34
Chapitre II Sollicitations des milieux continus On décrira dans ce chapitre les déformations et les vitesses de déformations d’un milieu continu lorsqu’il est sollicité par des efforts externes. Puis on introduira la notions d’efforts internes dans un milieu continu, qui peuvent être décrits par le tenseur des contraintes. OBJET

Chapitre II Sollicitations des milieux continusperso.mines-albi.fr/~jobbeduv/Schmidt-MilieuxContinus02.pdf · Chapitre II Sollicitations des milieux continus On décrira dans ce chapitre

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Chapitre II

Sollicitations des milieux continus

On décrira dans ce chapitre les déformations et les vitesses de déformations

d’un milieu continu lorsqu’il est sollicité par des efforts externes. Puis on

introduira la notions d’efforts internes dans un milieu continu, qui peuvent

être décrits par le tenseur des contraintes.

OBJET

SOMMAIRE

1. Déformation d’un milieu continu.................................................................................. 21

1.1 Exemples de sollicitations simples ....................................................................... 21

1.2 Étude tridimensionnel des déformations............................................................... 25

1.3 Tenseur des déformations linéarisé....................................................................... 29

1.4 Applications à des sollicitations simples ............................................................. 31

1.5 Représentation du tenseur des déformations linéarisé.......................................... 33

2. Tenseur des vitesses de déformation............................................................................ 34

3. Conditions de compatibilité.......................................................................................... 35

2. Efforts appliqués au milieu continu.............................................................................. 36

4.1 Exemples de sollicitations simples ....................................................................... 36

4.2 Vecteur contrainte................................................................................................. 37

4.3 Tenseur des contraintes de Cauchy...................................................................... 38

4.4 Pression hydrostatique - Déviateur des contraintes............................................. 40

5. Diagonalisation d’un tenseur symétrique ..................................................................... 41

5.1 Invariants d’un tenseur symétrique...................................................................... 41

5.2 Invariants utilisés en mécanique des milieux continus.......................................... 44

6. Représentation de Mohr des contraintes...................................................................... 46

6.1 Principe de la représentation de Mohr ................................................................. 46

6.2 Propriétés du diagramme de Mohr ....................................................................... 50

1.

21

1. Déformation d’un milieu continu

1.1 Exemples de sollicitations simples

a) Traction/compression d’une barre monodimensionnelle

Considérons l’allongement ou le raccourcissement d’une barre de longueur initiale lo dans

la direction x jusqu’à une longueur l l lo= + ∆ (cf. figure 1). La dimension de la section droite

de la barre est négligeable par rapport à sa longueur. La barre est fixée à l’une de ses

extrémités (x=0). On suppose que la déformation que subit la barre est identique en tout

point (homogène).

l

x

x

t=0

t>0

lo

∆l0

0

U(x) U lo( )

Fig. 1 - Allongement d’une barre en traction

Pour définir la notion de “déformation”, l’allongement ∆l l lo= − ne convient pas. En effet,

une barre de longueur 2lo subissant la “même déformation” s’allongerait de 2∆l. Il convient

mieux d’utiliser l’allongement relatif, soit:

22

ε =

∆ll

eno

( %) (1)

avec ε déformation en traction/compression. Comme la déformation est identique tout le

long de la barre (homogène), le déplacement U des points d’abscisses x s’exprime

simplement :

U x lxlo

( ) = ∆ (2)

En effet, on retrouve bien qu’en :

4.4 x=0 : U(x)=0 (le déplacement est nul à l’extrémité fixe)

5.4 x= lo : U(x) = ∆l (le déplacement est maximum à l’extrémité libre)

D’après (2), on montre ainsi que :

dUdx

ll

dUdxo

= ⇒ =∆

ε (3)

On obtient une autre définition de la déformation en traction (compression) à partir du

déplacement.

b) Cisaillement simple

Une plaque de section carrée de côté h dans le plan Oxy est cisaillée d’une distance a suivant

x comme le montre la figure 2.

