22
Chapitre 6 Formule d’Itˆ o et applications On d´ emontre la formule d’Itˆo, et pr´ esente plusieurs applications profondes en ce qui concerne : (a) semimartingales exponentielles ; (b) caract´ erisation de L´ evy du mouvement brownien ; (c) th´ eor` eme de Dambis–Dubins–Schwarz pour les martingales locales contin- ues ; (d) in´ egalit´ es de Burkholder–Davis–Gundy ; (e) repr´ esentation des martingales d’une filtration brownienne ; (f) th´ eor` eme de Girsanov pour le changement de probabilit´ es. Durant tout le chapitre, on se place dans un espace de probabilit´ e filtr´ e(, F , (F t ), P) dont la filtration est continue ` a droite et compl` ete, sauf en Section 7 o` u l’on prend la filtration canonique d’un mouvement brownien. 1. Formule d’Itˆ o La formule d’Itˆo nous dit qu’une fonction de classe C 2 d’un nombre quelconque de semi- martingales continues est encore une semimartingale continue, et exprime explicitement la ecomposition de cette semimartingale. Th´ eor` eme 1.1. (Formule d’Itˆ o). (i) (Cas unidimensionnel). Soit X une semimartingale continue, et soit f : R ! R une fonction de classe C 2 . Alors f (X t )= f (X 0 )+ Z t 0 f 0 (X s )dX s + 1 2 Z t 0 f 00 (X s )dhX i s . (ii) (Cas multidimensionnel). Soient X 1 , ..., X N des semimartingales continues, et soit F : R N ! R une fonction de classe C 2 . Alors F (X t )= F (X 0 )+ N X i=1 Z t 0 @ F @ x i (X s )dX i s + 1 2 N X i,j =1 Z t 0 @ 2 F @ x i @ x j (X s )dhX i ,X j i s , 61

Chapitre 6 Formule d’Itoˆ et applications64 Chapitre 6. Formule d’Itoˆ et applications 2. Semimartingales exponentielles Notre premi`ere application de la formule d’Itoˆ porte

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Chapitre 6

Formule d’Ito et applications

On demontre la formule d’Ito, et presente plusieurs applications profondes en ce qui

concerne : (a) semimartingales exponentielles ; (b) caracterisation de Levy du mouvement

brownien ; (c) theoreme de Dambis–Dubins–Schwarz pour les martingales locales contin-

ues ; (d) inegalites de Burkholder–Davis–Gundy ; (e) representation des martingales d’une

filtration brownienne ; (f) theoreme de Girsanov pour le changement de probabilites.

Durant tout le chapitre, on se place dans un espace de probabilite filtre (⌦,F , (Ft),P)

dont la filtration est continue a droite et complete, sauf en Section 7 ou l’on prend la filtration

canonique d’un mouvement brownien.

1. Formule d’Ito

La formule d’Ito nous dit qu’une fonction de classe C2 d’un nombre quelconque de semi-

martingales continues est encore une semimartingale continue, et exprime explicitement la

decomposition de cette semimartingale.

Theoreme 1.1. (Formule d’Ito). (i) (Cas unidimensionnel). Soit X une semimartingale

continue, et soit f : R ! R une fonction de classe C2. Alors

f(Xt) = f(X0) +

Zt

0

f0(Xs) dXs +

1

2

Zt

0

f00(Xs) dhXis .

(ii) (Cas multidimensionnel). Soient X1, . . ., XN des semimartingales continues, et soit

F : RN! R une fonction de classe C

2. Alors

F (Xt) = F (X0) +NX

i=1

Zt

0

@F

@xi(Xs) dX

i

s+

1

2

NX

i,j=1

Zt

0

@2F

@xi@xj(Xs) dhX

i, X

jis ,

61

62 Chapitre 6. Formule d’Ito et applications

ou Xt := (X1

t, . . . , X

N

t), 8 t � 0.

Preuve. (i) Fixons t > 0. Soit 0 = tn

0< t

n

1< · · · < t

n

pn= t une suite de subdivisions de

[0, t] dont le pas tend vers 0. On a f(Xt) = f(X0) +P

pn�1

i=0[f(Xt

ni+1

) � f(Xtni)]. D’apres la

formule de Taylor,

f(Xtni+1

)� f(Xtni) = f

0(Xtni) (Xt

ni+1

�Xtni) +

1

2gn,i(!) (Xt

ni+1

�Xtni)2,

ou gn,i est tel que

infx2In,i

f00(x) gn,i sup

x2In,i

f00(x),

et In,i := [Xtni, Xt

ni+1

] ou [Xtni+1

, Xtni] selon que Xt

niest inferieur ou superieur a Xt

ni+1

. (Il est

a noter que gn,i est bien mesurable.)

La proposition 2.5 du chapitre 5 nous dit que

limn!1

pn�1X

i=0

f0(Xt

ni) (Xt

ni+1

�Xtni) =

Zt

0

f0(Xs) dXs, en probabilite.

D’autre part, rappelons (voir TD du chapitre 4) que si H est un processus continu adapte,

alorsP

pn�1

i=0Ht

ni(Xt

ni+1

� Xtni)2 !

Rt

0Hs dhXis en probabilite. Comme max0i<pn |gn,i �

f00(Xt

ni)| ! 0 p.s. (continuite uniforme des trajectoires sur un compact), et

Ppn�1

i=0(Xt

ni+1

Xtni)2 converge en probabilite (vers hXit), on a

limn!1

pn�1X

i=0

gn,i(Xtni+1

�Xtni)2 =

Zt

0

f00(Xs) dhXis, en probabilite.

Par consequent, pour tout t, f(Xt) = f(X0) +R

t

0f0(Xs) dXs +

1

2f00(Xs) dhXis, p.s. La

continuite des processus nous confirme la formule d’Ito dans le cas N = 1.

(ii) Dans le cas ou N est quelconque, la formule de Taylor donne

F (Xtni+1

)� F (Xtni) =

NX

k=1

@F

@xk(Xt

ni) (Xk

tni+1

�Xk

tni)

+1

2

NX

k,`=1

gk,`

n,i(Xk

tni+1

�Xk

tni)(X`

tni+1

�X`

tni),

avec

infx2In,i

@2F

@xk@x`(x) g

k,`

n,i sup

x2In,i

@2F

@xk@x`(x),

ou In,i := [X1

tni, X

1

tni+1

] ⇥ · · · ⇥ [XN

tni, X

N

tni+1

] (bien sur, il faut remplacer [Xk

tni, X

k

tni+1

] par

[Xk

tni+1

, Xk

tni] si Xk

tni> X

k

tni+1

). On utilise le meme argument pour conclure.

§1 Formule d’Ito 63

Remarque 1.2. (i) En prenant F (x, y) = xy dans la formule d’Ito, on retrouve la formule

d’integration par parties.

(ii) Il est clair que dans la preuve du theoreme precedent, on n’a pas besoin que F soit

C2 sur tout R

N . En e↵et, la formule d’Ito reste valable si (Xt) prend p.s. ses valeurs dans

un domaine ouvert convexe D ⇢ RN et si F : D ! R est de classe C

2.

(iii) Si X1, . . ., Xk sont des processus continus adaptes a variation finie et si Xk+1,

. . ., XN sont des semimartingales continues, alors la formule d’Ito reste valable pour F :

Rk⇥ R

N�k! R de classes C1,1,...,1,2,2,...,2.

(iv) On ecrira de temps en temps la formule d’Ito sous sa forme di↵erentielle

df(Xt) = f0(Xt) dXt +

1

2f00(Xt) dhXit. tu

Exemple 1.3. (Mouvement brownien multidimensionnel). Soit n � 1 un entier. Un

processus (Bt = (B(1)

t , . . . , B(n)

t ), t � 0) issu de 0 est un (Ft)-mouvement brownien a valeurs

dans Rd si B(1), . . ., B(n) sont des (Ft)-mouvements browniens independants. La plupart

des proprietes du mouvement brownien que l’on a etudiees jusqu’a maintenant peuvent etre

etendues en dimension quelconque. En particulier, la propriete de Markov forte reste vraie,

avec exactement la meme demonstration.

