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Charisme, prophétie, religion populaire

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Charisme, prophétie, religion populaireLes Fanatiques de l'Apocalypse by Norman Cohn; Festa, carisma, apocalisse by VittorioLanternari; Pentecostal Catholics: Power, Charisma and Order in a Religious Movement byMeredith B. McGuire; La Religione popolare fra potere e tradizione. Per una sociologia dellatradizione religiosa by Carlo Prandi; Les Saints et les stars. Le texte hagiographique dans laculture populaire by Jean-Claude SchmittReview by: Jean SéguyArchives de sciences sociales des religions, 29e Année, No. 57.2 (Apr. - Jun., 1984), pp. 153-168Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/30121757 .

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Arch. Sc. soc. des Rel., 1984, 57/2 (avril-juin), 153 - 168

CHARISME, PROPHITIE, RELIGION POPULAIRE

Jean SEGUY

Apropos de:

Les Fanatiques de l'Apocalypse, Norman COHN, Paris, Payot, 1983, 378 p. (edition revue et augmen- tee).

Festa, carisma, apocalisse, Vittorio LANTERNARI, Palerme, Sellerio, 1983, 379 p.

Pentecostal Catholics: Power, Charisma and Order in a Religious Movement, Philadelphie, Temple University Press, 1982, 270 0.

Meredith B. McGUIRE,

La Religione popolare fra potere e tradizione. Per una sociologia della tradizione reli- giosa, Milan, Franco Angeli, 1983, 233 p. (Collana di Sociologia, 71).

Carlo PRANDI,

Les Saints et les stars. Le texte hagiographique dans la culture populaire, Pa- ris, Beauchesne, 1983, 303 p. (Bibliotheque Beau- chesne; Religion, Societe, Politique, 10).

Jean-Claude SCHMITT, ed.,

Trois themes lient ensemble les ouvrages retenus par cette note; ce sont ceux enonces par le titre: charisme, prophetie, religion populaire. Nous en trai- terons plus specialement apres avoir, d'abord, presente les ouvrages eux-mimes dans l'ensemble de leurs apports.

L 'apocalypse et ses ((fans)

The Pursuit of the Millenium disait, des 1957 et sa premiere edition, le titre de I'original anglais de l'ouvrage de N. Cohn (Arch., 5, no 97). Des 1962 (Arch., 15, no 118), et derechef dans sa redition revisee et augmentee de 1983, la tra- duction frangaise affiche: Les fanatiques de l'Apocalypse.

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Parlera-t-on d'infidelit ? Mime pas. Tout l'ouvrage va bien dans le sens que le titre frangais suggere. Les prophetes millenaristes ne sont-ils pas, pour l'auteur, des personnages psychologiquement aberrants, submerges par leurs fantasmes, et les imposant comme magiquement a des masses desorientees par des circonstances diverses ? Des lors, tous les debordements d'une dangereuse pathologie se revelent possibles; les foules a fanatisees a des croisades rejoignent, dans cette perspective, celles de Niiremberg, celles de la Place de Venise, celles qu'on voit se masser encore Place rouge. Cette deuxieme edition franCaise, faite sur la troisieme edition anglo-americaine, se montre plus discrete que la pre- miere sur une pretendue continuite entre les millenarismes chretiens des XIe- XVIe siecles et les millenarismes profanes contemporains (nazisme, fascisme, communisme). Le theme n'est pas pour autant abandonne, comme le montrent certaines rapides allusions eparses dans le texte, ainsi que dans la ((Conclu- sion >. Celle-ci avertit: ((L'ancien idiome religieux a fait place i un idiome secu- lier, et cela rend obscur ce qui autrement serait evident. Car c'est la simple verite (sic) que, depouilles de leur sanction surnaturelle originelle, le millenarisme r&- volutionnaire et l'anarchisme mystiques sont toujours parmi nous .

L'auteur en a aussi bien contre le nazisme que contre le communisme; il etiquette d'ailleurs ( anarcho-communistes ) les groupes medievaux a mode de vie communautaire, ou rivant d'un egalitaire millenium. Mais il en a encore apres les contre-culturels d'un passe psychedelique recent; en eux il reconnait ( une version mise a jour ) du Libre Esprit, ( cette forme deviante du mysticisme medieval >. Admirables et redoutables certitudes.

Soyons clair, cependant: le travail de N. Cohn vaut mieux, dans son en- semble, que les travers que nous en denongons. Dans la version nouvelle qui nous en est offerte (et des la 3e ed. en langue anglaise) l'auteur a tenu un compte certain des critiques emises a son egard par les recenseurs (des historiens en par- ticulier). L'ouvrage s'en trouve notablement ameliore. De cela la bibliographie et les notes portent temoignage. Le texte a egalement ete modifie, certaines pa- ges etant entierement reecrites. On notera, de ce point de vue, que 1'< Introduc- tion ) offre desormais un type-ideal du millenarisme, celui-la mime que l'auteur avait presente a un colloque de 1960 et qui est devenu classique entre temps (cf. Arch., 9, p. 105-109, et 15, no 227). Traitant des mouvements her6tiques, de ceux d'inspiration millenaro-messianique principalement, entre les XIe et XVIIe siecles, Cohn apporte une interessante synthese en ces domaines. Il epice ce qui aurait pu rester une histoire d'idees coupee de biographies et de portraits de lea- ders, de tres fermes remarques socio-historiques. Viennent s'y ajouter d'inatten- dues et contestables explications de nature psychanalytique. Nous nous sen- tons plus a l'aise avec les remarques de genre sociologique - sur lesquelles nous reviendrons plus bas- concernant les mouvements et les leaders messianiques.

La religion des opprimes

Festa, carisma, apocalisse titre l'ouvrage de Lanternari oi l'erudit anthro- pologue a reuni onze etudes, deja publiees ailleurs, plus trois nouvelles (ch. 1, 5, 12).

L'ouvrage place en exergue une assez longue citation de G. Lukacs mettant en doute la neutralite de la raison. L'homme de science, nous est-il dit, est res-

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ponsable de l'usage qu'il en fait et de ses consequences pratiques. Prise de posi- tion engagee sur laquelle nous reviendrons, a propos de ses eventuelles suites, peut-6tre parfois scientifiquement non souhaitables.

Le titre du livre exprime bien les themes traites. Par incompetence nous laisserons ici la fete de c6te, nous contentant de commenter -plus loin- les parties relatives au charisme et a la religion populaire. Notons ici et deja la ri- chesse et la variete des dossiers presentes (millenarismes du Tiers-Monde, mais aussi du Moyen Age occidental, charismatiques et visionnaires italiens contem- porains, etc.). Les problemes theoriques sont d'ailleurs egalement evoques, avec perspicacite et competence. Signalons de ce point de vue l'admirable tour d'hori- zon des problemes et des travaux touchant a la religion populaire, dont Arch. 53, 1, 1982, p. 121-43 avait publie une version frangaise et qui fait le pont ici en- tre f~te et charisme.

C'est une reflexion de type theorique aussi, sur les fonctions sociales de la religion, qui fait le joint entre les deux premiers themes traites par l'ouvrage et les quatre chapitres consacres a l'apocalyptique. Dans ce dernier domaine le Moyen Age et le Tiers-Monde ne sont pas seuls evoques. Une place particuliere revient aux groupes et ideologies occidentaux contemporains de nature apoca- lyptique. Le cas du People's Temple, connu par le suicide collectif qui mit fin a sa carriere, fait l'objet du ch. 11. Le chapitre precedent est consacre a une re- flexion sur le jeu ( dans son rapport a la culture n, a l'histoire, et a l'apocalypti- que (apropos de L'Ange exterminateur de Buiiuel et du Dr Stranamore de Ku- brik). Lanternari constate ici l'existence, dans la culture contemporaine, de cer- tains mythes apocalyptiques (ils seraient mieux nommes, croyons-nous, catas- trophiques, car ils n'ouvrent ni le temps ni l'espace d'un salut). Ces mythes vouent I'univers a la destruction; ils refletent -dit Lanternari- des societes de frustration, et expriment une prise de conscience devant la crise de la modernite. L'auteur montre comment le ((jeu ) des savants avec les potentialites destructri- ces inherentes a leurs sciences ne canalise pas le danger -comme c'est la fonc- tion ordinaire du jeu- mais l'organise; il devient menace radicale. Notre societe abolit le jeu gratuit au profit de la volonte de dominer. Les oeuvres cinemato- graphiques dont il est question ici decouvrent et revelent le danger d'un monde dont les habitants ne parviennent plus a communiquer entre eux.

On le volt par cette courte et partielle description, cet ouvrage, comme tous les travaux de V. Lanternari, est une oeuvre de grande erudition et de vaste culture.

Pentecdte et ((classes moyennes>

Consacre aux catholiques de Pentec6te (Pentecostal Catholics), aux membres du Renouveau , comme on dirait dans le serail, l'ouvrage de Mme McGuire s'appuie sur une enquite par observation participante realisee dans neuf groupes, entre 1971 et 1977. Choisis pour leur accessibilite, ceux-ci ne sont peut-&tre pas ( typiques) - craint l'auteur - du mouvement charismatique ca- tholique americain dans son ensemble (cf. Arch., 49, no 417). Ils revelent une tres forte representation d'etudiants et d'enseignants de tous niveaux (on est a proximite d'une Universite). Les femmes predominent (2/1); les Blancs aussi, et de loin. La tranche de societe majoritairement represent~e est la middle class,

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dont on connait l'extensibilite. La plupart des participants de ces groupes sont, de plus, fortement engages dans leurs paroisses. Les pritres, les religieux et reli- gieuses paraissent nombreux, specialement dans trois des groupes, mais aucune precision chiffree n'est donnee a leur endroit.

L'ouvrage s'interesse en premier lieu au discours des sujets et a leurs attitu- des ritualisees. D'une part il decrit et rapporte, d'autre part il interprete (on sent ici l'influence de l'ethnomethodologie, jamais invoquee pourtant), en soulignant les significations partagees et vecues, les structures de pertinence subjective par ailleurs.

Les groupes etudies appartiennent au reseau national rattache aux centres de Notre Dame (Indiana) et de Ann Arbor (Michigan). C'est dire que la re- gulation orthodoxe y est a l'ordre du jour. Pourtant I'auteur a decele, dans la po- pulation etudice, des croyances reprouvees par les dirigeants locaux, nationaux, ou mime par l'enseignement ordinaire de l'Eglise. Il n'apparait pas sans impor- tance, croyons-nous, de souligner cette capacite d'autonomie des croyants ca- tholiques alors mime qu'ils adherent a une version apparemment conformiste de leur religion, la particularite charismatique mise a part.

Des ( dons , et de leur pratique il est longuement question dans l'ouvrage. On remarquera ici la precision apportee par l'auteur lorsqu'elle decrit croyances et pratiques; son souci aussi de rapporter le langage des interesses, de comparer les groupes entre eux, de restituer la logique interne de la demarche des sujets.

L'auteur suit la carriere typique d'un charismatique: premiers contacts, ini- tiation, conversion, t6moignage, rapport a la glossolalie, aux differents dons, aux activites diverses des groupes.

Beaucoup plus que l'ouvrage du Pere Joseph Fichter sur le mime sujet (Arch., 49, no 417), le present ouvrage fait penetrer le lecteur dans l'univers cha- rismatique. Notant l'importance des dirigeants -locaux et nationaux- dans les groupes etudies, comme dans tous ceux du mime reseau, l'auteur rend compte de ce phenomene a partir du systeme des croyances: celui-ci enseigne que tout chretien peut recevoir les dons du Saint-Esprit; mais il pretend aussi que l'Esprit donne autorite a certains membres des groupes de priere pour conduire leurs fre- res. Le leader charismatique tel qu'il se trouve decrit ici fait souvent penser au pasteur pentec6tiste tel que Bryan R. Wilson l'a evoque dans un article fameux (s R61e Conflicts and Contradictions of Status >, American Journal of Socio- logy, 64, 5 mars 1959, p. 494-504). Tous les manipulateurs de charisme appar- tenant a une organisation hierarchisee definitrice d'orthodoxie, et dependant d'elle, semblent structurellement pris dans les mimes conflits de r6le et les m&- mes contradictions de statut: ceux et celles qui naissent d'un appel a la liberte de l'Esprit dans le cadre d'une regulation orthodoxe. Le probleme n'est pas sys- tematiquement traite ici et on le regrette.

On notera que dans les groupes en question les leaders monopolisent, a peu pres, les manifestations publiques de parler en langues; de mime, la pratique de la prophetie et des dons connexes reflete la stratification du pouvoir et regoit sa legitimation du contr6le dont elle fait l'objet de la part des dirigeants. La re- gulation exercee sur les dons et les croyances n'empiche ni les eventuelles d~dviations ,,

ni l'existence dans les groupes charismatiques d'un sentiment d'egalite et de spontaneit&. Mme McGuire souligne ce fait i plusieurs reprises.

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Dans les deux chapitres consacres aux pratiques de guerison par la foi (p. 125-83) l'auteur montre bien leur enracinement dans les croyances du Re- nouveau, et la coherence logique de cet ensemble de croyances et de pratiques. Si Sdeviance il y a, chez les charismatiques, c'est par rapport aux definitions de la maladie, de la gurison et du pouvoir de guerir familieres dans la soci&t globale. Pourtant, les sujets etudies recourent au medecin et i la medecine a peu pres comme ((tout le monde . La guerison par la foi n'est done pas, pour eux, une technique medicale alternative; elle rev&t des fonctions nombreuses que l'auteur s'efforce de mettre en relief (cf. p. 182-83, sp&cialement). En parti- culier, elle procure un sens a la maladie et i la guerison; elle permet aussi l'exercice de ministeres de guerison specialises, a l'interieur des groupes, mettant ainsi en oeuvre et confortant la stratification en leur sein. Comme le charisma- tisme dans son ensemble, selon Mme McGuire, la guerison par la foi permet de retrouver un ordre conqu comme divin, de restaurer dans les groupes et dans l'Eglise un pouvoir lui aussi censement surnaturel.

Religion populaire, pouvoir et tradition

A l'origine de l'ouvrage de Carlo Prandi (La Religione popolarefra potere e tradizione), les familiers de son oeuvre reconnaitront, completement r~crits cependant, des travaux djai publies par ailleurs. Seule l'4Introductions est com- pletement originale (p. 9-21). On reconnaitra egalement dans ces pages la fagon propre de l'auteur, entre anthropologie et sociologie, entre diachronie et syn- chronie, sur le fond d'une encyclopedique et polyglotte erudition.

Prandi presente ici la religion populaire en rapports dialectiques avec pou- voir et tradition. C'est li l'originalite de I'ouvrage. La religion populaire y appa- rait constamment menacee par les puissances hegemoniques qui- au nom de leur tradition (la tradition)- lui pr&tent ou lui retirent sa legitimite, et, par ail- leurs, par les risques de marginalisation cognitive qui la transforment en tradi- tion folklorique. Cette triangulation dont nous montrons ici un seul des aspects structure le titre et parcourt l'ouvrage. Notons son sous-titre: ((Pour une socio- logie de la tradition religieuse (1).

De fagon heureuse, I'auteur appuie son etude sur deux p6les structurels: en premier lieu une theorie des champs sociaux inspiree de P. Bourdieu; elle permet d'apercevoir que la transmission de la tradition dans l'Eglise s'effectue par les soins des sp&cialistes-mimes qui structurent le champ religieux. En second lieu, la tradition suppose l'existence historique a d'une structure organisee de pouvoir possedant les dispositifs aptes a reguler les comportements de son public selon les definitions de l'orthodoxie n (p. 18-9). C'est li croyons-nous, une perspective feconde, qui, en soulignant le rapport tradition-pouvoir, permet d'expliquer de fagon convaincante que la tradition possede valeur normative, dans les religions fond&es a tout le moins.

C. Prandi n'ignore pas les problemes de la tradition ou des traditions dans les religions de caractere ethnique ou national. Mais il s'interesse avant tout au christianisme catholique. D'oiu la forme specifique que prend sa reflexion sur la tradition. Nous la croyons, cependant, utilisable au-dela du catholicisme (et du protestantisme, auquel Prandi fait peut-dtre un sort trop rapide en ce domaine), au-dela m6me du champ religieux.

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Le lecteur appreciera les pages oii I'auteur souligne l'existence de traditions savantes et ecrites a c6te des traditions populaires, orales ou ecrites. En r6- ference explicite a Saintyves, Prandi admet que traditions savantes et traditions populaires entretiennent des rapports dialectiques. Le populaire (ou l'etat d'une tradition populaire a un moment donne) est un effet d'histoire. Il n'existe pas en lui-mime ou par lui-mime. L'ouvrage developpe cette idee et y insiste de ma- niere recurrente. Il met l'accent, egalement, sur certains moments de rupture (fin du monde antique, Reforme et Contre-Reforme, revolution industrielle), sur la specificite des cas nationaux et regionaux aussi. L'idee weberienne d'une ratio- nalisation croissante de l'univers occidental et d'un desenchantement conco- mitant du monde court a travers le livre de Prandi. Pourtant, note-t-il, la religion populaire n'a pas disparu de notre univers; elle y connait m~me une nouvelle existence, sous la forme que la societe et les moyens de communication de masse lui conferent.

Le texte hagiographique

Sous un titre pittoresque (Les Saints et les Stars) Jean-Claude Schmitt a re- uni des travaux presentes a la Societe d'Ethnologie Frangaise lors d'une session tenue en 1979. Que dire du ((texte hagiographique)) dans la culture populaire ? Tout part ici de cette question. Les treize communiquants s'efforcent d'y re- pondre chacun a sa maniere et a partir de sa matiere. L'vediteur lie la gerbe en une c Presentation (p. 5-19) pleine de notations generalisantes.

Le (( texte hagiographique ) s'inscrit ici dans des (( monuments ecrits n, mais < aussi bien en traditions orales, musicales, iconiques, gestuelles e. Les travaux recueillis traitent de phenomenes echelonnes entre le IVe siecle et notre actualite immediate. La perspective est celle de la longue duree et du changement. Les mutations apparaissent ainsi autant et plus que les permanences. L's objet ethno- logique sort de l'immobilite qu'on lui prate trop volontiers. Transmis il se transforme, mais pas de n'importe quelle fagon. A la question ((comment evolue le rite ? n, J.-C. Schmitt repond: c par obliteration progressive des elements qui n'ont plus cours, et surtout par agregation de motifs nouveaux, mais qui jamais ne mettent en cause l'unite fonctionnelle de sa structure)) (p. 14).

Sur cette fonctionalite du ( texte hagiographique)) comme ensemble, cueil- ions encore ces remarques, suscitees par l'etude de J. Cheyronnaud concernant c l'hymnodie de pelerinage-: ((La legende, les gestes rituels, la musique qui, comme ici, les lie, expriment et renforcent sous des formes complementaires la devotion des fideles, font ceder les dernieres resistances de celui qu'emporte bient6t le tourbillon unanimiste du pelerinage ou de la f~te H (p. 16). Apparait ici Sl'unite de tous les aspects du texte hagiographique, la coherence de sa forme et de sa fonction)) (ibid.). Autant de remarques qu'il faudra integrer a une sociolo- gie de la tradition comme transmission.

Sur d'autres points encore, I'apport du present ouvrage vient completer et elargir nos connaissances. Ainsi, a propos des pelerinages, J.-C. Schmitt note que les lieux mimes, dans leurs vertus thaumaturgiques, apparaissent plus im- portants que les personnages objets de culte en ces lieux. On savait deja cela par ailleurs s'agissant d'epoques reculees. Il est d'autant plus interessant d'en trouver

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exemplification aujourd'hui, tout pres de nous, dans une communication (de J. Roche) sur certains cultes sauvages angevins.

Les problemes traites dans ce livre ne renvoient pas tous, comme on pour- rait le craindre, a un monde d'( avant la secularisation s. Le probleme de l'even- tuelle metamorphose du texte hagiographique dans la societe de spectacle ) re- tient assez longuement l'attention des auteurs et, en particulier, de l'~ diteur . L'effondrement de la societe qui portait traditionnellement le < culte des saints ) n'empiche, constatent-ils, ni la persistance de ce dernier - au-dela de ses muta- tions-, ni, dans la ( culture populaire actuelle, une reference continue au sacre, et la ((permanence etonnante des attitudes de devotion .

Les deux contributions reunies sous le titre (Les idoles electriques ) traitent de deux chanteurs contemporains: l'un vit encore, Patti Smith; tandis que l'au- tre, Claude Frangois, est decede depuis plusieurs annees. Mais ce mime dernier ( provoque ) encore, autour de son tombeau, des attitudes de devotion de la part de ses < fans ,>. Les stars successeurs des saints, comme les saints auraient ete les successeurs des dieux ? Non, affirme J.-C. Schmitt. Le culte des stars emprunte certains de ses traits a celui des saints; mais ces stars et leur culte participent d'un systeme social et mime d'une religion profondement differents (p. 17).

On voit bien cela dans l'etude consacree par M.-C. Pouchelle au culte en- tourant la memoire de Claude Frangois. Les attitudes de devotion qui s'y de- ploient manifestent une etonnante continuite avec celles que l'on connait depuis des siecles immemoriaux autour du souvenir des saints. Mais il ne s'agit pas, pour les ( fans ) de se procurer des ( biens de salut ) par recours a un personnage mediateur de transcendance. Des lors, la question se pose: si l'on parle de ((sa- cre n, de ((religion ) et de culte s'agissant des saints et des stars, est-ce selon les mimes definitions dans chaque cas? La reponse qu'on apportera a cette ques- tion est capitale si l'on veut parvenir a une apprehension satisfaisante et feconde des phenomenes dits ( religion de remplacement a, ( religion politique ), (( religion diffuse n, ou encore s implicite >. Il y a l. une urgence de l'heure en sociologie et en ethnologie religieuses.

DU CHARISME

Jusqu'ici et a notre connaissance, le concept sociologique de charisme se voyait toujours refere a Max Weber (2). Mme McGuire fait preuve d'originalite en se reclamant de Durkheim pour structurer sa propre theorie du charisme, dans Pentecostal Catholics (p. 43-8). Pour autant elle ne repudie pas certains as- pects au moins de la perspective weberienne.

Dans les groupes charismatiques, constate Meredith McGuire, tous les membres pretendent posseder du charisme, de quelque fagon. Il n'existe done pas, dans les faits, d'incompatibilite necessaire entre groupe et charisme. On peut, par consequent, contester l'idee weberienne selon laquelle le < groupe cha- rismatique) se caracteriserait paradoxalement par I'absence de charisme chez tous ses membres, le leader mis a part. Pourtant, note aussi l'auteur, les groupes du Renouveau, bien que formes de porteurs de charismes, ont aussi des leaders. Ceux-ci jouent un r6le considerable dans le fonctionnement de ces formations.

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Pour l'auteur de Pentecostal Catholics, le charisme sous toutes ses formes tient son origine et son efficace de la force qui 6mane du groupe. Les adherents du Renouveau charismatique catholique font, dans leurs formations, I'exprience mime que l'auteur des Formes prate aux aborigenes australiens. Ils y prennent conscience de la force dont la collectivite qu'ils forment est porteuse; ils en regoivent leurs charismes propres, c'est-a-dire, commente McGuire, la force in- terioris~e qui leur permet de faire face a la quotidiennete de fagon signifiante (p. 45).

Les leaders charismatiques (les seuls porteurs de charisme selon Weber) re- presentent un cas particulier du mime processus. Ils regoivent eux aussi du groupe l'autorite qui leur permet de s'imposer a ses membres. En somme, il exis- terait deux formes de charisme: l'une ordinaire, celle qui concerne les individus ordinaires et leurs problemes quotidiens; I'autre serait extraordinaire, en ceci qu'elle concerne les seuls leaders et le gouvernement des groupes. L'une et l'au- tre forme renvoient cependant au groupe et a I'interaction des individus avec lui. <On peut comprendre le charisme, ecrit McGuire, comme un processus par le- quel la puissance sociale (social power) du groupe se transforme en puissance individuelle (ibid.).

Avec de nombreux chercheurs actuels tirant argument de certaines indica- tions rapides de Weber, Meredith McGuire met elle aussi l'accent sur la nego- ciation qui s'institue, implicitement, entre leader et (( suiveurs ) potentiels; c'est dans cette interaction que se fabriquerait, en quelque sorte, I'(( autorite charisma- tique n, la forme extraordinaire du charisme. Elle represente en definitive, et se- ion l'analyse de l'auteur, la capacite d'un individu a persuader ses interlocuteurs qu'il peut seul les faire acceder, grice a des manipulations symboliques appro- prices, a un ordre porteur de sens global. Celui-la se voit reconnaitre la capacite de gouverner le groupe qui pretend avec succes mettre le quotidien en communi- cation avec la transcendance.

La tres interessante formulation theorique que nous venons de rapporter ra- pidement nous fait problemes sur deux points au moins, d'ailleurs lies entre eux. D'une part, peut-on ramener le charisme des leaders du Renouveau a une inter- action entre deux sujets sociaux seulement ? D'autre part, le charisme en general se reduit-il a un processus d'interaction ?

II nous parait difficile de rapporter le ((don ) de ceux qui exercent le gouver- nement dans les groupes du Renouveau a une negociation a deux. Ce gouverne- ment (leadership, core group) est generalement collectif. On peut done penser que, pour cette raison deja et de fagon generale, la negociation dont parle Mme McGuire se fait a trois partenaires au moins: le leadership, le nouvel aspirant au charisme de gouvernement, et les membres du groupe. Troika a laquelle il faut ajouter -moins visible peut-Stre mais non pas moins presente- I'institu- tion catholique. C'est en son sein en effet que se situent les groupes du Renou- veau; ils regoivent d'elle en derniere instance leur regulation ideologique obvie. Or elle pretend a un charisme derive, garant du salut qu'elle distribue par mono- pole optatif ou de fait. Tout (( don ) en son sein ne saurait 6tre que subordonne a ce charisme-la (3). Par hypothese, les dirigeants du Renouveau ne peuvent aller chercher leur c legitimite charismatique) dans une negociation n'incluant pas l'institution catholique. C'est avec elle d'abord que le charisme se negocie, s'il se negocie. Mais des lors peut-on encore affirmer, et jusqu'a quel point, que le don

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de gouvernement des leaders prendrait ici origine, et recevrait efficace, de la puissance sociale du groupe local sur lequel il vise a s'exercer?

De toute maniere -c'est notre second probleme- peut-on reduire le cha- risme a un simple ( concept relationnel n, excluant toute predisposition chez le sujet ? Les sociologues anglo-saxons actuels ont raison d'insister dans leurs tra- vaux r~cents, sur l'importance de la reconnaissance dans la genese du charisme. A bon droit, ils r6ferent cette idee a Max Weber (4); selon lui en effet ii n'y a pas charisme au sens sociologique du terme, sans reconnaissance ou attribution de la part des disciples ou des suiveurs du pretendant charismatique. Est-ce a dire que ce processus pourrait se produire en l'absence de toute qualite person- nelle prealable chez l'interess ?

Contre cette hypothese faisant du charisme un concept uniquement rela- tionnel, Max Weber s'inscrit en faux. Du charisme en genbral, il ecrit: ( C'est un don adherant purement et simplement a un objet ou a une personne qui le pos- sede par nature, et il ne peut Stre acquis d'aucune maniere (5). Remarque spe- cialement valable pour le charisme personnel. Du charisme de fonction, eminem- ment transmissible et acquerable, Weber dit: sa transmissibilite <suppose im- plicitement que les pouvoirs charismatiques ne peuvent se developper que dans les personnes ou les objets qui le possedent en germe, mais que ce germe peut demeurer cache si on ne l'incite pas a se developper en l'"'veillant" - au moyen de l'ascese par exemple (6). Weber developpe cette idee dans le concept d'(e du- cation charismatique ) (7). Ainsi, pour le sociologue de Heidelberg le charisme renvoie, soit a une qualite bien affirmee et si personnelle du sujet charismatique qu'on la dira naturelle; soit a un germe qui ne demande qu'a se developper, et que l'auteur compare a un a germe de contagion psychologique (8). Ainsi, pour Weber, le charisme est a lafois concept relationnel (dans la reconnaissance en particulier), et qualite personnelle du sujet concerne; celle-ci peut se reveler plei- nement developpee des le depart, ou au contraire, avoir besoin d'&tre cultivee.

Des lors, et dans la logique weberienne en tout cas, le charisme ne saurait se reduire a un transfert de la puissance d'un groupe (fidt-ce celui, reduit, des pre- miers disciples) sur un individu (9). Pourtant le r6le du groupe apparait capital dans la genese du charisme: personnel, celui-ci devient socialement agissant dans et par la reconnaissance qu'en font les agents qui en deviennent les propa- gateurs et en etendent la contagion; lie a une fonction, il suppose pour exister a ce titre l'intervention pedagogique et rituelle de l'institution interessee; celle-ci porte a developpement et subordination -les deux processus n'allant pas l'un sans l'autre- un c germe preexistant (10).

CHARISMES, PROPHETES ET MOUVEMENTS SOCIAUX

A quoi ressemble un porteur de charisme personnel, un prophete en somme; dans quels rapports se situe-t-il par rapport aux mouvements sociaux, et quelles fonctions remplit la prophetie ? A ces questions deux des auteurs ob- jets de cette note (N. Cohn et V. Lanternari) repondent longuement.

N. Cohn ne discute pas les aspects theoriques du charisme. Sa reflexion se porte par contre longuement sur le prophete dont il entretient une conception as- sez personnelle, et sur les mouvements prophetiques et en l'occurence millena-

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ristes. Le prophete selon Cohn est en effet un personnage polarise par la procla- mation des temps de la fin, des souffrances et des triomphes que les justes y con- naitront, de la punition des mechants enfin. De plus, le prophete se caracterise par son profil psychologique, son origine sociale et les effets de son message, lui mime adresse a un public typ6 (11). Il est dote de prestance physique, d'une per- sonnalite magnetique , capable de <(fasciner)) et d'(( ensorceler)) les foules. Se prevalant de revelations divines, il possede une confiance absolue en sa (mis- sion historique >. Il s'attribue un statut d'annonciateur du salut, ou mime de sau- veur, et authentifie ses pretentions par des miracles.

Ces personnages se recrutent, selon Cohn, dans les couches inferieures de l'intelligentsia (p. 87): clercs minores, bas clerge, lai'cs relativement lettres (arti- sans, titulaires de charges publiques d'importance secondaire, et m~me ((nobles de rang modeste, mais demesurement ambitieux ~).

Cohn apprehende l'eschatologie au centre de la predication de ses prophe- tes comme un ensemble de fantasmes individuels, capables comme tels d'occu- per la conscience d'un individu et de motiver ses attitudes. L'auteur note que les populations medievales baignent collectivement -pour des raisons variees- dans les m~mes fantasmes. Il se produit des lors une double projection, des fou- les vers le prophete, de celui-ci vers les foules (12). De cette rencontre nait le mouvement proph&tique, pathologique comme le prophete lui-mime, et pour cela capable de tous les exces. Cohn ne se reclame pas de Gustave Le Bon ni n'y renvoie. A le lire on recueille pourtant parfois l'impression d'une re- interpretation en clef vaguement psychanalisante, des reflexions du polygraphe frangais, sur les foules et leurs meneurs (13).

Le public disponible a la pr6dication des prophetes et aux aventures des mouvements millenaristes a partie libe avec des conjonctures socio-economiques exceptionnelles: ( essor demographique, industrialisation acceleree, affaiblisse- ment ou disparition des liens sociaux traditionnels, elargissement du fosse entre riches et pauvres n (14). Ces circonstances, qu'on a vu se produire en plusieurs regions d'Europe entre les XIe et XVIie siecles, favorisent chez ceux qui en sup- portent le plus les cons6quences, les plus defavorises en somme, (un sentiment collectif d'impuissance, d'angoisse et d'envie >. Des lors, un mouvement proph&- tique peut naitre, autour de quelque clerc ou laic en rupture de ban, et qui pro- cure aux foules economiquement depourvues une imagerie, un vocabulaire, un discours rendant compte de leurs propres fantasmes en termes dynamiques. Le discours apocalyptique apparait le plus apte - dans certaines circonstances cul- turelles- a remplir cette fonction.

L'action des prophetes en direction des foules passe, selon Cohn, par la me- diation d'un groupe restreint de proches disciples (15). Possede d'un dynamisme inlassable, capable d'une extreme brutalite, obsede par des fantasmes apocalyp- tiques, ce <petit troupeau) entretient une conscience vive de former une elite porteuse d'une mission exceptionnelle. Son action reussit parfois a imposer le leadership d'un prophete a la masse des desorientes. Des lors, des foules se voient assigner une mission collective, d'importance cosmique. Tout entiers consacres, corps et ime soumis au prophete, foule et groupe des disciples for- ment des lors un <peuple saint , incapable de pecher ni d'errer.

Les mouvements prophetiques-mill6naristes ainsi formes vehiculent une vision dualiste de l'univers et de l'histoire. Les (saints) s'opposent aux (sup-

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CHARISME, PROPHETIE, RELIGION POPULAIRE

p6ts de l'Antechrist . D'oui leur hostilite active (pogromes, croisades, expedi- tions punitives diverses) i l'egard des groupes qu'ils declarent sataniques.

En depit de ses hesitations entre l'explication socio-historique et le discours psychanalisant, l'apport de Cohn ai la connaissance du personnage du prophete et des mouvements prophetiques ne manque pas d'inter&t. On ne saurait pour- tant approuver l'auteur lorsqu'il fait du millenarisme l'ideologie exclusive de groupes sociaux economiquement depourvus. Les classes moyennes (et dans certaines conjonctures les classes superieures elles-mimes) peuvent elles aussi devenir porteuses de millenarisme (16). Sur le rapport entre millenarisme et poli- tique Cohn se montre original et fecond, lorsqu'il montre que les mouvements millenaristes ne sont pas necessairement prepolitiques ni postpolitiques. Ils re- presentent -dans le cas medieval en particulier- la radicalisation de mouve- ments sociaux incapables d'atteindre leurs fins. Les millenaristes sont les acti- vistes de ces mouvements; ils en dynamisent les potentialites et en portent les premisses i leurs dernieres consequences. Hypothese interessante.

LES EFFETS SOCIAUX DU CHARISME

Selon Cohn, les millenarismes et autres mouvements charismatico- prophetiques qu'il etudie sont porteurs d'une idbologie aux effets socialement pernicieux.

Lanternari a une position plus nuancee. Dans le chapitre V de son livre, in- titule ( L'ambivalence du pouvoir charismatique n (17), il se pose la question des fonctions du charisme: a revolutionnaire ou ( escapiste ? La reponse qu'il y apporte est ensuite reprise et orchestree i travers plusieurs autres chapitres (18).

Weber affirme du charisme qu'il est d la grande puissance revolutionnaire des epoques liees i la tradition ) (19). Lanternari, lui, veut distinguer entre (re- volution ) et ((transformation). Il note que certains mouvements prophetico- charismatiques de l'epoque moderne (dont Weber pouvait difficilement connai- tre la plupart) produisent ou ont produit des consequences non revolutionnai- res ~. Il faut done l'admettre: le charisme provoque des effets sociaux contradic- toires. D'une part, il peut provoquer un changement que l'on dira a symbolique >, exprimant au moyen de mythes, rites et comportements un refus du monde inefficace par rapport i la societe globale. Pourtant, protestation sociale il y a bien li, insiste l'auteur, mais ( indirecte, invisible, implicite *, touchant les seuls individus concernes et le groupe qu'ils forment. Elle n'affecte pas l'ordre socio- culturel institue, domaine dans lequel la ((protestation politique s'affirme au contraire par des effets directs et revolutionnaires (20).

Ii faut le souligner, croyons-nous, il existe done pour Lanternari un mo- ment protestataire dans tout mouvement structure par le charisme d'un meneur. Ce moment peut se reveler createur de valeurs socio-culturelles nouvelles i la dimension d'une societe globale donnee ( revolution ). Dans d'autres cas, le changement provoque reste de nature i peu pres purement symbolique; les va- leurs qu'il vehicule concernent un petit groupe de partisans seulement ((trans- formation >). L'attitude de repli elitiste adoptee par les groupes et mouvements it perspective ((symbolique , leur interdit toute influence sur l'ensemble social.

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Celle-ci n'est possible qu'aux groupes dont I'ideologie, I'action et les moyens d'action se situent volontairement dans le champ politique.

Pour Lanternari la dichotomie symbolique */ politique s'entend idealty- piquement. Dans les situations concretes, les mouvements observables peuvent renvoyer en mime temps, et en des proportions diverses selon les cas, t chacun des deux p6les de la dichotomie. Eventuellement ces proportions peuvent varier avec les conjonctures. Aussi bien tel mouvement d'abord dit (politique n, parce que proche principalement du referent en question, pourra dtre etiquete a symbo- lique ) i une autre phase de son histoire. Lanternari, on le voit, tient it ne pas fi- ger les mouvements et les groupes concrets dans un destin oblige; aucun d'entre eux n'est ici condamne it provoquer des effets necessaires de production ou de reproduction sociale. Cette attitude respectueuse de la liberte du social nous pa- rait trop rare pour qu'on ne la souligne pas.

Pour nous, cependant, Lanternari aurait dfi aller plus loin encore dans le mime sens. On peut se demander, en effet, si seule la protestation (politique ) est capable d'effets socioculturels affectant la societe globale. Ne doit-on pas distinguer ici, avec Weber, entre effets recherches et non recherchs ? (21). Et doit-on penser que la protestation < politique > atteindrait toujours les fins qu'elle se propose ? Lanternari nous parait accorder trop -ici au moins- aux doctri- nes et aux programmes, pas assez aux conjonctures dans leur complexit6.

L'auteur propose une autre dichotomie encore. Il oppose mouvements ( progressifs ) et mouvements <retrogressifs >. Pour lui, la ( progressivite ) se me- sure au degre d'emancipation humaine que le programme, la doctrine, et en ge- neral le mouvement promu par le chef charismatique est capable de provoquer dans la societe ou dans le groupe de ses partisans ) (p. 116). L'auteur refere le concept d'< emancipation humaine it une prise de conscience autonome de leur identite par les acteurs sociaux. Mais si ceux-ci -la chose est frequente- ne s'entendent pas lI-dessus, que fera le chercheur ? Prendra-t-il le parti d'un des camps en presence, et deviendra-t-il son intellectuel organique, ? Est-ce li ce que Lanternari entend lorsque -nous l'avons signale plus haut- il parle de prendre ses responsabilites vis-ai-vis de l'usage de la raison ?

Les concepts de progressivite et de retrogressivite tels que l'auteur les construit nous paraissent doubler inutilement la dichotomie symbolique~ / ((politique , susceptible, elle, de rendre scientifiquement service (22).

LA RELIGION POPULAIRE

Du charisme i la religion populaire (23) un des chapitres de Lanternari (~ charismatiques visionnaires dans le Mezzogiorno italien , p. 152-59) fait le pont. II s'agit ici de cultes recents; situes en marge du catholicisme, ils se struc- turent autour de personnages pretendant i des visions et revelations censement surnaturelles. Au culte des saints familier au catholicisme, ces (nouveaux cultes charismatiques ) empruntent consciemment ou pas, les concepts et les pratiques autour desquels ils s'organisent. Certains traits originaux se laissent cependant deceler: le (saint), vivant, offert sans mediation t la veneration de ses fideles,

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CHARISME, PROPHtTIE, RELIGION POPULAIRE

est le fondateur de son propre culte. Les foules reunies autour de lui attendent de son intercession des miracles de guerison, de protection, et toutes sortes de ma- nifestations extraordinaires.

Selon Lanternari, les personnages a l'origine de ces cultes sont en general des paysans, souvent des ((femmes au foyer ), frequemment des analphabetes. Ruraux pour la plupart, leurs fideles se recrutent aussi parfois dans certaines couches moyennes urbaines (petite et moyenne bourgeoisie). Ces ruraux et ces urbains ont en commun d'appartenir aux couches les plus touch6es par la crise des valeurs qui se developpe depuis la seconde guerre mondiale, et qu'aggrave l'actuelle crise socio-economique. D'ou leur commune attitude vis-a-vis des mo- deles magico-religieux.

L'auteur remarque encore que les <<nouveaux cultes charismatiques)) du Mezzogiorno repondent a l'idealtype des ((mouvements symboliques (24). D'une autonomie reelle mais reduite, ils ne sont pas capables d'opposer a la ((culture hegemonique *, celle de l'Eglise en particulier, une culture religieuse reellement alternative. Conclusion discutable, dans une certaine mesure, car si tout (mouvement charismatique)) comporte un (moment) protestataire, c'est le cas ici et aussi sans doute. Dans cette mesure-lI, les mouvements dits symboli- ques nous paraissent susceptibles d'offrir de l'alternatif. Autrement sans doute que leurs homologues politiques ; mais peut-on pretendre ceux-ci tous et ega- lement porteurs d'une culture pleinement alternative ? Nous nous contentons de poser la question.

Une conception de la ((religion populaire)) est implicite aux reflexions de Lanternari sur les (nouveaux cultes charismatiques e. Elle se trouve explicit~e dans un autre chapitre de son ouvrage, celui intitule ((Religion populaire: pros- pective historico-anthropologique n (p. 85-108). L'auteur refuse la d6finition de la ( religion populaire > par l'opposition a vecu s/ prescrit s. Il y prefere la defini- tion gramscienne. Ici est dit ~populaire ce qui concerne les classes subalternes. Par contre la ((religion officielle n est celle des classes dominantes (p. 106). L'op- position entre ( populaire ) et ( officiel )) ou ( dominant)) n'emp6che pas les com- munications et les echanges entre ces p6les. Lanternari insiste longuement la- dessus (p. 86 et suiv.). De m~me, il ne croit pas que les classes inferieures seules soient porteuses de religion populaire. Les couches moyennes en proces de pro- letarisation (cf. p. 108) peuvent, selon lui, adopter certaines pratiques et repre- sentations des classes subalternes. Dans cette perspective le mouvement charis- matique catholique aussi se voit traite ici comme <populaire , a c6te de sectes variees et de mouvements messianiques divers. Enfin, Lanternari considere la re- ligion populaire capable -selon les cas- des deux fonctions <retrogressive et ((progressive)) dont on a deja parlt.

Sur certains points et jusqu'a un certain point, les idees de J.-C. Schmitt et de C. Prandi se rencontrent avec celles de Lanternari, mais en divergent aussi parfois. Ainsi, J.-C. Schmitt se refuse a une ((culture populaire)) qui serait sans communication avec d'autres formes de culture, ou constamment identique a elle-mime au cours des siecles. IL refere lui aussi le populaire> ((aux modes de domination)) et ((aux modes de resistance ou de consentement a cette domina- tion)) (Les Saints ..., p. 9). Mais il retient une certaine pertinence aux opposi- tions (( savant )/(( populaire ), c( clerical ))/( populaire ) (p. 10), au moins comme in- dices de tensions constitutives du <populaire>)).

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Nous l'avons deja note plus haut, Prandi souligne tres fortement, lui aussi, le caractere historique des produits de la culture populaire - et done de la reli- gion ainsi qualifiee. S'inspirant

. la fois de Saintyves et de Gramsci, il appelle

culture populaire celle des classes subalternes (ou dominees). Elle lui apparait porteuse d'elements partiels d'explication de l'univers, representant des restes marginalises -par les classes hegemoniques- d'explications globales pre- cedemment dominantes.

S'agissant des fonctions du populaire et de la religion populaire en general, Prandi fait preuve de plus d'optimisme que Lanternari et Schmitt. Ce dernier re- connait au texte hagiographique populaire qu'il etudie une fonction d'evasion uniquement (Les Saints..., p. 19). Prandi, lui, suit Lanternari en creditant la reli- gion populaire d'une double fonction: mystificatrice et integratrice d'une part, protestataire et novatrice d'autre part. Il semble croire la premiere plus re- pandue que la seconde, mais offre de cette derniere des exemples historiques nombreux (La Religione popolare..., p. 52-4). Mais I'auteur va au-dela de Lan- ternari lorsqu'il affirme, de plus, une fonction utopique possible de la religion populaire (p. 60-1).

Avec Lanternari et Schmitt, Prandi accorde une considerable importance aux rapports de reciprocite existant entre culture (et religion) populaire d'une part, culture (et religion) savante et clericale de l'autre. Comme Lanternari en particulier, il ne doute pas que les classes moyennes contemporaines et les <cclasses opprimees puissent partager les m6mes attitudes vis-a-vis de la reli- gion et de la magie. D'ailleurs, au cours des siecles, la diversite des rapports en- tre ( populaire ) et ( savant ), populaire et clerical n, cultures dominees et cultures dominantes apparait immense. Prandi se penche avec beaucoup d'at- tention sur la variete de leurs configurations dans I'histoire. Mais, en mime temps, les deux &tudes ponctuelles terminant l'ouvrage de cet auteur (ch. 5 et 6) soulignent tres fortement la dependance de la devotion populaire> vis-a-vis de l'institution catholique dans l'Italie du XIXe siecle. Par ailleurs, le contenu de la litterature de devotion destinee au <peuple se revele (dans ce mime cas) inter- classiste et capable - au-delA des formes diverses que cette production rev&t se- lon ses destinataires- de procurer l'unite de la population catholique italienne dans son ensemble. Du peuple a la ( population ) que devient ici la specificite du ( populaire ?

La question posee met en cause une pratique observable, bien au-dela des travaux de Lanternari et de Prandi; celle-ci consiste a presenter sous la com- mune etiquette ( populaire ) des phenomenes tres divers par rapport a la differen- ciation sociale d'une part, par rapport aux institutions definitrices d'orthodoxie, par ailleurs. Les auteurs ne semblent pas toujours se donner les moyens d'appre- hender ces phenomenes dans ce qu'ils presentent de commun et, en mdme temps, de les differencier les uns des autres. C'est bien cependant ce qu'il conviendrait de faire, si l'on veut saisir d'un m~me mouvement toutes sortes de devotions> internes, marginales, externes mime ai l'institution catholique, les groupements de type-secte et de tous terrains, les mouvements messianiques, les mouvements charismatiques, etc., etc.

Le probleme consiste ici a decider quel critere on privilegiera dans l'appro- che theorique de ces phenomenes: la differenciation sociale, ou le degre d'auto- nomie par rapport aux lieux de definition et de regulation orthodoxe ? Sans

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CHARISME, PROPHITIE, RELIGION POPULAIRE

doute faut-il conjuguer les deux perspectives. Nous avons presente il y a quel- ques annees deja, des reflexions sur ce sujet (25). Nous y mettions l'accent sur le degre d'autonomie des phenomenes, et sur la necessite de recourir a une theorie de la regulation sociale. Dans cette perspective, le caractere populaire de la religion observee est neglige. Si l'on parle encore de ((religion populaire)) c'est par commodite de langage; il serait plus exact de parler de (religion auto- nome >. Le probleme serait des lors d'en etudier les constantes et les variations en fonction de la differenciation sociale et des conjonctures historiques. Mais ici J.-C. Schmitt nous avertit utilement que les phenomenes religieux ne se differen- cient pas toujours selon les clivages sociaux: ( dans le domaine du culte des saints, ecrit-il, l'unanimite des attitudes a souvent prevalu sur les clivages cultu- rels ou sociaux) (Les Saints, p. 18).

POUR PRENDRE CONGE

Charisme, prophetie, religion populaire, les phenomenes en somme que les ouvrages ici commentes etudient changent de formes et de fonctions dans les so- cietes occidentales actuelles. Nos auteurs en sont conscients. Ils voient dans la massification de la culture et dans la secularisation les responsables de ce pro- cessus. Ils designent par 1a un champ nouveau ouvert i la recherche, mais jus- qu'a present peu fouille.

Jean SEGUY

Groupe de sociologie des Religions C.N.R.S.

NOTES:

(1) A notre connaissance le dernier des tres rares ouvrages consacres explicitement a ce theme est: Edward SHILS, Tradition, Londres, Faber and Faber, 1981. II comporte dans ses notes de bas de pages une bibliographie i peu pres exhaustive du sujet.

(2) Sur les controverses autour du concept de charisme et une mise au point arr6tee a la date de l'ouvrage, cf. Michael HILL, A Sociology of Religion, Londres, Heinemann, 1973, ch. 7 et 8; auquel on ajoutera: Bryan R. WILSON, The Noble Savages; The Primitive Origins of Charisma and Its Contem- porary Survival, Berkeley, University of California Press, 1975; Michael A. WILLIAMS, ed., Charisma and Sacred Biography, Chico (Cal.), Scholar Press, 1982; Roy WALLIS, ed., Millenialism and Cha- risma, Belfast, The Queen's University, 1982; enfin la livraison de Social Compass (XXIX, 1, 1982) consacree au charisme.

(3) Max WEBER, Economie et Societe, Paris, Plon, t. 1 (seul paru), p.570. (4) Ibid., p.249. (5) Ibid., p.430. (6) Ibid.

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(7) Ibid., p.256 et 317; mais surtout Wirtschqft und Gesellschaft, 4e ed., Tiibingen, Mohr, 1956, t.II, p.685; trad. frangaise dans Jean SEGUY, ( Le clerge dans une perspective sociologique; ou, que faisons-nous de nos classiques ? > VIe Colloque du C.S.P., Pritres, pasteurs et rabbins dans la societe contemporaine, Paris, Cerf, 1982, p.48-9.

(8) M. WEBER, Economie et Societe, t.I, p. 15; voir aussi Luciano CAVALLI, II Capo carisma- tico, Bologne, Il Mulino, 1981, p.76-81, et en particulier p.76.

(9) Dans certains cas l'appel a se joindre au prophete ou au groupe autour de lui est lui-m~me de nature charismatique. Que l'on pense a l'appel des premiers disciples de Jesus: ( Toi viens et suis-moi ,,... En sens inverse, voir Roy WALLIS, ( The Social construction of charisma>,, Social Compass, XXIX, 1, 1982, p.25-39.

(10) J. SIGUY,

art. cit., p.39-50. Le concept de ((charisme personnel prive,

que nous mettons en avant dans cet article represente une tentative pour donner un contenu aux expressions ((germe)) et ((latence)) charismatiques dont Weber fait usage a plusieurs reprises sans autre explication.

(11) N. COHN, Les Fanatiques..., p.49, 60-2, 87-8, 307-11.

(12) Ibid., p.87-91.

(13) Gustave LE BON, Psychologie desfoules, Paris, Alcan, 1895. Les travaux de Paul Alphan- dery, diiment repertories dans la bibliographie, sont une autre source de la pensee de Cohn.

(14) N. COHN, op. cit., p.60. (15) Ibid., p.60, et 88-91.

(16) Ernst R. SANDEEN, ( The "Little Tradition " and the Form of Modern Millenarianism n, The Annual Review of the Social Sciences of Religion, 4, 1980, p. 165-81; aussi Jean SEGUY,

, Sociologie

de l'attente), C. PERROT et al., Le Retour du Christ, Bruxelles, Facultes Universitaires Saint-Louis, 1983, p.71-102.

(17) V. LANTERNARI. Festa..., p. 109-30.

(18) Ch. 6, 7, 8, 9, 11.

(19) M. WEBER, op. cit., p.252.

(20) Notre propre conception sur ce sujet s'exprime dans J. SEGUY, ((La protestation implicite: groupes et communautes charismatiques , Archives de Sciences Sociales des Religions, n048, 2, oct. dec. 1979, p. 187-212.

(21) On pense ici, entre autres exemples possibles, aux effets non recherches (socio-politiques, eco- nomiques aussi) de la predication et des pratiques methodistes dans la Grande-Bretagne des XVIIIe- XIXe siecles.

(22) Autre fagon d'armer les concepts ici discutes dans J. SEGUY, ((Une sociologie des societes imaginees: monachisme et utopie), Annales, E.S.C., mars-avr. 1971, p.328-54.

(23) Sur ce sujet on verra l'ouvrage recent de Frangois-A. ISAMBERT, Le Sens du sacre~ ;fte et re- ligion populaire, Paris, editions de Minuit, 1982.

(24) Cf. supra. (25) J. SeGUY. dImages et "religion populaire" , Archives de Sciences Sociales des Religions,

no 44, 1, juill.-sept. 1977, p. 25-43.

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