Upload
others
View
1
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
Chapitre 5
Integrale stochastique
Nous nous approchons dans ce chapitre de l’objet principal du cours : integrale stochas-
tique par rapport a une semimartingale continue. La construction de l’integrale stochastique
se fait en deux etapes : nous commencons par construire l’integrale stochastique par rapport
a une martingale continue (Mt, t � 0) satisfaisant E(supt�0
M2
t) < 1.
Durant tout le chapitre, on se place dans un espace de probabilite filtre (⌦,F , (Ft),P)
dont la filtration est continue a droite et complete.
1. Integration pour les martingales bornees dans L2
On se met a construire l’integrale stochastique par rapport a une martingale continue
(Mt, t � 0) satisfaisant E(supt�0
M2
t) < 1 ; par l’inegalite de Doob, cette derniere condition
equivaut a supt�0
E(M2
t) < 1. D’apres le theoreme 3.4 du chapitre 4, si M0 = 0 p.s., alors
ceci equivaut aussi a E(hMi1) < 1. Enfin, toujours d’apres ce theoreme (et sous la condition
M0 = 0 p.s.), (M2
t� hMit, t � 0) est une martingale uniformement integrable.
Par polarisation, si M et N sont deux martingales continues satisfaisant E(supt�0
M2
t) <
1 et E(supt�0
N2
t) < 1, alors (MtNt � hM,Nit, t � 0) est une martingale uniformement
integrable.
Notation 1.1. On note H2 := {M = (Mt, t � 0) martingale continue,E(sup
t�0M
2
t) <
1, M0 = 0 p.s.}.
Remarque 1.2. Si M 2 H2 et T est un temps d’arret, alors MT
2 H2.
Par les inegalites de Kunita–Watanabe (theoreme 3.11 du chapitre 4) et de Cauchy–
59
60 Chapitre 5. Integrale stochastique
Schwarz, si M et N sont deux elements de H2, alors
|hM,Ni1|
Z 1
0
|dhM,Ni|u
phMi1
phNi1 ,
et donc
E[ |hM,Ni1| ] E
hphMi1
phNi1
i
pE[hMi1]
pE[hNi1] < 1.
On peut ainsi definir
(M, N)H2 := E[ hM,Ni1 ] = E(M1N1) ,
qui est un produit scalaire sur H2. [Rappelons que d’apres le corollaire 3.5 du chapitre 4,
(M,M)H2 = 0 si et seulement si M = 0.] La norme sur H2 associee a ce produit scalaire est
kMkH2 :=p
(M,M)H2 =p
E[hMi1] =pE[M2
1] .
Proposition 1.3. L’espace H2 muni du produit scalaire (M,N)H2 est un espace de Hilbert.
Preuve. Il faut montrer que H2 est complet pour la norme kMkH2 . Soit (Mn) une suite de
Cauchy pour cette norme. Comme kNkH2 = kN1kL2(F1) pour tout N 2 H2, Mn
1 converge
dans L2(F1) vers disons M1 2 L
2(F1). Soit Mt := E(M1 |Ft), alors M = (Mt, t � 0)
est (la version continue a droite1 d’) une martingale. Comme supt�0
E(M2
t) E(M2
1) < 1
et E[(M1 �Mn
1)2] ! 0, il reste a montrer que M 2 H2.
Il s’agit de montrer que M est continu. Remarquons que par l’inegalite de Doob,
E
⇣supt�0
(Mn
t�Mt)
2
⌘ 4E[ (Mn
1 �M1)2 ] ! 0, n ! 1.
Il existe donc une suite deterministe (nk) telle que E[supt�0(Mnk
t �Mt)2] <1
k2, pour tout k.
D’apres le theoreme de Fubini–Tonelli,
E
⇣ 1X
k=1
supt�0
(Mnkt �Mt)
2
⌘< 1,
et a fortiori,P1
k=1sup
t�0(Mnk
t � Mt)2 < 1 p.s. Par consequent, p.s. Mnk ! M uni-
formement sur R+, et donc t 7! Mt est p.s. continue sur R+.
Dans la suite, on note par P la tribu progressive sur R+ ⇥ ⌦.
1Dont l’existence est garantie par le theoreme F.4 de l’appendice F.
§1 Integration pour les martingales bornees dans L2 61
Definition 1.4. Pour M 2 H2, on note L
2(M) := L2(R+ ⇥ ⌦, P, dP dhMis), l’espace des
processus progressifs H tels que
E
⇣Z 1
0
H2
sdhMis
⌘< 1.
