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LOUBATIÈRES CHEMINS HISTORIQUES Regards sur un patrimoine Alain Falvard EN LANGUEDOC ET ROUSSILLON

Chemins historiques en Languedoc et Roussillon

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Le Languedoc-Roussillon est doté d’un riche réseau de chemins historiques – réseaux celtes, grecs puis gallo-romains – dont les tracés perdurent malgré les altérations de tous ordres. La barrière sud du Massif central impose quant à elle des voies de pénétration qui n’ont guère varié depuis des millénaires. Le livre illustré de photographies et de reproductions de documents anciens (plans et cartes notamment) présente : – les voies antiques : Via Domitia, Via Aquitania, les tracés celtes du Chemin des Arvernes (Chemin Régordane), des Gabales, des Rutènes… ; – les chemins de pélerinage de l’époque médiévale ; – les voies royales et les voies d’eau (routes des Cévennes, canal du Midi ; – les chemins locaux liés aux activités économiques (chemin du sel, de la glace, miniers…).

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LOUBATIÈRES

CHEMINS HISTORIQUESRegards sur un patrimoine

Alain Falvard

EN LANGUEDOC ET ROUSSILLON

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DE NÎMES À JAVOLS : LA ROUTE DES GABALES

Cette route est entièrement contenue dans l’actuelle région Languedoc-Roussillon.Le peuple gabale occupait en effet un territoire qui se confond à quelques communesprès au périmètre du département de la Lozère ou du diocèse du Gévaudan. Sa ca-pitale à l’époque celte et durant l’époque gallo-romaine se trouvait à Javols non loind’Aumont-Aubrac, mais à quelque distance de Mende qui devint capitale diocésainesur décision de l’évêque du Gévaudan. L’itinéraire de cette route est assez incertainà partir de Florac. Cela tient au fait que les départements du sud du Massif Central,Haute-Loire, Cantal, Lozère, Aveyron, ont fait l’objet de relativement peu de re-cherche archéologique, à la différence des départements littoraux de la Méditerranée,que l’on parle des Bouches-du-Rhône, du Gard, de l’Hérault, de l’Aude ou des Py-rénées-Orientales, qui ont donné plusieurs épais volumes des Cartes Archéologiquesde la Gaule. Cela ouvre la porte à quelques hypothèses que nous nous permettronsde formuler en se fiant plus à l’instinct et aux faits observés ailleurs qu’à la stricte ri-gueur scientifique.

DE NÎMES À FLORAC

Pour rejoindre Javols, la route sortait de Nîmes par la route d’Alès utilisée par laroute des Arvernes avant de bifurquer fortement au nord-ouest au croisement de laN106 et de la D907, au niveau du Mas de Ponge. Sa direction sert ensuite pratique-ment de support à la départementale jusqu’à Montagnac. Sur certains tronçons, laroute a subi des modifications minimes mais l’ancien chemin subsiste souvent àcôté d’elle. La route ne traverse pas Gajac ni Fons mais son ancienneté est indiquéepar les lieux-dits d’époque médiévale à Baraquette et Les Baraques. Puis le cheminrejoignait Lédignan en ligne droite sans autre détour. À partir de Lédignan, la routeactuelle suit une ligne de crête d’où l’on voit sur la droite les premiers contreforts desCévennes que l’on rejoint à Anduze. Les spécialistes pensent que le chemin n’em-pruntait pas la route actuelle dont le tracé en crête paraît pourtant très naturel. Sursa droite on trouve le lieu-dit Derrière-le-Grand-Chemin  qui peut se rapportertoutefois au chemin préféré, plus au nord, par Les Mas-de-Cardet. Pour s’y rendre,on franchit en effet le ruisseau nommé Gasferriet qu’on peut assimiler à Gas-Ferrat,c’est-à-dire gué du chemin ferré. On rejoindrait alors Anduze en suivant le chemin

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Page de gauche : La collectrice de l ’Asclié au-dessus de Florac avec les menhirs marquant les passages au colavant la dernière montée sur la D35.

