12
Chapitre 5 Int´ egrale stochastique Nous nous approchons dans ce chapitre de l’objet principal du cours : int´ egrale stochas- tique par rapport ` a une semimartingale continue. La construction de l’int´ egrale stochastique se fait en deux ´ etapes : nous commen¸cons par construire l’int´ egrale stochastique par rapport ` a une martingale continue (M t ,t 0) satisfaisant E(sup t0 M 2 t ) < 1. Durant tout le chapitre, on se place dans un espace de probabilit´ e filtr´ e(, F , (F t ), P) dont la filtration est continue ` a droite et compl` ete. 1. Int´ egration pour les martingales born´ ees dans L 2 On se met `a construire l’int´ egrale stochastique par rapport ` a une martingale continue (M t ,t 0) satisfaisant E(sup t0 M 2 t ) < 1 ; par l’in´ egalit´ e de Doob, cette derni` ere condition ´ equivaut ` a sup t0 E(M 2 t ) < 1. D’apr` es le th´ eor` eme 3.4 du chapitre 4, si M 0 = 0 p.s., alors ceci ´ equivaut aussi ` a E(hM i 1 ) < 1. Enfin, toujours d’apr` es ce th´ eor` eme (et sous la condition M 0 = 0 p.s.), (M 2 t -hM i t ,t 0) est une martingale uniform´ ement int´ egrable. Par polarisation, si M et N sont deux martingales continues satisfaisant E(sup t0 M 2 t ) < 1 et E(sup t0 N 2 t ) < 1, alors (M t N t -hM,N i t ,t 0) est une martingale uniform´ ement int´ egrable. Notation 1.1. On note H 2 := {M =(M t ,t 0) martingale continue, E(sup t0 M 2 t ) < 1,M 0 = 0 p.s.}. Remarque 1.2. Si M 2 H 2 et T est un temps d’arrˆ et, alors M T 2 H 2 . Par les in´ egalit´ es de Kunita–Watanabe (th´ eor` eme 3.11 du chapitre 4) et de Cauchy– 59

Chapitre 5 Int´egrale stochastique(HK)·M = H ·(K ·M). Preuve. D’apr`es le th´eor`eme 1.6, hK·Mi = hK·M,K·Mi = K·hM,K·Mi = K·(K·hMi)= K2 ·hMi.Donc Z 1 0 H 2 s K s dhMi

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Page 1: Chapitre 5 Int´egrale stochastique(HK)·M = H ·(K ·M). Preuve. D’apr`es le th´eor`eme 1.6, hK·Mi = hK·M,K·Mi = K·hM,K·Mi = K·(K·hMi)= K2 ·hMi.Donc Z 1 0 H 2 s K s dhMi

Chapitre 5

Integrale stochastique

Nous nous approchons dans ce chapitre de l’objet principal du cours : integrale stochas-

tique par rapport a une semimartingale continue. La construction de l’integrale stochastique

se fait en deux etapes : nous commencons par construire l’integrale stochastique par rapport

a une martingale continue (Mt, t � 0) satisfaisant E(supt�0

M2

t) < 1.

Durant tout le chapitre, on se place dans un espace de probabilite filtre (⌦,F , (Ft),P)

dont la filtration est continue a droite et complete.

1. Integration pour les martingales bornees dans L2

On se met a construire l’integrale stochastique par rapport a une martingale continue

(Mt, t � 0) satisfaisant E(supt�0

M2

t) < 1 ; par l’inegalite de Doob, cette derniere condition

equivaut a supt�0

E(M2

t) < 1. D’apres le theoreme 3.4 du chapitre 4, si M0 = 0 p.s., alors

ceci equivaut aussi a E(hMi1) < 1. Enfin, toujours d’apres ce theoreme (et sous la condition

M0 = 0 p.s.), (M2

t� hMit, t � 0) est une martingale uniformement integrable.

Par polarisation, si M et N sont deux martingales continues satisfaisant E(supt�0

M2

t) <

1 et E(supt�0

N2

t) < 1, alors (MtNt � hM,Nit, t � 0) est une martingale uniformement

integrable.

