52
Chapitre 3 : La relativit´ e restreinte 3.1 La transformation de Galil´ ee et les difficult´ es de la physique pr´ erelativiste 3.2 Exp´ erience de Michelson-Morley et d´ etermination intuitive de la transformation de Lorentz 3.3 La transformation de Lorentz : approche standard 3.4 Dilatation du temps et contraction des longueurs 3.5 L’espace-temps de Minkowski et la distance spatio-temporelle 3.6 L’effet Doppler longitudinal 3.7 La m´ ecanique relativiste du point mat´ eriel 134

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Chapitre 3 : La relativit

´

e restreinte

3.1 La transformation de Galilee et les difficultes de la physique prerelativiste

3.2 Experience de Michelson-Morley et determination intuitive

de la transformation de Lorentz

3.3 La transformation de Lorentz : approche standard

3.4 Dilatation du temps et contraction des longueurs

3.5 L’espace-temps de Minkowski et la distance spatio-temporelle

3.6 L’effet Doppler longitudinal

3.7 La mecanique relativiste du point materiel

134

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Chapitre 3 : La relativit

´

e restreinte

3.1 La transformation de Galil

´

ee et les difficult

´

es de la physique pr

´

erelativiste

Considerons deux systemes de reference d’inertie S et ¯S en mouvement de translation recti-ligne et uniforme l’un par rapport a l’autre (voir Figure 3.1). Chaque systeme est pourvu d’horlogesidentiques aussi nombreuses qu’on voudra et toutes les horloges de S sont supposees synchro-nisees, de meme que toutes les horloges de ¯S. La synchronisation pourra se faire par exemplea l’aide de tiges rigides qui permettent en principe a deux observateurs d’un meme systeme dereference d’echanger des signaux a vitesse infinie. De plus, on admet, toujours en physique clas-

FIGURE 3.1 –

sique, que les horloges de S et les horloges de ¯S peuvent etre synchronisees entre elles, ce quirevient a admettre que si une horloge de S indique a un certain moment le meme temps que l’hor-loge de ¯S qui lui est voisine au moment en question, alors cette horloge de S indiquera toujours lememe temps que l’horloge de ¯S qui lui sera alors voisine et cela quels que soient les mouvementsde l’horloge de S consideree. Cette hypothese de synchronisation des horloges en mouvementpermet d’ecrire la relation

¯t = t

ou ¯t et t designent les temps dans ¯S et dans S d’un meme evenement, par exemple la collisionentre deux particules, c’est-a-dire les temps indiques lorsque l’evenement en question se produitsur l’horloge de ¯S et sur l’horloge de S qui se trouvent en ce moment au voisinage de l’endroitde l’espace ou cet evenement a lieu. Cette derniere relation definit une des proprietes les plusimportantes du temps classique : son caractere absolu. Si on considere deux evenements 1 et 2 et

135

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si on pose�t = t2 � t1 , �

¯t = ¯t2 � ¯t1 ,

on a naturellement : �

¯t = �t

comme consequence de la relation precedente ecrite pour chacun des deux evenements en ques-tion. La duree d’un phenomene est donc une grandeur absolue. Il en est de meme de la notionde simultaneite, car si les deux evenements en question sont simultanes dans ¯S, c’est-a-dire si�

¯t = 0, on a egalement �t = 0 et les deux evenements sont egalement simultanes dans S, quellesque soient leurs localisations spatiales.

Soit alors ~V la vitesse, constante de ¯S par rapport a S. Par un choix approprie des axes attachesa S et a ¯S, il est toujours possible de faire en sorte que les axes x et x glissent l’un sur l’autre etque les axes y et y d’une part et z et z d’autre part restent constamment paralleles. On peut doncecrire 1 : 8

>>>><

>>>>:

x = x+ V ¯t

y = y

z = z

t = ¯t

(3.1)

en vertu de l’hypothese relative a la synchronisation des horloges en mouvement. Dans ces re-lations, qui constituent la transformation de Galilee speciale, x, y, z, t et x, y, z, ¯t designent lescoordonnees et le temps d’un meme evenement quelconque dans S et ¯S, respectivement.

La transformation de Galilee generale est obtenue en considerant en plus une rotation et unetranslation des axes dans chaque systeme de reference et une translation du temps. Sa forme estdonc, en ecriture vectorielle : (

~r = ~r + ~V ¯t+ ~a

t = ¯t+ b(3.2)

ou ~a et b sont des constantes quelconques. Ou encore, en projetant l’equation vectorielle sur lesaxes x

i

, en tenant compte de : ~ei

= Aij

~j

e

(xi

= Aij

(xj

+ Vj

¯t+ aj

)

t = ¯t+ b(3.3)

Les transformations de Galilee speciales forment un groupe a un parametre et les transformationsde Galilee generales un groupe a dix parametres : A

ij

(3), Vi

(3), ai

(3), b (1).Les lois de composition des vitesses et des accelerations resultent directement de la transfor-

mation de Galilee. Partant de la forme vectorielle, on a en effet, si on considere une particule en

1. En supposant que les horloges attachees en O et en O indiquent toutes deux le temps zero au moment ou ellescoıncident.

136

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mouvement (succession continue d’evenements) :

~v =

d~r

dt=

d~r

d¯t=

d~r

d¯t+

~V =

~v + ~V (3.4)

et~� =

d~v

dt=

d~v

d¯t=

d~v

d¯t=

~� (3.5)

Ce dernier resultat conduit a l’invariance galileenne de la mecanique classique, c’est-a-dire a l’ideeque tous les systemes d’inertie sont rigoureusement equivalents du point de vue des phenomenesmecaniques. En d’autres termes, les lois de la mecanique classique de Newton ont la meme formedans tous les systemes d’inertie (principe de relativit´e classique).

D’autre part, des la fin du XIX eme siecle, il devint clair que ce principe de relativite classiquene semblait pas s’etendre aux phenomenes electromagnetiques et optiques, puisque les equationsde Maxwell (1831-1879), etablies en 1865, qui regissent ces phenomenes ne sont pas invariantespar rapport aux transformations de Galilee, ou du moins ne seraient invariantes par rapport a cestransformations des variables d’espace et de temps, que si l’on admettait pour le champ electromagneti-que et pour les densites de charge et de courant des lois de transformation extremement com-pliquees et inelegantes. En d’autres termes, il devint clair, et le premier a l’apercevoir tres distinc-tement fut sans doute Poincare, qu’il existe une antipathie profonde entre les equations de Maxwellet la transformation de Galilee.

Au cours du XIX eme siecle, cette antinomie etait resolue de facon plus ou moins expliciteen acceptant sans reserve la transformation de Galilee, et en admettant par consequent que leslois de l’electromagnetisme n’avaient pas la meme forme dans tous les systemes d’inertie. Ainsi,les equations de Maxwell n’etaient regardees comme rigoureusement valables que par rapport a uncertain systeme d’inertie privilegie que l’on supposait defini par l’ether, ce tres hypothetique milieumateriel devant servir de support a la propagation des ondes electromagnetiques. C’est dans cetesprit essentiellement mecaniste que toutes les experiences optiques et electromagnetiques etaientalors interpretees, ce qui, dans la plupart des cas, donnait lieu soit a de tres reelles difficultes,soit a la necessite de faire des hypotheses toujours tres artificielles sur les proprietes cinematiquesde l’ether : etait-il entraıne par la Terre, ou bien par les corps en mouvement, ou partiellemententraıne ? etc.

En fait, la situation n’est pas simple et il ne peut etre question de discuter ici ces nombreusesexperiences dont l’etude releve d’un cours de physique generale (cf. E. Taylor et J.A. Wheeler,1992, dans le livre SpaceTime Physics : introduction to special relativity, W.H. Freeman and Com-pany, New York).

Mentionnons que dans certains cas, ces explications classiques paraissaient satisfaisantes : c’estce qui se passe pour le phenomene d’aberration decouvert par l’astronome Bradley en 1725 et

137

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pour l’effet Doppler decouvert par Doppler en 1842. Dans d’autres cas, l’interpretation classiqueest possible mais ne semble pas tres naturelle, car elle repose sur un certain degre d’entraınementde l’ether par les corps en mouvement : c’est ce qui se passe par exemple dans l’experience deFizeau de 1851, dont nous dirons quelques mots plus loin. Enfin, dans le cas de l’experience deMichelson-Morley, les difficultes d’interpretation furent beaucoup plus considerables. Le but decette experience, realisee par Michelson en 1881, puis par Michelson et Morley en 1887, etait demesurer la vitesse de l’ether par rapport a la Terre a l’aide d’un interferometre. Cette experiencedecisive est decrite dans la section 3.2.

Le resultat remarquable obtenu par Michelson et Morley fut que l’ether est immobile parrapport a la Terre. Une telle conclusion evidemment geocentrique parut cependant difficilementdefendable, et d’ailleurs en contradiction avec la theorie de l’aberration et avec l’experience deFizeau, de telle sorte qu’a la fin du XIX eme siecle, il devint evident que c’etait l’interpretationclassique de l’experience en question qui devait etre mise en cause.

Une premiere tentative d’interpretation fut d’abord proposee independamment par Fitzgeraldet par Lorentz en 1893 sous la forme d’une contraction longitudinale des corps en mouvement parrapport a l’ether, mais cette hypothese n’eut que tres peu de succes (voir section 3.2).

Finalement, ce fut a Einstein (1879-1955) que revint le merite de clarifier completement lasituation grace a son celebre travail de 1905 publie dans les “Annalen der Physik”, sous la formed’un article intitule “Sur l’electrodynamique des corps en mouvement” (traduit en anglais dansl’ouvrage The principle of relativity par Einstein, Lorentz, Weyl et Minkowski, 1923, Dover, NewYork). Pour la premiere fois, du moins de facon tout a fait explicite, ce sont les notions classiquesd’ether et de cinematique galileenne qui sont ici definitivement condamnees et c’est une toute nou-velle physique qui se trouve effectivement elaboree sur la base de deux postulats fondamentaux : leprincipe de l’invariance de la vitesse de la lumiere dans le vide et le principe de relativite restreinte.

1) Principe de l’invariance de la vitesse de la lumi

`

ere dans le vide

Dans le vide, la vitesse de la lumiere est une constante universelle,

c = 2, 9979⇥ 10

8 m/s ,

et possede donc la meme valeur dans tous les systemes d’inertie, quels que soient les mouvementsde la source lumineuse. De plus, la lumiere se propage dans le vide de facon rectiligne et uniforme,par rapport a tout systeme d’inertie.

2) Principe de relativit

´

e restreinte

138

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Toutes les lois de la physique (mecaniques, electromagnetiques, ...) doivent avoir la memeforme dans tous les systemes d’inertie.

