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LA LUTTE CONTRE LE RACISME, L’ANTISÉMITISME ET LA XÉNOPHOBIE ANNéE 2014 COMMISSION NATIONALE CONSULTATIVE DES DROITS DE L’HOMME La documentation Française

CNCDH : Rapport 2014

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Dans son rapport annuel rendu public jeudi 9 avril, la Commission nationale consultative des droits de l'homme observe la cristallisation du rejet autour de la population musulmane, l’augmentation significative des actes antisémites et la critique sans retenue des Roms.

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  • LA LUTTE CONTRE LE RACISME, LANTISMITISME ET LA XNOPHOBIE

    Anne 2014

    Commission nationale Consultative des droits de lhomme

    La documentation Franaise

  • En application du code de la proprit intellectuelle du 1er juillet 1992, une reproduction partielle ou totale usage collectif de la prsente publication est strictement interdite sans autorisation de lditeur. Il est rappel cet gard que lusage abusif de la photocopie met en danger lquilibre conomique des circuits du livre.

    Folon, ADAGP, 2015

    Direction de linformation lgale et administrative, Paris, 2015. ISBn : 978-2-11-0098979

  • RAPPORT dE LA COMMISSION NATIONALE CONSULTATIvE dES dROITS dE LHOMME

    prsent Monsieur le preMier Ministre

    Loi no 2007-292 du 5 mars 2007 relative la Commission nationale consultative des droits de lhomme

    Article 1er

    la Commission nationale consultative des droits de lhomme assure, au-prs du Gouvernement, un rle de conseil et de proposition dans le domaine des droits de lhomme, du droit international humanitaire et de laction hu-manitaire. elle assiste le premier ministre et les ministres intresss par ses avis sur toutes les questions de porte gnrale relevant de son champ de comptence tant sur le plan national quinternational. elle peut, de sa propre initiative, appeler publiquement lattention du parlement et du Gouverne-ment sur les mesures qui lui paraissent de nature favoriser la protection et la promotion des droits de lhomme.

    la commission exerce sa mission en toute indpendance.

    elle est compose de reprsentants des organisations non gouverne-mentales spcialises dans le domaine des droits de lhomme, du droit in-ternational humanitaire ou de laction humanitaire, dexperts sigeant dans les organisations internationales comptentes dans ce mme domaine, de personnalits qualifies, de reprsentants des principales confdrations syndicales, du Dfenseur des droits, ainsi que dun dput, dun snateur et dun membre du Conseil conomique, social et environnemental dsigns par leurs assembles respectives.

    http://www.cncdh.fr/

  • LOI N 90-615 DU 13 jUILLet 1990 teNDaNt rprImer

    tOUt acte racIste, aNtIsmIte OU xNOphObe.

    ArtiCle 2 : le 21 MArs De ChAque Anne, DAte retenue

    pAr lorGAnisAtion Des nAtions unies pour lA journe

    internAtionAle pour lliMinAtion De toutes les

    forMes De DisCriMinAtion rACiAle, lA CoMMission

    nAtionAle ConsultAtive Des Droits De lhoMMe

    reMet un rApport sur lA lutte Contre le rACisMe.

    Ce rApport est iMMDiAteMent renDu publiC.

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    AvERTISSEMENT

    fruit dun travail collectif ralis sous la supervision de la sous-commission b de la CnCDh traitant spcifiquement des questions de racisme, dantismitisme, de xnophobie, de discriminations et des groupes vulnrables, le prsent rapport a dabord t conu comme un outil pratique destination des pouvoirs publics, des praticiens du droit, des spcialistes des sciences sociales, des onG, des chercheurs mais aussi des instances internationales de contrle.

    le rapport a t adopt en assemble plnire le 29janvier 2015 dans la pers-pective de le remettre, le 21mars 2015, au premier ministre, en application de larticle2 de la loi no90-615 du 13juillet 1990 tendant rprimer tout acte raciste, antismite ou xnophobe.

    la CnCDh ddie ce rapport Monsieur Marc leyenberger, membre de la CnCDh depuis2002 et prsident de la sous-commission b jusqu son dcs en juillet2014. elle souhaite rendre son engagement actif au sein de la CnCDh, et plus gnralement pour la cause de la dfense des liberts et des droits fondamentaux, un vibrant hommage. il laissera le souvenir dun homme de cur, passionn et gnreux, qui incarnait pleinement les valeurs universalistes.

    rdacteurs : Malys Amelin, pascal beauvais, nomie bienvenu, johanna bonneau, herv henrion, Magali lafourcade, Ccile riou.