Remarque 1.5. Comme n’importe quel espace L2, l’espace L2(M) est un espace de Hilbert
avec le produit scalaire (H,K)L2(M) := E(R10
HsKs dhMis).
Theoreme 1.6. Soit M 2 H2. Pour tout H 2 L
2(M), il existe un unique element de H2,
note par H ·M , tel que
(1.1) hH ·M,Ni = H · hM,Ni, 8N 2 H2.
L’application H 7! H ·M est une isometrie de L2(M) dans H
2.
Remarque 1.7. L’integrale H · hM,Ni qui figure dans le terme de droite de (1.1) est une
integrale par rapport a hM,Ni un processus continu adapte a variation finie, comme cela a
ete defini dans le chapitre 4.
Definition 1.8. Pour tout M 2 H2 et tout H 2 L
2(M), la martingale H · M est appelee
l’integrale stochastique ou l’integrale d’Ito, de H par rapport a M . On ecrira souvent
Zt
0
Hs dMs := (H ·M)t.
Preuve du theoreme 1.6. Commencons par prouver l’unicite. Soient L et eL deux elements
de H2 tels que hL,Ni = heL,Ni, pour tout N 2 H
2. En particulier, hL � eLi = 0. Comme
L0 �eL0 = 0, il resulte du corollaire 3.5 du chapitre 4 que L = eL.
Montrons maintenant l’existence. Fixons H 2 L2(M). On considere l’application ' :
H2! R definie par '(N) := E[(H · hM,Ni)1]. Il s’agit d’une fonction bien definie, car
d’apres les inegalites de Kunita–Watanabe (theoreme 3.11 du chapitre 4) et de Cauchy–
Schwarz, pour tout N 2 H2,
|'(N)| E
⇣sZ 1
0
H2sdhMis
phNi1
⌘
s
E
⇣Z 1
0
H2sdhMis
⌘ pE(hNi1)
= kHkL2(M) kNkH2 .
62 Chapitre 5. Integrale stochastique
Donc ' est une forme lineaire continue sur l’espace de Hilbert H2. Comme toute forme
lineaire continue ' sur l’espace de Hilbert H s’ecrit comme '(x) = hx, yiH (le choix de y
etant d’ailleurs unique), on deduit qu’il existe un (unique) element H ·M de H2 tel que
(1.2) E[(H · hM,Ni)1] = (H ·M, N)H2 , 8N 2 H2.
Soit T un temps d’arret quelconque. On a
E[ (H ·M)TNT ] = E
hE{(H ·M)1 |FT}NT
i(H ·M 2 H
2, donc u.i.)
= E[ (H ·M)1NT ]
= (H ·M, NT )H2 (definition de ( · , · )
H2 )
= E[(H · hM,NTi)1] (par (1.2))
= E[(H · hM,NiT )1]
= E[(H · hM,Ni)T ]. (arret de l’integale de Lebesgue)
On sait qu’un processus continu (a droite) adapte X est une martingale si et seulement si
pour tout temps d’arret borne T , E(XT ) = E(X0) ; voir feuille TD #3. Par consequent,
(H · M)N � H · hM,Ni est une martingale. Comme hH · M,Ni est l’unique processus V
continu a variation finie et nul en 0 tel que (H · M)N � V soit une martingale locale, on
obtient hH ·M,Ni = H · hM,Ni.
On montre maintenant queH 7! H ·M est une isometrie de L2(M) dansH2 : l’application
est lineaire ; de plus, pour H 2 L2(M), on a, d’apres (1.2) (en prenant N := H ·M 2 H
2)
kH ·MkH2 =pE[(H · hM, H ·Mi)1] .
Or, par (1.1), hM, H ·Mi = H · hMi, et donc H · hM, H ·Mi = H · (H · hMi) = H2· hMi
(par l’associativite de l’integrale de Lebesgue). D’ou
kH ·MkH2 =p
E[(H2 · hMi)1] = kHkL2(M).
En conclusion, H 7! H ·M est une isometrie de L2(M) dans H2.
Exemple 1.9. (Integrale stochastique elementaire). Soit E le sous-espace vectoriel de
L2(M) forme des processus elementaires
Hs(!) =p�1X
i=0
H(i)(!)1 ]ti,ti+1](s),
§1 Integration pour les martingales bornees dans L2 63
ou 0 t0 < t1 < · · · < tp, et pour chaque i, H(i) est une variable aleatoire reelle bornee et
Fti-mesurable.
Pour tout H 2 E , on definit l’integrale stochastique elementaire H ·M par
(1.3) (H ·M)t :=p�1X
i=0
H(i) (Mti+1^t �Mti^t).
Il est clair que H · M 2 H2. De plus, on peut facilement verifier que pour tout N 2 H
2,
hH · M,Ni = H · hM,Ni. D’apres le theoreme 1.6, H · M n’est autre que l’integrale
stochastique definie dans le theoreme 1.6.
Remarque 1.10. Fixons M 2 H2. La definition explicite de l’integrale stochastique elemen-
taire nous permet de montrer directement que H 7! H · M (definie dans (1.3)) est une
isometrie de E dans H2. D’autre part, on peut montrer que E est dense dans L2(M). Donc
on peut s’etendre de facon unique de l’application H 7! H · M a une isometrie de L2(M)
dans H2.
Cette procedure est souvent consideree comme une facon alternative et elementaire de
definir l’integrale stochastique H ·M pour H 2 L2(M).
Proposition 1.11. (Associativite). Si K 2 L2(M) et H 2 L
2(K·M), alors HK 2 L2(M),
et
(HK) ·M = H · (K ·M).
Preuve. D’apres le theoreme 1.6, hK ·Mi = hK ·M,K ·Mi = K ·hM,K ·Mi = K ·(K ·hMi) =
K2· hMi. Donc Z 1
0
H2
sK
2
sdhMis =
Z 1
0
H2
sdhK ·Mis,
ce qui donne HK 2 L2(M). De plus, pour tout N 2 H
2,
h(HK) ·M, Ni = HK · hM, Ni (par identite caracteristique (1.1))
= H · (K · hM, Ni) (associativite pour l’integrale de Lebesgue)
= H · hK ·M, Ni (par identite caracteristique (1.1))
= hH · (K ·M), Ni, (par identite caracteristique (1.1))
ce qui implique que (HK) ·M = H · (K ·M).
64 Chapitre 5. Integrale stochastique
Remarque 1.12. (i) De maniere informelle, l’egalite dans la proposition precedente s’ecrit
Zt
0
Hs(Ks dMs) =
Zt
0
HsKs dMs.
(ii) La propriete dans (1.1) s’ecrit
DZ ·
0
Hs dMs, N
E
t
=
Zt
0
Hs dhM, Nis.
En appliquant deux fois cette relation, on a aussi
DZ ·
0
Hs dMs,
Z ·
0
Ks dNs
E
t
=
Zt
0
HsKs dhM, Nis.
En particulier, DZ ·
0
Hs dMs
E
t
=
Zt
0
H2
sdhMis.
(iii) Si M et N sont des elements de H2, et H 2 L
2(M), K 2 L2(N), alors pour tout
temps d’arret T ,
E
h Z T
0
Hs dMs
i= 0,
E
h⇣ ZT
0
Hs dMs
⌘⇣ZT
0
Ks dNs
⌘i= E
⇣ZT
0
HsKs dhM, Nis
⌘.
Attention: ces deux identites ne seront plus forcement vraies pour les extensions de l’inte-
grale stochastique qui vont etre decrites dans la section suivante.
La propriete suivante nous permettra plus tard d’etendre l’integrale stochastique a toutes
les martingales locales continues.
Proposition 1.13. Soit M 2 H2, et soit H 2 L
2(M). Si T est un temps d’arret, alors
H ·MT = (H 1[0,T ]) ·M = (H ·M)T .
Preuve. On verifie facilement que 1[0, T ] 2 L2(M). Pour tout N 2 H
2,
hMT, Ni = hM, Ni
T = 1[0, T ] · hM, Ni = h1[0, T ] ·M, Ni.
Donc MT = 1[0, T ] ·M .
§2 Integration pour les semimartingales continues 65
D’apres la proposition 1.11, on a
H ·MT = H · (1[0,T ] ·M) = (H 1[0,T ]) ·M,
ce qui donne la premiere egalite desiree.
De l’identiteMT = 1[0,T ]·M , en remplacantM parH ·M , on tire (H ·M)T = 1[0, T ]·(H ·M),
ce qui, d’apres la proposition 1.11, n’est autre que (1[0,T ]H)·M . Cela donne la seconde egalite
cherchee.