À Lézan, le puits près de l ’église romane.

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de Coste-Longue qui rentre dans Lézan par le nord-est. Lézan est un village quigarde des vestiges intéressants de son passé médiéval dont sa monumentale tour-porche, des tours du mur d’enceinte et une partie de son église romane avec sespierres de calcaire dur caractéristiques des édifices du XIIe siècle dans la région.

Après Lézan, où l’on croisait la voie romaine de Castelnau-le-Lez à Alès, lechemin allait directement à Anduze par Attuech. Peu après La Madeleine et justeavant d’entrer dans Anduze, la route des Gabales rejoignait la draille de Jalcestrecollectant au Trial les troupeaux de Sommières à Pompignan dans cette région suddu Gard. Tout ce petit monde de voyageurs et de troupeaux franchissait l’imposantegorge du Gardon d’Anduze qui se nomme fort justement la Porte des Cévennes.On cheminait ainsi en bordure du Gardon jusqu’au confluent avec le Gardon-de-Mialet, où les chemins se séparaient.

Le lit du Gardon de Saint-Jean laisse ensuite peu de place aux variantes et on re-joignait Saint-Jean-du-Gard en suivant approximativement le tracé de la D907.Après l’embranchement de la D260, on atteint le hameau de Pied-de-Côte. Pied-de-Côte, on ne peut mieux dire en prélude de cette escalade sur un épaulement de lamontagne qui monte directement au col de Saint-Pierre, 395 mètres plus haut ! Ony rejoint l’ancienne route royale. Le chemin ancien faisant la limite départementalejusqu’à Malataverne, il s’élève sur la crête séparant les vallées cévenoles et surplombe

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D’Anduze à Florac par la Corniche des Cévennes.Alès et la porte des Cévennes vue de la route d’Alès. Le hameau de Pied-de-Côte, sur le chemin de Stevenson. À Saint-Laurent-de-Trèves, derrièreun portail. Un joli pont médiéval sur le Taron juste avant d’arriver à Florac.

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de vastes superficies depuis son altitude de 900 mètres que l’on atteint lentement aucol de l’Exil. La route ancienne a été recréée sous Louis XIV, sans doute par souci dedisposer d’un accès facile à cette zone de montagne turbulente pour ne pas dire in-surrectionnelle, au cœur de la révolte des Camisards ; le développement des activitésde soierie poussées par Colbert n’est sans doute pas non plus étranger à cet intérêtpour des routes de qualité favorisant les échanges commerciaux efficaces. Le cheminancien surplombait la route actuelle et passait en crête, une cinquantaine de mètresau-dessus de la départementale. On y trouve les premiers clochers des tempêtes quiservaient de repères sonores pour les voyageurs qui avaient eu l’imprudence de s’aven-turer dans ces régions en période de tempête de neige. Une fois passée Pompidou, lechemin s’élevait comme le fait la route actuelle sur le plateau qui culmine à 1050mètres en passant par l’Abeuradou (l’abreuvoir, en occitan) puis formait la limite descommunes du Pompidou - Saint-Martin-de-Camsalade au nord, et Vébron au sud.La route, quant à elle, monte doucement en lacets, l’itinéraire ancien utilisant de ma-nière optimale la topographie. Il traverse le plateau sur lequel il est monté et rejointla route peu après l’aven de Montgros, puis continue sur l’Hospitalet. La route actuellesuit à peu près le cheminement ancien. Après l’Hospitalet, on arrive à Saint-Lau-rent-de-Trèves où ont été découvertes des empreintes de dinosaure qui sont présentéesdans ce village. Elles nous montrent qu’il y a environ 200 millions d’années les

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Au col Saint-Pierre, la borne ancienneindiquant le passage de la RouteRoyale voulue par Louis XIV.

