24
Chapitre 4 Absorption, diffusion et équations du transfert radiatif Introduction : les processus d’interaction rayonnement-matière L’objectif de ce chapitre est de caractériser les processus élémentaires d’interaction entre le rayonnement et la matière, pour parvenir à un bilan en termes de luminance spectrale. Les processus actifs dans l’atmosphère terrestre sont : 1. l’émission thermique de l’atmosphère (que l’on peut évaluer à partir de l’émissivité spectrale ε(λ) et de la luminance du corps noir B(λ, T ) et qui dépend donc aussi de la température) ; 2. l’absorption par les gaz atmosphériques (en général spectralement sélective) et les par- ticules (aérosols et nuages) ; 3. la diffusion (scattering en anglais) par les molécules du gaz atmosphérique, les aérosols et les nuages. Enfin, il faut prendre en compte la source solaire, ainsi que l’émission, l’absorption et la réflexion à la surface de la Terre. – Les processus d’émission (1) et d’absorption (2) rendent possible une redistribution spec- trale d’énergie, grâce à une conversion sous une forme non radiative (énergie interne), comme dans : – le chauffage par absorption (O 3 ), – la photodissociation, – le refroidissement par émission (CO 2 ) Par exemple, l’équilibre radiatif de la planète signifie qu’elle absorbe dans le visible et le proche IR autant d’énergie qu’elle en émet dans l’infra-rouge tellurique. – Mais la diffusion (3) élastique ne permet, elle, qu’une redistribution spatiale (angulaire) de la puissance (cf. 4.1 et 4.2 p. 38), sans changement de longueur d’onde. 37

Chapitre 4 Absorption, diffusion et équations du transfert ...La pénétration du flux solaire diminue avec l’angle θ. L’essentiel de l’absorption se produit dans un domaine

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  • Chapitre 4

    Absorption, diffusion et équations dutransfert radiatif

    Introduction : les processus d’interaction rayonnement-matière

    L’objectif de ce chapitre est de caractériser les processus élémentaires d’interaction entre lerayonnement et la matière, pour parvenir à un bilan en termes de luminance spectrale.

    Les processus actifs dans l’atmosphère terrestre sont :

    1. l’émission thermique de l’atmosphère (que l’on peut évaluer à partir de l’émissivitéspectrale ε(λ) et de la luminance du corps noir B(λ, T ) et qui dépend donc aussi de latempérature) ;

    2. l’absorption par les gaz atmosphériques (en général spectralement sélective) et les par-ticules (aérosols et nuages) ;

    3. la diffusion (scattering en anglais) par les molécules du gaz atmosphérique, les aérosolset les nuages.

    Enfin, il faut prendre en compte la source solaire, ainsi que l’émission, l’absorption et la réflexionà la surface de la Terre.

    – Les processus d’émission (1) et d’absorption (2) rendent possible une redistribution spec-trale d’énergie, grâce à une conversion sous une forme non radiative (énergie interne),comme dans :

    – le chauffage par absorption (O3),

    – la photodissociation,

    – le refroidissement par émission (CO2)

    Par exemple, l’équilibre radiatif de la planète signifie qu’elle absorbe dans le visible et leproche IR autant d’énergie qu’elle en émet dans l’infra-rouge tellurique.

    – Mais la diffusion (3) élastique ne permet, elle, qu’une redistribution spatiale (angulaire)de la puissance (cf. 4.1 et 4.2 p. 38), sans changement de longueur d’onde.

    37

  • 4.1. L’ABSORPTION : RÉPARTITION VERTICALE

    Pertes dans toutesles directions

    Figure 4.1 – Pertes par diffusion

    Gains issus detoutes les direc-tions(si flux incidentnon parallèle oudiffusion multiple)

    Figure 4.2 – Gains par diffusion

    4.1 L’absorption : répartition verticale dans un flux in-cident parallèle

    N.-B. : dans cette section, on ne tient compte que des pertes par absorption, mais on peut aussiconsidérer les pertes (sans les gains) par diffusion (extinction par diffusion et par absorption),par exemple dans le cas du flux solaire sans diffusion multiple.

    4.1.1 Loi de Beer-Lambert—Épaisseur optique

    Loi de Beer-Lambert

    Dans l’hypothèse plan-parallèle, on considère un rayonnement en propagation rectiligneselon la direction #–s qui traverse une couche horizontale d’épaisseur | dz| constituée d’un milieuabsorbant (sans diffusion pour simplifier).

    z

    θ′

    Fν(s)

    Fν(s+ ds)

    θ

    sd2Σ

    z

    z − dz

    Figure 4.3 – Loi de Beer-Lambert

    ds est le chemin parcouru par lerayonnement dans le milieu :

    dz = ds cos θ′

    dz = − ds cos θ

    Ici propagation vers le bas, soit0 < θ < π/2, donc dz < 0 si ds > 0

    Soit Fν(s) le flux par unité de surface (orthogonale) et de fréquence (Fν est un éclairementspectral) au point de coordonnée s. Il s’atténue dans sa propagation jusqu’à s+ds proportion-nellement au chemin ds parcouru dans le milieu :

    Fν(s+ ds)− Fν(s) = −kνFν(s) dset à kν , le coefficient d’absorption par unité de longueur (en m−1) du milieu à la fréquence ν.

    dFνds

    = −kνFν(s) Loi de Beer-Lambert (4.1)

    kν peut s’exprimer sous la forme : kν(s) = σνn(s) où σν est la section efficace d’une moléculed’absorbant à la fréquence ν et n(s) sa concentration en absorbant. Si le milieu contient plusieursabsorbants à la fréquence considérée, il faut sommer leurs contributions : kν(s) =

    i σν,ini(s).

