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Christiane Bailey – Éthique Animale – Hiver 2012 Capacités cognitives, langage et conscience

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Christiane Bailey – Éthique Animale – Hiver 2012

Capacités cognitives, langage et conscience

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Les animaux ont-ils un esprit (mind) ? Les animaux sont-ils conscients ?

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Sensibilité (sentience) et conscience

Rappel de Valéry : « On dira d’un être qu’il est sensible s’il peut faire l’expérience subjective de ses sensations, c’est-à-dire percevoir consciemment les stimuli détectés par son corps (internes ou externes) ou encore ressentir des émotions ou faire l’expérience d’autres états mentaux provoqués par des stimuli externes ou par des pensées. »

« Sensibilité et conscience vont de pair : tous les êtres capables de percevoir leur environnement et subjectivement conscients sont sensibles. »

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« Les militants animalistes pensent généralement que le cartésianisme est dépassé et que de nos jours la science établit sans conteste que les animaux sont sensibles. Or, le statut scientifique de la sensibilité n'a rien d'un acquis. La subjectivité est non seulement absente mais exclue par construction de domaines fondamentaux de la connaissance. La physique — qui se trouve en position de science-mère une fois rejeté le dualisme cartésien — est incapable d'intégrer la sensibilité dans sa vision du monde. Une part non négligeable de la philosophie de l'esprit parle d'une conscience dont la conscience est absente, en ayant évacué l'expérience subjective — les sentiments, les qualia — pour ne laisser que des relations fonctionnelles.

La science et la négation de la conscience animale.De l'importance du problème matière-esprit pour la cause animale.

Estiva Reus et David Olivier, Cahiers Antispécistes, 2006.

Cette situation autorise des discours où la subjectivité semble échapper au domaine de la connaissance pour être reléguée dans celui des croyances personnelles, que les individus peuvent choisir aussi librement que leur religion. Cela constitue un obstacle, dont on a sous-estimé l'importance, à la prise au sérieux de la sensibilité animale.

Nous pensons qu'il est nécessaire que le mouvement pour les animaux prenne conscience qu'il ne peut pas négliger le problème « matière-esprit ». Nous ne devons pas permettre qu'au nom de la science on dénie l'existence et la signification de la sensibilité animale. »

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Conception classique(Aristote et la tripartition de l’âme)

NutritionCroissanceReproductionDépérissement

Perception sensible (aisthesis)Sensation agréable/désagréableDésir, appétit (orexis)Mobilité (action volontaire)Imagination/représentation (phantasia)Mémoire, apprentissage, anticipation, intelligence pratiqueCommunication/compréhension (vie sociale/politique)

Raison/langage (logos)Délibération et décisionAction morale (agir en fonction de ce qui est juste et bien)Perception du temps

Végétative

Animale

Rationnelle

Là où il y a perception sensible, il y a désir.

Là où il y a mouvement local, il y a phantasia.

Se sentir et se mouvoir

Parler d’un animal insensible ou inconscient n’a pas de sens dans le cadre de la pensée aristotélicienne

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La perception sensible (aisthesis) et le désir (orexis) sont des puissances cooriginaires

« Car là où il y a douleur et plaisir [poinê te kai hedone], il y a nécessairement appétit [epithumia] »

Aristote, De Anima, 413b 23

Là où il y a perception de quelque chose, orientation au sein d’un monde, il y a peine et plaisir, sensation de l’agréable et du désagréable.

Sentir, c’est se sentir disposé de telle ou telle manière, se trouver bien ou mal disposé vis-à-vis de ce qu’on perçoit et là aussi il y a être ouvert à quelque chose de désirable ou d’indésirable.

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Se sentir et se mouvoirAristote et l'essence désirante de l'animal

Le désirable meût : ce qui meut l'animal c'est le désirable. Afin qu'un animal ait le désir de poursuivre quelque chose, cela doit lui apparaître comme un bien, au moins comme un bien apparent (phainomenon agathon).

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Les animaux agissent volontairement (Aristote)

Mouvements non–volontaires : Mouvements biologiques qui ne sont causés nie par le désirs, ni par la phantasia. Sommeil, respiration, digestion, croissance et dépérissement

Mouvements involontaires : Mouvements qui ne sont pas des actions, mais qui peuvent être provoqué par l'imagination. Battements de cœur, sursaut, érection, etc.

Mouvements volontaires : Comportements ou actions (praxis) qui sont le produit des désirs et des représentations (chasser, fuir, etc.). Agent responsable (enfant, animal).

Mouvements délibérées : Actions qui sont le produit non plus seulement de la faculté désirante et cognitive, mais le fruit d’une délibération, d’une décision (actions réfléchies, action morale, le sens restreint de praxis de l’Éthique à Nicomaque).

On manque certainement de mot aujourd'hui pour exprimer ce que Aristiote appelait volontaire puisqu'en son sens moderne volontaire signifie délibéré. Or, c'est précisément là le sens du célèbre « syllogisme pratique » d'Aristote : montrer que les animaux se meuvent d'eux-mêmes sans qu'il n'y ait là décision ou réflexion.

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Les animaux se meuvent par eux-mêmes, ils agissent même s'ils ne délibèrent pas leurs actions

Est dit volontaire un mouvement, une action ou un comportement qui est attribuable au désir et à la représentation de l’animal, mais qui n’est pas le résultat d’une délibération ou d’une décision.

L'homme, parce qu'il est pourvu du logos peut se rendre compte qu'il a tendance à désirer X et peut décider de se retenir de poursuivre ce qui lui apparaît désirable et agréable pour agir en fonction de ce qui est bien ou juste.

Le « syllogisme pratique » :

1. Disposition, impulsion ou désir (orexis)(ex : avoir soif)

2. Perception (aisthesis) / représentation (phantasia)(ex : voir qqch de buvable)

------------------------------------------3. Action (praxis) ou mouvement volontaire

(= l'animal va boire aussitôtsans qu’il y ait là décision)

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« An animal who acts from instinct is conscious of the objects of its fear or desire, and conscious of it as fearful or desirable, and so as to-be-avoided or to-be-sought. That is the ground of its action. But a rational animal is, in addition, conscious that she fears or desires the object, and that she is inclined to act in a certain way as a result.

As rational beings we are conscious of the principles on which we are inclined to act. Because of this, we have the ability to ask ourselves whether we should act in the way we are instinctively inclined to. We can say to ourselves: “I am inclined to do act-A for the sake of end-E. But should I?”

(Koorsgaard, 2004, 8-9)

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« De là vient encore que certaines bêtes sont qualifiées de prudentes ou d’intelligentes (phronimos) ce sont celles qui, en tout ce qui touche à leur propre vie, possèdent manifestement une capacité de prévoir. »

Aristote, Éthique à Nicomaque, VI, 7, 1141a 25-28

De la phronesis animaleMémoire, apprentissage et anticipation (intelligence pratique)

Pour qu’un animal ait le désir de poursuivre quelque chose cela doit lui apparaître comme un bien. Tout animal se meut fonction d’une certaine représentation ou imagination. Cependant, certains animaux pourvus de mémoire sont capables de se rappeler et d’apprendre que ce qui apparaît là comme un bien n’est qu’un bien apparent (phainomenon agathon).

Cela explique l'énigmatique note sur laquelle se termine le De Anima selon laquelle les animaux pourvus des cinq sens ne recherchent pas seulement la conservation de soi, mais bel et bien le bonheur, la vie bonne :

« Quand aux autres sens, l'animal les possède non pas en vue de l'être, mais du bien être (eu zên). »

Aristote, De Anima, 436b 20

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Conception classiqueAristote et la tripartition de l’âme

NutritionCroissanceReproductionDépérissement

Perception sensible (aisthesis)Sensation agréable/désagréableDésir, appétit (orexis)Mobilité (action volontaire)Imagination/représentation (phantasia)Mémoire, apprentissage, anticipation,

intelligence pratiqueCommunication/compréhension (vie

sociale/politique)

Raison/langage (logos)Délibération et décisionAction moraleConnaissance de l'universel (episteme)Perception du temps

Végétative

Animale

Rationnelle

Conception moderneDescartes et le dualisme âme/corps

NutritionCroissanceReproductionDépérissementSensation inconscienteExcitation des sensAppétits irrationnelsMouvements mécaniquesPassivité

PenséeVolontéImaginationRessentir (sentiment)Activité

CausalitéRationalité

CorpsMatière (res extensa)

ÂmeConscience (res

cogitans)

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Aristote / DescartesDe la triplicité des âmes au dualisme âme/corps

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A) L'approche classique (aristotélicienne) : Les animaux sont doués de perception sensible : ils ressentent du plaisir et de la peine et ces sensations sont le moteur de leurs désirs. Ils se meuvent par eux-mêmes, ont de l'imagination, de la mémoire et sont capables d'apprendre et d'anticiper. Communication et vie sociale très développée. Il y a néanmoins une distinction de nature entre la raison humaine (logos) et l'intelligence pratique dont font aussi preuve les « autres animaux » (aussi, en un sens, la position de Kant).

B) L'approche moderne (cartésienne) : La conception de l'animal-machine abandonne la conception antique de l'animal comme être qui se sent et se meut en fonction de ses désirs et de ses représentations pour considérer les animaux comme des organismes simplement vivants. Ils ne sont plus seulement dépourvus de la pensée abstraite et du logos, mais de tout ce qui se rapporte à l'âme per se (puisque l'essence de l'âme est de penser, res cogitans). Ils sont vivants, mais en un sens purement biologique, un peu comme les plantes croissent vers le soleil, les animaux réagissent d'une manière mécanique à des stimuli déclencheurs.

C) Différence de degrés et non pas de nature (darwinienne) : Cette conception évolutionniste n'en donne pas vraiment plus aux animaux que ne le faisait Aristote, mais en enlève surtout aux hommes. La pensée abstraite n'est elle-même que le jeu d'association de sensations complexes (Condillac, Hume). Bentham n'hésitait pas à qualifier les animaux d'êtres rationnels. Cette conception évolutionniste considère, des protozoaires à l'homme, il n'y a qu'une seule vie psychique qui varie en degrés et non pas en nature (Haeckel).

Trois conceptions des animaux

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Charles Darwin considérait lui-même les insectes, malgré la petite taille de leur cerveau, comme des animaux qui ont des pouvoirs affectifs et mentaux très élaborés :"It is certain that there may be extraordinary activity with an extremely small absolute mass of nervous matter; thus the wonderfully diversified instincts, mental powers, and affections of ants are notorious, yet their cerebral ganglia are not so large as the quarter of a small pin’s head. Under this point of view, the brain of an ant is one of the most marvellous atoms of matter in the world, perhaps more so than the brain of man.’’

