Chapitre Yeux Rouges

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Chapitre 29

OEIL ROUGEPr Philippe Gain, Dr Gilles ThuretResponsable du document : Pr Philippe Gain Dernire mise jour : 17 fvrier 2003

I - OEIL ROUGE DOULOUREUX AVEC BAISSE DACUIT VISUELLE II - OEIL ROUGE SANS BAISSE DACUIT VISUELLE SANS DOULEUR OCULAIRE III - OEIL ROUGE AVEC DOULEURS OCULAIRES MAIS SANS BAISSE DACUIT VISUELLE IV - ENFIN CERTAINS YEUX ROUGES SANS DOULEUR NI BAISSE VISUELLE FONT PARLER " DHYPERHMIE CONJONCTIVALE BANALE "

OEIL ROUGEPr Philippe Gain, Dr Gilles ThuretLa rougeur oculaire est un symptme auquel le mdecin gnraliste est frquemment confront, parfois en urgence devant un malade inquiet. Lorientation diagnostique est demble oriente par la rponse deux questions : y-a-til une baisse dacuit visuelle associe? Y-a-til des douleurs oculaires associes ? Signalons que nous ne traiterons pas dans cet expos la traumatologie oculaire (corps tranger superficiel par exemple) qui sera envisage au chapitre " oeil douloureux ".

I - OEIL ROUGE DOULOUREUX AVEC BAISSE DACUIT VISUELLEDans tous les cas, un oeil rouge avec douleurs et baisse visuelle ncessite un examen ophtalmologique urgent. Il existe 3 causes de gravit et de degr durgence dcroissants. Fait important, ces 3 atteintes donnent une rougeur qui prdomine autour de la corne dite rougeur ou cercle " prikratique ", signe datteinte svre du segment antrieur de lil (tombe en QCM).

1/ Le glaucome aigu par fermeture de langleIl sagit de la principale urgence mdicale ophtalmologique. Le diagnostic se pose gnralement aprs la soixantaine, frquemment chez la femme, devant une crise de survenue brutale et unilatrale associant des douleurs oculaires ou orbitaires trs intenses (parfois cphale diffuse) avec rougeur oculaire prdominance prikratique (autour de la corne) et baisse dacuit visuelle profonde. Le diagnostic est suspect face cet oeil rouge prikratique avec corne trouble car oedmateuse (reflet glauque...) et pupille en semi-mydriase aractive.

La palpation bi-digitale de loeil aux travers la paupire ferme retrouve une sensation doeil dur comme une " bille de bois "(ce geste, que le mdecin gnraliste doit savoir faire, est comparer lautre oeil). Il existe parfois des signes digestifs type de nauses ou de vomissements qui peuvent garer le diagnostic (tableau pseudo-appendiculaire ou pseudo-mning). Le diagnostic de glaucome aigu peut tre fait par le mdecin gnraliste qui doit alors adresser le patient durgence dans un service dophtalmologie car le risque est double : perte fonctionnelle de loeil en quelques heures par atrophie optique et bilatralisation de la crise (car les 2 yeux sont prdisposs).

Le praticien peut dbuter le traitement : GLYCEROTONE sirop ou mieux DIAMOX, la rigueur PILOCARPINE collyre. Il faut se mfier des tableaux trompeurs : petites crises subaigus spontanment rsolutives qui peuvent faire voquer une cphale banale, ou encore crise bilatrale parfois au cours dun rveil anesthsique. Ce type de glaucome est le seul contre-indiquer formellement la dilatation pupillaire qui favorise la fermeture de langle irido-cornen, surtout sur un oeil prdispos par une hypermtropie. Ainsi lusage de tout mdicament ayant des effets parasympatholytiques (ATROPINE ou drivs) ou sympathomimtiques (ADRNALINE ou drivs) est contre-indiqu. Par contre, une fois le traitement prventif des rcidives effectu par lophtalmologiste (iridectomie au laser bilatrale car les 2 yeux sont prdisposs...), les mdicaments autrefois contre-indiqus ne le sont plus.

au cours "baisse d'acuit visuelle rapide ou brutale"

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2/ Luvite antrieure aiguEncore appele iridocyclite ou iritis, elle peut survenir tout ge, parfois chez le sujet jeune ou mme lenfant. Elle associe des douleurs oculaires (gnralement modres) avec rougeur prdominance prikratique et baisse dacuit visuelle mais moins profonde que dans le glaucome aigu. Un tel tableau ncessite un diagnostic positif en service dophtalmologie (recherche de l'effet Tyndall et de la descemetite) et surtout la recherche dune tiologie.

