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Ce sixième numéro de Chroniques d’Archives met à l’honneur l’un de nos principaux fonds, celui des tribunaux et de la Justice aux XIX e et XX e siècles. Nous avons réservé pour un prochain numéro la présen- tation des fonds judiciaires d’Ancien Régime, dont l’univers, si éloigné du nôtre, mérite une approche spécifique. Les archives judiciaires depuis 1800, reflet de l’organisation des juridictions iséroises et seule survivance admi- nistrative de l’ancienne province de Dauphiné, incarnent parfaitement la double fonction des archives : servir de preuve pour faire valoir un droit et constituer la matière première de l’Histoire. Encore faut-il surmonter deux obstacles dans la recherche : la relative complexité de l’univers des juridictions et la masse même de ces archives qui occupent plus de 4 km linéaires de rayonnages ! Aussi un dossier d’orientation dans les fonds nous a paru utile à tout chercheur désireux de travailler sur cette source principale d’histoire sociale. Les procès et jugements apportent un éclairage essentiel sur l’ensemble des rapports sociaux, depuis les relations de voisinage abordées dans les justices de paix, jusqu’aux oppositions et conflits d’ordre plus général. Les dossiers sont une mine d’informations sur la vie quotidienne et on y trouve l’expression directe de l’immense majorité de la population qui n’a pas laissé d’autre trace dans l’Histoire. Par ailleurs, en tant que citoyens et justiciables, il y a de fortes probabilités pour que tous nous ayons un jour besoin de retrouver un jugement à titre de preuve : les Archives reçoivent tous les jours un abondant courrier de recherches en lien direct avec les évolutions sociales et juridiques de notre société. Une des missions primordiales des archivistes s’exerce alors : parfois méconnue, elle est pourtant la manifestation de notre service au public. Nous mettons tout en œuvre pour retrouver, dans la mesure où les indications que l’on nous donne sont suffisamment précises, le jugement ou la pièce dont l’obtention est parfois d’une importance capitale pour l’intéressé. Le second point fort de ce numéro est consacré à un sujet d’actualité administrative, la fameuse RGPP. Je vous laisse découvrir en pages intérieures la signification de ce sigle qui marque un tournant essentiel dans l’organisation territoriale des services publics et aura nécessairement des répercussions sur la conservation des archives de demain. Bonne lecture ! Hélène Viallet, directrice NUMÉRO LETTRE D’INFORMATION DES ARCHIVES DÉPARTEMENTALES DE L’ISÈRE JUIN 2010 Chroniques d’Archives Dossier / Les archives de la justice Du haut de cette pyramide, deux siécles nous contemplent Promenons-nous dans les fonds Le Point sur... J’RGPP donc j’archive... Derniers instruments de recherche... Un cabinet d’architectes / Chocolaterie Cémoi / Fonds de la société Glénat & Jubic, négociants en noix Direction / Hélène Viallet Responsable de la publication / Natalie Bonnet Photographies / Jean-Paul Guillet 04 76 54 37 81 www.archives-isere.fr 6

Chroniques d'Archives numéro 6

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Lettre d'information des Archives départementales de l'Isère. Au programme de ce numéro : les archives de la justice, la RGPP, les versements d'un cabinet d’architectes, de la chocolaterie Cémoi et le fonds de la société Glénat & Jubic, négociants en noix.

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Ce sixième numéro de Chroniques d’Archives met à l’honneur l’un de nos principaux fonds, celui destribunaux et de la Justice aux XIXe et XXe siècles. Nous avons réservé pour un prochain numéro la présen-tation des fonds judiciaires d’Ancien Régime, dont l’univers, si éloigné du nôtre, mérite une approche spécifique.Les archives judiciaires depuis 1800, reflet de l’organisation des juridictions iséroises et seule survivance admi-nistrative de l’ancienne province de Dauphiné, incarnent parfaitement la double fonction des archives : servirde preuve pour faire valoir un droit et constituer la matière première de l’Histoire.

Encore faut-il surmonter deux obstacles dans la recherche : la relative complexité de l’univers des juridictionset la masse même de ces archives qui occupent plus de 4 km linéaires de rayonnages ! Aussi un dossierd’orientation dans les fonds nous a paru utile à tout chercheur désireux de travailler sur cette sourceprincipale d’histoire sociale. Les procès et jugements apportent un éclairage essentiel sur l’ensemble desrapports sociaux, depuis les relations de voisinage abordées dans les justices de paix, jusqu’aux oppositionset conflits d’ordre plus général. Les dossiers sont une mine d’informations sur la vie quotidienne et on y trouvel’expression directe de l’immense majorité de la population qui n’a pas laissé d’autre trace dans l’Histoire.

Par ailleurs, en tant que citoyens et justiciables, il y a de fortes probabilités pour que tous nous ayons un jourbesoin de retrouver un jugement à titre de preuve : les Archives reçoivent tous les jours un abondant courrierde recherches en lien direct avec les évolutions sociales et juridiques de notre société. Une des missionsprimordiales des archivistes s’exerce alors : parfois méconnue, elle est pourtant la manifestation de notreservice au public. Nous mettons tout en œuvre pour retrouver, dans la mesure où les indications que l’on nousdonne sont suffisamment précises, le jugement ou la pièce dont l’obtention est parfois d’une importancecapitale pour l’intéressé.

Le second point fort de ce numéro est consacré à un sujet d’actualité administrative, la fameuse RGPP. Je vouslaisse découvrir en pages intérieures la signification de ce sigle qui marque un tournant essentiel dansl’organisation territoriale des services publics et aura nécessairement des répercussions sur la conservationdes archives de demain.

Bonne lecture ! Hélène Viallet, directrice

NUMÉRO

LETTRE D’INFORMATION DES ARCHIVES DÉPARTEMENTALES DE L’ISÈRE JUIN 2010Chroniquesd’Archives

Dossier /

Les archives de la justice

Du haut de cette pyramide,deux siécles nous contemplentPromenons-nous dans les fonds

Le Point sur...

J’RGPP donc j’archive...

Derniers instrumentsde recherche...

Un cabinet d’architectes /Chocolaterie Cémoi /Fonds de la société Glénat & Jubic,négociants en noix

Direction / Hélène VialletResponsable de la publication /Natalie BonnetPhotographies / Jean-Paul Guillet

04 76 54 37 81www.archives-isere.fr

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Les archives de la just ice.