Darwin sur la sophistication mentale et affective des fourmis

La conception commune en éthique animale est une position hybride entre la position 2 et la position 3 puisque la plupart des auteurs adoptent l'hypothèse de la différence de degrés (conception 3), mais considèrent qu'il existe des animaux machines (comme les insectes et les araignées, parfois même les poissons) qui ne sont pas sentient/conscient (conception 2).

L’éthique animale contemporaine : une position hybride

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Si c'est la sensibilité (sentience) qui compte pourquoi se pencher sur la pensée (sapience) ?

Dans le cadre moderne, argumenter que les animaux sont sensibles (sentient) implique qu'ils aient un esprit (mind), une conscience. Plan de la présentation :

ESPRIT ANIMAL. Nos explications de certains comportements animaux en termes psychologiques (croyances, désirs et émotions) impliquent qu'ils aient un esprit (mind), une vie non seulement biologique, mais psychologique. Malgré les protestations des Davidson et cie, les explications psychologiques sont de nos jours largement acceptées (en majeure partie parce que l'esprit a été redéfini de manière strictement représentationaliste).

CONSCIENCE ANIMALE. Une fois l'esprit pensé comme un centre de traitement d'informations et de représentations, il est devenu acceptable de reconnaître un esprit aux animaux non-humains, mais cela n'implique pas de penser qu'ils sont conscients. L'esprit, conçu comme centre de traitement subpersonnel d'informations n'implique pas la conscience phénoménale (Voir les théories HOT et FOR de la conscience.)

ÉMOTIONS ANIMALES. Que les animaux aient des émotions est largement admis, mais, étrangement, on semble avoir trouvé le moyen de définir les émotions en termes purement corporels. Suivant la distinction entre émotions et sentiments, seuls seraient vraiment ressenties les émotions qui sont interprétées par le sujet conscient (voir les théories cognitives de Damasio et de LeDoux).

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L'argument cummulatif pour la conscience animale

Éprouver, être sensible, c'est déjà être conscient. Attribuer une sensibilité consciente ou des états mentaux conscients (émotions, désirs et croyances) à certains animaux est :

● En accord avec le sens commun (1) et le langage ordinaire (2)● Cohérent avec le comportement observable des animaux (3) et a un excellent

pouvoir prédictif (4)● Explicable par sa valeur adaptative lors de l'évolution (5) et en accord avec le

principe de la continuité évolutive (6)● Expliqué par les similitudes physiologiques et neurologiques (7).

Le fardeau de la preuve est du côté de ceux qui nient la sensibilité consciente des animaux non-humains.

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L'argument cummulatif contre la conscience animale

Attribuer des états mentaux (émotions, désirs et croyances) aux animaux est :

● Anthropomorphique. On leur attribue des pensées, des désirs et des concepts que seuls les humains ont (puisque les explications psychologiques implique l'attribution d'attitudes propositionnelles et de concepts).

● Naïf. Les explications psychologiques ne sont pas scientifiques (reprend naïvement le sens commun qui attribue à toutes choses qui se meut des désirs et des croyances. Exemple: BD)

● Pouvoir prédictif = Ok. Mais ce sont des fictions utiles qu'une conception réductionniste sera un jour capable d'éliminer (Stitch, Churchland, Dennett)

● La conscience n'a pas de valeur adaptative (pas de rôle causal) puisque ce qui est sélectionné, c'est le comportement et non pas l'état conscient ressenti.

● La continuité évolutive (6) : le saut s'explique par le langage● La polyvalence humaine : Le développement des sciences et des technologies

humaines, le succès phénoménal de notre espèce, est la preuve que nous sommes qualitativement différents de tous les autres animaux (2e argument de Descartes = spécialisation de l’industrie des animaux).

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Explications psychologiques des comportements des animaux

Nous expliquons naturellement les comportements des animaux en leur reconnaissant des croyances, des désirs et des émotions. Or, l'attribution d'états psychologiques aux animaux est controversée. Certains soutiennent que l'explication du comportement d'un animal en termes psychologiques est déplacée et non scientifique. Attribuer des émotions, des désirs et des croyances à un animal non-humain serait anthropomorphique.

L'anthropomorphisme est la tendance donner une forme (morphe) humaine (anthropos) à des créatures non-humaines. Cela se réflète dans notre tendance à interpréter pratiquement n'importe quoi qui se meut comme ayant des buts, des désirs, des émotions et des croyances. (BD : un grand cercle qui va vers un plus petit sera interprété comme de la chasse).

L'épouvantail de l'anthropomorphisme a longtemps banni toute forme d'explication du comportement animal en terme psychologique. Même si cette exclusion n'était au départ que méthodologique (il ne s'agissait pas de nier que les animaux ont un esprit, mais simplement d'affirmer que ce n'était pas pertinent pour le sujet d'étude des behavioristes), cela a eu pour conséquence de nier simplement l'existence de la vie psychologique des animaux.

Or, là est la question. Les animaux ont-ils un esprit ? Agissent-ils en fonction de désirs et de représentations ?

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Du behaviorisme au cognitivismeExpliquer et interpréter les comportements des animaux en leur attribuant des pensées, des désirs et des émotions est anthropomorphique seulement si les croyances, désirs et émotions sont des caractères proprement humains. Or, là est la question.

Le passage du paradigme behavioriste au paradigme cognitiviste en éthologie a eu pour effet d'ouvrir « la boîte noire » et de s'intéresser à ce qui se passe « dans la tête » des animaux. Largement tributaire du développement des ordinateurs, la révolution cognitive a, dans les années 70, a développé un modèle computationaliste de l'esprit. Ainsi, on ne parlait plus seulement en termes de Stimuli – Réponse, mais en termes d'Input et d'Output. L'esprit, assimilé à un programme d'ordinateur, traite les données des sens : la pensée est associée à un traitement d'informations (information processing), à une forme de calcul (computing).

Les informations traitées par le système sont considérées comme des « représentations ». Les états mentaux sont des représentations qui ont une fonction dans un système qui n'a pas à être conscient de ses processus subpersonnels (esprit modulaire).

Dire que les animaux ont un esprit au sens cognitviste n'a donc absolument aucune répercussion sur les discussions éthiques (on a pas de devoirs moraux envers les ordinateurs aussi performants soient-ils). Ou alors, si cela en a, cela ne peut être que négatif, puisque la théorie computationaliste de l'esprit donne l'impression de montrer que tout ce processing se passe inconsciement (Maybe there is nobody home...).

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Remarque préliminaire sur la notion de « beliefs »

En philosophie anglo-américaine, la question de savoir si les animaux ont un esprit revient le plus souvent à demander s'ils ont des croyances. La croyance est considérée comme l'élément de base du mental et est une condition de possibilité du désir et autres facultés psychiques.

DENNETT : « "Belief" has come to have a special, non-ordinary, sense in the English of many (but not all) of these combatants: it is supposed by them to be the generic, least-marked term for a cognitive state. Thus if you look out the window and see that a cow is in the garden, you ipso facto have a belief that a cow is in the garden. […] For Anglophone philosophers of mind, whatever information guides an agent's actions is counted under the rubric of belief.

This particularly causes confusion among non-native speakers of English; the French term "croyance" stands even further in the direction of "creed" or "tenet" – so my title question is an almost comical surmise about the religious and theoretical convictions of animals – not as a relatively bland question about the nature of the cognitive states that suffice to account for their perceptuo-locomotory powers. »

Croyance (belief) équivaut donc à état cognitif et est considéré comme l'élément de base de l'esprit (mind). En français, on parlera plutôt de pensées et de la pensée.

Do animals have minds = Les animaux pensent-ils ?

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« Do animals have beliefs? Yes. It suffices pointing to the undeniable fact that their behavior can often be predicted (and explained, and manipulated) using what I call the intentional stance – the strategy of treating them as "rational agents" whose actions further their "desires" given their "beliefs". One can often predict or explain what an animal will do by simply noticing what it notices and figuring out what it wants. […]

Others do not approve of this way with words. Donald Davidson (1975), for instance, has claimed that only creatures with the concepts of truth and falsehood can properly be said to have beliefs, and since these are meta-linguistic concepts (I am simplifying his argument somewhat), only language-using animals such as human beings can have beliefs.

And then there are those who have some other criterion for belief, according to which some animals do have beliefs and others don't. This must be an empirical question for them, presumably, but which empirical question it is--which facts would settle it one way or the other--is something about which there is little agreement. David Premack (1988) has claimed that perhaps only chimpanzees demonstrate belief, while Jerry Fodor (1990) has suggested that frogs--but not paramecia--have beliefs. […]

I have defended a maximally permissive understanding of the term belief (...), having no specific implications about the format or structure of the information-structures in the animals' brains, but simply presupposing that whatever the structure is, it is sufficient to permit the sort of intelligent choice of behavior that is well-predicted from the intentional stance. So yes, animals have beliefs. Even amoebas--like thermostats--have beliefs. »

Dennett, Do Animals have beliefs?

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1. Les animaux ont des croyances/pensées puisque leurs comportements se décrivent et s'expliquent au moyen d'une stratégie intentionelle (Dennett*).

= tous les animauxtous les animaux ont des croyances (mais aussi les thermostats).

2. Les animaux sans langage n'ont pas de croyances/pensées puisque ce sont des attitudes propositionnelles (Descartes, Frey, Davidson).

= aucun animalaucun animal non-humain n'a de croyance.

3. Certains animauxCertains animaux, d'autres non. [Une question empirique, mais quel critère ?] 3.1 : Seuls une poignée d'élus (chimpanzés, dauphins) (Premack)3.2 : Tous les animaux « supérieurs » (mammifères, oiseaux, reptiles, poissons*)

(DeGrazia, Singer, Reagan, Wise)3.3 : Tous les animaux (incluant les insectes et arthropodes, excluant seulement les

animaux très primitifs immobiles) (Aristote, Darwin, Griffin, Fodor, Proust*)

Les animaux ont-ils un esprit (mind) ?Très bref aperçu des positions

*4. Tous les animaux ont un esprit (au sens cognitiviste), mais très peu sont conscients. (Proust, Dennett, Carruthers)

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R. G. Frey Interests and Rights. The case against animals (1978)

Frey critique la thèse (inspirée de Nelson) selon laquelle les animaux ont des droits parce qu'ils ont des intérêts : « Either animals have interests in a sense which allows objects and things to have interests […] or they do not have interest at all and are not candidates for having moral rights. » (Frey, 1978)

Les animaux n'ont pas d'intérêts parce qu'ils n'ont pas de désirs.

1. Seuls les êtres qui ont des croyances ont des désirs.2. Les animaux n'ont pas de croyances.3. Donc, les animaux n'ont pas de désirs.

Comme les tracteurs et les plantes, les animaux ont des besoins (needs), mais pas de désirs.

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Thèse : Les animaux sont conscients, mais n'ont pas d'esprit (mind).

