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Chronologie de Saint-Blaise (') Depuis l'ouverture, en 1935, du chautier de fouilles de Saint- Blaise 2 et la reprise des travaux après les événements de 1939-1944, les dégagements avaient eu pour principal objectif la remise au jour des deux remparts qui se superposent, sui va nt un trapresque identique, l'un, d'époque paléochrétienne, correspondant à l'habi tat du haut Moyen Age connu par les textes sous le uom d'Ugium, l'autre de belle technique grecque, servant de défense à l'oppidum que nous croyons pouvoir identifier avec la lI1as/ramellè des géographes antiques. Nous avons rendu compte de ces travaux dans deux volumes, intitulés Fouilles de Sain/-Blaise, par us en 1951 et 1956 ; le dernier résumant les résultats d'un but d' exploration entreprise à l'intérieur des fortifications. Si, dès l'abord, l' ét ude du matériel archéologique permettait d'établir une cbronologie relative entre l'époque hellénistique et le Moyen Age, il n' en ét ait pas de même pour les siècles antérieurs à la construction du rempar t grec, bien que l'activité de l'oppidum dans une plus baute antiquité fôt attestée par de nombreux tessons de céra miques importées dès le VII' siècle avant not re ère; témoins, malheureusement mélangés à des coucbes plus récentes, ramenés sur le sol lors des terra ssements effectués pour l'établissement des fondations des murs hellénistiques. Leur présence posait un impor- tant problème, d'autant plus a ttirant qu'une portion d'enceinte primitive, contemporaine des poteries arcbaïques, venait d'appa- raltre enrobée dans l' épaisseur du rempart de bel appareil, plai dan t en fave ur de l'existence d'une agglomération urbaine du VI' siècle. 1. La stratigraphie de Saint-Blaise a fait l'objet d'une communication à l'Académie des Inscriptions, le 15 mars 1963. 2. Commune de Saint-Mitre-les-Remparts, Bouches-du-Rhône.

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Chronologie de Saint-Blaise (')

Depuis l'ouverture, en 1935, du chautier de fouilles de Saint­Blaise 2 et la reprise des travaux après les événements de 1939-1944, les dégagements avaient eu pour principal objectif la remise au jour des deux remparts qui se superposent, suivant un tracé presque identique, l'un, d'époque paléochrétienne, correspondant à l'habitat du haut Moyen Age connu par les textes sous le uom d'Ugium, l'autre de belle technique grecque, servant de défense à l'oppidum que nous croyons pouvoir identifier avec la lI1as/ramellè des géographes antiques. Nous avons rendu compte de ces travaux dans deux volumes, intitulés Fouilles de Sain/-Blaise, parus en 1951 et 1956 ; le dernier résumant les résultats d'un début d'exp loration entreprise à l'intérieur des fortifications.

Si, dès l'abord, l'étude du matériel archéologique permettait d'établir une cbronologie relative entre l'époque hellénistique et le Moyen Age, il n'en était pas de même pour les siècles antérieurs à la construction du rempart grec, bien que l'activité de l'oppidum dans une plus baute antiquité fôt attestée par de nombreux tessons de céramiques importées dès le VII' siècle avant notre ère; témoins, malheureusement mélangés à des coucbes plus récentes, ramenés sur le sol lors des terrassements effectués pour l'établissement des fondations des murs hellénistiques. Leur présence posait un impor­tant problème, d'autant plus a ttirant qu'une portion d'enceinte primitive, contemporaine des poteries arcbaïques, venait d'appa­raltre enrobée dans l'épaisseur du rempart de bel appareil, plaidant en faveur de l'existence d'une aggloméra tion urbaine du VI' siècle.

1. La stratigraphie de Saint-Blaise a fait l'objet d'une communication à l'Académie des Inscriptions, le 15 mars 1963.

2. Commune de Saint-Mitre-les-Remparts, Bouches-du-Rhône.

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H. ROLLAND

Pour répondre à cette question, seule une exploration stratigra­phique profonde pouvait apporter les éléments d'une solution valable. Les premiers essais, faits sur l'acropole de la ville, furent insuffisants, l'épaisseur des remblais c'Ûuvrant le substrat rocheux étant trop faible. Bien que la fouille eût rencontré des fondations de maisons et recueilli d'intéressants tessons, la position relative de ceux-ci ne pouvait avoir une valeur précise; d'autres recherches durent être entreprises dans le quartier bas, parallèlement au rem­part hellénistique, près de la porte charretière, principale entrée de la ville. Là d'heureux résultats, esquissés' en 1959-1960, ont été confirmés par les fouilles' de 1962-1963, la campagne de 1961 s'étant limitée à un décapage n'atteignant que le niveau hellénistique; celui-ci étant bien défini par le dégagement d'une rue, bordée de trottoirs. venant d'est en ouest se raccorder à une voie axiale, sud-nord, passant par la porte charretière. Nous avons conservé cette rue, telle qu'elle a été découverte, pour servir de repère dans la discrimina tion des niveaux qui se superposent au nombre de sept (fig. 1).

