déchargement (ex : quartier de Perama à Constantinople), voire de rues avec leurs églises et bains (dans les États latins d’orient). Cela permet de se constituer des comptoirs, c’est-à-dire des territoires concédés à Venise pour l’usage commercial par la puissance à qui appartient le port ;

– l’autorisation de commercer librement, donc d’être totalement exonéré des taxes et droits de douane, dans les États latins d’orient et dans tout l’Empire byzantin.

2. Venise s’affirme comme l’allié protecteur de l’Em-pire byzantin sur le plan militaire en intervenant à la fin du XIe siècle. Cependant, en 1171, l’Empereur byzantin tente de diminuer l’influence de Venise sur son territoire et exclut les marchands vénitiens. Les relations se tendent et cela conduit en 1204 à une campagne de représailles organisée par Venise : le sac de Constantinople par les croisés et le pillage de ses richesses.

3. Venise est à la tête d’un vaste réseau de ports com-merciaux sur tout le pourtour de la Méditerranée, obtenu grâce à sa puissance militaire : des navires de combat, les galères, sont chargés d’escorter les bateaux de com-merce. Cette flotte militaire est l’une des plus puissantes de Méditerranée, capable de mener les croisés dans une conquête contre Constantinople en 1204.

4. Pour répondre à la problématique, les éléments sui-vants sont attendus :

– une flotte militaire très puissante capable de protéger les navires marchands et de mener des guerres ;

– la puissance militaire permet de nouer des relations diplomatiques avec les États latins d’orient et surtout avec l’Empire byzantin, et ainsi d’obtenir des avantages commerciaux ;

– la cité marchande se constitue un vaste réseau com-mercial tout autour de la Méditerranée : comptoirs, colonies.

➡Réaliser un diaporama

Le diaporama doit être clair et donc simple : une page pour l’introduction, puis une page par sous-partie.

La première page doit être consacrée au titre de l’ex-posé : « Venise, une grande puissance en Méditerranée »), suivi de la problématique.

Une page doit être consacrée à l’introduction dans laquelle il faut localiser Venise et définir ce qu’est une « thalassocratie ».

Dans chacune des pages suivantes, on présente des documents iconographiques (cartes, enluminures…) mais très peu de texte : seulement quelques mots-clés.

Les élèves doivent partir des documents de la page du dossier (p. 88-89). Les recherches doivent se pour-suivre au centre de documentation, en bibliothèque. Les ressources sur internet peuvent être mobilisées (site de l’office du tourisme de Venise : https://www.venise.net/histoire).

La Sicile, un carrefour entre les civilisations en Méditerranée

> MANUEL PAGES 90-91

La Sicile est un espace de contacts très intenses entre les différentes civilisations de Méditerranée, puisqu’il s’agit d’un ancien territoire musulman puis byzantin, conquis par une dynastie normande, donc catholique d’occident et reconnue par le pape.

À partir du XIe siècle, elle est une terre sur laquelle se côtoient des populations arabes musulmanes, juives, chré-tiennes orthodoxes et latines (notamment des Normands et des Lombards). Une chronologie, en ouverture de ce dossier, met en avant les grandes étapes des changements politiques jusqu’à l’arrivée des Normands. Elle souligne aussi la persistance de tensions, qui prennent parfois la forme de flambées de violences, entre les communautés. Si de nombreux échanges et métissages existent en Sicile, la bienveillance des rois chrétiens vis-à-vis des musul-mans est fluctuante selon la situation globale du royaume.

• Doc 1. Roger II couronné roi de Sicile par le Christ

Cette mosaïque, construite au XIIe siècle pour l’église de la Martonara à Palerme, présente le roi normand, catholique, couronné par le Christ selon des codes artis-tiques byzantins : fond d’or, imposition directe de la main du Christ sur la couronne royale, dédicace royale (« Roge-rios Rex ») en langue latine mais en lettres grecques.

• Doc 2. Un voyageur arabe à Palerme

Ce texte d’Ibn Jubayr, voyageur arabe de la fin du XIIe siècle (tiré de son œuvre traduite sous le titre Voyages), présente un regard positif sur le règne de Guillaume II de Sicile (1168-1189). Les populations musulmanes bénéficient de nombreux droits et de quar-tiers d’habitation propres. Le royaume de Sicile est dépeint comme une terre de mélanges culturels : les influences arabes sont fortes sur les populations chré-tiennes.

• Doc. 3. Le manteau de Roger II

Ce manteau royal est une œuvre de broderie et d’or-fèvrerie réalisée par des artistes musulmans ou chrétiens

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travaillant dans les ateliers royaux à Palerme. Ce vêtement témoigne des influences culturelles multiples à l’œuvre dans le royaume de Sicile, du moins à la cour du roi.

