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Chapitre 3 : solution des ´ equations diff´ erentielles lin´ eaires Philippe Chartier 20 octobre 2016 1 Syst` emes diff´ erentiels lin´ eaires Dans cette section, E esigne un K-espace vectoriel de dimension finie d avec K = R ou K = C, et I un intervalle ouvert de R. On ´ etudie ici les ´ equations diff´ erentielles lin´ eaires du type : ˙ y(t)= A(t)y(t)+ b(t) (1.1) o` u A ∈C (I ; L(E)) et b ∈C (I ; E). D’apr` es le th´ eor` eme de Cauchy-Lipschitz (dans le cas d’une fonction globalement Lipschitzienne), on est assur´ e de l’existence d’une solution unique sur I au probl` eme de Cauchy pour f (t, y)= A(t)y + b(t), et ce pour tout (t 0 ,y 0 ) I × E. Remarque 1.1 On confondra souvent l’endomorphisme A de L(E) et sa repr´ esentation matricielle dans M d (K) Exemple 1.2 1. Le syst` eme de deux ´ equations ` a deux inconnues y 1 (t) et y 2 (t) ˙ y 1 (t) = ty 1 (t)+ y 2 (t) - 1 ˙ y 2 (t) = cos(t)y 1 (t) + exp(t)y 2 (t) est de la forme (1.1) avec y(t)= y 1 (t) y 2 (t) , A(t)= t 1 cos(t) exp(t) et b(t)= -1 0 . 2. L’´ equation diff´ erentielle du second ordre ¨ y(t)+ q(t)y(t)=0 est ´ egalement de la forme (1.1), avec y 1 (y)= y(t), y 2 (t)=˙ y(t), b(t) = (0, 0) T et A(t)= 0 1 -q(t) 0 . 1

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Chapitre 3 : solution des equations differentielles lineaires

Philippe Chartier

20 octobre 2016

1 Systemes differentiels lineairesDans cette section, E designe un K-espace vectoriel de dimension finie d avec K = R ou K = C,

et I un intervalle ouvert de R. On etudie ici les equations differentielles lineaires du type :

y(t) = A(t)y(t) + b(t) (1.1)

ou A ∈ C(I;L(E)) et b ∈ C(I;E). D’apres le theoreme de Cauchy-Lipschitz (dans le cas d’unefonction globalement Lipschitzienne), on est assure de l’existence d’une solution unique sur I auprobleme de Cauchy pour f(t, y) = A(t)y + b(t), et ce pour tout (t0, y0) ∈ I × E.

Remarque 1.1 On confondra souvent l’endomorphisme A de L(E) et sa representation matricielledansMd(K)

Exemple 1.2 1. Le systeme de deux equations a deux inconnues y1(t) et y2(t){y1(t) = ty1(t) + y2(t)− 1y2(t) = cos(t)y1(t) + exp(t)y2(t)

est de la forme (1.1) avec

y(t) =

(y1(t)y2(t)

), A(t) =

(t 1

cos(t) exp(t)

)et b(t) =

(−10

).

2. L’equation differentielle du second ordre

y(t) + q(t)y(t) = 0

est egalement de la forme (1.1), avec y1(y) = y(t), y2(t) = y(t), b(t) = (0, 0)T et

A(t) =

(0 1−q(t) 0

).

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1.1 Formule integrale et resolvante(i) Systemes differentiels homogenes

On suppose dans un premier temps que b ≡ 0. On dit alors que le systeme est homogene.

Theoreme 1.3 L’ensemble V des solutions de l’equation (1.1) avec b ≡ 0 est un sous-espace vecto-riel de C1(I;E) de dimension finie d. Plus precisement, si y(t; t0, y0) designe la solution au temps tde l’equation (1.1) avec condition initale y(t0) = y0, alors l’application

ϕt0 : E → C1(I;E)

y0 7→ y(t; t0, y0)

est un isomorphisme d’espaces vectoriels entre E et V .

Preuve. Si y(t) et z(t) sont deux applications de C1(I;E) satisfaisant l’equation (1.1) pour toutt ∈ I , alors il est clair qu’il en est de meme pour (λy + µz)(t) pour tout (λ, µ) ∈ K2, de sorte que Vest un sous-espace vectoriel de C1(I;E). L’unicite de la solution de (1.1) pour une condition intialedonnee assure par ailleurs que ϕt0 est lineaire, injective et comme V = ϕt0(E), c’est finalement uneisomorphisme de E and V . On a ainsi dim(V ) = dim(E) = d.

Definition 1.4 On appelle systeme fondamental de solutions de l’equation (1.1) avec b ≡ 0 une basede l’espace vectoriel V .

Notons que, en vertu du theoreme precedent, (y1, . . . , yd) est un systeme fondamental de solutions siet seulement si il existe t ∈ I tel que (y1(t), . . . , yd(t)) constitue une famille libre de E. La famille(y1(s), . . . , yd(s)) est alors libre pour tout s ∈ I . Cette equivalence est egalement une consequencede la proposition suivante :

Proposition 1.5 Soient y1, . . . yd, d solutions de (1.1) avec b ≡ 0 et w ∈ C1(I;R), leur Wronskien,defini par

w(t) = det (y1(t), . . . , yd(t)) .