Le premier de ces principes, qui peut dans un certain sens etre considere comme une consequencedu second, implique evidemment une condamnation sans appel de la transformation de Galilee,c’est-a-dire des notions classiques d’espace et de temps. C’est cela qui, par-dessus certaines polemi-ques, doit etre regarde comme l’apport le plus important d’Einstein a la physique relativiste, car,s’il est vrai de dire que les idees relativistes etaient dans l’air des la fin du XIX eme siecle et plusparticulierement dans les travaux de Lorentz (1853-1928) et de Poincare (1854-1912), il n’en restepas moins que ce fut bien Einstein qui par son article de 1905 fut le premier a comprendre de facontout a fait nette la necessite de rompre brutalement avec les vieilles idees relatives aux proprietes del’espace et du temps, comme en temoigne son principe de l’invariance de la vitesse de la lumieredans le vide, qu’il fut le premier et le seul a oser proposer. Il serait neanmoins injuste de ne pasrappeler de nouveau les travaux de Lorentz relatifs a la structure des equations de Maxwell et peut-etre plus encore ceux ou Poincare insiste sur l’antinomie existant entre la mecanique classique etl’electromagnetisme et sur l’interet qu’il pourrait y avoir a creer une nouvelle mecanique qui seraiten harmonie avec l’electromagnetisme, de telle sorte que le principe de relativite soit applicable atous les phenomenes physiques et non plus seulement aux phenomenes mecaniques.En 1955, Einstein ecrivait d’ailleurs, quelques mois avant sa mort :

”There is no doubt, that the special theory of relativity, if we regard its devopment in retrospect,was ripe for development in 1905. Lorentz had already observed that for the analysis of Maxwell’sequations the transformations which later were known by his name are essential, and Poincare hadeven penetrated deeper in these connections. Concerning myself, I knew only Lorentz’s importantwork of 1895 (”La theorie electromagetique de Maxwell” and ”Versuch einer Theorie der elektri-schen und optischen Erscheinungen in bewegten Korpen”) but not Lorentz’s later work, nor theconsecutive investigations by Poincare. In this sense, my work of 1905 was independent. The newfeature of it was the realization of the fact that the bearing of the Lorentz-transformations trans-cended their connection with Maxwell’s equations and was concerned with the nature of space andtime in general. A further new result was that the ”Lorentz invariance” is a general condition forany physical theory. This was for me of particular importance because I had already previouslyfound that Maxwell’s theory did not account for the micro-structure of radiation and could there-fore have no general validity”.

139

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3.2 Exp

´

erience de Michelson-Morley et d

´

etermination intuitive de la trans-

formation de Lorentz

La description de l’experience de Michelson-Morley ainsi que la determination intuitive de latransformation de Lorentz seront effectuees dans le cadre des seances de travaux pratiques.

140

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3.3 La transformation de Lorentz : approche standard

La relativite restreinte ne considere que des systemes de reference d’inertie rigoureusementequivalents, quels que soient les phenomenes physiques consideres : soit le systeme de Copernic,qui ne doit donc en aucune maniere etre regarde comme un systeme d’inertie privilegie, soit toutsysteme anime d’un mouvement de translation rectiligne et uniforme par rapport a lui ; c’est dansce sens qu’il faut comprendre le mot “restreinte”.

Un systeme d’inertie est encore considere comme etant une structure rigide pourvue d’horlogesidentiques et synchronisees et le mouvement rectiligne et uniforme est naturellement defini commeen physique classique. Ce qui est nouveau cependant, c’est la maniere dont on effectue la synchro-nisation des horloges d’un meme systeme d’inertie, en utilisant des signaux lumineux (principede l’invariance de c) et non plus des regles supposees rigides ; ce qui est egalement nouveau, etfondamental, c’est l’abandon du principe classique de synchronisation des horloges mobiles aveccelles au repos.

Considerons deux systemes d’inertie et choisissons les axes comme il est indique sur la figure3.2. Toutes les horloges de ¯S sont synchronisees entre elles et il en est de meme pour les horloges

FIGURE 3.2 –

de S. Nous pouvons egalement supposer que lorsque l’horloge de ¯S qui est situee en ¯O “coıncide”avec l’horloge de S situee en O, ces deux horloges indiquent toutes les deux le temps 0. Bienentendu nous ne supposons pas que l’horloge ¯O indique toujours le meme temps que l’horloge de Savec laquelle elle coıncide. Comme nous le verrons plus loin, il resulte du principe de l’invariancede c que ceci est justement impossible : en d’autres termes, le principe de l’invariance de c entraıneque la synchronisation des horloges mobiles est impossible (cf. plus loin la dilatation du temps).

Soit alors un evenement quelconque, c’est-a-dire quelque chose qui est parfaitement localisedans l’espace et dans le temps, par exemple la collision entre deux particules ponctuelles, et soient

141

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x, y, z, t et x, y, z et ¯t les coordonnees d’espace et de temps de cet evenement dans les deuxsystemes d’axes et d’horloges consideres.

Notre but est de rechercher les relations qui existent entre x, y, z, ¯t et x, y, z, t en partantdu principe de l’invariance de c et du fait que la transformation de Galilee doit etre d’une certainemaniere une forme approchee de ces relations. En d’autres termes, il faut modifier la transformationde Galilee, mais aussi peu que possible, afin que la nouvelle transformation soit en accord avec leprincipe d’invariance de c.

On a tout d’abordy = y

z = z

puisque les plans x z et x z, d’une part, et x y et x y, d’autre part, sont identiques.D’autre part, par analogie avec la transformation de Galilee, nous supposerons que x et t sont

des fonctions lineaires 2 de x et de ¯t, c’est-a-dire que l’on a 3

x = ax+ b¯t

t = fx+ g¯t

ou a, b, f et g designent quatre constantes a determiner 4.Montrons maintenant que ces quatre constantes sont parfaitement determinees par le principe

de l’invariance de c.Considerons tout d’abord l’ensemble des evenements localises en ¯O, c’est-a-dire le mouvement

ou l’histoire de ¯O. Pour ces evenements :

x = y = z = 0 ,

2. Le caractere lineaire de la transformation en question entraıne evidemment l’invariance du mouvement rectiligneet uniforme, c’est-a-dire que si une particule est animee par rapport a S d’un mouvement rectiligne et uniforme (x,y, z fonctions lineaires de t), alors cette particule est egalement animee par rapport a S d’un mouvement rectiligne etuniforme, puisqu’en vertu de la transformation lineaire en cause, x, y, z sont alors des fonctions lineaires de t. Bienentendu, ces mouvements sont caracterises par des vitesses en general differentes ; mais dans le cas ou la particule estun photon, ces deux vitesses sont egales en module. En d’autres termes, la linearite postulee ici entraıne l’invariancedu mouvement rectiligne et uniforme, tout comme en mecanique classique et est donc en particulier compatible avecle principe selon lequel la lumiere (photons) se propage dans le vide selon des mouvements rectilignes et uniformes,quel que soit le systeme d’inertie considere.

3. Ces relations sont homogenes a cause de nos hypotheses sur le choix des axes et des horloges. Il suffit pour levoir de considerer l’evenement “coıncidence de O et de O”.

4. Constantes qui sont donc les memes pour tous les evenements, mais qui dependent evidemment de la vitesserelative V des deux systemes consideres.

142

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et par suite :x = b ¯t

t = g ¯t

ou encorex =

b

gt .

On a donc, d’apres la definition de V ,b

g= V

Considerons ensuite le mouvement d’une particule quelconque, c’est-a-dire la succession conti-nue des evenements qui constituent l’histoire de la particule. Portons notre attention sur deux deces evenements, supposes infiniment voisins :

E : x, y, z, t ; x, y, z, ¯t

E 0: x+�x, etc. ; x+�x, etc.

On a naturellement 5

~v = lim

✓�x

�t,�y

�t,�z

�t

et~v = lim

✓�x

¯t,�y

¯t,�z

¯t

lorsque E 0 tend vers E.

Si nous ecrivons les relations generales :

x = ax+ b¯t

y = y

z = z

t = fx+ g¯t

pour l’evenement E et pour l’evenement E 0 et si nous soustrayons membre a membre, nous obte-nons evidemment

�x = a�x+ b�¯t

�y = �y

�z = �z

�t = f�x+ g�¯t

5. On remarquera que ~v et ~v sont les vitesses de la particule au meme evenement E.

143

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a cause du caractere lineaire des relations en cause. Des lors, il vient :

�x

�t=

a�x

¯t+ b

f�x

¯t+ g

�y

�t=

�y

¯t

f�x

¯t+ g

�z

�t=

�z

¯t

f�x

¯t+ g

En passant a la limite, on obtient donc les relations :

vx

=

avx

+ b

f vx

+ g

vy

=

vy

fvx

+ g

vz

=

vz

fvx

+ g

qui constituent la loi relativiste de composition des vitesses 6.Elevant ces trois equations au carre et additionnant :

v2 =v2 + (a2 � 1)v2

x

+ 2abvx

+ b2

(fvx

+ g)2.

Dans le cas d’un photon (quantum de lumiere) se propageant dans le vide, cette relation devient :

c2 =c2 + (a2 � 1)v2

x

+ 2abvx

+ b2

(fvx

+ g)2.

en vertu du principe de l’invariance de c. Cette derniere equation s’ecrit encore :

(a2 � 1)v2x

+ 2abvx

+ b2 + c2 = c2(f 2v2x

+ 2fgvx

+ g2)

et doit etre identiquement satisfaite quel que soit vx

puisque la direction de ~v est tout a fait arbi-traire 7 .

6. Sous forme vectorielle :

~v =~v + [(a� 1)~v·

~

V

V

+ b]~

V

V

f ~

v·~VV

+ g.

7. �c vx

c

144

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On a donc :a2 � 1 = c2f 2

ab = c2fg

b2 + c2 = c2g2.

Reciproquement, ces dernieres relations entraınent le principe de l’invariance de c, en ce sensque v = c entraıne alors bien v = c.

En resume, la transformation :x = ax+ b¯t

y = y

z = z

t = fx+ g¯t

entraıne une loi de composition des vitesses qui est compatible avec le principe d’invariance de c

si et uniquement si les quatre constantes a, b, f et g obeissent aux relations :

a2 � 1 = c2f 2

ab = c2fg

b2 + c2 = c2g2.

Compte tenu deb

g= V

et de la condition naturelle :

lim

V!0

a b

f g

!=

1 0

0 1

!

qui permet de determiner les signes univoquement, ces trois conditions donnent pour a, b, f et g lasolution unique :

a =

1q1� V

2

c

2

, b =

Vq1� V

2

c

2

,

f =

V

c

2q1� V

2

c

2

, g =

1q1� V

2

c

2

.

Cette solution implique que V doit toujours etre inferieur a c, en accord avec l’idee relativisteselon laquelle c est une vitesse limite, qu’aucun corps materiel ne saurait atteindre, ni bien entendudepasser.

145

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En definitive, la transformation qui se substitue a la transformation de Galilee et qui porte lenom de transformation de Lorentz est 8

8>>>>>>>>>><

>>>>>>>>>>:

x =

x+ V ¯tq1� V

2

c

2

y = y

z = z

t =

V

c

2 x+

¯tq1� V

2

c

2

(3.6)

On remarquera qu’elle depend de c et qu’elle tend vers la transformation de Galilee lorsqu’on yfait formellement tendre c vers l’infini.

La transformation de Lorentz etait en fait connue depuis plusieurs annees lorsqu’Einstein laredecouvrit en 1905 a partir de son principe de l’invariance de c, en suivant une demonstration quiest essentiellement celle donnee ci-dessus. En 1877, Voigt utilise deja la transformation de Lorentzdans la theorie elastique de la lumiere, en constatant que cette transformation laisse l’equation ded’Alembert :

@2

@x2+

@2

@y2+

@2

@z2� 1

c2@2

@t2= 0

invariante (en forme) si est lui-meme invariant (en nombre). En 1899, Lorentz decouvre queles equations de Maxwell sont egalement invariantes (en forme) par rapport a cette meme trans-formation, si on admet que le champ electromagnetique et les densites de charge et de courant setransforment selon certaines lois appropriees. La transformation de Lorentz fut egalement utiliseepar la suite par Larmor et Poincare, mais toujours comme un simple outil mathematique, sans si-gnification physique vraiment fondamentale 9. Lorentz employait par exemple la transformation deGalilee et la transformation de Lorentz simultanement et distinguait soigneusement les variables

8. Sous forme vectorielle, on a, avec ~r = ~OP et ~r = ~PO,

~r = ~r +

1�

r1� V 2

c2

!~V · ~rV 2

+ t

r1� V 2

c2

~V

t =

~V · ~rc2

+ tr1� V 2

c2

Cette forme a naturellement l’avantage de ne plus dependre de l’hypothese faite ci-dessus sur le choix des axes.9. La transformation etudiee par Lorentz en 1899 n’etait en fait que la transformation de Lorentz ecrite au premier

ordre enV

c. Les termes du second ordre furent obtenus par Larmor en 1900 et la transformation de Lorentz exacte par

Lorentz en 1903

146

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d’espace et de temps figurant dans ces deux transformations : “coordonnees et temps physiques”et “coordonnees et temps locaux”, respectivement.

Ce n’est qu’en 1905, avec Einstein, que la transformation de Lorentz prit toute son importance,puisqu’il devint clair alors que cette transformation etait en realite la veritable transformation phy-sique reliant les observations d’espace et de temps effectuees dans differents systemes d’inertiesur un meme evenement quelconque. En d’autres termes, que la transformation de Lorentz devaitprendre la place de la transformation de Galilee et s’etendre ainsi a toute la physique.

L’inverse de la transformation de Lorentz s’obtient simplement en barrant et debarrant et enchangeant le signe de V . (On justifie aisement ce resultat en considerant le mouvement de O et enremarquant que la vitesse de S par rapport a ¯S est �~V ). On a alors :

8>>>>>>>>>><

>>>>>>>>>>:

x =

x� V tq1� V

2

c

2

y = y

z = z

¯t =

t� V

c

2xq1� V

2

c

2

(3.7)

Les transformations de Lorentz considerees jusqu’ici sont dites sp´eciales, puisqu’elles ont eteobtenues en faisant certaines hypotheses (non essentielles) sur les axes et sur les horloges. Onobtient la transformation g´en´erale de Lorentz en combinant cette transformation speciale avec unerotation et une translation des axes et avec une translation du temps. Si on se rappelle la formevectorielle donnee en bas de la page 146, il est clair que la transformation de Lorentz generale peuts’ecrire sous la forme vectorielle suivante :

~r = ~r +

"(� � 1)

~V · ~rV 2

+ �¯t

#~V + ~a

t = �

~V · ~rc2

+

¯t

!+ b

(3.8)

ou encore, en projetant l’equation vectorielle sur les axes xi

:

xi

= Aij

xj

+

(� � 1)

Vk

xk

V 2+ �¯t

�Vj

+ aj

t = �

Vk

xk

c2+

¯t

�+ b

(3.9)

147

Page 15: Chapitre 3 : La relativite restreinte´ · 3.7 La mecanique relativiste du point mat´ eriel´ 134. Chapitre 3 : La relativite restreinte´

avec :� =

1p1� V 2/c2

(3.10)

Si on fait tendre c vers l’infini dans (3.8) et (3.9), on retrouve evidemment la transformation deGalilee generale sous forme vectorielle (3.2) et projetee sur les axes x

i

(3.3), respectivement.Les transformations de Lorentz speciales forment un groupe a un parametre (V ) tandis que les

transformations de Lorentz generales forment un groupe a dix parametres : Aij

(3), Vi

(3), ai

(3), b(1).

En fait, la loi de composition du groupe de Lorentz, dans le cas des transformations specialesaussi bien que generales, n’est plus la loi galileenne d’addition des vitesses, mais bien la loi rela-tiviste de composition des vitesses qui, dans le cas general, compte tenu du resultat obtenu au basde la page 144 et des valeurs des quatre constantes a, b, f et g trouvees precedemment, s’ecrit :

~v =

q1� V

2

c

2~v +

1 +

✓1�

q1� V

2

c

2

◆~

V ·~vV

2

�~V

1 +

~

V ·~vc

2

(3.11)

Cette expression se reduit bien a la loi de composition classique c’est-a-dire (3.4) si on y fait tendreformellement c vers l’infini, c’est-a-dire en pratique si V et v sont beaucoup plus petits que c. Onremarquera encore que l’on a bien : ~v =

~v si ~V = 0, et ~v =

~V si ~v = 0.De plus, on a

v2 � c2 =1� V

2

c

2⇣1 +

~

V ·~vc

2

⌘2 (v2 � c2)

de sorte que v = c entraıne bien v = c, et v < c, v < c.Lorsque tous les mouvements s’effectuent dans la meme direction, la loi de composition rela-

tiviste des vitesses se simplifie comme suit :

v =

v + V

1 +

vV

c

2

(3.12)

Il est d’ailleurs possible de demontrer directement cette relation a partir de la transformation deLorentz speciale (3.6) et des definitions de ~v et ~v.

En 1851, Fizeau realisa une experience interferometrique destinee a mesurer la vitesse parrapport a la Terre d’un faisceau lumineux se propageant dans un liquide, lui-meme en mouvementpar rapport a la Terre. Le dessin 3.3 rappelle schematiquement le principe de cette experience. Si vdesigne la vitesse du faisceau considere par rapport a la Terre et v sa vitesse par rapport au liquide,et puisque tous les mouvements s’effectuent ici selon la meme direction, la loi de composition des

148

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FIGURE 3.3 –

vitesses relativistes (3.12) nous permet d’ecrire 10

v =

c

n(1 +

nV

c)(1 +

V

nc)

�1

compte tenu dev =

c

n

ou n designe l’indice de refraction du liquide considere. Ou encore, approximativement, puisquen est de l’ordre de l’unite et V/c beaucoup plus petit que l’unite :

v =

c

n+ (1� 1

n2)V

qui est exactement la loi experimentale obtenue par Fizeau. Bien entendu, en 1851, l’interpretationde cette loi experimentale s’effectuait en recourant a la loi de composition galileenne des vitesseset a la notion d’ether : il en resultait que l’ether, a l’interieur du liquide, etait entraıne par le liquidemais seulement de facon partielle, puisque sa vitesse par rapport a la Terre semblait etre 11

(1� 1

n2)V

et sa vitesse par rapport au liquide

� V

n2

L’image classique etait donc la suivante (cf. Figure 3.4) :Vitesse de la lumiere par rapport a l’ether : c/n

10. v et v sont inferieurs a c, mais naturellement de l’ordre de c.11. c

n

etait alors la vitesse de la lumiere par rapport a l’ether et non pas par rapport au liquide, comme c’estreellement le cas.

149

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FIGURE 3.4 –

Vitesse de l’ether par rapport au liquide : �V/n2

Vitesse du liquide par rapport a la Terre : VVitesse de la lumiere par rapport a la Terre (cinematique classique) : c/n� V/n2

+ V

Bien entendu, l’image relativiste est considerablement plus simple (cf. Figure 3.5).

FIGURE 3.5 –

Vitesse de la lumiere par rapport au liquide : c/nVitesse du liquide par rapport a la Terre : VVitesse de la lumiere par rapport a la Terre (cinematique relativiste) :

c

n

+ V

1 +

V

nc

' c

n+ (1� 1

n2)V

Mais cette simplicite n’a pu etre obtenue que par un bouleversement profond des idees clas-siques d’espace et de temps et par l’abandon de la notion d’ether, conformement au principe de la

150

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relativite restreinte. 12

Quant a la loi de composition des accelerations, elle s’obtient sans difficulte en derivant laloi de composition des vitesses (3.11) par rapport a t et en utilisant l’expression de t donnee parle seconde relation (3.8). La relation ainsi obtenue est relativement compliquee et, bien entendu,differente de la loi de composition classique (3.5) ~� =

~�, c’est-a-dire que l’on a, en general, enrelativite

~� 6= ~�

ce qui implique, en vertu du principe de relativite restreinte, une condamnation capitale de lamecanique newtonienne. Ainsi, pour le cas de la transformation speciale de Lorentz, on peutaisement calculer l’expression de l’acceleration � en fonction de �

� =

dv

dt, � =

dv

d¯t=

dv/dt

d¯t/dt

En nous servant des relations de transformation speciale inverses de celles donnees en (3.7) et(3.12), nous trouvons successivement

dv

dt=

dv

dt

(1� vV

c

2 ) + (v � V )

dv

dt

V

c

2

(1� vV

c

2 )2

dv

dt= �

1� V

2

c

2

(1� vV

c

2 )2

d¯t

dt=

1� vV

c

2q(1� V

2

c

2 )

et donc, finalement,

� = �(

q1� V

2

c

2

1� vV

c

2

)

3

confirmant qu’en general � 6= �. A partir de la relation precedente etablie pour le cas d’unetransformation de Lorentz speciale, on remarque que � = 0 implique � = 0, et vice-versa. Onpeut aussi montrer pour le cas des transformations de Lorentz generales que si ¯~� = 0, on a encore~� = 0, conformement a l’invariance du mouvement rectiligne et uniforme.

Ainsi donc, en relativite restreinte – tout comme en mecanique newtonienne – une particuledepourvue d’acceleration dans un referentiel d’inertie possede la meme propriete dans tous lesreferentiels d’inertie. De facon semblable, une particule acceleree dans un referentiel d’inertie lereste dans tous les referentiels d’inertie, bien qu’en relativite restreinte, la valeur de l’acceleration

12. En physique prerelativiste, l’ether etait non seulement, comme on l’a souvent dit, le sujet du verbe onduler,en parlant de la lumiere ou de toute onde electromagnetique, mais c’etait aussi un systeme d’inertie privilegie etinevitable. L’interpretation classique de la formule de Fizeau exige par exemple que l’on fasse appel a lui.

151

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soit differente d’un systeme de reference d’inertie a l’autre. Ainsi donc, en relativite restreinte,l’acc´el´eration continue de poss´eder un certain caract`ere absolu.

Ce ne sera qu’en relativit´e g´en´erale, que l’acceleration perdra a son tour ce caractere absolu.En effet, en relativite generale, il n’existe pas de systemes de reference privilegies, qu’ils soientd’inertie ou acceleres : tous les syst`emes de r´ef´erence y sont par principe ´equivalents.

152

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3.4 Dilatation du temps et contraction des longueurs

a. La dilatation du temps

Considerons la situation decrite sur la figure 3.6 ou les deux horloges de S sont evidemmentsynchronisees. Soient E1 la coıncidence de l’horloge ¯H avec H1 et E2 la coıncidence de ¯H avecH2.

FIGURE 3.6 –

En vertu de la transformation de Lorentz speciale (3.6), on a pour tout evenement :

x =

x+ V ¯tq1� V

2

c

2

, t =V

c

2 x+

¯tq

1� V

2

c

2

Ecrivant ces relations pour E2 et pour E1, et soustrayant, il vient, avec des notations evidentes,

�x =

�x+ V�

¯tq1� V

2

c

2

, �t =V

c

2�x+�

¯tq1� V

2

c

2

Or, les deux evenements consideres sont colocaux dans ¯S :

�x = 0

Des lors :�x =

V�

¯tq1� V

2

c

2

, �t =�

¯tq1� V

2

c

2

153

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La relation�t =

¯tq1� V

2

c

2

(3.13)

exprime le phenomene de dilatation du temps :

�t > �

¯t

Imaginons en effet un phenomene physique localise dans ¯S au voisinage de ¯H et supposons quece phenomene commence en E1 et finisse en E2. �¯t est la duree propre de ce phenomene et �t

la duree de ce meme phenomene telle qu’elle apparaıt a l’observateur S. La dilatation du tempsresulte de ce que l’on a :

duree relative > duree propre

dans le rapport 1/

r1� V 2

c2.

Ce phenomene de dilatation du temps implique evidemment que la synchronisation des hor-loges mobiles n’est pas possible en relativite restreinte, comme le montre l’exemple ci-dessous (cf.Figure 3.7) :

FIGURE 3.7 –

Une application bien connue de ce phenomene de la dilatation du temps est relative a l’observa-tion au niveau du sol de certaines particules instables produites par le rayonnement cosmique a une

154

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altitude d’environ 10 km. C’est le cas par exemple pour le muon µ qui possede une vie moyennepropre :

¯t = 2⇥ 10

�6s

ainsi qu’il resulte de mesures de laboratoire. Mais les muons µ, crees au sommet de l’atmospherepar le rayonnement cosmique, possedent par rapport a la Terre S des vitesses presque egales a c.Par exemple :

V

c= 0, 99995 ,

r1� V 2

c2= 10

�2 .

La duree de vie apparente de ces muons est donc :

�t =�

¯tq1� V

2

c

2

= 2⇥ 10

�4s

par rapport a la Terre.Entre leur creation au sommet de l’atmosphere et leur desintegration, ces muons peuvent donc

parcourir par rapport a la Terre une distance egale a :

�x = V�t = 60 km

conformement a l’observation. Si on ne tenait pas compte de la dilatation du temps, on obtiendrait600 m au lieu de 60 km, et on ne pourrait pas comprendre que les muons, crees a 10 km d’altitude,soient observes au niveau du sol.

b. La contraction des longueurs

Une regle rigide ¯A ¯B fixe dans ¯S est en mouvement de translation rectiligne uniforme et lon-gitudinal par rapport a S (voir Figure 3.8). La longueur propre de la regle, ¯l, est la distance ¯A ¯B

mesuree dans ¯S, par exemple a l’aide d’une horloge et d’une source lumineuse placees en ¯A etd’un miroir place en ¯B. D’autre part, il est egalement possible de definir la longueur l de la reglerelativement a S en procedant comme suit. Considerons le long de l’axe x une infinite d’horlogesfixes dans S et naturellement synchronisees.

En un meme instant t, quelconque mais fixe a l’avance, une de ces horloges, soit A, voit ¯A enface d’elle et de meme, en ce meme instant t, une autre horloge, soit B, voit ¯B en face d’elle. Lalongueur de la regle relativement a S, l, est alors par definition la distance mesuree dans S entre Aet B qui sont deux points fixes de S. Il est clair qu’il n’y a aucune raison pour que ¯l et l soient apriori egales. Pour trouver la relation entre ¯l et l, considerons l’evenement E1 “coıncidence de ¯A

155

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FIGURE 3.8 –

et de A” et l’evenement E2 “coıncidence de ¯B et de B”. On a :

�x =

�x+ V�

¯tq1� V 2

c

2

, �t =V

c

2�x+�

¯tq1� V

2

c

2

et aussi �t = 0.Par consequent :

�x =

r1� V 2

c2�x (3.14)

c’est-a-dire :

l =

r1� V 2

c2¯l. (3.15)

On peut donc dire que pour S, la regle semble plus courte qu’elle est en realite, puisque

longueur relative < longueur propre

dans le rapport de

r1� V 2

c2a 1.

Ce phenomene de contraction des longueurs n’implique evidemment pas une modification in-trinseque de la regle 13. Il resulte du fait que la longueur propre et la longueur relative sont definiesselon des processus operationnels tout a fait differents, qui conduisent a des resultats de mesuresdifferents, en vertu de la transformation de Lorentz. Ceci ne signifie nullement que la contractiondes longueurs et la dilatation du temps soient des phenomenes que nous devions regarder commeevidents. Ils sont au contraire l’expression des proprietes relativistes de l’espace et du temps, c’est-a-dire des regles rigides, des horloges et de la lumiere, et ces proprietes bien qu’elles ne soientnullement illogiques ou absurdes, heurtent neanmoins fortement notre intuition, formee au contact

13. Contrairement a la contraction postulee par Lorentz et Fitzgerald en 1893, qui resultait d’une certaine interactionphysique entre les molecules de la regle et les ”molecules de l’ether”, cf. section 3.2.

156

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d’une experience rudimentaire dans laquelle les vitesses V sont toujours beaucoup plus petites quec, de sorte que le facteur de dilatation et de contraction est en pratique indiscernable de l’unite.

Revenons en a l’application interessante des muons µ observes au niveau du sol (cf. section3.3.a). En effet, un observateur lie a un muon admettra que le temps de vie du muon est egal a�

¯t = 2 ⇥ 10

�6s. Pour lui, la Terre se rapproche avec une vitesse pratiquement egale a c. On necomprend pas a priori comment le muon pourra parcourir plus de 600 m. Toutefois, en accord avecla contraction des longueurs discutee ci-avant, la hauteur de l’atmosphere terrestre se contractepour lui. Si l’observateur terrestre estime que la distance (propre) a parcourir est l = 60km, ellese reduit pour le muon a ¯l =

p(1� (v/c)2l ' 600m. Le temps �¯t = 2 ⇥ 10

�6s lui suffit doncpour atteindre la surface de la Terre, puisque celle-ci se rapproche de lui avec une vitesse prochede celle de la lumiere (c), de telle maniere que c�¯t = 600m.

157

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3.5 L’espace-temps de Minkowski et la distance spatio-temporelle

On doit a Minkowski une geometrisation de la relativite restreinte qui est de la plus grandeimportance du point de vue de la visualisation et de la geometrisation de la theorie (relativitegenerale, theories unifiees des diverses interactions physiques, ...).

Il s’agit en fait d’utiliser un langage geometrique fonde sur l’image d’un espace abstrait aquatre dimensions, que l’on appelle espace-temps, dont les points representent les evenements. End’autres termes, un evenement est represente par un point de l’espace-temps et l’espace-temps estregarde comme etant l’ensemble des evenements. D’autre part, un observateur S (c’est-a-dire unsysteme d’axes et un systeme d’horloges synchronisees attaches a un systeme d’inertie) caracteriseun evenement quelconque a l’aide des coordonnees d’espace et de temps :

x↵

= (ct, x, y, z) (3.16)

Ces quatre nombres 14 peuvent donc etre consideres comme etant les coordonnees du point-evenementen question dans un systeme de coordonnees bien determine de l’espace-temps, dit de Minkowski.Ainsi, si l’espace-temps de Minkowski est designe par E4, nous avons les relations :

Evenement : point de E4

Observateur : systeme de coordonnees de E4

qui correspondent simplement a l’idee physique selon laquelle l’evenement est absolu 15, tandisque ses coordonnees sont relatives a un observateur donne.

Nous avons introduit dans (3.16) pour la premiere fois la notation indicielle propre au calcultensoriel (qui sera aussi utilisee dans l’etude des espaces plats en coordonnees curvilignes et desespaces riemanniens (courbes) propres a la relativite generale) : l’indice ↵ – ainsi d’ailleurs quetout indice grec – prendra les valeurs (0, 1, 2, 3), l’indice ”0” etant conventionnellement associe ala coordonnee temporelle (x0

= ct), les indices i = 1, 2, 3 correspondant aux coordonnees spatialesxi (x1

= x, x2= y, x3

= z). On notera aussi la position sup´erieure (dite contravariante) de l’indice↵, correspondant, suivant la convention adoptee, au caractere vectoriel du quadri-vecteur position(spatio-temporelle), dont les quatre composantes sont donnees par (3.16).

Si on considere, a present, un evenement E et deux observateurs S et ¯S, la transformation deLorentz speciale qui lie les coordonnees respectives x↵ et x� (cf. (3.6)) peut s’ecrire sous la forme

14. La coordonnee temporelle t a ete multipliee par la vitesse de la lumiere c afin que les quatre coordonneesspatio-temporelles aient les memes dimensions physiques.

15. Avant la theorie de la relativite, le temps etait considere comme absolu et peut donc etre imagine comme formantune ”droite” independante de l’observateur. En revanche, l’espace, meme en physique classique, ne possede pas cecaractere absolu puisque, par exemple, deux evenements non simultanes et colocaux pour un observateur peuvent etrepercus comme se produisant en des endroits distincts par un autre observateur.

158

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compacte comme suit :

x↵

=

3X

�=0

^↵

x� (3.17)

ou encore, en adoptant la convention de sommation d’Einstein, selon laquelle lorsqu’une expres-sion contient un indice en position sup´erieure et le mˆeme indice en position inf´erieure, la som-mation sur cet indice est sous-entendue sur toutes les valeurs possibles de cet indice (ici, l’indice¯�) :

x↵

= ⇤

x� (3.18)

Les quantites {⇤↵

} constituent une collection de 16 nombres qui forment la matrice de transfor-

mation de Lorentz (sp´eciale) qui s’ecrit explicitement sous la forme suivante 16 (cf. (3.6)) :

=

0

BBBB@

� �� 0 0

�� � 0 0

0 0 1 0

0 0 0 1

1

CCCCA(3.19)

avec � donne par (3.10) et :

� =

V

c(3.20)

Dans le cas d’une transformation de Lorentz generale, definie dans la section 3.3, la relation(3.18) peut etre generalisee et peut s’ecrire

x↵

= ⇤

x�

+M↵ (3.21)

ou la matrice de transformation de Lorentz g´en´erale est donnee par l’expression suivante (cf.(3.9)) :

=

0

BBB@

� �Vj

c

�Aik

Vk

cA

ij

+ (� � 1)Aik

Vk

Vj

V 2

1

CCCA(3.22)

et le quadri-vecteur constant M↵ par

M↵

=

b c

Aik

ak

!(3.23)

Considerons maintenant deux evenements, E1 et E2 et deux observateurs S et ¯S :

E1 : x↵

(1), x↵

(1)

16. Attention a l’utilisation quelque peu ambigue du symbole � pour designer deux choses distinctes (indices etrapport V/c) !

159

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E2 : x↵

(2), x↵

(2)

Posons :�x↵

= x↵

(2)� x↵

(1)

�x↵

= x↵

(2)� x↵

(1)

(3.24)

�x↵ et �x↵ sont les composantes du 4-vecteur���!E1E2 dans les deux systemes d’axes consideres.

Puisque, compte tenu de (3.21) :

x↵

(2) = ⇤

x�

(2) +M↵

x↵

(1) = ⇤

x�

(1) +M↵

il vient, par soustraction�x↵

= ⇤

�x� (3.25)

qui n’est autre que la loi de transformation des composantes �x↵ du 4-vecteur dans l’espace deMinkowski E4. Suivant que l’on considere une transformation de Lorentz speciale ou generale, ily a lieu d’utiliser dans (3.25) la forme (3.19) ou (3.22) respectivement pour la matrice de Lorentz⇤

.Formons a partir de (3.25) la quantite scalaire �s2 definie comme suit :

�s2 = ⌘↵�

�x↵

�x�

= ⌘↵�

µ

�xµ

�x⌫ (3.26)

(avec dans le second membre une quadruple sommation sur les indices ↵, �, µ et ⌫) ou ⌘↵�

(↵, � =

0, 1, 2, 3) est un symbole de Kronecker generalise, dote des proprietes suivantes :

⌘oo

= �1

⌘oi

= 0

⌘io

= 0

⌘ij

= �ij

(3.27)

Dans ce cas, le developpement de l’expression (3.26) de �s2 en termes de �x↵ donne leresultat suivant :

�s2 = �c2(�t)2 + (�x)2 + (�y)2 + (�z)2 (3.28)

De plus, on peut montrer que :⌘↵�

µ

�xµ

�x⌫

peut se mettre sous la forme :

�c2(�¯t)2 + (�x)2 + (�y)2 + (�z)2

160

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aussi bien dans le cas d’une transformation de Lorentz speciale que generale.Verifions-le dans le cas de la transformation speciale caracterisee par la matrice de Lorentz

(3.19). On a alors :

⌘↵�

µ

�xµ

�x⌫

= ⌘00⇤0µ

0⌫

�xµ

�x⌫

+ ⌘i0⇤

i

µ

0⌫

�xµ

�x⌫

+ ⌘0j⇤0µ

j

�xµ

�x⌫

+ ⌘ij

i

µ

j

�xµ

�x⌫

= � [�2c2(�¯t)2 + 2�2�c�¯t�x+ �2�2(�x)2]

+ [�2�2c2(�¯t)2 + 2�2�c�¯t�x+ �2(�x)2]

+ (�y)2 + (�z)2

= � c2(�¯t)2 + (�x)2 + (�y)2 + (�z)2

Si �x↵ et �x↵ sont relies par la matrice (3.22), l’invariance du �s2 decoule immediatementdu calcul ci-dessus si l’on remarque que les rotations des axes spatiaux ainsi que les translationsdes axes spatiaux et temporel qui differencient les transformations de Lorentz generales des trans-formations speciales laissent invariantes separement les quantites (�x)2+(�y)2+(�z)2 et (�t)2.

Nous avons ainsi mis en evidence l’invariance de la quantite �s2 = ⌘↵�

�x↵

�x� vis-a-visd’une transformation de Lorentz (speciale ou generale), qui se traduit explicitement sous la formesuivante :

�c2(�t)2 + (�x)2 + (�y)2 + (�z)2 = �c2(�¯t)2 + (�x)2 + (�y)2 + (�z)2 (3.29)

�s2 peut etre interprete comme le carre de la distance dans l’espace de Minkowski entre les deux

´ev´enements consid´er´es. Cette forme quadratique generalise l’expression habituelle de la distancedans l’espace euclidien tridimensionnel entre deux points voisins de coordonnees cartesiennesrespectives (y, y, z) et (x+�x, y +�y, z +�z) :

�s2 = �ij

�xi

�xj

= (�x)2 + (�y)2 + (�z)2 (3.30)

Cette distance n’est autre que la norme du vecteur tridimensionnel �~x de composantes (�x,�y,�z).On sait que cette norme est invariante vis-a-vis d’une translation ou dune rotation de l’espace (unerotation d’angle ✓ autour de Oz par exemple, caracterisee par une matrice de transformation ortho-gonale).

On remarquera dans l’expression (3.28) de la distance quadridimensionnelle �s2 dans l’es-pace de Minkowski la presence du signe moins devant le terme associe a la coordonnee temporellexo

= ct. Ceci n’est que le reflet du caractere pseudo-euclidien de l’espace de Minkowski (alors quel’espace tridimensionnel habituel, cadre de la mecanique classique, est euclidien). Ainsi, l’expres-sion (3.26) du �s2 peut etre interpretee comme une pseudo-norme du quadri-vecteur

���!E1E2 dans

l’espace pseudo-euclidien de Minkowski, le “symbole de Kronecker generalise” ⌘↵�

remplacant

161

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le symbole de Kronecker �ij

. Du point de vue geometrique fondamental, ⌘↵�

et �ij

peuvent etred’ailleurs consideres comme les composantes du tenseur metrique defini respectivement sur l’es-pace de Minkowski et sur l’espace euclidien.

Puisque le �s2 de deux evenements ne depend que de ces deux evenements et non pas de l’ob-servateur, il est raisonnable de classer les paires d’evenements de la facon suivante :

1) �s2 < 0 (intervalle �s temporel)

Lorsque le �s2 de deux evenements E1 et E2 est negatif, on dit que ces deux evenementsdefinissent un intervalle temporel ou encore que le quadri-vecteur

���!E1E2 est du genre ”temps”.

Il est evident que deux evenements colocaux pour un observateur definissent toujours un in-tervalle temporel. Reciproquement, on montre que deux evenements qui definissent un intervalletemporel sont toujours colocaux pour un (et un seul) observateur d’inertie. Considerons en effet unsysteme d’inertie ¯S tel que :

�s2 = |�~r|2 � c2�¯t2 < 0 (3.31)

Cherchons alors un systeme d’inertie S (c’est-a-dire une vitesse ~V ) pour que l’on ait �~r = 0.C’est-a-dire, d’apres la transformation de Lorentz ecrite sous forme vectorielle (cf. (3.8)) :

~r +

"(� � 1)

~V ·�~rV 2

+ ��¯t

#~V = 0

Pour etablir la reciproque enoncee ci-dessus, il faut et il suffit de montrer que cette derniereequation possede une solution acceptable pour ~V , c’est-a-dire telle que V < c. Or la solutionde cette equation est :

~V = ��

~r

¯t(3.32)

et son module est bien inferieur a c puisque :

V 2=

|�~r|2

¯t2< c2

en vertu de l’hypothese �s2 < 0.On peut aussi prouver que si deux evenements sont en relation temporelle (�s2 < 0), le signe

de �t est invariant (c’est-a-dire invariant de l’observateur). Ceci se demontre en partant de (cf.(3.8)) :

�t = �

"~V ·�~rc2

+�

¯t

#=

¯t

�(3.33)

En consequence, etant donne deux evenements dont le �s2 est negatif, il est possible de direque l’un est anterieur a l’autre de facon absolue, c’est-a-dire quel que soit l’observateur considere :l’ordre temporel de ces ´ev´enements est donc absolu.

162

Page 30: Chapitre 3 : La relativite restreinte´ · 3.7 La mecanique relativiste du point mat´ eriel´ 134. Chapitre 3 : La relativite restreinte´

D’autre part, puisqu’il existe toujours un systeme d’inertie dans lequel deux tels evenementssont colocaux, on peut dire qu’il existe entre eux une relation causale possible, puisqu’un obser-vateur (ou une particule) peut effectivement aller de l’un a l’autre sans depasser la vitesse limite c.Bien entendu, deux evenements en relation causale ont un �s2 negatif.

2) �s2 = 0 (intervalle �s lumineux ou nul)

Deux evenements dont le �s2 est nul definissent un intervalle lumineux. Dans ce cas, la lumierepeut aller d’un evenement a l’autre puisqu’elle se propage dans le vide selon un mouvement recti-ligne et uniforme de vitesse c. Reciproquement, bien sur, si la lumiere peut aller d’un evenement al’autre, le �s2 de ces evenements est nul.

Par exemple, un atome emet un photon (E1), celui-ci se propage dans le vide et est finalementabsorbe par un autre atome (E2).

3) �s2 > 0 (intervalle �s spatial)

Si �s2 > 0, on dit que les evenements forment un intervalle spatial, ou sont en relation spatiale.Le quadri-vecteur

���!E1E2 est dit du ”genre espace”.

Deux evenements simultanes dans un certain systeme d’inertie sont evidemment en relationspatiale. Reciproquement, si deux evenements ont un �s2 positif, il existe un systeme d’inertie (enfait une infinite) dans lequel ces deux evenements sont simultanes.

En effet, soit ¯S un systeme d’inertie tel que :

�s2 = |�~r|2 � c2�¯t2 > 0

Cherchons alors un autre systeme de reference d’inertie S, defini par une vitesse ~V , tel quel’on ait �t = 0. C’est-a-dire, d’apres la transformation generale de Lorentz (cf. (3.8)) :

�t = �

~V ·�~rc2

+�

¯t

!= 0

c’est-a-dire~V ·�~rc · c�¯t

= �1

On voit alors facilement que cette relation, consideree comme une equation pour ~V , possedeune infinite de solutions telle que V < c.