Notation 1.1. On note H2 := {M = (Mt, t � 0) martingale continue,E(sup

t�0M

2

t) <

1, M0 = 0 p.s.}.

Remarque 1.2. Si M 2 H2 et T est un temps d’arret, alors MT

2 H2.

Par les inegalites de Kunita–Watanabe (theoreme 3.11 du chapitre 4) et de Cauchy–

59

Page 2: Chapitre 5 Int´egrale stochastique(HK)·M = H ·(K ·M). Preuve. D’apr`es le th´eor`eme 1.6, hK·Mi = hK·M,K·Mi = K·hM,K·Mi = K·(K·hMi)= K2 ·hMi.Donc Z 1 0 H 2 s K s dhMi

60 Chapitre 5. Integrale stochastique

Schwarz, si M et N sont deux elements de H2, alors

|hM,Ni1|

Z 1

0

|dhM,Ni|u

phMi1

phNi1 ,

et donc

E[ |hM,Ni1| ] E

hphMi1

phNi1

i

pE[hMi1]

pE[hNi1] < 1.

On peut ainsi definir

(M, N)H2 := E[ hM,Ni1 ] = E(M1N1) ,

qui est un produit scalaire sur H2. [Rappelons que d’apres le corollaire 3.5 du chapitre 4,

(M,M)H2 = 0 si et seulement si M = 0.] La norme sur H2 associee a ce produit scalaire est

kMkH2 :=p

(M,M)H2 =p

E[hMi1] =pE[M2

1] .

Proposition 1.3. L’espace H2 muni du produit scalaire (M,N)H2 est un espace de Hilbert.

Preuve. Il faut montrer que H2 est complet pour la norme kMkH2 . Soit (Mn) une suite de

Cauchy pour cette norme. Comme kNkH2 = kN1kL2(F1) pour tout N 2 H2, Mn

1 converge

dans L2(F1) vers disons M1 2 L

2(F1). Soit Mt := E(M1 |Ft), alors M = (Mt, t � 0)

est (la version continue a droite1 d’) une martingale. Comme supt�0

E(M2

t) E(M2

1) < 1

et E[(M1 �Mn

1)2] ! 0, il reste a montrer que M 2 H2.

Il s’agit de montrer que M est continu. Remarquons que par l’inegalite de Doob,

E

⇣supt�0

(Mn

t�Mt)

2

⌘ 4E[ (Mn

1 �M1)2 ] ! 0, n ! 1.

Il existe donc une suite deterministe (nk) telle que E[supt�0(Mnk

t �Mt)2] <1

k2, pour tout k.

D’apres le theoreme de Fubini–Tonelli,

E

⇣ 1X

k=1

supt�0

(Mnkt �Mt)

2

⌘< 1,

et a fortiori,P1

k=1sup

t�0(Mnk

t � Mt)2 < 1 p.s. Par consequent, p.s. Mnk ! M uni-

formement sur R+, et donc t 7! Mt est p.s. continue sur R+.

Dans la suite, on note par P la tribu progressive sur R+ ⇥ ⌦.

1Dont l’existence est garantie par le theoreme F.4 de l’appendice F.

Page 3: Chapitre 5 Int´egrale stochastique(HK)·M = H ·(K ·M). Preuve. D’apr`es le th´eor`eme 1.6, hK·Mi = hK·M,K·Mi = K·hM,K·Mi = K·(K·hMi)= K2 ·hMi.Donc Z 1 0 H 2 s K s dhMi

§1 Integration pour les martingales bornees dans L2 61

Definition 1.4. Pour M 2 H2, on note L

2(M) := L2(R+ ⇥ ⌦, P, dP dhMis), l’espace des

processus progressifs H tels que

E

⇣Z 1

0

H2

sdhMis

⌘< 1.

Remarque 1.5. Comme n’importe quel espace L2, l’espace L2(M) est un espace de Hilbert

avec le produit scalaire (H,K)L2(M) := E(R10

HsKs dhMis).

Theoreme 1.6. Soit M 2 H2. Pour tout H 2 L

2(M), il existe un unique element de H2,

note par H ·M , tel que

(1.1) hH ·M,Ni = H · hM,Ni, 8N 2 H2.