Alors, pour (s, t) ∈ I2, on a la formule suivante, dite de Liouville :

w(t) = w(s) exp

(∫ t

s

Tr(A(σ))dσ

).

Preuve. On note Y (t) la matrice deM(Kd) dont les colonnes sont constituees des vecteurs solutionsde (1.1) avec b ≡ 0, notees y1(t), ..., yd(t). La matrice Y (t) est alors solution du systeme differentielmatriciel

Y (t) = A(t)Y (t).

Designons alors par l1(t), ..., ld(t) les lignes de Y (t) et par ai,j(t) les coeffiients de A(t) pour i et jcompris entre 1 et d. Il est immediat que

∀i ∈ {1, . . . , d}, li(t) =d∑j=1

ai,j(t)lj(t).

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En remarquant que w(t) peut aussi s’ecrire

w(t) = det

l1(t)...

ld(t)

,

on a par multi-linearite du determinant

w(t) =d∑i=1

det

l1(t)...

li−1(t)

li(t)li+1(t)

...ld(t)

=

d∑i=1

d∑j=1

ai,j(t) det

l1(t)...

li−1(t)lj(t)li+1(t)

...ld(t)

=

d∑i=1

ai,i(t)w(t) = Tr(A(t))w(t).

On obtient finalement la formule de Liouville en resolvant cette equation differentielle entre s et t.

Definition 1.6 On appelle matrice resolvante du systeme (1.1) avec b ≡ 0, l’unique solution dusysteme differentiel matriciel

Y (t) = A(t)Y (t) (1.2)

satisfaisant la condition initiale Y (t0) = Id, ou Id designe la matrice identite de Md(K), et on lanote S(t; t0).

Proposition 1.7 Pour tout (t, t0, t1) ∈ I3, la matrice resolvante S verifie l’egalite suivante

S(t; t0) = S(t; t1)S(t1; t0).

En outre, pour tout (t1, t0) ∈ I2, S(t1; t0) ∈ GLd(K) et

(S(t1; t0))−1 = S(t0; t1).

Par ailleurs, la solution du probleme de Cauchy{y(t) = A(t)y(t)y(t0) = y0

est donnee par y(t) = S(t; t0)x0.

Preuve. La premiere egalite est une consequence immediate de l’unicite de la solution de (1.2) aveccondition initiale Y (t0) = Id et du fait que, pour toute matrice P ∈ Md(K) a coefficients constants,on a

˙(Y P )(t) = Y (t)P = A(t)Y (t)P = A(t) (Y (t)P ) .

L’inversibilite de S(t1; t0) et l’expression de l’inverse s’obtiennent alors en prenant t = t0 dans cettepremiere egalite. Le dernier point est evident.

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(ii) Systemes differentiels non homogenes

On s’interesse desormais au cas non homogene, c’est-a-dire au systeme (1.1) pour b quelconquenon necessairement nul. Si z est une solution particuliere de (1.1), alors l’ensemble des solutionsest l’espace affine de dimension finie d, z + V ou V est l’espace vectoriel des solutions du systemehomogene.

Le solution generale du systeme (1.1) est donnee par la formule integrale suivante, dite formulede Duhamel :

∀t ∈ I, y(t) = S(t; t0)y0 +

∫ t

t0

S(t; s)b(s)ds.

Elle s’obtient par la technique de variation de la constante : etant donnee S(t; t0)y0 la solution dusysteme homogene, on cherche la solution de (1.1) sous la forme y(t) = S(t; t0)z(t), de sorte que

S(t; t0)z(t) + S(t; t0)z(t) = A(t)S(t; t0)z(t) + b(t),

d’ou l’on tire l’equationz(t) = (S(t; t0))

−1b(t) = S(t0; t)b(t).

L’integration terme a terme entre t0 et t donne alors

z(t) =

∫ t

t0

S(t0; s)b(s)ds+ z0

ou z0 reste a determiner. En reportant z(t) dans y(t), il vient

y(t) = S(t; t0)z0 +

∫ t

t0

S(t; t0)S(t0; s)b(s)ds.

La condition initiale impose de prendre z0 = y0 et la formule de Duhamel en decoule.

1.2 Systemes a coefficients constantsDans le cas ou les coefficients de la matrice A et du vecteur b ne dependent pas du temps, le

systeme devient autonome et il possible d’expliciter completement les solutions de (1.1). Dans cettesection, nous supposons donc que le systeme differentiel est de la forme

y(t) = Ay(t) + b

avec A ∈Md(K) et b ∈ Kd.

(i) Exponentielle de matrices

Definition 1.8 L’exponentielle d’une matrice A ∈ Md(K) est definie par la serie (absolument)convergente suivante

eA =∞∑n=0

1

n!An.