Dossier

Il y a le chêne popularisé par Joinville ; le haroanimal dont fut victime l’âne de La Fontaine ;l’effervescence de certaine nuit du 4 août ; la dameau glaive et à la balance : quelques images parmibeaucoup d’autres évoquant la justice. Alors quela nouvelle carte judiciaire entre en application,tentons de faire un point sur l’organisationjudiciaire issue de la Révolution et sur les fondsconservés aux Archives départementales del’Isère.Ce dossier ne vise pas à un exposé de juristes,que les archivistes ne sont pas. Il a pour but plusmodeste d’aider les chercheurs – traqueursd’ancêtres, d’un droit ou de sources historiques –à trouver leur chemin dans les fonds desjuridictions postérieurs à l’Ancien Régime, soitles séries U et Y et, pour partie, les séries L et W.C’est que, dans l’imaginaire de beaucoup desjusticiables que nous sommes tous, justice signifieparfois labyrinthe (quel Minotaure nous attenddonc dans ces tréfonds ?), discours abstrus,pompe obsolète, tracasseries courtelinesquesse muant d’aventure en horreur kafkaïenne :l’œuvre d’un facteur Cheval en proie au cauchemar.

DU PASSÉ FAISONS TABLE RASE – Voilà deux cent vingtans, les constituants, répondant aux cahiers de do-léances, transforment, réorganisent et rationalisent

la justice, façonnant un paysage judiciaire que deuxsiècles d’aménagements n’ont pas érodé en profon-deur. La loi des 16 et 24 août 1790, à la discussion delaquelle les avocats dauphinois Barnave et Pison duGaland ont participé, est fondée sur le principe dela séparation des pouvoirs, cher à Montesquieu ; enprocèdent la professionnalisation des magistrats,après que leur électivité, combattue par Sieyès, auraété supprimée par la Constitution de l’an VIII, la neu-tralité et la gratuité de la justice (c’est la suppressiondes épices, ces présents en nature ou en espècesofferts aux juges par les plaideurs, et aussi taxe obli-gatoire pour chaque pièce de procédure). En consé-quence de l’abolition des privilèges l’année précé-dente, le texte assure à chacun, puissant ou misérable,la même impartialité, notamment du fait de la collé-gialité des juridictions, les mêmes droits et mêmesdevoirs, partant les mêmes réparations et les mêmespeines. Enfin le législateur, après la suppression desparlements, a voulu séparer l’ordre administratif

(contentieux entre citoyens et administration) de l’or-dre judiciaire (pour simplifier : au civil, litiges entrepersonnes privées ; au pénal, infractions à la loi, pu-nies d’une amende et /ou d’une peine de prison,voire de mort, avant 1981).

Vingt ans plus tard, la loi du 20 avril 1810 rénove etcodifie l’architecture élaborée par les constituants.

Du haut de cette pyramide, deux siècles

2 U 59

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Abordons l’organisation de la justice telle qu’érigéepar l’Empire et qui reste la base de la justice actuelle :une pyramide en degrés, donc d’aspect plus aztèquequ’égyptien, de compétence, de hiérarchie, de ressort.De l’appréhension de cette architecture dépendl’identification de la source, autrement dit, selon lanature de la recherche, quel fonds consulter : truismearchivistique de base.

Les juridictions de droit communHormis les matières qu’un texte spécifique a expres-sément soustrait à leur compétence, ces juridictionsconnaissent de toutes les affaires civiles (contentieuxentre particuliers ; actes à caractère administratif)et pénales ( infractions selon le crescendo contra-vention, délit, crime), sur le principe que tous les ci-toyens sans distinction plaideront en la même formeet devant les mêmes juges dans les mêmes cas.

Au premier degré, la justice de paix, paternelle etconciliatrice, présente dans chaque chef-lieu de can-ton, siégeant le plus souvent dans les locaux de lamairie, a pour raison d’être, dans le domaine civil,l’arbitrage des petits différends et des conflits de lavie quotidienne ; elle a des attributions administra-tives relatives notamment à la vie rurale (bornage,élagage, curage, drainage…). Elle a compétence dans

Des 484 articles égrenantinfractions (du défautd’échenillage à lacontrefaction des sceauxde l’État) et sanctions(du pilonnage des gravurescontraires aux mœurs àl’exécution en placepublique), le plus connuest le douzième, qu’ondécouvre dans le Livre I,Des peines en matièrecriminelle etcorrectionnelle et deleurs effets, chapitre I,Des peines en matièrecriminelle : Tout condamnéà mort aura la têtetranchée. Il donne lieu,dans Le Schpountz(Pagnol, 1938), à unnuméro déclamatoired’anthologie.

C’est dans le Livre II,le plus bref (16 articles),Des personnes punissables,excusables ouresponsables, pour crimesou pour délits, que setrouve un autre articlecélèbre, le 64, permettantd’invoquer l’état dedémence au moment desfaits.

Le Livre III, Des crimes,des délits et de leurpunition, est celui quicomporte le plus grandnombre d’articles(389, soit 80%), traitant,en titre I, des crimes etdélits contre la chosepublique ( la res publicaromaine) et, en titre II, descrimes et délits contre lesparticuliers.

Enfin, le Livre IV détaille,au long de 21 articles,Contraventions de police etpeines, réparties en troisclasses.

Code pénalAu nombre des monumentsnapoléoniens, le Codepénal, pris par décrets du12 au 20 février 1810 etpublié au Bulletin des Loisn°277 bis (PER 1298/51),a été l’objet d’ajustementset de modifications jusqu’àson total remplacementle 1er mars 1994 par uncode entièrement nouveau.

Ce texte bicentenaire alui-même succédé au codedes délits et peines du3 brumaire an IV, lequelfaisait suite au code dejuillet 1791.Les quatre livres qui lecomposent définissent lesinfractions, selon lecrescendo contravention,délit, crime, et endétaillent les conséquencespénales, selonle decrescendo peineafflictive et /ou infamante,emprisonnement, amende.Les juristes en ont soulignéla sévérité accrue,puisqu’y sont instituées,notamment, les peines decarcan (art. 22), de lamarque au fer brûlant(art. 20), de mutilation dupoing droit pourles parricides (art.13).

nous contemplent.

PER 1298/51

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PER 32 /5

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le domaine du droit de la famille et de la personna-lité (conseils de famille, tutelle, curatelle, émancipa-tion, apposition et levée de scellés après décès…).Elle juge les actions possessoires, autrement dit re-latives à la protection judiciaire de la possession enmatière immobilière. Elle statue sur les contesta-tions relatives à la formation et la révision des listesélectorales (politiques et consulaires).

Enfin elle délivre ou reçoit des actes tels que certi-ficats de nationalité, actes de notoriété, réceptiondes serments et des déclarations, contrats d’ap-prentissage, déclarations de sinistre (calamité agri-cole, incendie), actes de société.

Le tribunal de simple police, puis tribunal de police,est la justice de paix statuant en matière pénale pourdes infractions (contraventions) punies d’une amendeet de peines privatives ou restrictives de droit selonune échelle de gravité, c’est-à-dire une classificationprécise des préjudices et actes délictueux, de la 1ère

à la 5ème classe.