Niveau récent.

1. - La couche superficielle, bouleversée par les cultures, ne contenait que quelques témoins du Moyen Age antérieurs à la création, à l'appel de l'archevêque d'Arles, en 1231, du village de Castelveyre (Caslmm velUS) . Le plus souvent sans intérêt, elle a cependant fourni, en 1963, un document ayant sa valeur. Il s'agit d'une imitation d'un dinar arabe, au nom de l'émir Almoravide Aly ben Yousouf, frappé à Séville en 540 de l'hégire (1 030-1031). A l'exception de quelques pièces dont la valeur monétaire est discu­table, on sait que du VIII' au XIII' siècle l'Europe occidentale a cessé d'émettre des monnaies d'or; on a proposé l'hypothèse de voir, à cette époque, dans l'or oriental le monnayage en circulation sur les marchés; la trouvaille de Saint-Blaise apporte un témoignage dans ce sens à côté des quelques très rares dinars découverts anté­rieurement en Gaule 5 .

3. Avec l'assistance de J. et Y. Rigoir. 4. Poursuivies avec la collaboration de M. André Dumoulin, conservateur

des musées d'Apt et Cavaillon. 5. J. Duplessy, La circulation des monnaies arabes en Europe occidentale

du VllIt au XlIIe sMcle (Revue Numismatique, 1956, p. 101 ).

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1. coupe de terrain montrant la superposition des niveaux de construc­tions: II . III , V, VI, V lI.

2. Coupe ionienne à vernis noir et à lèvre réservée. couche V.

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3. Te880ns ionicns il décor rouge; couches V et VI.

4. Vestiges d"une maison de la. couche VI ; au ccntre, le foyer, avec débris de poteries.

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CHRONOLOGIE DE SAINT-BLAISE

Niveau paléochrétien.

Il. - La seconde couche est celle de l'habitat paléochrétien d'Ugium . Les maisons dont les , vestiges sont conservés sont faites de moellons le plus souvent à joints croisés, liés avec un mortier de chaux très pa uvre ou même simplement d'argile ; les angles des murs sont r enforcés par des chaînages de moyen appareil. Autour se trouvent de nombreux dépotoirs où les déchets de cuisine ont été enfouis, avec d'abondants tessons de vaisselle, dans des trous profonds creusés dans le sol à travers les strates antérieures. La cérantique ainsi accumulée se répartit en deux catégories dont l'usage a été pendant quelque temps simultané.

a) La plus récente, mais qui ne semble pas dépasser le VII' siècle de notre ère, est la « sigillée grise >, selon le terme adopté par Mm. J acqueline Rigoir dans son étude sur les tessons découverts il Marseille 6. Elle est abondamment représentée à Saint-Blaise avec de nombreuses variétés de formes et de d.écors, ceux-ci rarement empruntés au symbolisme chrétien '. Mélangée dans les dépotoirs avec la seconde catégol'Îc, clic lui est cependant postérieure comme l'indique la coupe d'nne couche d' incendie séparant l' une de l'antre les deux types gris et rouge.

b ) La seconde catégorie est celle de ces nlêmes vases rouges, en céramique dure, décorés de simples guillochis ou de motifs incisés souvent empruntés au répertoire chrétien (chr is1ne. croix, croix monogrammatique, colombe, cerf, lièvre et même personnage nimbé) et à celui qni orne les disques des lampes chrétiennes d 'Afrique du Nord. Il semble bien que cette origine soit aussi celle de ce tte céra mique rouge qui, très rare en France, où elle n'cst signalée que sur la côte méditerranéenne 8, sc rencontre en Espagne 9,

en Algérie 10 et au Maroc 11 • Classée dans ces régions à la fin du

6. La céramique paléochrétienne s1gtllée grise (Provence Historique, t . x ), 1960, p, 1-93,

7. Une première étude sur ces vases gris de saint-Blaise a été publiée dans notre tome 1 des FOuilles de Saint-Blaise, 1951, p. 185--199, fig. 58-60 et 142.

8. Voir sur cette céramique rouge, nos Fouilles de Saint-Blaise, t. l, p . 179-185, fig. 54-57 et 174, 177-181 ; et t. II, 1956, p . 73-74 ; et le Dictionnaire d'Archéologie chrétienne et de L iturgie de dom Cabral, verbo Ugium.