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Si ‖.‖ designe la norme matricielle subordonnee a la norme notee identiquement ‖.‖ definie sur Kd,alors

‖An‖ ≤ ‖A‖n,

de sorte que ‖eA‖ ≤ e‖A‖. L’exponentielle de matrices possede un certain nombre de proprietesremarquables dont celles etablies dans la proposition suivante :

Proposition 1.9 Soient A et B deux matrices deMd(K) et 0 la matrice nulle deMd(K). On a :— Si A et B commutent, alors eA+B = eAeB.— e0 = Id et eA est inversible d’inverse e−A.— Si B est inversible, alors eBAB

−1= BeAB−1.

— Si A est nilpotente d’indice de nilpotence m ≤ d, alors eA =∑m−1

n=01n!An.

Preuve. Le premier point s’obtient aisement par produit de Cauchy de series absolument conver-gentes. Le second en est une consequence immediate, puisque eAe−A = e0 = Id. Le troisieme reposesur l’observation que (BAB−1)

n= BAnB−1. Enfin, le dernier point est clair des lors que An = 0

pour n ≥ m.

Remarque 1.10 Lorsque A et B ne commutent pas comme la proposition precedente, alors eAeB

est encore, sous certaines conditions que nous n’enoncerons pas ici, l’exponentielle d’une matriceC, qui s’obtient par la fomule de Baker-Campbell-Hausdorff. Les premiers termes de cette formules’ecrivent

C = A+B +1

2[A,B] +

1

12

([A, [A,B] + [B, [B,A]

)+ . . . ,

ou [A,B] designe le commutateur de A et B, a savoir [A,B] = AB −BA.

(ii) Resolvante

Dans la cas constant, la matrice resolvante devient S(t; t0) = e(t−t0)A et les solutions du systemedifferentiel (1.1) avec b ≡ 0 s’ecrivent y(t) = e(t−t0)Ay0. La resolvante ne depend donc que de t− t0,c’est-a-dire que S(t; t0) = Σ(t− t0) ou Σ(t) = etA et la propriete multiplicative devient

∀(s, t) ∈ I2, Σ(s+ t) = Σ(s)Σ(t).

Ainsi, Σ(.) est un homomorphisme de groupes de (R,+) dans (GLd(K), ·).

(iii) Calcul des solutions du systeme homogene

Il est aise de voir que si y0 est un vecteur propre de A associe a la valeur propre λ, alors t 7→eλ(t−t0)y0 est solution du probleme de Cauchy{

y(t) = Ay(t)y(t0) = y0

.

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En effet, ddteλ(t−t0)y0 = λeλ(t−t0)y0 = A(eλ(t−t0)y0) = Ay(t). Plus generalement, si A est diagonali-

sable, c’est-a-dire s’il existe P ∈ GLd(K) et D ∈ Md(K) diagonale, telles que A = PDP−1, alorsles solutions de (1.1) avec b ≡ 0 s’obtiennent par le changement de variable z(t) = P−1y(t). Levecteur z(t) verifie en effet les equations{

z(t) = P−1APz(t) = Dz(t)z(t0) = z0 = P−1y0

,

dont la solution est donnee par z(t) = etDz0. Donc y(t) = PetDP−1y0. Lorsque A n’est pas diagona-lisable, il faut recourir a sa forme de Jordan. On rappelle donc le resultat :

Proposition 1.11 Soit A ∈ Md(K) une matrice dont le polynome caracteristique PA(x) est scindesur K, de la forme

PA(x) = (−1)dl∏

j=1

(x− λj)mj

ou les λj sont les l valeurs propres distinctes de A de multiplicites algebriques respectives mj (avec∑lj=1mj = d) . La matrice A admet alors la decomposition de Jordan suivante : il existe P ∈

GLd(K) telle que

P−1AP =

Jµ1

Jµ2. . .

. . .Jµr

(1.3)

ou Jµ est un bloc de Jordan, c’est-a-dire une matrice de la formeµ 1 0

0 µ 1. . . ...

... . . . . . . 0

... µ 10 . . . . . . 0 µ

et ou les µj ∈ {λ1, . . . , λl} ne sont pas forcement disctincs (a une valeur propre peuvent etre associesplusieurs blocs de Jordan) et ou pour tout j = 1, . . . , l, on a∑

q=1,...,r/µq=λj

dim(Jµq) = mj.

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L’exponentielle d’un bloc de Jordan Jµ = µIm +Nm, ou Nm = Jµ − µIm est nilpotente d’indice denilpotence m, s’obtient par application du premier point de la proposition precedente ; puisque Im etNm commutent, on a :

etJµ = etµ

(m−1∑n=0

tn

n!Nnm

).

Il devient ainsi aise de calculer les solutions du systeme homogene dans le cas ou K = C, puisque Cetant un corps algebriquement clos, tout polynome y est scinde.