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Détail des fines sculptures ornantl ’archivolte du mausolée de Lanuéjols.Cet édifice spectaculaire en grandappareil de calcaire fut construit à la mémoire de deux jeunes hommespar leurs parents, sans doute à la findu Ier siècle ou au début du IIe sur le modèle en vigueur à cette époquedans l ’empire romain.

Vu du nord, le site de Anderitum,capitale du peuple celte des Gabales et de la cité gabale à l ’époque gallo-romaine. Il est bien difficiled’imaginer la belle ville gallo-romainebordée sur la gauche par le ruisseau quifait ensuite un coude vers la droite aufond de l ’image, englobant le villageactuel. Un musée abritant les vestigesdécouverts dans les fouilles est ouvert à la période estivale et s’enrichit du fruit des fouilles qui continuent.On en voit une en activité à proximitédu cimetière qui apportera sans douteson lot de nouvelles découvertes. Javols était situé sur l ’importante voieromaine de Lyon à Cahors et c’est la découverte en ces lieux d’une bornemilliaire qui a conduit aux fouillesplus complètes.

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plaques de calcaire érodées qui portent les maisons du village se trouvaient au cœurd’une région tropicale sur le bord d’une lagune où des dinosaures bipèdes cherchaientleur nourriture. Le chemin finissait d’arriver à Florac par les gorges du Tarnon. Àpartir de Florac, une route romaine est mentionnée rejoignant le col de Montirat,puis Javols vers le nord et se raccordant à une autre voie en direction de Lanuéjolsvers l’est. La topographie n’est toutefois guère conforme aux chemins de l’époquecelte, qui empruntaient volontiers les chemins d’altitude plus aisément sécurisés, per-mettant de voir venir le danger de loin.

Un tel chemin existe partant du Pont du Tarn. Ce chemin sert de support auxGR 43 et GR 68. Il forme aussi un tronçon de l’importante draille de l’Asclié quiconduisait les troupeaux sur les vastes zones de pacage d’été. À proximité d’Issenges,où il passe en crête, le chemin devient limite de commune avant d’abandonner lacrête pour rejoindre La Maison Neuve et Les Combettes où il passe le Bramont àgué avant de remonter jusqu’à la côte 1180 par un chemin.

Bordée par les nombreux menhirs de la Cham des Bondons, cette montée depuisFlorac est un authentique plaisir dans des paysages à la fois déserts et remplis d’huma-nité, entre vallées et montagnes. Une fois franchie la D35, on peut, par La Fage,rejoindre Lanuéjols, charmant village d’origine gauloise où cohabitent un exceptionnelmausolée gallo-romain et une belle église romane en pierres de tuffe de la région par-faitement agencées. Arrivait ensuite le difficile franchissement de la gorge du Lot àl’est de Mende, et la remontée vers Rieutord-de-Randon, Saint-Amans et enfin Javols,par des chemins dont le trajet originel a disparu.

ROUTE DE NÎMES À RODEZ : LA ROUTE DES RUTÈNES

Sur son plan des enceintes successives de la ville de Nîmes datant de 1873, F. Germer-Durand mentionne déjà, s’échappant au nord-ouest de la ville par laPorta Salviensis, la route qu’il appelle « Chemin allant chez les Rutènes ». S’appelantmaintenant Chemin Vieux de Sauve, cette route longe le cimetière protestant quis’adossait lui-même à l’ancienne muraille gallo-romaine à l’extérieur de celle-ci. Lequartier est d’ailleurs un lieu de sépulture ancien comme ont permis de le confirmerles vestiges alentour. L’itinéraire continuait par ce qui est la route de Sauve et pour