23

0 x

y

h

h

à t=0à t>0

a

a

M Mo•U•

Fig. 2 - Déformation en cisaillement simple

On suppose que la déformation de la plaque est homogène. Un point M xo ,0( ) de la plaque

au repos se déplace en M. La composantes U du champ de déplacement rU M Mo= se

calculent en exprimant la tangente, soit :

Uy

ah

=

On en déduit :

U yah

y

V

( ) =

=

0(4)

D’où une autre définition de la déformation en cisaillement simple γ :

γ = =dUdy

ah

(5)

24

c) Cisaillement pure

Une plaque de section carrée de côté h dans le plan Oxy est cisaillée à 45° d’une distance a

suivant x et y comme le montre la figure 3.

0 x

y

h

h

à t=0

à t>0a

aV

M

Mo•

•M’

U Mo

U

Fig. 3 - Déformation en cisaillement pur

On suppose que la déformation de la plaque est homogène. Un point M xo ,0( ) de la plaque

au repos se déplace en M. Un point

′ ( )M yo 0, de la plaque au repos se déplace en M’. Les

composantes U et V du champ de déplacement rU se calculent en exprimant la tangente,

soit :

Uy

ah

U yah

y

Vx

ah

V xah

x

= ⇒ ( ) =

= ⇒ ( ) =(4)

D’où une autre définition de la déformation en cisaillement pure ′γ :

′ = = =γ

dUdy

dVdx

ah

(5)

25

1.2 Étude tridimensionnel des déformations

Soit

rU U V W= ( ), , champ de déplacement; on a vu précédemment que la définition de la

déformation fait intervenir les dérivées de U, V, W par rapport à x, y, z, autrement dit leurs

gradients.

y

MoPo

M P

0

z

x

Ωo

Ωt

dx

rU

rx

dxo

rxo

Fig. 4 - Déformation (cas général) – Variables de Lagrange

Le milieu étant déformable, on va chercher à évaluer les déformations autour du point

matériel Mo en analysant localement le mouvement. Pour cela, regardons comment

s’exprime le transformé du vecteur infinitésimal dxo défini par le bipoint M Po o dans la

configuration de référence Ωo (fig.4).

Par définition du champ de déplacement r rU x to,( ) en variables de Lagrange, on a pour chaque

composante i :

x x U x t avec ii i

oi o= + ( ) =

r, , ,1 2 3

26

Soit encore en différentiant :

dx dxU

xdxi i

o i

jo j

o= +∂

∂(1)

Ou encore en écriture vectorielle :

dx I U dxo= + ∇( )

r(6)

avec

I =

1 0 0

0 1 0

0 0 1

tenseur identité et ∇rU tenseur du second ordre gradient du déplacement

tel que :

∇ =

rU

U

x

U

y

U

zV

x

V

y

V

zW

x

W

y

W

z

o o o

o o o

o o o

∂∂

∂∂

(7)

Le tenseur gradient ou application linéaire tangente, noté F, qui définit localement la

transformation des bipoints matériels s’exprime :

F I U= + ∇r

(8)

Alors d’après (6) :

(1) On utilise à nouveau la convention de sommation d’Einstein

27

dx F dxo= ⋅ (9)

Problème: On fait subir à une plaque une rotation sans déformation d’un angle θ (voir figure

5). Si le tenseur gradient du déplacement ∇rU ou le tenseur gradient F, représentent la

déformation dans le cas d’un mouvement de rotation de corps rigide, ils doivent s’annuler.

x

y

0

θ

θ

M o x,y( )•

U

V

θ

0Mo

M

0M

Fig. 5 - Rotation d’une plaque

Le vecteur 0M x yo ,( ) subit une transformation par rotation jusqu’au vecteur

0M x y′ ′( ), .

Soit :

=

x

y

x

y

cos sin

sin cos

θ θ

θ θ

En effectuant le produit matrice-vecteur, on obtient :

′ = −

′ = +

x x y

y x y

cos sin

sin cos

θ θ

θ θ

28

Le vecteur déplacement rU M M M Mo o= = −0 0 s’exprime donc d’après la relation

précédente :

U x y

V x y

= −( ) −= + −( )

cos sin

sin cos

θ θ

θ θ

1

1(10)

Si maintenant on fait l’hypothèse d’une petite rotation ( θ → 0), alors on peut effectuer un

développement limité au premier ordre des sinus et cosinus, soit :

U y

V x

≅ −

θ

θ

Nous pouvons maintenant calculer le tenseur gradient du déplacement ∇rU à partir de la

relation précédente, soit :

∇ =

rU

0 0

0 0

0 0 0

0

θ

θ

Le tenseur gradient de déplacement n’est pas identiquement nul ! ! Il ne représente donc pas

la déformation d’un milieu continu, pas plus que F.