Proposition 1.12 Soit A ∈Md(C) une matrice de polynome caracteristique

PA(x) = (−1)dl∏

j=1

(x− λj)mj

ou les λj sont les l valeurs propres distinctes de A de multiplicites algebriques respectives mj (avec∑lj=1mj = d) . Pour tout j ∈ {1, . . . , l}, il existe mj solutions independantes de l’equation y(t) =

Ay(t) de la formeyj,k(t) = etλjpj,k(t), k = 1, . . . ,mj,

ou pj,k(t) est un polynome a coefficients dans Cd de degre au plus k− 1. L’ensemble de ces solutions{etλjpj,k(t); j = 1, . . . , l; k = 1, . . . ,mj

}constitue un systeme fondamental de solutions.

Preuve. En vertu de la proposition precedente, il existe une matrice P ∈ GLd(C) telle que P−1APsoit de la forme (1.3). En effectuant le changement de variable z = P−1y, le systeme (1.1) se“decouple” en r systemes independants

zq(t) = Jµqzq(t), q = 1, . . . , r,

avec (zT1 , . . . , zTr )T = z. Si dq designe la dimension de ce sous-systeme (dq = dim(Jµq)), alors il

possede dq solutions independantes de la forme

etµq

(dq−k∑n=0

tn

n!Nndqzq,k

)= etµq

(dq−k∑n=0

tn

n!zq,k+n

), k = 1, . . . , dq,

ou les zq,k designent les vecteurs de la base canonique de Cdq . A une valeur propre λj sont doncassociees

∑q/µq=λj

nq = mj solutions independantes de la forme etλjpj,k(t) avec pj,k(t) de degre auplus k − 1.

Dans le cas ou K = R, les solutions revetent une forme plus complexe, en raison du fait que R n’estpas algebriquement clos. Il est cependant possible d’exhiber la forme generale des solutions :

Proposition 1.13 Soit A ∈ Md(R) une matrice dont le polynome caracteristique PA(x) est de laforme

PA(x) = (−1)dl∏

j=1

(x− λj)mj

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ou les λj = αj + iβj sont les l valeurs propres distinctes de A de multiplicites algebriques respectivesmj (avec

∑lj=1mj = d) . Alors il existe une systeme fondamental de solutions de la forme

t 7→ tretαj cos(βjt)a et t 7→ tsetαj sin(βjt)b

ou a et b sont des vecteurs de Rd et r et s deux entiers plus petits ou egaux a mj − 1.

1.3 Groupe a un parametreDefinition 1.14 On appelle groupe a un parametre une application differentiable, morphisme degroupes de (R,+) dans (GLd(K), ·).

Si A est une matrice deMd(K), alors t 7→ etA est une groupe a un parametre. Reciproquement, sit 7→ B(t) ∈Md(K) est une groupe a un parametre, on a, en posant A = B′(0) :

B′(t) = limh→0

B(t+ h)−B(t)

h= lim

h→0

(B(h)−B(0)

h

)B(t) = AB(t),

ou l’on a utilise les relations B(t+h) = B(h)B(t) et B(0) = Id. Ainsi, B(t) est solution du systeme{B′(t) = AB(t)B(0) = Id

,

et s’ecrit donc B(t) = etA. La matrice A est dite generateur du groupe.

Exemple 1.15 1. Pour A = Id, on a {etA, t ∈ R} = {etId, t ∈ R}. Le groupe a un parametrede generateur A est donc le groupe des homotheties de rapport strictement positif.

2. Le groupe a un parametre de generateur

A =

(0 −11 0

),

est le groupe des matrices de rotations

etA =

(cos(t) − sin(t)sin(t) cos(t)

).

1.4 Equations lineaires scalaires d’ordre superieurOn s’interesse ici aux equations differentielles du type :

z(n)(t) + an−1(t)z(n−1)(t) + . . .+ a1(t)z

(1)(t) + a0(t)z(t) = g(t), (1.4)

ou les applications ak, pour k = 0, . . . , n − 1, et g, sont supposees continues de l’intervalle I dansR. On suppose par ailleurs que z ∈ Cn(I;R). Une telle equation est dite d’ordre n en raison del’occurence de la derivee n-ieme de z.

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(i) Transformation en un systeme d’ordre 1

En posant y(t) = (z(t), z′(t), . . . , z(n−1)(t))T , b(t) = (0, . . . , 0, g(t))T et en prenant pour A lamatrice compagnon

A(t) =

0 1 0 . . . 0

0 0 1. . . ...

... . . . . . . 00 . . . . . . 0 1

−a0(t) −a1(t) . . . −an−2(t) −an−1(t)

,

l’equation (1.4) se reecrit sous la forme d’un systeme differentiel lineaire (1.1) d’ordre 1 et y est solu-tion de (1.1) si et seulement si z est solution de (1.4) . Ainsi, pour tout t0 ∈ I , et tout (z0, . . . , zn−1)

T ∈Rn, il existe une solution unique z(t; z0, . . . , zn−1) de (1.4) satisfaisant les conditions intiales z(t0) =z0, z′(t0) = z1, ..., z(n−1)(t0) = zn−1. La structure de l’espace des solutions est egalement uneconsequence de cette reecriture :

Theoreme 1.16 Si g ≡ 0, l’ensemble V des solutions de (1.4) est une sous-espace vectoriel de di-mension n de Cn(I;R). De plus, l’application

Rn → Cn(I;R)

(z0, . . . , zn−1)T 7→ z(t; z0, . . . , zn−1),

est un isomorphisme d’espaces vectoriels de Rn dans V . Si g n’est pas nulle, l’ensemble des solutionsest un sous-espace affine z + V de dimension n de Cn(I;R), ou z designe une solution particulierede (1.4).