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Le long d’une boucle en 7 étapes, le marcheur parti de l ’altitude de 1140 msuit d’abord un chemin à plat qui descendensuite à travers bois vers un col (1045 m) où l ’on rejoint un autre cheminde terre que l ’on va suivre à la descente.Le cheminement est comme balisé par des menhirs de taille petite ou moyenne.À proximité du col, au point 2 del ’itinéraire, les menhirs semblentindiquer deux à deux les passages deschemins. Le sol alterne dans cette régionentre granite et causse calcaire quiconstitue le plateau et où sont entailléesles vallées que l ’on parcourt. Du col en arrière-plan, on voit un vastechaos granitique. Le chemin, toujours bordé de menhirs,descend ensuite dans un paysage de petitevallée herbeuse vers le passage d’un ruisseau à 998 m et remonte vers le hameau des Combettes où l ’on rejointla collectrice de l ’Asclié qui fut un des plusimportants chemins de transhumance.

Au-dessus, descendant vers les Combettes,on longe un valat d’herbe rase où couleun ruisseau intermittent. Puis on remonte, suivant toujours les menhirs, sur un épaulement servantde limite communale. Rien ne pousse surce chemin raboté par les séculairespassages de moutons.

Au point culminant du parcours, la pierre des Trois-Paroisses domine lepaysage. Elle porte les stigmates des outilsde carriers qui l ’ont sans doute amputéed’une partie de sa hauteur.

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LA CHAM DES BONDONS,

UN SITE MÉGALITHIQUE

EXCEPTIONNEL

Entre Mende et Florac, ancré comme une barque decalcaire jurassique à la pointe ouest du vaste massif grani-tique du Mont Lozère, bordé au nord par la rivière de Bra-mont et au sud par le Tarn, la Cham des Bondons est unpetit causse à l’est de ses grands frères dont il n’est séparéque par une pointe rocheuse remontant des Cévennes schis-teuses. On n’y trouve plus l’activité humaine qu’à l’état detraces et de quelques labours dans des îlots de terre rougeet c’est dans un endroit passionnant qu’on l’aborde au car-refour de la D35 et de la D135. Un chemin fort bien baliséen part, permettant de découvrir le long de deux itinérairesde longueurs différentes l’étonnant site mégalithique desBondons, le plus riche de France en menhirs après celui deCarnac. On a du mal, dans ce territoire pratiquement dé-sertique, à imaginer l’intense activité humaine qui leur adonné naissance, comme dans d’autres régions des Caussesoù les sites ont toutefois été plus dévastés.

Alors que l’on se pose d’ordinaire la question de savoirquelle motivation avait poussé nos prédécesseurs sur cesterres à ériger de telles manifestations de leur présence, ilsemble ici que ces pierres levées balisent la route, indiquentles chemins au col, marquent les lignes de crête. Monu-ments de granite sur un terroir de calcaire, il a fallu les ex-traire du socle granitique qui affleure alentour et dont ondécouvre de loin en loin des chaos d’énormes pierres rondes.

Il est impossible ici de rendre dans toute son étendue larichesse de ce site mégalithique et on ne peut que renvoyerau passionnant ouvrage de Bruno Marc, grand spécialistedu mégalithisme languedocien, pour une découverte pluscomplète qui ne saurait en tout cas remplacer un déplace-ment sur le site qui est un véritable coup de cœur.

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un bon moment l’actuelle D999. L’itinéraire antique s’en écarte en plusieurs occasions.D’abord à la sortie de Nîmes, la route ancienne est encore matérialisée par le chemindu Mas-de-Vacqueroles pour servir ensuite de limite de commune avec Cabeirac etrejoindre la départementale après le Mas-de-Provence. Encore un petit écart vers lenord après le Mas-de-Barben, où l’ancien chemin fait également limite de communeau pied du serre des Catalaïres, et on rejoint une série de lieux-dits d’anciennes ba-raques indiquant la présence d’installations liées à l’activité du chemin : Saint-Pierre-de-Vaquière, Baraque-de-Jonc, Baraque-Neuve, Barraque-de-Montpezat, Perrier.