Lorsque n = 1, la formule d’Ito nous dit que pour f : R ! R de classe C2,

f(Bt) = f(0) +

Zt

0

f0(Bs) dBs +

1

2

Zt

0

f00(Bs) ds.

En prenant X1

t= t et X2

t= Bt, on a aussi pour toute fonction F : R

2! R de classe C

1,2,

F (t, Bt) = F (0, 0) +

Zt

0

@F

@x(s, Bs) dBs +

Zt

0

⇣@F

@t+

1

2

@2F

@x2

⌘(s, Bs) ds.

En particulier, si @F

@t+ 1

2

@2F

@x2 = 0, alors F (t, Bt) est une martingale locale. Ceci est le

cas par exemple pour F1(t, x) := x, F2(t, x) := x2� t ou F3(t, x) := x

3� 3tx. Plus

generalement, si Hm(x) := (�1)m ex2/2 d

dx(e�x

2/2) et Hm(x, t) := t

m/2Hm(

x

t1/2) (polynomes

d’Hermite “modifies”).

Pour n quelconque, comme hBi, B

ji = 0 (i 6= j ; rappelons que deux martingales locales

continues independantes sont necessairement orthogonales), la formule d’Ito confirme que

pour toute fonction F : Rn! R de classe C

2,

F (Bt) = F (B0) +nX

i=1

Zt

0

@F

@xi(Bs) dB

i

s+

1

2

Zt

0

�F (Bs) ds.

On a une formule analogue pour F (t, Bt).

64 Chapitre 6. Formule d’Ito et applications

2. Semimartingales exponentielles

Notre premiere application de la formule d’Ito porte sur l’etude des semimartingales

exponentielles.

Theoreme 2.1. Soit X une semimartingale continue. Il existe une unique semimartingale

continue Z telle que

(2.1) Zt = eX0 +

Zt

0

Zs dXs.

Cette unique solution est Z = E (X), ou

(2.2) E (X)t := exp⇣Xt �

1

2hXit

⌘.

Remarque 2.2. Comme pour la formule d’Ito, on ecrit souvent l’equation (2.1) sous sa

forme di↵erentielle (avec la condition initiale Z0 = eX0)

dZt = Zt dXt. tu

Preuve. Soit E (X) le processus defini dans (2.2). Par la formule d’Ito,

dE (X)t = E (X)t dXt �1

2E (X)t dhXit +

1

2E (X)t dhXit = E (X)t dXt.

Comme E (X)0 = eX0 , on voit que E (X) est une solution de (2.1).

Pour montrer l’unicite, on pose Yt := exp(�Xt+1

2hXit). Par la formule d’Ito, Y est une

semimartingale continue telle que

dYt = �Yt dXt +1

2Yt dhXit +

1

2Yt dhXit = �Yt dXt + Yt dhXit.

D’autre part, soit Z une semimartingale continue verifiant (2.1), alors par la formule d’inte-

gration par parties (qui est en fait un cas special de la formule d’Ito),

d(YtZt) = Yt dZt + Zt dYt + dhY, Zit

= YtZt dXt � ZtYt dXt + ZtYt dhXit � YtZt dhXit

= 0.

Donc YtZt = Y0Z0 = 1 ; autrement dit, Zt =1

Yt= E (X)t.

§2 Semimartingales exponentielles 65

Remarque 2.3. La preuve du theoreme precedent a ete ecrite sous forme di↵erentielle. On

remarque que ce qui justifie le passage du genre dYt = �Yt dXt + Yt dhXit ) Zt dYt =

�ZtYt dXt + ZtYt dhXit est l’associativite de l’integrale stochastique et de l’integrale de

Lebesgue.

On dit qu’un processus a valeurs dans C est une martingale locale continue si sa partie

reelle et sa partie imaginaire sont des martingales locales continues.

Proposition 2.4. Si M est une martingale locale continue, et si � 2 C, alors

E (�M)t := exp⇣�Mt �

�2

2hMit

⌘,

est une martingale locale continue.

Preuve. Voir TD.

Lorsque M est une martingale locale continue et � 2 C, E (�M) est appelee la martingale

locale exponentielle associee a M . Si M0 = 1 et � = 1, la martingale locale positive E (M)

est une surmartingale (proposition 2.3 du chapitre 4). Le lemme de Fatou permet de voir

que E[E (M)1] 1. En section 8, il sera tres important de savoir si E[E (M)1] = 1. [Si tel

est le cas, E (M) est une martingale uniformement integrable (voir TD du chapitre 3). ] Le

theoreme suivant, du a Novikov et Kazamaki, donne des conditions su�santes.

Theoreme 2.5. Soit L une martingale locale continue, nulle en 0. Alors (i) ) (ii) ) (iii) :

(i) (Novikov) E[e12 hLi1 ] < 1 ;

(ii) (Kazamaki) L est une martingale uniformement integrable, et E[e12 L1 ] < 1 ;

(iii) E[E (L)1] = 1 (donc E (L) est une martingale uniformement integrable).

Preuve. (i) ) (ii) Supposons E[e12 hLi1 ] < 1. Donc E(hLi1) < 1. Ceci implique que L est

une martingale continue satisfaisant E(supt�0

L2

t) < 1 ; en particulier, L est uniformement

integrable. On ecrit e12L1 =

pE (L)1

pe

12 hLi1 . Il resulte de l’inegalite de Cauchy–Schwarz

que

E[ e12L1 ]

pE[E (L)1]

qE[ e

12 hLi1 ].

Par le lemme de Fatou, E[E (L)1] 1. D’autre part, E[e12 hLi1 ] < 1. D’ou E[e

12L1 ] < 1.

66 Chapitre 6. Formule d’Ito et applications

(ii) ) (iii) On suppose maintenant que L est une martingale uniformement integrable

telle que E[e12L1 ] < 1. Dans ce cas, pour tout temps d’arret T , LT = E[L1 |FT ], et par

l’inegalite de Jensen (version conditionnelle),

e12 LT = e

12E[L1 |FT ]

E[ e12L1 |FT ].

Donc la famille de variables {e12LT , T temps d’arret} est uniformement integrable.

Soit maintenant a 2 ]0, 1[ , et soit Zt := ea

1+aLt . Alors

E (aL)t = eaLt�a2

2 hLit = ea2Lt�a2

2 hLit ea(1�a)Lt = [E (L)t]a2[Zt]

1�a2.

Soit T un temps d’arret, et soit A 2 F . Par l’inegalite de Holder, ceci implique que

E[1A E (aL)T ] {E[E (L)T ]}a2{E[1AZT ]}

1�a2.

L’inegalite de Jensen nous donne {E[1AZT ]}1�a2 {E[1AZ

(1+a)/(2a)

T]}2a(1�a) (car 1+a

2a> 1)

qui vaut {E[1Ae12 LT ]}2a(1�a). On arrive donc a

(2.3) E[1A E (aL)T ] {E[E (L)T ]}a2{E[1A e

12 LT ]}2a(1�a)

.

Puisque E (L)T est une surmartingale positive, E (L)T = limt!1 E (L)t^T existe, et par le

lemme de Fatou, E[E (L)T ] 1. Par consequent, E[1A E (aL)T ] {E[1A e12 LT ]}2a(1�a).

Comme {e12 LT , T temps d’arret} est uniformement integrable, c’est egalement le cas1 pour

{E (aL)T , T temps d’arret}.

Une martingale locale continue M est une martingale uniformement integrable si et seule-

ment si (MT 1{T<1}, T temps d’arret) est uniformement integrable (voir TD du chapitre 4).

