6
Presses Universitaires du Mirail Civiliser le peuple et former les élites. L'éducation en Colombie, 1918-1957 by Aline Helg Review by: Jacques Gilard Cahiers du monde hispanique et luso-brésilien, No. 47 (1986), pp. 138-142 Published by: Presses Universitaires du Mirail Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40851390 . Accessed: 15/06/2014 10:47 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires du Mirail is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Cahiers du monde hispanique et luso-brésilien. http://www.jstor.org This content downloaded from 185.44.79.62 on Sun, 15 Jun 2014 10:47:47 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Civiliser le peuple et former les élites. L'éducation en Colombie, 1918-1957by Aline Helg

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Civiliser le peuple et former les élites. L'éducation en Colombie, 1918-1957by Aline Helg

Presses Universitaires du Mirail

Civiliser le peuple et former les élites. L'éducation en Colombie, 1918-1957 by Aline HelgReview by: Jacques GilardCahiers du monde hispanique et luso-brésilien, No. 47 (1986), pp. 138-142Published by: Presses Universitaires du MirailStable URL: http://www.jstor.org/stable/40851390 .

Accessed: 15/06/2014 10:47

Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at .http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp

.JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range ofcontent in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new formsof scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected].

.

Presses Universitaires du Mirail is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access toCahiers du monde hispanique et luso-brésilien.

http://www.jstor.org

This content downloaded from 185.44.79.62 on Sun, 15 Jun 2014 10:47:47 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 2: Civiliser le peuple et former les élites. L'éducation en Colombie, 1918-1957by Aline Helg

138 CM.H.L.B. Caravelle

Sur le long terme, la coupure de l'indépendance fait que, vues les origines coloniales de la Nouvelle Espagne, la seule légitimité possi- ble est celle du peuple souverain (p. 174), issue de l'insurrection (p. 181) : l'Afrique du milieu du XXe siècle en connaît autant. Mais peut-on alors se contenter d'évoquer la légitimité nationaliste de Juarez d'une note brève (p. 190) ? Ce qui est dit sur Yun et le peuple (p. 164), sur le chef qui est le peuple et qui, de ce fait, est seul déten- teur légitime de la violence (p. 217) nous rappelle les réflexions de C. Lefort sur le stalinisme. Rappelons que vers 1930 ce système est transposé au sein d'un parti au chef non rééligible...

Relevons aussi le rôle des liens personnels qui légitiment le compor- tement politique, de la famille à l'amitié (p. 136, p. 141), l'argent venant de surcroît, le rôle aussi du secret dans la désignation des chefs (p. 47). Enfin, le rôle de l'éducation est de créer le vrai peuple d'une élite dégagée de l'ancien régime et, grâce à cette éducation, l'élite est particulièrement dépendante des modes intellectuelles euro- péennes, peu enracinée dans la société; éventuellement extrémiste et unanimiste dans ses opinions pour cela même (p. 346) ?

Enfin, cette élite éduquée a principalement vocation à servir l'Etat, fonctionnaire plus que bourgeoise (p. 186, 282, 284). Tout ceci ne rappelle-t-il pas au lecteur les pages de G. Zaïd sur l'Université {El Progreso improductivo) dans le Mexique actuel ? Et de la même façon ces descriptions ne s'appliquent-elles pas à d'autres élites latino-américaines, ou aussi à certaines élites africaines contemporai- nes ? La spécificité mexicaine reposerait alors sur l'épaisseur parti- culièrement forte d'une société d'ancien régime qui, par sa masse démographique, son contenu indigène très présent et enfin par sa forte articulation au reste de la société globale, aura marqué la poli- tique de manière exceptionnellement durable.

Claude Bataillon.

Aline Helg. - Civiliser le peuple et former les élites. L'éducation en Colombie, 1918-1957 - . Paris, L'Harmattan, 1984. - 352 p.