Antispéciste & Utilitariste de l’acte :« There is no reason to deny that mice and chimps feel pain, and I can see no moral difference between burning a man and burning a mouse or a chimp. Pain is pain, and species is irrelevant. (…) If pain and suffering count morally, then so do animal lives (…) these things can impair and significantly diminish the quality of life, so they can impair all creatures who can experience them. »

R. G. Frey Co-éditeur du Oxford Handbook of Animal Ethics (2011)

Il défend la légitimité de l'expérimentation sur les animaux et les enfants lourdement handicappés. Considère que c'est la « qualité de vie » qui compte.

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(2) Les animaux n'ont pas de croyancesFrey soutient que (1) désirer implique d'avoir des croyances et (2) que croire équivaut à croire qu'une certaine phrase déclarative est vraie.

« Je désire une Bible de Gutenberg. » (1) Reformulation désir en termes de croyances = Je crois qu'il manque une bible à ma collection.(2) Reformulation supposée équivalente en termes d’attitudes propositonnelles = « Je crois que la phrase "Une bible de Gutenberg manque à ma collection" est vraie. »

« If what is believed is that a certain declarative sentence is true, then no creature which lacks language can have belief; and without beliefs, a creature cannot have desire. And this is the case with animals, or so I suggest, and if I am right, not even in the sense of wants as desires do animals have interests. » (R. G. Frey, « Why Animals lack Beliefs and Desire », 41)

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Les attitudes propositionnellesFrey reprend ici la conception de Quine et de Davidson des états mentaux (croyances, désirs et émotions*) en termes d'états propositonnels

Avoir une croyance, c'est croire qu'une certaine phrase déclarative est vraie.

Pour avoir des croyances, un être doit avoir le concept de croyance.

Pour avoir le concept de croyance, un être doit pouvoir distinguer entre des croyances vraies et fausses.

Si je pense qu'il me manque une bible, c'est que je pense est que la phrase XYZ est vraie. Pour croire cela, je dois avoir quelque idée de la manière dont le langage se rapporte au monde (connects with, links up with the world).

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Exemple célèbre de Malcolm :

“In real life we commonly employ the verb "think" in respect to animals. We say, "Towser thinks he is going to be fed," just as naturally as we say, "Towser wants to be fed." Suppose our dog is chasing the Suppose our dog is chasing the neighbor's catneighbor's cat.. The latter runs full tilt toward an oak tree, but suddenly swerves at the last moment and disappears up a nearby maple. The dog doesn't see this manoeuver and on arriving at the oak tree he rears up on his hind legs, paws the trunk as if trying to scale it, and barks excitedly into the branches above. We who observe the whole episode from a window say, "He thinks that the cat went up that He thinks that the cat went up that oak tree.oak tree. We say "thinks" because he is barking up the wrong tree. If the cat had gone up the oak tree and if the dog's performance had been the same, we could have said, "He knows that the cat went up the oak." But let us stay with "thinks." A million examples could be produced in which it would be a correct way of speaking to say of an animal, something of the form, "He thinks that p." Clearly there is an error in Descartes' contention that animals do not think.”

(Malcolm, Thoughtless Brutes, 1972)

Le chien pense-t-il que le chat est dans l’arbre ?

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« Descartes adopted the position that there is a propositional kernel in every feeling, desire, voluntary act, emotion, and sensation. This is why he could hold that his essential nature consists solely in being a thinking thing. It was not because he employed cogitare and penser in an eccentrically broad way that he listed imagining, sensation and emotion under "thinking." It was because he believed that every "mental operation" consists in taking an attitude towards a proposition. In my opinion this is an absurdly overintellectualized view of the life of man. It helps us to understand, however, why Descartes thought that animals are automatons. They are devoid of mind, of all consciousness and awareness, of real feeling and sensation, because they do not "apprehend," "entertain," "contemplate," or, in plain language, think of, propositions. »

(Malcolm, 1972)

Des attitudes propositionnelles ? C’est la faute à Descartes…

« Apparently Descartes did not catch this distinction between "to "to think"think" and "to have "to have thoughts."thoughts." »

Malcolm

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Les 3 arguments de Davidson

1) L’argument principal : pour avoir une croyance, il est nécessaire d’avoir le concept de croyance, ce qui requiert la triangulation (le langage).

– First, I argue that in order to have a belief, it is necessary to have the concept of belief.– Second, I argue that in order to have the concept of belief one must have language.

2) Test de l’intensionalité : on ne peut attribuer des croyances de dicto à un animal.

3) L’argument du holisme : on ne peut attribuer des croyances de re à un animal

« A creature cannot have thougts unless it is an interpreter of the speech of another. »

« The attribution of desires and beliefs (and other thoughts) must go hand in hand with the interpretation of speech »

Davidson, « Thought and Talk » (1984), 157 et 163

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« Much of the point of the concept of belief is that it is the concept of a state of an organism which can be true or false, correct or incorrect. To have the concept of belief is therefore to have the concept of objective truth. If I believe there is a coin in my pocket, I may be right or wrong; I’m right only if there is a coin in my pocket. If I am surprised find there is no coin in my pocket, I come to believe that my former belief did not correspond with the state of my finances. I have the idea of an objective reality which is independent of my belief.

A creature may react with the world in complex ways without entertaining any propositions. It may discriminate among colors, tastes, sounds and shapes. It may ’learn’, that is, change its behavior in ways that preserve its life or increase its food intake. It may ’generalize’, in the sense of reacting to new stimuli as it has come to react to similar stimuli. Yet none of this, no matter how successful by my standards, shows that the creature commands the subjective-objective contrast, as required by belief. »

(D. Davidson, Rational Animals)

1. L’argument principal de Davidson :« Pour avoir une croyance, il faut avoir le concept de croyances »

« What I think is clear is that if he is surprisedif he is surprised, he does have reflective thoughts, and, of course, beliefs. » (Davidson, 325)

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Pourquoi faut-il avoir le concept de croyances ?

Davidson a certainement raison de penser qu'utiliser des concepts et des croyances, c’est avoir des pensées sémantiquement évaluables, mais cela n'empêche pas que les animaux puissent avoir des représentations et des concepts.

Selon la définition des représentations mentales de Dretske, un état est une représentation mentale (1) s'il existe indique ou porte une information sur une propriété externe (2) s'il a la fonction d’indiquer ou de représenter la situation et (3) si elle peut être vraie ou fausse, i.e sémantiquement évaluables. Une représentation mentale doit donc pouvoir être appliquée de Une représentation mentale doit donc pouvoir être appliquée de manière correcte ou incorrectemanière correcte ou incorrecte.

La 3ème condition est nécessaire parce que le dysfonctionnement doit être possible :

« La représentation peut en principe être activée en l’absence de ce qu’elle représente. Un animal qui a un esprit doit pouvoir de temps en temps croire (à tort) que telle circonstance est présente et agir conformément à ce qu’il croit. On s’étonnera peut-être que la possibilité de se la possibilité de se tromper tromper constitue un pas aussi significatif dans l’évolution, mais la cette possibilité (et la capacité de modifier l’état interne une fois que l’erreur est repérée) est pourtant conceptuellement liée à la capacité de former des représentations mentales. » (Proust)

Pouvoir être surpris être surpris ou pouvoir se tromperse tromper, c’est une condition suffisante pour avoir un espri

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« In some cases animals distinguish true from false beliefs, satisfied from unsatisfied desires, without having the concepts of truth, falsity, satisfaction, or even belief and desire.

It is no more mysterious that an animal, at least sometimes, can tell whether its belief is true or false, than that it can tell whether its desire is satisfied or frustrated. For neither beliefs nor desires does the animal require a language: rather what it requires is some device from recognizing whether the world is the way it seemed to be (belief) and whether the world is the way the animal wants it to be (desire).

Searle, Animal Minds

Un animal sait très bien reconnaître si Un animal sait très bien reconnaître si le monde satisfait ses désirs et sait le monde satisfait ses désirs et sait corriger ses attentes. Il peut s'attendre corriger ses attentes. Il peut s'attendre à quelque chose est être déçu, surpris, à quelque chose est être déçu, surpris, visiblement satisfait, etc.visiblement satisfait, etc.

Distinguer le vrai du faux ?Distinguer le vrai du faux ?

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« Why is my dog barking up that tree? Because he believes that the cat is up the tree, and he wants to catch up to the cat. Why does he believe the cat is up thetree? Because he saw the cat run up the tree.

Why does he now stop barking up the tree and start running toward the neighbor’s yard? Because he no longer believes that the cat is up the tree, but in the neighbor’s yard. And why did he correct his belief? Because he just saw (and no doubt smelled) the cat run into the neighbor’s yard; and Seeing and Smelling is Believing.

The general point is that animals correct their beliefs all the time on the basis of their perceptions. In order to make these corrections they have to be able to distinguish the state of affairs in which their belief is satisfied from the state of affairs in which it is not satisfied. »

(Searle, Animal Minds)

Voir, c'est croire ? (Searle)

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Le 2ème argument de Davidson :Le test de l’intensionalité (ou les attributions des croyances de dicto à un animal)

Davidson considère que le langage est nécessaire dans les deux cas : pour penser et pour avoir des pensées. Dire que le chien pense que le chat est dans l’arbre est une attribution de dicto. Selon Davidson, les clauses en « que » sont intensionnelles ou sémantiquement opaques. Elles visent à décrirent la manière dont le sujet se rapporte à une proposition. Attribuer des croyances de dicto aux animaux n’est pas justifié selon Davidson puisqu’il est impossible de décider quelle phrase est la bonne pour décrire ce que l’animal pense.

« Le chien pense que le chat est dans l’arbre. » On aurait pu aussi bien dire que Fido pense qu’une boule de poil a couru dans l’arbre (ou qu’elle a grimpé en haut de la chose sur laquelle il fait bon d’uriner…)

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Davidson : le langage est nécessaire dans les deux cas

« I have been using the word ‘thought’ to cover all the propositional attitudes. Malcolm, however, restricts the application of ‘thought’ to a higher level of thinking. In his view, the dog can believe the cat went up that oak tree, but it cannot have the thought that the cat has gone up that oak tree. The latter, but not the former, Malcolm holds, requires language. Malcolm makes the distinction by saying one merely thinks (believes) that p if one is aware that p, but one has the thought that p if one is aware that one is aware that p. (...) I hold that in order to think one must have the concept of a thought, and so language is required in both cases.»

(D. Davidson, Rational Animals, 324)

Davidson se défend d’affirmer que toute pensée est consciente ou que lorsqu’on pense que p on est conscient qu’on pense que p, il affirme que « afin d’avoir une quelconque attitude propositionnelle, il est nécessaire d’avoir le concept de croyance, d’avoir une croyance à propos de la croyance » :« In order to have any propositional attitude at all, it « In order to have any propositional attitude at all, it is necessary to have the concept of a belief, to have is necessary to have the concept of a belief, to have

a belief about some belief. »a belief about some belief. »

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Critique de la conception linguistique des croyances(de Reagan)

(2) S'il ne peut y avoir de croyance sans une maîtrise du langage préalable, comment apprend-t-on une langue ? Apprendre une langue implique des croyances prélinguistiques sur le monde.