L’application H 7! H ·M est une isometrie de L2(M) dans H

2.

Remarque 1.7. L’integrale H · hM,Ni qui figure dans le terme de droite de (1.1) est une

integrale par rapport a hM,Ni un processus continu adapte a variation finie, comme cela a

ete defini dans le chapitre 4.

Definition 1.8. Pour tout M 2 H2 et tout H 2 L

2(M), la martingale H · M est appelee

l’integrale stochastique ou l’integrale d’Ito, de H par rapport a M . On ecrira souvent

Zt

0

Hs dMs := (H ·M)t.

Preuve du theoreme 1.6. Commencons par prouver l’unicite. Soient L et eL deux elements

de H2 tels que hL,Ni = heL,Ni, pour tout N 2 H

2. En particulier, hL � eLi = 0. Comme

L0 �eL0 = 0, il resulte du corollaire 3.5 du chapitre 4 que L = eL.

Montrons maintenant l’existence. Fixons H 2 L2(M). On considere l’application ' :

H2! R definie par '(N) := E[(H · hM,Ni)1]. Il s’agit d’une fonction bien definie, car

d’apres les inegalites de Kunita–Watanabe (theoreme 3.11 du chapitre 4) et de Cauchy–

Schwarz, pour tout N 2 H2,

|'(N)| E

⇣sZ 1

0

H2sdhMis

phNi1

s

E

⇣Z 1

0

H2sdhMis

⌘ pE(hNi1)

= kHkL2(M) kNkH2 .

Page 4: Chapitre 5 Int´egrale stochastique(HK)·M = H ·(K ·M). Preuve. D’apr`es le th´eor`eme 1.6, hK·Mi = hK·M,K·Mi = K·hM,K·Mi = K·(K·hMi)= K2 ·hMi.Donc Z 1 0 H 2 s K s dhMi

62 Chapitre 5. Integrale stochastique

Donc ' est une forme lineaire continue sur l’espace de Hilbert H2. Comme toute forme

lineaire continue ' sur l’espace de Hilbert H s’ecrit comme '(x) = hx, yiH (le choix de y

etant d’ailleurs unique), on deduit qu’il existe un (unique) element H ·M de H2 tel que

(1.2) E[(H · hM,Ni)1] = (H ·M, N)H2 , 8N 2 H2.

Soit T un temps d’arret quelconque. On a

E[ (H ·M)TNT ] = E

hE{(H ·M)1 |FT}NT

i(H ·M 2 H

2, donc u.i.)

= E[ (H ·M)1NT ]

= (H ·M, NT )H2 (definition de ( · , · )

H2 )

= E[(H · hM,NTi)1] (par (1.2))

= E[(H · hM,NiT )1]

= E[(H · hM,Ni)T ]. (arret de l’integale de Lebesgue)

On sait qu’un processus continu (a droite) adapte X est une martingale si et seulement si

pour tout temps d’arret borne T , E(XT ) = E(X0) ; voir feuille TD #3. Par consequent,

(H · M)N � H · hM,Ni est une martingale. Comme hH · M,Ni est l’unique processus V

continu a variation finie et nul en 0 tel que (H · M)N � V soit une martingale locale, on

obtient hH ·M,Ni = H · hM,Ni.

On montre maintenant queH 7! H ·M est une isometrie de L2(M) dansH2 : l’application

est lineaire ; de plus, pour H 2 L2(M), on a, d’apres (1.2) (en prenant N := H ·M 2 H

2)

kH ·MkH2 =pE[(H · hM, H ·Mi)1] .

Or, par (1.1), hM, H ·Mi = H · hMi, et donc H · hM, H ·Mi = H · (H · hMi) = H2· hMi

(par l’associativite de l’integrale de Lebesgue). D’ou

kH ·MkH2 =p

E[(H2 · hMi)1] = kHkL2(M).

En conclusion, H 7! H ·M est une isometrie de L2(M) dans H2.

Exemple 1.9. (Integrale stochastique elementaire). Soit E le sous-espace vectoriel de

L2(M) forme des processus elementaires

Hs(!) =p�1X

i=0

H(i)(!)1 ]ti,ti+1](s),

Page 5: Chapitre 5 Int´egrale stochastique(HK)·M = H ·(K ·M). Preuve. D’apr`es le th´eor`eme 1.6, hK·Mi = hK·M,K·Mi = K·hM,K·Mi = K·(K·hMi)= K2 ·hMi.Donc Z 1 0 H 2 s K s dhMi

§1 Integration pour les martingales bornees dans L2 63

ou 0 t0 < t1 < · · · < tp, et pour chaque i, H(i) est une variable aleatoire reelle bornee et

Fti-mesurable.

Pour tout H 2 E , on definit l’integrale stochastique elementaire H ·M par

(1.3) (H ·M)t :=p�1X

i=0

H(i) (Mti+1^t �Mti^t).

Il est clair que H · M 2 H2. De plus, on peut facilement verifier que pour tout N 2 H

2,

hH · M,Ni = H · hM,Ni. D’apres le theoreme 1.6, H · M n’est autre que l’integrale

stochastique definie dans le theoreme 1.6.

Remarque 1.10. Fixons M 2 H2. La definition explicite de l’integrale stochastique elemen-

taire nous permet de montrer directement que H 7! H · M (definie dans (1.3)) est une

isometrie de E dans H2. D’autre part, on peut montrer que E est dense dans L2(M). Donc

on peut s’etendre de facon unique de l’application H 7! H · M a une isometrie de L2(M)

dans H2.

Cette procedure est souvent consideree comme une facon alternative et elementaire de

definir l’integrale stochastique H ·M pour H 2 L2(M).

Proposition 1.11. (Associativite). Si K 2 L2(M) et H 2 L

2(K·M), alors HK 2 L2(M),

et

(HK) ·M = H · (K ·M).

Preuve. D’apres le theoreme 1.6, hK ·Mi = hK ·M,K ·Mi = K ·hM,K ·Mi = K ·(K ·hMi) =

K2· hMi. Donc Z 1

0

H2

sK

2

sdhMis =

Z 1

0

H2

sdhK ·Mis,

ce qui donne HK 2 L2(M). De plus, pour tout N 2 H

2,

h(HK) ·M, Ni = HK · hM, Ni (par identite caracteristique (1.1))

= H · (K · hM, Ni) (associativite pour l’integrale de Lebesgue)

= H · hK ·M, Ni (par identite caracteristique (1.1))

= hH · (K ·M), Ni, (par identite caracteristique (1.1))

ce qui implique que (HK) ·M = H · (K ·M).

Page 6: Chapitre 5 Int´egrale stochastique(HK)·M = H ·(K ·M). Preuve. D’apr`es le th´eor`eme 1.6, hK·Mi = hK·M,K·Mi = K·hM,K·Mi = K·(K·hMi)= K2 ·hMi.Donc Z 1 0 H 2 s K s dhMi

64 Chapitre 5. Integrale stochastique

Remarque 1.12. (i) De maniere informelle, l’egalite dans la proposition precedente s’ecrit

Zt

0

Hs(Ks dMs) =

Zt

0

HsKs dMs.

(ii) La propriete dans (1.1) s’ecrit

DZ ·

0

Hs dMs, N

E

t

=

Zt

0

Hs dhM, Nis.

En appliquant deux fois cette relation, on a aussi

DZ ·

0

Hs dMs,

Z ·

0

Ks dNs

E

t

=

Zt

0

HsKs dhM, Nis.

En particulier, DZ ·

0

Hs dMs

E

t

=

Zt

0

H2

sdhMis.

(iii) Si M et N sont des elements de H2, et H 2 L

2(M), K 2 L2(N), alors pour tout

temps d’arret T ,

E

h Z T

0

Hs dMs

i= 0,

E

h⇣ ZT

0

Hs dMs

⌘⇣ZT

0

Ks dNs

⌘i= E

⇣ZT

0

HsKs dhM, Nis

⌘.

Attention: ces deux identites ne seront plus forcement vraies pour les extensions de l’inte-

grale stochastique qui vont etre decrites dans la section suivante.