On a ici un ouvrage de très grande utilité pour qui veut mieux connaître tout un pan de l'histoire récente de la Colombie et même comprendre la réalité la plus actuelle du pays : si, dans les dernières pages, l'auteur fait référence brièvement aux projets et aux premières actions du gouvernement de Belisario Betancur (1982), les dilemmes que le pays affronte depuis des années en matière d'éducation et dans d'autres domaines sont bien mis en relief et ce livre permettra

This content downloaded from 185.44.79.62 on Sun, 15 Jun 2014 10:47:47 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 3: Civiliser le peuple et former les élites. L'éducation en Colombie, 1918-1957by Aline Helg

COMPTES RENDUS 139

de comprendre les enjeux pour encore un bon nombre d'années. Et le spécialiste pourra faire ici une ample moisson de données et trou- vera matière à réflexion.

Il s'agit d'une recherche extrêmement abondante et détaillée, tant dans le domaine documentaire (lois, décrets, circulaires, statistiques, matériel de presse) que dans celui du témoignage oral. De multiples aspects sont passés en revue, depuis les projets éducatifs des classes dirigeantes et leur mise en œuvre presque toujours hasardeuse et tronquée, jusqu'aux conditions de vie des instituteurs ruraux. Un des apports remarquables du livre est de démontrer que les conflits entre libéraux et conservateurs, dans le domaine de l'éducation, pour spectaculaires qu'ils aient pu être à certains moments, étaient plus apparents que réels et qu'en vérité un accord assez large dans ce domaine avait été trouvé bien avant que les deux partis tradition- nels ne se décident à gouverner ensemble dans le système du Front national qui se prolonge, sans dire son nom, jusqu'à la période actuelle.

Un autre aspect particulièrement utile porte sur les effets de la « violence » dans le domaine de l'éducation : on n'a pas encore étudié sérieusement l'impact de ce phénomène typiquement colombien sous l'angle du devenir culturel national, alors que la « violence » sem- blait dans bien des cas ramener la Colombie en arrière à un moment où les moyens de communication se développaient intensément et modernisaient le pays; ici nous voyons ses effets, en particulier sur la vie des maîtres - surtout ceux de l'enseignement primaire rural - et dans les pressions exercées sur l'orientation idéologique des éco- les et des collèges de certaines régions du pays. De ce point de vue, on trouve ici quelques lumières et il serait intéressant que ces élé- ments soient développés et reliés à d'autres aspects de la vie cul- turelle colombienne. Nous pensons notamment à l'enseignement supé- rieur et à ses liens avec la vie intellectuelle et scientifique du pays - puisque le fait est que l'auteur, pour des raisons bien expliquées au début de l'ouvrage, a choisi de ne pas accorder beaucoup d'attention aux problèmes universitaires.

Enfin, ce livre, dans sa perspective propre, contribue à préciser nos connaissances sur le rôle des élites colombiennes, ces descen- dants de créoles qui continuent à s'auto-légitimer dans leur perma- nente invocation des gloires de l'Indépendance (l'inconfort d'avoir à exalter le « cachaco » Santander au détriment du Vénézuélien Boli- var !) et de leurs propres vertus civiques, se pérennisant au pouvoir par la maîtrise du système éducatif et s'efforçant de canaliser les pressions populaires sans faire de concession majeure : souci de l'enseignement supérieur sélectif et des meilleures formations (du

This content downloaded from 185.44.79.62 on Sun, 15 Jun 2014 10:47:47 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 4: Civiliser le peuple et former les élites. L'éducation en Colombie, 1918-1957by Aline Helg

140 C.M.H.L.B. Caravelle

système privé) pour les héritiers du pouvoir; éducation primaire, formation technique et enseignement public (toujours insuffisant) pour les enfants des classes populaires; incertitude constante des choix relatifs à l'enseignement secondaire; incapacité permanente de faire face aux besoins et à la réalité, notamment, dans la période récente, à la croissance démographique. Les contradictions et les accommodements bien connus de quiconque s'est intéressé à un aspect de la réalité colombienne se retrouvent ici avec une grande netteté : le discours des élites ne cherche pas à être autre chose qu'un discours, tandis que se perpétue une situation toujours mal gérée et toujours profitable pour la classe dirigeante.