2. Integration pour les semimartingales continues
SoitM une martingale locale continue. On note L2
loc(M) l’espace des processus progressifs
H tels que pour tout t � 0,
Zt
0
H2
sdhMis < 1, p.s.
Theoreme 2.1. Soit M une martingale locale continue nulle en 0. Pour tout H 2 L2
loc(M),
il existe une unique martingale locale continue nulle en 0, notee H ·M , telle que pour toute
martingale locale continue N ,
hH ·M, Ni = H · hM, Ni.
Si T est un temps d’arret, on a H ·MT = (H 1[0,T ]) ·M = (H ·M)T .
Lorsque M 2 H2 et H 2 L
2(M), cette definition etend celle du theoreme 1.6.
Preuve. Soit Tn := inf{t � 0 : hMit +R
t
0H
2
sdhMis � n}. Comme hM
Tnit = hMit^Tn n,
et donc E(hMTni1) < 1. D’apres le theoreme 3.4 du chapitre 4, MTn 2 H2.
D’autre part,R10
H2
sdhMTnis =
RTn
0H
2
sdhMis n. Donc H 2 L
2(MTn). On peut
definir pour chaque n l’integrale stochastique H ·MTn .
Soient m > n. D’apres la proposition 1.13, on a (H ·MTm)Tn = H ·M
Tn . Ceci etant vrai
pour tout couple m > n, on deduit qu’il existe un (unique) processus, note H ·M , tel que
(H ·M)Tn = H ·MTn , 8n. En e↵et, il su�t de prendre (H ·M)0 := 0 et (H ·M)t := (H ·M
Tn)t,
si Tn�1 < t Tn ; on voit que H ·M est un processus continu et adapte. Comme H ·MTn
sont des martingales (de H2), H ·M est une martingale locale continue, nulle en 0.
66 Chapitre 5. Integrale stochastique
Soit N une martingale locale continue, nulle en 0. Soit ⌧n := inf{t � 0 : |Nt| � n}, et
soit Sn := ⌧n ^ Tn. On a
hH ·M, NiSn = h(H ·M)Sn , N
Sni (arret d’un “crochet mixte”)
= h(H ·M)Tn^Sn , NSni (car Sn Tn)
= h(H ·MTn)Sn , N
Sni (definition de la martingale locale H ·M)
= hH ·MSn , N
Sni (proposition 1.13)
= H · hMSn , N
Sni (par identite caracteristique (1.1))
= H · hM, NiSn
(arret d’un “crochet mixte”)
= (H · hM, Ni)Sn . (arret d’une integrale de Lebesgue)
D’ou l’egalite hH · M, Ni = H · hM, Ni. Ceci est vrai sans hypothese N0 = 0, car
hM, Ni = hM, N �N0i.
Le fait que cette egalite est valable pour toute martingale locale continue N caracterise
H ·M se demontre exactement comme dans le theoreme 1.6.
La preuve de H ·MT = (H 1[0,T ]) ·M = (H ·M)T est identique a celle de la proposition
1.13 (car elle utilise seulement la propriete caracteristique (1.1) que l’on vient d’etendre, et
l’associativite que l’on formule et demontre aisement).
Enfin, si M 2 H2 et H 2 L
2(M), l’egalite hH ·Mi = H2· hMi (H ·M que l’on vient de
definir) montre que E(hH · Mi1) < 1, et donc H · M 2 H2. La propriete caracteristique
(1.1) montre alors que H ·M n’est autre que l’objet defini dans le theoreme 1.6.
Remarque 2.2. Soit M une martingale locale continue, et soit H 2 L2
loc(M). Soit T un
temps d’arret (en particulier, si T = t 2 [0,1]).
(i) Si (il s’agit d’une condition) E[hH ·MiT ] = E[R
T
0H
2
sdhMis] < 1, alors (H ·M)T 2 H
2,
et on a
E
⇣ZT
0
Hs dMs
⌘= 0, E
h⇣ ZT
0
Hs dMs
⌘2 i= E
⇣ZT
0
H2
sdhMis
⌘.