• Doc. 4. Une administration plurilingue

Cette miniature présente une scène de cour : le roi Guil-laume II est à la dictée face à trois notaires représentant la langue grecque, le latin et l’arabe. Les lois du royaume de Sicile et de nombreux actes officiels étaient en effet transcrits dans les trois langues simultanément durant le XIIe siècle.

➡Réponses aux questions

1. Cette mosaïque témoigne de l’influence byzantine par l’esthétique de la mise en scène : le Christ couronne le roi en posant la couronne sur sa tête, légèrement pen-chée. Le fond est d’or ; les inscriptions sont en grec.

2. Le royaume normand de Sicile utilise le grec, le latin et l’arabe dans son administration pour permettre au roi de diriger un territoire occupé par des populations arabes, grecques et normandes, parlant des langues différentes.

3. Roger II se fait réaliser un manteau royal portant des thèmes inspirés de l’Afrique du Nord (présence d’un pal-mier et d’un chameau) et portant des écritures arabes. Le manteau porte même une mention de la date de création selon le calendrier musulman.

4. La communauté musulmane est tolérée par les rois de Sicile car un nombre important de croyants musul-mans sont présents à la cour royale à partir du moment où ils conservent la pratique de leur religion discrète, voire secrète. Hors du palais, les musulmans bénéficient de mosquées, de quartiers d’habitations et de marchés (les souks) propres, ils sont donc acceptés, tout en étant tenus à l’écart des chrétiens.

5. Plusieurs passages du doc. 2 montrent une influence des musulmans sur les chrétiens : le roi lui-même « lit

et écrit l’arabe » (l. 10) ; « la parure des chrétiennes est celle des femmes des musulmans » (l. 22-23) ; « elles portent en somme toute la parure des femmes des musul-mans, y compris les bijoux, les teintures et les parfums » (l. 26-28).

6. Cette question demande de :– présenter les communautés présentes en Sicile ;– montrer comment les souverains normands réutilisent

les symboles des différentes cultures dans la représenta-tion de leur pouvoir ;

– montrer le rôle des différentes communautés dans l’entourage du roi ;

– évoquer les limites de leur intégration.Le tableau de synthèse, ci-dessous, permet de relever

et de classer tous les aspects de cette cohabitation de plu-sieurs cultures sur le territoire sicilien.

➡Faire un tableau de synthèse

Voir ci-dessous.

Concevez une évaluation en ligne

> MANUEL PAGES 92-93

Cette activité est conçue avec Google Form. Dans une démarche de dégooglisation d’internet, vous pouvez proposer aux élèves d’utiliser Framaforms, sous licence libre. Il n’est pas utilisé dans le manuel car, à l’heure où nous imprimions, il était encore dans sa version beta. Il est à présent disponible. Faire concevoir des évaluations aux élèves est une stratégie d’apprentissage encouragée par l’état de la recherche en sciences cognitives. C’est le principe du testing. Les utiliser fréquemment favorise l’acquisition du savoir et du savoir-faire.

Doc. 1 Doc. 2 Doc. 3 Doc. 4

Influence byzantine (grecque)

Représentation artistique des rois sur un mode byzantin : mosaïque, f ond d’or, Christ.

Présence du grec parmi les langues de l’administration.Des grecs travaillent comme interprètes pour les rois.

Influence musulmane

Présence de musulmans à la cour du roi et à son service (ex. : cuisinier).Guillaume II lit et parle l’arabe.Influence musulmane sur les chrétiens  (ex. : les parures des femmes).

Roger II se fait faire un manteau royal portant des thèmes et des écritures arabes. Le manteau porte même une mention de la date de création selon le calendrier musulman.

Présence de l’arabe parmi les langues de l’administration.Des arabes travaillent comme interprètes pour le roi.

Influence normande ou latine

Le roi est normand, écrit en latin.

Présence du latin parmi les langues de l’administration.Des italiens ou normands travaillent comme interprètes pour le roi.

Statut des chrétiens

Ils vivent séparément des musulmans.

Statut des musulmans

Ils continuent à exercer leur culte : en secret près du roi, librement dans Palerme : existence de mosquées et appel à la prière.Ils vivent dans des quartiers distincts de ceux des chrétiens.Mais ne pas oublier qu’il existe des violences contre ces communautés (cf. repères).

Présence d’artistes musulmans dans l’entourage du roi (dans les ateliers royaux).

Les emplois administratifs sont ouverts aux musulmans.