(ii) Wronskien

Soient z1, z2, ..., zn, n solutions de l’equation (1.4) ou l’on suppose que g ≡ 0. On appelle matricewronskienne associee a (z1, . . . , zn) la matrice suivante :

W (t) =

z1(t) z2(t) . . . zn(t)

z(1)1 (t) z

(1)2 (t) . . . z

(1)n (t)

......

...z(n−1)1 (t) z

(n−1)2 (t) . . . z

(n−1)n (t)

.

On a alors, d’apres la formule de Liouville,

∀(s, t) ∈ I2, w(t) = w(s) exp

(−∫ t

t0

an−1(s)ds

).

En particulier, si an−1 ≡ 0, alors w est constant : cette propriete se traduit en termes geometriques (leflot d’une telle equation conserve le volume).

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(iii) Calcul des solutions

On obtient la solution generale de l’equation (1.4) en superposant une solution particuliere a lasolution generale de l’equation homogene.

Cas des coefficients constants : Soient a0, . . . , an−1 des coefficients reels et g(t) une fonction deC(I;R). On cherche les solutions de l’equation

z(n)(t) + an−1z(n−1)(t) + . . .+ a1z

(1)(t) + a0z(t) = g(t).

On introduit le polynome caracteristique de l’equation :

P (X) = Xn + an−1Xn−1 + . . .+ a1X + a0.

C’est le polynome caracteristique de la matrice compagnon A(an−1, . . . , a0).

Proposition 1.17 Si λ est une racine de multiplicite m du polynome caracteristique de A, alors leszr(t) = treλt, r = 0, . . . ,m − 1 sont des solutions independantes de l’equation (1.4) a coefficientsconstants pour g ≡ 0.

Preuve. Soit donc z(t) = Q(t)eλt ou Q est un polynome de degre inferieur ou egal a m − 1. Par laformule de Leibniz, on a

z(k)(t) =k∑j=0

(jk

)Q(j)(t)(eλt)(k−j)

= eλtk∑j=0

k!

j!(k − j)!Q(j)(t)λk−j.

Il vient alors en posant an = 1

n∑k=0

akz(k)(t) = eλt

n∑k=0

ak

k∑j=0

k!

j!(k − j)!Q(j)(t)λk−j

= eλtn∑j=0

Q(j)(t)

j!

n∑k=j

k!

(k − j)!akλ

k−j = eλtn∑j=0

Q(j)(t)

j!P (j)(λ)

et l’annulation de P (j)(λ), pour j = 0, . . . ,m − 1 et de Q(j)(t) pour j ≥ m permet de conclure.L’independance de ces solutions est assuree par l’independance de leurs valeurs initiales.

Proposition 1.18 Soient λ1, . . . , λl les racines du polynome caracteristique, de multiplicites respec-tives m1, . . . ,ml. Pour j = 1, . . . , l, on note αj et βj les parties reelle et imaginaire de λj . Alors ilexiste un systeme fondamental de solutions de l’equation (1.4) a coefficients constants pour g ≡ 0 dela forme :

t 7→ treαjt cos(βjt) et t 7→ tseαjt sin(βjt),

ou r et s deux entiers inferieurs ou egaux a mj − 1.

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Cas des coefficients variables : On utilise ici la methode de variation de la constante. Soit(z1, . . . , zn) un systeme fondamental de solutions de l’equation homogene et soit W (·) la matriceWronskienne. Alors, il existe une solution particuliere de l’equation (1.4) avec second membre g(t)de la forme :

z(t) = c1(t)z1(t) + . . . cn(t)zn(t)

ou les fonctions ci appartiennent a C1(I;R) pour i = 1, . . . , n et satisfont c1(t)...

cn(t)

= W−1(t)

0...0g(t)

.

En effet, si z(t) est une solution de (1.4), on a pour y(t) = (z(t), z′(t), . . . , z(n)(t))T et b(t) =(0, . . . , 0, g(t))T , le systeme differentiel :

y(t) = A(t)y(t) + b(t)

ou A(t) est la matrice compagnon associee a (an−1(t), . . . , a0(t)). La resolvante S(t; t0) s’ecrit iciS(t; t0) = W (t)W−1(t0) et on a plus generalement S(t; s) = W (t)W−1(s). La formule de Duhameldevient alors :

y(t) = W (t)W−1(t0)y0 +

∫ t

t0

W (t)W−1(s)b(s)ds

et en posant c(t) = W−1(t)y(t), on voit que

c(t) = W−1(t)b(t).