    Comit de rdaction : Grard Aschiri, Genevive de Coster, sabrina Goldman, Christine lazerges, Denis vinot.

    secrtaire gnral de la CnCDh : Michel forst

  • 7AvANT-PROPOS

    Le 11janvier 2015, prs de 4millions de citoyens ont dfil avec qua-rante-quatre chefs dtat Paris et dans les rues de France jusquau plus petit village ; cela ne stait jamais vu aussi loin que lon remonte dans notre histoire. Le terrorisme venait de montrer nouveau son visage dobscurantisme et de haine. Le peuple de France rendait hommage aux dix-sept victimes juives et non juives, celles de la socit civile comme celles appartenant aux forces de police ou de gendarmerie. Le peuple de France en affirmant Je suis Charlie rendait hommage ces fantassins de la dmocratie que sont les journalistes et les caricaturistes. Le peuple de France tait saisi de sidration devant le cauchemar de la rdaction dun journal, Charlie Hebdo, sauvagement dcime et dassassinats antismites barbares dans un supermarch cacher. Le peuple de France disait son attachement la libert dexpression et ltat de droit. Il disait ce 11janvier 2015 son refus de lantismitisme, de lislamophobie, de toutes les autres formes de racisme et de la haine de lautre diffrent.

    Enrichissons-nous de nos diffrences mutuelles. Cet appel lanc par Paul Valry est dune actualit confondante. Tous diffrents, nous le sommes, dans nos identits toujours plurielles, dans nos appartenances, dans nos particularismes qui ne se laissent jamais saisir de faon dfinitive et irr-ductible. Toutes ces diffrences de nous nous-mmes et de nous autrui sont une chance. En chacun de nous, lhumanit toute entire est comprise, et de ses multiples facettes nous pouvons tirer une force, une plus grande comprhension de nous-mmes et des autres.

    La Commission nationale consultative des droits de lhomme, compagnie de vigilants selon la belle formule de Robert Badinter, se doit de veiller ce que cette esprance dun mieux vivre ensemble dans le respect des dif-frences, magnifiquement partage un jour de janvier, se concrtise enfin.

    Conformment la loi no90-615 du 13juillet 1990, la CNCDH remet au Premier ministre le 21mars de chaque anne, date retenue par les Nations unies pour la Journe internationale pour llimination de toutes les formes de discrimination raciale, son rapport sur la lutte contre le racisme, lan-tismitisme et la xnophobie en France. Ce rapport, rendu public, vise saisir un instantan de ltat du racisme en France et formuler des recom-mandations pour rendre plus effective la lutte contre le racisme sous tous ses visages. Comme chaque anne, elle livre son analyse des tendances actuelles de lethnocentrisme, du rejet et de la haine de lautre ; elle prend le recul ncessaire que son expertise en matire de lutte contre le racisme,

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    lantismitisme et la xnophobie lui a enseign au fil du temps, et ajuste ses propositions pour une prvention plus efficace, pour la dclinaison de politiques publiques mieux cibles et pour une rpression la mesure des enjeux.

    La CNCDH, grce sa composition collgiale, le pluralisme de ses opi-nions, la qualit de ses experts, ainsi que son indpendance, dispose des outils pour penser ces sujets et dresser un tableau analytique complet. Pour apprhender la nature et lvolution des phnomnes, elle sappuie sur les travaux dune quipe de chercheurs de Sciences Po et en particulier sur ltude baromtrique qui permet dapprcier les volutions de lintolrance dans le temps et de comprendre les ressorts du rejet de tel ou tel groupe. Afin de mener sa mission de conseil aux pouvoirs publics, la CNCDH sest efforce de construire un dialogue nourri avec les ministres et les dlgations interministrielles travaillant sur ces questions, mais aussi avec les ONG et les syndicats. Lapport des contributions institutionnelles et de la socit civile est essentiel, il permet daffiner les clairages donns.

    Lengagement de la CNCDH dans la lutte contre le racisme et lantismitisme ne sarrte pas aux confins du lourd travail que reprsente ce rapport. Notre commission a dvelopp de nombreux outils, qui sarticulent avec celui-ci. Les avis quelle rend pour clairer le Gouvernement ou les parlementaires traitant, sous un angle spcifique, un aspect des questions de racisme et de discriminations, font lobjet dune diffusion sans prcdent, afin de peser sur les arbitrages ministriels, sur les amendements parlementaires et de sensibiliser lopinion publique. Cette anne, des groupes de travail se sont ainsi consacrs la question des discours de haine sur Internet et au traitement rserv aux populations Roms. Soucieuse dduquer les plus jeunes aux droits de lhomme, la CNCDH sest associe au Centre national dducation pdagogique (Canop) pour produire une srie de courts films pdagogiques sur le respect des diffrences. Ces films, destins principale-ment aux enseignants et parents dlves, sadressent aux lves de lcole primaire et du collge et font dores et dj lobjet dune large diffusion. La CNCDH a galement fait essaimer son expertise dans des domaines connexes que sont les discriminations pour des motifs homophobes propos desquelles elle a rendu un avis en juin2014, ou encore les discriminations envers les femmes.