La propriete suivante nous permettra plus tard d’etendre l’integrale stochastique a toutes

les martingales locales continues.

Proposition 1.13. Soit M 2 H2, et soit H 2 L

2(M). Si T est un temps d’arret, alors

H ·MT = (H 1[0,T ]) ·M = (H ·M)T .

Preuve. On verifie facilement que 1[0, T ] 2 L2(M). Pour tout N 2 H

2,

hMT, Ni = hM, Ni

T = 1[0, T ] · hM, Ni = h1[0, T ] ·M, Ni.

Donc MT = 1[0, T ] ·M .

Page 7: Chapitre 5 Int´egrale stochastique(HK)·M = H ·(K ·M). Preuve. D’apr`es le th´eor`eme 1.6, hK·Mi = hK·M,K·Mi = K·hM,K·Mi = K·(K·hMi)= K2 ·hMi.Donc Z 1 0 H 2 s K s dhMi

§2 Integration pour les semimartingales continues 65

D’apres la proposition 1.11, on a

H ·MT = H · (1[0,T ] ·M) = (H 1[0,T ]) ·M,

ce qui donne la premiere egalite desiree.

De l’identiteMT = 1[0,T ]·M , en remplacantM parH ·M , on tire (H ·M)T = 1[0, T ]·(H ·M),

ce qui, d’apres la proposition 1.11, n’est autre que (1[0,T ]H)·M . Cela donne la seconde egalite

cherchee.

2. Integration pour les semimartingales continues

SoitM une martingale locale continue. On note L2

loc(M) l’espace des processus progressifs

H tels que pour tout t � 0,

Zt

0

H2

sdhMis < 1, p.s.

Theoreme 2.1. Soit M une martingale locale continue nulle en 0. Pour tout H 2 L2

loc(M),

il existe une unique martingale locale continue nulle en 0, notee H ·M , telle que pour toute

martingale locale continue N ,

hH ·M, Ni = H · hM, Ni.

Si T est un temps d’arret, on a H ·MT = (H 1[0,T ]) ·M = (H ·M)T .

Lorsque M 2 H2 et H 2 L

2(M), cette definition etend celle du theoreme 1.6.

Preuve. Soit Tn := inf{t � 0 : hMit +R

t

0H

2

sdhMis � n}. Comme hM

Tnit = hMit^Tn n,

et donc E(hMTni1) < 1. D’apres le theoreme 3.4 du chapitre 4, MTn 2 H2.

D’autre part,R10

H2

sdhMTnis =

RTn

0H

2

sdhMis n. Donc H 2 L

2(MTn). On peut

definir pour chaque n l’integrale stochastique H ·MTn .

Soient m > n. D’apres la proposition 1.13, on a (H ·MTm)Tn = H ·M

Tn . Ceci etant vrai

pour tout couple m > n, on deduit qu’il existe un (unique) processus, note H ·M , tel que

(H ·M)Tn = H ·MTn , 8n. En e↵et, il su�t de prendre (H ·M)0 := 0 et (H ·M)t := (H ·M

Tn)t,

si Tn�1 < t Tn ; on voit que H ·M est un processus continu et adapte. Comme H ·MTn

sont des martingales (de H2), H ·M est une martingale locale continue, nulle en 0.

Page 8: Chapitre 5 Int´egrale stochastique(HK)·M = H ·(K ·M). Preuve. D’apr`es le th´eor`eme 1.6, hK·Mi = hK·M,K·Mi = K·hM,K·Mi = K·(K·hMi)= K2 ·hMi.Donc Z 1 0 H 2 s K s dhMi

66 Chapitre 5. Integrale stochastique

Soit N une martingale locale continue, nulle en 0. Soit ⌧n := inf{t � 0 : |Nt| � n}, et

soit Sn := ⌧n ^ Tn. On a

hH ·M, NiSn = h(H ·M)Sn , N

Sni (arret d’un “crochet mixte”)

= h(H ·M)Tn^Sn , NSni (car Sn Tn)

= h(H ·MTn)Sn , N

Sni (definition de la martingale locale H ·M)

= hH ·MSn , N

Sni (proposition 1.13)

= H · hMSn , N

Sni (par identite caracteristique (1.1))

= H · hM, NiSn

(arret d’un “crochet mixte”)

= (H · hM, Ni)Sn . (arret d’une integrale de Lebesgue)

D’ou l’egalite hH · M, Ni = H · hM, Ni. Ceci est vrai sans hypothese N0 = 0, car

hM, Ni = hM, N �N0i.

Le fait que cette egalite est valable pour toute martingale locale continue N caracterise

H ·M se demontre exactement comme dans le theoreme 1.6.

La preuve de H ·MT = (H 1[0,T ]) ·M = (H ·M)T est identique a celle de la proposition

1.13 (car elle utilise seulement la propriete caracteristique (1.1) que l’on vient d’etendre, et

l’associativite que l’on formule et demontre aisement).

Enfin, si M 2 H2 et H 2 L

2(M), l’egalite hH ·Mi = H2· hMi (H ·M que l’on vient de

definir) montre que E(hH · Mi1) < 1, et donc H · M 2 H2. La propriete caracteristique

(1.1) montre alors que H ·M n’est autre que l’objet defini dans le theoreme 1.6.

Remarque 2.2. Soit M une martingale locale continue, et soit H 2 L2

loc(M). Soit T un

temps d’arret (en particulier, si T = t 2 [0,1]).

(i) Si (il s’agit d’une condition) E[hH ·MiT ] = E[R

T

0H

2

sdhMis] < 1, alors (H ·M)T 2 H

2,

et on a

E

⇣ZT

0

Hs dMs

⌘= 0, E

h⇣ ZT

0

Hs dMs

⌘2 i= E

⇣ZT

0

H2

sdhMis

⌘.

(ii) En particulier, si pour tout t � 0, E[R

t

0H

2

sdhMis] < 1, alorsH ·M est une martingale

continue de carre-integrable, nulle en 0, et pour tout t � 0,

E

⇣Zt

0

Hs dMs

⌘= 0, E

h⇣ Zt

0

Hs dMs

⌘2 i= E

⇣Zt

0

H2

sdhMis

⌘. tu

Page 9: Chapitre 5 Int´egrale stochastique(HK)·M = H ·(K ·M). Preuve. D’apr`es le th´eor`eme 1.6, hK·Mi = hK·M,K·Mi = K·hM,K·Mi = K·(K·hMi)= K2 ·hMi.Donc Z 1 0 H 2 s K s dhMi

§2 Integration pour les semimartingales continues 67

Exemple 2.3. (Integrale de Wiener). Soit B un (Ft)-mouvement brownien. Soit

f : R+ ! R une fonction mesurable telle queRt

0f2(s) ds < 1 pour tout t � 0. Alors

(R

t

0f(s) dBs, t � 0) est une martingale continue de carre-integrable, nulle en 0.

Si l’on utilise la construction de l’integrale stochastique presentee dans l’exemple 1.9, on

voit que (R

t

0f(s) dBs, t � 0) est un processus gaussien centre, de covariance

Cov⇣Z

s

0

f(u) dBu,

Zt

0

f(u) dBu

⌘=

Zs^t

0

f2(u) du,

pour s � 0 et t � 0.2

On etend maintenant l’integrale stochastique a toutes les semimartingales continues. On

dit qu’un processus H est localement borne si

p.s., 8 t � 0, sups2[0, t]

|Hs| < 1.

Remarquons que tout processus continu (voire, cadlag) adapte est progressif et localement

borne. De plus, si H est progressif et localement borne, alors pour tout processus V continu

adapte a variation finie,

p.s. 8 t � 0 :

Zt

0

|Hs| |dVs| < 1,

et le processus H · V est continu adapte, a variation finie. D’autre part, si H est progressif

et localement borne, alors H 2 L2

loc(M) pour toute martingale locale continue M , et H ·M

est une martingale locale continue.

Definition 2.4. Soit X = X0+M +V une semimartingale continue, et soit H un processus

progressif et localement borne. L’integrale stochastique H ·X est alors definie par

H ·X := H ·M +H · V,

et l’on note Zt

0

Hs dXs := (H ·X)t.

2Rappelons que si ⇠n, n � 1, est une suite de variables aleatoires qui sont individuellement gaussiennes,

et si ⇠n ! ⇠ converge en loi, alors ⇠ suit une loi gaussienne, et que si ⇠n ! ⇠ en probabilite, la convergence

a alors lieu dans Lppour tout p 2 [1, 1[ . Voir la feuille d’exercices #1.

Page 10: Chapitre 5 Int´egrale stochastique(HK)·M = H ·(K ·M). Preuve. D’apr`es le th´eor`eme 1.6, hK·Mi = hK·M,K·Mi = K·hM,K·Mi = K·(K·hMi)= K2 ·hMi.Donc Z 1 0 H 2 s K s dhMi

68 Chapitre 5. Integrale stochastique

Proposition 2.5. (i) Si H et K sont progressifs et localement bornes, alors H · (K ·X) =

(HK) ·X.

(ii) Si T est un temps d’arret, alors (H ·X)T = (H 1[0,T ]) ·X = H ·XT .

(iii) Si X est une martingale locale continue (resp. un processus continu adapte a varia-

tion finie), alors il en va de meme pour H ·X.

(iv) L’application (H, X) 7! H ·X est bilineaire.

(v) Si H est un processus progressif de forme Hs(!) =P

p�1

i=0H

i(!)1 ]ti,ti+1](s), ou, pour

chaque i, H i est Fti-mesurable, alors

(H ·X)t =p�1X

i=0

Hi (Xti+1^t �Xti^t).

Ces proprietes decoulent facilement des resultats obtenus quand X est une martingale

locale continue, resp. un processus continu adapte a variation finie. Il est a noter que dans

la propriete (v) on ne suppose pas que la variable Hi soit bornee.

Proposition 2.6. Soit X une semimartingale (continue) et soit H un processus continu

adapte. Alors pour tout t > 0 et toute suite 0 = tn

0< t

n

1< · · · < t

n

pn= t de subdivisions de

[0, t] de pas tendant vers 0,

limn!1

pn�1X

i=0

Htni(Xt

ni+1

�Xtni) =

Zt

0

Hs dXs , en probabilite.

Preuve. On peut traiter separement les parties martingale et a variation finie de X. La partie

a variation finie est deja traitee par le lemme 1.2 du chapitre 4. On peut donc supposer que

X = M est une martingale locale continue, nulle en 0.

Pour chaque n, soit Kn le processus (qui depend de t) defini par

Kn

s:=

(Ht

ni, si tn

i< s t

n

i+1,

0, si s > t.

Posons Tm := inf{s � 0 : |Hs|+hMis � m}. Remarquons que H 1[0,Tm], Kn 1[0,Tm] et hMTmi

sont tous bornes. D’apres le theoreme 1.6,

u 7!

⇣(Kn

�H)1[0, Tm] ·MTm

⌘2

u

Zu

0

(Kn

s�Hs)

2 1[0, Tm](s) dhMTmis

Page 11: Chapitre 5 Int´egrale stochastique(HK)·M = H ·(K ·M). Preuve. D’apr`es le th´eor`eme 1.6, hK·Mi = hK·M,K·Mi = K·hM,K·Mi = K·(K·hMi)= K2 ·hMi.Donc Z 1 0 H 2 s K s dhMi

§2 Integration pour les semimartingales continues 69

est une martingale. Donc

E

h ⇣(Kn

�H)1[0, Tm] ·MTm

⌘2

t

i= E

⇣Zt

0

(Kn

s�Hs)

2 1[0, Tm](s) dhMTmis

⌘.