2 Comportement qualitatif des solutions

2.1 Portraits de phase en dimension 2

On etudie ici en detail les portraits de phase des systemes lineaires homogenes de dimension 2,c’est-a-dire de la forme

y(t) = Ay(t), t ∈ R+,

avec

A =

(a bc d

).

Le changement de variable x = P−1y est un isomorphisme (lineaire) qui envoie les trajectoires dey(t) = Ay(t) sur les trajectoires de x(t) = (P−1AP )x(t). Il suffit donc d’etudier les trajectoires dex(t) pour les differentes classes de similitude de A. Pour determiner ces dernieres, on introduit doncle polynome caracteristique de A :

PA(X) = X2 − Tr(A)X + det(A) = X2 − (a+ d)X + (ad− bc).

On pose alors ∆ = (a+d)2−4(ad−bc) = (a−d)2+4bc ce qui conduit a distinguer les cas suivants :

11

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1. Premier cas : ∆ < 0. On a alors deux valeurs propres de A complexes conjuguees α ± iβ,avec α = 1

2(a+ d) et β = 1

2

√−∆. En prenant

P−1 =

(−β

b0

a−d2b

1

)

−10 −8 −6 −4 −2 0 2 4 6 8−6

−4

−2

0

2

4

6

8

x1

x2

−10 −8 −6 −4 −2 0 2 4 6 8−6

−4

−2

0

2

4

6

8

x1

x2

−0.5 −0.4 −0.3 −0.2 −0.1 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5−0.5

−0.4

−0.3

−0.2

−0.1

0

0.1

0.2

0.3

0.4

0.5

x1

x2

FIGURE 1 – Foyers stable (α < 0) et instable (α > 0) ; centre (α = 0).

P−1AP =

(α −ββ α

)et le passage en coordonnees polaires x1(t) = r(t) cos(θ(t)), x2(t) = r(t) sin(θ(t)) conduitaux equations {

r = αr

θ = β.

Pour α 6= 0, les solutions correspondantes “spiralent” autour de leur point initial, soit versl’exterieur (lorsque α > 0), soit vers l’interieur (lorsque α < 0) et on a un foyer instable oustable respectivement. Lorsque α = 0, la solution decrit un cercle (voir la figure 1).

2. Deuxieme cas : ∆ > 0. On a deux valeurs propres de A reelles et distinctes, et A est alorssemblable a la matrice diagonale (

λ 00 µ

).

Si det(A) < 0, λ et µ sont de signes opposes, et on a alors un point selle (voir la figure 2).Si detA > 0, λ et µ sont de meme signe, positif si Tr(A) > 0, et negatif dans le cas contraire(voir la-encore la figure 2). Si det(A) = 0, l’une des deux valeurs propres de A est nulle, parexemple µ. Suivant le signe de λ, on a alors les deux portraits de phase de la figure 3.

3. Troisieme cas : ∆ = 0. Il y une valeur propre double. Si A est semblable a la matrice λI2,avec λ 6= 0 (le cas λ = 0 conduit a une solution triviale stationnaire), on obtient un noeud,soit stable (si λ < 0), soit instable (si λ > 0). Les portraits de phase correspondants sontrepresentes sur la figure 4. Si A est semblable a la matrice(

λ 10 λ

),

12

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−8 −6 −4 −2 0 2 4 6 8−3

−2

−1

0

1

2

3

x1

x2

−1.5 −1 −0.5 0 0.5 1 1.5−3

−2

−1

0

1

2

3

x1

x2

−1.5 −1 −0.5 0 0.5 1 1.5−3

−2

−1

0

1

2

3

x1

x2

FIGURE 2 – Point selle, equilibre stable, equilibre instable.

−3 −2 −1 0 1 2 3−3

−2

−1

0

1

2

3

x1

x2

−3 −2 −1 0 1 2 3−3

−2

−1

0

1

2

3

x1

x2

FIGURE 3 – Une valeur propre nulle et une valeur propre positive, respectivement negative.

−3 −2 −1 0 1 2 3−3

−2

−1

0

1

2

3

x1

x2

−3 −2 −1 0 1 2 3−3

−2

−1

0

1

2

3

x1

x2

FIGURE 4 – Noeud stable, noeud instable.

alors la-encore, trois cas se presentent suivant le signe de λ. Pour λ > 0, le portrait de phasecontient un noeud degenere instable. Pour λ < 0, un noeud degenere stable. Enfin pour λ = 0,les trajectoires sont rectilignes. Les differents cas sont representes sur la figure 5.

2.2 Stabilite asymptotique de l’origineTheoreme 2.1 Soit A ∈ L(E) ou E est un K-espace vectoriel de dimension finie d et soit σ(A) sonspectre. Les propositions suivantes sont equivalentes :

1. Toute solution de y(t) = Ay(t) tend vers 0 lorsque t tend vers +∞.

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−40 −30 −20 −10 0 10 20 30 40−3

−2

−1

0

1

2

3

x1

x2

−60 −40 −20 0 20 40 60−2

−1.5

−1

−0.5

0

0.5

1

1.5

2

x1

x2

−3 −2 −1 0 1 2 3−3

−2

−1

0

1

2

3

x1

x2

FIGURE 5 – Noeud degenere stable ou instable ; cas degenere rectiligne.