La réforme de 1958 substitue aux justices de paix lestribunaux d’instance. Si les compétences en sontidentiques, le canton ne constitue plus la circons-cription de référence, si bien que, pour l’ensemble duterritoire français, les 2062 justices de paix se muenten 455 tribunaux d’instance (TI ). La possibilité degreffes détachés – tel celui du TI de Saint-Marcellinà Rives – et d’audiences externes, ou foraines, pal-lient en partie cette concentration.

En Isère, de 1959 (application de la réforme) à 2010(nouvelle carte judiciaire), cinq tribunaux d’instancesont ainsi pérennisés : au chef-lieu pour l’arrondis-sement de Vienne, à Bourgoin-Jallieu pour l’arron-dissement de La Tour-du-Pin, à Grenoble, La Mure etSaint-Marcellin pour l’arrondissement de Grenoble.Ce sont ces deux derniers qui viennent de disparaître.

Au premier degré encore, les tribunaux de pre-mière instance (d’abord de district, puis d’arrondis-sement ), connaissent, au civil, de toutes les affairespour lesquelles compétence n’est pas attribuée parla loi à une autre juridiction. Cette compétence “pardéfaut” est surtout tangible par rapport à celle de lajustice de paix. Sont notamment du ressort du tribu-nal de première instance jugeant au civil les actionsen divorce, filiation, autorité parentale, succession,état civil (contrôle des registres, rectification, modi-fication), responsabilité civile, accidents du travail,construction, copropriété, expropriation, purge d’hy-pothèques, prestations de serment de fonctionnaires.Enfin, les officiers publics et ministériels, singulière-ment les notaires, sont tenus de déposer au greffede cette juridiction un double de leurs répertoires.Le tribunal correctionnel est la compétence pénale dutribunal de première instance en matière de délitspassibles d’une réparation financière supérieure àune somme fixée et régulièrement révisée et /oud’une peine de prison : faux en écriture, abus deconfiance, vols, coups et blessures volontaires, bles-sures involontaires graves, homicides involontaires…

Dossier

Les archives de la just ice.

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En 1805 et 1817 pour Saint-Marcellin, 1815 pourVienne, il est fortement question de supprimer lesdeux juridictions, ce qui suscite une respectueusemais ferme prière au préfet de la part des maires etsous-préfets, afin qu’il use de son influence contreces décisions. En 1926, le président de la RépubliqueGaston Doumergue signe un décret portant sup-pression, essentiellement pour des raisons budgé-taires, de 227 des 359 tribunaux de première ins-tance ; en Isère, disparaissent ceux de Saint-Marcellinet Bourgoin. Le tribunal de première instance deGrenoble est alors doté d’une section commune pourles deux juridictions supprimées. En 1930, la plupartdes tribunaux supprimés, dont les deux isérois, sontrétablis.

Puis les tribunaux de première instance deviennenttribunaux de grande instance (TGI) en 1958 et c’estalors que le tribunal de première instance de Saint-Marcellin disparaît définitivement. Enfin, dans le ca-dre de la révision de la carte judiciaire la fusion desTGI de Vienne et Bourgoin-Jallieu à Villefontaine esten cours de réalisation.

Le principe de l’appel des décisions du premier de-gré a été conservé par le législateur révolutionnaire.Toutefois, par crainte d’une forme de résurrectiondes parlements, c’est un appel circulaire qui futchoisi, d’un tribunal de district à un autre tribunal dedistrict. Le 27 ventôse an VIII, l’appel hiérarchiqueest restauré. D’abord tribunal d’appel, puis courd’appel (1804), cour impériale ( loi du 20 avril 1810),

cour royale, suivant les aléas des régimes, cette ju-ridiction, dans notre région, étend depuis Grenobleson ressort aux trois départements issus de la par-tition de l’ancienne province de Dauphiné et, jusqu’ausecond traité de Paris (20 novembre 1815), à celuidu Mont-Blanc (correspondant en gros à l’actuel dé-partement de la Savoie).

Jusqu’à la réforme de 1958, les tribunaux de pre-mière instance connaissent des appels des justicesde paix. Désormais tous les appels du premier degréaboutissent devant la cour d’appel.

Au nom du peuple français, la cour d’assises –d’abord tribunal criminel, puis , à partir du 15 prai-rial an XII (4 juin 1804), cour de justice criminellejusqu’en 1810 – , saisie par la chambre de mise enaccusation, puis d’instruction, de la cour d’appel,est compétente en matière de crimes, c’est-à-dired’infractions les plus graves (homicide et tentatived’homicide volontaire, vol avec arme, viol, incendievolontaire…). Cette juridiction départementale, in-termittente ( sessions trimestrielles de deux se-maines ) et hétérogène (magistrats professionnels etjury populaire) est probablement, du fait même de sasingularité, de la gravité des faits qui y sont sanc-tionnés et de la relation qu’en assurent les divers or-ganes d’information, la plus connue du public. Sesarrêts et ordonnances d’acquittement ne peuventêtre frappés d’appel. Seule possibilité : le pourvoi encassation.

Dura lex, sed lexPour illustrer tout cequi précède : vous irezvoir le juge d’instance( justice de proximité),pour contracter un PACSou le résilier, mais vousdevrez vous adresser auTGI pour divorcer.De même, si vous neremplissez pas vosobligations de locataire oude bailleur, si vous traitezpubliquement votre voisinde crétin des Alpes,si votre vache favoritese délecte des pissenlits dupré de votre voisin,si vous vous essuyezostensiblement les piedssur le paillasson adverseau motif que le propriétairede l’objet refusesystématiquement de voussaluer et porte plaintede ce fait, c’est le TIqui est compétent ; mais si,après avoir subi uneviolente algarade de votresupérieur(e) hiérarchique,ayant cherché quelqueréconfort par le moyen d’unbreuvage fortement titré,

vous progressez selonun itinéraire sinusoïdal,êtes en conséquenceinterpellé(e) par un agentde la force publique etque, accablé(e) de tant demaux, vous le couvrezd’injures et le bastonnezférocement, vouscomparaîtrez devant letribunal correctionnel(TGI). Enfin si, à la sortiede l’audience, exaspéré(e)par le manque de convictionde votre défenseur, vousl’étranglez aux marches dupalais, vous serez passibledes assises.

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Les juridictions spécialisées

AU CIVIL – Les tribunaux de commerce ont une exis-tence continue depuis au moins l’édit du chancelierde L’Hospital en 1523 ; ce sont les plus anciennes desjuridictions françaises actuelles. Depuis l’origine, lesjuges, tous commerçants, en sont élus par leurs pairs,selon des modalités qui ont pu varier. Ils sont com-pétents en matière d’actes de commerce (ventes,nantissements, inscription des privilèges, actes deconstitution et de dissolution des sociétés commer-ciales), de procédures de liquidations et faillites, deventes de fonds de commerce et de contestationsentre associés ; ils établissent les procès-verbaux etcertificats de dépôt de dessins et modèles et des éti-quettes de marques de fabrique. Depuis 1979, cettedernière compétence a été transférée à l’institut na-tional de la propriété industrielle (INPI).

En Isère, le premier tribunal de commerce fut celuide Vienne, créé le 28 décembre 1790 et confirmé enl’an VI. Celui de Grenoble existe depuis le 6 octobre1809. Par ailleurs, de l’an IX à 1959, hormis la période1926-1930, c’est le tribunal de première instance deSaint-Marcellin qui eut compétence commercialepour son arrondissement. Enfin, dans l’arrondisse-ment de la Tour-du-Pin, c’est le tribunal de premièreinstance, puis de grande instance de Bourgoin qui eutde même compétence commerciale jusqu’à la der-nière révision de la carte judiciaire. Cette compé-tence a été transférée au tribunal de commerce deVienne.

Les conseils de prud’hommes sont des juridictionscollégiales et paritaires. Inspirés de l’institutionlyonnaise réglant les conflits entre soyeux et canutssous l’Ancien Régime, supprimée par la Révolution etrétablie en1806, ils furent d’abord implantés dans lesrégions où l’expansion économique le justifiait. C’estdonc à Vienne l’industrieuse qu’en Isère fut créé lepremier conseil (26 mai 1824). Vingt-sept ans plustard, ce fut celui de Grenoble. La création la plus ré-cente est celle du conseil de Bourgoin (12 août 1931).Des six conseils alors en activité, cinq subsistaient endécembre 2008, date à laquelle deux ont été suppri-més : celui de la Tour-du-Pin, transféré à Bourgoin,et celui de Voiron, transféré à Grenoble. Tous deuxavaient été installés en 1886.

Depuis 1986, la loi prescrit l’existence d’un conseil aumoins par ressort de tribunal de grande instance.Avant cette date en effet, les conseils étaient im-plantés irrégulièrement et, de ce fait, ne touchaientqu’une fraction des salariés et du territoire.

La raison d’être de ces juridictions est la recherched’un arrangement satisfaisant les parties, dans lescas de litiges relatifs aux contrats de travail : toutplaideur est tenu de comparaître d’abord devant lebureau de conciliation ; si aucun compromis n’esttrouvé, alors seulement l’affaire sera portée devantle bureau de jugement. Les conseils sont divisés ensections : industrie, commerce, encadrement, agri-culture, divers.

Dossier

Les archives de la just ice.

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11 U 741

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Leur rôle ne s’arrête pas là : les conseils de prud’hom-mes enregistrent les règlements d’ateliers ou inté-rieurs, les contrats d’apprentissage (qu’on trouveraaussi auprès du juge d’instance) et conservent, avantla création de l’INPI cité supra, les dessins et marquesde fabrique, dont l’énumération ne serait pas sansévoquer certain raton laveur.

Enfin, les tribunaux paritaires des baux ruraux(1943), les commissions de sécurité sociale (1946),les juridictions des loyers (1948), les juridictions del’expropriation pour cause d’utilité publique (1958)closent la liste de ces institutions de droit privé.

AU PÉNAL – Les juridictions pour mineurs ont pourobjet ce qu’il est d’usage d’appeler la délinquancejuvénile et sont, au regard de l’histoire, de créationrécente.

C’est en 1906 que la minorité pénale passe de 16 à 18ans. La loi du 22 juillet 1912 met en place les tribu-naux pour enfants et adolescents et instaure la li-berté surveillée. Le juge des enfants, par l’ordon-nance du 2 février 1945, connaît, au sein du tribunalde grande instance, du contentieux répressif et ducontentieux préventif, ce qui fait de ce magistrat unjuge de la jeunesse et de la famille (rééducation,protection), en raison de l’évolution de ses fonctionsdepuis 1958.

Au-delà de sa seizième année, en cas de crime, le mi-neur comparaît devant la cour d’assises des mineurs( loi du 24 mai 1951). La composition en est calquéesur celle de la cour d’assises, mais les débats en sontpartiellement publics ou à huis clos.

Il n’y a pas lieu ici d’évoquer les juridictions militairesou la haute cour de justice, car elles ne relèvent pasdu ressort d’une cour d’appel.

Les juridictions d’exceptionInstitutions éphémères visant à traiter des situationstemporaires, elles sont l’expression des cahots del’histoire : les tribunaux criminels spéciaux pour la ré-pression du brigandage (18 pluviôse anIX), puis coursde justice criminelle spéciales (17prairial an XII ), ins-tallés dans 32 départements ; les cours prévôtalesdépartementales (début de la Restauration) et lescommissions mixtes (coup d’État du 2 décembre,ressort des cours d’appel ). Ces juridictions corres-pondent à une période troublée, un changement derégime politique, tout comme les cours instituées parl’État français puis la République à la Libération.

Évoquons rapidementl’existence des juridictionsadministratives de droitcommun du premier degré :les conseils de préfecture,créés dans chaquedépartement par la loidu 28 pluviôse an VIII,auxquels succèdent,par décret du 6 septembre1926, 22 conseilsinterdépartementaux,dont celui de Grenoble(départements de laDrôme, des Hautes-Alpes,de l’Isère et des deuxSavoie). Les fonds ensont répertoriés dans lasous-série 5K, récemmentrevue et dotée d’uneintroduction explicative(voir Chroniques d’Archivesn°3).

En 1953, ces conseilscèdent la place auxtribunaux administratifs(TA). Le ressortgéographique de celui deGrenoble perd ledépartement des Hautes-Alpes, rattaché au TA deMarseille.Les TA connaissent detout litige administratifnon attribué à une autrejuridiction [sérieW].Rappelons enfin que leMédiateur de laRépublique, institué parla loi du 3 janvier 1973, estprincipalement chargé derésoudre à l’amiable leslitiges entre les citoyens etles administrations ouorganismes chargés d’unemission de service public.Il est représentélocalement par desdélégués bénévoles aunombre de 4 dans notredépartement.

Juridications administratives

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En Isère, l’ensemble des juridictions etadministrations précédemment décrites a effectuédes versements d’archives s’étendant sur près de4000 mètres linéaires de rayonnages, autrementdit une lieue, ainsi répartis : 70 pour la partiede la série L relative à la justice (série fermée),1500 pour la série U (série fermée), 27 pourla sérieY (série fermée), 2350 pour la série W(série ouverte).

Il est utile de rappeler à ce propos que le versementaux Archives départementales des archives judi-ciaires postérieures à l’an VIII n’a fait l’objet d’untexte réglementaire qu’en 1926, à l’occasion de lasuppression de certaines juridictions. Seuls les do-cuments centenaires y étaient pris en compte et lamise en œuvre de cette instruction, en raison no-tamment de problèmes récurrents de personnel, delocaux, de budget, de méconnaissance des textes, fut,selon Vital Chomel, directeur des Archives départe-mentales jusqu’en 1988, fort décevante et expliqueles lacunes des fonds de la série U. La collecte et laconservation des documents postérieurs à la Res-tauration constitua, après l’inauguration du bâti-ment des Archives départementales en 1958, selon lemême, une constante d’activité.

Enfin, la mise en application de la récente révision dela carte judiciaire a eu pour corollaire le versementdes archives définitives duTGI de Bourgoin, notammentquant à sa compétence commerciale (70,50ml ), des

Promenons-nous dans les fonds.Les archives de la just ice.

Dossier

conseils de prud’hommes de La Tour-du-Pin et Voiron(4,00ml et 5,50ml ), des TI de La Mure et Saint-Mar-cellin (14,30ml et 40,00ml ), ces versements s’ajou-tant à ceux effectués ordinairement par l’ensembledes juridictions présentes dans le département.

Les outilsÀ ce jour, la quasi totalité des fonds judiciaires pos-térieurs à l’Ancien Régime a fait l’objet d’un classe-ment et d’une description, donc d’instruments derecherche mis à la disposition du public dans la sallead hoc. La bonne utilisation de ces outils conditionnela réussite d’une recherche, mais il convient de gar-der à l’esprit qu’au regard de la masse de documentsproduits par l’institution judiciaire, classés chrono-logiquement, la description ne peut qu’en être typo-logique (pour exemple : minutes d’arrêts ou de juge-ments, dossiers de procédure, actes civils, rapportsd’expertises, ordonnances de référé ou sur requête,sentences, registres d’audience, rôles des causes,plumitifs d’audience, registres d’écrou…), non thé-matique. Les seules et notables exceptions en sont ledépouillement des dossiers d’affaires criminelles ju-gées par la cour d’assises de l’Isère entre 1811 et1900 [4U 1-727] et des actes de sociétés par bran-che d’activité, jusqu’en 1900 pour le tribunal de com-merce de Vienne [12 U], jusqu’en 1926 pour celui deGrenoble [11U]. Notons aussi que l’ensemble de lasérie L, et donc singulièrement les parties intéres-sant la justice, a fait l’objet d’une indexation.

L 560

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Pour la période révolutionnaire, les aléas de la col-lecte et les opportunités de classement font que lesdocuments relatifs à la justice se trouvent répartisentre le tome 3 de la série L, publié en 1977 [L 538–L 562 pour la justice ; L 666 –670 pour les établis-sements pénitentiaires] et le tome 5, élaboré en 1990et qui n’a pas fait l’objet d’une publication [L 1508–L 3059 ].

Le Répertoire de la série U, 1800-1940, a été publiéen 1987. L’introduction de Vital Chomel nous rendaccessibles ces strates de juridictions, en retracel’histoire et les avatars et esquisse des pistes de re-cherche. Cet inventaire, qui décrit les sous-séries de1U à 16 U, a été complété, au fil d’arrivées posté-rieures, d’un inventaire dit «U2» dans lequel, outreles juridictions absentes du premier – soit les juri-dictions d’exception instituées par le régime de Vichypuis par la République à la Libération [de 17U à 21U]– sont inventoriés des suppléments aux sous-sériesprésumées closes en 1987 et des fonds recotés se-lon les prescriptions de la circulaire AD 98-8 relativeau plan de classement des archives départementales.C’est ainsi qu’en conformité avec cette circulaire lefonds du tribunal de première instance de Bourgoina été transféré de 5U à 3U1/ et celui de Vienne de8 U à 3U4/. Quelques fonds de justice de paix ontégalement et pour la même raison été recotés de lasous-série 9 U à la sous-série 4U…/.

Ce travail de mise en conformité des sous-séries deU est resté en suspens.

L’enfermementComme de nombreuxhistoriens l’ont rappelé,l’enfermement, transitoireavant la Révolution –situation d’attente dela chaîne, autrement ditdu convoi de forçats –constitue, au cours du XIXe

siècle, la peine principale.Selon les motifs de larétention, on est enferméen maison d’arrêt(prévention ordinaire),maison de justice(prévention avant courd’assises), maison decorrection (courtes peines),maison centrale ( longuespeines). Ces diversétablissements peuventêtre réunis en un mêmebâtiment alors appelécentre pénitentiaire.Par ailleurs, tout au longdu XIXe siècle, lesdélinquants mineurs sontincarcérés dans les mêmeslieux que les adultes,sauf à être envoyés dansles colonies pénitentiairesle plus souvent confiées ausecteur privé et de tristemémoire.L’implantation desétablissementspénitentiairesdépartementaux dans leressort de la cour d’appelde Grenoble a varié dans

le temps, suivant, entreautres facteurs, lesrévisions de la cartejudiciaire ou en raison deleur vétusté. Des quatreétablissements isérois(un par arrondissement) de1922, ne subsistent, en1926, que ceux de Grenobleet Vienne. Par la suite, en1971, Vienne disparaît auprofit de Bourgoin, lequelest à son tour fermé en1992.À ce jour, le départementde l’Isère comporte troisétablissements : la maisond’arrêt de Grenoble-Varces, succédant en 1972à la prison Saint-Josephsise rue de Strasbourget construite pendant lesecond Empire encomplément puisremplacement de laconciergerie(palais du parlement ) ;le centre pénitentiaire deSaint-Quentin-Fallavier,succédant en 1992 àl’établissement de Bourgoin ;le centre de semi-liberté deGrenoble.Il est enfin à noter que,des origines(10 vendémiaire an IV )jusqu’au décret du 13 mars1911 d’une part, du 15septembre 1943 au 9 août1944 d’autre part, latutelle de l’administrationpénitentiaire est leministère de l’Intérieur.

L 555

5 Y 5

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La série contemporaine [W] débute en 1940 (chutede la IIIe République) pour les fonds des juridictionsnon touchées par la réforme de 1958 et en1959 pourles tribunaux de première instance devenus tribu-naux de grande instance et les justices de paix deve-nues tribunaux d’instance. Il est toutefois malaisé,voire parfois inopportun, en raison des conditions deversement et de prise en charge, de respecter ab-solument cette frontière temporelle. Cet élément està prendre en compte au cours d’une recherche.

