16
Chapitre 8 Fonctions de variables complexes, applications 8.1 Calcul d’int´ egrales, de transform´ ees de Fourier, de sommes etc 8.1.1 Calcul pratique des r´ esidus Par d´ efinition, le r´ esidu Res (f,z 0 ) d’une fonction en z 0 est le coecient a -1 de son d´ eveloppement de Laurent au voisinage de z 0 . Si f a un pˆ ole simple en z 0 Res (f,z 0 ) = lim z!z 0 (z - z 0 )f (z ) et cette formule se g´ en´ eralise au cas o` u le pˆ ole est d’ordre m, comme on s’en convainc ais´ ement Res (f,z 0 ) = lim z!z 0 1 (m - 1)! d m-1 dz m-1 ((z - z 0 ) m f (z )) . (8.1) Si f est une fraction rationnelle P (z )/Q(z ), avec un pˆ ole simple en z 0 , z´ ero simple de Q, il peut ˆ etre plus ais´ e de faire appel `a la r` egle de L’Hospital Res P Q ,z 0 = P (z 0 ) Q 0 (z 0 ) . 8.1.2 Lemmes de Jordan Introduisons des notations commodes : soit S (1 , 2 ) le secteur du plan complexe {z = re i,r> 0, 0 1 2 } ; et γ (r; 1 , 2 ) l’arc de cercle |z | = r dans S (1 , 2 ). 7 janvier 2013 J.-B. Z L3 FIP 2012

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Chapitre 8

Fonctions de variables complexes,

applications

8.1 Calcul d’integrales, de transformees de Fourier, de

sommes etc

8.1.1 Calcul pratique des residus

Par definition, le residu Res (f, z0

) d’une fonction en z0

est le coe�cient a�1

de son developpement

de Laurent au voisinage de z0

. Si f a un pole simple en z0

Res (f, z0

) = limz!z

0

(z � z0

)f(z)

et cette formule se generalise au cas ou le pole est d’ordre m, comme on s’en convainc aisement

Res (f, z0

) = limz!z

0

1

(m� 1)!

dm�1

dzm�1

((z � z0

)mf(z)) . (8.1)

Si f est une fraction rationnelle P (z)/Q(z), avec un pole simple en z0

, zero simple de Q, il

peut etre plus aise de faire appel a la regle de L’Hospital

Res

✓P

Q, z

0

◆=

P (z0

)

Q0(z0

).

8.1.2 Lemmes de Jordan

Introduisons des notations commodes :

soit S(✓1

, ✓2

) le secteur du plan complexe {z = rei✓, r > 0, 0 ✓1

✓ ✓2

} ; et �(r; ✓1

, ✓2

)

l’arc de cercle |z| = r dans S(✓1

, ✓2

).

7 janvier 2013 J.-B. Z L3 FIP 2012

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148 Chap.8. Fonctions de variables complexes, applications

Lemmes de Jordan : Soit f une fonction continue f : S(✓1

, ✓2

) ! C.

1. Si zf(z) tend uniformement vers 0 sur l’arc �(r; ✓1

, ✓2

), ✓2

2⇡, quand r ! 0, resp. r !1,

alors

limr!0

+

resp.r!+1

Z�(r;✓

1

,✓

2

)

f(z)dz = 0 ; (8.2)

2. Si f(z) tend uniformement vers 0 sur l’arc �(r; ✓1

, ✓2

), ✓2

⇡, quand r !1, alors

limr!1

Z�(r;✓

1

,✓

2

)

eizf(z)dz = 0 ; (8.3)

Preuve du 2eme lemme : on prend le secteur S(0, ⇡) (qui est le cas le plus defavorable). Comme |eiz| =|eire

i✓ | = e�r sin ✓, avec sin ✓ � 0 avec l’hypothese sur le secteur, on peut majorer�����Z

�(r;0,⇡)

eizf(z)dz

����� Z

0

|f(rei✓)re�r sin ✓d✓ Z

⇡/2

0

⇣|f(rei✓)| + |f((rei(⇡�✓))|

⌘re�r sin ✓d✓ .