(ii) En particulier, si pour tout t � 0, E[R
t
0H
2
sdhMis] < 1, alorsH ·M est une martingale
continue de carre-integrable, nulle en 0, et pour tout t � 0,
E
⇣Zt
0
Hs dMs
⌘= 0, E
h⇣ Zt
0
Hs dMs
⌘2 i= E
⇣Zt
0
H2
sdhMis
⌘. tu
§2 Integration pour les semimartingales continues 67
Exemple 2.3. (Integrale de Wiener). Soit B un (Ft)-mouvement brownien. Soit
f : R+ ! R une fonction mesurable telle queRt
0f2(s) ds < 1 pour tout t � 0. Alors
(R
t
0f(s) dBs, t � 0) est une martingale continue de carre-integrable, nulle en 0.
Si l’on utilise la construction de l’integrale stochastique presentee dans l’exemple 1.9, on
voit que (R
t
0f(s) dBs, t � 0) est un processus gaussien centre, de covariance
Cov⇣Z
s
0
f(u) dBu,
Zt
0
f(u) dBu
⌘=
Zs^t
0
f2(u) du,
pour s � 0 et t � 0.2
On etend maintenant l’integrale stochastique a toutes les semimartingales continues. On
dit qu’un processus H est localement borne si
p.s., 8 t � 0, sups2[0, t]
|Hs| < 1.
Remarquons que tout processus continu (voire, cadlag) adapte est progressif et localement
borne. De plus, si H est progressif et localement borne, alors pour tout processus V continu
adapte a variation finie,
p.s. 8 t � 0 :
Zt
0
|Hs| |dVs| < 1,
et le processus H · V est continu adapte, a variation finie. D’autre part, si H est progressif
et localement borne, alors H 2 L2
loc(M) pour toute martingale locale continue M , et H ·M
est une martingale locale continue.
Definition 2.4. Soit X = X0+M +V une semimartingale continue, et soit H un processus
progressif et localement borne. L’integrale stochastique H ·X est alors definie par
H ·X := H ·M +H · V,
et l’on note Zt
0
Hs dXs := (H ·X)t.
2Rappelons que si ⇠n, n � 1, est une suite de variables aleatoires qui sont individuellement gaussiennes,
et si ⇠n ! ⇠ converge en loi, alors ⇠ suit une loi gaussienne, et que si ⇠n ! ⇠ en probabilite, la convergence
a alors lieu dans Lppour tout p 2 [1, 1[ . Voir la feuille d’exercices #1.
68 Chapitre 5. Integrale stochastique
Proposition 2.5. (i) Si H et K sont progressifs et localement bornes, alors H · (K ·X) =
(HK) ·X.
(ii) Si T est un temps d’arret, alors (H ·X)T = (H 1[0,T ]) ·X = H ·XT .
(iii) Si X est une martingale locale continue (resp. un processus continu adapte a varia-
tion finie), alors il en va de meme pour H ·X.
(iv) L’application (H, X) 7! H ·X est bilineaire.
(v) Si H est un processus progressif de forme Hs(!) =P
p�1
i=0H
i(!)1 ]ti,ti+1](s), ou, pour
chaque i, H i est Fti-mesurable, alors
(H ·X)t =p�1X
i=0
Hi (Xti+1^t �Xti^t).
Ces proprietes decoulent facilement des resultats obtenus quand X est une martingale
locale continue, resp. un processus continu adapte a variation finie. Il est a noter que dans
la propriete (v) on ne suppose pas que la variable Hi soit bornee.
Proposition 2.6. Soit X une semimartingale (continue) et soit H un processus continu
adapte. Alors pour tout t > 0 et toute suite 0 = tn
0< t
n
1< · · · < t
n
pn= t de subdivisions de
[0, t] de pas tendant vers 0,
limn!1
pn�1X
i=0
Htni(Xt
ni+1
�Xtni) =
Zt
0
Hs dXs , en probabilite.
Preuve. On peut traiter separement les parties martingale et a variation finie de X. La partie
a variation finie est deja traitee par le lemme 1.2 du chapitre 4. On peut donc supposer que
X = M est une martingale locale continue, nulle en 0.
Pour chaque n, soit Kn le processus (qui depend de t) defini par
Kn
s:=
(Ht
ni, si tn
i< s t
n
i+1,
0, si s > t.
Posons Tm := inf{s � 0 : |Hs|+hMis � m}. Remarquons que H 1[0,Tm], Kn 1[0,Tm] et hMTmi
sont tous bornes. D’apres le theoreme 1.6,
u 7!
⇣(Kn
�H)1[0, Tm] ·MTm
⌘2
u
�
Zu
0
(Kn
s�Hs)
2 1[0, Tm](s) dhMTmis
§2 Integration pour les semimartingales continues 69
est une martingale. Donc
E
h ⇣(Kn
�H)1[0, Tm] ·MTm
⌘2
t
i= E
⇣Zt
0
(Kn
s�Hs)
2 1[0, Tm](s) dhMTmis
⌘.