Ces fonds sont essentiellement constitués des mi-nutes de jugements et arrêts, dont la conservationdéfinitive est acquise après un “séjour” de 30 ansdans les services producteurs – inutile donc d’espé-rer en prendre connaissance aux Archives départe-mentales avant ce délai – et dont la communicationest libre, hormis les attendus des jugements de di-vorce et les jugements pris en audience à huis clos etles jugements sur requête quand ils concernent desmineurs. Ils sont également composés d’actes civils ;de répertoires ; de registres d’audience ; de dossiersde procédure qui, selon leur origine, seront conser-vés en totalité (notamment : expropriation pour caused’utilité publique ; adoption ; nationalité ; réhabilita-tion judiciaire ; cour d’assises ; tribunal pour enfants ;protection des mineurs et des majeurs ; baux ruraux )ou échantillonnés, en raison de leur masse, selon descritères réglementairement définis. Enfin, les rapports

périodiques d’activité établis par la cour d’appel, lestribunaux de première instance et les justices depaix renseignent sur le nombre et la catégorie desaffaires traitées par le moyen de tableaux statis-tiques, récapitulés dans une rubrique observationsgénérales au niveau de la cour d’appel.

La série Y, relative à l’administration pénitentiaire,comporte notamment de belles séries – nonobstantquelques lacunes – de registres d’écrou de l’an VII(Grenoble) à 1958, documents dont la communicabi-lité relève de la notion de vie privée, soit 50 ans.Jusqu’en 1956, on catégorise les individus dans desregistres différents selon notamment qu’ils relèventde la maison de correction, de la prison pour dettes,de la maison d’arrêt, ou qu’ils sont en transit. Aprèscette date, selon les prescriptions du ministère de laJustice, un seul registre est tenu, quelle que soit laraison de l’enfermement.

Quelques autres catégories de documents sont sus-ceptibles d’alimenter une recherche : les cahiersjournaliers d’observation tenus par les gardiens, lescahiers de parloir, les états des biens mobiliers – duképi de gardien à Don Quichotte – ou les rapportsmensuels d’activité.

Pour la période contemporaine [sérieW], on trouverales bordereaux de versement à la suite des sous-sé-ries Y correspondantes.

Les archives de la just ice.

Dossier

PER 32 /7

3 Fi 343

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Sur rapport du garde dessceaux, le chef de l’Étatprend un décret dedispense d’âge transcritpar le greffier du tribunal.Patatras : il s’avère que lafiancée, par suited’omission, n’a pas étédéclarée à sa naissance. Enconséquence, unerectification d’état-civil estdemandée auprès du mêmeprocureur, lequel, pourpouvoir rendre sonjugement, délègue au jugede paix le soin de réunirdes témoins attestant de lanaissance et del’ascendance de la promise(acte de notoriété).Le mariage peut enfin avoirlieu. Les jeunes mariés, dece fait, bénéficient d’uneémancipation de plein droitet définitive, sans nécessitéd’en établir la demandeauprès du juge de paix.Les aléas de leur vie, privéeet professionnelle, serontencore parfois pour euxl’occasion de croiserl’institution judiciaire. Maislaissons-les savourer leurjeune bonheur etsouhaitons-leur long etpaisible parcours.

Malgré sa pension de veuvede guerre, sa mère peine àl’élever. Tant pis pour labourse d’étudessecondaires dont ilbénéficie au titre de pupillede la Nation, alors qu’ilvient d’être brillammentreçu au certificat d’étudesprimaires : il va doncapprendre un métier chezun maître, ce qui fait l’objetd’un contratd’apprentissage passédevant le juge de paix oules prud’hommes. Au coursde son apprentissage,survient un accident dutravail – bénin, je vousrassure – : on en trouverala déclaration auprès dujuge de paix, lequeldiligente une enquête dontle procès-verbal esttransmis au tribunal depremière instance. Le jugede première instance prendune ordonnance deconciliation ou, à défaut,rend un jugement.

Dans le même temps, ayantagi sans discernement, il asoustrait frauduleusementquelques châtaignes à unevoisine. Il est donc jugé, ausein du tribunal depremière instance, par letribunal pour enfants,acquitté pour défaut dediscernement en vertu del’article 66 du code pénal etrendu à la surveillance desa mère ou d’une personnejugée digne de confiance.Si le vol avait été jugé plusgrave (argent, bicyclette…),il aurait été égalementacquitté au même motif,mais confié à lasurveillance d’uneassociation telle la Sociétédauphinoise de patronagedes libérés et de sauvetagede l’enfance [arrêtéd’autorisation et statuts en100 M 3/1] et placé, jusqu’àsa majorité, chez unagriculteur ou dans unecolonie pénitentiaire.Toutes ces tribulations nel’empêchent pas de faire laconnaissance d’une jeunepersonne qu’il décided’épouser. Toujours mineur,il lui faut déposer unedemande auprès duprocureur du tribunal depremière instance, lequel latransmet à la chancellerie.

ConcrètementLorsque l’enfant paraît, pardéclaration de sa naissanceen mairie, il se retrouveinscrit dans les registresd’état-civil et donc, àterme, dans les archives dutribunal de premièreinstance, devenu tribunalde grande instance,qui en conserve un double(ce double qui forme lasous-série 5E bien connuedes généalogistes).Par la suite, en attendantl’âge de la majorité, sa viepourra être peupléed’événements de nature àlaisser de ses traces dansles fonds judiciaires.Né au début du siècledernier, il devient orphelinpar suite de l’hécatombe deVerdun. Sa mère, tutricelégale, constitue et réunitun conseil de famille,composé de parents etamis, pour avaliser cettenouvelle situation devant lejuge de paix. Puis l’enfantest déclaré pupille de laNation, après un jugementsur requête pris par letribunal de premièreinstance : le procureurenvoie la requête, exposéepar le tuteur ou la tutricelégal(e), au juge de paix,chargé de rassembler tousles éléments du dossier, deprocéder à une enquête etde renvoyer le tout.

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Lorsque l’on évoque le métier d’archiviste, beaucoupimaginent ce dernier bien loin des réalités quoti-diennes et de l’actualité législative, cantonné aux do-cuments du passé qu’il observe à travers des verresépais… Pour ce qui est des lunettes, il semblerait quela majorité des archivistes qui exercent leurs talentsaux Archives de l’Isère aient cédé à cette mode…Quant au reste, au risque de faire tomber un mythe,si nous, archivistes, avons quelque penchant naturelpour ce qui touche aux choses de l’Histoire, nous nesommes néanmoins pas totalement coupés des réalitésde ce siècle! Serez-vous surpris de lire que nous pro-nonçons le sigle « RGPP » plusieurs fois par jour ?!