2. σ(A) ⊂ {z ∈ C;<(z) < 0}.

Preuve. Les solutions de y(t) = Ay(t) s’ecrivent y(t) = etAy0. Par ailleurs, il existe P ∈ GLd(C)telle que A = P (D + N)P−1 ou D est une matrice diagonale et N une matrice nilpotente. En outre,σ(D) = σ(A) et D et N commutent. Ainsi, etA = PetDetNP−1 de sorte que :

‖etA‖ ≤ ‖P‖‖P−1‖‖etD‖‖etN‖.

Si µ = maxλ∈σ(A)<(λ) < 0, alors il existe une constante C > 0 telle que ‖etD‖ ≤ Ceµt. Dans lememe temps, il existe C ′ > 0 telle que ‖etN‖ ≤ C ′td−1 pour t suffisamment grand. Ainsi, 2. implique1. Reciproquement, si σ(A) contient une valeur propre λ de partie reelle positive ou nulle, alors ilexiste une solution de la forme eλtp(t) ou p est un polynome de degre plus petit que d, qui ne tenddonc pas vers 0 quand t tend vers +∞.

2.3 Solutions borneesTheoreme 2.2 Soit A ∈ L(E) ou E est un K-espace vectoriel de dimension finie d et soit σ(A) sonspectre. Les propositions suivantes sont equivalentes :

1. Toute solution de y(t) = Ay(t) est bornee sur R+.

2. σ(A) ⊂ {z ∈ C;<(z) ≤ 0} et la multiplicite geometrique des valeurs propres de A de partiereelle nulle est egale a la multiplicite algebrique (les sous-espaces propre et caracteristiquesont identiques).

Preuve. La preuve reprend les arguments de celle du theoreme precedent. Si λ est une valeur proprede partie reelle strictement positive, alors les solutions correspondantes eλtp(t) ne sont pas bornees.Si λ est une valeur propre de partie reelle nulle et de multiplicite algebrique egale a la multiplicitegeometrique, alors p(t) est constant et la solution correspondante est de module constant, donc bornee.

La proposition suivante est de nature differente. Elle ne caracterise pas l’ensemble des solutions, maisaffirme l’existence d’une solution bornee de l’equation avec second membre.

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Proposition 2.3 Soit A ∈ L(E) ou E est un C-espace vectoriel de dimension finie d et soit σ(A) sonspectre. Les propositions suivantes sont equivalentes :

1. Pour toute donnee b(t) ∈ C(R+;Rd) bornee, il existe une unique solution y(t) ∈ C1(R+;Rd)bornee de l’equation y(t) = Ay(t) + b(t).

2. σ(A) ⊂ {z ∈ C;<(z) > 0}.

Preuve. Montrons que 1. implique 2. Soit donc λ ∈ σ(A) et y0 un vecteur propre associe. Alorsy(t) = eλty0 est solution de l’equation pour b ≡ 0. Si <(λ) ≤ 0, alors cette solution est bornee, ainsique µeλty0 pour tout µ ∈ C. L’unicite d’une solution bornee n’est alors pas assuree. Donc σ(A) nepeut contenir de valeurs propres de partie reelle negative ou nulle.Pour etablir la reciproque, considerons tout d’abord deux solutions y1 et y2, toutes deux bornees.Alors, y = y2 − y1 est solution de l’equation homogene et est encore bornee. Ce qui n’est possible,d’apres le theoreme precedent, que si y est constamment nulle. Donc, si il existe une solution bornee,elle est unique. Montrons l’existence d’une telle solution. D’apres la formule de Duhamel, les solu-tions sont de la forme

y(t) = etAy0 +

∫ t

0

e(t−s)Ab(s)ds,

avec y0 ∈ Cd. Considerons alors

y0 = − limt→+∞

∫ t

0

e−sAb(s)ds.

Cette limite existe, car σ(A) ⊂ {z ∈ C;<(z) > 0}, de sorte qu’il existe µ > 0 et C > 0, verifiant :

∀s ≥ 0, ‖e−sA‖ ≤ Ce−µs,

et ∥∥∥∥∫ t

0

e−sAb(s)ds

∥∥∥∥ ≤ ‖b‖∞(1− e−tµ).

On a alors

y(t) = −∫ +∞

t

e(t−s)Ab(s)ds

et

‖y(t)‖ ≤ ‖b‖∞∣∣∣∣∫ +∞

t

e(t−s)Ads

∣∣∣∣ ≤ C‖b‖∞µ

.

2.4 Solutions periodiquesOn suppose ici que A(·) ∈ C(R;L(Cd)) et b(·) ∈ C(R;Cd) sont des fonctions periodiques de

meme periode T et on s’interesse a la question de savoir s’il existe des solutions T -periodiques del’equation

y(t) = A(t)y(t) + b(t).