Comme f ! 0 uniformement a l’infini, 8✏ > 0, 9R tel que 8r > R 8✓ 2 [0, ⇡], |f(rei✓)| ✏. Donc pour r > R�����Z

�(r;0,⇡)

eizf(z)dz

����� 2✏

Z⇡/2

0

re�r sin ✓d✓

Mais si 0 ✓ ⇡/2, 0 2✓/⇡ sin ✓ comme on s’en convainc immediatement. DoncZ⇡/2

0

re�r sin ✓d✓ Z

⇡/2

0

re�2r✓/⇡d✓ =⇡

2(1� e�r) <

2,

d’ou il decoule que pour tout r � R,���R

�(r;0,⇡)

eizf(z)dz��� ⇡✏, arbitrairement petit, q.e.d.

La preuve du premier lemme, plus facile, est laissee en exercice. Voir aussi TD.

8.1.3 Integrales sur l’axe reel

Considerons l’integrale sur l’axe reel d’une fraction rationnelle I =R1�1

P (x)

Q(x)

dx. On suppose

que Q n’a pas de racine reelle. L’integrale converge a l’infini si deg Q � deg P + 2, ce que nous

supposerons. Procedons selon les etapes suivantes :

– n considere l’integraleR

R

�R

P (x)

Q(x)

dx qui converge vers I quand R !1 ;

– on la remplace par l’integrale sur le contour RïR , ou la contribution du cercle

tend vers zero quand R !1, par le lemme de Jordan 1 ;

– le theoreme des residus nous donne alors

I = 2⇡iX

zeros z

j

de Q dans

demi-plan superieur

Res (P/Q, zj

)

J.-B. Z L3 FIP 2012 7 janvier 2013

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§ 8.1. Calcul d’integrales, de transformees de Fourier, de sommes etc 149

On aurait pu aussi refermer le contour dans le demi-plan inferieur, mais attention au signe ! (le

contour est alors oriente negativement). Donc aussi bien : I = �2⇡iP

zeros z

j

de Q dans

demi-plan inferieur

Res (P/Q, zj

).

Question : que vaut dans ce cas le residu a l’infini de P/Q ?

Nous rencontrerons beaucoup d’autres exemples de ce genre de calculs dans la suite.

8.1.4 Integrales de fractions rationnelles trigonometriques

Considerons l’integrale

I =

Z2⇡

0

dt

a + sin t

avec a reel > 1. On ecrit sin t = (eit � e�it)/2i et on recrit cette integrale en termes de z = eit

sur le cercle unite. Il vient

I =

I0

2dz

z2 + 2iaz � 1=

I0

2dz

(z � z+

)(z � z�)= 2⇡i Res

✓2

(z � z+

)(z � z�), z

+

◆= 2⇡i

2

z+

� z�

ou z± = �ia± ip

a2 � 1 sont les deux poles, z+

etant le seul a l’interieur du cercle. Finalement

I = 2⇡pa

2�1

(qui est positif comme il se doit !).

La meme methode s’applique a toute integraleR

2⇡

0

R(cos t, sin t) dt ou R est une fraction

rationnelle.

8.1.5 Transformees de Fourier

On s’interesse a une integrale de la forme

I =

Z 1

�1f(x)eikxdx k 2 R

qui est la transformee de Fourier de f . On va a nouveau remplacer cette integrale sur l’axe reel

par une integrale de contour dans le demi-plan superieur ou inferieur, selon que le signe de k

est > 0 ou < 0. En e↵et quand |z| ! 1, eikzf(z) tend vers zero si <e ikz < 0 et si f(z) croıt

moins vite qu’une exponentielle (par exemple polynomialement) ; pour cela, si k > 0, il faut que

=m z > 0. On peut alors appliquer le 2eme lemme de Jordan, remplacer I par l’integrale sur le

contour RïR et utiliser le theoreme des residus. A l’inverse si k < 0, il faut refermer

le contour dans le demi-plan inferieur (en n’omettant pas le signe venant de l’orientation du

contour !).

