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Cibles de dette prudentes et cadres budgétaires Le présent document a été préparé par : Falilou Fall Debbie Bloch Jean-Marc Fournier Peter Hoeller Autorisé à la publication par Catherine Mann Chef économiste et représentante de l’Organisation au G20 Finances

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Cibles de dette prudentes et cadres budgétaires

Le présent document a été préparé par :

Falilou Fall

Debbie Bloch

Jean-Marc Fournier

Peter Hoeller

Autorisé à la publication par Catherine Mann Chef économiste et représentante de l’Organisation au G20 Finances

La série Documents d'orientation du Département des affaires économiques de l'OCDE est publiée sous la responsabilité du Secrétaire général de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE). Les opinions et les interprétations exprimées ne reflètent pas nécessairement les vues de l’OCDE ou des gouvernements de ses pays membres.

Une version précédente du présent document a été examinée par le Groupe de travail n° 1 du Comité de politique économique. Les auteurs expriment leur gratitude à Sebastian Barnes, Hansjoerg Bloechliger, Hans Blommestein, Ronald Downes, Catherine Mann, Christian Kastrop, Jean-Luc Schneider, Arent Skjaeveland, Lisa von Trapp, David Turner et Peter van de Ven, pour leurs précieux commentaires. Les auteurs remercient également Mabelin Villareal-Fuentes, pour son importante contribution statistique, ainsi que Celia Rutkoski, pour l’excellence de son assistance éditoriale.

Pour de plus amples précisions, voir les documents suivants :

Bloch, D. et F. Fall (2015), « Government Debt Indicators: Understanding the Data », Documents de travail du Département des affaires économiques de l'OCDE, n° 1228, Éditions OCDE.

Fournier, J-M. et F. Fall (2015), « Limits to Government Debt Sustainability », Documents de travail du Département des affaires économiques de l'OCDE, n° 1229, Éditions OCDE.

Fall, F. et J-M. Fournier (2015), « Macroeconomic Uncertainties, Prudent Debt Targets and Fiscal Rules », Documents de travail du Département des affaires économiques de l'OCDE, n° 1230,

Éditions OCDE.

Série : Documents d'orientation du Département des affaires économiques de l'OCDE ISSN 2226583X Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.

© OECD 2015

La copie, le téléchargement ou l’impression du contenu OCDE pour une utilisation personnelle sont autorisés. Il est possible d’inclure des extraits de publications, de bases de données et de produits multimédia de l’OCDE dans des documents, présentations, blogs, sites Internet et matériel pédagogique, sous réserve de faire mention de la source OCDE et du copyright. Toute demande en vue d’un usage public ou commercial ou concernant les droits de traduction devra être adressée à [email protected]. Toute demande d’autorisation de photocopier une partie de ce contenu à des fins publiques ou commerciales devra être soumise au Copyright Clearance Center (CCC), [email protected], ou au Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC), [email protected].

TABLE DES MATIÈRES

DOCUMENTS D’ORIENTATION DU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, N° 15 © OCDE 2015 3

TABLE DES MATIÈRES

Résumé ........................................................................................................................................................... 6

1. Introduction .............................................................................................................................................. 8

2. Définitions de la dette brute et de la dette nette au sens strict et au sens large ..................................... 8

3. Les effets de la dette sur l’économie ..................................................................................................... 14

3.1. Les limites de viabilité ..................................................................................................................... 14

3.2. Le niveau d’endettement qui maximise la croissance ..................................................................... 18

3.3. L’efficacité de la politique budgétaire pour stabiliser l’économie .................................................... 19

3.4. Quand la dette publique influence-t-elle la croissance? ................................................................. 20

4. La définition de cibles d’endettement ..................................................................................................... 20

4.1. Déterminer un seuil d’endettement : les données internationales .................................................. 20

4.2. La dette et la vulnérabilité des pays à des facteurs et à des risques spécifiques .......................... 24

4.3. Définition d’une cible prudente d’endettement par simulation stochastique ................................... 26

5. La conception des cadres budgétaires .................................................................................................. 31

5.1. Justifications, objectifs et composition du cadre budgétaire ........................................................... 31

5.2. La fixation d’une cible de dette ........................................................................................................ 32

5.3. Les règles budgétaires .................................................................................................................... 32

5.4. Conseils budgétaires ....................................................................................................................... 48

5.5. Cadres budgétaires à moyen terme ................................................................................................ 51

5.6. Procédures budgétaires .................................................................................................................. 51

6. Questions d’économie politique ............................................................................................................. 52

6.1. La crédibilité de la trajectoire d’assainissement importe pour éviter la « fatigue budgétaire » ....... 52

6.2. Économie politique de l’assainissement des finances publiques .................................................... 52

BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................................................... 55

ANNEXE ........................................................................................................................................................ 62

TABLE DES MATIÈRES

4 DOCUMENTS D’ORIENTATION DU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, N° 15 © OCDE 2015

Tableaux

1. Les déterminants du taux d’intérêt à long terme ................................................................................. 13 2. Estimations du ratio dette à long terme/PIB qui maximise la croissance ........................................... 19 3. Performance budgétaire et indicateurs de risque budgétaire dans les économies émergentes

et à bas revenu .................................................................................................................................... 23 4. Forces et faiblesses des règles budgétaires existantes ..................................................................... 33 5. Synthèses des règles budgétaires existantes ..................................................................................... 35 6. Estimations de l’efficacité des règles budgétaires .............................................................................. 37 7. Synthèse des effets des règles sur la discipline et la stabilisation budgétaires .................................. 40 8. Résultats des simulations : classification des pays et des règles budgétaires ................................... 48 9. Mandat des instances budgétaires dans les pays de l’OCDE ............................................................ 50 A.1. Fonction de réaction budgétaire .......................................................................................................... 62

Graphiques

1. Présentation de la dette des administrations publiques dans les comptes nationaux normalisés ....... 9 2. Calcul de la situation financière nette des administrations publiques ................................................. 10 3. Au-delà des engagements financiers bruts : comptabiliser les engagements conditionnels et

implicites .............................................................................................................................................. 11 4. Définitions de la dette brute et de la dette nette.................................................................................. 12 5. Détermination de la limite d’endettement ............................................................................................ 15 6. Déterminants de la limite d’endettement ............................................................................................. 16 7. Les limites d’endettement .................................................................................................................... 17 8. La dette brute des administrations publiques et sa composante extérieure ....................................... 25 9. Décomposition de la dette publique en fonction de son libellé en monnaie locale ou en devises

dans certains pays de l’OCDE ........................................................................................................... 26 10. Fourchette d’endettement public dans le cadre d’un scénario prudent .............................................. 29 11. Sensibilité de la cible prudente d’endettement au niveau de confiance ............................................. 30 12. Arbitrage entre action contracyclique et cible de dette ....................................................................... 38 13. La surestimation des soldes structurels avant la crise ........................................................................ 39 14. Illustration de la combinaison d’une règle d’équilibre et d’une règle de dépenses : l’exemple

des États-Unis ..................................................................................................................................... 41 15. Comparaison des règles budgétaires par groupe de pays ................................................................. 47

Encadrés

Encadré 1. Données relatives à la dette : comprendre la terminologie ....................................................... 9 Encadré 2. Les limites de l’endettement public ......................................................................................... 14 Encadré 3. Simulation de l’effet de chocs sur la dette publique ................................................................ 27 Encadré 4. Simulation de règles budgétaires ............................................................................................ 44

CIBLES DE DETTE PRUDENTES ET CADRES BUDGÉTAIRES

DOCUMENTS D’ORIENTATION DU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, N° 15 © OCDE 2015 5

Résumé/Abstract

Cibles de dette prudentes et cadres budgétaires

La montée rapide de l’endettement public dans la plupart des pays de l'OCDE soulève des questions sur le niveau prudent de dette que les pays doivent cibler. Il soulève également des questions sur les cadres budgétaires nécessaires pour les atteindre et qui fournissent une marge de manœuvre suffisante pour faire face à des chocs négatifs. Ce document examine les dettes publiques explicites et implicites, ainsi que les actifs qui sont utiles dans l'évaluation des risques budgétaires et la viabilité budgétaire à long terme. Il souligne également les liens positifs et négatifs entre la dette publique et l'activité économique. Les leçons tirées de ces analyses sont combinées avec une évaluation des incertitudes macroéconomiques pour définir une cible prudente de dette. Différentes règles budgétaires sont comparées à l'égard de leur impact sur la discipline budgétaire et le risque de récession, conduisant à des recommandations pour les règles budgétaires qui tiennent compte des spécificités de chaque pays. Classification JEL : E27 ; E61 ; E62 ; H62 ; H68 Mots-clés : incertitudes macroéconomiques, dette, politique budgétaire, règles budgétaires

*****

Prudent debt targets and fiscal frameworks

The sharp rise in debt experienced by most OECD countries raises questions about debt indicators and the prudent government debt level countries should target. It also raises questions about the fiscal frameworks needed to reach the prudent debt level and to accommodate cyclical fluctuations along the convergence path towards a prudent debt target. The objective of this paper is to define long-run prudent debt targets for OECD countries and country-specific fiscal rules. The paper presents a comprehensive analysis of government liabilities and assets and formulates recommendations for debt indicators. It also reviews the different linkages between government debt and the economic activity. The lessons from these analyses are combined with an assessment of the uncertainties surrounding the development of macroeconomic variables to define a prudent debt target. Different fiscal rules are compared with regard their impact on fiscal discipline and the risk of recession for country-specific fiscal rules recommendations. JEL classification codes: E27; E61; E62; H62; H68 Keywords: Macroeconomic uncertainties, debt, fiscal policy, fiscal rules

CIBLES DE DETTE PRUDENTES ET CADRES BUDGÉTAIRES

6 DOCUMENTS D’ORIENTATION DU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, N° 15 © OCDE 2015

Cibles de Dette Prudentes et Cadres Budgétaires

Résumé

Lors de la récente crise, la dette publique a fortement augmenté dans la plupart des pays de l’OCDE, soulevant des interrogations quant au niveau d’endettement public que les pays devraient cibler et à la façon de concevoir les cadres budgétaires pour ramener la dette à un niveau prudent.

Des objectifs en matière de dette publique peuvent servir d’ancrage à la politique budgétaire pour en garantir la viabilité et dégager une marge de manœuvre suffisante en prévision de chocs néfastes. Des objectifs prudents de dette constituent un engagement qui, en rassurant les marchés, non seulement réduit les primes de risque sur la dette publique, mais abaisse également le coût du capital pour l’ensemble de l’économie.

Le présent document d’orientation commence par une analyse des différentes définitions de la dette, qui sont essentielles pour l’étude des risques pour les finances publiques et leur viabilité. La dette brute des administrations publiques permet de suivre leurs engagements contractuels et devrait inclure leurs engagements futurs explicites, par exemple les engagements au titre des retraites des fonctionnaires. La dette brute doit être considérée séparément des actifs car de fortes fluctuations des prix de ces derniers peuvent masquer l’évolution sous-jacente de l’endettement. La dette nette, quant à elle, i.e. la différence entre la dette brute et les actifs, est utile pour l’analyse de solvabilité, en particulier lorsque l’État détient d’importants montants d’actifs liquides. Les engagements implicites et autres engagements hors bilan doivent eux aussi être estimés et faire l’objet d’un suivi pour évaluer les risques budgétaires.

Pour définir un niveau prudent de dette, il faut définir un seuil au-delà duquel la dette a des effets néfastes sur l’activité économique, ou au-delà duquel son évolution devient non tenable. La viabilité de la dette dépend largement de la croissance économique, des taux d’intérêt et de la capacité des pouvoirs publics à gérer des soldes primaires qui leur garantissent de pouvoir payer leurs engagements. Actuellement, les seuils de défaut ne sont pas contraignants dans la plupart des pays du fait des taux d’intérêt très bas. Mais ces seuils sont fonction des circonstances. À un niveau d’endettement élevé, il est possible qu’un pays perde la confiance des marchés et voit ses taux d’emprunt s’élever fortement. Aussi les pays doivent-ils s’efforcer de rester très en deçà du seuil de défaut. Les seuils de défaut actuellement élevés ne peuvent servir d’ancrage à la fixation d’une cible prudente d’endettement car les effets négatifs de la dette sur l’activité économique ont toutes les chances de se faire sentir bien en amont.

En conséquence, l’ancrage d’une cible prudente d’endettement doit se faire à partir d’une analyse de l’impact de la dette sur l’économie. Une analyse de cet impact laisse penser qu’au-delà d’un certain seuil, la dette publique risque de nuire à l’économie et à la capacité de stabilisation économique. Les différents canaux par lesquels la dette peut affecter l’économie sont étudiés. Les données empiriques compilées à partir des publications montrent que : i) une dette publique élevée (de 80 à 100 % du PIB) va de pair avec une moindre croissance, bien que le rapport de causalité joue probablement dans les deux sens ; ii) l’aptitude à stabiliser l’économie diminue lorsque le ratio dette/PIB dépasse 75 % environ ; iii) quand on prend en compte le rôle spécifique de la dette publique dans le financement des infrastructures publiques, les estimations établissent un niveau d’endettement « optimal » positif mais limité, situé à 50-80 % du PIB ; iv) la dette publique représente aussi un actif sûr sur un marché très liquide, ce qui atténue les contraintes de liquidité. Un bas niveau d’endettement est donc un facteur de bien-être.

En outre, les études empiriques internationales concluent à l’existence de seuils d’endettement différents, le seuil étant défini comme le point à partir duquel la dette commence à avoir des effets négatifs sur l’économie ; on distingue à cet égard trois catégories de pays :

CIBLES DE DETTE PRUDENTES ET CADRES BUDGÉTAIRES

DOCUMENTS D’ORIENTATION DU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, N° 15 © OCDE 2015 7

les pays à revenu élevé, où le seuil d’endettement se situe dans une fourchette de 70 à 90 % du PIB.

les pays de la zone euro, où le seuil est inférieur car ils ne contrôlent pas leur politique monétaire. Compte tenu de la clause de non-renflouement, de l’absence de mutualisation des dettes, d’une plus grande dépendance à l’égard des financements extérieurs et de difficultés d’ajustement aux chocs, ce seuil va de 50 à 70 %.

les économies émergentes, où le seuil est encore plus bas – de 30 à 50 % du PIB – car ces économies sont exposées à des revirements dans les flux de capitaux.

Ces seuils d’endettement sont repris pour fixer des cibles prudentes d’endettement. De telles cibles doivent être fixées pour éviter un dépassement des seuils en cas de choc négatif important. Les cibles tiennent compte de l’incertitude des variables macroéconomiques, elles s’apprécient donc pays par pays. Des simulations stochastiques, qui prennent en compte les chocs macroéconomiques et le comportement budgétaire antérieur, donnent des cibles prudentes de 15 points de PIB en deçà du seuil d’endettement, en moyenne, avec une forte disparité entre les pays.

Un cadre budgétaire bien conçu garantit le respect des cibles prudentes fixées tout au long du cycle. Ce cadre doit poursuivre deux buts : promouvoir la discipline dans les finances publiques et permettre la conduite de politiques de stabilisation. Cinq composantes complémentaires de ce cadre sont examinées : une cible de dette, une règle budgétaire, les conseils budgétaires, la procédure budgétaire et l’établissement de budgets à moyen terme.

Lors de la conception du cadre budgétaire, la cible prudente d’endettement doit servir de référence pour établir des règles budgétaires chiffrées. Ces règles doivent être fondées sur des variables mesurables pour réduire les incertitudes dans la formulation de l’action publique. Les règles établies sur des variables estimées, comme la production potentielle, sont sujettes à des erreurs et peuvent être trompeuses pour l’action publique. La meilleure solution semble être de combiner une règle d’équilibre budgétaire et une règle de dépenses. La règle d’équilibre budgétaire encourage le fait d’atteindre la cible de dette. Des règles de dépenses bien conçues sont déterminantes, semble-t-il, pour garantir l’efficacité de la règle d’équilibre et peuvent favoriser la croissance à long terme. En outre, pour donner de la souplesse face à des chocs importants qui occasionnent un dérapage majeur par rapport à l’objectif d’équilibre, une règle de réduction minimum obligatoire de la dette (règle de « frein à l’endettement ») peut être mise en place pour garantir l’adoption effective de mesures pour compenser toute hausse inattendue du niveau de la dette.

Les simulations montrent la capacité de la politique budgétaire à atténuer les chocs, et leurs conséquences négatives sur l’incertitude de la trajectoire de la dette, varie considérablement d’un pays à l’autre. Ainsi, les pays très endettés sont moins en mesure d’absorber des chocs négatifs d’envergure. Par contre, une croissance supérieure assouplit les contraintes qui pèsent sur une politique budgétaire cherchant à ramener la dette à un niveau prudent.

Un conseil budgétaire est source de transparence et peut donc favoriser la discipline budgétaire et la crédibilité des règles budgétaires. L’adoption de telles règles, en particulier lorsqu’elles sont complexes, rend la transparence d’autant plus nécessaire. Un conseil budgétaire peut également contribuer à gérer la question du pot commun, en particulier dans les pays à structure fédérale, en alertant sur les externalités des politiques budgétaires de certaines entités infranationales susceptibles de leur être bénéfiques, au détriment des autres administrations. L’efficacité d’une règle budgétaire au regard de l’objectif de stabilisation est d’autant accrue que cette règle s’intègre dans un cadre budgétaire à moyen terme.

Le calendrier, la définition d’un mandat clair de réforme et le soutien d’une majorité solide figurent parmi les éléments d’économie politique qui peuvent aider à surmonter la « fatigue budgétaire ».

CIBLES DE DETTE PRUDENTES ET CADRES BUDGÉTAIRES

8 DOCUMENTS D’ORIENTATION DU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, N° 15 © OCDE 2015

1. Introduction

Dans la plupart des pays de l’OCDE, l’endettement des administrations s’est beaucoup accru au cours de la crise financière mondiale. Le pourcentage moyen pondéré des engagements financiers bruts par rapport au PIB est passé de 73 % du PIB en 2007 à 111 % en 2013 dans les pays de l’OCDE. C’est le niveau le plus élevé depuis la période qui a suivi immédiatement la deuxième guerre mondiale. Il amène à s’interroger sur la viabilité d’un endettement aussi élevé, et certains pays de la zone euro ont adopté des programmes d’ajustement pour tenter de maîtriser une spirale de dette. Ces programmes comportent d’importantes réformes de la protection sociale et touchent durement les personnes vulnérables, comme en témoigne l’envolée des taux de pauvreté en Grèce, au Portugal et en Espagne depuis 2007.

La montée rapide de l’endettement public dans la plupart des pays de l’OCDE conduit à se demander ce que devrait être un objectif prudent en ce domaine. Elle pose aussi la question de la nature du cadre budgétaire nécessaire pour l’atteindre et pour lisser les fluctuations cycliques le long de la trajectoire vers cet objectif, tout en dégageant un espace budgétaire qui permette de réagir aux chocs futurs et en tenant compte des particularités nationales.

La section 2 examine les avantages et les inconvénients de différents indicateurs de la dette publique. La section 3 indique pourquoi les gouvernements devraient se fixer des objectifs prudents de dette publique. La question de leur choix est considérée sous trois angles : la viabilité de la dette des administrations publiques, son incidence sur l’économie, la mesure du niveau prudent d’endettement au regard des effets des chocs macroéconomiques et d’autres risques pour les finances publiques (section 4). La section 5 évoque la conception et les composantes des cadres budgétaires. Elle étudie en particulier les règles, les institutions et les procédures budgétaires. La section 6 explique comment l’économie politique peut aider à surmonter la « fatigue budgétaire ».

2. Définitions de la dette brute et de la dette nette au sens strict et au sens large

Les engagements financiers bruts des administrations et leur dette brute sont des indicateurs phares. Mais ils ne donnent qu’une vision partielle de l’ensemble des engagements des administrations et des risques budgétaires. Pour mieux apprécier la situation des finances publiques, il faut ajouter à l’indicateur de la dette brute les engagements explicites et probables ainsi que définir des indicateurs élargis, intégrant d’autres engagements en fonction de leur nature (contractuels, implicites ou conditionnels). La prise en compte des actifs financiers et non financiers donne une vision plus complète de la viabilité actuelle et future de la dette publique.

Les données relatives à la dette sont souvent source de confusion en raison de la diversité des définitions, du domaine couvert et des méthodes d’évaluation. Bloch et Fall (2015) analysent les diverses questions qui se posent pour définir et mesurer la dette et examinent les autres données qui doivent être prises en considération, à la fois dans les limites et au-delà de la dette des administrations publiques, pour mieux suivre et analyser les risques et la viabilité budgétaire. L’encadré 1 résume les principales caractéristiques des diverses mesures de l’endettement des administrations.

CIBLES DE DETTE PRUDENTES ET CADRES BUDGÉTAIRES

DOCUMENTS D’ORIENTATION DU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, N° 15 © OCDE 2015 9

Encadré 1. Données relatives à la dette : comprendre la terminologie

Les différences entre les indicateurs phares de mesure de l’endettement peuvent prêter à confusion. Les études se réfèrent souvent à la dette brute ou aux engagements financiers bruts et à la dette nette ou aux engagements financiers nets, sans expliciter ces termes. Or, les détails ont vraiment leur importance et peuvent influer sur les analyses, les comparaisons et les conclusions. Le graphique 1, qui correspond à la dernière version des comptes nationaux normalisés, met en évidence les relations entre dette brute et dette nette ainsi qu’entre engagements financiers bruts et nets, tels qu’ils sont présentés dans le bilan financier d’un État.