9. P . de PalOI Solellas, La céramtca .estampado Romano-Cristiana, 1949 (Crontca det IVe Congresso deI Sudeste espanol, 1948, p . 450-468).

10. J. Baradez, Nouvelles f ouilles de T ipasa (Ltbyca) . t. IX, 1961, p . 121 et pl. m ,

l1 P . de Palol Salellas, Céramica estampado dei museo de Tetuan (Congresso arqueologico del Maryeco espafiol , l , 1955, p. 431 ). - A. Jodin et M. ponsich, La céramique estampée du Maroc romain (Bulletin d'Archéologie marocaine, t . IV, 1960, p . 287-318).

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IV' siècle, eUe semble, à Saint-Blaise, dater du début du v' siècle; eUe s'y trouve dans les dépotoirs avec des lampes identiques à ceUes découvertes à Carthage.

Niveau hellénistique.

III. - Au-dessous de la couche II, et sans transition, on aborde le niveau hellénistique, celui de la rue bordée de trottoirs et du rempart de grand appareil. Un hiatus absolu existe pour l'époque romaine, République et Empire, jusqu'aux environs de 400 de notre ère.

Les constructions de ce niveau ont l'orientation de la rue, leur appareil est constitué par des moellons irréguliers liés par un mortier d'argile exempt de chaux, les fondations sont peu profondes, le plus souvent sans ressaut renforçant normalement l'assise. Seule l'une de ces maisons a donné des éléments architectoniques moulu­rés, chapiteau rectangulaire à échine dorique, surmontant un pilier octogonal 12 ; les grands blocs admirablement assemblés étant réser­vés au mur d'enceinte dont l'édifica tion peut être da tée de la fin ùU IV' siècle ou du début du ",', soit que l'on fasse éta t de tessons précampaniens trouvés dans le blocage intérieur ou dans les fonda­tions de la poterne ouest, soit que l'on en juge par quelques petits débris de campanienne A provenant de la tranchée de construction des murs et de la porte charretière.

Le niveau III embrasse une période aUant de la construction du rempart à sa destruction au milieu du premier siècle avan t notre ère; destruction due à un siège et à un démantèlement dont les témoins sont les ba lles de fronde et les nombreux boulets de pierre qui jalonnent la surface du niveau III.

Le matériet permettant d'établir la chronologie de cette couche comprend: des monnaies de bronze de Marseille, et de très nombreux tesson s de vases appartenant principalement :i ln campanienne A ; à ceux-ci sont associés des débris d'allique unie, d'apu/ienne à décor de feuillage ou de bandes blanches, de précampanienne à vernis noir brillant ou à vernis mat noir ou rouge. La supériorité numérique de la campanienne A sur la campanienne B s'explique par le déclin dont

12. A comparer avec un chaplteau découvert à Prévésa.

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CHRONOLOGIE DE SAINT-BLAISE 11

dut souffrir l'activité de l'oppidum quand la population fut attirée vers le port de Fos en plein développement. On sait que les fouilles du docteur Beaucaire, à Fos, restituent des tessons des céramiques dont les types manquent à Saint-Blaise. Avec les vases provenant d ' Italie méridionale, le niveau III compte quelques tessons ibériques et des débris de petites œnochoés grises ampuritaines. Les amphores sont gréco-italiques à lèvre triangulaire.

Hiatus des V··IV' siècles.

IV. - Les fondations des maisons du niveau III pénètrent dans une couche de très faible épaisseur et peu distincte, où ont été recueillis quelques tessons qu'il est possible de dater du IV' ou v' siècle mais qui peuvent aussi s'être incorporés au sol en prove­nance des couches supérieure ou inférieure. En réalité, ces horizons stériles en matériel archéologique sont insignifiants, ce qui est incompatible avec l'existence d'un habitat permanent et témoigne d'une période d'abandon. Il est convenu de placer au cours du v· siècle un affaiblisselnenl de la puissance massaliète, conséquence de la situation politique en Méditerranée. A ce moment, Marseille vit son commerce avec l'Orient inte~cepté, jusqu'à ce que sa position économique se soit l'établi, au IV' siècle.

Période archaïque.