    UPMC-M1 38 2018-2019—v.3034/3403

  • CHAPITRE 4. ABSORPTION, DIFFUSION, ÉQUATIONS DU TRANSFERT

    Épaisseur optique

    On définit l’épaisseur optique élémentaire, quantité sans unité,

    dτν(s) = kν(s) ds ,

    comme la probabilité qu’un photon à la fréquence ν soit absorbé sur le trajet ds.

    dFνFν

    = − dτν(s)

    En intégrant l’équation différentielle d logFν = −kν ds sur le trajet de s1 à s2, on obtientFν(s2)

    Fν(s1)= exp

    [

    −∫ s2

    s1

    kν ds

    ]

    qui permet de définir la transmission Tν(s1, s2) du milieu de s1 à s2 :

    Tν(s1, s2) =Fν(s2)

    Fν(s1)= exp [−τν(s1, s2)]

    où τν(s1, s2) est son épaisseur optique 1 à la fréquence considérée. Le coefficient d’absorption(sans unité) de la couche est défini par :

    Aν(s1, s2) = 1− Tν(s1, s2)Pour une couche optiquement mince (c’est-à-dire τν ≪ 1), Aν ≈ τν .

    Dans le cas où la section efficace est indépendante de l’altitude, l’épaisseur optique s’exprimeen fonction du contenu intégré N(s1, s2) d’absorbant entre s1 et s2 selon la ligne de visée.

    τν(s1, s2) = σνN(s1, s2) où N(s1, s2) =∫ s2

    s1

    n(s) ds

    Si la distribution de l’absorbant ne dépend que de l’altitude, contenu intégré et épaisseur optiqueselon la ligne de visée sont reliées à leur valeur à la verticale par :

    N(s1, s2) = N(z1, z2)/ cos θ = N(z1, z2) sec θ

    où sec est la fonction sécante, fonction croissante de θ.

    Cas d’un absorbant à distribution verticale exponentielle

    Si, à la fréquence considérée, l’atmosphère présente un seul absorbant, dont la distributionverticale possède une échelle de hauteur constante H, c’est à dire si :

    n(s) = n(z) = n(z0) exp [−(z − z0)/H]

    N(s1, s2) =N(z1, z2)

    cos θ=

    n(z1)

    cos θ

    ∫ z2−z1

    0

    exp(−z/H) dz

    À la verticale,

    N(z1, z2) = n(z1)H

    [

    1− exp(

    −z2 − z1H

    )]

    En particulier,N(z,∞) = n(z)H et τν(z,∞) = σνn(z)H

    De plus,

    − 1n

    dn

    dz=

    1

    Hdonc

    dτν(z,∞)dz

    = −τν(z,∞)H

    1. Ne pas croire que l’épaisseur optique τν(s1, s2), une fois intégrée sur un parcours, reste une probabilité :elle peut très bien dépasser l’unité.

    2018-2019—v.3034/3403 39 UPMC-M1

  • 4.1. L’ABSORPTION : RÉPARTITION VERTICALE

    4.1.2 Pénétration du flux solaire : profil de Chapman

    Étude d’un cas extrêmement simplifié : la pénétration du rayonnement solaire dans le casd’un seul absorbant de profil vertical exponentiel (par exemple un absorbant en équilibre demélange dans une atmosphère isotherme) et de section efficace d’absorption indépendante del’altitude.

    Recherche de l’altitude ẑ du maximum de dépôt d’énergie radiative (à une fréquence donnée)résultant de la compétition entre la décroissance du flux solaire au fur et à mesure de sapénétration dans l’atmosphère et de la croissance de la concentration en absorbant.

    Si la concentration de l’absorbant suit une loi exponentielle : n(z) = n(0)e−z/H , l’épaisseuroptique à la fréquence ν au dessus de z selon l’angle zénithal θ s’écrit :

    τν(z, θ) =

    ∫ ∞

    s

    σan(s′) ds′ = σaN(z) sec θ

    τν(z, θ) = σaHn(z) sec θ = σaHn(0) sec θ exp (−z/H)La transmission à la fréquence ν du haut de l’atmosphère jusqu’au niveau s :

    Tν(z, θ) = exp [−τν(s, θ)]

    Le flux spectral solaire par unité de surface incident au niveau s :

    Fν(s, θ) = Fν(z = ∞) exp [−τ(s, θ)] = Fν(z = ∞) exp[−τν(0, θ)e−z/H

    ]

    Soit rν(z) le taux de déposition d’énergie spectrale (photodissociation, chauffage, ...) par unitéde volume à la fréquence ν et à l’altitude z.

    rν(z) = −d3Φν

    d2Σ ds= −dFν

    ds=

    dFνdz

    cos θ > 0

    dFνdz

    = τν(0, θ)e−z/H Fν(z, θ)

    H

    On retrouve la loi de Lambertrν(s) = σan(s)Fν(s, θ)

    Plus précisément, la dépendance en altitude de rν(z) résulte du produit de n(z), croissante etFν(z), décroissant. L’altitude ẑ du maximum de rν est obtenue en annulant sa dérivée :

    ndFνdz

    + Fνdn

    dz= 0 en z = ẑ

    Mais

    − 1n

    dn

    dz=

    1

    H

    Donc ẑ est défini par :dFνdz

    =FνH

    ou encoreτν(0, θ)e

    −ẑ/H = 1 donc ẑ = H ln τν(0, θ)

    On remarque que l’altitude du maximum d’interaction rayonnement milieu est caractérisée parl’épaisseur optique unité :

    τν(ẑ, θ) = 1 (4.2)

    UPMC-M1 40 2018-2019—v.3034/3403

  • CHAPITRE 4. ABSORPTION, DIFFUSION, ÉQUATIONS DU TRANSFERT

    La connaissance du spectre d’absorption σ(λ) permet donc d’établir une relation entre longueurd’onde et altitude d’absorption maximale où τλ(ẑ) = 1, comme on peut le faire pour l’émission.

    ẑ = ẑ0 +H ln sec θ où ẑ0 = H ln [σan(0)H]

    ẑ est une fonction croissante de σa, n(0) et H. Si l’un de ces trois paramètres augmente, lapénétration du flux solaire est moindre dans l’atmosphère.

    r̂ν = rν(ẑ) =Fν(z = ∞)eH sec θ

    ne dépend que de θ et de H.Les changements de variables

    Z =z − ẑ0H

    et R =r

    r̂0où l’indice 0 signifie à la verticale

    permettent de définir le profil de Chapman normalisé (cf. fig. 4.4, p. 42)

    R(Z) = exp(1− Z − sec θ e−Z

    )(4.3)

    Remarque L’hypothèse de répartition exponentielle de l’absorbant peut sans difficultéêtre restreinte à z > z0, pourvu que l’altitude ẑ reste supérieure à z0.

    4.1.3 Taux de chauffage par absorption

    Pour calculer le taux de chauffage par absorption, on doit intégrer l’effet de l’éclairementspectral dans une bande finie :

    F =

    ∫ ν2

    ν1

    Fν dν

    La puissance transférée du rayonnement au milieu par unité de volume est aussi la variationdu flux surfacique net par unité de longueur le long du faisceau :

    r = −dFds

    (Wm−3)

    Considérons le volume élémentaire d3V que découpe dans la couche horizontale d’absorbantd’épaisseur dz un tube de rayonnement parallèle d’angle zénithal θ et de section horizontaled2S. Ce volume, de longueur ds selon la direction du rayonnement et de surface normale d2Σs’écrit :

    d3V = d2S | dz| = d2Σ | ds|Écrivons le bilan de puissance dans ce volume.

    + puissance reçue en haut du volume

    +F (s) d2Σ

    − puissance transmise en bas du volume

    −F (s+ ds) d2Σ

    2018-2019—v.3034/3403 41 UPMC-M1

  • 4.1. L’ABSORPTION : RÉPARTITION VERTICALE

    -2

    -1

    0

    1

    2

    3

    0 0.2 0.4 0.6 0.8 1

    Z =

    (z-

    z 0)/

    H

    R = r/r0

    0 degr30 degr50 degr70 degr

    Figure 4.4 – Profil de Chapman :rνr̂0

    = f(Z) où Z =z − ẑ0H

    . La pénétration du flux solaire

    diminue avec l’angle θ. L’essentiel de l’absorption se produit dans un domaine de ±H autourdu maximum ẑ. Noter qu’à haute altitude (τν ≪ 1), rν est indépendant de l’angle zénithal θ.

    UPMC-M1 42 2018-2019—v.3034/3403

  • CHAPITRE 4. ABSORPTION, DIFFUSION, ÉQUATIONS DU TRANSFERT

    = puissance cédée par le rayonnement au milieu

    dH

    dtd3V

    où H est l’enthalpie volumique, ρ la masse volumique et Cp en JK−1 kg−1 la chaleurmassique de l’air à pression constante.

    r ds d2Σ = −dFds

    ds d2Σ =dH

    dtd3V = ρCp d

    3VdT

    dt

    Le taux de chauffage du milieu est donc :

    dT

    dt= − 1

    ρCp

    dF

    ds= +

    cos θ

    ρCp

    dF

    dz

    Remarque

    Ne pas confondre la concentration de l’absorbant nabs(z) et celle de l’air nair(z) chauffé parabsorption. On peut aussi écrire, en notant cp la chaleur à pression constante par moléculed’air :

    ρCp = naircp

    AinsidT

    dt=

    σabscp

    nabs(z)

    nair(z)F (z) =

    σabscp

    xabs(z)F (z)

    où xabs(z) est le rapport de mélange de l’absorbant. Ne pas croire que ẑ est l’altitude où le tauxd’augmentation de température est le plus fort ; si, par exemple, l’absorbant est en rapport demélange constant, dT

    dtsera maximum au sommet de l’atmosphère ! Si l’absorbant présente une

    échelle de hauteur plus faible que celle de l’air, ce maximum se situera au dessus de ẑ.

    4.1.4 Effet de la courbure de la terre sur l’angle zénithal : fonctionde Chapman

    On néglige l’effet de la réfraction (à prendre en compte pour les angles zénithaux élevés).On considère le trajet optique faisant en M0(z0) un angle zénithal θ0 avec la verticale locale(cf. fig. 4.5, p. 44).

    sin θ0 =OK

    OM0=

    R + h

    R + z0

    On se propose de calculer l’évolution de l’angle zénithal θ en fonction de la distance s selon laligne de visée, et plus précisément de relier ds à dz.

    Rappel : si on néglige la courbure terrestre, θ = θ0 et dz = ds cos θ0.Soit K le point où le rayon est tangent à la surface et h son altitude : OK = R + h. On

    choisit le point K pour origine des abscisses (s = 0) le long de la ligne de visée KM0.En un point courant M(s),

    s2 = KM2 = OM2 −OK2 = (R + z)2 − (R + h)2 = (R + z)2 − (R + z0)2 sin2 θ0

    2s ds = 2(R + z) dz

    2018-2019—v.3034/3403 43 UPMC-M1

  • 4.1. L’ABSORPTION : RÉPARTITION VERTICALE

    z

    M

    M0

    Kh

    θ0

    h z0 zO

    θ

    s

    Figure 4.5 – Influence de la courbure terrestre sur le contenu intégré dans le cas des angleszénithaux élevés.

    ds

    dz=

    R + z√

    (R + z)2 − (R + z0)2 sin2 θ0=

    1√

    1−(R + z0R + z

    )2

    sin2 θ0

    En développant au premier ordre,

    R + z0R + z

    ≈ 1 + z0 − zR

    donc le facteur sous la racine s’écrit :

    1−(R + z0R + z

    )2

    sin2 θ0 ≈ cos2 θ0 − 2z0 − zR

    sin2 θ0

    et à condition que tan2 θ0 ne soit pas trop grand

    1−(R + z0R + z

    )2

    sin2 θ0 ≈ cos2 θ0(

    1− 2z0 − zR

    tan2 θ0

    )

    ds

    dz≈ 1

    cos θ0

    (

    1− z − z0R

    tan2 θ0

    )

    Exemple : z − z0 = 100 km et R = 6370 kmle terme correctif (du premier ordre) est inférieur à 10 % pour des angles tels que

    tan2 θ0 <R

    10(z − z0)≈ 6, 37

    c’est à dire θ0 < 68°. En pratique, on devra tenir compte de la courbure pour θ0 > 70°.

    – si θ0 < 70° : τ(z0 → z, θ0) = τ(z0 → z, θ0 = 0) sec θ0 où sec θ = 1/ cos θ– si θ0 > 70° : Remplacer sec θ0 par la fonction de Chapman Ch(α, θ0), où α = R+z0H et H

    est l’échelle de hauteur de l’absorbant considéré en répartition exponentielle. Comme θdiminue avec z, Ch(α, θ0) 6 sec θ0. On montre que :

    Ch(α, θ0) = α sin θ0

    ∫ θ0

    0

    exp

    (

    α− αsin θ0sin θ

    )dθ

    sin2 θ

    La fonction de Chapman peut aussi s’exprimer à partir de la fonction erfc, complémentairede la fonction erreur.

    UPMC-M1 44 2018-2019—v.3034/3403

  • CHAPITRE 4. ABSORPTION, DIFFUSION, ÉQUATIONS DU TRANSFERT

    4.2 La diffusion

    4.2.1 Caractérisation du rayonnement diffusé

    La diffusion élastique provoque une redistribution angulaire de la puissance associée aurayonnement du dipôle induit par le champ incident grâce à la polarisabilité de la particulediffusante.

    Le plan qui contient la direction#–

    Ωi du flux incident (supposé parallèle) et celle# –

    Ωd du fluxdiffusé est le plan de diffusion. Dans ce plan, on appelle angle de diffusion θ, l’angle (

    #–

    Ωi,# –

    Ωd).La diffusion contribue à l’atténuation du rayonnement par pertes vers les autres directions.

    Section efficace totale de diffusion σscatt par une particule (en m2)

    dFids

    = −nscattσscattFi

    Section efficace différentielle de diffusion dans une directiond2σscatt

    d2Ω

    par une par-

    ticuled2σscattd2Ω

    (# –

    Ωd) =intensité diffusée dans la direction

    # –

    Ωdéclairement du diffusant

    (en m2 sr−1)

    σscatt =

    ∫∫

    d2σscattd2Ω

    (# –

    Ωd) d2Ω

    La fonction de phase p(θ) caractérise la répartition angulaire de la diffusion.

    p(θ) =1

    σscatt

    d2σscattd2Ω

    (# –

    Ωd) (en sr−1)

    Elle apparaît comme une densité de probabilité sur l’ensemble des directions de diffusion, nor-malisée selon 2 :

    ∫∫

    4πp(θ) d2Ω = 1

    Le facteur d’asymétrie g caractérise le sens (avant/arrière) privilégié de la diffusion :

    g =

    ∫∫

    p(θ) cos θ d2Ω = 〈cos θ〉

    g

    > 0 diffusion plus forte vers l’avant

    = 0 diffusion aussi forte vers l’avant que vers l’arrière

    < 0 diffusion plus forte vers l’arrière

    2. Certains auteurs préfèrent définir une fonction de phase sans unité par :

    p(θ) = 4π1

    σscatt

    d2σscattd2Ω

    (# –

    Ωd) alors normalisée par

    ∫∫

    p(θ)

    4πd2Ω = 1

    2018-2019—v.3034/3403 45 UPMC-M1

  • 4.2. LA DIFFUSION

    La fonction de phase de Henyey-Greenstein La forme analytique suivante, sans basephysique explicite, permet d’approximer des fonctions de phase présentant une certaine asymé-trie avant/arrière à l’aide d’un seul paramètre noté g (cf. fig 4.6, p. 46).

    p(µ) =1

    1− g2

    (1 + g2 − 2µg)3/2où µ = cos θ (4.4)

    Sous cette forme, elle est normalisée 3∫∫

    p(µ) dµ dϕ = 1 et le paramètre g peut être identifiéau facteur d’asymétrie 4

    ∫∫p(µ)µ dµ dϕ = g.

    6

    4

    2

    0

    2

    4

    6

    6 4 2 0 2 4 6

    0 5 10

    Fonction de phase de Henyey−Greenstein pour différents facteurs d’asymétrie

    Ωi

    g=0g=0.2g=0.5

    g=−0.2g=−0.5

    Figure 4.6 – Fonction de phase de Henyey-Greenstein 4πp(θ) pour différentes valeurs dufacteur d’asymétrie g. Vue en coupe dans le plan de diffusion défini par

    #–

    Ωi et# –

    Ωd, elle admetune symétrie de révolution autour de l’axe

    #–

    Ωi représenté ici horizontalement.

    3. Soit I0 =∫ 2π

    ϕ=0

    ∫ +1

    µ=−1p(µ) dµ dϕ. Par symétrie en ϕ, I0 = 2π

    ∫p(µ) dµ.

    I0 =1− g2

    2

    ∫ +1

    µ=−1

    (1 + g2 − 2µg)3/2

    Si on pose x =√

    1 + g2 − 2µg,

    µ =1 + g2 − x2

    2get dµ = −x

    gdx d’où

    I0 =1− g2

    2

    ∫ 1+g

    1−g

    x

    g

    dx

    x3=

    1− g22g

    [−1x

    ]1+g

    1−g

    = 1

    4. Soit I1 =∫ 2π

    ϕ=0

    ∫ +1

    µ=−1p(µ)µ dµ dϕ. Par symétrie en ϕ, I1 = 2π

    ∫p(µ)µ dµ. De la même façon,

    I1 =1− g2

    2

    ∫ 1+g

    1−g

    1 + g2 − x22g

    dx

    x2=

    1− g22g2

    ∫ 1+g

    1−g

    (1 + g2

    x2− 1)

    dx =1− g22g2

    [

    −1 + g2

    x− x]1+g

    1−g

    = g

    UPMC-M1 46 2018-2019—v.3034/3403

  • CHAPITRE 4. ABSORPTION, DIFFUSION, ÉQUATIONS DU TRANSFERT

    # –

    ΩdΦ

    #–

    Ωi

    θ

    # –

    Ed# –

    Ei

    Figure 4.7 – Indicatrice de la diffusion Rayleigh en lumière polarisée : θ = (#–

    Ωi,# –

    Ωd) est l’anglede diffusion et Φ = (

    # –

    Ei,# –

    Ωd). La direction#–

    Ωi n’est pas forcément dans le plan de coupe du tore.

    4.2.2 Diffusion par les molécules : diffusion Rayleigh

    Domaine des très petites particules et en particulier des molécules de l’air : r/λ ≪ 1.

    σRdiff ≈ 4× 10−32(1 µmλ

    )4

    (en m2)

    Efficacité décroissant très rapidement avec la longueur d’onde, donc négligée en infra-rougetellurique.

    Conséquences : couleur du ciel

    – Couleur bleue du ciel clair aux faibles angles zénithaux.

    – Couleur orangée du ciel aux grands angles zénithaux. Mais il faut prendre en comptel’effet des aérosols dans les basses couches de l’atmosphère.

    Compétition entre deux facteurs : section efficace différentielle de diffusion en λ−4 et transmis-sion en exp(−τ) où τRayleigh ∝ λ−4 sec θ. On montre que le maximum est atteint pour τ = 1.Exemple numérique : au zénith τR0,5 µm(0, z = ∞) ≈ 0, 137 et τR0,3 µm(0, z = ∞) ≈ 1, 06

    Répartition angulaire de la diffusion Rayleigh

    Dans le cas d’un faisceau incident polarisé linéairement, le champ diffusé (à grande distance)par un dipôle présente une dépendance angulaire en sinΦ, où Φ est l’angle entre le champélectrique incident

    # –

    Ei et la direction de propagation du champ diffusé# –

    Ed. L’intensité du champdiffusé Id varie donc comme sin2 Φ. L’indicatrice de la diffusion Rayleigh (cf. fig. 4.7, p. 47) estdonc un tore d’axe parallèle à la direction du champ électrique incident et dont la section 5, parun plan passant par l’axe, suit une représentation polaire Id = I0 cos2 Φ′, où Φ′ = π/2− Φ.

    La lumière naturelle peut être décomposée en une composante perpendiculaire au plan dediffusion et une composante parallèle. Pour la composante perpendiculaire (cf. fig. 4.8, p. 48),Φ⊥ = π/2, et la diffusion est indépendante de θ, ce qui correspond à une coupe du tore selon

    5. Ce n’est pas une ellipse !

    2018-2019—v.3034/3403 47 UPMC-M1

  • 4.2. LA DIFFUSION

    # –

    Ei⊥

    # –

    Ed⊥

    # –

    Ωd

    plan de diffusion

    diffusant

    #–

    Ωi

    θ

    Φ⊥ = π/2

    Figure 4.8 – Géométrie de la diffusion Rayleigh en polarisation perpendiculaire au plan dediffusion : le champ représenté est le champ à grande distance du diffusant.

    #–

    Ωi

    # –

    Ei//

    diffusant

    Φ// = θ − π/2

    θ

    plan de diffusion

    # –

    Ωd

    # –

    Ed//

    # –

    Ei//

    Figure 4.9 – Géométrie de la diffusion Rayleigh en polarisation parallèle au plan de diffusion :le champ représenté est le champ à grande distance du diffusant.

    UPMC-M1 48 2018-2019—v.3034/3403

  • CHAPITRE 4. ABSORPTION, DIFFUSION, ÉQUATIONS DU TRANSFERT

    un plan perpendiculaire à son axe, donc un cercle. Pour la composante parallèle (cf. fig. 4.9,p. 48), Φ// = θ − π/2, et la diffusion est en cos2 θ, ce qui correspond à une coupe du tore selonun plan passant par son axe. On en déduit la fonction de phase de la diffusion Rayleigh enlumière naturelle (cf. fig. 4.10 et 4.11, p. 49) :

    p(θ) = C(1 + cos2 θ) (4.5)

    La lumière naturelle est donc polarisée par la diffusion Rayleigh. La diffusion Rayleigh présentedes maxima vers l’avant et vers l’arrière, mais elle reste symétrique (g = 0).

    La normalisation 6 de la fonction de phase (4.5),∫∫

    4πp(θ) d2Ω = 1, permet de calculer C :

    C = 3/16π sr−1.

    2

    1.5

    1

    0.5

    0

    0.5

    1

    1.5

    2

    2 1.5 1 0.5 0 0.5 1 1.5 2

    0 5

    Ωi

    perpendiculaireparallèle

    non polarisée

    Figure 4.10 – Indicatrice de la diffusion Rayleigh en lumière naturelle : 16π3p(θ) = 1 + cos2 θ

    avec les contributions des polarisations parallèle et perpendiculaire au plan de diffusion. Vueen coupe dans le plan de diffusion défini par

    #–

    Ωi et# –

    Ωd, elle admet une symétrie de révolutionautour de l’axe

    #–

    Ωi représenté ici horizontalement.

    4.2.3 Diffusion par les particules : diffusion Mie

    Diffusion par une particule sphérique homogène de taille quelconque

    – Formulation des équations de Maxwell en coordonnées sphériques à l’aide des potentielsde Hertz (vectoriels) puis de Debye (scalaires) vérifiant l’équation scalaire des ondes ;

    – Recherche de solutions séparables (produit de fonctions des 3 variables indépendantes), cequi donne 3 équations différentielles ordinaires, puis expression des solutions en termes desérie de multipôles : fonctions de Ricatti-Bessel de la distance r, polynômes de Legendreen cos θ et séries de Fourier en Φ ;

    6. Avec une fonction de phase sans unité, on obtiendrait p(θ) =3

    4(1 + cos2 θ).

    2018-2019—v.3034/3403 49 UPMC-M1

  • 4.2. LA DIFFUSION

    −2

    −1.5

    −1

    −0.5

    0

    0.5

    1

    1.5

    2 −2−1.5

    −1−0.5

    0 0.5

    1 1.5

    2

    −2

    −1.5

    −1

    −0.5

    0

    0.5

    1

    1.5

    2

    Ωi

    perpendiculaireparallèle

    non polarisée

    Figure 4.11 – Indicatrice de la diffusion Rayleigh vue en volume avec les contributions despolarisations parallèle et perpendiculaire au plan de diffusion.

    – Identification des coefficients par application des conditions aux limites (champ incidentimposé à l’infini et continuité des composantes tangentielles des champs électrique etmagnétique à la surface de la sphère) ;

    – Expression du champ diffusé à grande distance donc transverse en 1/r ;

    – Calcul des sections efficaces.

    On définit l’efficacité de diffusion en rapportant la section efficace à la section géométriquede la particule : Qdiff(x) =

    σdiffπr2

    , en fonction du paramètre de taille de la sphère x = 2πr/λ

    et de l’indice m relatif du diffusant par rapport au milieu extérieur. Dans une large gammede valeurs de l’indice m, les courbes de Qdiff présentent la même allure générale d’oscillationamortie si on les trace en fonction de y = (m− 1)x (cf. fig 4.12, p.51) avec :

    – une dépendance en x4 (caractéristique de la diffusion Rayleigh) pour les très petites tailles,

    – un premier maximum vers y ≈ 2,– et une limite vers 2 (à cause de la diffraction) lorsque le paramètre de taille devient grand,

    – enfin, des oscillations de très petite amplitude à une échelle beaucoup plus fine.

    Influence de l’absorption

    Diffusion non-conservative : ℑ(m) 6= 0 surtout en infra-rouge (H2O). On définit alors lessections efficaces d’absorption et d’extinction qui vérifient σext. = σdiff. + σabs., ainsi que lesefficacités Qext. et Qabs.. La fraction de pertes associée à la diffusion est caractérisée par l’albédode diffusion simple ωs.

    ωs =σdiffσext

    =σdiff

    σdiff + σabs6 1

    L’absence d’absorption se traduit par ωs = 1.Lorsque la partie imaginaire de l’indice augmente (cf. fig. 4.14, p. 52), les oscillations de

    Qdiff(x) sont amorties et la limite pour les grandes tailles devient inférieure à 2.

    UPMC-M1 50 2018-2019—v.3034/3403

  • CHAPITRE 4. ABSORPTION, DIFFUSION, ÉQUATIONS DU TRANSFERT

    0

    0.5

    1

    1.5

    2

    2.5

    3

    3.5

    4

    4.5

    0 5 10 15 20 25

    Qdi

    ff =

    effi

    caci

    té d

    e di

    ffusi

    on

    paramètre de taille * (partie réelle de l’indice −1)

    Qdiff pour différents indices

    n = 1,2 + 0,0001 in = 1,33 + 0,0001 i

    n = 1,5 + 0,0001 i

    Figure 4.12 – Efficacité de diffusion pour des sphères d’indice 1,2 1,33 et 1,5 en fonction dey = 2πr(n− 1)/λ

    Figure 4.13 – Efficacité de diffusion de particules sphériques en fonction de y = 2πr(n− 1)/λpour 1500 valeurs de l’indice entre 1,33 et 1,50 : enveloppe et moyenne (d’après Penndorf,1958).

    2018-2019—v.3034/3403 51 UPMC-M1

  • 4.2. LA DIFFUSION

    0

    0.5

    1

    1.5

    2

    2.5

    3

    3.5

    4

    0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50

    Qdi

    ff =

    effi

    caci

    té d

    e di

    ffusi

    on

    paramètre de taille

    Qdiff pour Re(n) = 1,33 et différentes absorptions

    n =1,33 + 0,000 in =1,33 + 0,001 in =1,33 + 0,002 in =1,33 + 0,005 in =1,33 + 0,010 in =1,33 + 0,050 i

    Figure 4.14 – Efficacité de diffusion en fonction du paramètre de taille x = 2πr/λ pour dessphères absorbantes : indice de partie réelle ℜ(n) = 1, 33 et différentes valeurs de la partieimaginaire. La structure fine s’atténue quand l’absorption augmente (ℑ(m) croissant).

    Répartition angulaire de la diffusion

    Les indicatrices de diffusion montrent une répartition beaucoup plus directionnelle que pourla diffusion Rayleigh, privilégiant les diffusions avant et (dans une moindre mesure) arrière(phénomène observé sur des poussières éclairées par un rayon de soleil et cf. fig. 4.15, p. 53).Le facteur d’asymétrie g est positif et tend vers 1 rapidement lorsque la taille augmente.

    Cas d’une population de particules

    Une population de particules sphériques de même nature (et donc de même indice m) peutêtre caractérisée par sa concentration totale N(∞) et sa distribution en taille normalisée :

    f(r) =1

    N(∞)dN(r)

    dr

    où N(r) est la concentration de particules de rayon inférieur ou égal à r . Les moments d’ordre2 et 3 de cette distribution en taille sont liés respectivement à la surface et au volume donc àla masse de cette population 7.

    L’échelle logarithmique s’avère souvent plus adaptée pour décrire le vaste domaine de taillecouvert par les particules atmosphériques. Les distributions en taille des aérosols ne sont pastoujours mono-modales, mais de nombreuses formes analytiques de répartition mono-modalesont utilisées pour les représenter, parmi lesquelles la distribution log-normale dans laquelle

    7. En pratique, on intègre sur un domaine limité [rmin, rmax] de rayons : les nombreuses très petites particulescontribuent de façon majeure à la concentration totale alors que leur contribution à la surface et surtout au

    volume est négligeable.

    UPMC-M1 52 2018-2019—v.3034/3403

  • CHAPITRE 4. ABSORPTION, DIFFUSION, ÉQUATIONS DU TRANSFERT

    Figure 4.15 – Indicatrice de diffusion de particules sphériques pour différentes tailles àλ = 0,55 µm. Le rayonnement incident est dirigé selon l’axe x vers la droite ; noter la trèsgrande dynamique de valeurs et l’échelle logarithmique. La diffusion avant devient prépondé-rante (g → 1) pour les grandes valeurs du paramètre de taille (d’après Twomey (1977)).

    2018-2019—v.3034/3403 53 UPMC-M1

  • 4.2. LA DIFFUSION

    c’est le logarithme du rayon qui suit une répartition gaussienne ; r0 est la moyenne géométriquedes rayons et r0eσ

    2/2 leur moyenne arithmétique alors que le mode est rm = r0e−σ2

    :

    1

    N(∞)dN

    d ln r=

    1

    N(∞) rdN

    dr= rf(r) =

    1√2πσ

    exp

    (

    −12

    [ln(r/r0)

    σ

    ]2)

    (4.6)

    Comme les positions des particules sont aléatoires et leur distance est grande devant la longueurd’onde, la somme des champs diffusés se fait de façon incohérente : on somme donc les intensités.

    Le calcul du coefficient d’extinction par unité de longueur due à cette population se fait parintégration de l’efficacité d’extinction pondérée par πr2f(r) : l’intégration produit en particulierun certain lissage des oscillations de Qext(x,m).

    Exemple de dépendance spectrale du coefficient d’extinction :

    Cas d’une distribution en puissance (en fonction de ln r)

    dN

    d ln r= r

    dN

    dr= N(∞) rf(r) ∝ r−p (4.7)

    c’est-à-dire aussif(r) ∝ r−1−p

    kext(λ) ∝∫

    Qext(x)πr2r−1−p dr

    Le changement de variable x = 2πr/λ donne

    kext(λ) ∝∫

    Qext(x)πx1−pλ2−p dx ∝ λ2−p = λ−p′ (4.8)

    Le coefficient d’Angström p′ qui caractérise la dépendance en longueur d’onde de l’extinctionest donc p′ = p−2. Comme, dans le domaine pertinent pour la diffusion, les lois en puissance fontintervenir des exposants p entre 2 et 4, le coefficient d’Angström se situe dans le domaine 0...2,c’est-à-dire une dépendance beaucoup moins rapide en longueur d’onde que pour la diffusionRayleigh (cf. fig. 4.16, p. 56). Cette dépendance justifie la prépondérance de la diffusion par lesaérosols et les nuages à grande longueur d’onde.

    Cas des particules non sphériques

    L’approximation sphérique n’est plus pertinente dans le cas de particules présentant unrapport d’aspect élevé ou une orientation privilégiée : c’est en particulier le cas des cristauxde glace dans les nuages très froids de haute altitude (cirrus). La polarisation du rayonnementdiffusée est alors modifiée, ce qui permet par exemple de détecter les changements de phaseliquide-glace dans les nuages.

    4.2.4 Propriétés radiatives des aérosols et des nuages

    Propriétés des nuages

    Couverture nuageuse de l’ordre de 68% et très grande variabilité spatiale et temporelle.Les propriétés radiatives des nuages dépendent de leur masse d’eau liquide ou solide et de leurgranulométrie. Leur contenu en masse par unité de surface selon un trajet optique est nommé :

    – LWP = Liquid Water Path (cf. figure 4.18, p. 58) pour les nuages d’eau liquide

    UPMC-M1 54 2018-2019—v.3034/3403

  • CHAPITRE 4. ABSORPTION, DIFFUSION, ÉQUATIONS DU TRANSFERT

    – IWP = Ice Water Path (cf. figure 4.17, p. 57) pour les nuages de glace d’eau.

    Solaire :

    – diffusion très forte ⇒ réflectance solaire élevée (les nuages sont responsables de plusde la moitié de l’albédo de la planète) ;

    – absorption faible dans le domaine solaire ;– diffusion et absorption augmentent avec le contenu en eau ou en glace.

    Tellurique : absorptivité et émissivité très fortes ⇒ rôle important dans l’effet de serre.

    Propriétés des aérosols

    – Origines : marine, érosion notamment éolienne (déserts, agriculture), feux, activités hu-maines, volcans et source météoritique...

    – Distinguer les aérosols selon leur temps de résidence : faible en troposphère (lessivage)mais long en stratosphère.

    – Couche de Junge vers 20 km d’altitude alimentée par certaines éruptions volcaniquesmajeures injectant dans la stratosphère des gaz précurseurs (SO2) qui permettent la for-mation in-situ de gouttelettes de H2SO4.

    – Phénomènes de nucléation, de croissance par hydratation et coagulation.

    – Propriétés radiatives liées à la nature (indice) et à la taille des aérosols (suies absorbantespar exemple).

    4.3 Équation générale du transfert radiatif

    4.3.1 Équation générale

    Bilan énergétique en termes de luminance spectrale.Processus d’interaction rayonnement-matière :

    – absorption

    – émission thermique

    – diffusion par les molécules et les aérosols

    En l’absence de sources, la loi de Beer-Lambert s’applique :

    dLνds

    (P, #–u ) = −kextν (P )Lν(P, #–u )

    Mais il existe des gains de luminance par émission et diffusion. On définit alors une fonctionsource Jν(P, #–u ) avec le même coefficient kextν par :

    dLνds

    (P, #–u ) = −kextν (P )[Lν(P, #–u )− Jν(P, #–u )]

    dLνds

    = −kextν [Lν − Jν ] (4.9)

    2018-2019—v.3034/3403 55 UPMC-M1

  • 4.3. ÉQUATION GÉNÉRALE DU TRANSFERT RADIATIF

    Figure 4.16 – Coefficients d’extinction (βex. = kext. en traits pleins) et de diffusion (βsc. = kscat.en pointillés) par unité de longueur de nuages d’eau de différentes distributions en taille enfonction de la longueur d’onde en échelle log-log. Les différences entre extinction et diffusionsont dues à l’absorption par l’eau dans l’infra-rouge. Comparer la dépendance en λ à celle dela diffusion Rayleigh (βR ∝ λ−4). D’après Deirmendjian (1969)..