Continuant vers Quissac, peu après avoir laissé le village de Combas sur la gauche,la route moderne s’écarte notablement au nord du chemin ancien une fois franchi leMas Mathieu. La route ancienne allait directement à Vic-le-Fesq suivant un trajetlégèrement incurvé au sud qui existe encore sous forme de chemin entièrement car-rossable une fois franchi le ruisseau de Saint-Martin. Un peu plus loin nouvel écartau lieu-dit La Baraque, entre Sardan et Sérignac, jusqu’à Orthoux, puis on remontaitsur Quissac en suivant la limite de commune avec Liouc, franchissant le Val duMalfoussat, passant au pied de la Tour de Labroc. On traversait Quissac au niveaudu quartier médiéval de Vielle après avoir rejoint le Vidourle en aval de la ville. Lelong du Vidourle, longeant le cimetière, on rejoignait Arlus. Au lieu-dit Levesque,le chemin s’incurvait pour rejoindre Sauve en ligne droite et accéder à la ville par lePont Vieux. Avant la construction de ce pont, on franchissait simplement le lit duVidourle un peu en amont de Sauve, à l’endroit où le fleuve ressurgit après s’êtreperdu dans un parcours souterrain, un peu à l’est de Saint-Hippolyte-du-Fort. Cesphénomènes de perte de rivière et de résurgence sont assez communs dans le Gard.Cela se produit par exemple pour le Rieutord, près de Ganges, et vers Vissec où setrouvent les pertes et la résurgence de la Vis, particulièrement spectaculaire.

Le chemin partait ensuite en direction de l’entaille créée par l’Hérault dans labordure cévenole au niveau de Ganges. Il courait à proximité du lit mort du Vidourlesuivant un trajet repris par la D999. À la Baraque-de-Conqueyrac, il croisait uneautre draille de la collectrice de Jalcestre remontant de Pompignan. À proximité deSaint-Hippolyte, le chemin s’incurvait pour contourner la ville au sud par La Croi-sette, retrouvant la D999 à Malataverne, avant de franchir le défilé de Cadière, où laposition du chemin est encore indiquée par la Baraque-de-la-Cadière au carrefourconduisant au village sur la D999. La Cadière possède une des belles églises romanestoute simple de cette région sur la place du village, occupée comme il se doit par une

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Sauve : le Pont Vieux (XIe s.) Il n’est pas indifférent que la route des Rutènes s’appelle au départ de Nîmes route de Sauve. Située à 40 km à l ’ouest de Nîmes par la D999, Sauve était un oppidum celtecomme Montmirat et Combas. Plus tard ce fut la résidence d’été des évêques de Maguelone, avant que Montpellier ne devienne évêchésous François Ier. Situé sur le Vidourleque le Pont vieux enjambe, à peu de distance des contreforts des Cévennes, Sauve est un de ces charmants villages du Sud aux ruelles étroites chargées d’histoire et que surplombe une étonnante Mer de Rochers qui ressemble, avecune pointe d’exagération au charme tout méridional, à un paysage de merdémontée figée dans la roche. À peu de distance de là, le château où est né le fabuliste Florian ajouteune discrète note intellectuelle soutenuepar la présence à Sauve de nombreux artistes.

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fontaine en plein soleil. Le village est protégé du vent par le contrefort montagneuxauquel il s’adosse, et peut-être aussi par saint Michel à qui a été consacrée cetteéglise en calcaire inaltérable.

La route continuait en direction de Ganges. Sur la droite, à mi-distance, un sitede mégalithes subsiste à proximité du Ginestous et une église romane assez profon-dément remaniée occupe le sommet d’une petite colline sur la gauche de la route.De là on surplombe l’arrivée vers Ganges. La route ancienne n’allait toutefois pasjusqu’à cette ville et, au niveau du Puech, bifurquait au nord pour prendre le lit duRieutord qu’on franchissait à pied au lieu-dit La Baraque jusqu’à Sumène, d’où onrejoignait la vallée de l’Hérault par Cap-de-Coste jusqu’à Pont-d’Hérault. On laissaitici l’Hérault remontant à sa source au Mont Aigoual, et on franchissait le fleuve àgué pour remonter l’Arre que l’on passait à gué pour arriver au Vigan via Roudoulouze,l’Elze et encore un passage à gué. Un pont a été édifié sur l’Arre au Moyen Âge.