Graphique 1. Présentation de la dette des administrations publiques dans les comptes nationaux normalisés

Note : Le pointillé met en évidence une autre définition de la dette nette des administrations publiques, retenue par l’OCDE, laquelle définition tient compte de tous les actifs financiers, et pas seulement ceux qui concernent les instruments de dette, étant donné que tous les actifs financiers peuvent être utilisés pour rembourser la dette.

Les définitions ci-après peuvent être distinguées :

Engagements financiers bruts des administrations publiques : totalité des engagements figurant dans le bilan financier du secteur des administrations publiques au sein des comptes nationaux.

Dette brute des administrations publiques : définie généralement comme la totalité des engagements figurant au bilan financier du secteur des administrations publiques dans les comptes nationaux, à l’exception des instruments « hors dette » (dérivés financiers et options d’achat d’actions, fonds propres et fonds de placement).

Actifs financiers bruts des administrations publiques : totalité des actifs figurant au bilan financier du secteur des administrations publiques dans les comptes nationaux.

Engagements financiers nets des administrations publiques : différence entre les engagements financiers bruts et les actifs financiers bruts des administrations publiques.

Dette nette des administrations publiques : différence entre la dette brute et les actifs financiers bruts des administrations publiques, à l’exclusion de ceux en rapport avec les dérivés financiers, les options d’achat d’actions, les fonds propres et les fonds de placement. La dette nette des administrations publiques peut également se définir en excluant la totalité des actifs financiers.

Situation financière nette des administrations publiques : c’est l’inverse des engagements financiers nets des administrations publiques (i.e. actifs financiers bruts moins engagements financiers bruts).

Engagements financiers bruts des administrations

publiques

Dette brute des administrations publiques Or monétaire et DTS Numéraire et dépôts Titres de créance Crédit Assurances, pensions et

garanties standards Autres comptes à recevoir

Instruments « hors dette »

Produits financiers dérivés et options sur titres des salariés

Actions et parts de fonds d’investissement

Actifs financiers bruts des administrations publiques

Grdebt Or monétaire et DTS Numéraire et dépôts Titres de créance Crédit Assurances, pensions et

garanties standards Autres comptes à recevoi

Non-debt instruments Produits financiers dérivés et

options sur titres des salariés Actions et parts de fonds

d’investissement

Dette nettedes

administrationspubliques

-

-Engagements

financiers nets des administrations

publiques

=

CIBLES DE DETTE PRUDENTES ET CADRES BUDGÉTAIRES

10 DOCUMENTS D’ORIENTATION DU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, N° 15 © OCDE 2015

Encadré 1. Données relatives à la dette : comprendre la terminologie (suite)

Dans le cadre de la comptabilité nationale, il devrait être possible de pousser plus loin l’analyse et de calculer le patrimoine net des administrations publiques en tenant compte de leurs actifs financiers, mais aussi non financiers (graphique 2). En pratique, ces données ne sont actuellement disponibles que dans un très petit nombre de pays de l’OCDE. Il est possible de calculer, à l’aide de statistiques de flux, la variation du patrimoine net des administrations publiques depuis 20 ans : on s’aperçoit que celui-ci s’est dégradé dans de nombreux pays, parfois de façon notable (Bloch et Fall, 2015).

Graphique 2. Calcul de la situation financière nette des administrations publiques

Il est donc possible d’enrichir la terminologie en incluant :

Les actifs non financiers des administrations publiques : actifs produits et non produits figurant au bilan non financier du secteur des administrations publiques dans les comptes nationaux.

Les actifs non financiers produits : il s’agit des actifs fixes corporels, comme les bâtiments et les machines, mais aussi de la propriété intellectuelle, des stocks et des objets de valeur.

Les actifs non financiers non produits : il s’agit de ressources immatérielles telles que les brevets, les baux et les fonds commerciaux.

Enfin, il existe en dehors du cadre des comptes nationaux un certain nombre d’engagements futurs qui, sans être nécessairement comptabilisés, présentent de l’importance pour apprécier les tensions à venir sur les finances publiques. Les engagements conditionnels, par exemple, intéressent de plus en plus les experts et les autorités. Ces engagements incertains sont soit explicites – c’est-à-dire définis par un contrat ou par la loi – soit implicites, c’est-à-dire relevant d’une obligation morale ou historique (graphique 3).

Actifs non financiers des administrations

publiques

Actifs produitsdebt Actifs fixes Produits de la

propriété intellectuelle

Stocks Objets de valeur

Actifs non produits

Ressources naturelles

Actifs incorporels

+Actifs financiers

bruts des administrations

publiques

-Engagements

financiers bruts des

administrations

=

Patrimoine net des

administrations publiques

Situation financière nette des administrations publiques

=

CIBLES DE DETTE PRUDENTES ET CADRES BUDGÉTAIRES

DOCUMENTS D’ORIENTATION DU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, N° 15 © OCDE 2015 11

Encadré 1. Données relatives à la dette : comprendre la terminologie (suite)

Graphique 3. Au-delà des engagements financiers bruts : comptabiliser les engagements conditionnels et implicites

1. Inclut les engagements explicites, non capitalisés ou sous-capitalisés, au titre des retraites des fonctionnaires. 2. Désigne uniquement les engagements conditionnels explicites. S’agissant de créances légales sur l’État, il peut s’agir de droits relatifs à des privatisations, à la liquidation d’agences publiques ou à la gestion de personnel. Dans le cas de régimes d’assurance, ces droits peuvent correspondre à des assurances contre les risque d’inondation ou les risques agricoles, par exemple (Cebotari, A. (2008), « Contingent Liabilities: Issues and Practice », IMF Working Paper, n° 08/245). 3. Exclut les engagements explicites, non capitalisés ou sous-capitalisés, au titre des retraites des fonctionnaires.

Les composantes essentielles de ces engagements futurs sont les suivantes :

Les engagements conditionnels : ce sont des engagements qui ne se matérialisent que si un certain événement a lieu. Ils sont comptabilisés s’il est la probabilité d’occurrence est élevée.

Les engagements conditionnels explicites : ce sont des engagements conditionnels définis par un contrat ou par la loi, comme les garanties, les systèmes d’assurance des dépôts bancaires et d’autres droits que l’on pourrait faire valoir vis-à-vis de l’État

1.

Les garanties : elles portent généralement sur un emprunt que l’État accepte de rembourser sans limite en cas de défaillance de l’emprunteur. Les garanties de l’État peuvent aussi porter sur un prix, un taux de change ou des recettes, en particulier dans le cadre de partenariats public-privé. La probabilité qu’une garantie normalisée soit actionnée étant en général calculable, elle devrait être estimée et publiée dans les comptes nationaux dans le bilan financier des administrations.

Les garanties ponctuelles : ce sont des garanties de nature particulière et il n’est pas possible d’évaluer le risque de leur mise en œuvre. Elles ne sont pas inscrites au bilan financier des administrations.

Les engagements implicites : ce sont des engagements éventuels futurs, non expressément codifiés, mais en vertu desquels l’État est censé avoir une obligation morale ou historique d’agir. Il s’agit, par exemple, de prestations de sécurité sociale futures, d’opérations futures de renflouement (n’entrant pas dans le cadre des accords de garantie existants) ou d’aides futures en cas de catastrophe naturelle.

À l’heure actuelle, seuls quelques pays consignent l’intégralité de leurs engagements conditionnels, mais les offices statistiques et les conseils budgétaires s’efforcent de donner une image plus complète des risques budgétaires futurs

2.

________________________

1. Les méthodes antérieures de la comptabilité nationale permettent de considérer comme conditionnels les engagements, non capitalisés ou sous-capitalisés, au titre des retraites des agents de la fonction publique. Toutefois, six pays de l’OCDE (Australie, Canada, Islande, Nouvelle-Zélande, Suède et États-Unis) les inscrivent dans le bilan des administrations publiques ; leur endettement est donc surestimé par rapport à celui des pays où des montants importants d’engagements de même nature ne sont pas encore comptabilisés.

2. Voir, par exemple, Barnes et Smyth (2013) pour l’Irlande, ainsi qu’Eurostat (2015).

Engagements financiers bruts des administrations

publiques

Dette brute des administrations publiques

Or monétaire et DTS Numéraire et dépôts Titres de créance Crédit Assurances, pensions1

et garanties standards Autres comptes à

recevoir

Non-debt instruments

Produits financiers dérivés et options sur titres des salariés

Actions et parts de fonds d’investissement

Engagements conditionnels et implicites des administrations publiques

Engagements conditionnels explicites

Engagements implicites

Obligations concernant des prestations futures de protection sociale3

Opérations futures de renflouement (d’entreprises publiques, d’institutions financières, d’entités infranationales, de sociétés privées d’importance stratégique)

Aides futures en cas de catastrophe naturelle

Dépenses futures associées à l’amélioration de l’environnement

Autres engagements conditionnels implicites

GarantiesAutres

engagements conditionnels

explicites

Créances légales sur l’État2

Régimes d’assurance2

Autres

Garanties ponctuelles

Garanties

de prêt et autres instruments de dette

Autres garanties ponctuelles

CIBLES DE DETTE PRUDENTES ET CADRES BUDGÉTAIRES

12 DOCUMENTS D’ORIENTATION DU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, N° 15 © OCDE 2015

La différence entre les engagements financiers bruts, qui comprennent des instruments n’ayant pas le caractère de dette, comme les actions et les dérivés financiers, et la dette brute est généralement ténue, alors que celle entre les engagements financiers nets et la dette nette peut être notable dans certains pays (graphique 4). La décomposition des instruments de dette et des instruments à inscrire à l’actif permet aussi de calculer le cas échéant des indicateurs spécifiques, si l’on veut par exemple ne rapprocher la dette que des actifs les plus liquides (graphique 4).

Les mesures de l’endettement financier brut et net restent actuellement les principaux indicateurs utilisés pour l'analyse et la surveillance des finances publiques. L’indicateur d’endettement brut sert au suivi des engagements contractuels des administrations et doit être considéré séparément des actifs, parce que de fortes fluctuations des prix de ces derniers peuvent masquer l’évolution sous-jacente de l’endettement. L’indicateur d’endettement net est pertinent pour analyser la solvabilité, en particulier lorsque l’État détient des actifs liquides. Outre ces deux indicateurs phares, des bilans exhaustifs sont nécessaires pour connaître l’évolution du patrimoine net (Bloch et Fall, 2015), mais ceux-ci n’existent que dans quelques pays. Bien qu’il faille aussi estimer et surveiller les engagements implicites et les autres engagements hors bilan pour évaluer les risques budgétaires (Kopits, 2014), cette évaluation est encore peu pratiquée (Bloch et Fall, 2015).

Graphique 4. Définitions de la dette brute et de la dette nette

2012

Note : Les données du Chili, du Japon et de la Corée ne sont pas consolidées. Celles du Mexique se réfèrent à 2009 et celles de la Suisse à 2011. Il est possible que les données de l’Islande incluent des dérivés financiers qui n’étaient pas inscrits dans les comptes nationaux. Les données de l’Australie, du Canada, de l’Islande, de la Nouvelle-Zélande, de la Suède et des États-Unis incluent les engagements non capitalisés au titre des retraites.

Sources : OCDE (2014), « Comptes nationaux détaillés : bilans financiers, consolidés et non consolidés » ; Statistiques des comptes nationaux de l’OCDE (base de données), consultées le 17 octobre 2014 ; base de données des Perspectives économiques de l’OCDE n° 95, juin 2014.

0

50

100

150

200

250

Pour cent du PIB Engagements financiers nets

Dette nette

Dette nette calculée à partir des actifs liquides

Dette brute

Engagements financiers bruts

-150

-100

-50

0

50

100

Pour cent du PIB

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Les marchés ne semblent pas plus sensibles au montant des engagements financiers nets qu’à celui des engagements financiers bruts. On étudie leurs réactions au moyen de régressions qui déterminent le taux d’intérêt à long terme (tableau 1). Les coefficients associés à la dette brute et à la dette nette sont très proches (tableau 1, colonnes 1 et 2), une fois pris en compte le taux d’inflation, les niveaux antérieurs du taux de croissance, le taux d’intérêt à court terme et les effets fixes pays. Toutefois, les estimations donnent à penser que les marchés réagissent davantage à la dette brute dans les pays de la zone euro, tandis qu’ils sont relativement plus sensibles à la dette nette dans les autres pays de l’OCDE (tableau 1, colonnes 3 et 4). Ce résultat se vérifie quand on examine l’effet des deux indicateurs sur le taux d’intérêt réel à long terme (tableau 1, colonnes 5 et 6).

Tableau 1. Les déterminants du taux d’intérêt à long terme

(1) (2) (3) (4) (5) (6)

Variable dépendante Taux

d’intérêt à 10 ans

Taux d’intérêt à

10 ans

Taux d’intérêt à

10 ans

Taux d’intérêt à

10 ans

Taux d’intérêt réel

à 10 ans

Taux d’intérêt réel à 10 ans

Inflation sous-jacente 0,079 0,078 0,084 0,080

[0,057] [0,058] [0,057] [0,058]

Taux d’intérêt à court terme

0,55*** 0,55*** 0,55*** 0,55***

[0,037] [0,035] [0,037] [0,035]

Taux d’intérêt réel à court terme

0,63*** 0,62***

[0,039] [0,037]

Valeur retardée (croissance réelle)

-0,088*** -0,090*** -0,081*** -0,088*** -0,084*** -0,096***

[0,022] [0,023] [0,022] [0,023] [0,024] [0,024]

UEM -0,28 -0,27 -1,95*** -0,49* -1,65** -0,016

[0,31] [0,30] [0,70] [0,29] [0,76] [0,33]

Valeur retardée (dette publique brute)

0,013** 0,006 0,020***

[0,005] [0,004] [0,005]

Valeur retardée (dette publique brute) * UEM

0,023** 0,025**

[0,010] [0,010]

Valeur retardée (dette publique nette)

0,016*** 0,014*** 0,018***

[0,004] [0,004] [0,005]

Valeur retardée (dette publique nette) *

0,006 0,009

UEM [0,006] [0,006]

Échantillon 1985-2013 1985-2013 1985-2013 1985-2013 1985-2013 1985-2013

Effets fixes années Non Non Non Non Non Non

Effets fixes pays Oui Oui Oui Oui Oui Oui

N 624 618 624 618 672 670

Rho 0,53 0,50 0,55 0,51 0,59 0,56

R2 0,676 0,688 0,680 0,687 0,487 0,480

Note : Régression en panel avec une correction AR(1) de Prais-Winsten et des écarts-types robustes à l’hétéroscédasticité du panel. Les écarts-types sont indiqués entre parenthèses. *** significatif à 1 %, ** significatif à 5 % et * significatif à 10 %.

Source : calculs de l’OCDE.

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Les analyses qui suivent privilégient les engagements financiers bruts pour deux raisons : d’abord, c’est pour eux que la base de données a la couverture la plus complète sur le plan des pays et des périodes ; ensuite, les soldes primaires des administrations réagissent aux variations des engagements financiers bruts plus qu’à celles de la dette nette (Fournier et Fall, 2015). Enfin, les engagements financiers bruts sont plus comparables entre les pays que les actifs financiers du fait des modes d’évaluation et de comptabilisation.

3. Les effets de la dette sur l’économie

Cette section présente des données probantes en comparaison internationale sur les limites de la viabilité, les liens entre endettement et croissance, l’incidence sur la croissance du financement des investissements publics par la dette et les conséquences de celle-ci sur l’aptitude de la politique budgétaire à stabiliser l’économie. La théorie économique ne donne guère d’indications en ce domaine, car le niveau d’endettement optimal dépend des composantes et des hypothèses des modèles.

3.1. Les limites de viabilité

Comme le montre le phénomène d’intolérance à la dette, un pays peut rapidement perdre la confiance des marchés et voir ses taux d’emprunt augmenter fortement, ce qui le fait dévier de sa trajectoire d’endettement. La méthodologie présentée dans cette section donne une référence pour les limites d’endettement en tenant compte des réactions des marchés.

À la suite de Ghosh et al. (2013), on estime des fonctions de réaction du solde primaire pour déterminer la limite de l’endettement public en tenant compte de la croissance, de l’évolution des taux d’intérêt et des orientations moyennes de la politique budgétaire dans chaque pays (encadré 2). Cette limite est définie comme le montant maximum au-delà duquel l’État ne parvient plus à refinancer la dette ; ce montant est fonction d’un taux de croissance et d’un taux d’intérêt sans risque donnés, d’un certain degré d’incertitude et de la capacité antérieure des pouvoirs publics, telle qu’observée, à réagir à la montée de la dette.

Encadré 2. Les limites de l’endettement public

On calcule les limites de l’endettement public au moyen du modèle de Ghosh et al. (2013). Dans la présente analyse, la fonction de réaction du solde primaire n’est pas la même (Fournier et Fall, 2015). L’analyse emploie une forme fonctionnelle différente et intègre des données postérieures à 2007. Avec des données de panel de 31 pays de l’OCDE couvrant la période 1985–2013, la fonction de réaction budgétaire (solde primaire) dépend du degré d’endettement et de variables de contrôle :

𝑃𝐵𝑖𝑡 = 𝛽1𝐺𝐴𝑃𝑖𝑡 + 𝛽2𝑂𝑇𝑖𝑡 + 𝛽3(𝐷𝑖𝑡−11𝐷𝑖𝑡−1<𝑑1+ 𝑑11𝑑1≤𝐷𝑖𝑡−1

) + 𝛽4(𝐷𝑖𝑡−11𝑑1≤𝐷𝑖𝑡−1<𝑑2+ (𝑑2 − 𝑑1)1𝑑2≤𝐷𝑖𝑡−1

) + 𝛽5𝐷𝑖𝑡−11𝑑2≤𝐷𝑖𝑡−1+

𝛽6𝑂𝑂𝑖𝑡 + 𝑢𝑖 + 𝑣𝑖𝑡 (1)

𝑃𝐵𝑖𝑡 représente le solde primaire du pays i à l’année t, 𝐺𝐴𝑃𝑖𝑡 l’écart de production, 𝑂𝑇𝑖𝑡 le ratio d’ouverture multiplié par les

termes de l’échange, 𝑂𝑂𝑖𝑡 les facteurs budgétaires ponctuels, 𝐷𝑖𝑡 le niveau d’endettement tandis que 𝑑1 et 𝑑2 sont les seuils estimés au-delà desquels la réaction budgétaire à l’endettement change. 𝑢𝑖 sont les effets fixes pays et 𝑣𝑖𝑡 suit un processus autorégressif (1).

Les estimations (tableau A.1 de l’annexe) confirment que les gouvernements réagissent faiblement en améliorant leur solde primaire lorsque la dette s’accroît tout en restant en deçà d’un certain niveau (d1 dans le graphique 5). Mais, entre ce seuil (𝑑1) et le deuxième (𝑑2 dans le graphique 5), ils réagissent fortement à la montée de l’endettement. Au-delà, il arrive qu’ils renoncent à la discipline budgétaire et réduisent l’excédent primaire. D’autres estimations appréhendent aussi l’effet du cycle conjoncturel sur le solde primaire ; elles intègrent des variables de contrôle supplémentaires, comme les prix des actifs, l’inflation, les programmes du FMI, le ratio de dépendance des personnes âgées, la zone euro et la dimension du secteur public.

Cette fonction de réaction budgétaire (ligne bleue du graphique 5), qui est intégrée à l’équation de dynamique de l’endettement, interagit avec le comportement des marchés (courbe rouge du graphique 5). Le taux d’intérêt peut inclure une prime

de risque reflétant la probabilité d’une défaillance lors de la période suivante 𝑝𝑡+1, c’est-à-dire la probabilité que la dette 𝑑𝑡+1 dépasse son niveau maximum :

𝑝𝑡+1 = 𝑃(𝑑𝑡+1 > �̅�) (2)

avec la dynamique d’accumulation de la dette publique suivante :

𝑑𝑡+1 = (1 + 𝑟(𝑝𝑡+1) − 𝑔)𝑑𝑡 + 𝜇 + 𝑓(𝑑) + 𝜀𝑡 (3)

où 𝑔 représente le taux de croissance potentiel, 𝑓(𝑑) la réaction du solde primaire à l’endettement, tandis que 𝜀𝑡 appréhende les chocs macroéconomiques sur le solde primaire. La limite d’endettement est une fonction du différentiel entre taux d’intérêt et taux

de croissance 𝑟𝑖 − 𝑔𝑖, de l’ampleur des chocs 𝑉 (𝜀𝑖), et de l’excédent primaire moyen observé par le passé 𝜇𝑖.

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Encadré 2. Les limites de l’endettement public (suite)

Comme le montre le graphique 5, la dette se stabilise lorsque l’effet de son accumulation antérieure est exactement compensé par le solde primaire. Il existe un équilibre stable d pour lequel l’État dégagerait un solde supérieur si un choc faisait augmenter le ratio de dette. En revanche, lorsque le niveau de la dette approche sa limite, l'État est confronté à une envolée du taux d'intérêt (courbe verte du graphique 5) et lorsque la limite d’endettement est atteinte, le taux d'intérêt évolue vers l'infini, ce qui signifie que l'État n'a plus accès aux marchés de capitaux.