(3) Si je dois avoir des croyances sur la manière dont mes croyances langagières se rapportent au monde, alors un cercle infini : je dois avoir des croyances sur mes croyances.

« In order 'to grasp the link between language and the world', given Frey's view, I must also have beliefs about the 'link' between the two. And there is no stopping here. »

(Regan, The Case for Animal Rights, 47)

« Je dois avoir des croyances sur mes croyances-touchant-au-lien-entre-le-langage-et-le-monde et des croyances sur ces croyances, ad infinitum. » (Estivas Reus)

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La conscience est-elle faite de propositions ?“Isn't there a great deal of human consciousness that doesn't involve thoughts or propositional content? I stop my car at an intersection because the light is red. I was aware of the red light and was also aware that the light was red. Did I think to myself, "That light is red"? Probably not. […] There are many forms of human response that manifest consciousness of objects, situations and events; and animals share in some of these forms of consciousness. Descartes says that this belief is due to a pervasive prejudice. I think the shoe is on the other foot. It is the prejudice of philosophers that only propositional thoughts belong to consciousness, that stands in the way of our perceiving the continuity of consciousness between human and animal life.”

Norman Malcom, “Thoughtless Brutes”Presidential Adress to the American Philosophical Association, 1972

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Réponse au 2ème argument de Davidson :Armstrong et les attributions de croyances de re aux animaux

Armstrong suggère d’interpréter nos attributions de croyances comme étant référentiellement transparentes :

« In saying that the dog believes that his master is at the door we are, or should be, attributing to the dog a belief whose exact content we do not know but which can be obtained by substituting salva veritate in the proposition 'that his master is at the door.' »

D. M. Armstrong, Belief, Truth and Knowledge (Cambridge, 1973), p. 26.

Armstrong soutient que sa position a l'avantage de montrer que « we need not give up our natural inclination to attribute beliefs to animals just because the descriptions we give of the beliefs almost certainly do not fit the beliefs' actual content. »

Selon Armstrong : « Our intention is only to pick out the state of affair that Fido’s belief is about while remaining neutral to how Fido thinks about it. »

Vraiment ? Regardez simplement cette photo…

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Mais finalement, il pense quoi le chien ?

Critique de FREY (et de Dennett ?) : « Our attributing this belief to the dog is not the same thing as showing that it actually has this belief. »

Même s’il argumente que nos attributions ne sont qu’une approximation qui vise à identifier ce sur quoi portent les états mentaux des animaux et non pas ce que pense le chien, Armstrong considère néanmoins (contrairement à Dennett) que les attributions d’attitudes propositionnelles (opaques ou de dicto) sont correctes (ce ne sont pas simplement des fictions utiles). Il affirme simplement que nous ne savons pas vraiment ce qu’elles sont exactement: « « Generations of work by animal psychologists may be necessary before the Generations of work by animal psychologists may be necessary before the exact content of the dog's belief is knownexact content of the dog's belief is known ». ».

La question, pour Armstrong, est donc empirique.

Une question de recherches empiriques ?Plusieurs philosophes considèrent qu’il est possible d’attribuer des croyances aux animaux et de spécifier quelle attribution de dicto est la bonne en étudiant scientifiquement les comportements de discrimination des animaux et en stipulant le sens des concepts utilisés.

(Armstrong 1973; Allen & Bekoff 1997; Bermúdez 2003).

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L’indétermination des pensées (Stitch)

« Armstrong's proposal presupposes that there are de dicto (or opaque) belief sentences which correctly and accurately attribute beliefs to animals, although, of course, Armstrong suggests that we do not now know what they are. As Armstrong sees it, the difficulty we find in saying just exactly what it is an animal believes is rooted in our own empirical ignorance. […]

On my view, Armstrong's resolution of the dilemma is fundamentally mistaken. Our difficulty in specifying the contents of animals' beliefs derives not from an ignorance of animal psychology but rather from a basic feature of the way we go about assigning content to a subject's beliefs: We are comfortable in attributing to a subject a belief with a specific content only if we can assume the subject to have a broad network of related beliefs that is a broad network of related beliefs that is largely isomorphic with our ownlargely isomorphic with our own. When a subject does not share a very substantial part of our own network of beliefs in a given area we are no longer capable of attributing content to his beliefs in this area. The greater the disparity between a subject's beliefs and our own, the clearer it becomes that, as Armstrong puts it, 'he lacks our concepts'. »

Stitch, Do Animal have Beliefs ?

« How can you say that he believes it is « How can you say that he believes it is a squirrel if he doesn't know that a squirrel if he doesn't know that squirrels are animals ? »squirrels are animals ? »

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Le 3ème argument de Davidson.Le holisme des croyances (ou les attributions de re)

Le 3ème argument de Davidson vise précisément à soutenir que ce type d’attributions (de re) aux animaux sont également impossible puisque pour attribuer un concept aux animaux, il faut leur attribuer un réseaux (network) complexe de concepts et de croyances et que cela n’est possible que si on observe « a very complex pattern of behavior […] and I think there is such a pattern only if the agent has language. » (Davidson).

“Before some object in, or aspect of, the world can become part of the subject matter of a belief (true or false) there must be endless true beliefs about the subject matter.”

(Davidson, 168)

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Résumé de l’argument sur l’indétermination du contenu des croyances

1. Si qqun ne partage pas une part substantielle de notre réseau de croyances, nous ne sommes pas capables d'attribuer un contenu à ses croyances.

2. Les animaux non humains ne partagent pas une part substantielle de notre réseau de croyances.

3. Nous ne pouvons donc pas attribuer un contenu aux croyances des animaux non humains.

4. Le contenu est un élément essentiel de la croyance : nous ne pouvons attribuer des croyances à un sujet seulement dans la mesure où nous pourvons attribuer un contenu à ces croyances.

5. Donc, nous ne pouvons pas attribuer de croyances aux animaux

* Le même raisonnement, souligne Rowlands, s'applique pour tous les états mentaux qui ont un contenu (content-based mental states) comme les désirs, mais il ne mentionne pas les émotions.

Résumé par Rowlands

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1. Les états mentaux des animaux n’ont pas de contenu précis 2. Les états mentaux des animaux n’ont pas de contenu3. Les états mentaux (désirer, penser) ont un contenu4. Donc, les animaux n’ont pas d’états mentaux

Résumé de l’argument sur l’indétermination du contenu des croyances

Résumé par DeGrazia

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« It seems to be Stich's view that every description which a normal person of our society associates with the term 'bone' enters into the determination of the concept of a bone. But this cannot be right. It would render communication impossible. For it seems overwhelmingly likely that each distinct each distinct person will associate a slightly different set of person will associate a slightly different set of information with the term. (…) Then each distinct information with the term. (…) Then each distinct person will have a distinct concept of a bone.person will have a distinct concept of a bone. »

(Mark Rowlands)

Un holisme trop radical

Le problème est que la forme de holisme de Davidson est trop radicale : implique de nier que deux humains aient la même croyance sans partager exactement le même arrière plan de croyance.

Selon Davidson, il n’est pas possible d’attribuer le concept le concept « terre » aux anciens Grecs« terre » aux anciens Grecs puisque leur concept diffère trop du nôtre. Mais les pensées et les désirs des autres hommes sont aussi souvent très indéterminées.

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Nous sommes capables d’identifier et de comprendre d’une manière grossière et approximative les choses ce que les aniamux aiment, désirent et ce dont ils ont peur (Dawkins 1993). Nous sommes capables d’identifier ce qui existe pour eux et la manière dont cela existe (ex: une souris, mais pas une brosse à dent). Nous avons une certaine idée des Nous avons une certaine idée des choses-de-chats et de ce que ces choses-de-chats et de ce que ces choses signifient pour eux.choses signifient pour eux.

Pour un holisme modéré : question d'intersubjectivité

« Davidson’s and Stitch’s arguments remind us that what the cat distinguishes is certainly not precisely the same content as what we (sic) distinguisguish in using the terms ‘mouse’ or ‘shrew’. A first approximation might be for us to say of the cat that something such as that living-object-of-the-kind-we-treat-as-shrews are not-to-be--as-shrews are not-to-be-eaten or to-be-avoidedeaten or to-be-avoided. »

McIntyre, Dependant Rational Animals, 38

Si on s’appuie sur une version modérée du holisme, la question de la détermination des contenus mentaux devient non seulement non seulement relative au contexte, mais relative à relative au contexte, mais relative à l'individul'individu. C'est une question de connaissance intersubjective, de familiarité. Si les animaux Si les animaux sont bien des personnes, les connaître sont bien des personnes, les connaître implique de devoir faire connaissance implique de devoir faire connaissance : pour connaître quelqu'un, il faut d'abord faire connaissance.

Desesperately context-relative ? (Stitch)Desesperately context-relative ? (Stitch)

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Attribuer des états mentaux animaux et leur attribuer un contenu est non seulement (1) possible (contra Davidson et Stitch), mais c’est aussi (2) tout à fait naturel (les attributions sont spontanées) et (3) c’est la meilleure option disponible.1) Il est raisonnable de penser que les croyances doivent être révisables en fonction de ce qui survient dans le monde, mais rien ne montre que ce processus de révision de croyances exige d’avoir le concept de croyances.2) Afin de pouvoir être surpris ou se tromper, il suffit de s'attendre à (to expect) quelque chose.3) Le comportement des animaux (du moins, de certains) peut être décrit d’une manière intelligible et expliqué de manière parcimonieuse en faisant référence à ce qu’ils pensent, ce à quoi ils s’attendent et ce qu’ils désirent (Reagan, 75).

Nos attributions de croyances et de désirs aux animaux se vérifient par l’expérience : en spécifiant à quoi ils s’attendent et ce qu’ils désirent, nous pouvons parfois vérifier expérimentalement nos attributions de croyances (Dawkins 1993). Si nous avons raison de penser que le chien qui creuse dans le jardin s’attend à trouver un os, il manifestera une déception, un désarroi ou peut être simplement une indifférence en découvrant la canette de coke que nous avons subsitué à l’os.

L’inférence à la meilleure explication devrait donc nous mener à admettre que les animaux agissent non pas mécaniquement selon la disposition de leurs organes (Descartes), mais qu’ils agissent d’après des représentations (comme l’affirmaient Aristote et Kant).

Conclusion : un défi plus qu'une impossibilité

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Le développement de l’éthologie cognitive

Davidson et Stitch semblent avoir perdu la bataille puisqu’il est désormais acceptable d’attribuer des états mentaux aux animaux.

Mais est-ce vraiment le cas ?

L’esprit a été redéfini de telle sorte qu’il n’est plus qu’une faculté de traitement d’informations subpersonnelles.