Ce ne sont là que quelques aspects du livre, et d'autres lecteurs mettraient en relief d'autres points : le livre est riche en informa- tions et en analyses.

Il manque peut-être - et c'est le principal regret - un regard plus détaillé sur le rôle que les intellectuels jouent dans l'histoire colom- bienne et sur la fonction que leur ont déléguée (ou seulement concé- dée ?) les classes dirigeantes et qui a à voir avec l'éducation, au sens large du terme : Bogota ne tient-elle pas encore beaucoup, en effet, à son surnom d'« Athènes de l'Amérique du Sud » ? Nous enten- dons bien, certes, que ces intellectuels ont aussi été parfois, sou- vent même, des politiques : Alberto Lieras Camargo, Jorge Zala- mea, Germán Arciniegas ont été ministres de l'Education, le pre- mier nommé ayant même été président à deux reprises, et ils trouvent donc leur place dans cet ouvrage, mais il aurait fallu aussi regarder de plus près la piétaille des intellectuels à gages, qui étaient sou- vent éditorialistes, plumitifs à tout faire de la presse bourgeoise et oligarchique, et parfois sénateurs et porte-parole relativement pres- tigieux des partis traditionnels. Car ce sont eux qui ont été chargés de propager les clichés et les idées de l'Etat-nation, ce nationalisme que l'auteur du livre ne trouve guère dans les projets et réalisations éducatifs des gouvernements colombiens - sauf pour la première présidence de López Pumarejo. Tout au long des années, ces intel- lectuels ont propagé systématiquement une pensée nationaliste dans des éditoriaux, des articles divers et des écrits de fiction; une pensée nationaliste intransigeante et bornée, d'autant plus que l'idée de la nationalité reste floue, et qui montre d'ailleurs une étonnante stabilité à travers plusieurs décennies. Quelle que soit leur idéologie, et le chauvinisme aidant, les intellectuels ont efficacement servi les classes dirigeantes dans la presse. Celle-ci, destinée aux classes moyen- nes, doit être vue comme une autre courroie de transmission qui double ou remplace une éducation évidemment déficiente. Aussi peut- on avoir quelque réticence devant l'affirmation que les élites « ne

This content downloaded from 185.44.79.62 on Sun, 15 Jun 2014 10:47:47 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 5: Civiliser le peuple et former les élites. L'éducation en Colombie, 1918-1957by Aline Helg

COMPTES RENDUS 141

suscitent le nationalisme que négativement, en développant un complexe d'infériorité par rapport aux modèles étrangers » (p. 256).

Réflexion qui vient en corollaire : les programmes et les manuels méritaient d'être vus de plus près pour mieux justifier le titre du livre, notamment en ce qui concerne l'enseignement de l'histoire et de la géographie. S'il est vrai que - comme le remarque l'auteur - les gouvernements de l'époque étudiée n'ont pas eu les moyens d'éviter le recours à des manuels d'origine étrangère (López Puma- rejo constituant là aussi une légère et éphémère exception), il était possible de trouver une information sur le projet éducatif des clas- ses dirigeantes en consultant les manuels d'enseignement secondaire élaborés sur place depuis une trentaine d'années : ceux d'histoire et de géographie « nationales », fort peu scientifiques et très nationa- listes, rappellent à s'y méprendre parfois le ton et le contenu de bien des articles parus dans El Tiempo et son supplément littéraire, il y a trente, quarante ou cinquante ans, et ne présentent guère de différences avec les articles « historiques » que l'on peut lire dans les suppléments littéraires actuels. On s'est toujours fort peu soucié, en Colombie, d'intégrer dans la conscience du pays les apports des véritables spécialistes des sciences humaines : Juan Friede autrefois, Germán Colmenares, Jaime Jaramillo Uribe, Carlos Orlando Melo ou Margarita González aujourd'hui. On se soucierait même plutôt du contraire (voir l'action menée il y a quelques années par le leader conservateur Alvaro Gómez Hurtado contre la « nouvelle histoire » et les publications de Colcultura).

