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© Casemate 2014. Tous droits de reproduction interdits. Supplément gratuit • Casemate 76, décembre 2014. Christophe ARLESTON

Christophe ARLESTON - Casemate · 2019-08-12 · Interview Si le papa de Troy nous régale avec un nouveau Trollsdans lequel le père Noël n’est pas à la fête (Casemate 76),

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Page 1: Christophe ARLESTON - Casemate · 2019-08-12 · Interview Si le papa de Troy nous régale avec un nouveau Trollsdans lequel le père Noël n’est pas à la fête (Casemate 76),

© Casemate 2014. Tous droits de reproduction interdits.

Supplément gratuit • Casemate 76, décembre 2014.

ChristopheARLESTON

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Un simili père Noël,un simili Don Qui-chotte, vous piochezdans les person-nages mythiques ?

Christophe Arleston : Je n’ai pas vrai-ment fait attention à cela. Le monde deTroy est composé d’un tiers de fantasytraditionnelle, d’un tiers de contes deGrimm et de Perrault, d’un tiers d’An-tiquité et de mythologie. Le père Noëlest bien plus récent. Il a pris la suite desaint Nicolas et fut accaparé par lamarque Coca-Cola au début desannées cinquante.Lanfeust a 20 ans. Avez-vous fêtécet anniversaire ?À Quai des bulles. Avec une expo, destrolls géants et des comédiens dégui-sés qui se répandaient dans les rues.Dont une jolie Cixi. Un forgeron forgeaitsur un vrai feu qui brûle de vraies épéesqui coupent, des bretteurs déguisés enpersonnages de Lanfeust s’affrontaient.

Ce fut bien plus fun qu’une simple expoavec des planches originales au mur.Vous souvenez-vous de vos 20 ansà vous ?Tiens… non, mais de mes 18, oui.Je vivais à Aix-en-Provencedepuis peu. Des copains d’alorsle sont toujours aujourd’hui ;comme Nolane, Cartier… Unebonne grosse bande. Pour mesdix-huit bougies, ce fut épique.Chut.Après vingt ans d’exploitationde la planète Troy, la machine àidées est-elle toujours aussi per-formante ?En tout cas, toujours aussi lente. Lesidées peuvent demeurer longtemps

dans un coin de ma tête en attendantqu’elles se décantent. Vingt ans par-fois ! Un jour, crac, ça se déclenche et

l’écriture se déroule très rapidement.Le gros du travail des scénaristesne se passe pas devant leur cla-vier, mais avant qu’ils s’y instal-lent. Les idées c’est un peucomme les photographiesd’avant le numérique. Il faut lesplonger successivement dans

plusieurs bains, le révélateur, lefixateur…

Éclosent-elles n’importe où ?Absolument, souvent lorsque je suis

au volant. Une idée d’histoire éclate.Je la range là-haut, dans un tiroir pen-dant six, huit mois ou davantage. Lejour où je me mettrai à écrire, c’estqu’elle sera vraiment mûre. Travaillez-vous avec des coscéna-ristes pour enrichir, accélérer le pro-cessus ?Non, uniquement pour le plaisir de tra-

I

Interview

Si le papa de Troy nous régale avec un nouveau Trolls danslequel le père Noël n’est pas à la fête (Casemate 76), il publieégalement la suite de Chimère(s) 1887. Avec quelques regrets.Et évoque son MacGyver voyageur du temps…

Arleston embaucheles VAN GOGH

« Avec les frères Van Gogh, dates, faits, touts’imbriquait parfaitement. Une merveille »

Christophe ARLESTON

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vailler en duo, pas parce que je mesentirais incapable d’y arriver seul.Van Gogh tient un rôle importantdans Chimère(s) 1887 dont le qua-trième tome(1) vient de sortir. Parceque votre dessinateur s’appelle Vin-cent ?Non ! Chimère(s) est aussi une quêtede parents à travers le personnage prin-cipal. Pour la mère, c’est allé assez vite.J’avais envie que le père, lui, soit unpersonnage historique connu, ce quidonne encore plus de piquant à l’his-toire. Mais il fallait que les dates collentavec celle de la construction de la tourEiffel. Je suis tombé sur Van Gogh quej’ai toujours beaucoup aimé. Les dates,les faits, tout s’imbriquait parfaitement.Une merveille. Le jour où l’ultime pièceboucle votre puzzle, vous poussez ungrand « Yes » ! J’avais en prime le frèreVan Gogh, Théo, très pratique, car habi-tant réellement Paris à l’époque qui m’in-téressait. Le go-between parfait. On

commence à comprendre qui est levrai père de Chimère. Encore deuxalbums et le cycle sera bouclé.Le second est-il signé ?Non. Aujourd’hui, je suis malheureux.J’ai en main un exemplaire de la nou-veauté avec cinquante-sept post-itscollés dedans. Des corrections nonfaites, l’album étant parti à l’imprime-rie sans qu’on ait pu relire et corriger lePDF. Des bulles essentielles à la com-préhension de l’histoire ont été chan-gées, d’autres ont sauté alors qu’ontrouve ailleurs deux fois le même texte.Une tournure de phrase a été transfor-mée, ce qui en modifie complètementle sens. Et je ne parle pas des bourdesd’orthographe. Il a fallu attendre mon

150e album pour que cela m’arrive. Ducoup, depuis une semaine, j’ai un peud’amertume. Et même plus. J’aime montravail, j’aime les choses finies, propres,nickel. Ce qui vient de se passer ne medonne pas trop envie d’engager unsecond cycle.Que vous avez déjà en tête ?J’ai imaginé une suite possible sedéroulant des années plus tard. On yretrouverait Chimère à la Belle Époque,1900, avec ses courtisanes célèbres,appelées « les grandes horizontales ».Liane de Pougy, Cléo de Mérode, despersonnages merveilleux. Mais bon, on

a encore le temps d’y réfléchir.Toujours pas de regret de ne passigner cette série Arleston ?Non. J’assume ce choix, d’autantque Pelinq est mon vrai nom. Chi-mère(s) est une histoire dure, assez vio-lente. Je ne voulais pas que de jeuneslecteurs, mes gamines par exemple,qui se marrent à lire Trolls, tombentdessus guidés par mon pseudo.Cette incursion dans la BD historiqueest-elle une parenthèse ou une nou-velle voie pour vous ?Dans ce domaine aussi, je découvretoujours des choses qui m’intéressentet me séduisent. Des idées flottentdans ma tête et aboutiront ou pas,après un délai plus ou moins long.Actuellement, je m’amuse beaucoupavec un nouveau personnage, Oscar,un jeune toubib d’aujourd’hui projetéau cœur de la Grèce antique.Odyxes (2) sort du cadre habituel dela fantasy et glisse dans un cadre plu-tôt fantastique-historique. Les dieuxde l’Olympe ramènent dans le passédes gens d’aujourd’hui. Oscar va uti-liser ses connaissances d’homme duXXIe siècle pour se débrouiller dansl’Antiquité. Avec un petit côté bricoloà la MacGyver.Comme faire découvrir une certaineboisson anisée aux Grecs ?Je vois que vous allez à l’essentiel…

Propos recueillis par Jean-Pierre Fuéri

1. Coscénariste Melanÿn, dessin Vincent,Glénat.2. Dessin Steven Lejeune, Soleil.

IIII

Interview

Trolls de Troy #19,Pas de Nöl pour le père Grommël,Jean-Louis Mourier,Christophe Arleston,Soleil, 13,95 €,3 décembre.

« Le jour où l’ultime pièce boucle le puzzle,vous poussez un “Yes !” de bonheur… »

Christophe ARLESTON

ArchivesBoycotter Angoulême, si…, Casemate 72,Ça se bouscule au portillon, Casemate 63,Oui, Lanfeust a morflé, Casemate 57, etc.

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Dans Casemate 72,vous évoquiez unepossible action desauteurs à Angoulême.

Christophe Arleston : L’affaire descotisations retraite augmentées quidevraient coûter 8 % de leurs revenusaux auteurs dès 2016 n’est toujours pasréglée. Notre réunion, lors du festivalde Saint-Malo les 10-12 octobre, aconnu un énorme succès. Nous avionsprévu un petit débrayage d’une heurepour une réunion d’information lesamedi à 17 h 30. Le festival nous avaitoctroyé une salle de deux cents placeset nous nous attendions à ce qu’unecentaine d’auteurs, au mieux, posentleurs crayons ou pinceaux. Tout lemonde a débrayé ! La salle était pleineà craquer et cent personnes attendaientdehors. Une vraie réunion d’informa-tion, avec des intervenants et deséchanges de questions avec la salletrès posés, très raisonnables, très car-rés. Voir trois cents auteurs réunis et, àla fin, François Bourgeon venir prendresa carte du SNAC (1) BD a fait chaud aucœur du comité de pilotage, dont jene fais pas partie, mais que je soutiensde mon mieux.Les éditeurs ?Ils ont fermé leurs stands et soutenunos revendications. L’un d’eux, dans une circulaire, apourtant rappelé le danger écono-mique à interrompre les séances dedédicace.Un cas isolé. Les éditeurs n’ont aucunintérêt à ce que meurent leurs auteurs.Nous avons une communauté d’inté-rêts. Il y a bien sûr cette histoire deretraite qu’il va falloir régler rapidement,trouver des solutions de financement.