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Quissac : le vieux moulin sur le Vidourle, vu du pont. L’image montre le Vidourle versl ’amont avec la prise d’eau barrant la rivière et conduisant l ’eau motriceau barrage sur la gauche. Image traditionnelle que l ’on peuttrouver partout en France où les moulins à eau et à ventalimentaient la population en farine.La route des Rutènes longeait ici le fleuve sous les platanes que l ’on voità droite de l ’image. Quissac était un de ces lieux de passage où plusieursvoies importantes se croisaient. Ici passait suivant un axe sud-nord en direction d’Anduze, puis des pâturages de la Margeride, les troupeaux de moutons transhumant des garrigues situées vers le Pic-Saint-Loup.

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Sortant du Vigan, une route de montagne s’écartait de l’Arre qui emprunte quant àlui une vallée profonde sans doute jugée peu sûre. On franchissait le Coudoulous aulieu-dit Pont-d’Andonet, et on rejoignait Bréau par un chemin qui porte encore le nomd’ancienne voie romaine dans ce village tout en longueur le long de la voie. Puis la routecontinuait vers Mars et montait au col de Mouzoulès qui offre un panorama exceptionnelsur les deux vallées qui en partent, orientées dos à dos vers l’est et l’ouest. Au col, à unealtitude de 737 m, se trouvent deux menhirs qui, comme à la Cham des Bondons, sem-blent marquer une sorte de passage; cela indique-t-il un passage multimillénaire com-munément utilisé par l’homme?

Comme un promontoire entre deux vallées, ce lieu reçut les messes au désert degroupes de protestants en butte à la traque religieuse. Une stèle érigée en 1942rappelle que le 19 avril 1742 un groupe y fut surpris, les hommes envoyés aux

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En haut, les abords de Sauve avec en premier plan un bloc de calcaire de la Mer de Rochers qui surplombe la ville, avec sa structure caractéristiqueen vaguelettes. Un circuit balisépartant du Pont vieux permet de découvrir la colline, avec les ruinesde l ’ancien château épiscopal, le dédalede blocs de calcaire de la Mer de Rochers, après une montée à traversla vieille ville riche de nombreuxédifices intéressants.

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galères, femmes et enfants enfermés dans la tour de Constance à Aigues-Mortes.Venant d’Aumessas vers lequel nous continuons par Le Caladon, on peut monter icipar une route tout à fait extraordinaire, très caractéristique des petites routes céve-noles.

La route continuait sur Alzon où l’on rejoint le cours de la Vis, une autre granderivière de la région. À Alzon se trouve la dernière église romane des Cévennes, auvocable de Saint-Martin. On n’aborde qu’avec pudeur le sujet de la disparition deséglises romanes des Cévennes. Il est toutefois difficile d’imaginer que les guerres re-ligieuses y soient complètement étrangères tant l’éradication de ces édifices semblesystématique. À Alzon, le chemin prend la direction de la Vis qu’il franchit sur unpetit pont de pierre et monte sur le causse de Campestre par la route en lacets, au-jourd’hui la D49. De Campestre, il va directement au col de la Barrière où se trouvede manière immuable la limite des territoires volques et rutènes, maintenant limitedépartementale du Gard et de l’Aveyron. La D999 devient la D7 qu’il faut suivrejusqu’au village de Sauclières.