Et l'on pourrait se demander d'ailleurs si le devoir et le but des gouvernements colombiens était de créer une conscience nationale à travers l'éducation. Le but, peut-être, mais ce n'est pas si sûr - et nous penserions plutôt le contraire. Le devoir, on peut en douter, même si l'auteur du livre semble avoir la conviction qu'une ligne nationaliste est nécessaire (ou n'est-ce qu'une impression de lec- ture ?) : rappelons tout le mal que le nationalisme, chauvin et loca- liste, de gauche ou d'autres bords, a fait à la vie intellectuelle de la Colombie, et à toute son histoire, parce que ce nationalisme, en fin de compte, n'a jamais profité qu'aux classes dirigeantes. Rappelons aussi que l'œuvre de García Márquez, si habilement récupérée par ces élites, est fondée sur de féroces positions antinationalistes.

Mais, on le voit, c'est un débat épineux, traversé d'éléments par- fois violemment passionnels, qui n'est pas près d'être épuisé en Colombie. Et on voit aussi par là, pour revenir à notre point de départ, que ce livre nous fait toucher du doigt les grandes questions que pose ce pays : les désaccords, les doutes et les interrogations

This content downloaded from 185.44.79.62 on Sun, 15 Jun 2014 10:47:47 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 6: Civiliser le peuple et former les élites. L'éducation en Colombie, 1918-1957by Aline Helg

142 C.AÍ.tf.L.B. Caravelle

qu'il suscite ne font que confirmer qu'il s'agit d'un titre indispensa- ble pour qui s'intéresse à la Colombie.

Dernier point, mineur : les traductions sont trop souvent littéra- les, les hispanismes fourmillent dans le texte et la correction d'épreu- ves laisse à désirer - tout cela rendant le texte parfois difficile à suivre.

Jacques Gilard.

Armando Romero. - Las palabras están en situación. Un estudio de la poesía colombiana de 1940 a 1960 - . Bogotá, Procultura, 1984. 190 p. (Nueva Biblioteca Colombiana de Cultura).

Armando Romero propose ici un important travail, bien décanté, qui couvre une période capitale de l'histoire de la poésie colombienne et en précise nettement les contours et les enjeux. De 1940 à 1960, la poésie colombienne se décide enfin à entrer dans la modernité alors que le pays, dans le même temps, hésite à franchir ce pas historique et se fige idéologiquement sur le seuil d'une nouvelle époque tout en se déchirant dans les conflits de la « Violence ». On voit donc - le titre, emprunté au premier editorial de la revue Mito (1955), nous l'indiquait déjà - que le livre se présente aussi comme une radiogra- phie du devenir historique heurté qu'a vécu, en le subissant au lieu de le développer, la Colombie contemporaine. Ce devenir est vu sous l'angle du fait poétique proprement dit et la thèse proposée par Armando Romero nous semble faire notablement avancer les connais- sances dans ce domaine où la confusion a régné longtemps et conti- nue à régner de par la volonté des classes dirigeantes : sans le vou- loir (Alvaro Mutis) ou en le voulant (les orientateurs de Mito et particulièrement Jorge Gaitán Duran), les poètes colombiens ont combattu « el gran edificio de la mentira nacional » (p. 121). Ils ont brisé le carcan de la rhétorique officielle que la plupart des intel- lectuels et écrivains avaient accepté de porter depuis l'époque de Guillermo Valencia. Au parnassianisme tardif de Valencia, diverse- ment prolongé par la génération du Centenaire et, plus tard, par le « Piedracielismo », symboles des blocages idéologiques colombiens, Armando Romero oppose la modernité dynamique et critique de José Asunción Silva, qui se prolonge au cours du temps dans les cas insulaires de Luis Carlos López, León de Greiff et Luis Vidales pour ressurgir pleinement avec la génération poétique des années 40 (les deux vagues de « cuadernicolas ») et celle des années 50 (Mito). L'in- terrogation sur le fait poétique, le thème de la mort, la remise en

This content downloaded from 185.44.79.62 on Sun, 15 Jun 2014 10:47:47 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions