Presses Universitaires du Mirail

Christophe Colomb et la découverte de l'Amérique. Réalités, imaginaires et réinterprétationsby José Guidi; Monique MustaphaReview by: Michel BERTRANDCaravelle (1988-), No. 64 (1995), pp. 202-203Published by: Presses Universitaires du MirailStable URL: http://www.jstor.org/stable/40853264 .

Accessed: 16/06/2014 04:52

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202 CM.H.LB. Caravelle

Christophe Colomb et la découverte de l'Amérique. Réalités, imaginaires et réinterprétations, textes réunis par José Guidi et Monique Mustapha, Aix-en-Provence, service des publications de l'Université de Provence, 1994,310 pp.

Parmi les nombreuses réunions organisées au cours de 1 année 1992, celle dont les actes viennent de paraître au service des publications de TUniversité de Provence, présente une réelle originalité. Le colloque d'avril 1992 à Marseille consacré au personnage de C. Colomb se plaçait en effet sous l'égide des sociétés des italianistes et des hispanistes de l'enseignement supérieur français. Quel meilleur lieu, quel meilleur patronage pouvait-on en effet proposer en France pour réfléchir sur un tel personnage ? Car, si la personnalité de Colomb, son action et ses répercussions s'inscrivent au coeur de l'histoire de la péninsule ibérique de la fin du XVo siècle, on ne saurait oublier que le génois est d'abord un marin issu de cet univers italien qu'est la Méditerranée occidentale du quattrocento.

L'ouvrage s'organise autour de cinq thèmes, destinés à cerner un homme dont les légendes successives ont contribué depuis cinq siècles à obscurcir l'image. C'est sans doute ce qui explique l'équilibre - ou plutôt le déséquilibre - de l'ouvrage. La moitié des textes proposés ici sont consacrés aux diverses représentations de l'homme - soit dix communications -, alors que les trois thèmes portant sur l'individu lui- même n'en regroupent que sept. Autant dire que ce à quoi nous invitent les responsables de cette publication c'est à une réflexion sur les constructions mentales et les représentations collectives nées d'un événement dont on sait que les contemporains n'admirent que fort lentement l'importance.

Les influences qui contribuèrent à la genèse du personnage sont présentées dans deux textes qui insistent sur des aspects trop souvent négligés. F. La Brasca mène une étude du terreau dont s'est nourri le navigateur et à partir duquel il a conçu son entreprise. Quant à G. Boisvert, il analyse cet épisode important qu'est l'étape portugaise dans l'aventure du marin.

L'idéologie dont C. Colomb était porteur fait l'objet de trois communications dans la deuxième partie du livre. Les textes de G. Baudot, J. Lacroix et A. Milhou reconstituent les éléments de la pensée de l'amiral en se fondant sur ses propres textes. A travers eux, ce qui surgit ce sont tout à la fois les préjugés, les redécouvertes et les archétypes d'une pensée médiévale finissante qui s'entrouvre à la modernité.

Enfin, deux auteurs proposent une étude du rôle de l'imaginaire dans la perception de la «découverte». C. Colomb lui-même lit les paysages,

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Comptes rendus 203

qu'il est avec son équipage le premier occidental à observer, à l'aune de sa culture chrétienne comme le montre J.P. Sanchez. Par ailleurs, l'extraordinaire des terres découvertes l'emporte sur tout autre aspect aux yeux des occidentaux du XVIo siècle qui les observent. Au point de faire de ces nouvelles terres le lieu par excellence des constructions utopiques qui fleurissent au cours de la Renaissance.

Le reste de l'ouvrage est donc consacré aux diverses représentations du personnage de C. Colomb et de sa découverte depuis le XVIo siècle. Ce que les divers auteurs proposent d'abord c'est la place et le regard porté sur 1492 dans la littérature et l'historiographie occidentales. On y découvre tout particulièrement l'importance et la fonction de l'épopée colombine dans la poésie italienne ou la pensée de la Renaissance, dans la philosophie des Lumières ou la littérature française du XVIH° siècle, chez le chroniqueur et chapelain de Cortes ou le savant allemand A. Von Humboldt. Malgré un certain éclatement des thématiques et des approches proposées, cette mosaïque offre une vision dans la longue durée de l'impact des voyages de C. Colomb sur la pensée occidentale.

Dans ces représentations, une place toute particulière revient à l'originale contribution de J.P. Duviols. Délaissant les textes, l'auteur se penche sur l'iconographie de la découverte. Se fondant sur vint-huit représentations - tableaux, affiches, fragments de B.D., gravures philatéliques, dessins humoristiques dont les dates s'étendent 1493 à 1991 - J.P. Duviols nous propose avec bonheur un savoureux voyage dans le monde des images. Sans prétention à l'exhaustivité et en laissant sans doute une large part à la subjectivité dans la sélection des supports iconographiques, il offre une reconstitution où l'humour, les arrangements avec l'histoire, les motivations les plus diverses contribuent tous, chacun à leur niveau et à leur place, telle une lente sédimentation marine pluriséculaire, à l'élaboration d'un stéréotype dont nous sommes tous nourris.

On l'aura sans doute compris. Ce recueil d'une vingtaine de contributions vient rappeler avec efficacité combien dans la création d'un «fait» historique quel qu'il soit la construction intellectuelle joue un rôle essentiel. Aussi, au-delà de l'événement lui-même que l'on se «devait» de revisiter au cours de cette année 1992, ce qui nous est présenté ici ce sont d'abord les diverses représentations que différentes périodes en ont eu. La «découverte» se déplace alors pour quitter les rives du Nouveau Monde et éclairer d'abord et surtout l'Ancien.

Michel BERTRAND

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