Donc E (aL) est une martingale uniformement integrable. En particulier, E[E (aL)1] = 1.

Par (2.3) (avec T = 1 et A = ⌦), 1 = E[E (aL)1] {E[E (L)1]}a2{E[e

12 L1 ]}2a(1�a). Par

hypothese, E[e12 L1 ] est finie. En faisant a ! 1, on obtient alors E[E (L)1] � 1, et donc

necessairement E[E (L)1] = 1 (lemme de Fatou).

3. Caracterisation de Levy du mouvement brownien

On sait que si (X1, . . . , X

n) est un (Ft)-mouvement brownien a valeurs dans Rn, alors

hXi, X

jit = 1{i=j} t. Le theoreme suivant, du a Paul Levy, nous dit que la reciproque

est egalement vraie, ce qui fournit une caracterisation importante et simple du mouvement

brownien.

1Rappel (voir TD feuille #0) : Une famille de variables aleatoires reelles (⇠↵, ↵ 2 A) est uniformement

integrable si et seulement si sup↵2A E[ |⇠↵| ] < 1 et 8 " > 0, 9 � > 0, P(B) � ) sup↵2A E[ |⇠↵|1B ] ".

§3 Caracterisation de Levy du mouvement brownien 67

Theoreme 3.1. (Levy). Soient M1, . . ., Mn des martingales locales continues nulles en 0

telles que

hMi, M

jit = 1{i=j} t.

Alors (M1, . . . ,M

n) est un (Ft)-mouvement brownien a valeurs dans Rn.

En particulier, si M est une martingale locale continue nulle en 0 telle que hMit = t,

alors M est un (Ft)-mouvement brownien.

Preuve. Fixons ⇠ = (⇠1, . . . , ⇠n) 2 Rn, et soit Nt := ⇠ · Mt =

Pn

j=1⇠jM

j

t . Il s’agit d’une

martingale locale continue telle que

hNit =nX

j=1

nX

k=1

⇠j⇠khMj, M

kit =

nX

j=1

⇠2

jt = |⇠|

2t ,

ou |⇠| designe le module euclidien de ⇠. D’apres la proposition 2.4, E (iN)t = exp[i(⇠ ·Mt) +|⇠|22t] est une martingale locale (a valeurs dans C). Pour tout t > 0, sup

s2[0,t] |E (iN)t|

exp[ |⇠|2

2t] qui est integrable. Par la proposition 2.3 du chapitre 4, E (iN) est une (vraie)

martingale. En particulier, pour s < t, E[Nt |Fs] = Ns, et donc

E

hei(⇠·(Mt�Ms))

���Fs

i= exp

⇣�

|⇠|2

2(t� s)

⌘.

Soit A 2 Fs. Alors

E

h1A ei(⇠·(Mt�Ms))

i= P(A) exp

⇣�

|⇠|2

2(t� s)

⌘.

En prenant A = ⌦, on voit que Mt � Ms est un vecteur gaussien centre de covariance

(t� s)Id. De plus, fixons A 2 Fs tel que P(A) > 0, et notons PA(·) := P( · |A) la probabilite

conditionnelle sachant A. Soit EA l’esperance associee a PA. On voit que

EA

hei(⇠·(Mt�Ms))

i= exp

⇣�

|⇠|2

2(t� s)

⌘,

ce qui signifie que la loi conditionnelle deMt�Ms sachant A est aussi celle du vecteur gaussien

centre de covariance (t� s)Id. Donc pour toute fonction mesurable bornee f : Rn! R, on

a EA[f(Mt �Ms)] = E[f(Mt �Ms)] ; soit encore

E[1A f(Mt �Ms)] = P(A)E[f(Mt �Ms)].

Ceci etant vrai pour tout A 2 Fs, on deduit que Mt �Ms est independante de Fs.

68 Chapitre 6. Formule d’Ito et applications

Finalement, si 0 = t0 < t1 < · · · < tp, alors (Mk

ti�M

k

ti�1, 1 i p, 1 k n) est un

vecteur gaussien car obtenu en regroupant p vecteurs gaussiens independants. Les n vecteurs

aleatoires (Mk

ti�M

k

ti�1, 1 i p), pour 1 k n, sont independants, car orthogonaux (la

matrice de covariances etant diagonale). Ceci implique l’independance des processusM1, . . .,

Mn, qui sont des mouvements browniens et (Ft)-adaptes, et compte tenu de l’independance

entre Mt �Ms et Fs, on conclut que (M1, . . . ,M

n) est un (Ft)-mouvement brownien.

Exemple 3.2. Soit B un (Ft)-mouvement brownien, et soit �t :=R

t

0sgn(Bs) dBs, ou

sgn(x) := 1{x>0} � 1{x0} (donc sgn(0) = �1).

Comme sgn(Bs) est un processus progressif et localement borne, �t est bien defini, et est

une martingale locale continue. De plus, h�it =R

t

0(sgn(Bs))2 ds = t. D’apres le theoreme de

Levy, � est un (Ft)-mouvement brownien.

[Meme si cela depasse le cadre de notre cours, il est, en fait, possible de demontrer

que la filtration canonique F� du mouvement brownien � est identique a F

|B| (celle du

“mouvement brownien reflechi” |B|) ; elle est donc une sous-filtration stricte de FB (celle

de B).]

Exemple 3.3. Soit (X, Y ) un mouvement brownien a valeurs dans R2, issu de (0, 0), et soit

✓ 2 R. On pose

X✓

t:= Xt cos ✓ � Yt sin ✓, Y

t:= Xt sin ✓ + Yt cos ✓, t � 0.

Alors (X✓, Y

✓) est de nouveau un mouvement brownien a valeurs dans R2. En e↵et, X✓ et

Y✓ sont des martingales telles que hX

✓it = t = hY

✓it et hX✓

, Y✓it = 0. Le resultat decoule

alors du theoreme de Levy.

Plus generalement, si B est un mouvement brownien a valeurs dans Rn, et A est une

matrice orthogonale n⇥ n, alors AB := (ABt, t � 0) est un mouvement brownien a valeurs

dans Rn.

4. Theoreme de Dambis–Dubins–Schwarz

Le theoreme de Dambis–Dubins–Schwarz nous dit que toute martingale locale continue

peut s’ecrire comme mouvement brownien “change de temps”.

Theoreme 4.1. (Dambis–Dubins–Schwarz). Soit M une martingale locale continue

telle que M0 = 0. Il existe alors un mouvement brownien B tel que

Mt = BhMit .

§4 Theoreme de Dambis–Dubins–Schwarz 69

Preuve. On prouve le theoreme sous la condition supplementaire que hMi1 = 1 p.s.2 Pour

tout r � 0, on definit le temps d’arret

⌧r := inf{t � 0 : hMit > r}.

L’hypothese que hMi1 = 1 p.s. assure que p.s., ⌧r < 1 pour tout r. De plus, on voit

facilement que la fonction r 7! ⌧r est croissante et cadlag, avec

⌧r� := lims""r

⌧s = inf{t � 0 : hMit � r},

si r > 0 (il convient de faire un dessin ici). On pose

Br := M⌧r , r � 0.

Le processus B ainsi defini est adapte par rapport a la filtration Gr := F⌧r (rappelons que

HT 1{T<1} est FT -mesurable si H est progressif et T est un temps d’arret, voir le theoreme

2.5 du chapitre 3). On remarque aussi que la nouvelle filtration (Gr) est continue a droite et

complete, car si (Tn) est une suite de temps d’arret qui decroıt vers T et si (Ft) est continue

a droite, alors FT =T

nFTn (voir la proposition 2.3 (iii) du chapitre 3 ; rappelons que la

filtration (Ft) est continue a droite).

On montre maintenant que B est un processus continu. Il est clair qu’il est cadlag, car

M est continue et r 7! ⌧r est cadlag. Si l’on note Br� := lims""r Bs, alors Br� = M⌧r� . Donc

dire que Br 6= Br� equivaut a dire que ⌧r� < ⌧r et M⌧r� 6= M⌧r . Or, hMi⌧r� = r = hMi⌧r , on

a necessairement M⌧r� = M⌧r (car p.s. M et hMi ont les memes intervalles de constance ;

voir TD du chapitre 4). Par consequent, les trajectoires de B sont p.s. continues.

On verifie ensuite que (Bt, t � 0) et (B2

t� t, t � 0) sont des martingales par rapport a

la filtration (Gr). Soient t > s. Prenons n tel que n � t > s. Comme hM⌧ni1 = hMi⌧n = n,

M⌧n et (M ⌧n)2 � hM

⌧ni sont des martingales continues uniformement integrables. Par le

theoreme d’arret,

E[Bt |Gs ] = E[M ⌧n⌧t

|F⌧s ] = M⌧n⌧s

= Bs,

et

E[B2

t� t |Gs ] = E[ (M ⌧n

⌧t)2 � hM

⌧ni⌧t |F⌧s ] = (M ⌧n⌧s)2 � hM

⌧ni⌧s = B2

s� s.

2Strictement parlant, pour que l’enonce du theoreme de Dambis–Dubins–Schwarz soit tout a fait

rigoureux, il faut “elargir l’espace de probabilite”. On ne decrit pas cette procedure de l’elargissement

d’espace ici, car cela n’aura aucune influence sur les proprietes des martingales locales continues qui nous

interessent. Pour plus de details, voir par exemple le chapitre V du livre de Revuz et Yor (1999).

70 Chapitre 6. Formule d’Ito et applications

En particulier, B est une (Gr)-martingale continue telle que hBit = t. D’apres le theoreme

de Levy, B est un (Gr)-mouvement brownien.

Par definition de B, on a p.s. pour tout t, BhMit = M⌧hMit. Comme hMi est constant sur

l’intervalle [t, ⌧hMit ] (et vaut hMit sur cet intervalle), de nouveau grace au fait que p.s. M

et hMi ont les memes intervalles de constance, on a Mt = M⌧hMit, et donc BhMit = Mt.

Remarque 4.2. Dans le theoreme 4.1, le mouvement brownien B n’est pas adapte par

rapport a la filtration (Ft), mais par rapport a la filtration “changee de temps” (F⌧t).

Theoreme 4.3. (Knight). Soient M1, . . ., Mn des martingales locales continues nulles en

0. Si hM i, M

ji = 0, 8 i 6= j, alors il existe un mouvement brownien B a valeurs dans R

n

tel que pour tout i,

Mi

t= B

i

hM iit .

Preuve. Voir le chapitre V du livre de Revuz et Yor (1999).

Remarque 4.4. Dans le theoreme de Knight, on sait a priori par Dambis–Dubins–Schwarz

que pour chaque i, il existe un mouvement brownien unidimensionnel Bi tel queM i

t= B

i

hM iit .

Le theoreme de Knight consiste donc a dire que ces mouvements browniens B1, . . ., Bn sont

independants.

Exemple 4.5. Soit M une martingale locale continue, nulle en 0. Alors

(i) P [ limt!1 |Mt| = 1] = 0.

(ii) {limt!1 Mt existe (finie)} = {suptMt < 1 ou inft Mt > �1} = {hMi1 < 1}.

(iii) {hMi1 = 1} = {lim supt!1 Mt = 1, lim inft!1 Mt = �1}.

Preuve. (iii) Soit B un mouvement brownien tel que Mt = BhMit .

Puisque lim supt!1 Bt = 1 p.s. et lim inft!1 Bt = �1 p.s., on a {hMi1 = 1} ⇢

{lim supt!1 Mt = 1, lim inft!1 Mt = �1} p.s.

Reciproquement, si ! 2 {lim supt!1 Mt = 1, lim inft!1 Mt = �1}, alors hMi1 ne

peut etre fini, car sinon d’apres l’identite Mt = BhMit , limt!1 Mt existerait (finie ; elle

vaudrait BhMi1).

(ii) La negation de (iii) donne immediatement la seconde egalite. On a aussi prouve dans

(iii) que {hMi1 < 1} ⇢ {limt!1 Mt existe (finie)}.

Enfin, si ! 2 {limt!1 Mt existe (finie)}, alors on a trivialement suptMt < 1, et

inft Mt > �1.

(i) Sur {hMi1 = 1}, on a d’apres (iii), lim inft!1 |Mt| = 0, car t 7! Mt est continue.

D’autre part, si ! 2 {hMi1 < 1}, alors d’apres (ii), Mt converge.

§5 Exemple : Mouvement brownien multidimensionnel 71

5. Exemple : Mouvement brownien multidimensionnel

Dans cette section, on etudie, a l’aide de la formule d’Ito, quelques proprietes du mouve-

ment brownien multidimensionnel.

Exemple 5.1. (Points polaires du mouvement brownien plan). Soit (�, �) un mou-

vement brownien a valeurs dans R2, issu de (0, 0). On considere

Mt := e�t cos(�t), Nt := e�t sin(�t).

Par la formule d’Ito (remarquons que h�, �i = 0),

dMt = e�t cos(�t) d�t � e�t sin(�t) d�t +1

2e�t cos(�t) dt�

1

2e�t cos(�t) dt

= e�t cos(�t) d�t � e�t sin(�t) d�t.

Donc M est une martingale locale. De meme, N en est une, car dNt = e�t sin(�t) d�t +

e�t cos(�t) d�t.

Remarquons que dhMit = e2�t cos2(�t) dt+ e2�t sin2(�t) dt = e2�t dt = dhNit. D’ou

hMit = hNit =

Zt

0

e2�s ds.

On montre maintenant que hMi1 = hNi1 = 1 p.s. En e↵et, si ! 2 {hMi1 < 1}, alors

d’apres l’exemple 4.5, limt!1 Mt et limt!1 Nt existent et sont finies, ainsi que limt!1(M2

t+

N2

t). Or, M2

t+ N

2

t= e2�t qui ne peut avoir une limite quand t ! 1, ce qui montre que

hMi1 = 1 p.s. [Alternativement, on peut demontrer cette identite a l’aide de la propriete

de Markov forte, voir TD du chapitre 2.]

On s’interesse ensuite a hM, Ni. Comme

dhM, Nit = (e�t cos(�t))(e�t sin(�t)) dt� (e�t sin(�t))(e

�t cos(�t)) dt = 0,

et donc hM, Ni = 0, le theoreme de Knight nous dit qu’il existe un mouvement brownien

B a valeurs dans R2, tel que (remarquons que M0 = 1 et N0 = 0)

(Mt � 1, Nt) = BhMit ,

ou alors (Mt, Nt) = BhMit + (1, 0). Comme le module euclidien |(Mt, Nt)| = e�t ne s’annule

jamais, on conclut que BhMit ne visite jamais le point (�1, 0). Vu que t 7! hMit est continue,

et hMi1 = 1, on a demontre que le mouvement brownien B ne visite jamais le point (�1, 0).

72 Chapitre 6. Formule d’Ito et applications

Par rotation et scaling, pour tout a 2 R2\{0} fixe, avec probabilite 1, B ne visite jamais

le point a. Pour le cas a = 0, on a, par la propriete de Markov,

P[ 9 t > 0, Bt = 0 ] = limn!1

P[ 9 t �1

n, Bt = 0 ] = 0.

En conclusion, pour tout a 2 R2, P(9 t > 0, Bt = a) = 0. On dit que les points sont

polaires pour le mouvement brownien B.

A fortiori, si B est un mouvement brownien a valeurs dans Rn (n � 2), alors pour tout

a 2 Rn, P(9 t > 0, Bt = a) = 0.

Exemple 5.2. (Mouvement brownien dans l’espace). Soit B un mouvement brownien

a valeurs dans Rn, avec n � 3. On a limt!1 |Bt| = 1 p.s., et on dit que B est transient.

Il su�t de demontrer la transience pour n = 3, et on suppose sans perte de generalite

que B0 = a 6= 0. Considerons la semimartingale continue Xt := |Bt|2. Par la formule d’Ito,

Xt = X0 + 2P

3

i=1

Rt

0B

i

sdBi

s+ 3t. Comme X est p.s. a valeurs dans R⇤

+, on peut appliquer

la formule d’Ito a la fonction f : R⇤+! R definie par f(x) := x

�1/2 :

1pXt

=1

pX0

�1

2

Zt

0

1

X3/2

s

dXs +3

8

Zt

0

1

X5/2

s

dhXis

= martingale locale continue�3

2

Zt

0

1

X3/2

s

ds+3

2

Zt

0

1

X3/2

s

ds

= martingale locale continue.

Autrement dit, 1

|B| est une martingale locale continue, positive, issue de 1

|a| . D’apres la

proposition 2.3 du chapitre 4, 1

|B| est une surmartingale. On sait (corollaire 5.2 du chapitre

3) qu’une surmartingale positive et continue a droite admet toujours une limite finie p.s. :1

|Bt| ! ⇠ (disons).

Or, en considerant une seule composante de Bt, on sait que lim supt!1 |Bt| = 1 p.s. ;

donc ⇠ = 0 p.s. Autrement dit, |Bt| ! 1 p.s.

Aux TD, on verra que 1

|B| est une martingale locale continue uniformement integrable,

qui n’est pas une martingale.

Exemple 5.3. Soit B = (B1, . . . , B

n) un mouvement brownien a valeurs dans Rn (n � 2),

issu de x 6= 0. Par la formule d’Ito, d(|Bt|2) = 2

Pn

i=1B

i

tdBi

t+ n dt. Soit F : R

⇤+! R de

classe C2. Comme p.s. |Bt|

22 R

⇤+pour tout t, on a

dF (|Bt|2) = F

0(|Bt|2) d(|Bt|

2) +1

2F

00(|Bt|2) dh|B|

2it

= d(martingale locale continue) + nF0(|Bt|

2) dt+ 2F 00(|Bt|2) |Bt|

2 dt.

§6 Inegalites de Burkholder–Davis–Gundy 73

Donc F (|Bt|2) est une martingale locale continue si F 0(x) + 2

nxF

00(x) = 0, ce qui est le cas

pour F (x) := log(x) (n = 2) et pour F (x) := x1�(n/2) (n � 3).

Soient 0 < r < |x| < R. Pour a = r ou R, on pose

Ta := inf{t � 0 : |Bt| = a}.

On etudie d’abord la dimension n = 2. Alors t 7! log |Bt^Tr^TR | est une martingale locale

continue bornee, donc une (vraie) martingale uniformement integrable. Par le theoreme

d’arret, E[ log |BTr^TR | ] = log |x|. (Remarquons que TR < 1 p.s., car lim supt!1 |Bt| �

lim supt!1 |B

1

t| = 1 p.s.) Donc

log |x| = (log r)P[Tr < TR] + (logR)P[Tr > TR]

= (log r � logR)P[Tr < TR] + logR,

et par consequent

P[Tr < TR] =logR� log |x|

logR� log r, P[TR < Tr] =

log |x|� log r

logR� log r.

En faisant R ! 1, et comme TR ! 1, on obtient P[Tr < 1] = 1 pour tout r > 0. Donc

pour tout a 2 R2 et tout voisinage Va, le mouvement brownien plan visite p.s. Va infiniment

souvent.

Si n � 3, alors |Bt^Tr^TR |2�n est une martingale continue bornee. Par le theoreme d’arret,

|x|2�n = E[ |BTr^TR |

2�n ]. Donc

P[Tr < TR] =|x|

2�n�R

2�n

r2�n �R2�n, P[TR < Tr] =

r2�n

� |x|2�n

r2�n �R2�n.

En particulier, en faisant R ! 1, on obtient

P[Tr < 1] =⇣

r

|x|

⌘n�2

,

ce qui est en accord avec la transience de B.

6. Inegalites de Burkholder–Davis–Gundy

Les inegalites suivantes relient une martingale locale continue avec sa variation quadra-

tique. Pour tout processus X, on note X⇤t:= sup

s2[0, t] |Xs|.

74 Chapitre 6. Formule d’Ito et applications

Theoreme 6.1. (Burkholder–Davis–Gundy). Soit p > 0 un reel. Il existe des con-

stantes 0 < cp Cp < 1 telles que pour toute martingale locale continue M nulle en

0,

cp E[ hMip/2

1 ] E[ (M⇤1)p ] Cp E[ hMi

p/2

1 ].

Par consequent, pour tout temps d’arret T et toute martingale locale continue M nulle en 0,

cp E[ hMip/2

T] E[ (M⇤

T)p ] Cp E[ hMi

p/2

T].

La preuve du theoreme 6.1 s’appuie sur deux lemmes.

Lemme 6.2. Soit B un (Ft)-mouvement brownien issu de 0, et soit T un temps d’arret. Si

� > 1 et � > 0, alors pour tout x > 0,

P

hB

⇤T> �x,

p

T �x

i

�2

(� � 1)2P[B⇤

T� x],(6.1)

P

hpT > �x, B

⇤T �x

i

�2

�2 � 1P[p

T � x].(6.2)

Preuve du lemme 6.2. On commence par prouver (6.1). Soient

⌧1 := inf{t � 0 : |Bt| = x}, ⌧2 := inf{t � 0 : |Bt| = �x}.

Si ! 2 {B⇤T> �x,

pT �x}, alors ⌧1 ⌧2 T , et on a |B⌧1^T^�2x2 | = x et |B⌧2^T^�2x2 | =

�x, et donc |B⌧2^T^�2x2 � B⌧1^T^�2x2 | � (� � 1)x. Par l’inegalite de Markov,

P

hB

⇤T> �x,

p

T �x

i P

h|B⌧2^T^�2x2 � B⌧1^T^�2x2 | � (� � 1)x

i

1

(� � 1)2x2E

h ⇣B⌧2^T^�2x2 � B⌧1^T^�2x2

⌘2 i.

Si S1 S2 sont deux temps d’arret bornes, alors E[(BS2 � BS1)2] = E[S2 � S1] (voir TD du

chapitre 3). Par consequent,

P

hB

⇤T> �x,

p

T �x

i

1

(� � 1)2x2E

h(⌧2 ^ T ^ �

2x2)� (⌧1 ^ T ^ �

2x2)i

1

(� � 1)2x2�2x2P[⌧1 < T ]

�2

(� � 1)2P[B⇤

T� x],

§6 Inegalites de Burkholder–Davis–Gundy 75

ce qui implique (6.1).

Pour demontrer (6.2), on pose, pour �1 > �,

⌧1 := x2, ⌧2 := �

2x2, U := inf{t � 0 : |Bt| = �1x}.

Si ! 2 {pT > �x, B

⇤T

�x}, alors ⌧1 < ⌧2 T U , et on a ⌧1 ^ T ^ U = x2 et

⌧2 ^ T ^ U = �2x2, et donc (⌧2 ^ T ^ U)� (⌧1 ^ T ^ U) � (�2

� 1)x2. Par consequent,

P

hpT > �x, B

⇤T �x

i P

h(⌧2 ^ T ^ U)� (⌧1 ^ T ^ U) � (�2

� 1)x2

i

1

(�2 � 1)x2E

h(⌧2 ^ T ^ U)� (⌧1 ^ T ^ U)

i.