Eh oui, la révision générale des politiques publiquesconcerne aussi les Archives départementales… Toutd’abord, la direction des archives de France (DAF)vient d’être transformée en service interministérieldes archives de France (SIAF) dans le cadre de lafameuse RGPP. Ensuite, les services de l’État touchéspar la réforme nous ont très largement sollicités du-rant l’année 2009, nous faisant battre nos records decollecte avec un volume d’entrées se montant à 525mètres linéaires, contre 460ml en 2008. En parallèle,la réorganisation des services déconcentrés du dé-partement nous ont amenés à faire un peu de gym-nastique intellectuelle afin de faire nôtres les toutesfraîchesDDI (DDT, DDCS, DDPP) et autres DIRECCTE,DREAL, etc. Et surtout, assimiler la nouvelle répar-tition des missions entre les services qui sont crééset ceux qui restent en place... Vaste chantier !

Ainsi, en 2009, avons-nous eu l’occasion de collec-ter les dossiers d’administrations touchées par la ré-forme, notamment ceux de la préfecture, cette der-nière voyant certaines de ses missions partir dansles trois DDI, comme l’équipement commercial, lesinstallations classées, le tourisme, etc. Ces mutationsentraînent une réorganisation en interne à la pré-fecture, avec d’une part la disparition de la directionde la cohésion sociale et du développement durable,de la direction des études, des finances et de l’in-terministérialité et de l’autre la création de la missionde coordination interministérielle. Par ailleurs, le re-groupement des différents services d’inspection dutravail en UT DIRECCTE nous a permis de faire ren-trer des dossiers du SDITEPSA et la création de Pôleemploi a été l’occasion d’archiver le service étude etstatiques des ASSEDIC. Quant à la DDASS, dont lesmissions seront à terme réparties entre DDCS et ARS,elle a recruté pendant plusieurs mois un contractuelafin de préparer un important versement, tant sur leplan du volume que sur celui de l’intérêt historique.En parallèle, la réforme de la carte judicaire nousdonne aussi du grain à moudre depuis 2008, avec lafermeture des conseils de prud’hommes de la Tour-du-Pin et de Voiron au 1er décembre 2008 et celles destribunaux d’instance de La Mure et Saint-Marcellinle 1er janvier dernier.

Ces bouleversements dans l’organisation des ser-vices déconcentrés de l’État nous ont emmené sur leterrain, à la rencontre des services concernés, afin

J’RGPP donc j’archive...

Le Point sur...

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de déterminer ensemble les priorités en matière detraitement des dossiers, de repérer les éléments àdétruire et ceux présentant une valeur administrativeou historique forte, de dispenser des conseils pour lagestion des arriérés d’archives. Des protocoles d’ar-chivage ont été signés avec certains services. En pa-rallèle, nous avons initié des formations d’une demi-journée à destination des agents de la préfecture etdu conseil général. Environ 70 agents y ont déjà par-ticipé et nous allons renouveler l’expérience en 2010.Le but : donner aux services des clés pour gérer aumieux leurs dossiers dans le respect de la réglemen-tation, mais aussi, nous faire connaître des adminis-trations et... faire évoluer notre image de servicetourné exclusivement vers le passé !

Autant de rencontres qui ont nous ont permisd’échanger sur les métiers, les missions de chacun,de mieux repérer les conséquences de la réformepour les services et leurs agents, bref, d’être aucourant en temps réel de l’actualité administrative dudépartement.

Cette activité accrue devrait se prolonger sur les annéesà venir, tout comme la mise en œuvre des réformes…À titre d’exemple, nous travaillons actuellement à lapréparation d’un versement de dossiers de remem-brements par la DDAF, puisqu’une partie de cette di-rection a rejoint la DDT au 1er janvier. Et nous avonscomme ligne d’horizon l’échéance de 2014 pour la fu-sion des tribunaux de grande instance de Vienne etBourgoin-Jallieu… Vaste chantier en perspective !

DDI – Directions départementales interministériellesDDT – Direction départementale des territoiresDDCS – Direction départementale de la cohésion socialeDDPP – Direction départementales de la protection des populationsDIRECCTE – Direction régionale des entreprises, de la concurrence,de la consommation, du travail et de l’emploiDREAL – Direction régionale de l’environnement,de l’aménagement et du logementUT – Unité territorialeSDITEPSA – Service départemental de l’inspection du travail de l’emploiet de la politique sociale agricoleDDASS – Direction départementale des affaires sanitaires et socialesARS – Agence régionale de santéDDAF – Direction départementale de l’agriculture et de la forêt

Préfecture de l'Isère - SICI

Autour d’Albert Dupuy, préfet de l'Isère,les directeurs des trois nouvellesDirections départementales interministérielles :Claude Colardelle (DDPP),Bruno Béthune (DDCS)et Claude Arathoon (DDT).

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Un cabinet d’architectes ( 194 J )Entrés par don aux Archives départementales voilàune dizaine d’années, les 17 ml classés du fonds ducabinet des architectes Péronnet, Riondet, Demartinyet Coutavoz s’étendent de 1858 à 1951, mais couvrentprincipalement les trente dernières années du XIXe

siècle et le début du XXe, période de gloire de l’orgris isérois.Nous parcourons ainsi les rues de Grenoble, du célè-bre Café de laTable Ronde aux établissements A.Ray-mond, égrenant des noms naguère connus de tous,tels Chatin, Bessiron ou Jay.Partons ensuite pour la campagne, où abondent lesprojets de maison d’école, notamment pour les filles,Jules Ferry oblige.Quant aux édifices religieux – n’oublions pas que lenom d’Eugène Péronnet reste associé à l’édificationde l’église Saint-Bruno de Grenoble – il s’agit souventde projets de reconstruction d’églises paroissiales(Châteauvillain, Le Périer, Sonnay…) à une époque oùl’architecte diocésain avait nom Alfred Berruyer.Enfin, pour l’anecdote, l’architecte Demartiny ayantété un temps (1938-1947) secrétaire de la commissioncommunale de sécurité de Grenoble, nous apprenons,avec effroi, que l’éclairage de panique du cinéma Edenest insuffisant et, avec étonnement, que le public serainformé par des écriteaux qu’il est formellement in-terdit de fumer dans la salle du cinéma Palace.

Instruments de recherche

Chocolaterie Cémoi( 196 J )Le classement des archives de la société Cémoi, l’unedes plus emblématiques de l’industrie agro-alimen-taire grenobloise, est désormais terminé. Les docu-ments du fonds 196 J sont accessibles grâce à unrépertoire numérique détaillé et représentent 33mètres linéaires, de 1914 à la fin des années 1970.

En dépit du caractère lacunaire de cet ensemble,qui correspond aux dossiers transmis par le manda-taire chargé de la liquidation en1976, on y trouvera enparticulier des informations sur l’installation rue Am-père, au lendemain de la Première guerre mondiale,de la chocolaterie moderne créée parAimé Bouchayerà partir d’une affaire familiale, Chocolat Dauphin.