Cette conception cognitiviste de l’esprit ne nous aide pas toujours en éthique animale…

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La statégie intentionnelle (Dennett) : Attribuer des états intentionels à un système est une manière naturelle et efficace de décrire et de comprendre ce qu’ils font. Mais cela ne nous dit rien sur ce qui se passe dans la tête des animaux, les états mentaux sont des fictions utiles. Cela a pour effet d’admettre les thermostats dans la classe des êtres qui ont un esprit : « The intentional stance is the strategy of prediction and explanation that attributes beliefs, desires, and other 'intentional' states to systems – living and non-living. » (Dennett 1988, 495)

L’esprit représentationnel (Proust, Fodor): Le fonctionnalisme réaliste (common-sense fonctionalism) considère également qu’il est justifié d’expliquer les comportement des animaux en termes psychologiques, mais, contrairement à Dennett, il considère que les états mentaux sont réels et jouent un rôle causal dans le système. La penseé que le chat est dans l’arbre cause le comportement du chien. L’état mental « le chat est dans l’arbre » est un un langage de la pensée (language of tought, mentalese).

La révolution cognitive ou l’étude objective de l’esprit

Depuis les dernières décennies, l’étude scientifique de l’esprit des animaux non-humain à l’aide d’attributions psychologiques a été rendue possible par une redéfinition de l’esprit en termes cognitivistes-fonctionnalistes : l’esprit est la capacité à former des représentations.

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Quels animaux ont un esprit ?La question distributive

Si avoir un esprit, c'est former des représentations du monde, alors un grand nombre d'animaux (et peut-être aussi des choses inanimées) ont un esprit.

Les mammifères et les oiseaux sont assurément capables de former des représentations et de les utiliser pour contrôler leur comportement. En revanche, une moule n‘a pas d'esprit :

« La propriété qui distingue ces deux types d’organismes et institue la coupure entre les vivants la coupure entre les vivants « cognitifs » et les autres« cognitifs » et les autres est l'intentionnalité, l’aptitude de certains états internes à porter sur des propriétés du monde extérieur. En d’autres termes, l’intentionnalité est la capacité d’utiliser l’information sur le monde extérieur et de la stocker dans des représentations pour l’appliquer à des situations nouvelles et ajuster le comportement au cours des choses. » (J. Proust)

- Le thermostat est le degré zéro de l'intentionalité

- l'aplysie a des proto-représentations, mais elle n’a pas vraiment d’espeir puisqu’elle ne remplit pas le 3ème critère (vrai/faux).

La célèbre Aplysie ou le premier degré de la représentation

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L'animal représentationnel« Les animaux forment des représentations mentales dès qu’ils ont la capacité d’extraire de l’information sur les corrélations environnementales, de la fixer dans certains états internes mémorisés et d’identifier des objets et des événements indépendants de la perception qu’ils en ont. Un dispositif de calibration entre les modalités sensorielles est indispensable pour que les représentations soient appliquées à des objets perçus comme extérieurs. Les animaux qui disposent de ce type de représentation dite objective sont susceptibles de former des concepts. Toutefois, les animaux sociaux non humains extraient l’information sociale non sur la base du registre psychologique (croyances et désirs) mais sur la base d’indices comportementaux. Ils ont ainsi une théorie sociale rudimentaire, mais non une théorie de l’esprit. »

Proust J., 2000, « L'animal intentionnel », Terrain, n° 34, pp. 23-36.

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Mémoire et apprentissageLes cassenoix d'Amérique (Clark's nutcrakers) qui cachent des noix de pins peuvent avoir jusqu'à 6000 cachettes. Non seulement se rappellent-ils où ils les ont caché et dans quel ordre, mais ils se rappellent s'ils ont été observés ou non.

Un oiseau qui a lui-même déjà volé un autre oiseau recachera sa noix s'il se sait observé. Tandis qu'un oiseau honnête qui n'a jamais volé ne cachera pas sa noix s'il est observé

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La stratégie intentionnelle (Dennett)La stratégie intentionnelle (intentional stance) consiste à présupposer d’emblée la rationalité de l’animal: en partant de la situation dans laquelle l’animal se trouve, on lui attribue les croyances et les désirs qu’il devrait avoir. il devrait avoir. On teste ensuite les prédictions que l’hypothèse psychologique permet de former en observant les comportements des animaux. Dennett propose une hiérarchie d’hypothèses d’ordre croissant, selon la profondeur réflexive attribuée à l’animal. 3 niveaux :

Le premier ordre se contente d’attribuer des désirs et des croyances : le sujet interprété désire que P ou croit que Q.

Le deuxième ordre attribue des croyances et des désirs qui ont pour objet des croyances ou des désirs : « Le sujet veut que le mâle dominant ignore qu’il copule avec une femelle » ; « Le sujet pense que, si les mâles savent qu’il y a une femelle réceptive, ils désireront en profiter ».

Le troisième ordre attribue des croyances et des désirs qui portent sur des croyances de deuxième ordre : « Le sujet veut que l’autre sache que lui-même connaît déjà l’information qui lui est donnée », etc.

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La tromperie tactiqueUn animal est non seulement capable de se tromper (au contraire de ce que suppose Davidson), mais il peut même tromper les autres.

Il existe plusiseurs cas où un animal ment intentionnellement à ses congénères en modifiant les signaux qu’il donne de manière à tirer parti d’une situation qu’il est seul à connaître.

Les cas de tromperie tactique abondent chez les primates :

- Un enfant chimpanzé peut, par ses cris, prétendre être attaqué par un adulte de manière que sa mère chasse ce dernier et laisse l’enfant profiter seul d’un butin.

- Une femelle peut réprimer ses cris de jouissance lorsqu’elle s’accouple dans les fourrés avec un mâle non dominant.

- Un chimpanzé peut faire semblant de n’avoir pas remarqué un buisson couvert de baies pour y revenir quand le groupe sera passé.

- Feindre de ne pas avoir vu une banane si l'autre ne l'a pas vu et y aller plus tard.

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Attribuer des croyances et des intentions?La théorie de l'esprit (TOM)

Admettons que certains animaux (au moins les mamiffères et les oiseaux) sont capables d’avoir des croyances et des désirs, c’est-à-dire des états internes sémantiquement évaluables. La question suivante : ces animaux qui ont un esprit savent-ils que les autres ont un esprit ?

Un animal peut-il se représenter des propriétés mentales et s’en servir pour agir sur les représentations d’autrui ? Avoir une théorie de l'esprit (Premack et Woodruff, 1978), c'est utiliser des concepts mentaux équivalents à ceux de croyance et de désir pour comprendre et anticiper le comportement des autres agents.

Ex : Un chimpanzé qui cache son érection au mâle dominant.

Distinction compétence sociale / compétence psychologique :

Les animaux sociaux tentent constamment d’influencer le comportement de leurs congénères. Or, un animal peut avoir l’intention d’agir de manière à affecter ce que l’autre individu fait plutôt que ce qu'il pense. Selon Premack (1988), ce n'est que dans le second cas que des connaissances psychologiques doivent être mises en œuvre.

Exemple de Clever Hans , le cheval maître dans l’art du « mind-reading » ou du déchiffrement du comportement

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Ok. Les abeilles ont des cartes cognitives, mais pas vraiment d’esprit...

Dans un article récent (1997), Collin Allen a relevé un fait étonnant*:

Un esprit insconscient ?

“Many scientists are skeptical of claims about animal minds even though they are willing to attribute internal, representational (and hence intentional) states to the same organisms. […] The fact that they accept that bees have cognitive maps of their environments while simultaneously denying that bees have minds suggest that there is a distinction to be drawn here.

This attitude presupposes a distinction between cognitive and mental state attributions that is not commonly articulated. Indeed the terms "mental" and "cognitive" are frequently used interchangeably by both philosophers and scientists. So what, exactly, is being denied when it is denied that bees have minds ? »

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Ok. Les abeilles ont des cartes cognitives, mais pas vraiment d’esprit...Un esprit insconscient ?

The specific challenge to mentalistic attributions is someone who rejects strict behaviorism and accepts that cognitive, intentional explanations are appropriate for explaining some animal behavior, but would deny that the mental states recognized within folk psychology are appropriately attributed to (most) nonhuman animals.

The reason for this is consciousness: the mental states recognized by folk psychology are paradigmatically conscious states.”

« Many philosophers are convinced that a naturalistic theory of mind has cracked the nut of intentionality. However, in doing so they have given accounts of intentionality that apply to many organisms and devices that do not seem to possess minds.

(Collin Allen, 1997)

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Les animaux ont un esprit, mais sont-ils conscients ?

Si les animaux sont conscients, sont-ils conscients de quelque chose ?

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Quel effet ça fait d'être une chauve-souris?Nagel insiste sur la réalité du vécu subjectif et sur son caractère irréductible : ce que les « néo-béhavioristes » étudient, c'est sans doute une partie fondamentale de l'esprit, mais quelque chose est laissé de côté: le ressenti, le fait qu'avoir un esprit (mind), c'est essentiellement être conscient.

La position de Nagel n'est tant un « mystérianisme » (il ne se demande pas si les chauve-souris sont conscientes, mais part du fait qu'elles le sont) qu'une protestation « contre une grande partie de la philosophie contemporaine qui « résout » le problème de l'irréductibilité du mental par l'élimination pure et simple du caractère subjectif de la vie consciente » (ESTIVA REUS)

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Selon la définition cognitiviste-fonctionnaliste, l’esprit est la capacité à former des représentations. L’expérience vécue subjective, le fait de ressentir ou d’éprouver quelque chose, n'est donc pas un élément fondamental de l'esprit (mind).

Proust se défend néanmoins d'avoir « oublié » la conscience :« La conscience n’est pas à l’origine de la capacité représentationnelle, elle en est plutôt une forme tardive, et qui d’ailleurs ne concerne qu’une partie finalement assez réduite de l’ensemble de l’activité représentationnelle de l’homme lui-même. » (Proust, 2003,17)

« Ce qui nous intéresse est moins ce que le sujet peut percevoir consciemment que l'information qu'il exploite dans son action, information qui peut donner lieu ou non à une expérience qualitative ; nous nous intéressons donc à la sensation, et aux propriétés du contenu sensoriel, uniquement en tant qu'elles véhiculent une information utilisable pour la formation de représentations détachées de leur objet. »

(Proust, 1997, p. 281).

Les approches cognitivistes passent-elles à côté de l'essence de la vie psychique ?

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« The most important and characteristic feature of conscious mental phenomena is very poorly understood. Most reductionist theories do not even try to explain itMost reductionist theories do not even try to explain it. »

Conscious experience is a widespread phenomenonConscious experience is a widespread phenomenon. It occurs at many levels of animal life, though we cannot be sure of its presence in the simpler organisms, and it is very difficult to say what provides evidence of it. (Some extremists have been prepared to deny it even of mammals other than man.) No doubt it occurs in countless forms totally unimaginable to us […] but no matter how the form may vary, the fact that an organism has conscious experience at all means, basically, that there is something it is like to be that organismthere is something it is like to be that organism. […] Fundamentally an organism has conscious mental states if and only if there is something that it is like to be that organism – something it is like for for the organismthe organism.