Graphique 5. Détermination de la limite d’endettement

Note : g est le taux de croissance, r est le taux d’intérêt, r* est le taux d’intérêt sans risque, 𝑟(ε) est le taux d’intérêt avec une prime de risque, pb est le solde primaire, d est de ratio de dette par rapport au PIB, d est le ratio de dette par rapport au PIB d’équilibre, d*

est la dette limite stochastique dépendant de la probabilité de défaut et d̅ est la dette limite déterministe correspondant à l’intersection entre le taux sans risque et la fonction de réaction budgétaire. d1 and d2 sont deux seuils estimés signalant des changements de la fonction de réaction face à la croissance de la dette.

On procède à l’estimation du modèle pour chaque pays afin de calculer les limites actuelles de l’endettement. Le

taux d’intérêt réel à long terme est le rendement des obligations d’État à 10 ans, minoré de l’inflation sous-jacente, et l’on obtient le taux d’intérêt réel sans risque en déduisant la prime de risque sur les CDS (contrats d’échange sur risque de défaillance) du taux d’intérêt réel. Le taux de croissance correspond au taux moyen de croissance potentielle entre 2014 et 2017. L’ampleur des chocs macroéconomiques est calculée à partir de l’écart-type de la différence entre production observée et production potentielle (écart de production). L’excédent primaire antérieur est mesuré par les effets fixes pays, auxquels on ajoute la médiane des résidus.

L’écart entre taux d’intérêt et taux de croissance explique pour une bonne part les différences de limite d’endettement entre les pays de l’OCDE, en particulier pour ceux qui sont le plus éloignés de la moyenne de la zone OCDE (graphique 6).

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Encadré 2. Les limites de l’endettement public (suite)

Graphique 6. Déterminants de la limite d’endettement

Écart de la limite d’endettement par rapport à la moyenne de l’OCDE en % du PIB

Note : Ce graphique compare la limite d’endettement d’un pays donné à la dette limite de 200% qui prévaudrait dans un pays virtuel correspondant à la moyenne de l’OCDE, où chaque déterminant serait égal à la moyenne correspondante de l’OCDE. Le rôle de chacun correspond au changement de dette limite qui résulte du remplacement d’une caractéristique spécifique à un pays donné par la moyenne de l’OCDE. Pour certains pays, il n’y a pas de solution. Pour plus de précisions sur cette décomposition, voir Fournier, J-M. et F. Fall (2015), « Limits to Government Debt Sustainability », Documents de travail du Département des affaires économiques de l’OCDE, n° 1229, Éditions OCDE.

Source : Calculs de l’OCDE.

Dans de nombreux pays de l’OCDE, la limite d’endettement est à peu près le double du PIB, sachant qu’à un niveau d’endettement moyen ou élevé, le solde primaire réagit en dégageant un excédent substantiel (graphique 7). Le fait que les limites soient élevées s’explique par les quelques pays dont l’endettement est très lourd (Japon et Grèce)

1. Les différences de limite dépendent beaucoup du

comportement des gouvernements2. Le niveau maximum d’endettement est supérieur dans les pays qui

ont de solides antécédents de politique budgétaire (par exemple la Norvège), et moindre dans ceux où le taux de croissance potentiel est bas relativement au taux d’intérêt sans risque (par exemple l’Italie).

Certains pays (Grèce, Islande, Irlande, Japon, Portugal, Espagne, Slovénie et République slovaque) n’ont pas de solution avec un taux d’intérêt modélisé pour leur limite d’endettement. Cela signifie que, compte tenu de leur comportement budgétaire passé, la dynamique de leur dette n’est pas tenable. Ils doivent changer de comportement en améliorant à terme leur solde primaire pour ramener la dynamique de leur dette sur une trajectoire durable. Cela suggère aussi une forte instabilité des marchés à l’actualité de ces pays.

En 2013, la dette du Japon est supérieure à la limite calculée sur le taux d’intérêt courant, et il n’y existe pas de solution avec des taux d’intérêt modélisés si le comportement budgétaire passé prévaut.

1. Le seuil élevé au-delà duquel la « fatigue budgétaire » se manifeste est déterminé par la conjonction

d’une forte réaction de la politique budgétaire à l’endettement en Grèce, en Italie et au Portugal, d’une part, et d’une

faible réaction au Japon, d’autre part. Dans de nombreux pays de l’OCDE, cette limite élevée résulte aussi du bas

niveau actuel du taux d’intérêt sans risque comparativement au taux à long terme de la croissance potentielle.

2. Ballagria et Martinez-Mongay (2009) montrent que dans les pays de la zone euro, la réaction

budgétaire à l’endettement a été plus forte lors du processus d’adhésion à l’union monétaire que par la suite.

-75

-50

-25

0

25

50

75

100

125Taux d'intérêt moins taux de croissance Expérience en matière de politique budgétaireAmpleur des chocs sur la production

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DOCUMENTS D’ORIENTATION DU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, N° 15 © OCDE 2015 17

Divers facteurs expliquent pourquoi le plafond d’endettement n’a pas été contraignant : la Banque centrale a maintenu pendant une longue période le taux d’intérêt à un niveau proche de zéro ; il existe une forte préférence pour les actifs du pays, soutenue par les avoirs de fonds de réserve pour les retraites publiques, et la situation financière extérieure nette du pays est largement créditrice.

Graphique 7. Les limites d’endettement

Engagements financiers des administrations publiques, en pourcentage du PIB

Note : Si le comportement budgétaire antérieur prévaut, il n’existe pas de solution avec un taux d’intérêt fini pour calculer la l imite d’endettement en ce qui concerne la Grèce, l’Irlande, l’Islande, le Japon, le Portugal, la Slovénie et l’Espagne ; il n’y a pas non plus de niveau d’endettement stable aux taux d’intérêt actuels en Grèce et au Portugal.

Source : Calculs de l’OCDE.

La limite d’endettement basée sur les taux d’intérêt de marché constitue un plafond, car elle ne tient pas compte de la hausse du taux d’intérêt au fur et à mesure que la dette approche sa limite. C’est pourquoi elle est supérieure à la limite d’endettement calculé sur un taux d’intérêt modélisé, qui prend en compte la spirale entre taux d’intérêt et dette.

Toutefois, la limite est une cible mouvante puisqu’elle peut être atteinte rapidement si un pays perd la confiance des marchés, ou si les conditions macroéconomiques changent brusquement (avec une variation du taux de la croissance potentielle ou de l’ampleur des chocs, par exemple). Toute cible de dette doit donc lui être inférieure en raison du caractère incertain de l’hypothèse sous-jacente (concernant le taux de croissance à long terme, par exemple) et parce que le risque d’une envolée du taux d’intérêt justifie une marge de précaution substantielle.

Les mécanismes ci-après illustrent bien le risque de voir disparaître la marge de manœuvre budgétaire (« l’espace budgétaire ») :

Les limites d’endettement estimées dépendent énormément du comportement budgétaire passé : une dégradation du solde non seulement fait augmenter la dette publique, mais abaisse la limite d’endettement.

Une accentuation de l’écart entre le taux d’intérêt sans risque et le taux de croissance potentiel, qui soit plausible au regard des évolutions passées, pourrait forcer un gouvernement à modifier son comportement budgétaire pour rester sur une trajectoire tenable. Une hausse (une baisse) de la croissance potentielle élève (abaisse) la limite d’endettement. Une hausse d’un point de pourcentage l’élève de quelque 25 points de PIB. Dans l’hypothèse d’une nette baisse permanente de la croissance potentielle, non accompagnée d’une diminution comparable du

0

50

100

150

200

250

300

350

Pour cent du PIB Dette brute en 2013 Limite d’endettement (taux d’intérêt modélisé) Limite d’endettement (taux d’intérêt courant)

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taux d’intérêt sans risque, la marge d’action budgétaire pourrait aussi disparaître, sauf changement de comportement des autorités. Fournier et Fall (2015) indiquent des limites d’endettement pour différentes combinaisons du différentiel taux d’intérêt/croissance potentielle.

Les comportements budgétaires des pays très endettés diffèrent. Ainsi, ceux qui subissent la pression des marchés (par exemple, les pays de la zone euro) doivent dégager des excédents primaires, mais ceux qui y échappent (comme le Japon) peuvent même augmenter leur déficit primaire alors que leur dette est déjà très élevée.

3.2. Le niveau d’endettement qui maximise la croissance

En s’inspirant des travaux initiaux d’Aschauer (2000), Checherita-Westphal et al. (2014) ainsi que Strasky (2015) emploient un modèle de croissance simple avec capital privé et public pour illustrer le rôle et l’ampleur de la dette publique dans une perspective à long terme. La principale hypothèse est que les dépenses publiques suivent la « règle d’or », en vertu de laquelle la dette sert exclusivement à financer des investissements, alors que les impôts financent les dépenses courantes. À long terme (à l’état stationnaire), il existe un ratio constant capital public/capital privé qui maximise la croissance. En vertu de la « règle d’or », le stock optimal de capital public est égal à long terme à l’encours de la dette publique.

Selon ce modèle, la « règle d’or » a pour corollaire une corrélation non linéaire entre le ratio optimal stock de capital public/stock de capital privé et le ratio dette/PIB optimal :

𝑏∗ = 𝜑∗(1−𝛼) = (𝛼

(1−𝛼)2)1−𝛼

où 𝑏∗ est le ratio dette/PIB optimal, 𝜑∗ le ratio optimal stock de capital public/stock de capital privé et α l’élasticité de la production au capital public.

Dans ces conditions, l’estimation de l’élasticité de la production au capital public et l’hypothèse de la « règle d’or » permettent de comparer le ratio effectif dette publique/PIB à une simple valeur de référence à long terme.

De nouvelles données empiriques laissent penser que l’élasticité de la production au capital public est de 0,23 dans 22 pays de l’OCDE et d’un peu plus de 0,26 dans 11 pays de la zone euro (Strasky, 2015)

3.

Avec ces valeurs, le rendement de l'investissement public est un peu plus élevé dans les pays de la zone euro que dans les 22 pays de l'OCDE, d'où un stock de capital public supérieur à long terme. À l’inverse, les résultats de Checherita-Westphal et al. (2014) indiquent un moindre rendement du capital public en Europe, et donc un stock de capital public optimal plus bas que dans la moyenne des pays de l’OCDE.

Dans de nombreux pays de l’OCDE, le niveau d’endettement optimal est bien inférieur au ratio effectif dette/PIB (tableau 2). La principale conclusion de cet exercice est que le niveau d’endettement maximisant la croissance se situe entre 50 et 80 % du PIB. Toutefois, ces résultats doivent être interprétés avec prudence : d’abord, ils reposent sur une hypothèse audacieuse à propos du financement de la dette (la « règle d’or ») ; ensuite, il n’est pas évident que le financement de l’investissement public par la dette soit la meilleure option, comme l’affirme la « règle d’or ».

3. Les estimations spécifiquement nationales de l’élasticité de la production ne sont pas significatives dans la

moitié des pays. Cela est probablement dû à la petite taille des échantillons par pays.

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Tableau 2. Estimations du ratio dette à long terme/PIB qui maximise la croissance

OCDE à 22 UE à 14 Zone euro à 11

Checherita-Westphal et al. 65.5

[50;81]

63.5

[45;82]

49.6

[27;72]

Strasky, compte tenu du stock de capital immobilier

48.9

[24.5;73.2]

49.9

[22.2;77.5]

55.9

[20.1;91.7]

Strasky 65.1

[42.0;88.2]

72.9

[46.3;99.5]

83.7

[47.9;119.5]

Note : Strasky, J. (2015), « Public Capital Stock and the Debt-to-GDP Ratios in 22 OECD Countries », Documents de travail du Département des affaires économiques de l’OCDE, à paraître ; Checherita-Westphal, C., A. H. Hallett et P. Rother (2014), « Fiscal Sustainability Using Growth-maximizing Debt Targets », Applied Economics, Vol. 46(6), pp. 638-647 emploient une méthodologie d’estimation différente. Les limites de l’intervalle de confiance sont entre parenthèses.

3.3. L’efficacité de la politique budgétaire pour stabiliser l’économie

L’incidence de la dette publique sur l’économie a été surtout analysée sous l’angle des effets sur la production de changements de la politique budgétaire. Elle est mesurée au moyen des multiplicateurs budgétaires, qui montrent les conséquences pour l’activité économique de la modification d’un instrument budgétaire.

Les études empiriques consacrées à l’importance des multiplicateurs ne sont pas concluantes, car les multiplicateurs ne sont pas les mêmes selon que l’on privilégie les dépenses ou les impôts, que les changements de politique sont temporaires ou permanents, que la stimulation intervient dans une bonne ou une mauvaise conjoncture, que des contraintes de liquidité affectent ou non de nombreux ménages et selon la politique monétaire, la crédibilité du gouvernement et de nombreux autres facteurs (Galí et al. (2007) ; Auerbach et Gorodnichenko (2012) ; Blanchard et Leigh (2013) ; Ramey (2011)).

Le degré d’endettement influe aussi sur l’efficacité de la politique budgétaire. Röhn (2010) donne un aperçu général des études récentes sur l’équivalence ricardienne. La compensation des changements de la politique budgétaire par l’épargne privée est plus grande à long qu’à court terme. Toutefois, les estimations des différentes études divergent énormément. Celles de la compensation par l’épargne privée dans les pays de l’OCDE vont de 0,1 à 0,5 à court terme et d’environ 0,3 à pas moins de 0,9 à long terme.

Les estimations de l’OCDE, qui tiennent compte de l’hétérogénéité des pays, font ressortir une compensation moyenne par l’épargne de 40 % tant à court qu’à long terme (Röhn, 2010). Mais on note de très grandes différences entre les pays. Globalement, les résultats vont à l'encontre d'une version stricte de l'équivalence ricardienne à long terme (compensation intégrale). En outre, il arrive que la compensation soit non linéaire. La compensation par l’épargne s’accentue lorsque le montant de la dette publique devient proche de quelque 75 % du PIB.

Plus récemment, Nickel et Tudyka (2014) concluent de l’examen d’un échantillon de 17 pays européens que les réactions de la production aux chocs sur les dépenses publiques ne sont nullement linéaires. Ils constatent que leur effet total cumulé sur le PIB est positif avec des ratios dette/PIB modérés, mais devient négatif avec des ratios dépassant une fourchette de 65 à 70 %.

Cette incidence non linéaire de la relance budgétaire est aussi confirmée par Turner et Spinelli (2013), qui montrent que l'effet sur le taux d'intérêt d'augmentations marginales de la dette extérieure ou publique est non linéaire et dépend du montant de cette dette. Ainsi, les taux d’intérêt ont vivement progressé au cours de la période postérieure à la crise dans les pays de la zone euro dont la dette extérieure et la dette publique sont élevées.

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3.4. Quand la dette publique influence-t-elle la croissance?

Une dette publique élevée ne fait pas que réduire l’efficacité de la relance budgétaire, elle peut aussi freiner la croissance. Selon Reinhart et Rogoff (2010), au-dessus de 90 % du PIB la dette publique a une incidence négative sur la croissance ; cette conjecture a déclenché une vague d’études empiriques consacrées à la corrélation éventuelle entre dette et croissance. Certaines d’entre elles, comme celles de Kumar et Woo (2010) ainsi que de Cecchetti et al. (2011), trouvent des preuves de non-linéarité, un endettement élevé étant plus préjudiciable à la croissance. Ainsi, Cecchetti et al. (2011) constatent un effet négatif au-delà d’une fourchette allant de 80 à 100 % du PIB. Baum et al. (2012), dont l’étude porte sur 12 pays de la zone euro, estiment qu’un ratio dette/PIB supérieur à 95 % nuit à l’activité économique. Ils constatent également une tension accrue sur le taux d’intérêt à long terme lorsque le ratio dette publique/PIB dépasse 70 %.

Toutefois, des travaux de l’OCDE montrent que la corrélation non linéaire universelle entre dette publique et croissance n’est pas robuste (Égert, 2013). Pour la dette de l’ensemble des administrations publiques, le seuil à partir duquel l’effet négatif sur la croissance se manifeste se situe à quelque 50 % du PIB et on observe une grande hétérogénéité entre les pays. Par ailleurs, Afonso et Alvés (2014) trouvent des seuils différents pour la corrélation dette/croissance dans certains pays de l’UE.

Enfin, Chuddik et al. (2013) estiment les effets à long terme avec des données de panel hétérogènes dynamiques, en tenant compte de l’éventualité d’un rapport de causalité de sens contraire. Ils montrent que certaines économies ont connu des difficultés liées à la dette et une croissance médiocre à des niveaux d’endettement relativement bas, alors que d’autres ont pu rester très endettés pendant de longues périodes et croître fortement sans être incapables de rembourser. Ils ne trouvent pas d’effet de seuil universel dans la corrélation entre dette et croissance. Toutefois, il existe un effet de seuil statistiquement significatif dans les pays dont le ratio dette/PIB augmente. La trajectoire de la dette semble plus importante que le niveau lui-même.

Au total, il y a de bonnes raisons de croire que le rapport de causalité entre augmentation de la dette publique et affaiblissement de la croissance va dans les deux sens, et les études empiriques ne débouchent sur aucune conclusion ferme sur ce point (Panizza et Presbitero, 2014).

4. La définition de cibles d’endettement

Cette section résume les données internationales concernant l’effet de la dette sur l’économie et présente des seuils d’endettement en distinguant trois catégories : les économies avancées ayant une politique monétaire autonome, les pays de la zone euro et les pays à bas revenu. Elle examine aussi des facteurs de risque difficiles à quantifier. Enfin, des simulations stochastiques indiquent le degré de prudence nécessaire pour avoir une certaine probabilité d’atteindre une cible d’endettement donnée.

4.1. Déterminer un seuil d’endettement : les données internationales

D’un examen des données internationales probantes sur les liens entre dette publique et activité économique, on peut tirer les conclusions suivantes:

À des niveaux modérés, la dette publique favorise le fonctionnement des marchés financiers internes en procurant un actif sûr négociable sur un marché très liquide. Il est difficile de préciser l’ampleur de cet effet positif et de dire à quel moment les rendements décroissent.

La dette joue aussi un rôle positif lorsqu’elle finance des infrastructures publiques, mais seulement jusqu’à un certain niveau. L’analyse laisse penser qu’il se situe entre 50 et 80 % du PIB dans les pays de l’OCDE.

Les estimations empiriques, certes controversées, des effets non linéaires de la dette sur la croissance montrent qu’ils deviennent probablement négatifs pour des ratios dette publique/PIB compris entre 80 et 100 % du PIB.

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Röhn (2010) démontre que plus la dette est élevée, plus l’épargne privée compense les stimulants budgétaires, le point de basculement étant estimé à quelque 75 % du PIB. En outre, Nickel et Tudyka (2014) constatent que l’incidence globale (à court et à long terme) de chocs budgétaires devient négative au-delà de ratios de dette de 65 à 70 %.

Les limites de la viabilité sont difficiles à déterminer, mais élevées dans de nombreux pays. L’exemple du Japon montre que certains pays peuvent rester durablement très endettés sans susciter de réaction négative des marchés ; en effet, l’économie japonaise se caractérise par un taux d’épargne des ménages élevé, un faible financement extérieur et un montant important d’actifs financiers extérieurs. Il ressort de l’exercice d’estimation des limites en matière budgétaire qu’un pays ne peut vivre avec un très fort endettement qu’aussi longtemps que les taux d’intérêt sont faibles et que les marchés sont très confiants à son égard, ce qui incite à croire qu’un tel équilibre risque fort de devenir instable. Comme les limites d’endettement dépendent de la situation économique, les pays doivent s’efforcer d’éviter leur seuil de défaut.

Les économies avancées

Au total, ces estimations aboutissent à une fourchette de seuils de dette brute dans laquelle les effets négatifs commencent à dominer, qui va de 70 à 90 % du PIB dans les pays à revenu élevé, sachant qu’il faut tenir compte de l’exposition à des facteurs de risque particuliers tels que l’endettement extérieur, la fragilité des banques, etc. (voir ci-après)

4.

On peut tirer différentes leçons d’une comparaison de l’expérience récente avec les crises antérieures de la dette dans les pays en développement et émergents. En premier lieu, le phénomène d’intolérance à l’endettement qui s’est manifesté dans la deuxième catégorie de pays à de bas niveaux d’endettement pourrait aussi toucher des pays avancés, mais à des niveaux d’endettement supérieurs. Une situation de crise se caractérise par un cercle vicieux de perte de confiance des marchés, de hausse des taux d’intérêt sur la dette publique et de difficultés à en assurer le service, ce qui peut éventuellement mener à une défaillance ou à une restructuration. C’est clairement le scénario qui s’est produit dans la zone euro –en Grèce – et qui a eu des effets de contagion. En second lieu, le financement de la dette de certains pays avancés dépendant de plus en plus d’entrées de capitaux et des marchés internationaux, ils sont plus vulnérables à des événements mondiaux pouvant inverser les mouvements de capitaux et ébranler la confiance des marchés. Enfin, dans les économies avancées, les risques budgétaires sont liés à des crises des marchés financiers d’origine interne ou externe.