Enfin, il est interessant de faire remarquer que l’ordre temporel de deux evenements en relationspatiale n’est pas absolu et, qu’en consequence, il ne peut jamais exister de relation causale entredeux tels evenements. En effet, la transformation de Lorentz generale donne

¯t = �

�t�

~V�~r

c2

!

163

Page 31: Chapitre 3 : La relativite restreinte´ · 3.7 La mecanique relativiste du point mat´ eriel´ 134. Chapitre 3 : La relativite restreinte´

Si S est un systeme tel que �t = 0, on trouve que

¯t = �~V�~rpc2 � V 2

1

c

Comme �~r 6= 0, on se convainc facilement qu’en faisant varier ~V , avec V < c, on peut donnera �

¯t n’importe quelle valeur (negative ou positive).En resume, il est donc tout a fait clair que pour deux evenements E1 et E2, caracterises par

un �s2 > 0, aucune observation ni aucune particule ne peut aller de l’un a l’autre, de sorte qu’iln’existe ici aucune relation causale possible entre les deux evenements en question. Enfin, le signede �t n’est pas invariant, de sorte qu’il n’existe pas non plus d’ordre temporel absolu entre cesdeux evenements. E1 sera anterieur, simultane ou posterieur a E2, selon l’observateur considere.

Le c

ˆ

one de lumi

`

ere

Etant donne un evenement bien determine E, il est clair que ce qui precede permet de classer lesautres evenements E 0 selon la nature de l’intervalle EE 0. Ainsi, nous avons d’abord les evenementsE 0 tels que l’intervalle EE 0 soit lumineux (c’est-a-dire les evenements E 0 a distance nulle de E).Ces evenements E 0 sont definis par l’equation suivante, quel que soit l’observateur considere :

(x0 � x)2 + (y0 � y)2 + (z0 � z)2 � c2(t0 � t)2 = 0 (3.34)

qui represente dans E4 un cone de sommet E (voir Figure 3.9). On dit qu’il s’agit du cˆone de

lumi`ere en E : c’est l’ensemble de tous les evenements qui sont en relation lumineuse avec E.L’interieur du cone de lumiere en E contient les evenements E 0 qui sont en relation temporelle

avec E. Il se divise evidemment en deux parties : le futur absolu de E et le passe absolu de E.Enfin l’exterieur du cone en question contient les evenements E 0 qui sont en relation spatiale avecE (l’ailleurs de E).

Remarquons encore que toute trajectoire corpusculaire passant par E est necessairement conte-nue dans le cone dans le cas d’une particule materielle et est necessairement une generatrice ducone dans le cas d’un photon. Le cone de lumiere est donc engendre par l’ensemble de toutes lestrajectoires lumineuses passant par E.

Exercices

1. A partir de la transformation de Lorentz speciale (cf. (3.6)), montrer que les relations de chan-gement de coordonnees peuvent etre interpretees geometriquement comme un changement d’axesobliques particulier dans un plan euclidien, suivant le graphique 3.10 (sin↵ = V/c) : On a en

164

Page 32: Chapitre 3 : La relativite restreinte´ · 3.7 La mecanique relativiste du point mat´ eriel´ 134. Chapitre 3 : La relativite restreinte´

FIGURE 3.9 –

effet :x = cos↵x+ sin↵ct

ct = sin↵x+ cos↵c¯t

On remarquera que ces deux systemes d’axes ont les memes bissectrices. Pourquoi est-ce im-portant ?

2. En vertu de la transformation de Lorentz speciale (cf. (3.6)), la loi de mouvement

x = ±ct+ Cte

entraınex = ±c¯t+ Cte0

Interpreter ce resultat.

165

Page 33: Chapitre 3 : La relativite restreinte´ · 3.7 La mecanique relativiste du point mat´ eriel´ 134. Chapitre 3 : La relativite restreinte´

FIGURE 3.10 –

3. Dessiner sur le graphique precedent le passe et le futur absolu d’un evenement quelconque.

4. Dessiner deux evenements simultanes dans S. Sont-ils en general simultanes dans ¯S ? Commentpeut-on retrouver ce resultat a partir des relations (3.7) ? Ce resultat porte le nom de relativit´e de

la simultan´eit´e.

5. Toujours en utilisant la transformation de Lorentz speciale, montrer que si deux evenementssont simultanes pour un observateur S, leur ordre temporel est inverse selon que l’on considere unobservateur ¯S ou un observateur ¯

¯S situe a gauche, ou a droite de S, comme indique sur la figure3.11.6. Discuter la dilatation du temps a l’aide de la representation graphique de la transformation deLorentz speciale.

7. Enfin, discuter la contraction des longueurs a l’aide de la representation graphique de la trans-formation speciale de Lorentz.

166

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FIGURE 3.11 –

3.6 L’effet Doppler longitudinal

Supposons que ¯O soit une source lumineuse monochromatique et que O soit un recepteur.Imaginons egalement pour fixer les idees que la source s’eloigne du recepteur (voir Figure 3.12) :Considerons l’emission par ¯O d’un photon ou d’un flash lumineux en direction de O (evenement

FIGURE 3.12 –

E1) et la reception par O de ce meme flash (evenement E2).Nous avons le tableau suivant :

¯S S

E1 x1 = 0 , ¯t1 = ¯t

E2 x2 = 0 , t2 = t

en designant par ¯t l’instant de l’emission (a l’horloge de ¯O) et par t l’instant de la reception (al’horloge de O). Notons que ¯t et t concernent ici deux evenements diff´erents.

En utilisant la transformation de Lorentz speciale, il est aise de completer ce tableau et d’obte-nir :

167

Page 35: Chapitre 3 : La relativite restreinte´ · 3.7 La mecanique relativiste du point mat´ eriel´ 134. Chapitre 3 : La relativite restreinte´

¯S S

E1 x1 = 0 , ¯t1 = ¯t x1 =V ¯tq1� V

2

c

2

, t1 =¯tq

1� V

2

c

2

E2 x2 =�V tq1� V

2

c

2

, ¯t2 =tq

1� V

2

c

2

x2 = 0 , t2 = t

Exprimant maintenant que le �s2 des deux evenements en question est nul, il vient 17 :

(x2 � x1)2= c2(¯t2 � ¯t1)

2 (3.35)

ou encore, puisque x1 est nul et x2 negatif :

c(¯t2 � ¯t1) = �x2

car on doit manifestement avoir ¯t2 > ¯t1. Par suite :

c

0

@ tq1� V

2

c

2

� ¯t

1

A=

V tq1� V

2

c

2

ou encore :

t =

q1 +

V

cq1� V

c

¯t (3.36)

Telle est donc la relation entre l’instant d’emission ¯t lu sur l’horloge de la source et l’instantde reception t lu sur l’horloge du recepteur, dans le cas d’un flash lumineux se propageant dans levide.

Si la source emet une onde lumineuse monochromatique, on aura, considerant deux maximasuccessifs :

�t =

q1 +

V

cq1� V

c

¯t ,

ou encore :

⌧ =

q1 +

V

cq1� V

c

17. Nous travaillons ici dans S. Si on travaille dans S, on obtient evidemment le meme resultat final. Par ailleurs, lesdeux horloges considerees indiquent 0 lorsqu’elles coıncident. De plus, nous avons suppose que l’emission s’effectuaitapres cette coıncidence. t est donc positif et il en est de meme a fortiori de t.

168

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en designant par ⌧ la periode de l’onde mesuree par la source et par ⌧ la periode mesuree par lerecepteur :

⌧ = �

¯t , ⌧ = �t

En utilisant les longueurs d’onde au lieu des periodes, cette relation peut encore s’ecrire sous laforme suivante, puisque � = c⌧ et ¯� = c⌧ ,

�������� =

q1 +

V

cq1� V

c

¯�

�������(3.37)

Il s’agit la de la formule de l’effet Doppler relatif aux ondes lumineuses, ou plus generalementaux ondes electromagnetiques se propageant dans le vide, dans le cas ou la source et le recepteurs’eloignent l’un de l’autre :

� > ¯� (red-shift) .

On definit, en astrophysique observationnelle, le red-shift z (appele en francais ”decalage versle rouge”) d’une galaxie ou d’un quasar, comme etant

z =

��¯�

=

�� ¯�¯�

ou�� = �� ¯�

En vertu de (3.37), on a donc

z =

q1 +

V

cq1� V

c

� 1

Le quasar le plus distant possede un red-shift z = 6, 28. Dans le cadre de la theorie de la rela-tivite restreinte (i.e. ne connaissant pas encore lexistence de la theorie de la Relativite Generale),on conclut donc que ce quasar semble s’eloigner de nous avec une vitesse egale a 96, 3% celle dela vitesse de la lumiere.

Si la source et le recepteur se rapprochent l’un de l’autre, il est facile de voir que l’on a parcontre : �������

� =

q1� V

cq1 +

V

c

¯�

�������(3.38)

c’est-a-dire :� < ¯� (blue-shift)

169

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Lorsque V est beaucoup plus petit que c, ces formules prennent la forme approchee mieuxconnue :

� =

✓1± V

c

◆¯�

que l’on ecrit souvent sous la forme

z =

��¯�

= ±V

c(3.39)

L’effet Doppler considere ici porte le nom d’effet Doppler longitudinal parce que l’onde lumi-neuse se propage parallelement a la vitesse relative entre la source et le recepteur. Cet effet Dopplerlongitudinal est essentiellement un effet du premier ordre, alors que l’effet Doppler transversal estdu second ordre en V/c (cf. page 182).

La formule relativiste de l’effet Doppler longitudinal :

� =

q1± V

cq1⌥ V

c

¯� =

"1± V

c+

1

2

✓V

c

◆2

+ ...

#¯� (3.40)

a ete verifiee experimentalement, jusqu’au second ordre inclus, par Ives et Stilwell en 1941.

Exercices

1. Effet Doppler longitudinal

Etudier l’effet Doppler longitudinal a l’aide de la representation graphique de la transformationde Lorentz speciale. On considere sur la trajectoire de la source dans l’espace-temps (ensemble detous les evenements loacalises a la source) les emissions de deux maxima successifs. Chacun deces maxima se propageant vers le recepteur a la vitesse de la lumiere, il est facile d’obtenir lesreceptions de ces deux maxima par le recepteur. En exprimant que ¯� = c⌧ et � = c⌧ ont la memeprojection sur l’une des deux bissectrices, on obtient la formule cherchee avec un peu de trigo-nometrie.

2. Expansion superluminique du quasar 3C273

Les sources d’energie les plus puissantes que nous connaissions dans l’Univers sont associeesavec des astres d’apparence stellaire, appeles ”quasars”. Typiquement, ceux-ci sont situes a des dis-tances de plusieurs milliards d’annees lumiere et, malgre leurs tres petites dimensions par rapporta celles des galaxies, les quasars possedent une luminosite au moins 100 fois plus elevee que cellede notre propre Galaxie, la Voie Lactee, composee elle-meme de plus de 100 milliards d’etoiles.Vu leur distance cosmologique et leur tres grande luminosite, les quasars constituent des phares detout premier choix pour etudier le contenu materiel et la structure de l’Univers.

170

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Un des problemes rencontres lors de l’etude des quasars provient du fait que certains d’entreeux sont formes de plusieurs composantes distinctes qui semblent, notamment dans le domaineradio, se separer les unes des autres avec des vitesses relatives superieures a la vitesse de la lumiere.On parle alors de vitesses superluminiques (cf. figure 3.13).

FIGURE 3.13 –

Legende de la figure 3.13 : Contours representant des intensites egales d’emission radio en pro-venance du quasar 3C273. On voit a partir de ces graphes une composante brillante (a droite) duquasar qui s’eloigne avec une vitesse superluminique. L’epoque de chaque observation est indiqueeen annee decimale sur les differents graphes. Chaque division sur l’echelle horizontale corresponda 2 milli-secondes d’arc (1 milli-seconde d’arc = 10

�3/3600 degres = 4, 8510�9 radians). Figurede Pearson et al., 1981, Nature, Vol. 290, pp. 365-368.

Une des theories qui permet de comprendre ces observations suppose que le quasar emet un jetde matiere (plasma) avec une vitesse relativiste le long d’une direction proche de la ligne de visee.Le mouvement et l’emission de lumiere des composantes formant le jet permettent de comprendrela vitesse apparente superluminique observee.

La figure 3.14 illustre la propagation de la lumiere vers un observateur distant, emise a deuxinstants differents, a partir d’une meme structure du jet qui se propage avec une vitesse v < c.L’intervalle de temps entre les deux emissions d’un flash illustrees dans la figure 3.14 vaut �t. Letemps est mesure localement, pres de la structure du quasar, au moyen d’un systeme de reference(coordonnees et temps) attache a la Terre. Evidemment, a cause du trop grand eloignement duquasar, nous n’avons aucune chance de pouvoir mesurer directement �t. La seule chose qu’il nous

171

Page 39: Chapitre 3 : La relativite restreinte´ · 3.7 La mecanique relativiste du point mat´ eriel´ 134. Chapitre 3 : La relativite restreinte´

est possible de mesurer est l’intervalle de temps �trec entre les moment de reception des deuxflashes sur Terre. A partir de la figure 3.14, on trouve facilement que

�trec = �t · (1� v

ccos ✓)

ou ✓ represente l’angle entre la direction du jet et celle de l’observateur.

FIGURE 3.14 –

(Legende : figure de gauche) : Emission d’un premier flash lumineux vers la Terre a partir d’unecomposante brillante du quasar qui se deplace suivant une direction faisant un angle ✓ par rapporta celle de l’observateur terrestre, avec une vitesse v relativiste. (Legende : Figure de droite) : Lameme structure du quasar emet un second flash lumineux apres un intervalle de temps �t. Figureadaptee a partir de l’article de Gabuzda, 1987, American Journal of Physics, Vol. 55, pp. 214-215.

Un deuxieme inconvenient d’observer les structures radio d’un quasar a partir de la Terre pro-vient du fait que nous n’en voyons qu’une projection sur le plan du ciel. Il nous est en effet im-possible de mesurer les mouvements le long de la ligne de visee. Nous sommes donc seulement

172

Page 40: Chapitre 3 : La relativite restreinte´ · 3.7 La mecanique relativiste du point mat´ eriel´ 134. Chapitre 3 : La relativite restreinte´

capables de mesurer leur mouvement propre, c’est-a-dire la projection des mouvements vrais pro-jetes sur le plan du ciel. L’expression de ce mouvement propre �xrec detecte sur un recepteurd’images vaut tout simplement (cf. figure precedente)

�xrec

= v�t sin ✓

La vitesse apparente vrecx

avec laquelle nous mesurons le deplacement de la structure du quasarsur le recepteur vaut donc

vrecx

=

�xrec

�trec=

v

c

sin ✓

1� v

c

cos ✓

Quelle est la valeur de vrecx

lorsque la structure du quasar est emise le long de la ligne de viseevers la Terre ? Et perpendiculairement a celle-ci ?

Trouver une expression qui donne l’intervalle des angles ✓ pour lesquels vrecx

est superieur a c.Pour ✓ = 45 deg, pour quelle vitesse de v obtiendra-t-on vrec

x

> c ?Etablir une seconde expression pour l’angle ✓

max

tel que la valeur de vrecx

y est maximale.Montrer que cet angle verifie l’equation cos ✓

max

= v/c. Montrer que pour cette valeur de ✓max

, lavitesse apparente maximum de vrec

x

vaut

vrec,max

x

c=

v/cp1� (v/c)2

Quelle est la valeur apparente maximale de vrecx

lorsque v = 0, 99c ?Sachant que la distance du quasar 3C273 est d’environ 2,6 milliards d’annees lumiere, deduire

a partir des observations radio de 3C273 la vitesse apparente de la structure radio brillante qui sedeplace par rapport au centre de lumiere du quasar 18.

18. Des vitesses superluminiques ont ete mesurees pour les structures radio de plusieurs dizaines de quasarsdifferents.

173

Page 41: Chapitre 3 : La relativite restreinte´ · 3.7 La mecanique relativiste du point mat´ eriel´ 134. Chapitre 3 : La relativite restreinte´

3.7 La m

´

ecanique relativiste du point mat

´

eriel

Il est evident que l’equation de Newton n’est pas invariante par rapport a la transformationde Lorentz, a moins d’admettre pour la force ~F une loi de transformation fort peu naturelle, quiconduirait d’ailleurs a de serieuses difficultes du point de vue de la theorie physique des forces. Enfait, il est bien clair que l’equation de Newton est en harmonie tellement etroite avec la transfor-mation de Galilee, que l’abandon de cette derniere en relativite restreinte implique necessairementque l’on repense completement la formulation de la mecanique, et pour commencer, la formulationde la mecanique d’une particule.

Le probleme consiste donc a generaliser les notions de masse, d’acceleration et de force et apostuler une equation de mouvement repondant a plusieurs exigences : cette equation doit etre uneequation vectorielle dans E4, de telle sorte que son invariance par rapport aux transformations deLorentz soit automatiquement satisfaite ; elle doit se reduire a l’equation de Newton si la vitessede la particule consideree est beaucoup plus petite que c, ou encore si c tend formellement versl’infini ; elle doit etre telle que la vitesse de la particule ne puisse jamais devenir egale a c, ni afortiori plus grande que c ; et enfin elle doit conduire au mouvement rectiligne et uniforme, qui estbien ”Lorentz-invariant”, lorsque la force s’annule.

La solution de ce probleme s’obtient en fait par une generalisation tout a fait naturelle del’equation de Newton 19 :

m0d~v

dt=

~F

en y remplacant chacune des grandeurs classiques m0, t, ~v et ~F par un scalaire ou un vecteurapproprie de E4.

En ce qui concerne m0, aucune modification n’est necessaire puisqu’il s’agit d’une constantequi est bien sur invariante. Pour des raisons qui deviendront vite evidentes, nous dirons que m0 estla masse propre de la particule. Il s’agit d’une constante positive que l’on assigne une fois pourtoutes a la particule en question ; c’est donc une propriete intrinseque de la particule.

Considerons maintenant le temps t : il s’agit d’un scalaire de E3, mais non pas d’un scalaire deE4 puisque t est une coordonnee de l’espace-temps.

Ainsi la derivee d’un vecteur de E4 par rapport a t n’est evidemment pas un vecteur de E4, desorte que l’operation :

d

dt

19. La masse de la particule est ici designee par mo

pour des raisons de commodite, que l’on comprendra par lasuite.

174

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est ici tout a fait inadequate. Il est cependant facile de lui substituer l’operation :

d

d⌧

qui ne souffre pas de cet inconvenient, en introduisant le temps propre ⌧ de la particule consideree,qui n’est rien d’autre en fait (a la constante c pres) que la longueur de la trajectoire de la particuledans E4, relativement a la metrique de Minkowski :

ds2 = �c2dt2 + dx2+ dy2 + dz2 . (3.41)

Considerons la trajectoire de la particule dans E4 : c’est l’ensemble de tous les evenements quiconstituent l’histoire de la particule. Soient deux points infiniment voisins sur cette trajectoire etleurs coordonnees

x↵, x↵

+ dx↵

relativement aux axes x↵

= ct, x, y, z associes a un observateur d’inertie quelconque (voirFigure 3.15).

FIGURE 3.15 –

On sait que le ds2 entre ces deux evenements, qui est defini par :

ds2 = ⌘↵�

dx↵dx�

= �c2dt2 + dx2+ dy2 + dz2

est un invariant 20 negatif. En fait, on a :

ds2 = (v2 � c2)dt2 < 0

20. C’est-a-dire que ⌘↵�

dx↵dx� a la meme valeur quelles que soient les coordonnees considerees : cette grandeurne depend donc que des deux evenements infiniment voisins choisis sur la trajectoire de la particule.

175

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ou v designe le module de la vitesse ~v :

v2 =

✓dx

dt

◆2

+

✓dy

dt

◆2

+

✓dz

dt

◆2

Il en resulte que la grandeur reelle :

d⌧ =

r1� v2

c2dt (3.42)

est egalement invariante dans E4. Cette grandeur d⌧ est l’intervalle de temps propre de la parti-cule entre les deux evenements consideres. L’intervalle de temps propre de la particule entre deuxevenements quelconques E1 et E2 situes sur sa trajectoire de E4 est evidemment :

�⌧ =

Zt2

t1

r1� v2

c2dt (3.43)

v etant une fonction connue de t. Il s’agit essentiellement (a un facteur c pres) de la longueur del’arc E1E2 dans la geometrie pseudo-euclidienne de Minkowski (voir Figure 3.16).

FIGURE 3.16 –

Quant au temps propre de la particule, il est defini a une constante additive pres, par la primi-tive :

⌧ =

Z r1� v2

c2dt (3.44)

Si on fixe la constante de primitivation, c’est-a-dire si on choisit le point de la trajectoire a partirduquel on compte ⌧ , la fonction :

⌧ = ⌧(t)

est parfaitement determinee et on peut ecrire les equations de la trajectoire sous la forme pa-rametrique 21 :

x↵

= x↵

(⌧) . (3.45)

21. Dans la representation ordinaire :ct = ct

x = x(t)

y = y(t)

z = z(t)

9>>>>=

>>>>;

x↵ = x↵(t) .