We may call this the subjective character of experiencesubjective character of experience. It is not captured by any of the familiar, recently devised reductive analyses of the mental, for all of them are logically compatible with its absence. It is not analyzable in terms of any explanatory system of functional states, or intentional states, since these could be ascribed to robots or automata that behaved like people though they experienced nothing. »

Nagel, What is it like to be a bat ? (1974)

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Carruthers (1989) soutient que les expériences des animaux non humains sont inconscientes. Selon sa théorie les états mentaux conscients sont les états susceptibles de devenir l'objet de pensées conscientes:"CConscious experiences are those which are available to conscious onscious experiences are those which are available to conscious thinkingthinking" (Brute Experience, 1989, 264)

Définition circulaire (comme le souligne DeGrazia) que Carruthers corrigera. En 1992, dans The Animal Issue, il définit la conscience comme suit :

« A conscious experience is a state whose existence and content are available to be « A conscious experience is a state whose existence and content are available to be consciously thought about (that is, available for description in acts of thinking that are consciously thought about (that is, available for description in acts of thinking that are themselves made available to further acts of thinking). » (181)themselves made available to further acts of thinking). » (181)

Autrement dit, un état mental conscient est un état auquel on peut penser. Thèse centrale des HOT.

« Although we cannot be certain that no animals are conscious, we can say that it is most unlikely that any of them are. » (Kennedy 1992, 31)

"If consciouness is like the turning on of a light, then their lives are nothing but darkness"

Carruthers, Brute Experience, 259

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« In general, our being conscious of something is just a matter of having a thought of some sort about it (…) : it is natural to identify a mental's state being conscious with one's having a roughly contemporaneous thought that one is in that mental state » (Rosenthal, 335)

Higher Order Thought (HOT)La conscience comme état représentationnel de second-ordre

Selon les modèles de la conscience des théories de second ordre (higher-order thought ou HOT models of consciousness), un état mental M est phénoménalement conscient si et seulement si la créature X (qui possède M) a la pensée qu’elle possède M.

Les HOT reçoivent un appui fondemental dans la distinction entre états mentaux et états mentaux conscients. Les états mentaux CS sont ceux qui font l'objet d'une pensée de second ordre.

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Un état mental conscient est un état que le sujet ressent ou éprouve ou auquel il pense. Selon plusieurs, il va de soi que les états conscients ne représentent qu’une petite partie des états mentaux. Depuis Freud et avec le développement des sciences cognitives, on reconnaît qu’il existe des croyances et des désirs dont nous ne sommes pas conscients. De plus, notre cerveau traite beaucoup plus d’informations que ce dont nous avons conscience.

Puisque la « sensibilité informationnelles » excède largement ce dont nous faisons l’expérience consciente :

A) Il est donc logiquement possible de penser que des créatures peuvent traiter beaucoup d’informations d’une manière sophistiquée et n'être conscient de rien (cs d'accès) ne rien ressentir (cs phénoménale): robots, zombies philosophiques ou « super blindsight ».

B) Il est aussi possible que la conscience ne soit qu’un épiphénomène (sans pouvoir causal), un « passage clandestin » de l’évolution qui s’est transmis en même temps que d’autres caractères utiles.

Distinction entre états mentaux et états mentaux conscients :

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Qu’est-ce que la conscience ?

La conscience est habituellement définie comme « being aware in some way ». (Dawkins 1998, 5; Flanagan 1992, 31; Natsoulas 1978, 910; Scruton 2000,. 177; Walker 1983, 383).

Définition évidemment circulaire : avoir une conscience, c’est être d’une certaine manière conscient (aware), mais « aware » a aussi le sens d’être attentif. Ainsi, la conscience n'est pas seulement liée au ressenti, au vécu, mais à l'attention :

Locke défini la conscience comme la perception de ce qui passe dans l'esprit d'un homme :« Consciousness is the perception of what passes in a man’s own mind » (Locke, 1690)

Critique = pour être conscient, il suffit d'être conscient du monde extérieur qui nous entoure et non pas du « monde intérieur ». Consciousness (def.)—The having of perceptions, thoughts, and feelings; awareness. The term is impossible to define except in terms that are unintelligible without a grasp of what consciousness means. Many fall into the trap of equating consciousness with self-consciousness— but to be conscious it is only necessary to be aware of the external world. Consciousness is a fascinating but elusive phenomenon: it is impossible to specify what it is, what it does, or why it has evolved. Nothing worth reading has been written on it."

Stuart Sutherland (1989), "Consciousness" in Macmillan Dictionary of Psychology

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La conscience : la question ontologique (1) et la question distributive (2)

1. Qu’est-ce que la conscience ? / 2. Quels êtres sont conscients ?La manière dont on définit (1) aura un impact sur (2) et vice versa.

Approches objectivistes :

« Representationalist theories claim that phenomenal consciousness can and should be reductively explained in terms of some form of access consciousness. »

(Rosenthal, Drestke, Block, Carruthers, Proust, Lycan, etc.)

Aborder la CS en 3ème personne.

Approches « subjectivistes » : La conscience est l’expérience vécue ressentie : « Conscious experience means, basically, that there is something it is like to be that organism, something it is like for the organism » (Nagel)

La conscience est essentiellement liée au point de vue subjectif (appelée péjorativement 'mystérianisme').

La CS ne s'abord qu'en 1ère personne.

On trouve des critiques et des défenseurs de la conscience animale dans les deux camps : (Ex : beaucoup de phénoménologues, dont Sartre et Heidegger, définissent la CS par le caractère subjectif, mais la

nie aux animaux.) *N'est-il pas possible que la CS soit un phénomène qui ne s'approche qu'à la 2ème personne? Un phénomène ni objectif, ni subjectif, mais relationnel et intersubjectif?

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1. Conscience d'un être (Creature-consciousness): La conscience appliquée à l'organisme vivant éveillé et non endormi, dans le coma ou anesthésié (Rosenthal 1997). On peut dire d'un être qu'il est CS (point) ou qu'il CS de qqch.

1a) Conscience Intransitive : Être conscient. 1b) Conscience Transitive : Être conscient de [quelque chose]

(perception)

2. Conscience des états mentaux (Mental states consciousness) : La conscience appliquée aux états mentaux. On peut dire d'un état mental qu'il est conscient ou inconscient.

Ned Block (1997) a suggéré de distinguer entre deux types d'états de conscience:2a) Conscience d'accès* : le fait pour un état mental d'être conscient plutôt

qu'inconscient ou subliminal2b) Conscience phénoménale : l'expérience vécue (qualia)

3. Consciences réflexive (Reflexive consciousness)4. Conscience de soi : (Self-Consciousness)5. Conscience des autres : Theory of mind (TOM)

Types de conscience

* La conscience d'accès est ce qui intéresse les théories réductionnistes de la conscience.

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« Stones are not conscious, but we are. And so are many animals. We are not only conscious (full stop), we are conscious of things – of objects (the bug in my soup), events (the commotion in the hall), properties (the color of his tie), and facts (that he is following me). Following Rosenthal (1990), I call all these creature consciousness. In this sense the word is applied to beings who can lose and regain consciousness and be conscious of things and that things are so.

Creature consciousness is to be distinguished from what Rosenthal calls state consciousness – the sense in which certain mental states, processes, events and activities are said to be either conscious or unconscious. When we describe desires, fears, and experiences as being conscious or unconscious we attribute or deny consciousness, not to a being, but to some state, condition or process in that being. » (Drestke 2010)

Être conscient et états de conscienceLa distinction de Rosenthal entre creature-cs et state-cs

On peut dire d'un être qu'il est conscient,mais on peut aussi dire d'un état qu'il est conscient

Distinction no. 1

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Ned Block (1998). "On a confusion about a function of consciousness » The Nature of Consciousness: Philosophical Debates, MIT, 375–415.

P-consciousness = Raw experience (qualia) considered independantly of their impact on behavior (*?*): it is moving, colored forms, sounds, sensations, emotions and feelings with our bodies and responses at the center.

A-consciousness = the phenomenon whereby information in our minds is accessible for verbal report, reasoning, and the control of behavior.

So, when we perceive, information about what we perceive is access conscious; when we introspect, information about our thoughts is access conscious; when we remember, information about the past is access conscious, and so on.

Même si quelques philosophes (comme Dennett) ont critiqué la validité de cette distinction,

elle est largement admise.

David Chalmers affirme que la conscience-A peut en principe être expliquée d'une manière

mécaniste, mais que la conscience-P est beaucoup plus complexe et forme ce

qu'il a appelé le hard problem of consciousness, le

« problème dur »

Conscience phénomenale (P-consciousness) et conscience d'accès (A-consciousness)

La célèbre distinction de Ned Block entre 2 états de CS :

Distinction no. 2

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La conscience phénoménale : un épiphénomène ?

Une fois définie de cette façon, on se doutera que la conscience phénoménale soit conçue comme un simple phénomène accompagnateur sans réalité véritable. La phénoménalité est réduite à « un effet que ça fait », mais un effet qui n'a aucun impact sur le comportement. Cette condition de Block est bien curieuse. N'implique-t-elle pas d'exclure les émotions de la CS phénoménale si la dimension émotionnelle a un impact essentiel sur le comportement?

Le « problème dur » de la conscience (le vécu, le ressenti) sera évidemment bien mystérieux dès lorsque l'on exclut par défintion qu'il puisse avoir une fonction causale dans un être vivant. L'épiphénoménalisme est alors la seule voix ouverte : on sait qu'on ressent quelque chose (donc on ne le nie pas), mais cette dimension vécue de l'expérience n'a pas de rôle à jouer dans ce que nous faisons. Se demander pourquoi elle a évoluée (et dans quels êtres) devient alors un jeu de devinettes sans fin. L'erreur est, à mon avis, d'associer la dimension vécue et ressentie de l'expérience à des simples qualia.

Carruthers : « On a higher-order thought account of phenomenal consciousness, their phenomenally conscious status play actually no explanatory role. » Mais il ne soutient cela que dans le cas des animaux (il dira plus tard que la CS a une fonction chez les humains).

P-consciousness = « Expérience purement qualitative (qualia) considérée indépendamment de son impact sur le comportement : c'est l'aspectualité des couleurs, des sons, des sensations, des émotions » (Block)

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3 théories de la conscience des états mentauxUn état mental CS est un état mental dans lequel le sujet est conscient d'être.

1) Théorie de premier-ordre (FOR) : les états conscients sont des first-order representational states. Evans 1982, Drestke 1997, Tye, Lurz 1999 et (Searle ?).

Théorie de second ordre (HOR) : les états conscients sont des higher-order representational states. Ces représentations peuvent être de l'ordre de la perception ou de la pensée.

2) HOP (Higher-order perception) (ou théorie du sens interne) soutiennent que la CS est semblable à la perception, mais dirigée vers l'esprit plutôt que vers le monde (Lycan 1996, Armstrong 1997). Un sujet n'a pas besoin de penser qu'il a mal ou même d'avoir le concept « Je » ou « douleur » pour avoir une représentation de second-ordre de sa douleur.

3)- HOT (Higher-order thought) : Rosenthal 1997, Carruthers 2000, Dennett. Pour les HOT, la conscience de nos états mentaux = être conscients que nous les avons, avoir des pensées de second-ordre (mais non-inférentielles) sur nos états mentaux : « A mental state is intransitively conscious just in case we are transitively conscious of it. » (Rosenthal 1997, 737).

Les HOT considèrent habituellement que les états mentaux des animaux ne sont pas conscients, même si Rosenthal soutient l'inverse puisqu'il considère les animaux capables de pensées de second-ordre. Est-ce une conception HOT de la conscience qui fonde la distinction émotions/sentiments dans les conceptions (méta)cognitivistes des émotions ?

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États mentaux conscients (de/que)

La conscience d'accès des états mentaux est celle qui intéresse la philosophie de l'esprit : une personne peut percevoir qqch, mais étant distraite peut ne pas être consciente de l'avoir perçu (ex: le chauffeur qui a l'esprit ailleurs). Dans le cas du chauffeur qui n'est pas concentré, il perçoit la route (il a des états mentaux perceptifs), mais cet état mental n'est pas conscient (pas de state consciousness) : il n'est pas conscient de voir la route (aware of seeing).

Un état mental (M) est CS si la personne est consciente de M.

Mais il y a 2 sens à “être conscient de” (being aware of): être conscient de ce que je vois et être conscient que je vois quelque chose. Ex: “Le chauffeur est conscient de voir la route”

●Interprétation de second-ordre : Le chauffeur est conscient qu'il voit la route

Selon les théories de la CS comme pensée de second ordre (HOT), un état mental (M) est conscient si et seulement si la personne a la pensée qu’elle possède M.

●Interprétation de premier-ordre: La chaffeur est conscient de voir la route.

Selon la lecture de premier ordre (FOR), le chauffeur est conscient de ce que M représente.

« Typically to be aware of what something represents is not equivalent to being aware that it represent such-and-such » (Lurz, 2001).

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Conscience de / conscience que Nous avons laissé de côté la thèse 1 de FREY (les désirs impliquent des croyances). Or, Frey envisage la possibilité qu'on lui rétorque qu'il existe des « simples désirs » qui n'impliquent pas de croyances. Ne peut-on pas dire que le chien désire tout simplement l'os, mais n'est pas conscient de désirer l'os, conscient qu'il désire l'os ? « The dog simply desires the bone but is unaware that it simply desires » :

(1) Fido désire l'os, mais il n'est pas conscient qu'il désire l'os. (2) Le désir de fido est un désir inconscient.

Reagan soutient que (2) ne découle pas de (1) puisqu'il faut distinguer entre cs et cs réflexive :

« It fails to take account of the distinction between being-aware-of and being-aware-that-one-is-aware-of one's desires. For the greater part of my life as an individual who has desires, I simply have (experience) them. I am aware of them, and I do not fret much over this fact. Sometimes, however, the circumstances of my life require that I take a step back from my desires and take stock of them. (…) It is because we sometimes do find ourselves in situations where we think about or reflect upon our desires that we can give a clear sense to saying that we not only are aware of our desires but also are aware that we have them. For convenience let us say that whenever we think about or reflect upon our desires we are operating at the level of reflective consciousness. There is no reason to believe that Fido, anymore that the rest of us, must be reflectively aware that he has those simple desires he has in order to be aware of them. » (Reagan, « Frey on simple desires »)

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Laquelle pour une éthique animale ? HOP ou FOR ?L'objection majeure aux HOT c'est qu'elles impliquent que les animaux ne sont pas conscients de leurs états mentaux (même si Rosenthal le nie). Les HOP que les FOR soutiennent une théorie où les états mentaux des animaux non-humains peuvent être dits conscients.

A) Les HOP (Higher-order perception) ou théorie du sens interne (inner-sense) soutiennent que la CS est une perception, mais dirigée vers l'esprit plutôt que vers le monde (Lycan 1996, Armstrong 1997).

Un sujet n'a pas besoin de penser qu'il a mal ou même d'avoir le concept « Je » ou « douleur » pour avoir une représentation de second-ordre de sa douleur puisque cette représentation est d'ordre perceptive.

Critiques : pas de sens spécial (pas d'organe du sens interne); ne peut pas expliquer les états mentaux qui impliquent des concepts.

B) Selon les FOR, un état mental CS en est un qui nous rend CS de quelque chose dans l’environnement.

Un état mental n’est pas CS parce qu’il est l’objet d’un état représentation de second ordre – une perception (HOP) ou pensée (HOT) – mais parce qu’il nous rend CS de qqch dans le monde, attentifs à qqch dans l'environnement. Un état INCS est un état mental qui ne nous rend conscients ou attentifs à rien (même s’il peut avoir un effet sur notre comportement).

Critique : fait difficilement la distinction entre un état mental incs et un état mental cs; explique bien le phénomène de la cs perceptive, mais très mal la CS des croyances et des désirs. Afin de résoudre le problème, certains FOR adoptent une HOT en ce qui concerne les croyances et les désirs (Tye 1997, Dretske 2000, 188). Le problème, c'est qu'ils en viennent alors à nier eux aussi que les croyances et les désirs des animaux puissent être de nature consciente.

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1) « Mental states admit a distinction between conscious and non-conscious varieties and this is best accounted for as the difference between states that are available to conscious (reflexive) thinking. » (193)

2) « An experience will only count as conscious, and possess a distinctive phenomenal feel, if it is present to a faculty of thinking. » (182)

3) « If my account of the distinction between conscious and non-conscious experience is correct, then the experience of all these creatures will be of the non-conscious variety. » (184)

4) « If I am rigth, then, it ougth to be strictly impossible to feel sympathy for animals once the true nature of their mental lives is properly understood. » (192)

Carruthers 1.0 : The Animal Issue (1992)

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Carruthers affirme désormais qu'il admet que les animaux sont conscients (au sens intransitif), et qu'ils ont des états mentaux. Ce qu'il nie, c'est qu'ils aient des états mentaux conscients (au deux sens A-CS et P-CS). Nous pensons qu'ils sont conscients de leur souffrance simplement parce que nous ne pouvons imaginer une souffrance inconsciente :

« If we try to enter sympathetically into the mind of someone whose sufferings and frustrations are non-conscious ones, what we draw, of course, is a complete blank. We simply have no idea how to imagine a mental state which is non-conscious. Since to imagine undergoing a mental state is to imagine what that state is like; and since only conscious mental states are like anything, (…) it follows that only conscious mental states can be imagined.” (Carruthers, Sympathy and Subjectivity, 1999). Il considère cependant désormais qu'il n'est pas irrationnel de ressentir de la compassion pour la “souffrance” des animaux, même s'ils n'en sont pas eux-mêmes conscients :

“It is possible for suffering to occur in the absence of phenomenal consciousness − in the absence of a certain sort of experiential subjectivity, that is. (‘Phenomenal’ consciousness is the property that some mental states possess, when it is like something to undergo them, or when they have subjective feels, or possess qualia.) Even if theories of phenomenal consciousness withhold such consciousness from most species of non-human animal, this needn’t mean that those animals don’t suffer, and aren’t appropriate objects of sympathy and concern. » (Carruthers, 2004)

Carruthers 2.0 : Suffering without subjectivity

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Carruthers' thesis : Pain experiences are perceptions of secondary qualities of the body.

« A first-order theorist such as Tye (1995) will say that all pain perceptions are phenomenally conscious, provided that they are available to the belief-forming and decision-making processes of the creature in question. My sort of higher-order theorist will say, in contrast, that pain perceptions are only phenomenally conscious when they are available to a higher-order thought faculty (...). On this latter view, a feeling of pain is only phenomenally conscious when it acquires the higher-order analog content feeling of pain (in addition to the first-order analog content pain).

A great many kinds of non-human animal will be capable of feeling pain, of course, in the sense of perceiving the relevant quality as located in some specific region of their body. But on a higher-order account, it could well be the case that no animals except human beings undergo pains that are phenomenally conscious. Since it is possible that humans are unique in possessing a faculty of higher-order thought, it may be that we are the only creatures to undergo perceptual states with dual analog content, whether those states are percepts of color or of pain.

Pain-states that aren’t phenomenally conscious are still felt, of course. This is just to say that the pain (the secondary quality of the body) is perceived. But pains that are felt can nevertheless lack feel in the quasi-technical philosophical sense of possessing the distinctive sort of subjectivity that constitutes a mental state as a phenomenally conscious one. » (Carruthers, Suffering without subjectivity)

Une douleur « corporelle » (a bodily pain) ?

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Critique de DeGrazia : Un concept trop intellectualiste de conscienceDes animaux-machines ? D'accord, mais seulement certains...

Contre Carruthers, DeGrazia défend la définition de la conscience de Nagel : « A CS experience is one such that there is something that it is like to be in. If an experience feels like something, it is conscious. » (DeGrazia 115)

De Grazia associe la CS avec la possession d'un SNC complexe et considère que la simplicité extrême du système nerveux des insectes rend « very unlikely that insects are conscious. » (1996, 105). En 2002, il dira qu'il est certain que les animaux comme les amibes ne sont pas sentient.

L'idée sous-jacente est donc qu'il existe des animaux machines, comme le pensait Descartes, mais ce ne sont pas tous les animaux, à l'exception de l'homme. Si des animaux peuvent faire des choses très complexes sans rien ressentir) – comme les araignées, par exemple – il est curieux que l'on soit si assurés que les animaux comme les mammiffères et des oiseaux le sont.

Autrement dit, si des animaux peuvent (1) avoir des organes des sens développés et (2) les utiliser d'une manière très profitable, pourquoi supposer que leurs sens externes ne donnent pas lieu à une forme de « se sentir », de conscience ressentie ? À quoi sert la conscience si elle ne leur est pas du tout nécessaire ?

Désolidariser les organes de sens et les comportements avec la conscience : on peut avoir des yeux, se comporter comme si on voyait, mais ne rien voir. Si certains animaux non-conscients ont la perception et la mobilité et peuvent même apprendre en un sens rudimentaire (comme l'aplysie qui peut être conditionnée), à quoi sert la conscience ? En appeler à la fugacité de la vie de certains animaux n'est pas convaincant puisque la mesure du temps est éminement subjective. Une mouche ne vit pas deux jours, elle vit une vie.