Les récents événements semblent indiquer que les seuils d’endettement de la zone euro sont inférieurs à ceux des autres pays avancés de l’OCDE en raison de la contrainte que représente l’absence de politique monétaire nationale. La situation dans les pays à structure fédérale est éclairante pour les membres d’une union monétaire. Dans ces États fédéraux, il existe deux facteurs de rééquilibre. D’une part, l’intégration économique et monétaire poussée peut permettre d’absorber des chocs, comme on le voit dans de grands pays à structure fédérale comme le Canada, l’Allemagne et les États-Unis (Hepp et von Hagen, 2009, ou Carlino et Inman, 2013). D’autre part, on peut conclure de la réaction des marchés financiers à des crises intervenant dans de petites entités infranationales que même des incidents mineurs peuvent s’avérer très perturbateurs ; cela tend à valider l’argument selon lequel la contagion est une menace très sérieuse dans une économie intégrée (Blöchliger, 2013). L’effet net d’une intégration qui répartit les risques et d’une contagion qui en crée devrait inciter les pays de la zone euro à fixer des objectifs de dette prudents ; en effet, les capitaux se déplacent librement dans la zone euro, générant des risques de contagion, alors que l’intégration bien moindre des marchés du travail et des produits a pour conséquence que l’ajustement aux chocs est plus difficile et plus long que dans les États à structure fédérale arrivés à maturité. On peut conclure de ces considérations que le seuil d’endettement de la zone euro se situe entre 50 et 70 % du PIB, bien qu’il soit difficile de déterminer le « juste » chiffre.

4. La détermination de cette fourchette de seuils d’endettement n’est pas fondée sur une méta-analyse

exhaustive de toutes les études et les divers liens entre dette et activité économique ne sont pas pondérés.

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Économies émergentes

Les pays en développement et émergents ont tendance à faire défaut à des niveaux d’endettement relativement faibles. Parmi les défaillances citées par Reinhart et Rogoff (2009) pendant la période 1970-2008, plus de la moitié se sont produites à des niveaux inférieurs à 60 %. Il est frappant que les engagements représentaient en moyenne 230 % des exportations et une proportion notable des recettes publiques. C’est le signe qu’il existait deux faiblesses : d’abord, l’endettement ne correspondait plus au montant des exportations nécessaire pour dégager les devises permettant d’assurer le service de la dette extérieure ; ensuite, la capacité des États à collecter des recettes était limitée, ce qui était l’indice de déficiences institutionnelles.

Les facteurs de vulnérabilité tiennent également à l’environnement mondial. Comme le font remarquer Reinhart et Rogoff (2009), les points hauts et bas des cycles des prix des produits de base se révèlent être des indicateurs avancés de ces mêmes points dans le cycle des mouvements de capitaux, les points bas se traduisant en général par de multiples défaillances. On peut en conclure que les pays qui connaissent soudain d’abondantes entrées des capitaux risquent fort de subir une crise de leur dette souveraine

5.

Les grandes crises financières sont souvent un facteur essentiel des défaillances des États. La conjonction de faillites bancaires et d’une récession peut déclencher une crise de la dette souveraine. Arellano et Kocherlakota (2008) constatent une corrélation positive entre le risque de défaillance du secteur privé interne et celui d’une défaillance de l’État. De plus, les défaillances sur la dette souveraine vont souvent de pair avec un grand nombre de défaillances internes, par exemple des faillites bancaires. Reinhart et Rogoff (2011) confirment aussi l’existence d’un lien entre difficultés du secteur financier interne et crises de la dette souveraine.

Depuis les crises financières et les crises de la dette des années 1990, les économies émergentes et les économies de l’OCDE à bas revenu ont amélioré leur gestion budgétaire. Grâce à ces progrès et à une accélération de la croissance, elles ont mieux traversé la crise récente et moins souffert de problèmes sur la dette souveraine. Il est vrai que la plupart d’entre elles sont peu endettées, à l’exception du Brésil et de l’Inde, dont les ratios de dette dépassent 60 %. Les finances publiques sont moins vulnérables aux évolutions extérieures grâce à la faiblesse de l’endettement extérieur de ces économies (moins de 10 % en moyenne du PIB) et à la progression de leurs réserves de change, dont le montant est en général égal ou même supérieur à l’endettement extérieur (tableau 3).

Dans certains pays, toutefois, des risques élevés pèsent sur les finances publiques. Ainsi, le Brésil est fortement exposé aux futures dépenses publiques de retraite en raison de l’indexation des pensions sur un salaire minimum en forte hausse dans un contexte de vieillissement rapide de la population. L’État indien est exposé à des risques sur les entreprises publiques, tandis que le secteur financier paraît faible (tableau 3). Les budgets de plusieurs pays (Colombie, Mexique et Russie) sont très exposés à des chocs défavorables sur les prix du pétrole.

En outre, dans la plupart de ces pays, le secteur financier et le taux de change s’avèrent très sensibles aux changements de la politique monétaire des pays avancés, en particulier les mesures non conventionnelles prises aux États-Unis et leurs effets sur le dollar. L’instabilité encore élevée des mouvements de capitaux montre que, malgré l’amélioration de leurs performances, ces pays demeurent vulnérables. Les économies émergentes restent sous la menace de l’intolérance à la dette. Selon Reinhart et Rogoff (2011), lorsque la dette extérieure d’une d’entre elles dépasse 30 à 35 % du PIB, le risque d’un incident de crédit commence à augmenter sensiblement. De ce fait, la marge de manœuvre budgétaire est bien moindre que dans les économies avancées, alors même que le besoin d’investissements en infrastructures est grand. Si l’on tient compte des divers facteurs de risque, notamment de la dette extérieure, du montant des réserves de change, du différentiel prévisible entre taux d’intérêt et taux de croissance ainsi que de l’arrivée à maturité des systèmes de santé et de retraite, le seuil d’endettement des économies émergentes se situe probablement dans une fourchette de 30 à 50 % du PIB.

5. Aguiar et Amador (2013) décrivent les différents canaux qui aboutissent à des défaillances sur la dette

souveraine.

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Tableau 3. Performance budgétaire et indicateurs de risque budgétaire dans les économies émergentes et à bas revenu1

Indicateur Chili Colombie Mexique Turquie Brésil Russie Inde Indonésie Chine Afrique du

Sud

Indicateurs de performance Solde financier (% du PIB)

-3.4 -2.44 -0.3 -0.8 -3.3 -0.5 -7.9 -2.2 -0.7 -6.1

Solde primaire (% du PIB)

0.2 0.8 -0.5 0.8 1.9 0.3 -3.8 -1.4 -1.5 -1.8

Charges d’intérêts (% des recettes)

2.7 9.5 9.2 21.7 1.8 24.9 10.9 3.3 9.6

Dette (% du PIB) 11.1 32.0 43.5 35.5 67.2 10.4 66.4 23.6 21.3 42.7 Dette extérieure (% du PIB) 2.1 9.4 16.4 10.8 2.8 2.9 4.0 13.1 n.a. 14.8

Indicateurs de risque budgétaire Entreprises publiques (indicateur RMP)

2.24 2.3 2.59 3.55 2.68 3.94 4.50 n.a. 4.15 3.39

Termes de l’échange (volatilité)2 0.128 0.068 0.022 0.032 0.055 0.154 0.019 0.046 0.048 0.034

Prêts improductifs (par rapport au total des prêts bruts (%))

2.1 2.8 3.2 2.6 2.9 6.0 3.8 1.7 1.0 3.6

Ratios fonds propres/actifs (%) des banques

8.1 14.8 10.4 10.9 9.3 11.5 6.9 12.5 6.7 7.9

Fonds propres réglementaires/actifs pondérés des risques (%)

13.3 17.0 15.6 15.3 16.1 13.5 12.3 19.8 12.2 15.6

Futures dépenses publiques de retraites (augmentation en points de PIB 2010-2030)

n.d. n.d. 1.1 4.1 7.3 0.4 n.d 1.2 0.4 0.2

Futures dépenses publiques de santé et de dépendance (augmentation en points de PIB 2010-2030)

3.2 n.d. 2.8 2.7 2.4 1.7 1.6 2.0 2.1 1.5

Différentiel taux d’intérêt croissance (%) anticipé3 0.1 1.5 -0.2 0.2 2.4 -1.2 -4.5 -5.2 -7.7 -2.1

Réserves de change (% du PIB)

14.1 10.9 13.3 13.3 15.5 21.6 14.2 10.6 40.7 11.9

Taux de change (volatilité) 0.06 0.08 0.07 0.08 0.11 0.09 0.07 0.07 0.03 0.11

1. Les données correspondent aux comptes des administrations publiques en 2013 ou à la dernière année disponible. 2. On calcule la volatilité des termes de l’échange et du taux de change comme étant l’écart-type des variations annuelles en pourcentage pendant la période 2004-2013. 3. Projections 2013-18 du FMI. 4. Gouvernement central

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4.2. La dette et la vulnérabilité des pays à des facteurs et à des risques spécifiques

Les risques budgétaires dus à des engagements conditionnels explicites et implicites sont examinés dans Bloch et Fall (2015). Les pays sont aussi exposés à d'autres risques spécifiques, dont il est souvent difficile de quantifier la prévalence et l'importance. Il convient pourtant de tenir compte des uns et des autres en formulant la cible prudente d’endettement.

Endettement total et évolution du prix des actifs

Un endettement total élevé peut rendre vulnérable à des chocs en exposant les ménages et les entreprises, mais aussi les États, à un non appariement en matière d’échéances, de change et de liquidité ainsi qu’à d’éventuels problèmes de solvabilité (Sutherland et Hoeller, 2012). En outre, il rend une économie sensible aux variations des prix d’actifs, ce qui est de nature à amplifier les chocs et l’instabilité macroéconomique. Le fait que la dette publique s’élève habituellement après le déclenchement d’une récession laisse penser qu’il y a redistribution de l’endettement entre les bilans. Ce point est confirmé dans la présentation récente par le FMI (2014) de l’aide des États au secteur financier. De l’éclatement de la crise jusqu’au début de 2014, l’effet net de cette aide sur la dette publique brute a été de 24 % en Grèce et de 33 % en Irlande. Toutefois, l’incidence d’une crise financière sur la dette publique ne découle pas principalement du coût des renflouements de banques mais de la forte contraction des recettes fiscales due à la gravité de la récession, ainsi que des effets d’hystérésis consécutifs à la profondeur de la crise (Reinhart et Rogoff, 2009 ; Ollivaud et Turner, 2014).

La vulnérabilité des budgets à l’évolution des secteurs de la finance et du logement peut être mesurée en partie par les effets des cycles des prix d’actifs. Price et Dang (2011) constatent la grande sensibilité des budgets de certains pays aux cycles des prix des logements, qui peut expliquer des fluctuations du solde allant jusqu’à 3 % du PIB dans les deux sens, notamment en Irlande, aux Pays-Bas et en Espagne. Les cycles des cours des actions ont en général une moindre incidence dans la quasi-totalité des pays (sauf la Corée et l’Australie). Turner (2006) étudie l’influence des prix des produits de base sur le solde budgétaire en Australie. Dans les pays très dépendants de l’exportation de certains produits de base, le risque existe que la formation de bulles sur ces prix et les retournements de tendance influent énormément sur la situation budgétaire et donc sur la dette publique.

Fiscalité

Une lourde fiscalité réduit les possibilités de réaction à une poussée de la dette. Parmi les pays dont le ratio dette/PIB dépasse 100 %, c’est en France, en Belgique et en Italie que les recettes publiques courantes sont les plus élevées, avec près de 50 % du PIB ou davantage. Aux États-Unis et au Japon, en revanche, le ratio de dette est également élevé mais les recettes des administrations représentent moins de 35 % du PIB. Il est plus facile à ces pays d’augmenter les impôts pour réduire la dette qu’à ceux où ils sont déjà élevés ; le Japon a d’ailleurs commencé à majorer le taux de TVA dans le but de freiner l’envolée de la dette publique.

Vieillissement démographique

Le vieillissement démographique devrait s’accélérer dans les prochaines années, le taux de vieillissement (population d’âge actif/population de plus de 65 ans) devant passer de 4,2 actuellement à 2,1 en 2050, en moyenne, dans l’OCDE. Cette évolution démographique est particulièrement préjudiciable aux systèmes de retraite. Elle affecte également les dépenses de santé, quoique à un degré moindre avec le rôle prépondérant du progrès technologique dans le domaine de la santé, mais elle a une forte incidence sur le financement de la dépendance. Les tensions sur les dépenses publiques de santé et de retraite pourraient être considérables dans de nombreux pays de l’OCDE (Fall et al., 2014). Il faut réformer les systèmes de retraite pour assurer leur viabilité et rechercher des gains d’efficience dans les systèmes de santé. Les tensions résiduelles futures devront être financées en trouvant des ressources supplémentaires ou en coupant dans d’autres postes de dépenses publiques.

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Composition de la dette publique

La composition de la dette publique peut également avoir des incidences macroéconomiques (Lojsch et al., 2011). Dans les économies avancées, par exemple, la courbe de rendement des obligations d’État sert de référence à la tarification des obligations émises dans le secteur privé. La structure des échéances de la dette publique affecte la courbe de rendement et partant, les conditions de financement du secteur privé, avec de possibles effets d’éviction (Bloch et Fall, 2015). De même, compte tenu de la forte proportion de la dette à court terme, les autorités peuvent être vulnérables à un relèvement des taux monétaires. Comme l’a montré la récente crise de la zone euro, certains pays (Espagne, Portugal) ont dû faire face à de fortes hausses des taux d’intérêt, qui ont sérieusement renchéri le coût de refinancement de leur dette. Aussi l’échéance de la dette importe-t-elle pour l’analyse de viabilité, mais ses effets sont fonction de la variation des taux d’intérêt et la gestion stratégique de la dette n’est pas facile à calibrer.

Une forte exposition à des détenteurs non-résidents de la dette publique peut rendre vulnérable et aboutir à des crises, surtout dans les économies émergentes. Mais elle joue aussi un rôle dans les économies avancées. Les pays de la zone euro recourent plus au financement extérieur de leur dette que les autres (graphique 8). Or, comme on l’a constaté pendant la récente crise, l’intégration n’empêche pas de soudaines sorties de capitaux ou une envolée des taux des emprunts d’État, qui peuvent entraîner une crise de la dette.

Graphique 8. La dette brute des administrations publiques et sa composante extérieure

Note : La dette extérieure est la fraction de la dette des administrations publiques détenue par des non-résidents (elle peut être libellée en monnaie locale ou en devises). On entend par « dette publique brute » les engagements financiers bruts des administrations publiques.

Sources : Base de données du site conjoint sur la dette extérieure, consultée le 22 septembre 2014 ; base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, consultée le 9 octobre 2014.

Lorsque la dette est libellée en devises, les États s’exposent à des risques de change qui peuvent avoir une incidence sur son coût. Qui plus est, le taux d’intérêt est plus sensible au niveau de la dette si

AUS

AUT

BEL

CAN

CHE

CZE

DEU

DNK

ESP

EST

FIN

FRA

GBR

GRC

HUN

IRL

ISL

ISR

ITA

JPN

KOR

LUX

NLD

NOR

NZL

POL

PRT

SVK

SVN

SWE

USA

0

20

40

60

80

100

120

140

160

0 50 100 150 200 250

Dette publique brute en % du PIB

Dette publique détenue par des non-résidents en % du PIB

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26 DOCUMENTS D’ORIENTATION DU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, N° 15 © OCDE 2015

une plus forte proportion de celle-ci est émise en devises (Fall et Fournier, 2015), ce qui peut s’expliquer par l’absence d’un prêteur de dernier ressort pour cette dette en devises. Pour autant, le risque de change est réduit pour la plupart des pays de l’OCDE. Le graphique 9 montre que pour les pays pour lesquels on dispose de données, la dette en devises représente plus de 20 % de la dette totale dans quatre pays seulement, à savoir la Hongrie, le Mexique, la Pologne et la Suède. Toutefois, pour les pays détenant d’importants actifs (Suède) ou réserves de change (Hongrie), l’incidence nette de la composition de la dette n’apparaît pas clairement.

Graphique 9. Décomposition de la dette publique en fonction de son libellé en monnaie locale ou en devises dans certains pays de l’OCDE

Quatrième trimestre 2013

Source : Base de données trimestrielles du FMI sur la dette du secteur public, consultée le 23 septembre 2014.

4.3. Définition d’une cible prudente d’endettement par simulation stochastique

Une cible prudente d’endettement doit tenir compte des incertitudes (chocs macroéconomiques) entourant l’évolution de la dette. Pour éviter autant que possible de manquer la cible de dette, ce qui pourrait nuire à la crédibilité, il convient aussi de fixer un objectif prudent aux futurs déficits budgétaires. On effectue une analyse stochastique de la dette afin de chiffrer le degré d’incertitude de l’évolution des principales variables macroéconomiques, et donc de la dynamique de la dette, dont on se sert ensuite pour définir une cible prudente d’endettement (encadré 3).

0

20

40

60

80

100

Pour cent Dette en devises Dette en monnaie nationale

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Les simulations stochastiques permettent de produire des graphiques en éventail qui indiquent l’évolution future de la dette. Fall et Fournier (2015) en présentent de tels graphiques pour les États-Unis. Elles peuvent aussi servir à évaluer le risque d’atteindre un certain seuil d’endettement et à calculer la marge de précaution nécessaire pour que des chocs macroéconomiques néfastes ne fassent pas franchir le niveau à partir duquel la dette devient préjudiciable à l’activité économique. En pratique, il est possible

Encadré 3. Simulation de l’effet de chocs sur la dette publique

On utilise sept équations pour simuler conjointement six variables et la dynamique de la dette publique. Ces variables sont le taux de croissance 𝑔𝑖𝑡 du pays i pendant l’année t, le taux d’inflation mesuré par le déflateur du PIB

𝜋𝑖𝑡, le taux d’intérêt nominal au jour le jour 𝑟𝑖𝑡𝑠 , le taux d’intérêt nominal à long terme 𝑟𝑖𝑡

𝑙 , le solde primaire 𝑃𝐵𝑖𝑡, et le

solde primaire structurel 𝑃𝐵𝑖𝑡𝑠𝑡.

Le modèle comprend trois équations déterministes et quatre équations stochastiques estimées, qui donnent les principaux coefficients pour les simulations. La première équation déterministe est la fonction de réaction budgétaire, qui reflète le comportement antérieur de l’État tel qu’il ressort de l’estimation de référence donnée dans Fall et Fournier (2015). La dynamique d’accumulation de la dette publique est calculée au moyen d’une équation qui tient compte de la proportion devant être refinancée chaque année. Le solde structurel est défini comme le solde primaire minoré d’à peu près 0,4 fois l’écart de production, conformément aux estimations de l’incidence du cycle conjoncturel sur le solde primaire dont fait état Sorbe (2012). Quatre équations stochastiques appréhendent les chocs à court terme sur la croissance, l’inflation, la politique monétaire et les taux d’intérêt à long terme :

(1) 𝑔𝑖𝑡 = 𝛽1,1𝐺𝐴𝑃𝑖𝑡−1 + 𝛽1,2(𝑟𝑖𝑡−1𝑙 −𝜋𝑖𝑡−1) + 𝛽1,3∆𝑃𝐵𝑖𝑡

𝑠𝑡 + 𝛽1,4∆𝑃𝐵𝑖𝑡𝑠𝑡1𝑡≥2009 + 𝛽1,5∆𝑃𝐵𝑖𝑡

𝑠𝑡1𝑡≥2009 + 𝛽1,6𝑒𝑚𝑢𝑖𝑡1𝑡≥2009 +

𝛽1,7∆𝑃𝐵𝑖𝑡𝑠𝑡𝐺𝐴𝑃𝑖𝑡−1 + 𝛽1,8𝐺𝐴𝑃𝑖𝑡−11𝑡≥2009 + 𝑢1,𝑖 + 𝛼1,𝑡 + 𝜀1,𝑖𝑡

(2) πit = β2,1

πit−1 + β2,2

πit−2 + β2,3

πit−3 + β2,4

GAPit−1 + u2,i + α2,t + ε2,it

(3) 𝑟𝑖𝑡𝑠 = 𝛽3,1𝐺𝐴𝑃𝑖𝑡−1 + 𝛽3,2(𝜋𝑖𝑡−1 − 𝜋𝑡𝑎𝑟) + 𝑢3,𝑖 + 𝛼3,𝑡 + 𝜀3,𝑖𝑡

(4) 𝑟𝑖𝑡𝑙 = 𝛽4,1𝑟𝑖𝑡

𝑠 + 𝛽4,2𝑔𝑖𝑡−1 + 𝛽4,3𝜋𝑖𝑡−1𝑐 + 𝛽4,4𝐷𝑖𝑡−1 + 𝛽3,5𝑒𝑚𝑢𝑖𝑡𝐷𝑖𝑡−1 + 𝑢4,𝑖 + 𝜀4,𝑖𝑡

où 𝑒𝑚𝑢𝑖𝑡 est une variable muette égale à 1 pour les pays membres de la zone euro (UEM), 𝜋𝑡𝑎𝑟 est la cible

d’inflation de la Banque centrale, censée être égale à 2, et 𝜋𝑖𝑡𝑐 représente l’inflation sous-jacente. 𝑢𝑖 et 𝛼𝑡 sont les

effets fixes pays et années, tandis que 𝜀1,𝑖𝑡, 𝜀3,𝑖𝑡 et 𝜀4,𝑖𝑡 sont soumis à une régression AR(1) et 𝜀2,𝑖𝑡 est un terme

d’erreur de type bruit blanc.