Pour définir la déformation, on va plutôt évaluer la variation de longueur entre deux points

matériels avant déformation dxo et après déformation

dx (cf. fig. 4). Ainsi, d’après la

relation (9), on a :

dx dx dx Fdx Fdx dx F F dxo o ot

o2= ⋅ = ( ) ⋅ ( ) =

29

Avec tF transposé du tenseur F. On a donc :

dx dx dx F F I dxo o

to

2 2− = −

La différence des longueurs avant et après déformation fait apparaître deux nouveaux

tenseurs du second ordre symétriques, définis en variables de Lagrange. L, tenseur des

déformations de Green-Lagrange, et C tenseur de Cauchy (ou encore des dilatations) tels

que :

L C I avec C F F

t= −( ) =

12

(11)

Le tenseur des déformations de Green-Lagrange est bien identiquement nul dans un

mouvement de corps rigide C I=( ) .

1.3 Tenseur des déformations linéarisé

En faisant intervenir le champ de déplacement

rU U V W= ( ), , à l’aide de la relation (8), on

obtient encore :

L I U I U I

t= + ∇

⋅ + ∇( ) −

12

r r

Soit finalement :

30

L U U U U

t t= ∇ + ∇

+ ∇ ⋅∇

12

12

r r r r(12)

Ou encore en notation indicielle :

LUx

U

xUx

Uxij

i

j

j

i

k

i

k

j= +

+

12

12

∂∂

∂∂∂

∂∂

L’expression du tenseur des déformations L en fonction du champ de déplacement (12)

comporte des termes non-linéaires, lesquels peuvent compliquer sérieusement les calculs. En

mécanique des solides déformables, il arrive souvent que les déformations soient petites

(inférieures à 5 %). On introduit alors le tenseur des déformations linéarisé, noté ε , comme

suit:

ε

ε ε ε

ε ε ε

ε ε ε

= ∇ + ∇

=

( )

12

r rU U

txx xy xz

xy yy yz

xz yz zz x y z, ,

(13)

Dont les composantes s’expriment :

ε∂

∂iji

j

j

i

i

i

U

x

U

xavec

U U V W

x x y z= +

=

=

1

2

, ,

, ,

Le tenseur des déformations linéarisé ε est aussi un tenseur symétrique. D’après (12), il

vient :

31

L U U

t= + ∇ ⋅∇

ε

12

r r(14)

Si on fait l’hypothèse des transformations infinitésimales, alors on peut négliger les termes

du second ordre dans l’expression (14) du tenseur de Green-Lagrange, qui se réduit au

tenseur des déformations linéarisé, soit :

L si U≅ ∇ ⟨⟨ε

r1 (15)

1.4 Applications à des sollicitations simples

Les tenseurs des déformations linéarisé et de Green-Lagrange sont calculés dans le tableau

ci-après, pour les cas de sollicitations simples du paragraphe 1.1. On posera :

ε =

∆llo

γ =ah

L Lij ij

i j− = −( )∑ε ε

2

,

On notera que pour la traction/compression, le cisaillement simple ou pure, l’erreur

commise en utilisant le tenseur des déformations linéarisés ε est bien du second ordre. En

revanche, pour le cas de la rotation d’une plaque rigide, on confirme bien que le tenseur ε

n’est pas licite pour des grandes rotations. D’autre part, on remarque que pour le cas d’une

petite rotation, le champ de déplacement étant approché, on obtient un tenseur des

déformations L approché, c’est-à-dire non nul ! !

32

Type de

déformation

Champ de

déplacement

Tenseur des

déformations

Linéarisé ε

Tenseur des

déformations L

Erreur

L − ε

Traction/

compression

d’une barre

1D

U x xV

W

( ) ==

=

ε0

0

ε

ε

=

0 0

0 0 0

0 0 0

L =

+

εε2

20 0

0 0 0

0 0 0

ε2

2

Cisaillement

simple d’une

plaque

carrée

U y y

V

W

( ) =

=

=

γ

0

0 ε

γ

γ=

02

0

20 0

0 0 0

L =

02

0

2 20

0 0 0

2

γ

γ γ

γ 2

2

Cisaillement

pur d’une

plaque carré

U y y

V x x

W

( )

( )

=

=

=

γ

γ

0

ε

γ

γ=

0 0

0 0

0 0 0

L =

γγ

γγ

2

22

0

20

0 0 0

γ 2

2

Rotation

d’une plaque

rigide

U x y

V x y

= −( ) −= + −( )

cos sin

sin cos

θ θ

θ θ

1

1

ε

θ

θ=

cos

cos

1 0 0

0 1 0

0 0 0 L =

0 0 0

0 0 0

0 0 0

2 1cosθ −

Petite

Rotation

d’une plaque

rigide

θ →( )0

U x y y

V x y x

W

( , )

( , )

≅ −

=

θ

θ

0

ε =

0 0 0

0 0 0

0 0 0

L =

θ

θ

2

22

0 0

02

0

0 0 0

θ2

2

33

1.5 Représentation du tenseur des déformations linéarisé

Une illustration des composantes du tenseur des déformations linéarisé est donnée sur la

figure 6 qui représente les déformations élémentaires (allongement dans une direction) d’un

volume élémentaire.

1

2

3

1

2

3

ε11

6-a – Allongement dans la direction 1

1

2

3

1

2

3

ε22

6-b – Allongement dans la direction 2

1

2

3

1

2

3

ε33

6-c – Allongement dans la direction 3

34

2. Tenseur des vitesses de déformation

Un milieu continu peut être déformé plus ou moins rapidement, d’où la notion de vitesse de

déformation (ou plutôt de taux de variation de la déformation dans un intervalle de temps

donnée dt). On définit alors le tenseur vitesse de déformation ε=. comme suit:

˙ lim

( ) ( )ε

ε ε=

+ −

→dt

t dt t

dt0(16)

Entre les instants t et t + dt, si on considère la transformation infinitésimale, le champ de

déplacement s’exprime:

dU vdtr r

=

Avec rv champ de vitesse. D’après (13), on en déduit:

ε ε( ) ( )t dt t v v dtt

+ − = ∇ + ∇

12

r r

Cette relation n’est applicable que si les déformations et les déplacements restent infiniment

petits. Finalement, on obtient l’expression du tenseur vitesse de déformation :

ε=.= ∇ + ∇

12

r rv v

t (17)

C’est un tenseur Eulérien dont les composantes s’expriment:

35

ε.

ij

i

j

j

i

i

i

vx

v

xavec

v u v w

x x y z= +

=

=

12

∂∂

, ,

, ,

Remarque : On notera que si on exprime la trace du tenseur ε=., c’est à dire la somme des

termes diagonaux, on trouve en coordonnées cartésiennes :

tr(ε=.) = + + = ∇ ⋅

∂∂

∂∂

∂∂

ux

vy

wz

vr r

(18)

Pour un écoulement incompressible (cf. chapitre I, paragraphe 4.5-a), on aura donc :

r r∇ ⋅ v=tr(ε=

.)=0 (19)

3. Conditions de compatibilité

On a vu que la donnée d’un champ de déplacement rU (trois composantes) ou d’un champ

de vitesse rv (trois composantes) permettait de définir un tenseur des déformations ε ou un

tenseur des vitesses de déformation ε=. symétriques (six composantes). Inversement, si on se

donne une tenseur symétrique quelconque, il faut des relations entre ses composantes pour

qu’il puisse être un tenseur des déformations ou des vitesses de déformation. Ces relations

sont appelées conditions de compatibilité. Soit D = ε ou ε=. alors on peut montrer qu’il doit

impérativement satisfaire les six relations suivantes :

∆D tr D D Dt

+ ∇ ∇ ( )( ) = ∇ ∇ ⋅( )+ ∇ ∇ ⋅( )r r r

(20)

36

2. Efforts appliqués au milieu continu

4.1 Exemples de sollicitations simples

a) En traction (compression)

On applique une force de traction F sur un cylindre de surface droite S (fig. 7).