On utilise de nouveau l’identite E[S2�S1] = E[B2

S2�B

2

S1] (pour tous temps d’arret S1 S2

bornes) pour voir que le termes de droite est

=1

(�2 � 1)x2E

hB

2

⌧2^T^U � B2

⌧1^T^U

i

1

(�2 � 1)x2�2

1x2P

h⌧1 < (T ^ U)

i

�2

1

�2 � 1P[⌧1 < T ],

ce qui donne (6.2) car �1 peut etre aussi proche de � que possible.

Lemme 6.3. Supposons que ⇠ � 0 et ⌘ � 0 sont deux variables aleatoires telles que

(6.3) P[⇠ > 2x, ⌘ �x] �2P[⇠ � x], 8 � > 0, 8 x > 0.

Alors pour tout p > 0, il existe une constante c(p) 2 ]0,1[ ne dependant que de p, telle que

E(⇠p) c(p)E(⌘p).

Preuve du lemme 6.3. Sans perte de generalite, on suppose que ⇠ est une variable aleatoire

bornee (sinon, on remplace ⇠ par ⇠ ^ n qui verifie3 encore (6.3) pour tout n, et applique

convergence monotone).

On a E(⇠p) =R10

pyp�1

P[⇠ > y] dy = 2pR10

pxp�1

P[⇠ > 2x] dx. Par hypothese,

P[⇠ > 2x] �2P[⇠ � x] + P[⌘ > �x].

3L’inegalite (6.3) pour ⇠ ^ n est evidente si x n (car dans ce cas, P[(⇠ ^ n) � x] = P[⇠ � n]). Dans le

cas ou x > n, on a P[⇠ ^ n > 2x, ⌘ �x] = 0 ; l’inegalite reste alors trivialement valable.

76 Chapitre 6. Formule d’Ito et applications

Donc

E(⇠p) 2p�2Z 1

0

pxp�1

P[⇠ � x] dx+ 2pZ 1

0

pxp�1

P[⌘ > �x] dx

= 2p�2 E(⇠p) + 2p��pE(⌘p).

Il su�t alors de choisir � de sorte que 2p�2 = 1

2pour conclure.

Il est temps de prouver le theoreme 6.1.

Preuve du theoreme 6.1. Soit p > 0 et soit M une martingale locale continue nulle en 0.

D’apres le theoreme de Dambis–Dubins–Schwarz (theoreme 4.1), il existe un mouvement

brownien B tel que Mt = BhMit . De plus, B est un (Gr)-mouvement brownien pour une

nouvelle filtration (Gr) qui est continue a droite et complete, et pour tout t, hMit est un

(Gr)-temps d’arret (car pour tout r � 0, {hMit r} = {⌧r � t} 2 F⌧r = Gr). D’apres

le lemme 6.2, l’inegalite (6.3) est satisfaite par les couples de variables aleatoires4 (⇠, ⌘) :=

(B⇤hMi1 ,

phMi1 ) et (⇠, ⌘) := (

phMi1 , B

⇤hMi1). Il resulte donc du lemme 6.3 que

E[(B⇤hMi1)p] c(p)E[hMi

p/2

1 ], E[hMip/2

1 ] c(p)E[(B⇤hMi1)p].

Il su�t alors de remarquer que B⇤hMi1 = M

⇤1.

Exemple 6.4. Soit M une martingale locale continue nulle en 0. Par les inegalites de

Burkholder–Davis–Gundy, E[hMi1] < 1 si et seulement si E[(M⇤1)2] < 1, donc si et

seulement si M est une martingale continue satisfaisant E(supt�0

M2

t) < 1.

Exemple 6.5. (Identites de Wald). Soit B un (Ft)-mouvement brownien issu de 0, et

soit T un temps d’arret.

On a vu dans l’exemple 6.1 du chapitre 3 que si E(T ) < 1, alors E(BT ) = 0 et E(B2

T) =

E(T ). On revoit maintenant ces resultats.

Supposons que E(pT ) < 1. L’inegalite de Burkholder–Davis–Gundy nous dit que

E(B⇤T) < 1. En particulier, BT est une martingale continue uniformement integrable. Le

theoreme d’arret confirme donc que E(BT ) = E(B0) = 0.

Si E(T ) < 1, alors de nouveau par l’inegalite de Burkholder–Davis–Gundy, E[(B⇤T)2] est

finie. Donc BT2 H

2 ; et (B2

t^T � (t ^ T ), t � 0) est une martingale continue uniformement

integrable. Le theoreme d’arret donne alors E(B2

T) = E(T ).

4En remarquant que hMi1 est un (Gr)-temps d’arret, etant supremum de (Gr)-temps d’arret.

§7 Martingales de la filtration brownienne 77

7.Martingales de la filtration brownienne

On montre dans cette section que dans le cas ou la filtration sur ⌦ est engendree par

un mouvement brownien, alors toutes les martingales peuvent etre representees comme

integrales stochastiques par rapport a ce mouvement brownien.

Durant toute cette section, B est un mouvement brownien issu de 0 defini sur un espace

complet (⌦,F ,P), et on prend la filtration

(7.1) (Ft) := (augmentation habituelle de la) filtration canonique de B.

En accord avec les notations du chapitre precedent, on note L2(B) := L2(R+⇥⌦,P, dP ds),

l’espace des processus progressifs H tels que E[R10

H2

sds] < 1, et L

2

loc(B) l’espace des

processus progressifs H tels que pour tout t � 0,R

t

0H

2

sds < 1 p.s.

Pour tout H 2 L2(B), (Mt :=

Rt

0Hs dBs, t � 0) est une martingale continue satisfaisant

E(supt�0

M2

t) < 1 (car E(hMi1) < 1). En particulier, ((

Rt

0Hs dBs)2�

Rt

0H

2

sds, t � 0) est

une martingale uniformement integrable.

Theoreme 7.1. Sous l’hypothese (7.1), pour toute martingale locale continue M , il existe

un unique processus H 2 L2

loc(B) et une constante c 2 R tels que

Mt = c+

Zt

0

Hs dBs.

Si en plus M est une martingale continue satisfaisant E(supt�0

M2

t) < 1, alors H 2 L

2(B).

La preuve du theoreme 7.1, qui s’appuie sur deux lemmes, ne fait pas partie du programme

de l’examen.

Lemme 7.2. Sous l’hypothese (7.1), l’espace vectoriel engendre par les variables aleatoires exp[Pn

j=1 aj(Btj �Btj�1 )], pour

0 = t0 < t1 < · · · < tn et (a1, . . . , an) 2 Rn, est dense dans L

2(⌦, F1, P).

Preuve du lemme 7.2. Soit Z 2 L2(⌦, F1, P) tel que

E

hZ exp

⇣ nX

j=1

aj(Btj �Btj�1 )

⌘i= 0,

pour tous 0 = t0 < t1 < · · · < tn et (a1, . . . , an) 2 Rn. Il s’agit de montrer que Z = 0.

Fixons (z2, . . . , zn) 2 Rn�1

, et considerons la fonction

'(z1) := E

hZ exp

⇣ nX

j=1

zj(Btj �Btj�1 )

⌘i, z1 2 C.

78 Chapitre 6. Formule d’Ito et applications

Par convergence dominee, il s’agit d’une fonction holomorphe ( = analytique = entiere) sur C, qui s’annule sur R. Elle est donc

nulle partout. On itere l’argument pour voir que E[Z exp(Pn

j=1 zj(Btj �Btj�1 ))] = 0, 8 (z1, . . . , zn) 2 Cn. En particulier,

(7.2) E

hZ exp

⇣i

nX

j=1

aj(Btj �Btj�1 )

⌘i= 0,

pour tous 0 = t0 < t1 < · · · < tn et (a1, . . . , an) 2 Rn.

Supposons que P(Z 6= 0) > 0. Comme E(Z) = 0, on a E(Z+) = E(Z

�) 2 ]0, 1[ . Soient µ

+et µ

�la mesure image sur R

n

de la mesureZ+

E(Z+)• P et de

Z�

E(Z�)• P, respectivement, par l’application mesurable � : (⌦, F1) ! (R

n, B(R

n)) definie par

�(!) := (Bt1 (!)�Bt0 (!), . . . , Btn (!)�Btn�1 (!)). Alors pour tout (a1, . . . , an) 2 Rn,

Z

Rnexp(i

nX

j=1

ajxj)µ+(dx)�

Z

Rnexp(i

nX

j=1

ajxj)µ�(dx)

= E

hZ

+

E(Z+)exp(i

nX

j=1

aj(Btj �Btj�1 ))

i� E

hZ

E(Z�)exp(i

nX

j=1

aj(Btj �Btj�1 ))

i

=1

E(Z+)E

hZ exp(i

nX

j=1

aj(Btj �Btj�1 ))

i= 0.

Donc µ+

= µ�

sur (Rn, B(R

n)), ayant la meme transformee de Fourier. Soit f : R

n ! R mesurable bornee. On a

0 =

Z

Rnf(x)µ

+(dx)�

Z

Rnf(x)µ

�(dx) =

1

E(Z+)E

hf(Bt1 �Bt0 , . . . , Btn �Btn�1 )Z

i.

Donc E(Z 1A) = 0 pour tout A 2 �(Bt1 �Bt0 , . . . , Btn �Btn�1 ) = �(Bt1 , . . . , Btn ). Par classe monotone, E(Z 1A) = 0 pour

tout A 2 F1. Soient A1 := {Z > 0} 2 F1, A2 := {Z < 0} 2 F1. On a 0 = E[Z 1A1 ]� E[Z 1A2 ] = E[ |Z| ]. D’ou Z = 0.

Lemme 7.3. Sous l’hypothese (7.1), si ⇠ 2 L2(⌦, F1, P), il existe un unique processus H 2 L

2(B) tel que

(7.3) ⇠ = E(⇠) +

Z 1

0Hs dBs.

Preuve du lemme 7.3. (Unicite) Si H et eH correspondent a la meme variable aleatoire ⇠, alors comme E[R10 H

2s ds] < 1 et

E[R10

eH2s ds] < 1, (

R t0 Hs dBs, t � 0) et (

R t0

eHs dBs, t � 0) sont des martingales continues bornees dans L2, et on a

E

h Z 1

0(Hs � eHs)

2ds

i= E

h ⇣ Z 1

0Hs dBs �

Z 1

0

eHs dBs

⌘2 i= 0,

c’est-a-dire H = eH (a indistinguabilite pres).

(Existence) Soit H l’espace vectoriel des variables aleatoires ⇠ 2 L2(⌦, F1, P) qui verifient (7.3). Pour tout ⇠ 2 H ,

on a E[⇠2] = (E⇠)

2+ E[

R10 H

2s ds]. Donc si (⇠n) est une suite dans H qui converge dans L

2(⌦, F1, P) vers ⇠, alors les

processus Hn

associes a ⇠n forment une suite de Cauchy dans L2(B), et donc convergent vers disons H 2 L

2(B). On aR1

0 Hns dBs !

R10 Hs dBs dans L

2(⌦, F1, P) car E[(

R10 (Hs�H

ns ) dBs)

2] = E[

R10 (Hs�H

ns )

2ds] ! 0 (en e↵et, il s’agit de la

propriete d’isometrie de l’integrale stochastique que l’on a decouverte dans le chapitre precedent !). Donc, ⇠ = E(⇠)+R10 Hs dBs.

Par consequent, H est ferme.

Soient 0 = t0 < t1 < · · · < tn et (a1, . . . , an) 2 Rn. Pour simplifier l’ecriture, on note f(s) :=

Pnj=1 aj 1 ]tj�1,tj ](s), et

Nt := E (R ·0 f(s) dBs)t, la martingale exponentielle de f ·B. Comme

R10 f(s) dBs =

Pnj=1 aj(Btj �Btj�1 ) et h

R ·0 f(s) dBsi1 =Pn

j=1 a2j (tj � tj�1), on a, d’apres le theoreme 2.1,

exp

h nX

j=1

aj(Btj �Btj�1 )�1

2

nX

j=1

a2j (tj � tj�1)

i= N1 = 1 +

Z 1

0Nsf(s) dBs.

Donc les variables de la forme exp[Pn

j=1 aj(Btj � Btj�1 )] sont dans H . D’apres le lemme 7.2, les variables de ce type sont

denses dans L2(⌦, F1, P). On conclut alors que H = L

2(⌦, F1, P).

§8 Theoreme de Girsanov 79

Il est maintenant temps de prouver le theoreme 7.1.

Preuve du theoreme 7.1. Supposons d’abord que M est une martingale continue satisfaisant E(supt�0 M2t ) < 1. Comme

M1 2 L2(⌦, F1, P), le lemme 7.3 nous dit qu’il existe H 2 L

2(B) tel que

M1 = E(M1) +

Z 1

0Hs dBs.

Il en decoule que

Mt = E[M1 |Ft] = E(M1) +

Z t

0Hs dBs.

L’unicite est une consequence de l’unicite dans le lemme 7.3.

Soit maintenant M une martingale locale continue. On a d’abord M0 := c 2 R, car la tribu F0 est triviale (loi 0–1 de

Blumenthal, voir le theoreme 2.3 du chapitre 2). Soit Tn := inf{t � 0 : |Mt| � n}. Comme MTn est une martingale continue

bornee (par n _ |c|), il existe Hn 2 L

2(B) tel que

(7.4) MTnt = c+

Z t

0H

ns dBs, 8t � 0.

Par unicite, si n < m, alors Hns = H

ms pour dP ds-presque tout (!, s) 2 ⌦ ⇥ [0, Tn]. On peut donc definir (de facon unique)

un processus H 2 L2loc(B) tel que pour tout n, Hs = H

ns pour dP ds-presque tout (!, s) 2 ⌦⇥ [0, Tn], et donc

MTnt = c+

Z t^Tn

0Hs dBs.

Par consequent, Mt = c+R t0 Hs dBs.

(Unicite) Si H et eH sont des elements de L2loc(B) satisfaisant les proprietes du theoreme, alors d’apres l’unicite dans (7.4),

Hns = eHn

s pour dP ds-presque tout (!, s) 2 ⌦⇥ [0, Tn]. En faisant n ! 1, on voit que H et eH sont indistinguables.

8. Theoreme de Girsanov

On se met dans un espace de probabilite filtre (⌦,F , (Ft),P) dont la filtration est con-

tinue a droite et complete.5 Notre objectif est d’etudier comment les notions de martin-

gales/semimartingales se transforment lorsque l’on remplace la probabilite P par une prob-

abilite Q qui est absolument continue par rapport a P.

Commencons par une remarque que l’on a vue aux TD du chapitre 3. Si D est une

surmartingale positive continue telle que E(D1) = E(D0), alors elle est une martingale

uniformement integrable. En particulier, si D est une surmartingale telle que E(Dt) = E(D0)

pour tout t � 0, alors elle est une martingale.

Theoreme 8.1. (Girsanov). Soit (Lt, t � 0) une martingale locale continue telle que

L0 = 0 et que E(E (L)1) = 1. Supposons que Q est une mesure de probabilite sur (⌦, F1)

telle que Q = E (L)1 • P. Alors pour toute P-martingale locale continue M , le processus

M � hM, Li est une Q-martingale locale continue.

5Strictement parlant, pour eviter des problemes lies a la continuite des trajectoires, et surtout pour

s’assurer l’existence de la mesure de probabilite Q dans le theoreme 8.2, il faut se placer dans l’espace

canonique du mouvement brownien. Voir la proposition VIII.1.3 dans le livre de Revuz et Yor.