On combine les résidus nationaux de chacune de ces équations avec les révisions de l’écart de production et l’effet fixe temporel de la première équation pour appréhender quatre chocs à court terme spécifiquement nationaux, un choc spécifiquement national sur la production potentielle et un choc commun sur la croissance. Les chocs sont tirés conjointement à partir de la covariance estimée des résidus de ces équations.

Les simulations sont exécutées avec la dette brute. Le mécanisme est le même si on la remplace par la dette nette. Le niveau d’endettement est sensiblement modifié quand les États disposent d’actifs financiers importants, le solde primaire nécessaire pour maintenir l’endettement à un niveau prudent étant alors moindre (voir Fall et Fournier, 2015 pour un exemple de la dynamique de dette nette). Toutefois, les simulations opérées avec la dette nette ne tiennent pas compte des incertitudes liées aux changements de valorisation des actifs financiers.

Les pays diffèrent dans leur situation initiale, l’importance des chocs et du potentiel de croissance à long terme, tandis que les effets fixes pays rendent compte de l’hétérogénéité structurelle. Deux caractéristiques rendent compte des spécificités de la zone euro. En premier lieu, le taux d’intérêt à court terme, qui est le même pour tous, est fixé sur la base de l’écart de production moyen et de l’inflation moyenne. En second lieu, le taux d’intérêt à long terme est plus réactif à la dette publique dans la zone euro. Cette seconde caractéristique traduit le comportement du marché, tel qu’observé, et rend compte d’une conviction différente quant à la capacité de la Banque centrale d’agir comme prêteur en dernier ressort et d’un risque accru de restructuration de la dette lorsqu’il n’est pas possible de dévaluer la monnaie.

Compte tenu de leur haut niveau d’endettement, de nombreux pays de l’OCDE doivent mener simultanément des politiques d’assainissement de leurs finances publiques. Les réactions en chaîne négatives entre pays peuvent être notables pendant la période de transition menant chaque pays vers un solde primaire plus confortable (Mendoza et al., 2014), mais ne sont pas examinées dans la présente simulation.

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d’y parvenir en limitant suffisamment la probabilité que la dette dépasse ce seuil. Le présent modèle calcule la probabilité que la dette dépasse 85 % du PIB dans les pays de l’OCDE non membres de la zone euro et 65 % dans ceux qui en sont membres. La cible prudente d’endettement est le niveau médian en 2040 tel que le risque de dépasser le seuil d’endettement (ratio de 85 % ou de 65 %) est inférieur à 25 % ; on calcule également la trajectoire de déficit budgétaire correspondante (voir aussi Guillemette, 2010). Les incertitudes dans un pays sont d’autant plus grandes que la cible est prudente. Ainsi que le montre le graphique 10 (partie A), le niveau prudent d’endettement varie d’environ 35 % en Grèce et en Irlande à environ 75 % au Royaume-Uni et aux États-Unis. Ces écarts s’expliquent par les différences en matière d’exposition des pays aux chocs et de capacité à les absorber, celle-ci étant estimée au regard de leurs antécédents en matière d’ajustement du solde primaire.

Selon les estimations, dix-neuf pays de l’OCDE devraient dégager un excédent primaire pour atteindre la cible prudente d’endettement en 2040 (graphique 10, Panel B). La Grèce et le Japon sont les pays qui devraient consentir le plus d’efforts (et obtenir un excédent primaire annuel moyen de quelque 5 % et 6 % respectivement). Ce haut niveau d’excédent pour le Japon s’explique principalement par un ratio d’endettement qui part de haut. Outre que ce ratio part également de haut en Grèce, l’excédent nécessaire est substantiel parce que de nombreuses incertitudes font baisser le niveau d’endettement jugé prudent.

En utilisant une variante simulant des chocs plus importants (écart-type de 50 % supérieur à celui estimé dans le passé), on obtient pour tous les pays une augmentation correspondante de la probabilité de récession et des incertitudes entourant les trajectoires de dette (Fall et Fournier, 2015). Toutefois, cette variante ne signifie pas qu’un important effort d’assainissement supplémentaire s’impose pour atteindre le niveau prudent d’endettement.

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Graphique 10. Fourchette d’endettement public dans le cadre d’un scénario prudent

Partie A. Niveaux prudents d’endettement

Partie B. Solde primaire annuel moyen entre 2014 et 2040

Note : Les traits horizontaux épais indiquent le niveau d'endettement médian, les barres correspondent aux fourchettes interquartiles et les valeurs extrêmes sont le 5

e et le 95

e centiles. Seuls figurent les pays qui doivent dégager un excédent primaire.

Source : Calculs de l’OCDE.

En revanche, si le niveau de tolérance (probabilité) est plus restrictif et passe de 25 % à 10 %, par exemple, le niveau prudent d’endettement baisse pour tous les pays et l’effort d’assainissement augmente (graphique 11, partie A). Cette baisse de la cible prudente d’endettement est plus forte quand la variance aux chocs est grande (c’est le cas de la Grèce et de l’Irlande, par exemple). En outre, la cible prudente d’endettement est une fonction croissante du niveau de tolérance (probabilité). Le graphique 11, partie B, illustre cette relation entre niveau de tolérance et cible prudente d’endettement en prenant l’exemple des États-Unis.

0

25

50

75

100

125

150

Pour cent du PIB

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3

4

5

6

7

Pour cent du PIB

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30 DOCUMENTS D’ORIENTATION DU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, N° 15 © OCDE 2015

Graphique 11. Sensibilité de la cible prudente d’endettement au niveau de confiance

Partie A. Cible prudente d’endettement par pays

Partie B. Sensibilité de la cible prudente d’endettement à différents niveaux de tolérance (exemple des États-Unis)

Note : Ce graphique illustre la sensibilité du niveau prudent d’endettement représenté dans le graphique 10 à une modification du niveau de tolérance.

Source : Calculs de l’OCDE.

Les simulations stochastiques peuvent seulement illustrer les risques budgétaires et leur ampleur éventuelle. Les chocs à venir seront différents de ceux du passé, tandis que le comportement budgétaire dépendra du moment. Par ailleurs, on s’en tient à certains chocs macroéconomiques et il faut prendre en considération d’autres spécificités nationales en fixant la cible prudente d’endettement. Ainsi, les pays de l’OCDE dont une forte proportion de dette est libellée en devises devront tenir compte du risque de change en résultant lorsqu’ils calculeront leur cible prudente d’endettement.

0

10

20

30

40

50

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70

80

Pour cent du PIB

Niveau de tolérance à 25 % Niveau de tolérance à 10 %

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0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50

Pour cent du PIB

Tolerance level (%)

Cible prudente d’endettement

Seuil d’endettement

CIBLES DE DETTE PRUDENTES ET CADRES BUDGÉTAIRES

DOCUMENTS D’ORIENTATION DU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, N° 15 © OCDE 2015 31

5. La conception des cadres budgétaires

5.1. Justifications, objectifs et composition du cadre budgétaire

Il existe dans tous les pays un ensemble de règles et d’institutions qui guident l’élaboration de la politique budgétaire. Il s’agit des institutions, des modalités d’organisation et des procédures qui en régissent la programmation et l’application.

Dans les pays les plus avancés, le ratio d’endettement est sur une pente ascendante depuis la fin des années 1970, ce qui est le signe d’un manque de discipline budgétaire et de l’incapacité des gouvernements à prendre des engagements en faveur de la viabilité des finances publiques. L’endettement, qui rompt le lien entre la fiscalité et la dépense, suscite la tentation de reporter le fardeau budgétaire sur les générations futures. De nombreuses études exposent les raisons de l’existence de cette préférence pour le déficit (voir Persson et Tabellini, 2000 ; Wyplosz, 2013 ; Calmfors et Wren-Lewis, 2011)

6 :

Les problèmes d’information : il est possible que l’électorat ne soit pas informé de la situation budgétaire. Cette ignorance augmente éventuellement les chances de reconduite du gouvernement et crée un cycle conjoncturel de nature politique. Comme il n’y a pas d’incitation à augmenter les impôts ou à réduire les dépenses après une élection, ce phénomène aboutit à une préférence pour le déficit.

La compétition électorale : la concurrence entre les partis fait augmenter la dette publique (Alesina et Tabellini, 1990 ; Persson et Svensson, 1989). Les gouvernements se conforment aux préférences de leur électorat en matière de biens publics ou de dimension des administrations et se servent de la hausse de la dette comme d’un outil stratégique pour empêcher leurs successeurs d’appliquer les programmes de leur choix.

La théorie du « pot commun » : différentes catégories font pression en faveur de dépenses publiques correspondant à leurs intérêts particuliers, sans se préoccuper suffisamment de l’ensemble des charges budgétaires au moment présent et à l’avenir (Krogstrup et Wyplosz, 2010).

L’équité intergénérationnelle : les pertes d’efficience dues à la hausse des impôts nécessaire pour assurer le service d’une dette supérieure seront supportées par les générations futures. En outre, les personnes à bas revenu, qui n’ont en général qu’un patrimoine limité, dont des obligations d’État, ne bénéficieront pas des intérêts versés mais devront payer des impôts pour faire face à la charge accrue de la dette publique.

Le caractère procyclique : la préférence pour le déficit résulte en grande partie d’une inaptitude à pratiquer la discipline budgétaire en période de bonne conjoncture (Manasse, 2006 ; Tornell et Lane, 1999).

Un cadre budgétaire a deux objectifs principaux : il doit imposer la discipline permettant d’atteindre la cible prudente d’endettement, tout en donnant à la politique budgétaire la flexibilité à court terme nécessaire pour réagir aux évolutions et aux chocs cycliques. Une règle est un instrument d’engagement qui augmente le coût des déviations et ancre les anticipations sur l’évolution budgétaire future. Un certain degré de pouvoir discrétionnaire reste toutefois essentiel pour garantir que la politique budgétaire puisse répondre à des chocs importants.

Le cadre budgétaire doit augmenter les chances que les pays très endettés suivent une trajectoire les amenant à un niveau plus prudent et que les pays proches de cette cible prudente s'efforcent d'y rester. Cinq composantes du cadre sont présentées : la cible de dette, la règle budgétaire, les conseils budgétaires, la procédure budgétaire et la budgétisation à moyen terme.

6. Cette classification s’inspire de Calmfors et Wren-Lewis (2011).

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5.2. La fixation d’une cible de dette

Quand on conçoit un cadre budgétaire, il faut commencer par définir les objectifs et les instruments. Une cible de dette peut être efficace pour ancrer les anticipations concernant la politique budgétaire future. La cible prudente d’endettement sert de point de référence pour déterminer des règles budgétaires chiffrées, en particulier dans les pays très endettés qui doivent converger sur un ratio de dette prudent de niveau inférieur.

Une cible de dette est préférable à une limite d’endettement. L’expérience du cadre de l’UE montre qu’en son absence, la dette a dérivé vers la limite de 60 % du PIB, voire au-delà même, ne laissant aucune marge pour absorber l’important choc créé par la crise récente sans dépasser cette limite.

5.3. Les règles budgétaires

Justifications, objectifs, types et conditions d’efficacité des règles budgétaires

La cible de dette doit être complétée par des règles budgétaires qui permettent de mener des politiques contracycliques et prévoient des clauses dérogatoires en cas de chocs importants. De nombreux pays ont adopté des règles qui exercent une contrainte sur la politique du gouvernement et favorisent la discipline budgétaire. Toutefois, elles peuvent aussi aboutir à des politiques qui ne sont guère optimales. En effet, un arbitrage s’impose entre engagement et pouvoir discrétionnaire : certes, les règles représentent un engagement appréciable de nature à limiter les primes de risque sur les taux d’intérêt en atténuant la préférence des dirigeants pour la dépense et les déficits ; mais une règle stricte entraîne des coûts, sous forme de perte de souplesse, parce qu’elle est forcément incomplète, et une certaine marge discrétionnaire pourrait être la solution optimale. Depuis les travaux d’importance majeure de Kydland et Prescott (1977), on sait que l’incohérence temporelle domine souvent, des considérations à court terme poussant les responsables de la politique budgétaire à s’écarter des stratégies optimales déf inies à l’avance. Halac et Yared (2014) montrent aussi qu’en cas de persistance des chocs la règle optimale fixée à l’avance ne l’est pas ensuite, car elle incite les gouvernements à accumuler de l’endettement. Enfin, il arrive que les règles budgétaires limitent la possibilité de conduire une politique de stabilisation macroéconomique (voir aussi dans Wyplosz, 2013, des commentaires sur ce point).

En pratique, toutefois, l’exercice du pouvoir discrétionnaire risque de compromettre la discipline. Comme l’a noté Kopits (2011a), les politiques budgétaires discrétionnaires n’ont pas souvent joué un rôle de stabilisation macroéconomique. Il est avéré que la conduite de la politique budgétaire a été le plus souvent procyclique (Taylor, 2000 et Auerbach, 2002). En outre, Egert (2010) constate que, dans les pays à dette et à déficit élevés, elle a tendance à l’être.

Différentes analyses donnent un éclairage sur les conditions d’efficacité des règles budgétaires. Bohn et Inman (1996), qui étudient cette efficacité dans les États fédérés des États-Unis, donnent des preuves solides corroborant l’importance des modalités de la règle d’équilibre budgétaire retenue. Ils constatent que des règles plus strictes, dont le respect est assuré de l’extérieur, ont une incidence positive sur le solde. Selon Poterba (1994), une règle interdisant les reports de crédits s’accompagne d’une réduction plus rapide du déficit. Plus récemment, Clemens et Miran (2013) constatent qu’en période de tension budgétaire, les États dotés de règles plus strictes adoptent des coupes budgétaires relativement importantes pour réduire plus rapidement leur déficit.

Selon Alesina et Bayoumi (1996), les restrictions budgétaires influent peu sur la volatilité de la production parce qu’elles ont deux effets de sens opposé : 1) des règles strictes limitent l’instabilité de la politique budgétaire (sa conduite est moins discrétionnaire) ; 2) ces restrictions rendent la politique budgétaire moins réactive aux chocs sur la production et atténuent les fluctuations de dépenses susceptibles d’amplifier le cycle conjoncturel. Au total, ces effets se compensent. En revanche, les résultats de Fàtas et Mihov (2006) confirment l’idée selon laquelle les effets des contraintes budgétaires dominent et peuvent donc diminuer la volatilité macroéconomique. Ils montrent que la politique budgétaire est une source majeure d’instabilité du cycle conjoncturel dans les États américains, de sorte que les contraintes qui pèsent sur le personnel politique réduisent les fluctuations conjoncturelles. En ce qui

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concerne les pays, Fatàs et Mihov (2003) démontrent que les contraintes imposées à la politique budgétaire rendent le cycle conjoncturel moins instable.

On dit souvent que les investissements publics qui favorisent la croissance à long terme devraient être exclus du calcul des cibles budgétaires. Toutefois, la distinction ne va pas de soi car, outre les investissements publics dans les infrastructures fixes, les dépenses consacrées à l’éducation ou à la recherche-développement ont, elles aussi, un effet positif sur la croissance. De plus, si un investissement public est financé par l’emprunt, il vaut mieux en tenir compte puisqu’une dette est créée, l’incidence positive sur la croissance se faisant sentir à court terme (effet sur la demande) et à long terme (effet sur l’offre avec des répercussions dans le secteur privé).

Le tableau 4 présente les différentes règles ainsi que leurs effets probables sur la discipline budgétaire et les politiques de stabilisation. Elles aussi sont sujettes à différentes incertitudes de mesure et aux effets secondaires de la politique budgétaire. Ces facteurs permettent de voir lesquelles conviennent à un cadre budgétaire sain.

Tableau 4. Forces et faiblesses des règles budgétaires existantes

Promotion de la discipline

budgétaire Incidences sur les politiques

de stabilisation Risques et effets secondaires

Règles d’équilibre budgétaire

Des règles d’équilibre budgétaire chiffrées semblent avoir des effets positifs (excédents supérieurs ou déficits inférieurs) sur les résultats budgétaires (Debrun, X., et al.

(2008), « Tied to the Mast? The Role of National Fiscal Rules in the European Union », Economic Policy, n° 54, pp. 298–362). Elles

constituent une référence concrète à l’aune de laquelle juger de l’orientation budgétaire (Commission européenne (2011), « Public Finances in EMU – 2011 », European Economy, n° 4/2011. Bruxelles, Commission européenne.

Des règles d’équilibre budgétaire strictes ne donnent pas la souplesse suffisante pour pratiquer une politique budgétaire contracyclique. Elles tendent à induire une procyclicité qui peut être accentuée par un manque de coordination entre les différents échelons de l’administration.

Elles peuvent inciter des gouvernements pressés d’assainir leurs finances publiques à trop réduire des dépenses favorables à la croissance, mais politiquement moins sensibles, telles que les investissements publics. Pour éviter cela, on propose souvent de sortir l’investissement et de mettre l’accent sur le solde courant (règle d’or).

Règles de solde structurel

En principe, ces règles encouragent la discipline budgétaire. Comme elles ciblent l’évolution d’une variable pour laquelle les variations cycliques sont éliminées, elles déterminent la marge d’action discrétionnaire.

Les règles applicables au solde structurel ou corrigées des variations cycliques donnent une certaine souplesse en permettant aux stabilisateurs automatiques de jouer pleinement. Elles sont moins contraignantes que les règles d’équilibre budgétaire, car elles tiennent compte des

effets du cycle conjoncturel.

Ces règles souffrent du caractère incertain de la mesure de l’écart de production, qui rend difficile un suivi en temps réel. Une règle de solde structurel peut être trompeuse si les estimations de l’écart de production ou de la croissance potentielle sont trop optimistes ou pessimistes.

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Tableau 4. Forces et faiblesses des règles budgétaires existantes (suite)

Promotion de la discipline budgétaire Incidences sur les

politiques de stabilisation

Risques et effets secondaires

Règles de dépenses

Ces règles renforcent la discipline en donnant un caractère plus responsable et transparent à la procédure budgétaire. Elles permettent au gouvernement de mieux maîtriser les dépenses primaires. Elles ont grandement contribué à l’efficacité du cadre budgétaire aux Pays-Bas,

au Danemark, en Suède et en Finlande (Commission

européenne, 2010, « Public Finances in EMU – 2010 », European Economy, No. 4/2010. Bruxelles, Commission

européenne.

Une règle de dépenses bien conçue ne doit pas empêcher les stabilisateurs automatiques d’opérer. En outre, elle peut limiter les dépenses procycliques en cas de recettes exceptionnelles en période d’expansion.

Les règles de dépenses présentent les mêmes inconvénients que les règles d’équilibre en ce qui concerne la qualité des économies, notamment dans une conjoncture difficile. Elles peuvent aussi inciter à recourir à des dépenses fiscales dans le but d’atteindre divers objectifs publics pour lesquels des dépenses directes seraient plus appropriées.

Règles de recettes

Ces règles peuvent être utiles pour freiner les prélèvements obligatoires. L’incidence sur la réduction du déficit est une conséquence indirecte puisque toute limitation des recettes doit empêcher l’État de dépenser trop. Les règles de recettes servent également à éviter les mesures procycliques, en particulier lorsque la loi de budget détermine ex ante l’’emploi des plus-values de recettes.

Les règles de recettes n’assurent pas la stabilisation macroéconomique. Toutefois, elles peuvent permettre de limiter la dépense des recettes exceptionnelles en période d’expansion.

Les règles de recettes peuvent entraîner des dépenses supplémentaires, car il est difficile de calculer leur composante cyclique. Ainsi, dans certains pays, des périodes prolongées d’envolée des prix immobiliers et d’autres actifs ont entraîné un surcroît de dépenses publiques, augmentant le risque de procyclicité et d’une gestion budgétaire non viable.

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Comme l’indique le tableau 5, la plupart des règles existantes sont des règles chiffrées qui fixent un objectif clair ou limitent les options de politique budgétaire. Les règles de dette, qui existent dans de nombreux pays, sont complétées par des règles de dépenses ou d’équilibre budgétaire. Sept pays de l’OCDE se sont fixé une cible de dette, alors que cinq autres appliquent une limite d’endettement et 21 pays sont soumis à la limite d’endettement supranationale de l’UE.

Les pays membres de l’Union européenne relèvent de règles supranationales. La dette est plafonnée à 60 % du PIB, le déficit à 3 % du PIB et la règle de dépenses est celle-ci : la progression annuelle des dépenses primaires – hors prestations de chômage et déduction faite des hausses de recettes à caractère discrétionnaire – ne doit pas dépasser la croissance à long terme du PIB nominal.

Tableau 5. Synthèses des règles budgétaires existantes

Table 1. Règle d’équilibre budgétaire

Table 2. Règle de solde structurel

Table 3. Règle de dette

Table 4. Règle de dépenses

Table 5. Règle de recettes

Objectif de déficit budgétaire (en % du PIB)

Objectif de solde structurel en % du PIB

Dette/PIB <= X % du PIB (où X est égal à 40 %, 50 % ou 60 % du PIB)

Dépenses = X % du PIB Plafonnement des dépenses discrétionnaires et annulation automatique des dépenses (appelée « séquestration » aux États-Unis)

Progression des recettes = croissance du PIB

Objectif d’excédent primaire

Le solde structurel est équilibré

Dette/PIB = 0

Progression des dépenses < = soit x %, soit un objectif en termes nominaux ou réels

Trajectoire pluriannuelle des recettes

Excédent structurel = X % du PIB potentiel

Progression des dépenses = taux de croissance du PIB

Règles applicables aux recettes exceptionnelles

Effort budgétaire structurel annuel >= X % du PIB

Progression des dépenses = taux d’inflation + augmentation de la population

Progression des dépenses < = croissance potentielle

Progression des dépenses < = soit x %, soit une cible + une seconde condition ou une clause dérogatoire

Dépenses primaires non cycliques (réelles) = x % max.