SS

FF

Fig. 7 - Contrainte de traction

Cette force induit une contrainte σ appliquée à la surface S qui s'exprime:

σ =F

S

b) En cisaillement

Une force F appliquée tangentiellement à une surface S latérale (cf. fig. 8) induit une

contrainte de cisaillement ou cission /

τ =

F

S

37

FS

F

Fig. 8 - Contrainte de cisaillement

4.2 Vecteur contrainte

Soit Ω un domaine matériel. On se propose de définir les efforts intérieurs à Ω . Si on

partitionne Ω en deux sous-domaines Ω1 et Ω2 (cf. fig. 9), une surface de coupure S

apparaît. Une surface élémentaire dS est le siège de forces de liaisons égales et opposées

(principe d’action-réaction). Considérons une force dF s'exerçant sur un élément de surface

dS de normale unitaire rn au point M. Par convention, la normale

rn à la surface est orientée

vers l'extérieur de la partie du milieu qui subit la contrainte.

Le vecteur des contraintes rT (forces de cohésion par unité de surface) au point M a été

défini par Cauchy:

r r r rT M n T n

dFdSds

, lim( ) = ( ) =→0

(21)

M

dS

rn

σn

τ

dF TdS=r

Ω1

Ω2

Ω1

S

Fig. 9 – Coupure dans un milieu continu - Contraintes s'appliquant sur la surface S

38

Au point M, sur une facette de normale rn donnée (cf. fig. 9), le vecteur contrainte se

décompose comme suit:

r r r rT n n tn( ) = +σ τ (22)

Avec σn T n=r r. , contrainte normale (projection de

rT suivant la normale

rn), et

τ σ σ= ⋅ = − = −

r r r r rT t T n Tn n

2 2 , contrainte tangentielle ou cission (projection de rT

suivant le vecteur tangent rt ). La contrainte normale σn est positive lorsque

rT est de même

sens que rn, traduisant un état local de traction de la matière. À l’inverse σn négatif traduit

un état de compression. En résumé :

σ

σn

n

traction

compression

>

<

0

0

:

:

4.3 Tenseur des contraintes de Cauchy

Le vecteur contrainte ne peut pas caractériser l'état des contraintes en un point puisqu'il

dépend de la facette considérée, donc de la normale rn. Ainsi, la traction simple d'un cylindre

induit une tension sur une facette perpendiculaire à la direction de traction mais n'induit

aucune contrainte sur une facette parallèle (voir fig. 10).

FF

Fig. 10 - Vecteur contrainte et facette

39

L'état des contraintes est donc plutôt caractérisé par la relation entre rT et

rn. On définit

alors le tenseur des contraintes de Cauchy σ au point M qui relie de manière matricielle le

vecteur contrainte et la normale:

r rT n= ⋅σ (23)

En coordonnées cartésiennes, σ s’exprime matriciellement :

σ

σ σ σ

σ σ σ

σ σ σ

=

( )

xx xy xz

yx yy yz

zx zy zz x y z, ,

Les trois composantes σxx, σyy, σzz (sur la diagonale) sont appelées contraintes normales,

les 6 composantes σxy, σxz, σyx, σyz, σzx, σzy (hors de la diagonale) sont les contraintes de

cisaillement (cf. fig. 11).

Fig. 11 - Contraintes s'appliquant sur les facettes d'un cube

Ainsi, sur la facette de normale rnx =

1

0

0

orientée suivant l’axe ox, on a:

40

r r rT n nx x

xx xy xz

yx yy yz

zx zy zz

xx

yx

zx

( ) = ⋅ =

=

σ

σ σ σ

σ σ σ

σ σ σ

σ

σ

σ

1

0

0

Par ailleurs, on démontrera au chapitre III que le tenseur σ est symétrique.

4.4 Pression hydrostatique - Déviateur des contraintes

On peut toujours décomposer le tenseur des contraintes en une partie sphérique et une

partie déviatorique de la manière suivante:

σ =

+ = − +

p

p

p

s pI s

sphérique déviatorique

0 0

0 0

0 0 (24)

Avec s déviateur des contraintes défini comme un tenseur dont la trace est nulle (somme des

termes diagonaux : tr s( ) = 0), p pression hydrostatique (par exemple pression dans un

fluide parfait), I tenseur identité. En calculant la trace de σ à partir de l’égalité (24), on a:

tr p tr s p p trσ σ( ) = − + ( ) = − ⇒ = − ( )3 31

3

Ce qui donne l’expression directe de s à partir de σ :

s tr I= − ( )σ σ13

(25)