Prenons comme exemple le cas de la fonction “lorentzienne” rencontree aux chap. 4 et 5,

f(x) = 1

x

2

+a

2

, a 2 R, a > 0. La fonction f(z) = (z2 + a2)�1 a deux poles en ±ia de residus

7 janvier 2013 J.-B. Z L3 FIP 2012

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150 Chap.8. Fonctions de variables complexes, applications

respectifs ± 1

2ia

. Selon la discussion precedente

Z 1

�1

1

x2 + a2

eikxdx =

8<:2⇡i Res (f(z)eikz, ia) = ⇡

a

e�ka si k > 0

�2⇡i Res (f(z)eikz,�ia) = ⇡

a

eka si k < 0

ce que l’on regroupe en une formule uniqueZ 1

�1

1

x2 + a2

eikxdx =⇡

ae�|k|a (8.4)

en accord avec un resultat annonce au § 4.2.1.

Notons qu’en prenant la partie reelle de I, nous obtenons une autre integrale non triviale

I =R1�1

1

x

2

+a

2

cos kx dx = ⇡

a

e�|k|a.

8.1.6 Sommes infinies

Notons en preambule que cos ⇡z est une fonction entiere, que sin ⇡z a des zeros en z = n 2 Z,

et que cotan ⇡z = cos ⇡z/ sin ⇡z n’a que des poles de residu 1/⇡ en ces memes z = n.

Considerons alors la serie

S =Xn2Z

f(n)

ou f est une fonction meromorphe qui n’a pas de pole reel et qui tend su�samment vite vers

zero a l’infini pour assurer la convergence. On peut ecrire f(n) = Res (⇡f(z)cotan ⇡z, n) et

la somme S, limitee d’abord a �N n N , peut etre vue comme venant de l’integrale de1

2i

f(z)cotan ⇡z sur l’un des contours successifs figures ici

ïN N

ou la contribution des deux demi-cercles tend vers zero quand N !1 (Jordan 1 !) ; a la limite,

le dernier contour entoure les poles de f(z) en dehors de l’axe reel dans le sens negatif. Donc

S = �X

poles z

j

de f

en dehors de l’axe reel

Res (⇡f(z)cotan ⇡z, zj

) .

J.-B. Z L3 FIP 2012 7 janvier 2013

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§ 8.1. Calcul d’integrales, de transformees de Fourier, de sommes etc 151

Exemple. S =P

n2Z1

n

2

+a

2

avec a > 0. Les poles non reels de ⇡

z

2

+a

2

cotan ⇡z sont en z = ±ia

et ont pour residu � ⇡

2a

coth ⇡a. Finalement S = ⇡

a

coth ⇡a. On verifie que quand a ! 0,

S ⇠ 1/a2 comme attendu. Exercice : dans la limite a ! 0, soustraire le terme n = 0 et verifier

que l’on retrouve l’expression bien connueP

n�1

1

n

2

= ⇡2/6.

Par une methode analogue faisant appel au 1/ sin plutot qu’au cotan , calculerP

n�1

(�1)

n

n

4

,

reponse dans [1], p. 111.

8.1.7 Integrales sur un arc. Poles sur l’axe reel

Supposons que f est holomorphe dans un secteur du type defini plus haut au § 8.1.2 :

S = {z : |z| > 0, 0 ✓1

arg z ✓2

⇡} avec un pole simple a l’origine, et qu’on veuille

calculer limr!0

R�(r;✓

1

,✓

2

)

f(z)dz. On ecrit f(z) = a

z

+ g(z) ou g est holomorphe a l’origine et

a = Res (f, 0). Par Jordan.1, limr!0

R�(r)

g(z)dz = 0 et donc

limr!0

Z�(r;✓

1

,✓

2

)

f(z)dz = a

Z�(r;✓

1

,✓

2

)

dz

z= ia(✓

2

� ✓1

) . (8.5)

Application au calcul de I =R1

0

sin x

x

dx. On ecrit

I =1

2

Z 1

�1

sin x

xdx =

1

2ilim✏!0

✓Z �✏

�1

eix

xdx +

Z 1

eix

xdx

◆. (8.6)

Mais l’integrale de e

ix

x

sur le contour ci-dessous est nulle

ïr <¡ r¡

puisque le contour n’enclot aucun pole. Dans cette integrale de contour, la contribution sur l’axe

reel tend vers 2iI quand r !1 et ✏ ! 0, d’apres (8.6) ; la contribution du grand cercle s’annule

par Jordan.2 quand r !1 ; et celle sur le petit cercle est donnee par le calcul precedent (8.5).