Source : Synthèse à partir de FMI (2012), « Fiscal Rules at a Glance : Country Details from a New Dataset », IMF Working Paper, WP/12/273.

Selon de nouvelles estimations, les règles budgétaires auraient des conséquences sur les résultats budgétaires (tableau 6). Les indicateurs des résultats budgétaires sont le solde primaire, les dépenses et les recettes publiques ainsi que le solde primaire corrigé des variations cycliques. L’incidence des différentes règles budgétaires sur ces variables est estimée avec des variables de contrôle des principaux déterminants de la performance budgétaire. Une hausse de la dette brute des administrations est corrélée positivement à une amélioration du solde primaire non corrigé et corrigé des variations cycliques, grâce à une baisse des dépenses et une hausse des recettes. Une augmentation du ratio de dépendance des personnes âgées a un effet négatif sur le solde primaire en majorant les charges et en réduisant les rentrées fiscales.

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Il s’avère que la règle d’équilibre budgétaire a un effet positif et significatif sur le solde primaire (tableau 6, colonne P2) ainsi qu’un effet négatif et notable sur la dépense (tableau 6, colonne S2). En revanche, les règles de dépenses ne jouent de façon importante que pour restreindre les dépenses publiques (tableau 6, colonne S3).

Les estimations confirment qu’un indice de rigueur budgétaire (somme des règles budgétaires) a une incidence positive et notable sur le solde primaire, de même qu’un effet contraignant et important sur les dépenses et les recettes publiques. Ces résultats sont conformes aux constatations de Marneffe et al. (2011) et Debrun et al. (2013). De même, Nerlich et Reuter (2013) observent que des règles budgétaires chiffrées, alliées à un conseil budgétaire et à un cadre budgétaire à moyen terme, aident à améliorer le solde primaire dans les États membres de l’UE. Toutefois, ces résultats pourraient aussi découler du fait que des pays disciplinés sont susceptibles d’adopter des règles budgétaires.

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Tableau 6. Estimations de l’efficacité des règles budgétaires

Solde primaire Dépenses Recettes Solde primaire corrigé

des variations cycliques

(P1) (P2) (P3) (S1) (S2) (S3) (R1) (R2) (R3) (C1) (C2) (C3)

Retard de la variable dépendante 0,89*** 0,88*** 0,90*** 1,02*** 1,02*** 1,03*** 0,88*** 0,89*** 0,89*** 0,86*** 0,86*** 0,87*** [0,028] [0,031] [0,028] [0,016] [0,016] [0,017] [0,026] [0,026] [0,025] [0,028] [0,028] [0,028] Dette brute des administrations (t-1) 0,022*** 0,021*** 0,023*** -0,0085** -0,0080** -0,0093*** 0,0138*** 0,0132*** 0,0130*** 0,0228*** 0,0225*** 0,0239*** [0,0048] [0,0049] [0,0049] [0,0034] [0,0034] [0,0034] [0,0031] [0,0033] [0,0030] [0,0041] [0,0043] [0,0041] Écart de production (t-1) 0,0022 0,0088 0,0093 0,108*** 0,101*** 0,106*** 0,060*** 0,062*** 0,062*** -0,012 -0,0097 -0,003 [0,028] [0,027] [0,027] [0,023] [0,024] [0,023] [0,021] [0,020] [0,020] [0,025] [0,025] [0,024] Ouverture * Termes de l’échange 0,0002*** 0,0002*** 0,0002*** -0,0002*** -0,0002*** -0,0002*** -0,0001 0 -0,0001 0,0001*** 0,0001*** 0,0001*** [0,0001] [0,0001] [0,0001] [0,0000] [0,0000] [0,0000] [0,0000] [0,0000] [0,0000] [0,0001] [0,0001] [0,0001] Ratio de dépendance -0,0011** -0,0012** -0,0014*** 0,0002 0,0002 0,0004 -0,0006* -0,0005 -0,0005 -0,0013*** -0,0013*** -0,0015*** [0,0005] [0,0005] [0,0005] [0,0003] [0,0003] [0,0003] [0,0003] [0,0003] [0,0003] [0,0004] [0,0004] [0,0004] Indice de rigueur des règles budgétaires

0,24*** -0,23*** -0,12* 0,11

[0,079] [0,062] [0,071] [0,076] Variable muette de conseil budgétaire

0,61 0,76 0,24 -0,77** -0,23 -0,42 -0,14 0,14 0,14 0,032

[0,38] [0,47] [0,29] [0,34] [0,25] [0,41] [0,25] [0,35] [0,44] [0,26] Indice des règles budgétaires* Conseil budgétaire

-0,17 -0,025

[0,106] [0,116] Protection du budget par un conseil budgétaire

-0,54 -0,89**

[0,38] [0,42] Indice des règles budgétaires* Protection du budget par un conseil budgétaire

0,24** 0,33***

[0,106] [0,1188] Règle d’équilibre budgétaire 0,55** -0,40** -0,21 0,24 [0,24] [0,19] [0,22] [0,23] Règle d’équilibre budgétaire* Conseil budgétaire

-0,66 0,86*** 0,46 -0,033

[0,48] [0,32] [0,41] [0,48] Règle de dépenses budgétaires 0,36 -0,73*** -0,33 -0,045 [0,23] [0,20] [0,22] [0,19] Règle de dépenses budgétaires * Conseil budgétaire

-0,070 0,47* 0,28 0,26

[0,30] [0,24] [0,28] [0,33]

Effets fixes temps Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Effets fixes pays Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui N 619 619 619 622 622 622 623 623 623 611 611 611 Pays 30 30 30 30 30 30 30 30 30 30 30 30

Note : Les écarts-types sont entre parenthèses. * significatif à 10 %, ** significatif à 5 %, *** significatif à 1 %. Les variables dépendantes sont corrigées des dépenses ponctuelles. Source : Perspectives économiques n° 95 de l’OCDE ; base de données du FMI sur les conseils et les règles budgétaires.

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Concevoir des règles budgétaires conformes aux objectifs de dette et de stabilisation

Le cadre budgétaire est principalement axé sur la trajectoire de la dette. Compte tenu de l’incertitude qui caractérise les déterminants macroéconomiques de l’évolution de l’endettement et du fait que le gouvernement ne contrôle pas ces variables, bien qu’elles soient influencées de façon endogène par ses politiques, les règles budgétaires ciblent les principaux déterminants de la dette que le gouvernement maîtrise directement.

Les règles budgétaires devraient avoir deux objectifs : (1) ancrer les anticipations de la politique budgétaire en visant un niveau prudent d’endettement et (2) permettre une stabilisation macroéconomique propice à la croissance. Les mesures de relance budgétaire destinées à atténuer les récessions rendent plus incertaine la trajectoire de la dette : il faut arbitrer entre ces deux objectifs (graphique 12). Il est possible qu’une relance en temps réel stabilise le cycle, mais elle influe aussi sur la dynamique de la dette. Le modèle macroéconomique décrit à l’encadré 3 est repris pour illustrer cet arbitrage.

Graphique 12. Arbitrage entre action contracyclique et cible de dette

Partie A. Risques de récession à long terme

Partie B. Incertitudes entourant le ratio de la dette

Note : Le risque de récession à long terme est la probabilité que la croissance du PIB par habitant devienne négative. On évalue le degré d’incertitude de la trajectoire de la dette par la distribution interquartile du niveau d’endettement en 2040. La simulation « Le solde primaire est maintenu constant » est un scénario schématique dans lequel le solde primaire effectif est maintenu constant de façon à atteindre le niveau prudent d’endettement ciblé, sans laisser jouer les stabilisateurs automatiques. Dans le scénario des « stabilisateurs automatiques », une surprise négative d’un point de pourcentage dans l’écart de production va de pair avec des mesures de relance temporaires équivalant à 0.4 % de PIB. Dans le scénario des « stabilisateurs automatiques et relance », le gouvernement prend, en réaction aux variations de l’écart de production, des mesures discrétionnaires qui s’ajoutent aux stabilisateurs automatiques.

Source : Calculs de l’OCDE.

0

5

10

15

20

25

30

35

40

Pour cent

Le solde primaire est maintenu constant Stabilisateurs automatiques Stabilisateurs automatiques et relance

0

10

20

30

40

50

60

Pour cent du PIB

CIBLES DE DETTE PRUDENTES ET CADRES BUDGÉTAIRES

DOCUMENTS D’ORIENTATION DU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, N° 15 © OCDE 2015 39

Une bonne règle budgétaire doit posséder deux qualités :

Elle doit définir un intervalle de confiance ou une marge pour ses variables principales dans le but de lisser les fluctuations économiques. Si le déficit affiché ou le déficit structurel est proche d’une limite fixe, celle-ci restreint sérieusement les effets régulateurs des stabilisateurs automatiques et d’une politique budgétaire contracyclique en cas de récession.

C’est en combinant plusieurs règles que l’on doit pouvoir respecter la trajectoire d’endettement retenue. Une contrainte budgétaire ne peut pas renvoyer uniquement à l’équilibre budgétaire si l’objectif est d’éviter d’éventuels effets néfastes sur les éléments sous-jacents à l’équilibre budgétaire (comme des hausses d’impôts non souhaitables pour compenser des difficultés d’ordre structurel, par exemple, côté recettes).

Les règles diffèrent dans leur capacité à permettre la réalisation des objectifs de cible prudente d’endettement et de stabilisation. La règle de solde structurel est en principe en mesure de remplir ces deux objectifs, mais elle présente de sérieux inconvénients pour ce qui est de sa facilité à être respectée et de l’évaluation en temps réel. Malgré certains progrès, les mesures du solde structurel dépendent beaucoup d’estimations très changeantes et souvent biaisées des écarts de production, tout en faisant l’objet de fréquentes révisions (Hers et Suyker, 2014). S’agissant de la Slovaquie, par exemple, Klein et al. (2013) signalent que le déficit structurel de 2010, calculé au moyen d’estimations de la croissance potentielle antérieures à la crise, aurait été plus proche de 4 % que de 8 % du PIB.

En outre, les déficits structurels peuvent être largement révisés en cas de crise, car la croissance potentielle ne se mesure pas aisément en temps réel (graphique 13). Ainsi, la révision en baisse du solde primaire structurel a été de quelque 7 % du PIB en Grèce et de quelque 3 % du PIB en Irlande. Ces révisions ont été consécutives à des surprises sur la croissance : en moyenne sur l’ensemble des pays, un choc de 1 % sur la production réelle s’accompagne d’une révision de 0,2 % du niveau de la production potentielle (Fall et Fournier, 2015).

Graphique 13. La surestimation des soldes structurels avant la crise

Solde primaire structurel de 2007, en % du PIB

Note : Le solde primaire structurel publié en mai 2008 avait été calculé à l’aide des informations alors disponibles, telles que les comptes des administrations publiques, les estimations du PIB et la production potentielle calculée en 2008. Dans la plupart des pays, la différence entre cette publication et la dernière est surtout due à des révisions de la production potentielle. En Grèce, le déficit budgétaire effectif a lui aussi été largement révisé.

Source : Base de données des Perspectives économiques de l’OCDE n° 81 et n° 96.

-8

-6

-4

-2

0

2

4

6

Chiffres publiés en mai 2008 Chiffres publiés en novembre 2014

CIBLES DE DETTE PRUDENTES ET CADRES BUDGÉTAIRES

40 DOCUMENTS D’ORIENTATION DU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, N° 15 © OCDE 2015

Par conséquent, l’adoption d’une règle d’équilibre budgétaire complétée par une règle de dépenses pourrait bien convenir à la plupart des pays. Comme l’indique le tableau 7, la combinaison de ces deux règles répond aux deux objectifs. Une règle d’équilibre encourage la réalisation de la cible de dette, tandis qu’une règle de dépenses bien conçue se révèle décisive pour assurer l’efficacité de la règle d’équilibre (Guichard et al., 2007). Carnot (2014) montre également qu’une règle de dépenses contraignante peut encourager la discipline budgétaire tout en permettant des mesures de stabilisation. Le bénéfice marginal du fait d’ajouter une règle de recettes a toutes les chances d’être dominé par son coût sur le plan de la complexité et d’une moindre flexibilité budgétaire.

Tableau 7. Synthèse des effets des règles sur la discipline et la stabilisation budgétaires

Équilibre budgétaire Solde structurel Règle de dépenses

Règle de recettes

Stabilisation budgétaire

- + + -

Discipline budgétaire ++ + + -+ Effets secondaires et risques

- – - -

Source : Calculs de l’OCDE à partir du tableau 4.

On utilise le modèle macroéconomique décrit à l’encadré 3 pour illustrer l’incidence d’une règle d’équilibre budgétaire combinée à une règle de dépenses. Dans le scénario central, le solde primaire suit l’estimation de la fonction de réaction de ce solde (graphique 14, partie A). Les deux règles combinées entraînant un excédent primaire supérieur, elles aboutissent à une trajectoire de la dette publique inférieure (graphique 14, partie B).

Des événements extrêmes se produisent, mais ils ne compromettent pas nécessairement la crédibilité. Il convient de prévoir des clauses dérogatoires permettant la suspension temporaire des règles budgétaires. Celle-ci doit être conditionnée par des faits de nature exceptionnelle comme des catastrophes naturelles ou une forte baisse de la production. Mais il faut définir clairement les clauses de dérogation pour s’assurer qu’elles ne puissent être utilisées en temps normal. La détermination de l’existence de circonstances exceptionnelles peut être déléguée à une instance extérieure au gouvernement ou soumise à l’accord d’une majorité qualifiée au parlement. Face à des événements extrêmes, un fonds de précaution pourrait assurer le respect de la règle pendant l’ensemble du cycle conjoncturel, tout en donnant une plus grande marge pour la stabilisation budgétaire. Les excédents imprévus seraient épargnés et employés ultérieurement pour financer des déficits non anticipés et/ou des mesures de stabilisation à court terme.

Lorsque l’on conçoit des règles budgétaires, il faut envisager deux cas de figure : les pays procédant à un assainissement budgétaire afin d’atteindre une cible d’endettement plus prudente et ceux pour lesquels le niveau d’endettement est déjà au départ inférieur, ou proche de la cible prudente d’endettement à moyen ou long terme.

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DOCUMENTS D’ORIENTATION DU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, N° 15 © OCDE 2015 41

Graphique 14. Illustration de la combinaison d’une règle d’équilibre et d’une règle de dépenses : l’exemple des États-Unis

Partie A. Solde primaire (comportement antérieur)

Partie B. Règle d’équilibre budgétaire + règle de dépenses

Source : Calculs de l’OCDE.

Règles budgétaires convenant aux pays qui évoluent vers une cible d’endettement plus prudente

S’agissant des pays évoluant vers une cible d’endettement plus prudente, une trajectoire doit être définie en termes d’équilibre budgétaire ou de besoins d’endettement. La trajectoire d’assainissement établit un lien entre le montant actuel de la dette et la cible prudente d’endettement.

On peut tirer des enseignements utiles de nombreuses études de l’OCDE sur les stratégies d’assainissement. Rawdanowicz (2012) montre qu’il est possible de choisir une trajectoire optimale pour réduire le déficit et stabiliser la dette au niveau d’une cible à long terme dans un horizon fini. Un projet antérieur de l’OCDE consacré au thème de l’assainissement (Sutherland et al. (2012) ; Barrell et al. (2012) ; Merola et Sutherland (2012)) soulignait la nécessité de structurer une stratégie en utilisant initialement des instruments à faible effet multiplicateur et d’améliorer le cadre institutionnel de la politique budgétaire afin de minimiser les arbitrages avec la croissance à court terme. Hageman (2012) démontre que la plupart des pays disposent d’une marge pour cibler plus efficacement les programmes de dépenses et éliminer les effets de distorsion de la fiscalité. En outre, Cournède et al. (2013) constatent que la moitié des pays de l’OCDE ont la possibilité de réduire leur dette essentiellement en ajustant certains instruments

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42 DOCUMENTS D’ORIENTATION DU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, N° 15 © OCDE 2015

(subventions, retraites ou fiscalité du patrimoine) qui ont tout au plus des effets secondaires limités sur d’autres objectifs de politique publique tels que la croissance ou l’équité.

Enfin, tous les échelons de l’administration doivent participer à la stratégie d’assainissement. À l’occasion d’épisodes antérieurs de redressement des finances publiques, les entités infranationales ont contribué à la stabilisation de la dette des administrations publiques. En général, les efforts consentis à l’échelon des États et – bien que dans une moindre mesure – à celui des collectivités locales ont contribué à faire de la stabilisation de la dette des administrations publiques une réussite encore plus grande (Blöchliger et al., 2012).

Par conséquent, le choix de la trajectoire d’assainissement est la pierre angulaire qui va permettre de calibrer les règles budgétaires (une règle d’équilibre complétée par une règle de dépenses)

7. Une fois

qu’elle a été tracée et traduite sous forme d’une trajectoire de dette la menant au niveau jugé prudent, on peut en déduire les règles d’équilibre budgétaire et de dépenses correspondantes. La rigueur de la trajectoire d’assainissement et des règles budgétaires dépend du temps qu’il faudra pour atteindre le niveau prudent d’endettement, qui peut lui-même être fonction de la distance par rapport à la cible. En outre, la rigueur des règles budgétaires peut être maintenue constante ou renforcée afin de réduire au minimum le risque de ne pas respecter le calendrier et de rater la cible. Lorsqu’un effort d’assainissement budgétaire est engagé sous la pression, il faut parfois établir sa crédibilité en imposant d’emblée plus de rigueur.

La règle budgétaire devrait inclure un mécanisme destiné à corriger les dérapages antérieurs dans les budgets futurs. On peut y parvenir avec des mécanismes comparables au « frein à l’endettement » pratiqué en Allemagne, où les dépassements budgétaires sont enregistrés dans un compte spécial qui doit être équilibré au fil du temps (Baumann et Kastrop, 2007 ; Kastrop et al., 2010).

Des règles budgétaires pour maintenir la dette à des niveaux prudents

Les objectifs des règles budgétaires, s’agissant de pays déjà proches de leur cible d’endettement, sont de garantir la stabilité de la dette tout en mettant en place des mesures de stabilisation. Si l’objectif est purement de stabiliser le niveau de la dette, le solde primaire doit être égal au coût réel de la dette (différence entre les taux d’intérêt réels et la croissance réelle, multipliée par le niveau de la dette). Toutefois, comme l’objectif est également de dégager une marge pour la stabilisation macroéconomique, une règle budgétaire doit conférer suffisamment de souplesse pour amortir les fluctuations de l’activité économique.

Trois dimensions doivent être prises en considération au moment d’élaborer une règle budgétaire :

Tout d’abord, l’élaboration annuelle du budget intervient pendant l’année t-1, à partir de prévisions sur les variables macroéconomiques. Il est nécessaire de disposer d’une instance budgétaire indépendante qui garantisse des prévisions non faussées (voir plus bas). Toutefois, même lorsqu’une telle institution existe, il est probable que les valeurs réelles des variables diffèrent des valeurs estimées. Une règle budgétaire doit donc prévoir des écarts instantanés involontaires (chocs imprévus, stabilisateurs automatiques) et volontaires (stabilisation budgétaire).

Ensuite, du fait de ces écarts instantanés, une règle budgétaire doit inclure une dimension rétrospective qui impose que les écarts antérieurs soient compensés pendant une durée limitée. Autrement dit, les règles d’équilibre budgétaire et de dépenses sont de plus en plus strictes au fil du temps jusqu’à la correction intégrale, sous la forme d’une contrainte active de corrections ex post des écarts.

7. Voir Rawdanowicz (2012) et Carnot (2014) qui proposent une règle pour déterminer l’effort budgétaire

structurel avec un double objectif de viabilité de la dette (cible de dette) et de stabilisation

macroéconomique ; ils donnent des exemples de calibrage de cette dette.

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DOCUMENTS D’ORIENTATION DU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, N° 15 © OCDE 2015 43

Enfin, il est nécessaire d’ancrer la trajectoire des dépenses. Un cadre budgétaire à moyen terme, dans lequel les autorités fixent une trajectoire des dépenses à moyen terme, complète la règle budgétaire et accroît son efficacité (voir plus bas).

Spécificités macroéconomiques nationales et règles budgétaires

Les spécificités macroéconomiques diffèrent d’un pays à l’autre en termes de cycle économique, d’ouverture commerciale et d’exposition à des évolutions financières susceptibles d’avoir un effet sur la validité des règles budgétaires. Le modèle simple élaboré pour évaluer les incertitudes macroéconomiques entourant l’évolution de la dette est repris pour examiner comment des règles différentes opèrent pour des pays différents en matière d’incertitude entourant la dette et de risque de récession.