41

Exemples :

− traction uniaxiale suivant x:

σ

σσ

σ

σ

σ

=

⇒ = − = −

( )

xx

x y z

xx

xx

xx

xx

p s

0 0

0 0 0

0 0 03

23

0 0

03

0

0 03

, ,

,

− cisaillement simple sous une pression hydrostatique p:

σ

τ

τ

τ

τ=

⇒ =

( )

p

p

p

s

x y z

0

0

0 0

0 0

0 0

0 0 0, ,

Le tenseur s représente la partie “cisaillement” ou déviatorique du tenseur σ .

5. Diagonalisation d’un tenseur symétrique

5.1 Invariants d’un tenseur symétrique

Soit M un tenseur d’ordre 2 symétrique dont les composantes s’expriment matriciellement :

M

M M M

M M M

M M M

=

11 12 13

12 22 23

13 23 33

42

Il existe un repère particulier, dans lequel M est diagonal, soit :

MI

II

III

=

λ

λ

λ

0 0

0 0

0 0

λ λ λI II III, , sont les valeurs propres (ou principales). La symétrie du tenseur impose que

ces valeurs propres soient réelles. Le repère, défini par les directions des vecteurs propres,

qu’on désigne en général en mécanique par directions principales, est appelé repère

principal. Ainsi :

− Si M = ε : ε ε εI II III, , sont les dilatations principales

− Si M = σ : σ σ σI II III, , sont les contraintes principales

Par construction, les valeurs principales sont intrinsèques à la grandeur tensorielle en un

point, autrement dit indépendantes du repère. Elles sont solutions de l’équation

caractéristique suivante :

λ λ λ3 2 0− + − =I I II II III

Avec I I II II III, , les invariants du tenseur diagonalisé tels que :

I

I

I

I I II III

II I II II III III I

III I II III

= + +

= + +

=

λ λ λ

λ λ λ λ λ λ

λ λ λ

(26)

43

On notera que II correspond à la trace du tenseur (somme des termes diagonaux) et IIII au

déterminant du tenseur diagonalisé.

On peut construire un deuxième ensemble d’invariants I I I1 2 3, , qui s’expriment directement

à partir des composantes du tenseur M :

I M M M tr M

I M tr M

I M M M tr M

ijij

ij jk kiijk

1 11 22 33

22 2

33

12

12

13

13

= + + = ( )= =

= =∑

(27)

Ce deuxième ensemble d’invariants se déduit du premier par les relations suivantes :

I I

I I I

I I I I I

I

I II

III I II I

1

22

33

2 2

3 3 3

=

= −

= − +

(28)

Enfin, on peut définir un troisième ensemble d’invariants basé sur le déviateur du tenseur

symétrique S M tr M I= − ( )1

3, soit :

J S S S tr S d après la définition de S

J S tr S

J S S S tr S

ijij

ij jk kiijk

1 11 22 33

22 2

33

0

12

12

13

13

= + + = ( ) = ( )= =

= =∑

'

(29)

Par ailleurs, on peut montrer les relations suivantes :

44

J

J II

J I I I I

1

2 212

3 3 13

1 2

0

3127

2 3

=

= +

= + +( )(30)

5.2 Invariants utilisés en mécanique des milieux continus

Les invariants les plus utilisés sont :

• La trace I1

− La pression hydrostatique : p tr

I= − ( ) = −

( )13 3

1σσ

− Le taux de variation volumique : tr(ε=.)= −

ρddt

On a montré (chapitre I) que pour un milieu continu incompressible, tr(ε=.)= 0. Ainsi :

I1(ε=.)=0

• Le deuxième invariant J2 ou I2:

Il caractérise en un seul nombre l’intensité scalaire de la grandeur tensorielle. On peut donc

voir J2 comme la norme quadratique du déviateur S du tenseur M.

6.4 En théorie de la plasticité, on utilise ainsi :

45

J s o2

1

3( ) = σ

Celle relation permet de définir le critère de Von Mises ( σo est appelé contrainte

d’écoulement ou encore limite d’élasticité). Ces notions seront approfondies dans la

deuxième partie du cours en théorie de l’élasticité. On définit aussi la vitesse de déformation

généralisée :

ε−. =

2

3I2(ε=

.) =

23∑i,j

ε.

ij2

7.4 En rhéologie des polymères, on définit le taux de cisaillement généralisé

γ−. =2 I2(ε=

.) = 2∑

i,j

ε. ij2

Dont la définition est très proche de la vitesse de déformation généralisée. γ−. est utilisé pour

définir des lois de comportement rhéologiques de fluides non-newtoniens.

• Le troisième invariant J3:

On rencontre beaucoup d’écoulements pour lesquels J3 est nul. On peut citer par exemple

des écoulements plans ou viscométriques.

46

6. Représentation de Mohr des contraintes

6.1 Principe de la représentation de Mohr

En un point M du système, à tout vecteur unitaire rn en M est associé un vecteur contrainte

r rT n( ) correspondant à la facette en M de normale

rn (cf. fig. 12). On va étudier la variation

de

r rT n( ) en fonction de

rn en représentant le vecteur

rT dans le plan

σ τn ,( ) dit de Mohr.

Autrement dit, la représentation de Mohr est une représentation plane des contraintes en un

point du matériau.

M

rt

rn

r rT n( )

σn

τ

0

τ

σn

x

y

z

0

- Espace physique - - Espace de Mohr -

T

Fig. 12 – Représentation de Mohr

On rappelle (22) que le vecteur des contraintes peut toujours se décomposer en une

contrainte normale σn T n=r r. (projection de

rT suivant la normale

rn) et une contrainte

tangentielle ou cission τ σ= ⋅ = −r r rT t T n

2 2 (projection de rT suivant le vecteur tangent

rt ),

soit :

47

r r r rT n n tn( ) = +σ τ

rt est le vecteur tangent à la facette appartenant au plan défini par la normale

rn et le vecteur

des contrainte rT, tel que la base

r r r rn t n t, , ∧( ) ait même orientation que l’espace physique.

On représente le vecteur des contraintes par un point T nσ τ,( ) du plan de Mohr.

Connaissant le tenseur σ au point M, on cherche à déterminer le domaine engendré, lorsque

rn varie, par le point figuratif T de l’extrêmité du vecteur contrainte dans le plan de Mohr.

Pour faciliter les calculs, on fait l’étude dans le repère principal 0, , ,r r re e eI II III( ) tel que :

σ σ σI II III≥ ≥ (31)

σ σ σI II III, , étant les contraintes principales (cf. 5.1). Soit donc un vecteur normal unitaire

rn α β γ, ,( ) ; si on exprime que sa norme doit être égale à un 1, on obtient une première

relation :

α β γ2 2 2 1+ + = (32)

Dans le repère principal, le vecteur des contraintes a pour expression :

rT I II III= ( )ασ βσ γσ, ,

Utilison la définition des contraintes normale et tangentielle et l’égalité précédente, soit :

σ σ α σ β σ γ σn n I II IIIT n= ⇔ = + +r r. 2 2 2 (33)

τ σ τ α σ β σ γ σ σ= ⋅ = − ⇔ = + + −r r rT t T n I II III n

2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 (34)

48

On obtient donc le système linéaire suivant sous forme matricielle, avec pour inconnues

α β γ2 2 2, ,( ) :

1 1 1 1

2 2 2

2

2

2 2 2

σ σ σ

σ σ σ

α

β

γ

σ

τ σI II III

I II III

n

n

=

+

(35)

D’après la règle de Cramer, la solution du système est :

ασ σ σ σ τ

σ σ σ σ

βσ σ σ σ τ

σ σ σ σ

γσ σ σ σ τ

σ σ σ σ

22

22

22

=−( ) −( ) +

−( ) −( )

=−( ) −( ) +

−( ) −( )

=−( ) −( ) +

−( ) −( )

n II n III

I II I III

n III n I

II I II III

n I n II

III I III II

On a intérêt à réaggancer ces trois égalité comme suit :

α

σσ σ

τσ σ

σ σ σ σ

β

σσ σ

τσ σ

σ σ σ σ

γ

σσ σ

2

22

2

2

22

2

2

2 2

2 2

2

=

−+

+ −

−( ) −( )

=

−+

+ −

−( ) −( )

=

−+

nII III II III

I II I III

nI III I III

II I II III

nI II

+ −

−( ) −( )

22

2

σ σ

σ σ σ σ

I II

III I III II

(36)

49

On fait ainsi apparaître au numérateur l’équation de trois cercles Cα , Cβ et Cγ de centres

σ

σ σαn

II III=+

2

0, ; σ

σ σβn

I III=+

2

0, ; σ

σ σγn

I II=+

2

0, et de rayons

R II III

ασ σ

=−2

; R I III

βσ σ

=−2

; R I II

γσ σ

=−2

respectivement. D’après (31), on a fait

l’hypothèse que σ σ σI II III≥ ≥ ; alors pour que les solutions (36) soient acceptables, il faut

s’assurer que α2 0≥ , β

2 0≥ et γ2 0≥ , c’est à dire véfifier les inégalités suivantes :

σ σ τ

σ σ τ

σ σ τ

α α

β β

γ γ

n n

n n

n n

R

R

R

−( ) + ≥

−( ) + ≤

−( ) + ≥

2 2 2

2 2 2

2 2 2

(37)

Ainsi pour toute facette, le point figuratif T de l’extrêmité du vecteur des contraintes rT se

trouve à l’extérieur des deux cercles Cα et Cγ et à l’intérieur du grand cercle Cβ (cf. fig.13,

en jaune). Le plus grand des trois cercles Cβ est appelé cercle de Mohr.

σn

τ

σI σIII

0

σII

T

σ αn σ βn σ γn

Fig. 13 – Tricercle de Mohr

50

Cette représentation du tenseur des contraintes s’appelle encore diagramme de Mohr ou

tricercle de Mohr.

Remarque :

− Si deux contraintes principales sont égales, le domaine est dégénéré en la frontière d’un

cercle.

− Si les trois contraintes principales sont égales, le tenseur des contraintes est isotrope, et

le diagramme de Mohr dégénère en un point de l’axe σn .

6.2 Propriétés du diagramme de Mohr

La représentation graphique montre que la contrainte tangentielle maximale est en valeur

absolue égale au rayon du grande cercle Cβ (fig. 13) :

τ σ σ

max= −( )1

2 I III (38)

Étudions maintenant la description d’un cercle de Mohr, par exemple la grand cercle Cβ .

Son centre et son diamètre sont calculés à partir des contraintes principales σI et σIII .

Donc dans le repère principale 0, , ,

r r re e eI II III( ) , il est décrit pour les facettes qui tournent

autour de reII (cf. fig. 14, en rouge).

51

reIII

reI

reII

rn

rt

rT

σn τ

σn

τ

σIIIM

T

σnβ-2θ

r e I

θ

+

σ I

reIII

(a) (b)

Fig. 14 – (a) Repère principal θ <( )0 - (b) Cercle de Mohr associé à la facette

La normale rn et la tangente

rt associé à cette facette évolue dans le plan

r re eI III,( ) ; notons θ

l’angle entre rn et

reI (fig. 14-a). Alors on a :

r r rn e eI II= +cos sinθ θ

r r rt e eI II= − +sin cosθ θ

Le vecteur contrainte associé à cette normale s’exprime :

rT

I

II

III

I

III

=

=

σ

σ

σ

θ

θ

σ θ

σ θ

0 0

0 0

0 0

0 0

cos

sin

cos

sin

Ainsi on a :

r rT n n I III⋅ = = +σ σ θ σ θcos sin2 2

52

r rT t I III⋅ = = − +τ σ θ θ σ θ θcos sin sin cos

Soit encore :

σσ σ σ σ

θ

τσ σ

θ

nI III I III

I III

=+

+−

= −−2 2

2

22

cos

sin

(39)

Puisque :

coscos

sincos

sin sin cos

2

2

1 22

1 22

2 2

θθ

θθ

θ θ θ

=+

=−

=

On montre ainsi que lorsque la facette tourne de θ , le point représentatif T décrit le cercle

de diamètre σ σI III− avec un angle au centre de −2θ .

Propriété : Lorsque la facette tourne autour d’une direction de contrainte principale (par

exemple reII ) d’un angle donné, alors l’extrêmité du vecteur contrainte tourne sur le cercle

principal associé (de diamètre σ σI III− dans le plan de Mohr) d’un angle double dans le

sens opposé autour du centre du cercle.