176

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et definir :u↵

=

dx↵

c d⌧(3.46)

qui est manifestement un vecteur de E4. Ce vecteur est naturellement tangent a la trajectoireconsideree, au point ⌧ en question (voir Figure 3.17).

FIGURE 3.17 –

De plus 22, on a :

⌘↵�

u↵u�

= ⌘↵�

dx↵

c d⌧

dx�

c d⌧

c’est-a-dire :⌘↵�

u↵u�

= �1 (3.47)

de telle sorte que u↵ est un quadri-vecteur du genre temps de longueur constante (= 1).On dit que u↵ est la quadri-vitesse (unitaire) de la particule, ou encore sa vitesse dans E4.Compte tenu de :

d⌧ =

r1� v2

c2dt ,

il est facile de voir que les relations qui existent entre la vitesse dans E4 :

u↵

=

dx↵

c d⌧

et la vitesse dans E3 :

vi =dxi

dt

De plus, en vertu de la definition du temps propre :

⌧ = ⌧(t) , t = t(⌧) .

Par suite :x↵ = x↵(⌧) .

22.ds2 = ⌘

↵�

dx↵dx� = �c2d⌧2 .

177

Page 45: Chapitre 3 : La relativite restreinte´ · 3.7 La mecanique relativiste du point mat´ eriel´ 134. Chapitre 3 : La relativite restreinte´

sont simplement :

uo

=

1r1� v2

c2

, ui

=

vi/cr1� v2

c2

que nous ecrirons sous la forme :

u↵

=

(1, vi/c)r1� v2

c2

(3.48)

De ce qui precede, il resulte que la generalisation la plus simple de l’equation de Newtonconsiste a considerer le vecteur de E4

m0cdu↵

d⌧

et a l’egaler a une certaine force quadridimensionnelle K↵. Nous sommes ainsi tout naturellementamenes a postuler l’equation de mouvement :

m0cdu↵

d⌧= K↵ (3.49)

ou K↵ designe un vecteur de E4 qui represente la force reelle a laquelle la particule en ques-tion est soumise. Bien entendu, la possibilite de representer les forces reelles par des vecteurs deE4 doit etre examinee dans le cadre de la theorie physique des forces (dans le cas de la forceelectromagnetique agissant sur une particule chargee, cette possibilite se presente d’elle-meme,tout naturellement). On a, de plus,

⌘↵�

K↵u�

= 0 (3.50)

qui est une consequence de l’equation de mouvement, puisque le vecteur u↵ est de longueurconstante. On a, en effet :

⌘↵�

K↵u�

= ⌘↵�

mo

cdu↵

d⌧u�

=

m0 c

2

d

d⌧(n

↵�

u↵u�

) = 0

En resume, toute force reelle est representee en relativite restreinte a l’aide d’un vecteur K↵

de E4, identiquement orthogonal a la vitesse u↵ de la particule, et l’equation fondamentale de lamecanique relativiste s’ecrit sous la forme (avec 3 equations independantes)

m0cdu↵

d⌧= K↵ , avec u↵

=

dx↵

c d⌧

Cette equation fondamentale est evidemment ”Lorentz-invariante”, puisqu’il s’agit d’une equationvectorielle dans E4. De plus, lorsque la force s’annule on a bien un mouvement rectiligne et uni-forme. En effet, on a alors :

u↵

= constante

178

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c’est-a-dire :vi/cr1� v2

c2

= constante ,1r

1� v2

c2

= constante ;

ou encore :vi = constante .

Considerons maintenant les trois dernieres equations :

m0cdui

d⌧= Ki (3.51)

Elles peuvent encore se mettre sous la forme :

d

dt(mvi) = F i (3.52)

si on pose :m =

m0r1� v2

c2

(3.53)

F i

=

r1� v2

c2Ki . (3.54)

La grandeur m s’appelle la masse relative de la particule (elle est relative au systeme d’inertieconsidere) : elle varie en general avec le temps puisqu’elle depend de la vitesse v. Enfin, les F i

definissent un vecteur de E3, que l’on appellera la force tridimensionnelle.L’equation

d

dt(mvi) = F i

peut naturellement s’ecrire sous la forme vectorielle dans E3 :

d

dt

(m~v) = ~F (3.55)

qui rappelle tres fortement l’equation de Newton. Ici cependant, m est en general variable et nepeut donc sortir de la derivee.

Cette derniere equation montre que l’equation de Newton est bien obtenue comme cas limitede l’equation de mouvement relativiste lorsque v est negligeable par rapport a c. Si v n’est pasnegligeable par rapport a c, la masse relative m peut devenir par contre appreciablement plusgrande que la masse propre m0.

En fait, si v tend vers c, m tend vers l’infini, ce qui implique que la particule ne peut jamaisatteindre la vitesse c puisque son inertie grandit sans cesse au fur et a mesure que sa vitesse serapproche de c.

179

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La grandeurp↵ = m0cu↵ (3.56)

est l’impulsion de la particule dans E4 et la grandeur :

pi = m0cui

= mvi (3.57)

son impulsion dans E3. On a donc~p = m~v (3.58)

et bien entendu :d

dt~p =

~F . (3.59)

Considerons maintenant la premiere equation fondamentale :

m0cdu0

d⌧= K0 (3.60)

que l’on sait d’ailleurs n’etre pas independante des trois autres. Elle s’ecrit encore :

d

dt(mc) =

r1� v2

c2K0 (3.61)

ou encore 23

d

dt(m c2) = ~F · ~v (3.62)

Par analogie avec l’equation classique de conservation de l’energie, nous sommes donc amenesa definir l’energie cinetique de la particule par :

T = mc2 �m0c2 (3.63)

ce qui permet d’ecrire la relation precedente sous la forme :

dT

dt=

~F · ~v (3.64)

qui est exactement la forme classique 24.

23.⌘↵�

K↵u� = �ij

Kiuj �K0u0 = 0

d’ou :

K0 =�ij

Kiuj

u0=

1

c

~F · ~vr1� v2

c2

compte tenu de (3.48) et (3.54).24. Il est clair que l’equation essentielle est

m0du

d⌧= K

180

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En vertu de la definition de l’energie cinetique T , on a evidemment

mc2 = m0c2 + T (3.65)

ce qui conduit a considerer mc2 comme etant l’energie totale de la particule, formee de deuxtermes : une energie de masse propre et une energie cinetique.

D’autre part, si l’expression :

T = (m�m0) c2=

0

BB@1r

1� v2

c2

� 1

1

CCAm0c2

est developpee en serie des puissances dev

c, il vient :

T =

1

2

m0v2

1 +

3

4

v2

c2+ ...

�(3.66)

de sorte que nous retrouvons l’expression classique en premiere approximation.Remarquons encore pour terminer que l’on a

p↵ = m0cu↵

=

✓1

cmc2,mvi

◆(3.67)

ce qui justifie le nom de vecteur energie-impulsion donne a ce quadri-vecteur p↵.Une relation interessante lie l’impulsion ~p = m~v et l’energie totale mc2 ; elle s’ecrit comme

suit :m2c4 = m2

0c4+ p2c2 (3.68)

En effet, on a, vu (3.47), (3.48) et (3.56) :

⌘↵�

p↵p� = m20c

2 ⌘↵�

u↵u�

= �m20c

2

= �(p0)2 + �ij

pipj

= �m2c2 + p2

d’ou (3.68).

avec K↵

u↵

= 0. Les formes plus conventionnelles

d(m~v)

dt= ~F

dT

dt= ~F · ~v

sont evidemment correctes, mais dans un certain sens, secondaires.

181

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Considerons finalement le cas important du photon. On a toujours dans ce cas : v = c et, parsuite :

m0 = 0 (3.69)

en vertu de (3.53).La masse propre du photon est donc nulle et la masse relative indeterminee. La determination se

fait en mecanique quantique, en recourant au dualisme onde-corpuscule et au postulat d’Einstein :

mc2 = h⌫ (3.70)

La relation entre l’impulsion et l’energie d’un photon est donc :

p = mc =h⌫

c(3.71)

ou h designe la constante de Planck et ⌫ la frequence de l’onde electromagnetique a laquelle lephoton appartient. Cette relation decoule de (3.68) adaptee au cas du photon (m0 = 0) et de (3.70).

Le quadri-vecteur energie-impulsion du photon a donc pour composantes :

p↵ = (

h⌫

c,h⌫

cli) (3.72)

ou les li representent les composantes d’un vecteur unitaire ~l (�ij

lilj = 1) pointant dans la direc-tion de propagation du photon.

3.7 Exercices

1. L’effet Doppler g´en´eral

Etudier l’effet Doppler dans le cas ou le recepteur est fixe en O dans un systeme d’inertie etou la source lumineuse S est animee par rapport a ce systeme d’un mouvement quelconque (voirFigure 3.18).

Considerons l’emission par S d’un flash lumineux : evenement E1, et la reception par O de ceflash : evenement E2. Si x(t), y(t) et z(t) definissent le mouvement de S, on a

E1 : x(t1), y(t1), z(t1), t1; E2, 0, 0, 0, t2

Par suite, puisque le �s2 de ces deux evenements est nul :

t2 = t1 +r(t1)

c

avec ~r(t) le vecteur ayant pour composantes (x(t), y(t), z(t)).

182

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FIGURE 3.18 –

Si on considere l’emission par la source monochromatique de deux maxima successifs en t1 ett1+dt1 et la reception de ces maxima par l’observateur en t2 et t2+dt2, on a donc en differentiantl’equation ci-dessus 25

dt2 = dt1 +1

c(

~r · ~vr

)

t1dt1

D’autrepart, l’intervalle de temps propre de la source entre les deux emissions en question est

d⌧1 = (

r1� v2

c2)

t1dt1

et l’intervalle de temps propre de l’observateur entre les deux receptions

d⌧2 = dt2

Par suited⌧2d⌧1

=

2

4 1 +

vrcq

1� v

2

c

2

3

5

t1

en posant

vr

=

~V · ~rr

= vitesse radiale de la source.

Maisd⌧2d⌧1

=

⌧0=

�0

25. dt1 est assimile a un infiniment petit.

183

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D’ou la formule relativiste de l’effet Doppler

�0=

2

4 1 +

vrcq

1� v

2

c

2

3

5

instant d

0emission

Discuter a partir de cette formule l’effet Doppler longitudinal et l’effet Doppler transversal.

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2. Formule de l’aberration relativiste

En partant de la loi de composition des vitesses, demontrer la formule relativiste de l’aberration(voir figure 3.19)

sin ✓ =

V

c

� (1�q

1� V

2

c

2 ) cos↵

1� V

c

cos↵sin↵

qui s’ecrit encore

sin ✓ =V

csin↵(1 +

V

2ccos↵)+

FIGURE 3.19 –

~v et ~v sont les vitesses d’un photon par rapport a S et ¯S, respectivement.

185