Dans un premier temps, le scénario central de l’encadré 3 est appliqué pour simuler la dynamique des six variables principales (taux de croissance 𝑔𝑖𝑡 , taux d’inflation 𝜋𝑖𝑡, taux d’intérêt nominal au jour le

jour 𝑟𝑖𝑡𝑠 , taux nominal à long terme 𝑟𝑖𝑡

𝑙 , solde primaire 𝑃𝐵𝑖𝑡 et solde primaire structurel 𝑃𝐵𝑖𝑡𝑠𝑡). Toutefois, on

substitue à l’équation de solde primaire (estimation de la réaction budgétaire) des règles budgétaires simplifiées pour calculer le solde primaire et par conséquent, l’évolution de la dette. Les chocs à court terme sont calculés conjointement comme indiqué dans l’encadré 3 et dans Fall et Fournier (2015).

L’encadré 4 présente les différentes règles budgétaires qui sont simulées. Dans ces simulations, les règles opèrent mécaniquement. Toutefois, les gouvernements ont la possibilité, en pratique, de prendre des mesures budgétaires discrétionnaires. L’ajout de dépenses discrétionnaires aléatoires à ce cadre aurait pour effet d’accroître les incertitudes entourant la trajectoire de la dette.

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Encadré 4. Simulation de règles budgétaires

Six règles sont simulées :

Dans le scénario de référence, le plan de budget annuel est fixé de telle façon que le solde primaire soit égal à la cible si l’écart de production est conforme aux prévisions. Pendant l’exercice, les autorités laissent jouer les stabilisateurs automatiques autour de ce plan (équation 1). L’objectif de solde primaire est égal à zéro pour les pays qui n’ont pas besoin de dégager un excédent pour atteindre un niveau prudent d’endettement à l’horizon 2040. Pour les autres, l’objectif de solde primaire est corrigé de telle sorte que le niveau prudent d’endettement soit atteint en 2040.

(1) 𝐵𝑡 = 𝑏𝑎𝑙𝑎𝑛𝑐𝑒 𝑡𝑎𝑟𝑔𝑒𝑡 + 𝛼. (𝑔𝑎𝑝𝑡

− 𝐸𝑡−1(𝑔𝑎𝑝𝑡)) − 𝑟. 𝐷𝑡−1

Deux simulations sont censées analyser le rôle contracyclique de la politique budgétaire. Dans le premier modèle, il n’y a pas de stabilisateurs automatiques qui jouent ; en d’autres termes, le solde primaire est maintenu constant de façon à atteindre le niveau de prudence visé (équation 2).

(2) 𝐵𝑡 = 𝑏𝑎𝑙𝑎𝑛𝑐𝑒 𝑡𝑎𝑟𝑔𝑒𝑡 − 𝑟. 𝐷𝑡−1

Dans le second modèle, les autorités sont supposées prendre des mesures discrétionnaires (𝛼=0.4) qui s’ajoutent à l’effet des stabilisateurs automatiques pour réagir à l’écart de production (équation 3).

(3) 𝐵𝑡 = 𝑏𝑎𝑙𝑎𝑛𝑐𝑒 𝑡𝑎𝑟𝑔𝑒𝑡 + 𝛼. (𝑔𝑎𝑝𝑡 − 𝐸𝑡−1(𝑔𝑎𝑝𝑡)) + 𝛼. 𝑔𝑎𝑝𝑡 − 𝑟. 𝐷𝑡−1

L’effet d’une règle de dépenses est analysé dans un modèle dans lequel les dépenses structurelles progressent moins vite que le PIB, de sorte que le ratio dépenses structurelles/PIB diminue chaque année de 0,5 point de PIB pour les pays dont le niveau de ces dépenses est supérieur au niveau moyen d’avant la crise dans l’OCDE (37 %). Dans cette simulation, le solde primaire suit la même trajectoire que dans le scénario de référence (équation 4).

(4) {𝐵𝑡 = 𝑏𝑎𝑙𝑎𝑛𝑐𝑒 𝑡𝑎𝑟𝑔𝑒𝑡 + 𝛼. (𝑔𝑎𝑝𝑡 − 𝐸𝑡−1(𝑔𝑎𝑝𝑡)) − 𝑟. 𝐷𝑡−1

𝑆𝑡 = min(𝑆𝑡−1 − 0.5, 𝑆𝑇) 𝑠𝑖 𝑆𝑡−1 > 𝑆𝑇

Le rôle de l’anticipation budgétaire est analysé. Si la dette retardée est supérieure au plafond, les autorités génèrent un excédent supplémentaire égal à un 20

ème de la différence entre la variable retardée et ce

plafond. Cette mesure s’ajoute aux autres prises par ailleurs, le tout dans le but d’atteindre un niveau prudent d’endettement d’ici 2040 (équation 5).

(5) 𝐵𝑡 = 𝑏𝑎𝑙𝑎𝑛𝑐𝑒 𝑡𝑎𝑟𝑔𝑒𝑡 + 0.05 ∗ max(𝐷𝑡−1 − 𝐷𝑇 , 0) + 𝛼. (𝑔𝑎𝑝𝑡 − 𝐸𝑡−1(𝑔𝑎𝑝𝑡)) − 𝑟. 𝐷𝑡−1

L’objectif officiel est défini non pas en termes de solde primaire, mais de solde réel incluant les intérêts payés (équation 6).

(6) 𝐵𝑡 = 𝑏𝑎𝑙𝑎𝑛𝑐𝑒 𝑡𝑎𝑟𝑔𝑒𝑡 + 𝛼. (𝑔𝑎𝑝𝑡 − 𝐸𝑡−1(𝑔𝑎𝑝𝑡))

𝐵𝑡 désigne le solde des administrations publiques, 𝛼 l’élasticité du solde primaire par rapport à l’écart de

production, 𝑔𝑎𝑝𝑡 l’écart de production, 𝐷𝑡−1 le ratio d’endettement de l’exercice précédent, 𝑆𝑡 le niveau structurel des

dépenses des administrations publiques en pourcentage du PIB, 𝑆𝑇 le niveau ciblé de dépenses structurelles en

pourcentage du PIB et 𝐷𝑇 le plafond d’endettement.

Dans un second temps, deux critères sont retenus pour comparer les performances des différentes règles du modèle : le risque de récession à long terme, mesuré par la probabilité que la croissance du PIB par habitant devienne négative, et l’incertitude entourant la trajectoire de la dette, évaluée par l’intervalle interquartile du niveau d’endettement en 2040. Cette incertitude peut être atténuée par la gestion de la

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DOCUMENTS D’ORIENTATION DU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, N° 15 © OCDE 2015 45

dette : des échéances plus lointaines, par exemple, permettent de réduire les risques de refinancement, mais au prix de paiements d’intérêts plus élevés.

Les simulations réalisées donnent les indications suivantes :

La capacité de la politique budgétaire à atténuer les chocs et leurs conséquences négatives sur l’incertitude de la trajectoire de la dette varie considérablement d’un pays à l’autre. Les règles impliquant une relance par rapport au scénario de référence montrent que les pays fortement endettés sont moins à même de contrer d’importants chocs contraires en raison de la composante contraignante d’équilibre budgétaire et de plus fortes incertitudes autour de leur dette et de la croissance de leur PIB.

Les règles de dépenses n’impliquent pas de devoir choisir entre minimiser les risques de récession et minimiser les incertitudes entourant la dette. Elles peuvent stimuler la croissance potentielle et par là-même, atténuer le risque de récession, sans incidence négative sur la dette. Les estimations montrent en fait que la maîtrise des dépenses publiques est associée à une plus forte croissance potentielle (Fall et Fournier, 2015).

Quel que soit le pays, le respect des plans budgétaires annuels initiaux et la restauration du solde primaire au cours des exercices suivants permettent d’atténuer l’incertitude autour de la dette sans accroître notablement les risques de récession. S’agissant de correction des variations cycliques, la règle d’équilibre budgétaire soutient favorablement la comparaison avec celle du solde structurel du fait que lorsque l’on fixe chaque année un objectif chiffré, les écarts imputables au cycle peuvent être pris en considération. Autrement dit, la correction de l’objectif d’équilibre budgétaire liée aux variations cycliques peut être intégrée ex post.

Les règles établies sur un indicateur de solde incluant les intérêts payés sont utiles pour réduire l’incertitude autour de la trajectoire de la dette dans les pays en transition vers un niveau prudent d’endettement.

Les pays sont classés en six groupes en fonction de plusieurs de leurs spécificités et de leurs réponses aux différentes règles. Quatre critères sont appliqués à la classification des pays : l’efficacité de leur politique budgétaire contracyclique, la marge possible de maîtrise de leurs dépenses, l’appartenance à la zone euro

8 et les besoins d’assainissement de leurs finances publiques. Le premier groupe est celui

des pays où la politique budgétaire exerce un fort effet contracyclique et où la puissance de cet effet n’a pas d’incidence notable sur l’incertitude entourant la trajectoire de la dette (voir Fall et Fournier, 2015 pour de plus amples précisions). Le deuxième groupe est celui des pays à faible niveau de dépenses publiques et où la politique budgétaire est modérément efficace pour amortir les chocs à court terme. Le troisième groupe comprend les pays disposant d’une marge de maîtrise de leurs dépenses, à l’exclusion toutefois de ceux de la zone euro qui ont besoin de dégager d’importants excédents primaires. Le quatrième groupe comprend les pays de la zone euro qui doivent consentir un effort d’assainissement modéré et où il existe une marge pour la maîtrise des dépenses publiques. Le cinquième groupe rassemble les pays de la zone euro qui doivent porter leur solde primaire à 2 % du PIB, voire plus, pour atteindre un niveau prudent d’endettement en 2040. Enfin, le Japon présente un niveau d’endettement tel qu’atteindre un objectif prudent d’ici 2040 impliquerait un effort de resserrement budgétaire irréaliste à court terme.

8. L’appartenance à la zone euro est un critère en raison de l’absence de politique monétaire au niveau

national.

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46 DOCUMENTS D’ORIENTATION DU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, N° 15 © OCDE 2015

L’efficacité des règles budgétaires diffère eu égard aux deux critères retenus (risques de récession à long terme et incertitudes autour de la dette) selon le groupe de pays considéré (graphique 15) :

Groupe 1 (Australie, Israël, Corée, Nouvelle-Zélande, Pologne, Suisse et États-Unis) : pays qui peuvent miser davantage sur leur politique budgétaire pour atténuer les chocs à court terme. Dans ces pays, une plus forte réaction de la politique budgétaire au cycle économique est efficace pour réduire les risques de récession, moyennant un coût modéré en termes d’incertitude autour de la dette. Parmi ces pays, les États-Unis ont besoin également de dégager des excédents pour ramener leur endettement à un niveau prudent.

Groupe 2 (Canada, République tchèque et République slovaque) : pays à faible niveau de dépenses publiques, dont la politique budgétaire est modérément efficace pour amortir les chocs à court terme. Ce faible niveau de dépenses publiques indique qu'il y a peu à gagner d'un objectif de maîtrise des dépenses, mais qu'une règle de dépenses garante de leur maintien durable à un niveau aussi peu élevé est appropriée. Dans ces pays, la politique contracyclique entraîne un accroissement considérable de l’incertitude autour de la dette pour une réduction modeste des risques de récession.

Groupe 3 (Danemark, Luxembourg, Suède et Royaume-Uni) : ces pays disposent d’une marge de maîtrise de leurs dépenses et n’ont pas besoin de dégager des excédents pour cibler un niveau prudent d’endettement d’ici 2040, à l’exception du Royaume-Uni, qui doit dégager un excédent modeste. En misant plus fortement sur leur politique budgétaire pour atténuer les chocs à court terme, le Luxembourg et la Suède feraient face à une incertitude accrue quant à l’évolution de leur dette, moyennant des gains modestes en termes de réduction des risques de récession.

Groupe 4 (Autriche, Belgique, Finlande, France, Allemagne, Pays-Bas et Slovénie) : ces pays de la zone euro ont besoin de dégager des excédents primaires pour ramener leur endettement à un niveau prudent et ils doivent maîtriser leurs dépenses. Il leur faut à la fois une règle de dépenses et une règle d’endettement pour respecter leur trajectoire de dette.

Groupe 5 (Grèce, Irlande, Italie, Portugal et Espagne) : Ces pays de la zone euro ont besoin de dégager d’importants excédents primaires. Ils font également face à une grande incertitude quant à leur dynamique d’endettement. Cette incertitude peut être réduite à l’aide d’une règle d’endettement et en s’assurant que tout creusement du solde primaire résultant d’une faiblesse de l’économie est temporaire. Du fait de l’incertitude entourant leur dynamique d’endettement, ces pays ont peu de marge pour atténuer les risques de récession par leur politique budgétaire.

Groupe 6 (Japon) : le plus endetté des pays est classé dans une catégorie à part. Il faut que le Japon réduise sa dette, mais ce processus doit s’inscrire dans la durée car le niveau de cette dette n’a pas d’effet fortement négatif sur les taux d’intérêt. La fixation d’un niveau prudent d’endettement à atteindre à l’horizon 2040 implique à court terme un important resserrement budgétaire irréaliste et inutile. Il convient de ne pas recourir trop massivement à des mesures budgétaires contracycliques car elles conduisent à une grande incertitude entourant la trajectoire de la dette pour une atténuation tout à fait minime des risques de récession. Le niveau peu élevé des dépenses publiques suggère que l’essentiel de l’effort d’assainissement devra porter sur les recettes.

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Graphique 15. Comparaison des règles budgétaires par groupe de pays

Partie A. Risques de récession à long terme

Partie B. Incertitude entourant le niveau de la dette

Note : Les histogrammes correspondent à la moyenne des pays constituant le groupe. Le modèle du « solde primaire constant » correspond à un scénario schématique dans lequel le solde primaire réel est maintenu constant de façon à atteindre le niveau prudent d’endettement ciblé, sans laisser jouer les stabilisateurs automatiques. Dans le scénario des « stabilisateurs automatiques », une surprise négative d’un point de pourcentage dans l’écart de production va de pair avec des mesures de relance temporaires équivalant à 0.4 % de PIB. Dans le scénario de « relance supplémentaire », les autorités prennent des mesures discrétionnaires qui s’ajoutent aux stabilisateurs automatiques pour réagir à l’écart de production. Dans le scénario de la « règle de dépenses », les autorités laissent jouer les stabilisateurs automatiques seulement pendant l’exercice en cours, comme dans le scénario de référence (règle 1) ; les dépenses structurelles progressent de 0,5 point de pourcentage de moins que le PIB potentiel pour les pays dont le niveau de dépenses structurelles est supérieur au niveau moyen de l’OCDE d’avant la crise (37 %) jusqu’à atteindre ce niveau. Dans le scénario de « prise en compte des paiements d’intérêts », l’objectif officiel est fixé non en termes de solde primaire, mais de solde réel incluant les intérêts versés. Enfin, dans le scénario de la « règle d’endettement » ou d’anticipation budgétaire, le solde primaire est augmenté d’un 20

e de la différence entre le niveau de la dette et son plafond, lorsque celle-ci dépasse le plafond. Cette

augmentation s’ajoute aux mesures prises par ailleurs. Le risque de récession à long terme correspond à la probabilité que la croissance du PIB par habitant devienne négative. L’incertitude entourant la trajectoire de la dette est évaluée par l’intervalle interquartile du niveau d’endettement en 2040.

Source : Calculs de l’OCDE.

0

5

10

15

20

25

30

35

Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3 Groupe 4 Groupe 5 Groupe 6

Pour cent

Solde primaire constant Stabilisateurs automatiques Relance supplémentaire

Règle de dépenses Prise en compte des taux d'intérêt Règle de dette

0

5

10

15

20

25

30

35

40

45

Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3 Groupe 4 Groupe 5 Groupe 6

Pour cent du PIB

CIBLES DE DETTE PRUDENTES ET CADRES BUDGÉTAIRES

48 DOCUMENTS D’ORIENTATION DU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, N° 15 © OCDE 2015

Les résultats de ces simulations sont récapitulés dans le tableau 8.

Tableau 8. Résultats des simulations : classification des pays et des règles budgétaires

Groupes de pays Règles

Groupe 1 (Australie, Israël, Corée, Nouvelle-Zélande, Pologne, Suisse et États-Unis)

Règle d’équilibre budgétaire et marge considérable pour une politique budgétaire contracyclique

Groupe 2 (Canada, République tchèque et République slovaque)

Règle d’équilibre budgétaire

Groupe 3 (Danemark, Luxembourg, Suède et Royaume-Uni)

1

Règle d’équilibre budgétaire et règle de dépenses faisant sentir légèrement leurs effets

Groupe 4 (Autriche, Belgique, Finlande, France, Allemagne, Pays-Bas et Slovénie)

Règle d’équilibre budgétaire et règle de dépenses faisant sentir durement leurs effets

Groupe 5 (Grèce, Irlande, Italie, Portugal et Espagne) Règle d’équilibre budgétaire visant un excédent primaire considérable avec une légère anticipation budgétaire

Groupe 6 (Japon) Excédent primaire considérable et légère anticipation budgétaire

1. Le Royaume-Uni présente un ratio dépenses/PIB quelque peu supérieur à la moyenne de l’OCDE, tandis que ce ratio est élevé dans les autres pays du même groupe.

Source : Calculs de l’OCDE.

5.4. Conseils budgétaires

Les publications sur les modèles de conseils budgétaires et leur efficacité sont de plus en plus nombreuses (voir les études de Debrun et al., 2009 ; Hagemann, 2011 ; Kopits, 2011b ; et Debrun et Kinda, 2014). La présente section passe en revue les arguments en faveur de leur mise en place, leur rôle et les conditions garantes de leur efficacité.

Pourquoi un conseil budgétaire ?

Les conseils budgétaires favorisent la discipline budgétaire et de ce fait, complètent les règles budgétaires. Étant donné que celles-ci sont conçues pour atteindre des cibles budgétaires et permettre des mesures de stabilisation, il convient de faire la part des choses entre ce qui relève de comportements de dérive déficitaire ou de l’adaptation aux chocs à court terme pour s’assurer que les gouvernements respectent leurs engagements. À cette fin, une instance extérieure peut être chargée de vérifier la conformité des autorités aux règles budgétaires.

Un conseil budgétaire peut être source de transparence et donc, de crédibilité. L’adoption de règles budgétaires, en particulier complexes, rend la transparence encore plus nécessaire. Les gouvernements peuvent avoir tendance à surestimer les recettes prévisibles, à sous-estimer les dépenses ou à appliquer indûment des clauses de sauvegarde (Debrun et al. 2013). Un conseil budgétaire peut aider à mettre de l’ordre dans le comportement de la puissance publique.

Dernier point : un conseil budgétaire peut contribuer à résoudre le problème du « pot commun », en particulier dans les États à structure fédérale, en alertant sur les externalités des politiques budgétaires de certaines entités infranationales susceptibles de leur être bénéfiques au détriment des autres.

Modèle et mandat des conseils budgétaires

Le rôle des conseils budgétaires est de contrôler ex ante que la politique budgétaire est susceptible d’atteindre ses objectifs à court et long terme tout autorisant une certaine souplesse. Les agences de notation ont clairement montré leurs limites quant au contrôle des finances publiques.

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Il n’existe pas de modèle unique pour concevoir un conseil budgétaire. Le modèle dépendra de la culture politique du pays, de sa tradition juridique et de ses particularités économiques. Dans certains pays, un conseil budgétaire investi d’un mandat de contrôle n’est pas jugé nécessaire en raison du haut niveau de responsabilité et de transparence déjà en place (cas de la Nouvelle-Zélande), alors que dans d’autres, une autorité indépendante est chargée de surveiller les finances publiques (Royaume-Uni).

Les conseils budgétaires ont des rôles et des mandats très différents. Outre l’analyse des propositions de budget et des évolutions en cours des finances publiques, leurs fonctions communes incluent la production de projections et d’estimations indépendantes ou l’approbation ou l’évaluation de celles établies par le gouvernement, le contrôle du respect des règles et objectifs budgétaires, l’analyse de la viabilité à long terme des finances publiques, la budgétisation des propositions d’action publique et la production d’analyses sur certaines questions. Une minorité de conseils budgétaires sont également chargés d’évaluations normatives.

Les faiblesses et les risques entourant la politique budgétaire doivent guider la manière de combiner précisément ces fonctions dans le mandat du conseil budgétaire. Le tableau 9 présente le mandat respectif des instances existantes. Si un gouvernement a tendance à manquer ses objectifs en raison de projections par trop optimistes, il convient qu’une instance extérieure soit chargée d’établir ces projections, ou sinon de les vérifier. Si le problème principal tient à une évaluation insuffisante des conséquences à long terme des décisions prises, des calculs de viabilité budgétaire, mettant en évidence ces conséquences, peuvent permettre de corriger cette erreur.

Les conseils budgétaires ont une autre attribution majeure : évaluer la nécessité d’une politique budgétaire contracyclique. Les gouvernements ratent souvent l’occasion de se constituer des volants de sécurité pendant les périodes fastes et un conseil peut préconiser des ajustements en pareil cas. Qui plus est, lorsque le gouvernement invoque une clause de sauvegarde pour déroger aux règles budgétaires, le conseil budgétaire peut en évaluer le bien-fondé.

Conditions garantes de l’efficacité d’un conseil budgétaire

Les conseils budgétaires sont de création relativement récente, mais leur nombre a triplé dans l’OCDE depuis le début de la crise pour atteindre une vingtaine en 2013. Ils varient dans leur mandat et leurs particularités, et l’aspect qualitatif d’une partie importante de leur mission ne facilite pas l’évaluation de leur efficacité. Qui plus est, cette analyse est sujette à un lien de causalité inverse puisqu’il n’est pas impossible que les préférences des pays disciplinés transparaissent dans leur choix d’adopter de telles instances.