80 Chapitre 6. Formule d’Ito et applications

Preuve. Posons Dt := E (L)t = exp(Lt �1

2hLit), t � 0.

Premiere etape. Montrons que pour tout temps d’arret T , on a

DT =dQ|FT

dP|FT

.

En e↵et, pour tout A 2 FT , on a,6

Q(A) = EQ[1A] = E[1AD1] = E[1A E(D1 |FT )].

qui vaut E[1A DT ] par le theoreme d’arret. Puisque DT est FT -mesurable, on voit que

DT =dQ|FTdP|FT

.

Deuxieme etape. Soit T un temps d’arret, et soit X un processus continu adapte. Mon-

trons que si (XD)T est une P-martingale, alors XT est une Q-martingale.

En e↵et, d’apres l’etape precedente, EQ[ |XT^t| ] = E[ |XT^tDT^t| ] < 1, donc XT

t2

L1(Q) pour tout t. Soient 0 s t et A 2 Fs. Puisque (XD)T est une P-martingale et

A \ {T > s} 2 Fs,

E[1A\{T>s}XT^tDT^t ] = E[1A\{T>s}XT^sDT^s ].

Comme DT^t =dQ|FT^tdP|FT^t

et DT^s =dQ|FT^sdP|FT^s

(par l’etape precedente), et7 A \ {T > s} 2

FT^s ⇢ FT^t, ceci signifie que

EQ[1A\{T>s}XT^t ] = EQ[1A\{T>s}XT^s ].

D’autre part, EQ[1A\{Ts}XT^t ] = EQ[1A\{Ts}XT ] = EQ[1A\{Ts}XT^s ] ; on obtient donc

que EQ[1AXT^t ] = EQ[1AXT^s ]. Par consequent, XT est une Q-martingale.

Troisieme et derniere etape. D’apres l’etape precedente, si XD est une P-martingale

locale continue avec X0 = 0 p.s., alors X est une Q-martingale locale continue.

Soit M une P-martingale locale continue. Sans perte de generalite, on suppose que

M0 = 0 p.s. Posons fM := M � hM, Li.

Par la formule d’Ito (ou plus precisement, integration par parties),

fMtDt = M0 +

Zt

0

fMs dDs +

Zt

0

Ds dfMs + hfM,Dit

= M0 +

Zt

0

fMs dDs +

Zt

0

Ds dMs �

Zt

0

Ds dhM,Lis + hM,Dit

= M0 +

Zt

0

fMs dDs +

Zt

0

Ds dMs,

6Notation : on ecrit EQ pour integration par rapport a Q.

7On voit facilement que A \ {T > s} 2 FT car, pour tout u, (A \ {T > s}) \ {T u} est un element de

Fu si u � s, et est vide si u < s.

§8 Theoreme de Girsanov 81

car Ds dhM,Lis = dhM,Dis d’apres la definition de D. Donc fMD est une P-martingale

locale continue. Par ce qui est prouve dans l’etape precedente et resumee au debut de la

presente etape, fM est une Q-martingale locale.

On utilise souvent la version suivante du theoreme de Girsanov.

Theoreme 8.2. (Girsanov). Soit (Lt, t � 0) une martingale locale continue telle que

L0 = 0 et que E(E (L)t) = 1 pour tout t � 0. Soit Q une mesure de probabilite sur (⌦, F1)

telle que Q|Ft= E (L)t • P|Ft

pour tout reel t � 0. Alors pour toute P-martingale locale

continue M , le processus M � hM, Li est une Q-martingale locale continue.

Remarque 8.3. (i) Dans le theoreme 8.1, Q ⌧ P sur F1, et Q ⇠ P sur Ft pour tout t � 0

reel. Dans le theoreme 8.2, Q ⇠ P sur Ft pour tout t � 0 reel.

(ii) Le theoreme de Girsanov nous confirme qu’une P-semimartingale continue reste une

Q-semimartingale continue, et on a la decomposition canonique : si X = X0+M+V est une

P-semimartingale continue, alorsX = X0+fM+eV , avec fM := M�hM,Li et eV := V +hM,Li,

est la decomposition canonique de X en tant que Q-semimartingale continue.

(iii) La variation quadratique de fM sous Q est egale a hMi, car un resultat etabli p.s. ou

en probabilite sur Ft sous P reste valable sous Q.

(iv) Si M = B est un (Ft,P)-mouvement brownien, alors eB := B � hB,Li est une

(Ft,Q)-martingale locale continue, telle que h eBit = hBit = t. Le theoreme de Levy nous dit

alors que eB est un (Ft)-mouvement brownien sous Q.

Si B est un mouvement brownien et si � 2 R est un reel, on appelle (Bt + �t, t � 0) le

mouvement brownien avec drift, de coe�cient de drift �. En pratique, on se sert du theoreme

de Girsanov pour eliminer le drift qui pose des di�cultes techniques.

Exemple 8.4. (Formule de Cameron–Martin). Soit h : R+ ! R une fonction mesurable

telle que 8 t,R

t

0h2(s) ds < 1. On pose Lt :=

Rt

0h(s) dBs. D’apres le theoreme 2.5, E (L) est

une (vraie) martingale continue.

Soit Q la probabilite sur F1 telle que pour tout t, Q|Ft= E (L)t • P|Ft

, 8t � 0. Le

theoreme de Girsanov nous dit que pour tout t � 0, (Bs �R

s

0h(u) du, s 2 [0, t]) est un

Q-mouvement brownien. Donc (Bs �R

s

0h(u) du, s � 0) est un Q-mouvement brownien.

En particulier, si h(t) = � 2 R, alors Q|Ft= e�Bt� �2

2 t•P|Ft

pour tout t � 0. Le processus

(Bt � �t, t � 0) est un Q-mouvement brownien, et B sous Q est un mouvement brownien

avec drift �.

82 Chapitre 6. Formule d’Ito et applications

On s’interesse a Ta := inf{t � 0 : Bt = a} quand h(t) = �. Pour tout t > 0,

Q[Ta t] = P

h1{Tat} e

�Bt� �2

2 t

i= P

h1{Tat} E

⇣e�Bt� �2

2 t

���FTa^t

⌘ i.

Comme (e�Bs� �2

2 s, s � 0) est une P-martingale, le theoreme d’arret (pour les temps d’arret

bornes) nous dit alors que

(8.1) Q[Ta t] = E

h1{Tat} e

�BTa^t� �2

2 (Ta^t)i= E

h1{Tat} e

�a� �2

2 Ta

i.

Or, on a vu dans l’exemple 2.16 du chapitre 2 que sous P, Ta a la meme loi que a2

B21, et que

la densite vaut fTa(s) =|a|p2⇡s3

exp(�a2

2s)1{s>0}. Donc

Q[Ta t] =

Zt

0

|a|p2⇡s3

exp⇣�a�

�2s

2�

a2

2s

⌘ds.

On ecrit maintenant tout pour le mouvement brownien avec drift Bt + �t : la variable

aleatoire T(�)

a := inf{t � 0 : Bt + �t = a} a pour densite

(8.2) P(T (�)

a2 dt) =

|a|p2⇡t3

exp⇣�

(a� �t)2

2t

⌘1{t>0} dt.

En faisant t ! 1 dans (8.1), on obtient

P(T (�)

a< 1) = E

h1{Ta<1} e

�a� �2

2 Ta

i= e�a�|�a|

,

ou la derniere identite provient de l’exemple 6.2 du chapitre 3. Par consequent, le mouvement

brownien avec drift Bt + �t (� 6= 0) atteint le niveau a (a 6= 0) avec probabilite 1 si et

seulement si a et � sont de meme signe. Dans le cas contraire, la probabilite en question

vaut e2�a, ce que l’on a vu aux TD du chapitre 3.

Si �a > 0, la loi de probabilite dans (8.2) porte dans la litterature le nom de la loi

gaussienne inverse.