Mais derrière, nous sommes en trainde découvrir qu’il se passe à Bruxellesun travail de lobbying pour tenter demettre un terme aux droits d’auteur.Comment ?Des propositions de loi visent à le limi-ter à un temps assez court, quinze ans,je crois, après la création d’une œuvre.

Lanfeust serait donc déjàdans le domaine public.Aberrant ! Certains veulentfaire sauter le système dudroit d’auteur tel qu’il existeen France et en Belgique,avec son droit moral, pourle rapprocher d’un copyrightà l’américaine.Position des éditeurs ?Plus rodés à ce genre deproblèmes, ils connaissentmieux le lobbying, ontdavantage de relations quenous. On sait qu’ils vontœuvrer dans un sens quinous arrange jusqu’à un cer-tain point. Nos intérêts sont,pour partie, communs. C’est l’exception culturellefrançaise qu’on remet encause ?Il faut s’entendre sur les mots.L’exception culturelle fran-çaise, qui existe depuis desaccords bilatéraux avec lesÉtats-Unis, ne concerne quele cinéma. Nous, les auteurs,faisons partie de tout un sec-

teur menacé de passer à la trappe.Beaucoup sont déjà dans une situationcatastrophique. Et pas que desjeunes…Côté pouvoirs publics, le débat surles cotisations sociales avance-t-il ?Aurélie Filippetti, ministre de la Culture,a mis très longtemps à prêter oreille àce que nous lui répétions. Elle com-mençait lorsqu’elle a quitté le gouver-nement. Un départ que nous ne regret-tons pas outre mesure. Fleur Pellerin,qui lui a succédé, semble plus sensi-ble à nos problèmes. Mais encore faut-il reconstruire des passerelles, entamerdes dialogues. Ne vous sentez-vous pas très iso-lés ?Non, le dossier avance grâce à la moti-vation des auteurs ; mais égalementparce que les écrivains commencenteux aussi à se réveiller. Il s’agit mainte-nant d’une action à long terme quidépasse le problème des cotisationsretraite majorées. Il faut que nous obte-nions des représentants dans toute unesérie d’institutions rébarbatives et dontnous nous fichions jusqu’à présent.Ainsi la Sofia (2), où siègent des gensélus par les auteurs, mais que nous neconnaissons pas. Gens qui fonction-nent en autarcie et prennent les déci-sions pour nous. Gens qui aux yeux du

gouvernement sont nosreprésentants. À nous demettre des gens à nous à leurplace.Des réunions d’informationdu même genre que cellede Saint-Malo pourraient-elles se tenir à Angou-lême ?Rien n’est décidé. Attendonsde voir ce qui va sortir desréunions qui ont lieu. Mais sirien de concret n’aboutit, ilfaudra bien, à un moment ouun autre, envisager de fairede nouveau parler de nous.Et cela ne nous amuse pas.Nous sommes les derniers àavoir envie de saborderAngoulême. Mais on ne peuten exclure totalement l’idée.

JPF1. Syndicat national des auteurset des compositeurs.2. Société française des intérêtsdes auteurs de l’écrit. Elle per-çoit et répartit les droits deslivres, l’équivalent de la SACEMpour les droits musicaux.

III

Interview

Le brûlot des cotisations retraite, trois cents auteurs mobilisésà Saint-Malo, le ralliement spectaculaire de François Bourgeon,les lobbyistes qui menacent les droits d’auteur et donc nombrede dessinateurs et scénaristes… Christophe Arleston fait le point à deux mois d’Angoulême.

Arleston

Les droits d’auteur en dangeràBRUXELLES

DR

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« Les auteurs de BD sont motivés et les écrivains commencent aussi à se réveiller »

Christophe ARLESTON