    UPMC-M1 56 2018-2019—v.3034/3403

  • CHAPITRE 4. ABSORPTION, DIFFUSION, ÉQUATIONS DU TRANSFERT

    Figure 4.17 – Propriétés radiatives des nuages de glace en fonction du contenu en glaced’eau (Ice Water Path) :

    – Réflectance et Absorptance solaires pour un angle zénithal de θ = 60°,soit µ = cos θ = 1/2.

    – Émissivité en infra-rouge tellurique

    2018-2019—v.3034/3403 57 UPMC-M1

  • 4.3. ÉQUATION GÉNÉRALE DU TRANSFERT RADIATIF

    Figure 4.18 – Propriétés radiatives des nuages d’eau liquide en fonction du contenu en eauliquide (Liquid Water Path) :

    – Réflectance et Absorptance solaires pour un angle zénithal de θ = 60°,soit µ = cos θ = 1/2 (d’après Slingo, 1989).

    – Émissivité en infra-rouge tellurique (Stephens, 1984).

    UPMC-M1 58 2018-2019—v.3034/3403

  • CHAPITRE 4. ABSORPTION, DIFFUSION, ÉQUATIONS DU TRANSFERT

    4.3.2 Forme de la fonction source

    En l’absence de diffusion, la source se réduit à l’émission thermique :

    kextν Jν = kabsν Jν = εBν(T )

    Compte tenu de la loi de Kirchhoff

    J thermiqueν = Bν(T )

    En l’absence d’absorption et d’émission, la source se réduit à la diffusion :

    kextν Jν = kscattν Jν =

    ∫∫

    nscattd2σ

    d2Ω(

    #–

    u′, #–u )Lν(P,#–

    u′) d2Ω′

    Or

    nscattd2σ

    d2Ω(

    #–

    u′, #–u ) = nscattσscatt p(#–

    u′, #–u ) = kscatt p(#–

    u′, #–u )

    On en déduit :

    J scattν =

    ∫∫

    p(#–

    u′, #–u )Lν(P,#–

    u′) d2Ω′

    Cas général

    Jν(P,#–u ) = (1− ωs)Bν(T )

    ︸ ︷︷ ︸

    émission

    +ωs

    ∫∫

    p(#–

    u′, #–u )Lν(P,#–

    u′) d2Ω′

    ︸ ︷︷ ︸

    diffusion

    (4.10)

    4.3.3 Expression en coordonnées épaisseur optique

    Soit τ l’épaisseur optique verticale comptée à partir de 0 au sommet de l’atmosphère etatteignant τs au sol ; donc dz et dτ sont de signes opposés.

    dτ = −kextν dz

    µdLνdτ

    = Lν − Jν (4.11)

    Remarque : si on utilise l’épaisseur optique τ̃ selon la ligne de visée, dτ̃ = dτ/µ, donc

    dLνdτ̃

    = Lν − Jν

    4.3.4 Intégration formelle de l’équation du transfert radiatif

    Pour alléger les notations, on omettra temporairement les indices ν, mais on traite cependantdes variables spectrales et en particulier l’épaisseur optique dépend de la fréquence.

    L− µdLdτ

    = J

    Équation sans second membre :dL

    L=

    µ

    2018-2019—v.3034/3403 59 UPMC-M1

  • 4.3. ÉQUATION GÉNÉRALE DU TRANSFERT RADIATIF

    solution :L(τ) = L(τ1) exp[−(τ1 − τ)/µ]

    Équation avec second membre :

    L(τ) = K(τ) exp[τ/µ]

    −µdLdτ

    = −µK(τ) 1µexp[τ/µ]− µdK

    dτexp[τ/µ]

    J(τ) = −µdKdτ

    exp[τ/µ]

    D’où :

    K(τ) = −∫ τ

    τ1

    J(τ ′) exp[−τ ′/µ] dτ′

    µ+K(τ1)

    L(τ) = −∫ τ

    τ1

    J(τ ′) exp[−(τ ′ − τ)/µ] dτ′

    µ+K(τ1) exp[τ/µ] (4.12)

    avec les conditions aux limites aux extrémités de l’atmosphère.

    Propagation vers le haut µ > 0

    Condition à la limite à la surface (τ = τs)Choisir τ1 = τs > τ .

    L↑(τs) = K(τs) exp(τs/µ)

    L↑(τ) =

    ∫ τs

    τ

    J(τ ′) exp[−(τ ′ − τ)/µ] dτ′

    µ︸ ︷︷ ︸

    contribution des couches inférieures

    + L↑(τs) exp[−(τs − τ)/µ]︸ ︷︷ ︸

    contribution de la surface

    (4.13)

    Propagation vers le bas µ < 0

    Condition à la limite au sommet de l’atmosphère (τ = 0)Choisir τ1 = 0 et poser µ′ = −µ > 0.

    L↓(0) = K(0)

    L↓(τ) =

    ∫ τ

    0

    J(τ ′) exp[−(τ − τ ′)/µ′] dτ′

    µ′︸ ︷︷ ︸

    contribution des couches supérieures

    + L↓(0) exp[−τ/µ′]︸ ︷︷ ︸

    contribution solaire au

    sommet de l’atmosphère

    (4.14)

    Dans tous les cas, l’argument des exponentielles est négatif, ce qui signifie une atténuation selonle sens de la propagation.

    UPMC-M1 60 2018-2019—v.3034/3403