Avec ce niveau, on assiste à un courant commercial diffé­rent, non vers les villes grecques de l'Italie méridionale mais vers l'Orient et l'Etrurie. Cette couche, dont l'épaisseur atteint l,50 mètre à 1,75 mètre pour le seul VI' siècle, se subdivise en deux horizons contenant chacun des vestiges de maisons, mais séparés l'un de l'au Ire, sur une partie de la superficie fouillée, par un lit de galets constituant, selon un usage très répandu, un pavement résistant qui a eu pour nous l'avanlage d'être daté par les débris d'une très belle coupe attico-corinthienne des environs de 560, recneillis dans les interstices des galets. Circonstance qui permet de reconnaltre dans les deux horizons qui se snperposent nn nivean snpérieur de la seconde moitié du VI ' siècle, et nne autre inférieur de la première moitié du même siècle; ces deux couches V et VI feuilletées de nombreuses strates de faible puissance accusant de fréquentes réfec­tions des sols en argile ballue.

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V (seconde moitié du VI ' sièc le). - Lcs constructions sont en moellons irrégu liers avec, parfois, les angles des salles arrondis et un détail caractéristique de leurs fondations qui sont fa ites de deux rangées parallèles de blocs polygonaux posés sur champ; mode d'appareillage déjà retrouvé, sur l'acropole de Saint-Blaise, ùans des maisons archaïques du quartier haut 13, L'une de ces habitations, où se succèdent plusieurs sols d'argile, oO'J'c une couche de cendres. mélangées à des tessons brûlés, oit sonl disposés, cOle à côte, des foyers constitués par des caissons rectangulaires à pa rois d 'argile cuite.

Les tessons recueillis comprennent très peu d'attique soit unie, soit à palmettes noires (petits maîtres) ; beaucoup plus nombreuses sont les poteries ioniennes, coupes à vernis noir (fi g. 2) ou vases divers à décor linéaire (fig. 3), ains i que des imitations massaliètes de ces mêmes coupes 14. La quantité de vases gris phocéens est très abondante, beaucoup sont à pâte dure et ornés d'ondes, mais auss l ù'autres sont des imitations massaliètes il pûte tendre et engobe noir très fragile Hl ; enfin les débris de buccJwl'o Il ero appartiennent a des canthal' t!s dont la fabrication cesse vers 530 . Ln. présence de cette céramique, 'lui figmera en plus grande quantité dans la couche sous~jacentc. témoigne des relations encore existant es après 550 avec l'Italie. Les amvllO l"cs vinaires l'cnconLrécs ùans V sout étrusques (fig. 5) ou lll assa Jiètcs. ces dernières en pâte micacée et ùe form e ionienne.

VI (première moitié du V I - siècle). - La techn ique des construc­tions est sensiblement la même que ce lle de la couche immédia­tenlent supérieurc (fig, 4), mais on notera un change ment dans l'orientalion généra le du plan de l'habitat . Les remblais 'lui le couvrent contiennent surtout des céramiques orientales désignées sous le qualifica tif d'ionienne's, vases à décors linéaires, ou géomé­triques. roscttes et aut res, un cratère avec figures archaïqu es. vient vraisemb1ablcment de Larissa (fig, 6) vers 575. On y trouve repré­sentées des poteries rhodienn es, l'un e d'elles ornée de feuilles de lotus; un vase rh odo-ionien avec zone de chèvres sa uvages (fi g. 7),

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5. Amphores étrusques, au moment de leur découverte, sur le sol d'argUe d 'une maison de la couche V.

6. Fragment d'un cratère, vraisemblablement de Larissa d'Asie, vers 575, provenant de la couche VI.

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9. Œ nochoé en buccheronerosottde, provena n c de Ja couche Vil.

10. Cou pe en cera mi que itaJo·cor in t hiennc d u Vit · siècle, proven anc dc la couche VII

7. T esson Rhodo-ionien du début du V [ 1 siècle, couche VI.

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CHRONOLOGIE DE SAINT-BLAISE 13

le tout au milieu d'un grand nombre de fragments de céramique grise phocéenne à décor ondé et à pâte dure. Quelques tessons italo­corinthiens sont vraisemblablement des pièces attardées du niveau sous-jacent; quant aux importations de bucchero étrusque (œno­choés, canlharcs noirs ou gris (fig. 8), e lles son t très abondan tes malgré la concurrence active de ]a céramique grise phocéenne ou éolienne, qui apparaît pour la première fois dans ce niveau du début du VI' siècle qui vit la fondation de Marseille. Cependant, le COlnmerce du vin continue avec l'Italie, comme en témoignent les amphores étrusques ovoïdes ou piriformes.