Lorsque n ! 1, le terme de droite converge vers 0 (convergence dominee), ce qui entraıne

que

(Kn 1[0,Tm] ·MTm)t ! (H 1[0,Tm] ·M

Tm)t, dans L2(P),

c’est-a-dire (Kn·M)t^Tm ! (H ·M)t^Tm dans L2(P) et a fortiori en probabilite : pour tout

" > 0, il existe n0 < 1 tel que n � n0 ) P[ |(Kn·M)t^Tm � (H ·M)t^Tm | > "] < ". D’autre

part, il existe m0 = m0(", t) < 1 tel que P(Tm < t) " pour tout m � m0. Donc si n � n0,

P[ |(Kn·M)t � (H ·M)t| > " ]

P[ |(Kn·M)t^Tm0

� (H ·M)t^Tm0| > " ] + P(Tm0 < t)

2".

Autrement dit, (Kn·M)t ! (H ·M)t en probabilite.

Remarque 2.7. Contrairement a l’integrale de Lebesgue, dans la proposition precedente, le

choix de Htnidans la somme partielle

Ppn�1

i=0Ht

ni(Xt

ni+1

�Xtni) est tres important : on ne peut

pas remplacer Htnipar exemple par Ht

ni+1

: en e↵et, si H est une semimartingale continue,

alorsP

pn�1

i=0Ht

ni+1

(Xtni+1

�Xtni)�

Ppn�1

i=0Ht

ni(Xt

ni+1

�Xtni) =

Ppn�1

i=0(Ht

ni+1

�Htni) (Xt

ni+1

�Xtni),

qui converge en probabilite vers hH,Xit et cette limite n’est en general pas nulle.

La proposition precedente permet d’etablir la formule d’integration par parties pour

l’integrale stochastique. Il s’agit d’un cas special de la formule d’Ito, que l’on etudiera dans

le chapitre suivant.

Proposition 2.8. (Integration par parties). Soient X et Y deux semimartingales con-

tinues. On a

XtYt = X0Y0 +

Zt

0

Xs dYs +

Zt

0

Ys dXs + hX, Y it.

En particulier,

X2

t= X

2

0+ 2

Zt

0

Xs dXs + hXit.

Page 12: Chapitre 5 Int´egrale stochastique(HK)·M = H ·(K ·M). Preuve. D’apr`es le th´eor`eme 1.6, hK·Mi = hK·M,K·Mi = K·hM,K·Mi = K·(K·hMi)= K2 ·hMi.Donc Z 1 0 H 2 s K s dhMi

70 Chapitre 5. Integrale stochastique

Preuve. Fixons t > 0. Soit 0 = tn

0< t

n

1< · · · < t

pnn

= t une suite de subdivisions de [0, t]

dont le pas tend vers 0. Par la proposition precedente, quand n ! 1, on a, en probabilite,

pn�1X

i=0

Xtni(Yt

ni+1

� Ytni) !

Zt

0

Xs dYs ,

pn�1X

i=0

Ytni(Xt

ni+1

�Xtni) !

Zt

0

Ys dXs ,

tandis que la proposition 4.4 du chapitre 4 nous confirme que

pn�1X

i=0

(Xtni+1

�Xtni) (Yt

ni+1

� Ytni) ! hX, Y it.

On somme les trois formules. Comme

Xtni(Yt

ni+1

� Ytni) + Yt

ni(Xt

ni+1

�Xtni) + (Xt

ni+1

�Xtni) (Yt

ni+1

� Ytni)

= Xtni(Yt

ni+1

� Ytni) + Yt

ni+1

(Xtni+1

�Xtni)

= Xtni+1

Ytni+1

�XtniYt

ni,

etP

pn�1

i=0(Xt

ni+1

Ytni+1

�XtniYt

ni) = XtYt �X0Y0, on obtient

Zt

0

Xs dYs +

Zt

0

Ys dXs + hX, Y it = XtYt �X0Y0.

Il su�t d’utiliser la continuite de tous les processus pour voir que l’identite est vraie p.s.

pour tout t.

Remarque 2.9. (i) La formule d’integration par parties nous dit que si X et Y sont des

semimartingales continues, alors XY l’est egalement. On verra dans le chapitre suivant que

l’on peut etendre ce resultat a beaucoup d’autres fonctions de (X, Y ).

(ii) Lorsque X = M est une martingale locale continue, on sait que M2� hMi est une

martingale locale continue. La formule d’integration par parties nous dit que cette martingale

locale est M2

0+ 2

Rt

0Ms dMs.