Devenue Cémoi en 1932, et dirigée par la familleCartier-Million, la célèbre marque grenobloise seraflorissante jusqu’à la fin des années soixante.

Le dépôt de bilan, en juin 1970, sonnera le glas de la cho-colaterie, qui disparaît alors du paysage économique.

194 J – 87

196 J 611

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Fonds de la sociétéGlénat & Jubic,négociants en noix ( 249 J )

Les archives de la société Glénat & Jubic, conservéesà Cognin-les-Gorges dans la maison familiale Glénat-Hubmann, ont fait l’objet d’un don aux Archives del’Isère en 2007. Cette société était spécialisée dansl’achat, la préparation et la vente de noix et cerneauxen France, dans les colonies et à l’étranger.

Le premier de la famille à se lancer dans le commercede la noix est Toussaint Glénat. Né le 16 novembre1838 à Rovon, où son père Laurent est cultivateur, ilfonde son entreprise en 1862.

D’après l’annuaire administratif de l’Isère, il est àla fois marchand de noix et de cocons : cette régioncompte alors de nombreuses magnaneries et l’ex-ploitation des noyers n’y apporte qu’un complémentde revenus. Mais l’apparition de la muscardine, dansla seconde moitié du XIXesiècle, entraîne l’arrachagedes mûriers et le développement du commerce de lanoix. Toussaint Glénat vend principalement des noixde dessert.

Dans les années 1880, la famille Glénat s’installedans la commune voisine de Cognin-les-Gorges. Audébut du XXe siècle, le fils de Toussaint, Joseph, s’as-socie avec son père.

À la mort de Toussaint en 1912, Joseph Glénat pour-suit seul la gestion de l’entreprise familiale pendantune dizaine d’année. En 1922, il s’associe à GustaveJubic. Ensemble, ils fondent les «Établissements Glé-nat & Jubic » qui ont pour objet, d’après le registredu commerce, l’exportation de noix. Gustave Jubic, néen 1866 à Buis-les-Baronnies (Drôme), possède déjàune expérience dans le domaine de la noix puisqu’il agéré précédemment la société d’import-export denoix et cerneaux «Jubic &Ferrand» à Saint-Jean-en-Royans (Drôme).

Le siège social de cette société est situé à Saint-Marcellin. Entre 1925 et 1929, les associés achètentun entrepôt près de la gare de Saint-Marcellin, touten continuant à utiliser les locaux de Cognin-les-Gorges. Les variétés de noix traitées sont les chaber-tes, les mayettes et les arlequins, vendues en Franceet à l’étranger, principalement en Grande-Bretagneet aux États-Unis. Avant la crise de 1929, les États-Unis représentent 85% des ventes de la société.

Le 27décembre 1929, Joseph Glénat et Gustave Jubics’associent à Jean-Joseph Laurent, né à Anvers en1887. La société prend alors le nom de «Établisse-ments Glénat &Jubic, société anonyme». L’entreprisea un capital de 700000 Francs divisé en700 actionsde 1000 Frs. Ce mode de gestion perdure jusqu’à lamort de Gustave Jubic en 1933 puis à la démission deJean-Joseph Laurent en 1936.

Joseph Glénat, alors seul directeur, devient en 1940président de la chambre syndicale des exportateursde noix de Grenoble et cerneaux du Dauphiné. Aumême moment, en raison de la guerre, la sociétéconnaît des difficultés pour vendre aux pays alliés oùse trouvent ses principaux acheteurs. Elle disparaîtà la mort de Joseph Glénat le 30 septembre 1952.Après classement, ce fonds représente 6 mètres li-néaires pour 153 cotes. Il se compose principalementde factures et de correspondance avec les sociétésd'import-export et les banques. Les documents lesplus anciens sont des papiers de famille qui remon-tent au XIXe siècle mais la plupart des dossiers por-tent sur la période 1922 –1947.

nouvellement en service

249 J 4

Page 16: Chroniques d'Archives numéro 6

Du côté desarchives communales

Depuis novembre 2009, troiscommunes ont, à leur demande,bénéficié de l’aide au classementde leurs archives :Vasselin, Sérézin-de-la-Touret Montagne. Les répertoires ensont disponibles en salle desinventaires.

En salle de lecture, vous pourrezconsulter les microfilms dedocuments conservés en mairie :Un petit registre paroissialde Sérézin-de-la-Tour qui a étéretrouvé [2Mi 2543].Il concerne les mariages de1660 à 1664 et les sépultures de1652 à 1667.Des documents de la Tour-du-Pin[1Mi 586/589] : des actes del’assemblée des habitants ainsique le parcellaire datant de1664 et le procès-verbal de laligne de séparation entre lescommunautés de Sainte-Blandineet Saint-Jean-de-Soudain (1775)pour l’Ancien Régime ;les registres des délibérationsdu conseil municipal pour lesannées 1790-1793 et anX-1838.

Pour la commune de Venosc,des registres paroissiaux(baptêmes 1647 à 1671et actes isolés de baptême 1638,1688-1700, 1710-1716) ont étéretrouvés dans les minutes dunotaire Giraud, conservées sousla cote 3E4595. Des copies deces documents peuvent êtreconsultées sous la cote 4E38/45.

Compteurs d’archives Nouvelles du microfilmage

Les registres d’état-civil descommunes de l’arrondissement deVienne pour la période1875-1906 sont microfilmésjusqu’à Oytier Saint-Oblas.

La sous-série 2 0

Les archives du bureau desaffaires communales de lapréfecture (1800-1940) sont encours de classement en 2 O.La dernière commune classéeest Sassenage.

Fermeture annuelleComme chaque année la salle delecture des Archives de l’Isèresera fermée au public la premièrequinzaine de juillet, soit cetteannée du 5 au 18 juillet.Réouverture le lundi 19 au matin.Cette période de fermeturepermet d’effectuer des travauxde maintenance sur le bâtiment etde mobiliser toutes les équipesdes Archives pour des opérationsde collecte et de classement degrande envergure.

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Une collaborationArchives / Entreprise

À l’occasion des 150 ans duGant Perrin, l’entreprise a décidéde retracer son histoire à partirdu fonds ancien déposé auxArchives de l’Isère [123 J].L’opération, qui a débuté parun travail d’inventaire, s’achèveraen juin 2010 par la réalisationd’un livre.Jean-Louis Perrin, héritier etdirigeant, à l’origine de ce projetde valorisation, en a confié laréalisation à Éric Robert(Éditions Dire l’Entreprise ) quia travaillé en partenariat avec lesArchives de l’Isère.

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