Les tiologies sont trs varies, citons :

parfois une cause locale " oculaire " : herps cornen (kratite) qui diffuse dans loeil, provoquant une krato-uvite ( ne pas cortisoner tant que la kratite nest pas gurie), rarement un corps tranger intra-oculaire profond mconnu (radios si travailleur manuel). principalement les foyers infectieux rgionaux (O.R.L. ou dentaires). les maladies infectieuses : quasiment toutes les maladies infectieuses, dont le Fiessinger Leroy Reiter, la tuberculose, la maladie de Lyme, lherps (alors souvent une krato-uvite). les maladies inflammatoires gnrales : rhumatisme infantile (y penser face une uvite lge de 10 ans !), surtout la spondylarthrite ankylosante chez le sujet adulte HLA B 27 (tombe en QCM), sarcodose, maladie de Behcet ....

Le gnraliste a, ce niveau, une part importante dans la coordination du bilan diagnostique tiologique parfois ralis en ambulatoire. Ce bilan tiologique est centr par linterrogatoire " policier ", lexamen gnral prcis (muqueuses, articulations, poumons, urognital ...) et les examens complmentaires (NF, VS, IDR 10U, typage HLA si orientation rhumato ou Behcet, radios orbitaires, Blondeau, Panoramique dentaire, Sacro-iliaque et colonne lombaire, Radio pulm....). Selon lorientation, on aura recours des consultations spcialises (dentiste, O.R.L., rhumatologue...). Luvite antrieure ncessite, outre un traitement de la cause si on en trouve une (environ 2 fois sur 3) et quelle est curable... un traitement symptomatique relativement urgent par collyre corticode et collyre latropine (tombe en QCM) afin dviter les redoutables complications (cataractes et synchies entre liris et le cristallin). Prvenir quen cas de maladie chronique (exemple : SPA ou Behcet) une rcidive est possible et impose une consultation rapide la moindre rougeur oculaire, douleur ou baisse visuelle.

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3/ Les kratitesLe tableau de kratite, quelle soit aigu ou chronique, est celui dun oeil rouge avec cercle prikratique, douleurs plus ou moins intenses (parfois trs violentes) avec photophobie souvent intense et larmoiement, associ une baisse dacuit visuelle variable. Le diagnostic est confirm par le test la fluorescine qui consiste linstillation dune goutte de collyre la flurorescne avec observation la lumire bleue du biomicroscope (lampe fente) : la corne malade retient la fluorescne, allant dun piquet de simple kratite ponctue superficielle lulcre franc de corne... Les tiologies des kratites sont nombreuses, citons les principales : traumatiques notamment sur lentilles de contact (quil faut savoir enlever la moindre rougeur oculaire). ultraviolette : la clbre ophtalmie des neiges (surtout Pques et sans lunettes) mais aussi le " coup darc " (lquivalent mais moins sportif !) qui gurissent tous 2 sans aucune squelle aprs 24 heures de pansement occlusif. infectieuses, rarement bactriennes mais le plus souvent virales. Ltiologie la plus frquente est la krato-conjonctivite virale pidmique lie ladnovirus, associant un tableau de pharyngite, dadnopathies prtragiennes et de kratite bilatrale dans un contexte pidmique trs net. Une tiologie plus rare mais redoutable est la kratite herptique, ne surtout pas mconnatre, avec son aspect typique dulcre daspect " dendritique ". En effet, linstillation tort dun collyre corticode peut tre responsable de complications dsastreuses (aggravation dune ulcration cornenne pouvant aboutir la perforation oculaire). Il faut rappeler que la prescription dun collyre corticode par le mdecin gnraliste dans un oeil rouge sans diagnostic prcis est formellement interdite.

enfin la kratite sche, parfois associe un syndrome de Gougerot-Sjgren, est trs frquente chez le sujet g. L'hypolacrymie est affirme par le test de Schirmer (petite bande de papier buvard gliss dans le cul de sac conjonctival qui mesure la quantit de larmes aprs 5 minutes). Il faut penser rechercher une tiologie iatrogne, notamment la prise de mdicaments psychotropes. Linstillation de larmes artificielles ou de gels plus visqueux apporte une amlioration mais souvent incomplte.

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II - OEIL ROUGE SANS BAISSE DACUIT VISUELLE SANS DOULEUR OCULAIRE1/ Les conjonctivitesDans la conjonctivite, la rougeur prdomine dans les culs de sacs conjonctivaux (tombe en QCM).