Il reste dans cette limite

2iI =

Z�(✏,0,⇡)

eiz

zdz = i⇡

d’ou finalement I = ⇡

2

.

7 janvier 2013 J.-B. Z L3 FIP 2012

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152 Chap.8. Fonctions de variables complexes, applications

8.2 Fonctions multivaluees

8.2.1 Points de branchement, feuillets, surface de Riemann

On a deja rencontre au § 6.2 la notion de fonction multivaluee avec le logarithme complexe,

dont les di↵erentes determinations dans le plan complexe prive de l’origine (plan “pointe”

C⇤ = C\{0}) di↵erent d’un multiple entier de 2⇡i. Considerons le plan prive d’une demi-droite,

par exemple C\R�, donc �⇡ < arg z < ⇡ : c’est un domaine simplement connexe, le logarithme

y admet une determination unique, dite determination principale. Mais on peut tres bien choisir

une autre demi-droite � partant de l’origine, ou toute courbe C joignant l’origine a l’infini. Dans

le plan prive de cette demi-droite ou courbe, le logarithme admet une determination unique.

C\C est dit plan coupe le long de C, C est la “coupure”, l’origine et le point a l’infini en sont les

points de branchement. (Que l’infini est un point de branchement du log se voit comme toujours

par changement de variable z 7! w : log z = � log w. . .)

Le logarithme n’est pas la seule fonction multivaluee. La fonction racine carree (ou toute

autre racine) donne un autre exemple. En e↵et quand on ecrit z = ⇢ei✓, on peut penser definir

z1

2 aliasp

z parp

z =p

⇢i✓/2. Mais ✓ etant defini a 2⇡ pres, ✓/2 l’est a ⇡ pres etp

z est

defini a un signe pres. C’est un probleme que nous connaissons bien sur les reels ; mais ici sur

les complexes, il prend une nouvelle dimension puisqu’en suivant un chemin continu dans le

plan complexe, on peut passer d’une determination a l’autre. On va a nouveau introduire une

coupure du plan complexe partant de l’origine et definir une determination de la racine carree

dans ce plan coupe. Par exemple, en coupant le long de l’axe reel negatif, donc en prenant a

nouveau �⇡ < arg z < ⇡, on obtient dans C\R� la determination usuelle de la racine, telle que

pour z reel > 0,p

z > 0.

Les points de branchement dependent de la fonction consideree et peuvent etre n’importe

ou dans le plan complexe complete. Par exemplep

1� z a un point de branchement en 1 et un

a l’infini. Les points de branchement dep

1� z2 sont ±1 ; ceux dep

(z2 � a2)(z2 � b2) sont en

±a et ±b, et les coupures peuvent etre choisies entre a et �a d’une part, et b et �b de l’autre,

(ou entre �a et �b et entre a et b, justifier ce point), etc.

Plutot que de parler de fonction univaluee dans le plan (coupe), on peut preferer une autre

presentation. Etant donnee un choix de coupure(s) et une determination, on peut associer les

autres determinations a d’autres copies du plan coupe –on parle des di↵erents feuillets de la

fonction consideree–, puis recoller ces feuillets le long de la (ou des) coupure(s), en suivant

par continuite les determinations de la fonction. L’objet obtenu par ce recollement est appele

surface de Riemann de la fonction consideree. Sur cette surface, qui est un revetement a plusieurs

feuillets du plan complexe initial, la fonction est univaluee.

J.-B. Z L3 FIP 2012 7 janvier 2013

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§ 8.2. Fonctions multivaluees 153

feuillet 1

x x0 0

feuillet 2

Figure 8.1 – Les deux feuillets de la fonctionp

z : le bord inferieur de la coupure du feuillet

1 est recolle avec le bord superieur de celle du feuillet 2 et vice versa.

Figure 8.2 – La surface de Riemann de la fonctionp

z : les deux feuillets sont recolles le long

du demi-axe reel negatif (en bleu).

Par exemple pourp

z dans le plan coupe le long de R�, la figure 8.1 represente les deux

feuillets, la figure 8.2 montre la surface de Riemann. Noter que (contrairement aiux apparences)

cette surface de Riemann est simplement connexe : un chemin ferme faisant deux fois le tour de

l’origine est homotope a zero, puisqu’il peut etre contracte sans rencontrer de singularite (de la

fonction). Cela apparaıt peut-etre plus clairement sur la Fig. 8.3 qui represente le voisinage de

l’origine, une fois la surface de Riemann depliee. La position des coupures est arbitraire et le

point O n’est pas singulier. Le meme dessin devrait etre e↵ectue (dans une autre coordonnee)

au voisinage du point a l’infini, avec la meme conclusion. En definitive la surface de Riemann

de la fonctionp

z est identifiee a la sphere de Riemann. Elle est donc simplement connexe. 1

La meme construction s’applique a toute fonction multivaluee. La surface de Riemann de la

racine carree a deux feuillets, celle du logarithme en a une infinite. Celle de z1/3 en a trois, celle

de z↵, ↵ reel irrationnel en a une infinite. Celle de la fonctionp

(z2 � a2)(z2 � b2) en a quatre

etc. On trouve sur le web d’admirables figures de ces surfaces de Riemann . . . par exemple

http://en.wikipedia.org/wiki/File:Riemann surface log.jpg

1. Cela n’est pas le cas general, la surface de Riemann d’une fonction plus compliquee n’est en general passimplement connexe, elle a un genre (= nombre de “poignees”) qui depend du nombre et de l’ordre des pointsde branchement

7 janvier 2013 J.-B. Z L3 FIP 2012

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154 Chap.8. Fonctions de variables complexes, applications

II

I

II

III

II

I

III

I

II I

Figure 8.3 – La surface de Riemann des fonctions z1

2 (en haut) et z1

3 (en bas) au voisinage de

0. A gauche, les trois feuillets avec en hachures ou en couleurs les prescriptions de recollement ;

a droite, apres depliement et recollement.

J.-B. Z L3 FIP 2012 7 janvier 2013

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§ 8.2. Fonctions multivaluees 155

8.2.2 Integrales de Cauchy de fonctions multivaluees

Une fonction multivaluee comme z↵ ou log z est holomorphe en dehors de ses points de

branchement (et de ses eventuelles autres singularites). Rien n’interdit d’utiliser le theoreme de

Cauchy et ses corollaires le long de chemins fermes evitant ces singularites et continus dans les

di↵erents feuillets.

r x0

R

Figure 8.4 –

Considerons par exemple l’integrale I =R1

0

F (x)

x

dx ou 0 < ↵ < 1 et ou F est une fraction

rationnelle sans pole sur le demi-axe x � 0 ; on suppose (pour la convergence) que F ! 0

a l’infini (donc au moins aussi vite que 1/z). Pour etendre f(z) = F (z)/z↵ a des valeurs

complexes de z, on choisit une determination de z↵, par exemple dans le plan coupe le long de

l’axe reel positif, 0 < arg z < 2⇡. Considerons alors l’integraleH

F (z)

z

dz le long du contour de

la figure 8.4. Comme zf(z) ! 0 quand |z| ! 0 et ! 1, les deux arcs de cercle �(r) et �(R)

ne contribuent pas dans les limites r ! 0 et R ! 1 (Jordan-1), la determination de f sur le

contour reel superieur est reelle, celle sur le contour inferieur a un facteur relatif e�2⇡i↵. On a

donc

(1� e�2⇡i↵)I = 2⇡iX

Res (f(z))

ou la somme court sur tous les poles de F , reels negatifs ou complexes.

Exemple : I =R1

0

dx

x

(1+x)

. Le seul pole est en �1 = ei⇡ (choix de la determination !), son

residu est e�i⇡↵, d’ou I = ⇡

sin ⇡↵

.

Autre exemple : J =R1

0

F (x) log x dx ou F est une fraction rationnelle sans pole sur le

demi-axe x � 0 ; on suppose (pour la convergence) que xF (x) ! 0 a l’infini. L’astuce est

cette fois de considerer f(z) = F (z)(log z)2 avec un choix de coupure du log le long de l’axe

reel positif. On integre sur le meme contour de la figure 8.4. A nouveau les deux arcs de

cercle ne contribuent pas, les deux determinations de log2 z le long de l’axe reel sont log2 x

(bord superieur) et (log x + 2⇡i)2 (bord inferieur), doncR1

0

F (x)(log2 x � (log x + 2⇡i)2)dx =

�4⇡iJ�4⇡2

R10

F (x)dx = 2⇡iP

Res (F (z)(log z)2). Il reste a calculerR

F (x)dx. Toutefois si F

est reel (sur l’axe reel), cette derniere integrale est reelle et en prenant les parties reelle et imagi-

7 janvier 2013 J.-B. Z L3 FIP 2012

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156 Chap.8. Fonctions de variables complexes, applications

naire de la relation precedente on obtient J =R1

0

F (x) log x dx = �1

2

<eP

Res (F (z)(log z)2),R10

F (x)dx = � 1

2⇡

=mP

Res (F (z)(log z)2).

8.3 Fonctions harmoniques

Definition 8.1 : Une fonction de deux variables reelles x et y definie dans un ouvert ⌦ de R2

est dite harmonique dans ⌦ si elle est de classe C2 (deux fois continument di↵erentiable) et

satisfait l’equation

�f = 0 (8.7)

ou le laplacien � est l’operateur di↵erentiel

� =@2

@x2

+@2

@y2

. (8.8)

En raison de l’apparition du laplacien dans de nombreuses equations de la physique, loi de

Poisson, equation des ondes, equation de la chaleur, . . . les fonctions harmoniques y jouent un

role important.

Introduisant comme au § 7.1.3 les variables z = x + iy et z = x � iy et les operateurs

di↵erentiels @

@z

et @

@z

, on verifie immediatement que

� = 4@2

@z@z. (8.9)

Une fonction f(z, z) satisfaisant @

2

f

@z@z

= 0 est donc harmonique.

Theoreme 8.1 : Toute fonction holomorphe est harmonique.

En e↵et si f est holomorphe (dans ⌦) elle est indefiniment derivable ; on a @f

@z

= 0, donc aussi

�f = 0.

En prenant les parties reelle et imaginaire de f il en decoule :

Corollaire : La partie reelle et la partie imaginaire d’une fonction holomorphe sont harmo-

niques.

Exemple : En tout point non nul du plan complexe, log z est holomorphe, donc sa partie reelle

log |z| est harmonique.

La reciproque n’est vraie que localement :

Proposition 8.2 : Toute fonction reelle g(x, y) harmonique dans un ouvert ⌦ est au voisinage

de chaque point de ⌦ la partie reelle d’une fonction f , holomorphe au voisinage de ce point,

determinee a l’addition d’une constante pres.

J.-B. Z L3 FIP 2012 7 janvier 2013

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§ 8.4. Methode du col 157

Cette propriete locale devient globale (vraie en tout point) dans un ouvert ⌦ simplement

connexe. Pour la preuve, voir [4] p. 125 ; voir aussi [1] p.124-125.

On se rappelle (cf Theoreme 7.18) qu’une fonction holomorphe satisfait la propriete de

moyenne : en tout point, sa valeur au centre d’un petit disque ferme contenu dans ⌦ egale la

moyenne de ses valeurs sur le bord du disque.

Theoreme 8.3 : Toute fonction harmonique satisfait en tout point de ⌦ la propriete de

moyenne : pour r assez petit

u(x0

, y0

) =1

2⇡

Z⇡

�⇡

u(x0

+ r cos ✓, y0

+ r sin ✓)d✓ .

Cela decoule de la Proposition 8.2 : pour toute fonction harmonique reelle u et tout point

de ⌦ il existe une fonction f holomorphe dans un disque centre en ce point, de partie reelle u

et qui satisfait la propriete de moyenne ; en prenant la partie reelle on voit que u satisfait la

propriete de moyenne.

Au chapitre 7, nous avons montre que toute fonction possedant la propriete de moyenne

obeit aussi au principe de maximum. Il en est donc ainsi pour toute fonction harmonique :

Proposition 8.4 : Toute fonction u reelle harmonique dans ⌦ est ou bien constante, ou bien

n’a en aucun point de ⌦ un maximum local ou un minimum local.

Cela s’interprete facilement en termes des derivees secondes de u. Un maximum (resp. minimum)

local en a 2 ⌦ signifierait que @

2

u

@x

2

et @

2

u

@y

2

sont non nuls et de meme signe, en contradiction avec

l’equation (8.7).

Ces proprietes trouvent des applications physiques, par exemple en electrostatique, dans

l’etude du potentiel cree par une distribution de charges. Comme on l’a rappele au chapitre 3.6,

la loi de Gauss implique que le potentiel electrostatique cree par une distribution de charges est

une fonction harmonique en tout point distinct des positions des charges. Une autre application

est en aerodynamique dans le calcul de la portance d’une aile d’avion, voir [1], chap. 7. Nous

verrons au Chap. 11 (if time permits. . .) des applications des considerations precedentes.

8.4 Methode du col

On est souvent confronte en physique au probleme suivant : on cherche a calculer la limite

d’une integrale de la forme

I↵

=

Z�

e�↵f(z) dz (8.10)

7 janvier 2013 J.-B. Z L3 FIP 2012

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158 Chap.8. Fonctions de variables complexes, applications

quand le parametre ↵ tend vers l’infini. f est supposee holomorphe sur un ouvert ⌦ independant

de ↵, � est un chemin contenu dans ⌦.

Il existe plusieurs versions de ce probleme, la methode du col, la methode de Laplace, la

methode de la phase stationnaire, etc. Nous nous bornerons a une discussion sommaire et a un

exemple.

8.4.1 Methode du col

L’idee intuitive est de chercher a minimiser la partie reelle de ↵f tout en empechant sa

partie imaginaire de varier trop rapidement, ce qui risquerait de causer des compensations dans

l’integrale. On va preciser cette idee.

Etant donnee l’integrale (8.10), ou nous prendrons ↵ reel positif, supposons que f est holo-

morphe dans un ouvert ⌦ contenant le contour � et qu’on sache deformer continument � en �0

sans rencontrer de singularite de f de telle facon que

– (i) le long de �0, =m f est constante ;

– (ii) il existe le long de �0 un point z0

, dit col, tel que f 0(z0

) = 0 ;

– (iii) <e f(z) passe par un minimum local en z0

;

La condition =m f = const. determine en general le chemin �0. La phase de l’exponentielle est

alors constante. Developpons alors f(z) au voisinage du col. Puisque f 0(z0

) = 0,

f(z) = f(z0

) +1

2(z � z

0

)2f 00(z0

) + o(z � z0

)2

et avec f 00(z0

) = ⇢ei✓, z � z0

= rei',

<e (f(z)� f(z0

)) =1

2r2⇢ cos(2' + ✓) + o(r2)

=m (f(z)� f(z0

)) =1

2r2⇢ sin(2' + ✓) + o(r2) (8.11)

sur lequel on lit que, pour satisfaire (i), le chemin �0 doit etre tel que sin(2' + ✓) = 0 ce qui

donne deux directions possibles, orthogonales l’une a l’autre. Les directions medianes, ou le cos

s’annule, sont celles ou la partie reelle change de signe, voir Fig. 8.5. Pour assurer que la partie

reelle passe bien par un minimum et non un maximum, c’est le chemin passant dans les zones

II qu’on doit choisir. Quand ↵ ! 1, le minimum de <e (↵f) est de plus en plus accentue, de

plus en plus “pique”, d’ou le nom de “steepest descent” donne a la methode dans la litterature

anglo-saxonne. C’est ce qui fait que la contribution dominante a l’integrale vient de ce chemin.

Finalement on s’attend a un comportement asymptotique (et on peut justifier precisement avec

des hypotheses adequates sur f que nous ne detaillerons pas ici)

I↵

⇡ e�↵f(z

0

)

Z 1

�1e�

1

2

↵f

00(z

0

)u

2

du

J.-B. Z L3 FIP 2012 7 janvier 2013

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§ 8.4. Methode du col 159

⇡ e�↵f(z

0

)

2⇡

↵f 00(z0

)

� 1

2

. (8.12)

f

C

I

III

II

Re

Figure 8.5 – Col de <e f et trajectoires de =m f constant.

8.4.2 Commentaires et variantes

Dans l’integrale (8.10) le parametre ↵ prenant de grandes valeurs etait explicite et factorise

dans l’exponentielle. Il peut aussi arriver que l’on s’interesse au comportement d’une integrale

ou cette dependance n’est pas aussi manifeste. Mais l’idee est la meme : on cherche les points

stationnaires (cols) de la fonction en exponentielle. On en verra un exemple ci-dessous avec

la fonction �. La methode du col possede aussi des variantes dont il est utile de connaıtre

l’existence mais que nous ne ferons que mentionner brievement :

Methode de Laplace, col reel

C’est la situation ou on integre dans (8.10) une fonction f reelle.

J↵

=

ZR

e�↵f(x) dx (8.13)

On n’a plus la liberte de deformer le contour d’integration, mais un resultat similaire s’applique :

le comportement dominant de l’integrale est a nouveau donne par le point x0

ou f est minimale.

Comme dans le cas complexe, on developpe f au voisinage de ce point

f(x) ⇡ f(x0

) +1

2(x� x

0

)2f 00(x0

) + o(x� x0

)2

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160 Chap.8. Fonctions de variables complexes, applications

et l’integrale est approximee par une integrale gaussienne

J↵

⇡ e�↵f(x

0

)

Z 1

�1e�

1

2

↵f

00(x

0

)x

2

dx = e�↵f(x

0

)

s2⇡

↵f 00(x0

).

Voir ci-dessous l’exemple de la fonction �.

Methode de la phase stationnaire

Une autre variante est celle d’une integrale sur R d’une exponentielle d’une fonction imaginaire

J 0↵

=Z

Rei↵f(x) dx (8.14)

ou f est reelle. Cette fois encore il s’agit de chercher un extremum ou un point stationnaire de f , ou lesoscillations de la phase ↵f sont moins rapides.

On parle de methode de phase stationnaire, et on ecrit

J 0↵

⇡ ei↵f(x0)

2⇡i

f 00(x0

)

� 12

.

On rencontrera la methode du col et ses avatars dans de nombreux domaines de la physique,

en Mecanique Statistique (limite thermodynamique, modeles a grand nombre d’etats, . . .), en

Mecanique Quantique et en Optique (vitesse de groupe, limite de courte longueur d’onde. . .),

en theorie des champs (methode semi-classique, ou le parametre grand est 1/~), etc.

8.4.3 Fonction �. Formule de Stirling

Nous illustrerons la methode du col (reel) sur le cas de la fonction Gamma d’Euler

�(s)def

=

Z 1

0

us�1e�udu . (8.15)

Observons d’abord que cette integrale est absolument convergente pour <e s > 0. On calcule

aisement �(1) = 1 et, par integration par parties,

�(s + 1) = s�(s)

d’ou il decoule immediatement que pour s = n � 1 entier

�(n) = (n� 1)!

�(s) extrapole donc a des valeurs reelles ou complexes la fonction factorielle.

Interessons-nous a l’asymptotique de la fonction �(s + 1). Selon la methode precedente, on

ecrit l’integrand ef(u) et on cherche les points stationnaires de f(u) = s log u � u, soit ici u0

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§ 8.4. Methode du col 161

solution de s/u0

= 1, donc u0

= s. On developpe alors f(u) = f(u0

) + (u� u0

)f 0(u0

) + 1

2

(u�u

0

)2f 00(u0

) + · · · mais f 0(u0

) = 0, et f 00(u0

) = �1/s, donc

�(s + 1) ⇡ ef(u

0

)

Z 1

�1e

1

2

v

2

f

00(u

0

)dv =p

2⇡s es log s�s

ou encore

�(s + 1) =⇣s

e

⌘sp

2⇡s (1 + O(1/s)) ,

ou on reconnaıt la formule de Stirling pour la factorielle asymptotique. . . Le lecteur courageux

peut-il/elle calculer le terme suivant en 1/s ? Attention, il faut pour cela developper la fonction

f jusqu’au terme (u� u0

)4 (et non pas seulement (u� u0

)3, pourquoi ?).

Lectures complementaires

La discussion a suivi H. Cartan [4] et W. Appel [1]. Pour plus de details sur les subtilites

de la methode du col, consulter C. Aslangul [3], chap. 7.

?

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162 Chap.8. Fonctions de variables complexes, applications

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