Lorsque n ! 1, le terme de droite converge vers 0 (convergence dominee), ce qui entraıne
que
(Kn 1[0,Tm] ·MTm)t ! (H 1[0,Tm] ·M
Tm)t, dans L2(P),
c’est-a-dire (Kn·M)t^Tm ! (H ·M)t^Tm dans L2(P) et a fortiori en probabilite : pour tout
" > 0, il existe n0 < 1 tel que n � n0 ) P[ |(Kn·M)t^Tm � (H ·M)t^Tm | > "] < ". D’autre
part, il existe m0 = m0(", t) < 1 tel que P(Tm < t) " pour tout m � m0. Donc si n � n0,
P[ |(Kn·M)t � (H ·M)t| > " ]
P[ |(Kn·M)t^Tm0
� (H ·M)t^Tm0| > " ] + P(Tm0 < t)
2".
Autrement dit, (Kn·M)t ! (H ·M)t en probabilite.
Remarque 2.7. Contrairement a l’integrale de Lebesgue, dans la proposition precedente, le
choix de Htnidans la somme partielle
Ppn�1
i=0Ht
ni(Xt
ni+1
�Xtni) est tres important : on ne peut
pas remplacer Htnipar exemple par Ht
ni+1
: en e↵et, si H est une semimartingale continue,
alorsP
pn�1
i=0Ht
ni+1
(Xtni+1
�Xtni)�
Ppn�1
i=0Ht
ni(Xt
ni+1
�Xtni) =
Ppn�1
i=0(Ht
ni+1
�Htni) (Xt
ni+1
�Xtni),
qui converge en probabilite vers hH,Xit et cette limite n’est en general pas nulle.
La proposition precedente permet d’etablir la formule d’integration par parties pour
l’integrale stochastique. Il s’agit d’un cas special de la formule d’Ito, que l’on etudiera dans
le chapitre suivant.
Proposition 2.8. (Integration par parties). Soient X et Y deux semimartingales con-
tinues. On a
XtYt = X0Y0 +
Zt
0
Xs dYs +
Zt
0
Ys dXs + hX, Y it.
En particulier,
X2
t= X
2
0+ 2
Zt
0
Xs dXs + hXit.
70 Chapitre 5. Integrale stochastique
Preuve. Fixons t > 0. Soit 0 = tn
0< t
n
1< · · · < t
pnn
= t une suite de subdivisions de [0, t]
dont le pas tend vers 0. Par la proposition precedente, quand n ! 1, on a, en probabilite,
pn�1X
i=0
Xtni(Yt
ni+1
� Ytni) !
Zt
0
Xs dYs ,
pn�1X
i=0
Ytni(Xt
ni+1
�Xtni) !
Zt
0
Ys dXs ,
tandis que la proposition 4.4 du chapitre 4 nous confirme que
pn�1X
i=0
(Xtni+1
�Xtni) (Yt
ni+1
� Ytni) ! hX, Y it.
On somme les trois formules. Comme
Xtni(Yt
ni+1
� Ytni) + Yt
ni(Xt
ni+1
�Xtni) + (Xt
ni+1
�Xtni) (Yt
ni+1
� Ytni)
= Xtni(Yt
ni+1
� Ytni) + Yt
ni+1
(Xtni+1
�Xtni)
= Xtni+1
Ytni+1
�XtniYt
ni,
etP
pn�1
i=0(Xt
ni+1
Ytni+1
�XtniYt
ni) = XtYt �X0Y0, on obtient
Zt
0
Xs dYs +
Zt
0
Ys dXs + hX, Y it = XtYt �X0Y0.
Il su�t d’utiliser la continuite de tous les processus pour voir que l’identite est vraie p.s.
pour tout t.
Remarque 2.9. (i) La formule d’integration par parties nous dit que si X et Y sont des
semimartingales continues, alors XY l’est egalement. On verra dans le chapitre suivant que
l’on peut etendre ce resultat a beaucoup d’autres fonctions de (X, Y ).
(ii) Lorsque X = M est une martingale locale continue, on sait que M2� hMi est une
martingale locale continue. La formule d’integration par parties nous dit que cette martingale
locale est M2
0+ 2
Rt
0Ms dMs.