Les estimations du tableau 6 montrent qu’il est difficile d’appréhender l’efficacité des conseils budgétaires. Leur impact sur le solde primaire n’est pas significatif pour la plupart des variables spécifiées. Il semble cependant qu’ils permettent de limiter les dépenses publiques lorsqu’ils sont couplés à une règle d’équilibre budgétaire (tableau 6, colonne S2).

Ces résultats sont cohérents avec les conclusions de Debrun et al. (2013), qui ont réalisé une étude approfondie de l’efficacité des conseils budgétaires. En moyenne, il semble qu’il n’existe qu’une corrélation très lâche entre le fait en soi de disposer d’un conseil budgétaire et des finances publiques plus saines. En revanche, des soldes primaires plus élevés vont de pair avec des conseils budgétaires présentant certaines caractéristiques. Il est ainsi peu probable que leur mission de contrôle du respect des règles budgétaires soit suffisante pour jouer sur les finances publiques si cette mission ne s’accompagne pas d’une stricte indépendance et de la présence de ces instances dans le débat public. Les auteurs constatent également que la situation des finances publiques est plus solide, les projections plus exactes et moins optimistes et l’action publique moins procyclique dans les pays de l’Union européenne dotés d’un conseil budgétaire.

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Tableau 9. Mandat des instances budgétaires dans les pays de l’OCDE

Analyse normative

Préparation des

prévisions

Évaluation des

prévisions

Viabilité à long terme

1 Optimalité2 Coût des

mesures 3

Contrôle des règles

budgétaires

Analyse ex post

Mandat hors politique

budgétaire

Australie Parliamentary Budget Office X X

Autriche Conseil consultatif des finances publiques X X X X X

Belgique Haut conseil des finances X X X X

Belgique Bureau fédéral du Plan X X X X X X

Canada Directeur parlementaire du budget X X X X X X

Danemark Conseil économique danois X X X X X X X X

Finlande Cour nationale des comptes de Finlande X X X X X X

France Haut conseil des finances publiques X X X X

Allemagne Conseil pour la stabilité X X X X X X

Hongrie4 Conseil budgétaire X X X X X X

Irlande Irish Fiscal Advisory Council X X X X X X

Italie Office parlementaire du budget X X X X X X

Japon Conseil du système budgétaire et Conseil de la politique économique et budgétaire

X X

Corée Office du budget de l’Assemblée nationale X X X X X X

Mexique Centre d’études des finances publiques X X X X

Pays-Bas CPB (Bureau central du plan), Bureau d’analyse de la politique économique

X X X X X X X

Portugal Conseil portugais des finances publiques X X X X X

République slovaque Conseil pour la responsabilité budgétaire X X X X X

Slovénie Institut d’analyse et de développement macroéconomiques

X X X X X X X

Slovénie Conseil budgétaire X X X X

Suède Conseil suédois de la politique budgétaire X X X X X

Royaume Uni Office for Budget Responsibility X X X X X X X

États-Unis Congressional Budget Office X X X X X

1. Viabilité à long terme : établissement de prévisions à long terme sur le solde budgétaire et la dette des administrations publiques. 2. Optimalité : évaluation de la situation budgétaire des administrations publiques et des finances publiques par rapport aux objectifs et aux priorités stratégiques. 3. Coût des mesures : chiffrage des effets à court ou à long terme, voire les deux, des mesures et réformes budgétaires. 4. Le mandat du conseil a été considérablement réduit en 2010. Sources : FMI, Fiscal Council Dataset (février 2014) ; OCDE (2015), Principles for Independent Fiscal Institutions and Country Notes, à paraître.

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Ces observations empiriques corroborent les conclusions de Kopits (2011a ; 2011b), qui identifie les caractéristiques ci-après comme essentielles pour l’efficacité d’une instance budgétaire : a) élaboration et appropriation en interne de son modèle et de son fonctionnement ; b) indépendance, objectivité, compétence technique et responsabilité devant le corps législatif ; c) dotation suffisante en personnel d’appui technique et accès illimité et en temps utile aux informations officielles ; d) mandat consistant à évaluer l’orientation budgétaire et la viabilité à long terme de la dette – et à contrôler le respect des règles et des objectifs – en estimant en temps réel l’impact des projets de loi sur le budget, et e) dotation en moyens de communication efficaces en direction du public pour garantir un haut niveau de transparence.

Les caractéristiques ci-dessus correspondent aux principes adoptés par les pays membres de l’OCDE et définis dans OCDE (2014) pour garantir l’indépendance des instances budgétaires. Il convient de citer, parmi les dix grands principes énoncés pour l’efficacité de ces instances, l’importance essentielle de la relation avec le pouvoir législatif et de la participation à la procédure budgétaire, l’indépendance et l’objectivité et l’accès à l’information.

5.5. Cadres budgétaires à moyen terme

Un cadre budgétaire à moyen terme (CBMT) est utile à l’efficacité du cadre budgétaire. La fonction du CBMT est de garantir la cohérence dans le temps entre l’action publique et les objectifs. Le CBMT est indispensable pour la traduction des objectifs budgétaires en plans de recettes et de dépenses détaillés. Un bon CBMT fixe des restrictions contraignantes sur les dépenses pluriannuelles et affirme, avec clarté et cohérence, les priorités à moyen terme des pouvoirs publics dans les limites d’un plafond global de dépenses (Gupta et Yläoutinen, 2014).

Le CBMT doit être ancré dans des objectifs chiffrés à moyen terme (Blondal, 2005). Ces objectifs, intermédiaires, sont conformes aux objectifs budgétaires à long terme. Des objectifs fixes à moyen terme signifient que les règles budgétaires (objectifs de recettes et de dépenses) ne doivent pas être modifiées au fil du temps, sauf en cas d’événements exceptionnels imprévus pendant la période de référence. C’est ainsi qu’aux Pays-Bas, en Suède, en Finlande ou au Royaume-Uni, avec le nouveau cadre, les CBMT sont construits sur une règle de dépenses pluriannuelles imposant des plafonds de dépenses contraignants. Aux Pays-Bas, tout gouvernement nouvellement élu annonce ses objectifs budgétaires à moyen terme en vertu des objectifs fixés à long terme pour les finances publiques. Puis, au fur et à mesure de son mandat, les politiques menées sont évaluées eu égard à leur impact sur les objectifs.

L’influence d’un cadre budgétaire à moyen terme sur l’établissement du budget annuel est un déterminant essentiel de son efficacité. La trajectoire à moyen terme définie dans le CBMT doit être contraignante pour les règles d’équilibre budgétaire et de dépenses. La fixation ex ante d’objectifs chiffrés pour ces règles, à partir du CBMT, implique d’ajuster les plans de dépenses et de recettes pour assurer le respect des différents objectifs. En particulier, il convient d’établir des priorités dans les plans de dépenses pour faire en sorte que si des coupes sont nécessaires à un moment donné pour respecter le cadre budgétaire, celles-ci ne nuiront pas aux priorités de l’action publique.

Le CBMT est exposé aux mêmes risques que des règles budgétaires qui énoncent des objectifs non contraignants, peu d’engagements politiques et des projections trop optimistes. Comme pour les règles budgétaires, un conseil budgétaire est par conséquent nécessaire pour garantir la transparence et la crédibilité du cadre.

5.6. Procédures budgétaires

La procédure budgétaire, également, est importante pour garantir le respect des règles budgétaires, en particulier des objectifs de dépenses. Dans OCDE (2014) sont énoncés les principes de gouvernance budgétaire qu’ont approuvés les États membres de l’OCDE. De ces dix grands principes émergent les trois mots-clés de transparence, sincérité et coordination. Les pays jugés performants dans la mise en œuvre de leur cadre budgétaire (la Suède et les Pays-Bas, par exemple) appliquent une procédure budgétaire centralisée (ministère des Finances, Administration centrale du budget), assurant la cohérence entre les plans prévisionnels de dépenses et les dépenses réelles. De même, la centralisation des procédures

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budgétaires est jugée nécessaire pour qu’une construction descendante du budget soit efficace (Commission européenne, 2010). En particulier, l’administration centrale du budget doit pouvoir s’opposer à tout dépassement de dépenses tant qu’une nouvelle loi n’a pas été votée pour l’autoriser.

Une procédure budgétaire efficace est sans doute spécifique à chaque pays et dépend de la taille de ce pays, de sa structure centralisée ou fédérale, et des spécificités du système politique. Von Hagen et Harden (1994) ont observé que les procédures budgétaires de tous les grands États parvenus à contenir leurs dépenses et leur déficit dans les années 70 et 80 (France, Grande-Bretagne et Allemagne) suivent une logique procédurale, qui permet un processus de négociation entre les ministères dépensiers et un ministère central (du Budget ou des Finances), doté d’un certain pouvoir. En revanche, les procédures budgétaires des pays plus petits parvenus à contenir leurs dépenses et leur déficit (Danemark, Pays-Bas et Luxembourg) sont axées sur des objectifs. Ces observations portent à croire que la taille du pays joue un rôle dans la complexité de son administration, ce qui ne facilite pas la tâche pour contrôler le respect des objectifs budgétaires chiffrés.

OCDE (2014) et Gupta et Yläoutinen (2014) constatent qu’une logique descendante dans l’élaboration du budget est l’un des éléments essentiels à l’appui d’une stratégie budgétaire crédible. Pendant les épisodes d’assainissement des finances publiques, en particulier, une construction descendante du budget impose des plafonds de dépenses à la fois au niveau agrégé et au niveau sectoriel, ce qui multiplie les chances d’assurer la cohérence d’exécution du budget avec le plan prévisionnel. Le plafonnement des dépenses peut même être renforcé en exigeant qu’une rubrique de dépenses donnée ne puisse pas être majorée sans réduire d’autres dépenses dans le même secteur.

6. Questions d’économie politique

6.1. La crédibilité de la trajectoire d’assainissement importe pour éviter la « fatigue budgétaire »

Le choix de la trajectoire d’assainissement est déterminant pour éviter la survenue d’une certaine « fatigue budgétaire », qui pourrait déboucher sur des taux d’intérêt plus élevés avec leurs effets néfastes sur la demande. Il faut du temps pour ramener l’endettement à un niveau prudent. Les politiques d’assainissement des finances publiques qui ont réussi ces dernières décennies ont pris, en moyenne, une dizaine d’années. Au Canada, la politique d’assainissement a ainsi commencé en 1993 et n’a été interrompue que par les crises de 2008-2009. En Belgique, au Pays-Bas et en Suède, l’assainissement des finances publiques a suivi la même dynamique, amorcée au milieu des années 90 et d’une durée de plus de dix ans. Étant donné le temps nécessaire, une forte concentration des efforts pendant les premières années, quoique jugée efficace, doit être évitée au profit d’une trajectoire plus douce. Il a ainsi fallu sept ans au ratio d’endettement du Canada pour revenir de 102 % du PIB en 1993 à 84 % en 2000. De 1993 à 1997, le solde financier des administrations publiques s’est considérablement redressé, de 2 % du PIB en moyenne par an.

6.2. Économie politique de l’assainissement des finances publiques

Les réussites en matière d’assainissement budgétaire livrent certains enseignements politiques. Posner et Sommerfeld (2013) ont passé en revue des processus d’assainissement d’une durée de 6 à 9 ans en Australie, au Canada, en Nouvelle-Zélande, en Suède et aux États-Unis. De nombreux pays de l’OCDE ont connu de très longs épisodes de ce type aux résultats très probants (Guichard et al., 2007). Blöchliger et al. (2012) ont ainsi identifié 13 cas de pays qui, entre 1980 et 2000, ont pu ramener leur déficit de 8 % à 1 % de leur PIB en moyenne en l’espace de cinq ans. Les enseignements que Posner et Sommerfeld (2013) ont dégagés de leur étude et des cas analysés peuvent se résumer ainsi :

Facteurs déclencheurs de l’assainissement : les réductions de dépenses et les augmentations d’impôts donnant matière à controverse, il est rare qu’on y procède en temps normal. En règle générale, des mesures d’assainissement ne sont mises en place que lorsque les finances publiques vont mal, avec un déficit qui se creuse et un niveau de dette qui grimpe (Molnar, 2012). Certaines études donnent à penser qu’il faut une crise pour que les pays déploient des efforts d’assainissement plus en profondeur et de plus longue durée (Larch et Turrini, 2008). La

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Suède a ainsi engagé une politique d’assainissement de ses finances publiques après avoir vu son taux de chômage grimper de 2 % en 1990 à 8 % en 1993, son déficit budgétaire se creuser à 12 % du PIB cette même année et sa croissance enregistrer un taux négatif.

Contexte économique : austérité budgétaire et croissance ne font pas bon ménage. Nombreux sont les pays qui entreprennent toutefois des efforts d’assainissement au moment où leur économie sort d’une récession. La réduction des déficits dans une telle période peut stimuler la croissance, en partie en amenant les banques centrales et les marchés à abaisser leurs taux d’intérêt (Von Hagen et Strauch, 2001). La Suède, par exemple, a initié d’importants efforts de réduction de son déficit en 1994, au moment-même où son économie s’engageait sur la voie d’un solide redressement.

Institutions politiques et choix du moment : pour réussir, un redressement budgétaire doit s’opérer à un moment stratégique et nécessite une forte adhésion de la part des partis politiques. S’agissant du choix du moment, les gouvernements ont le plus de chances de réussir lorsqu’ils prennent des mesures d’assainissement immédiatement après avoir été portés au pouvoir (Guichard et al., 2007). Un mandat de redressement des finances publiques est également important : les gouvernements nouvellement élus au Canada et en Suède, par exemple, avaient fait campagne sur la nécessité d’un assainissement budgétaire, se fixant ainsi l’obligation d’une action ferme. Les travaux des chercheurs ne sont pas clairs sur la question de l’impact d’un parti au pouvoir fort sur les perspectives de redressement. Toutefois, un lien est constaté entre une majorité forte (majorité monopartite au pouvoir, majorité présidentielle unifiée, coalition bipartite) et une action plus déterminée, des efforts de plus longue durée et une réforme fondamentale des grands secteurs de dépenses (Alesina et al., 2006 ; Larch et Turrini, 2008).

Composition des mesures d’assainissement : la participation commune aux sacrifices à consentir et la recherche d’un équilibre de l’action entre dépenses et recettes peuvent aider à battre en brèche l’idée que l’assainissement est injuste ou profite seulement à certaines catégories. La Suède, par exemple, a ainsi imposé une réduction généralisée de 11 % de ses dépenses dans la quasi-totalité de ses programmes et administrations, dès le début de son processus d’assainissement en 1994. Il existe une autre stratégie, qui consiste à « dédommager » les perdants, créant des coalitions en conférant certains avantages pour compenser en partie les pertes subies par de larges catégories.

Élections politiques et assainissement budgétaire : la sagesse populaire incite à penser que les dirigeants au pouvoir n’ont pas de vision à long terme et que leurs considérations à courte vue risquent de masquer les bénéfices politiques d’un redressement des finances publiques. Brender et Drazen (2006) montrent que les dirigeants qui parviennent à réduire le déficit public par leur action politique augmentent, en fait, leurs chances d’être réélus. À partir des données de 164 scrutins électoraux menés dans 23 pays de l’OCDE entre 1960 et 2003, les auteurs ont observé qu’en éliminant les effets des fluctuations économiques, une diminution d’un point de PIB du déficit augmente de 5,7 points de pourcentage la probabilité de réélection du gouvernement en place.

Alesina et al. (1998) montrent que les chances de survie des majorités en place augmentent pendant les phases d’ajustement draconien qui misent principalement sur des coupes dans les dépenses, notamment dans les grands postes que sont les rémunérations des agents publics et les transferts. De même, Posner et Sommerfeld (2013) constatent que les neuf pays de l’OCDE enregistrant systématiquement des excédents ont été réélus dans 63 % des 24 élections organisées dans les huit années d’avant la Grande récession. En revanche, les gouvernements essuyant les plus gros déficits pendant cette même période ont été réélus dans 40 % seulement des cas. Plus important encore, les gouvernements des pays à excédent budgétaire ont connu bien plus de succès électoraux après la Grande récession. Ils ont en effet

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gagné six des huit scrutins organisés, contre un sur cinq seulement pour les pays à déficit budgétaire.

Quant aux pays européens durement frappés par la crise, les partis au pouvoir qui ont mis en œuvre d’importantes mesures d’assainissement ont perdu les élections suivantes. Leur mandat n’est pas allé à son terme et des élections anticipées ont eu lieu dans plusieurs de ces pays :

Grèce : le parti au pouvoir avant la crise (Nouvelle Démocratie) a perdu les élections en octobre 2009. Son rival, le Pasok, qui a mis en place les politiques de redressement des finances publiques, a été battu à une très large majorité aux scrutins de mai-juin 2012. Le parti Nouvelle Démocratie, qui est revenu au pouvoir et a poursuivi les réformes, a été battu à son tour et de très loin à l’élection de janvier 2015.

Irlande : le gagnant du scrutin de mai 2007 (Fianna Fáil) a perdu les élections de février 2011 après avoir engagé le processus de redressement.

Portugal : le parti au pouvoir au début de la crise (Parti socialiste) a gagné d’une courte majorité en 2009, mais a perdu l’élection de 2011 après avoir entrepris le programme d’assainissement.

Espagne : le Parti socialiste espagnol a remporté l’élection de 2008 et à mis en place le programme d’assainissement budgétaire après la crise. Il a été battu à l’élection de 2011.

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62 DOCUMENTS D’ORIENTATION DU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, N° 15 © OCDE 2015

ANNEXE

Tableau A.1. Fonction de réaction budgétaire

(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7)

Variable dépendante Solde

primaire Solde

primaire Solde

primaire Solde

primaire Solde

primaire Solde

primaire Solde

primaire

Écart de production 0,42*** 0,38*** 0,43*** 0,49*** 0,42*** 0,43*** 0,39***

(0,029) (0,043) (0,029) (0,034) (0,029) (0,029) (0,031)

Valeur retardée (dette) inférieure à d1

0,017* -0,008 0,025 0,059** 0,018* 0,011 0,018*

(0,009) (0,007) (0,016) (0,024) (0,009) (0,010) (0,010)

Valeur retardée (dette) entre 0,064** -0,074** 2,60** 0,003 0,065** 0,046* 0,067**

d1 et d2 (0,027) (0,037) (1,09) (0,011) (0,027) (0,024) (0,028)

Valeur retardée (dette) -0,11*** -0,14** -0,83* -0,11*** -0,11*** -0,098** -0,11***

supérieure à d2 (0,041) (0,064) (0,43) (0,040) (0,040) (0,040) (0,041)

Mesures ponctuelles -1,00*** -1,02*** -1,01*** -1,03*** -1,04*** -0,97*** -1,01***

(0,036) (0,046) (0,038) (0,041) (0,039) (0,038) (0,037)

Ouverture commerciale x 0,034*** 0,011*** 0,029*** 0,035*** 0,033*** 0,033*** 0,034***

termes de l’échange (0,008) (0,004) (0,008) (0,009) (0,008) (0,0083) (0,009)

Valeur retardée (actifs (a)) 0,022

(0,018)

Valeur retardée (dette -0,017

inférieure à d1 x a) (0,026)

Valeur retardée (dette entre -3,01**

d1 et d2 x a) (1,39)

Valeur retardée (dette 0,86*

supérieure à d2 x a) (0,52)

Valeur retardée (taux -0,027

d’intérêt réel (r)) (0,090)

Valeur retardée (dette 0,24

inférieure à d1 x r) (0,25)

Valeur retardée (dette entre 0,32**

d1 et d2 x r) (0,14)

Valeur retardée (dette 0,91

supérieure à d2 x r) (0,67)

Valeur retardée (mesures -0,12***

ponctuelles) (0,039)

Programmes du FMI 0,011 0,017**

(0,007) (0,007)

Inflation 0,14*** 0,097***

(0,055) (0,035)

Ratio de dépendance des 0,001**

personnes âgées (5e-04)

Valeur retardée (dette x r) 0,26***

(0,051)

Valeur retardée (taille du -0,099***

secteur public) (0,028)

Zone euro -0,005

(0,004)

Variation des prix 0,073***

immobiliers (0,016)

Variation du cours des 0,012***

actions (0,003)

d1 123% 137% 156% 51% 123% 117% 123%

d2 168% 180% 164% 157% 168% 168% 168%

Échantillon 1985-2013 1985-2013 1985-2013 1985-2013 1985-2013 1985-2013 1985-2013

Effets fixes pays Oui Non Oui Oui Oui Oui Oui

N 709 512 699 604 706 709 658

Rho 0.75 0.71 0.73 0.67 0.75 0.75 0.76

R2 0.633 0.653 0.635 0.661 0.637 0.636 0.637

Note : Régression en panel avec une correction AR(1) de Prais-Winsten et des écarts-types robustes à l’hétéroscédasticité du panel. Les écarts-types sont indiqués entre parenthèses. La Norvège est exclue de la troisième spécification faute d’être comparable aux autres pays : le niveau élevé de sa situation financière nette découle surtout des recettes publiques passées issues de l’activité pétrolière.