À Sauclières, le chemin partait par Saint-Michel dans la direction de Nant. Peuavant cette ville, la route butait sur le Durzon pratiquement à l’endroit de sonconfluent avec la Dourbie, au lieu-dit La Mouline, où se trouve comme il se doit…un moulin. Il longeait alors la rivière suivant un tronçon qui porte de nom deRoute de l’Estrade indiquant explicitement son origine antique. La route de l’Estradese termine au moment où le Durzon est franchi, à proximité de la très belle chapelleromane Saint-Martin-du-Vigan dont le vocable suffirait à lui seul, comme à Alzon,à attester l’ancienneté de ce chemin. Celui-ci empruntait ensuite le ravin de Val-longue pour monter sur le Larzac au niveau des Liquisses-Basses puis servait de li-mite avec La Cavalerie par Les Agassous, continuait par La Blaquière et rejoignaitau nord de La Cavalerie la voie romaine pénétrante de Saint-Thibéry à Millau,qu’elle suivait par Saint-Michel-le-Petit et Saint-Michel-du-Larzac. La descentevers le Tarn se faisait au Pas Destret où l’on empruntait Coste-Vieille juste àl’aplomb de la ville.

De Millau, on allait pratiquement en ligne droite à Rodez, capitale des Rutènes.Le chemin passe à proximité du prieuré grammontain de Comberoumal, érigé auXIIe siècle, et qui reste un merveilleux lieu de visite et de recueillement, très discretet peu connu, beaucoup moins encore que Saint-Michel-de-Grammont appartenantau même ordre, au-dessus de Lodève.

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Au Vigan, le pont Vieux enjambel’Arre en venant d’Elze sur la riveopposée.

Un des plus célèbres menhirs des Cévennes au col de Mouzoulès. Un autre a été redressé où il a étéretrouvé, en contrebas, formant peut-être à eux deux un passage sacrédans les temps reculés.

Au lieu-dit les Trois-Ponts, le chemin rejoint la vallée de l ’Arre.

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ROUTE DE NÎMES À VIEIL TOULOUSE

À Nîmes, la Porta Circensis, c’est-à-dire la porte du Cirque, située près de l’endroitoù l’avenue Georges-Pompidou devient l’avenue de Verdun, ouvrait sur le cheminde Pissevin. C’est par ce chemin partant plein ouest, que l’on rejoignait Vieil Toulouse,l’autre capitale des Volques dits Tectosages. Étant donné la distance entre les deuxvilles, nous ne traiterons pas le trajet avec autant de détails que précédemment,même si, à partir de Clermont-l’Hérault jusqu’à Toulouse, le chemin sert de tracé àune succession d’importantes routes départementales et nationales qu’il est trèsfacile de suivre.

À l’ouest de Nîmes, à l’endroit où la D40 sort de la zone industrielle, la route deVieil Toulouse empruntait ce qui est une voie carrossable passant par le lieu-ditCante-Perdrix puis Les Baraques au sud de Langlade. On arrivait ensuite à Nages,village héritier de l’oppidum celte qui occupait avec celui de Roque la colline séparantNages de Saint-Dionisy ; Nages est d’originegallo-romaine et conserve de cette époque unefontaine au fond de la combe de Saint-Dionisy,et des vestiges de citerne. Les vestiges très an-ciens sur la colline méritent la visite. On rejoi-gnait Calvisson en franchissant le Rhony auniveau de l’actuel pont d’Arnia, qui pérenniseun pont romain, puis Congéniès en suivant àpeu près le tracé de l’ancienne voie de cheminde fer maintenant transformée en piste cyclable.De fait, un tronçon de ce chemin existe encore,faisant la limite de commune entre Villevieilleet Junas. On le retrouve dans les faubourgs deSommières faisant la limite avec Villevieille.

À Sommières, on franchissait le Vidourle.On se rendait ensuite à Gallargues le plus di-rectement possible à proximité de la Départe-mentale 1. Ce numéro 1 indique à lui seul l’im-portance de cette route qui collectait les

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frISBN 978-2-86266-628-0

29 €

La Via Domitia. Le menhir du col de Mouzoulès.