Coucbe étrusque. VII. - La couche VII qui se confond parfois avec les strates infé­

rieures de VI, s'cn différencie cependant, dans son ensemble, par des vestiges dc constructions à un niveau inférieur à celles de VI. Bien que procédant des mêmes techniques, elles ignorent cependant les fondations en blocs polygonaux. Comme certaines maisons de V, l'une d'elles repose sur un sol de galets atteignant une épaisseur de 0,35 m. A ce niveau, on ignore l'usage de la céramique grise phocéenne. Par contre, la poterie la plus fréquente est le bucchero nero étru sque. représenté par de très nombreux canlha· res, des débris de coupes, plats et œnochoés souvent en bucchero léger [soltile] (fig. 9) ; beaucoup de ces tessons portent des incisions qui sont caractéristiques de fabrication de haute époque ; quelques­uns sont décorés d'impressions en éventail, catégorie remontant vers le milieu du Vil' siècle. De la même époque datent des tessons italo-corinthie·ns, œnochoé portant la figure d'un onagre el coupes décorées d'une zone de cygnes (fig. 10), contemporains d'un scyphos l'hodien à l'oiseau. D'autres fragments proviennent de Corinthe" ou d'Ionie, comme certaines coupes profondes ornées de filets rouges concentriques datées de la fin du Vil' siècle. Ces vases d'origine orientale posent le problème de leur acheminement, directement de leur lieu de fabrication, ou drainés par le commerce en mênle temps que le bucchero ; on sait que les mêmes céramiques ont été trouvées dans les nécropoles étrusques. La même question vise les amphores de type rhodien, peintes de bandes ou de décors en S, parvenues au niveau VII en même temps que les a mphores étrusques ..

Au-dessous du septième niveau, des sondages effectués à une profondeur de plus d'un mètre n'ont rencontré qu'une terre noire très homogène, presque totalement stérile en matériel archéologique,

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où quelques silex, portant des traces de retouches, sont les seuls témoins sporadiques d'une activité humaine. Ma is cette terre noire o'cst cependant pas sans intérêt, car nous la retrouvons utilisée, comme liant, dans un amoncellement de pierres qui, disposées en glacis parallèles, forment un épais rempart de type préhistorique protégeant l'habitat exp loré aux couches VI et VII. Cette protection primitive souli gne l'importance de l'agglomération à laquelle appar­tiennent ces niveaux ; ellc se présente, vers l'extérieur, sous la forme d'un mur à parement fait de gros moellons bien appareillés mais sommairemen t taillés; il a été conservé jusqu'à nous grâce à l'initiative des constructeurs du rempart helléni stique qui l'ont enrobé dans le blocage intérieur de leur propre ouvrage de défense JO.

Au pied de cette enceinte archaïque, un ta lus de déjections superpose des strates où se retrouvent des tessons semblables à. ceux de la couche VI de l'habita t; une exploration futme décidera de l'exis­tence du rempart dès l'époque du niveau VII, ce qui peut paraître probable pui sque c'est la terre noire, inférieure à ce niveau, qui a é té employée pour la construction de l'enceinte.

De l'examen stratigra phique qui précède, il résulte que dès le vue siècle avan t notre ère, l'oppidum a reçu des importations prove­nant d'Eh'urie c t qu e le contact avec ce pays alors en ple in essor y a, sans doute, exercé une influence sur l'arl de bâtir . Vers 600, la fondation de Ma rseille eut pour conséquence l'ouverture de rela­tions commerciales avec l'Orient, sans cependant que celles-ci se substituassent tota lement à celles touj ours entretenues avec l'Italie. Pour une cause vraisemblablement liée aux événements sc déroulant alors en Méditerranée, l'oppidum fut par deu x fois détruit et fina­lement abandonné au v' siècle; il faut a ttendre la restauration de la fortune de Marseille pour que l'importance commerciale et slrate­gique de Saint-Blaise y ressuscite, à la fin du IV' siècle, un habitat , solidement défendu, dont les relations, interrompues avec l'Orient, sc limitent désormais à la Sicile et à la grande Grèce. Gravement atteint dans ses intérêts économiques par la création du port romain de Fos,

16. Nous en avons signalé pour la première fois l'existence à l'Est de la porte charretière (Fouilles de saint-Blaise, t. II, 1956. p. 11 ) : il a été retrouvé. à l'Est de la même entrée, grâce aux sondages effectués par M. Y. Garlan, assistant en Sorbonne, au cours d'un stage volontaire, en 1962.

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CHRONOLOGIE DE SAINT-BLAISE 15

en 102, l'oppidum perdit jusqu'à sa valeur stratégique avec la chute de Marseille en 49. Privé de rempart, il est de nouveau abandouné pendant quatre siècles et ce n'est que devant la menace des invasions que, sous le nom d'Ugiunt , il se couronne à nouveau d'un système de défense derrière lequel viennent s'abriter les populations du bas pays, qui vivront encore des heures cruelles.

Henri ROLLAND.