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First-order representationalist (FOR):Percevoir, c'est être conscient

« I regard "conscious" and "aware" as synonyms. Being conscious of a thing (or fact) is being aware of it. Seeing, hearing, smelling, tasting and feeling are specific forms – sensory forms – of consciousness. Consciousness is the genus; seeing, hearing, and smelling are species (the traditional five sense modalities are not, of course, the only species of consciousness). Seeing is visual awareness. Hearing is auditory awareness. (…) You may not pay much attention to what you see, smell, or hear, but if you see, smell or hear it, you are conscious of it. (..) I say that if you see (hear, etc.) it, you are conscious of it. The "it" refers to what you are aware of (the burning toast), not that you are aware of it. »

« If animals could not see, hear, smell and taste the objects in their environment – if they were not (in these ways) conscious – how could they find food and mates, avoid predators, build nests, spin webs, get around obstacles, and, in general, do the thousand things that have to be done in order to survive and reproduce ?

Reproductive prospects, needless to say, are greatly enhanced by being able to see and smell predators. That, surely, is an evolutionary answer to questions about the benefits of creature consciousness. Take away perception – as you do, when you remove consciousness – and you are left with a vegetable. » (Drestke, 2010)

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Voici 4 positions incompatibles. Laquelle des affirmations rejettez-vous ?

1- Les états mentaux conscients sont des états mentaux desquels on est conscients.

2- Être conscient de ses états mentaux, c'est être cs que l'on a des états mentaux.

3- Les animaux ont des états mentaux conscients.

4-Les animaux ne sont pas conscients qu'ils ont des états mentaux.

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Exclusive HOT: Rejette 3 (Carruthers) : Un état mental ne devient CS que lorsqu'il fait l'objet d'une pensée de second-ordre. Les animaux ont des croyances, des désirs et des perceptions, mais ne sont pas conscients. Marginalise la conscience, aucun animal n'a de cs phénoménale.

Inclusive HOT: Rejette 4 (Rosenthal) : Un état devient CS avec une pensée de second-ordre, mais les animaux en sont capables. Attribue un très (trop ?) haut degré de sophistication mentale aux animaux.

FOR : Rejette 1 (Drestke) : Un animal n'a pas à être conscient de ses états mentaux pour qu'ils soient CS : « You may not pay much attention to you see, smell or hear, but if you see, smell or ear something, you are conscious of it. »

Alternative : Rejette 2 (Lurz) : Être conscients de ses états mentaux, ce n'est pas être conscients que l'on a des états mentaux, mais simplement de ce qu'ils représentent (leur objet intentionnel, comme la route). Être conscient de quelque chose, c'est y porter attention.

1- Les états mentaux conscients sont des états mentaux desquels on est conscients. 2- Être conscient de ses états mentaux, c'est être cs que l'on a des états mentaux. 3- Les animaux ont des états mentaux conscients. 4- Les animaux ne sont pas conscients qu'ils ont des états mentaux.

Position des théories de la CS sur la conscience animale

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Les animaux ont-ils des émotions?

Une question qu'on croirait simplement rhétorique...

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La théorie rôle cognitif/évaluatif des émotions

Selon les théories cognitivistes, tous les animaux ont des émotions – qui ne sont que des indications sur l'état de leur corps – mais seulement certains les ressentent. Les animaux qui sont en mesure d'avoir des sentiments (feelings) sont ceux en mesure d'interpréter leurs émotions. Encoreune fois, la vie psychologique ressentie devient dépendante de capacités cognitives plus sophistiquées.

Tous les animaux peuvent avoir peur, mais seulement certains peuvent ressentir la peur, c'est ça?

Pour beaucoup de théoriciens, les émotions ont une fonction évaluative et sont « just as cognitive as other percepts » (Damasio).

“Most contemporary philosophical theories of emotion resemble psychological appraisal theories, characterizing emotions primarily in terms of their associated cognitions. While appraisal theorists generally allow that the cognitive processes underlying emotion can be either conscious or unconscious, and can involve either propositional or non-propositional content, cognitivists typically claim that emotions involve propositional attitudes. »

(« Emotion », Stanford Encyclopedia)

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Damasio et la distinction émotions/sentiments

« Primary emotions include fear, anger, disgust, surprise, sadness and joy, and Damasio ascribes them to many animals. Even the primitive sea slug Aplysia shows fear. When its gills are touched, its blood pressure and pulse go up. These are not reflexes, Damasio says, but elements of a fear response — complex, mutually dependent reactions. He emphasizes, however, that such organisms do not produce feelings. EmotionsEmotions are physical signals of the body responding to stimuli, and feelingsfeelings are sensations that arise as the brain interprets those emotions. In humans and sea slugs, heart rates increase and muscles contract when the organisms are afraid of something, but an organism registers the feeling of fear only after its brain becomes aware of the physical changes.

(...) Given this inability to confirm what is happening in an animal’s head, Damasio is reluctant Damasio is reluctant to imply that it possesses feelingsto imply that it possesses feelings. »

Wilhelm, K., Do Animals have feelings ?, Scientific American Mind, février/mars 2006

Émotions: signaux physiques du corps qui répond aux stimulis (tous les animaux).

Sentiments (feelings) : sensations qui surviennent lorsque le cerveau interprète ces émotions (humains seulement ?)

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Avoir des sentiments, comme faire l'expérience de la joie, c'est être conscient d'un certain état de son corps. Puisqu'il fait dépendre les sentiments de la conscience de soi, Damasio n'est pas certain que les chimpanzés puissent ressentir des sentiments, même s'ils peuvent avoir des émotions. LeDoux partage son scepticisme, d'autres, comme Bekoff et Panksepp,

“The fear system is not, strictly speaking, a system that results in the experience of fear. It is a system that detects danger and produces responses that maximises the probability of surviving a dangerous situation in the most beneficial way. I believe that emotional behaviours, like defensive behaviours, evolved independent of, which is to say before, conscious feelings, and that we should not be too we should not be too quick to assume that when an animal, quick to assume that when an animal, other than a human one, is in danger, it other than a human one, is in danger, it feels afraidfeels afraid.”

(LeDoux, 1998, 128)

« Un animal qui a peur ne se sent pas nécessairement effrayé » (LeDoux)

Jaak PankseppPanksepp, cependant, considère que les sentiments des animaux sont probablement très semblable aux animaux puisqu'ils ne reposent pas sur le néo-cortex et ne nécessitent pas de réflexion.

Bekoff Bekoff soutient que les animaux ont des sentiments et non simplement des émotions.

D'une manière étonnante, Dawkins reste pour sa part plutôt neutre...

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Marian S. Dawkins : une question de jugement personnel ?

« Consciousness still eludes us. It is my personal view that emotional states defined in the way I have described (…) does imply subjective experience — a conscious awareness of pleasure and pain that is not so very different from our own.

But that should be taken for what it is: a personal statement of where I happen a personal statement of where I happen to stand, not a view that can be grounded to stand, not a view that can be grounded in empirical factin empirical fact. It is just as valid (and just as open to challenge) as the more widely held beliefs that consciousness “kicks in” with the ability to form abstract concept or plan ahead or use a language (Rosenthal, 1993; Dennett, 1996). »

Marian S. Dawkins : « Animal Minds and Animal Emotions »

Page 88: Christiane Bailey – Éthique Animale – Hiver 2012 Capacités cognitives, langage et conscience

On croirait entendre Descartes : « La douleur n'existe que dans l'entendement. »

(Descartes, Lettre à Mersenne, 1640)

« Les animaux supérieurs ont aussi une âme, en d'autres termes, ils vivent des expériences subjectives. Quiconque connaît bien un mammifère supérieur, par exemple un chien ou un singe, et n'est pas convaincu que cet être vit des choses semblables à ce qu'il vit n'est pas psychiquement normale. »

« Quand une oie cendrée qui a perdu son compagnon présente exactement les mêmes symptômes physiologiques objectivement caractérisés qu'un être humain profondément triste (…), l'observateur ne peut s'empêcher de penser que l'oiseau est en deuil. Le nerf sympathique perd son tonus, les yeux s'enfoncent dans leurs orbites, les muscles se relâchent, la tête penche tristement. »

Konrad Lorenz,Tiere sind

Gefühlsmenschen, Der Spiegel (1980)

Prix Nobel 1973

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SEARLE et le mirage épistémologique : how do I know that I know ?

« Our basic relationships to reality are seldom matters of epistemology. I do not infer that my dog is conscious, any more than, when I come into a room, I infer that the people present are conscious. I simply respond to them as is appropriate to respond to conscious beings. (…) If somebody says, “Yes, but aren’t you ignoring the possibility that other people might be unconscious zombies. and the dog might be, as Descartes thought, a cleverly constructed machine, and that the chairs and tables might, for all you know, be conscious? Aren’t you simply ignoring these possibilities?” The answer is: Yes. I am simply ignoring all of these possibilities. »

Searle, Animal Minds

« Why am I so confident that my dog, Ludwig Wittgenstein, is conscious? Well, why is he so confident I am conscious? I think part of the correct answer, in the case of both Ludwig and me, is that any other possibility is out of the question. We have, for example, known each other now for quite a while so there is not really any possibility of doubt. »

(J. Searle, Animal Minds, 207)

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Se fondant sur le fait que notre perception est toujours interprétative (on ne perçoit pas des données sensorielles, mais des choses, des choses signifiantes), Rollin argumente que les états mentaux sont des faits psychologiques qui existent rééllement (du moins, dans la "métaphysique" du sens commun). Ce qui lui permet de soutenir la thèse forte selon laquelle nous n'inférons pas les états mentaux, nous les percevons : "le sens commun n'infère pas les états mentaux par analogie à partir du comportement, mais il les perçoit" (Rolin, 88).

Comment connaît-on autrui ?

Rollin, comme Jamieson, suggère que les états mentaux sont perçus, plutôt qu'inférés : Les états mentaux sont des catégories perceptives (perceptual category).

Évidemment, on peut faillir de percevoir adéquatement ce que les autres pensent, veulent et ressentent. Mais cela n'est pas moins vrai avec les hommes. Si les animaux – du moins certains animaux – sont bien des personnes, la compréhension des uns et des autres est de même nature.

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Il existe une foule d'animaux non-humains qui sont comme nous des êtres sensibles et conscients.

Que cela ne soit pas un fait évident, mais quelque chose qui reste encore à « prouver scientifiquement » exige que l'on reste vigilants, pour ne pas dire méfiants, envers les discours humanistes anthropocentriques.

Si on en vient un jour à définir la conscience de telle sorte qu'elle soit un privilège de l'espèce humaine, ce sont nos méthodes d'étude qu'il faut changer et non pas la nature des animaux.

Ce sont les théories qui doivent se vérifer sur l'expérience, et non l'inverse.