Il ny a, pas de baisse dacuit visuelle ni de douleurs oculaires, sinon il faut craindre lassociation une kratite (la rougeur devient alors plus prikratique). Il ny a - priori- pas dexamen complmentaire faire et le recours un prlvement lacrymal but bactriologique est fait rarement ncessaire (conjonctivite rebelle). Les principales causes sont les conjonctivites virales (trs souvent bilatrales, notion de contage, association parfois un catharre ou un malaise gnral (astnie, fbricule), scrtions plutt claires lorsquelles ne sont pas surinfectes. Attention, elles peuvent se compliquer de kratites (adnovirus surtout), avec alors photophobie intense, douleurs et rougeur prikratique.

les conjonctivites bactriennes : purulentes, parfois unilatrales, rechercher un obstacle sur les voies lacrymales favorisant la stagnation des larmes. les conjonctivites allergiques (avec leurs pavs sous les paupires) entrant parfois dans le cadre de la conjonctivite printanire invalidante.

noter que bon nombre dyeux rouges de faon chronique sont trop souvent tiquets " allergiques " alors quil sagit en fait dun trouble de la rfraction mconnu (voir paragraphe IV plus bas ).

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2/ Lhmorragie sous conjonctivaleLhmorragie peut tre minime ou raliser un tableau plus alarmant pour le patient avec un vritable hmatome sous conjonctival impressionnant.

Quelles en sont les tiologies possibles ? Il faut liminer en priorit une plaie sclrale sous-jacente (photo ci dessous) : interrogatoire, au besoin une radiographie de lorbite la recherche dun corps tranger intra-oculaire profond pass inaperu car la plaie de sclre tait minime et auto-coapte. Attention aussi de ne pas mconnatre une contusion oculaire plus grave (comme un hyphma associ comme sur la photo de droite ci dessus) :

Puis sassurer quil nexiste pas de pousse hypertensive : cause importante, prendre la TA du patient ! liminer un surdosage en traitement anticoagulant en particulier un surdosage en AVK : demander une biologie durgence. liminer un trouble de la crase sanguine rvlateur dune hmopathie (y penser chez lenfant...) ou dun diabte (cause classique mais en fait rare). Mais le plus souvent (3 fois sur 4) il ny a pas dtiologie, lhmorragie ayant lieu aprs des efforts de toux (coqueluche dautrefois) ou de vomissement ("cuite du samedi soir") et on parle de "fragilit capillaire isole".

Donc 3 causes ne surtout pas laisser passer : la plaie du globe (avec ou sans CEIO), laccs hypertensif, le surdosage en AVK. Il ny a aucun traitement en dehors de celui de sa cause bien sr (un collyre rassurera parfois) car la rsorption se fera spontanment en 1 3 semaines, en passant par toutes les couleurs de la biligenie (en prvenir le patient)

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III- OEIL ROUGE AVEC DOULEURS OCULAIRES MAIS SANS BAISSE DACUIT VISUELLEIl ny a quun seul diagnostic : lpisclrite. Il sagit dun nodule rouge violac sur la sclre, souvent trs douloureux mais sans baisse visuelle.

En fait lpisclrite est souvent bnigne, parfois chronique, survenant en dehors de toute maladie gnrale. Elle impose nanmoins un bilan tiologique (interrogatoire et examen gnral). En cas de signes dappel, on ralisera un bilan plus pouss et comparable celui dune uvite la recherche dune maladie infectieuse, inflammatoire (" collagnose ") ou rhumatismale. Il est exceptionnel quune pisclrite se complique de perforation sclrale (vue uniquement dans les pisclrites graves des maladies de systme ou rhumatismales).

Le traitement de lpisclrite, outre celui de sa cause sil y en a une, est la corticothrapie locale(collyre).

IV - ENFIN CERTAINS YEUX ROUGES SANS DOULEUR NI BAISSE VISUELLE FONT PARLER " DHYPERHMIE CONJONCTIVALE BANALE "Il ne faut priori pas les laisser sans diagnostic ! " loeil rouge banal nexiste pas " - " la conjonctivite chronique nexiste pas " ! Ainsi certaines causes de rougeur oculaire chronique sont liminer. Il sagit en particulier des troubles de la rfraction mconnus pouvant induire un effort visuel permanent responsable de rougeur oculaire chronique : hypermtropie surtout (le sujet peut tout fait

lire 10/10 mais au prix dun effort daccommodation permanent) ou encore astigmatisme non corrig. Il peut sagir encore de troubles de la vision binoculaire (penser au bilan orthoptique). Il faut enfin ne pas oublier le syndrome sec et avoir recours facilement au test de Schirmer : ainsi, si le vritable syndrome de Gougerot Sjogren est rare, la scheresse oculaire modre est frquente surtout chez le sujet g qui prend des psychotropes, cause classique de scheresse lacrymale secondaire.

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