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On note, comme precedemment, y(·; t0, y0) la solution satisfaisant la condition intiale y(t0) = y0.Remarquons que cette question n’a pas de reponse triviale, comme en atteste l’exemple suivant :

y(t) = Ay(t) + b

ou b est un vecteur constant non nul, et A la matrice

A =

(0 10 0

).

Les solutions, de la forme

y(t) =

(b2t

2/2 + (y2(0) + b1)t+ y1(0)b2t+ y2(0)

)ne sont en effet periodiques que pour y2(0) = −b1 et b2 = 0, bien que A et b soient periodiques deperiode T pour tout T > 0.

Theoreme 2.4 (Existence de solutions periodiques) Supposons que A(·) ∈ C(R;L(Cd)) et b(·) ∈C(R;Cd) sont des fonctions periodiques de meme periode T . Alors les propositions suivantes sontequivalentes :

1. Il existe une solution periodique de y(t) = A(t)y(t) + b(t)

2. Pour tout t0 ∈ R, l’application y0 7→ y(T + t0; t0, y0) a un point fixe.

3. Il existe t0 ∈ R tel que l’application y0 7→ y(T + t0; t0, y0) a un point fixe.

Preuve. L’implication 1. ⇒ 2. est immediate, de meme que 2. ⇒ 3. Montrons la derniere, 3. ⇒1. Soit y0 ∈ Cd un point fixe de l’application y0 7→ y(T + t0; t0, y0) et posons y∗ = y(·; t0, y0).L’application z∗(t) = y∗(t+ T ) est alors solution de l’equation differentielle. On a en effet,

z∗(t) = y∗(t+ T ) = A(t+ T )y∗(t+ T ) + b(t+ T ) = A(t)y∗(t+ T ) + b(t) = A(t)z∗(t) + b(t),

en utilisant la periodicite de A et b. En outre, z∗(t0) = y∗(t0 + T ) = y∗(t0) puisque y0 est point fixe.Par unicite de la solution du probleme de Cauchy, z∗ et y∗ coincident donc partout.

Theoreme 2.5 (Solution periodique et solution bornee) Supposons queA(·) ∈ C(R;L(Cd)) et b(·) ∈C(R;Cd) sont des fonctions periodiques de meme periode T . Alors il existe une solution periodiquede y(t) = A(t)y(t) + b(t), si et seulement si, il existe une solution bornee de y(t) = A(t)y(t) + b(t)sur R+.

Preuve. Il est clair qu’une solution periodique est bornee. On suppose donc qu’il existe une solutionbornee, mais aucune solution periodique. Alors, d’apres le theoreme precedent, l’equation

y0 = S(T ; 0)y0 +

∫ T

0

S(T ; s)b(s)ds

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n’a pas de solution sur Cd. En posant U = S(T ; 0) et z =∫ T0S(T ; s)b(s)ds, ceci signifie que

z /∈ Im(I − U). Or, on a

S(t+ nT ;nT ) = A(t+ nT )S(t+ nT ;nT ) = A(t)S(t+ nT ;nT )

avec S(nT ;nT ) = Id. Ainsi, S(t+ nT ;nT ) et S(t; 0) satisfont la meme equation differentielle, avecla meme condition intiale et par le theoreme de Cauchy Lipschitz, sont donc egales. On a donc enparticulier

S((n+ 1)T ;nT ) = S(T ; 0) = U.

En reportant cette egalite dans la formule de Duhamel, il vient alors

y((n+ 1)T ) = Uy(nT ) +

∫ (n+1)T

nT

S((n+ 1)T ; s)b(s)ds

soit encore, en utilisant la periodicite de b et de S((n+ 1)T ; s) 1 :

y((n+ 1)T ) = Uy(nT ) +

∫ T

0

S((n+ 1)T ; s+ nT )b(s+ nT )ds = Uy(nT ) + z.

Soit alors U∗ l’adjoint de U pour le produit scalaire canonique < ·, · > sur Cd. Pour tout (x, x′) ∈Im(I − U)× Ker(I − U∗), on a x = u− Uu et

< x, x′ >=< u− Uu, x′ >=< u, x′ > − < u,U∗x′ >= 0,

de sorte que Im(I − U) = (Ker(I − U∗))⊥. Ainsi, il existe u ∈ Cd tel que U∗u = u et < u, z >6= 0.On en deduit que

< y((n+ 1)T ), u > = < Uy(nT ), u > + < z, u >

= < y(nT ), U∗u > + < z, u >

= < y(nT ), u > + < z, u >

et donc par recurrence

< y((n+ 1)T ), u >=< y(0), u > +(n+ 1) < z, u >

ce qui contredit le caractere borne de y(·).

1. On a en effet en utilisant les proprietes de la resolvante : S((n+1)T ; s+nT ) = S((n+1)T ;nT )S(nT ; s+nT ) =S(T ; 0)S−1(s+ nT ;nT ) = S(T ; 0)S−1(s; 0) = S(T ; 0)S(0; s) = S(T ; s)

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