    Lanne2014 sest ouverte sur laffaire Dieudonn, et a t maille par des vnements internationaux qui ont eu un cho en France. Elle a t surtout marque par la peur du djihadisme bien avant la terreur seme dans les premiers jours du mois de janvier2015. Lanne2014a vu aussi des condamnations fortes, comme celle, non encore dfinitive, prononce contre une lue du Front national pour ses propos haineux sur les mdias sociaux. Elle a t aussi marque par des propos racistes dans le milieu du sport et, plus choquant encore, ltonnement de celui qui les profre et sen dfend.

    Les tendances sont inquitantes et la CNCDH se doit dalerter les pou-voirs publics et lopinion. Pour la cinquime anne conscutive, lindice de tolrance est peu satisfaisant, se trouvant, aprs un recul au cours des quatre dernires annes, des niveaux tels que cette rgression reste sans

  • AvAnt-ProPos

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    prcdent depuis que les chercheurs qui travaillent en collaboration avec notre autorit administrative indpendante ont cr lindice longitudinal de tolrance. Nous ne pouvons pas plus prtendre que la situation actuelle est tous points de vue dramatique. Elle est diverse. Ce que nous enseignent les travaux des chercheurs cest que certains groupes sont beaucoup mieux accepts que dautres, tandis que certains sont devenus de vritables boucs missaires. Le racisme et lantismitisme traversent lensemble de notre socit mais lethnocentrisme na pas la mme vigueur selon lge ou le niveau de diplme.

    Forte de ces outils danalyse, la CNCDH a sollicit les contributions des divers acteurs de la lutte contre le racisme : ministres, partenaires insti-tutionnels, socit civile. Ayant nou des liens troits avec le Commissaire aux droits de lhomme du Conseil de lEurope, qui a men cette anne une visite dtude en France, elle a sollicit son clairage sur les problmes de racisme rencontrs dans notre pays.

    Sappuyant sur le regard des instances internationales, la CNCDH sest galement employe pousser lanalyse sur deux sujets dune intensit particulire : le traitement rserv aux populations Roms dune part, la lutte contre les discours de haine sur Internet dautre part. Les populations Roms, numriquement si faibles, sont pourtant le groupe qui concentre les prjugs et la haine les plus froces, les plus tenaces et les plus assums. Les difficults sen ressentent tous les niveaux et engendrent un dlicat accs au droit et aux droits (scolarisation, habitat, insertion professionnelle, traite-ment administratif,etc.). La CNCDH a souhait prendre le recul ncessaire pour formuler des propositions concrtes, ralisables et utiles. Elle considre plus que jamais que la diffusion de contenus haineux sur Internet et sur les rseaux sociaux nest pas une fatalit, mais tout linverse constitue un champ investir pour lutter efficacement et durablement contre le racisme et lantismitisme.

    La prise de recul simpose encore sagissant des donnes relatives la rpression judiciaire des actes racistes. Ces chiffres sont certes un indicateur des manifestations du racisme, mais ils ne rvlent que lcume des choses, puisquen matire de racisme et dantismitisme, le chemin des victimes est pav dobstacles, commencer trop souvent par la difficult dposer plainte. Le traitement judiciaire achoppe rapidement sur une limite : si les actes racistes, antismites et xnophobes sont susceptibles de recevoir une rponse pnale, de tomber sous le coup dune incrimination, ce nest pas le cas de lidologie qui les nourrit.

    Lengagement des acteurs de la lutte contre le racisme et lantismitisme ainsi que lensemble des recommandations que formule la CNCDH tmoignent du fait que la baisse de la tolrance nest pas une fatalit. Le racisme et lantismitisme ont une histoire. Ils nont pas toujours et partout exist. Face lintolrance, aux prjugs racistes, il importe de sunir. Le Prsident de la Rpublique, dans ses vux aux Franais le 31dcembre 2014 de faon prmonitoire, a rig la lutte contre le racisme et lantismitisme en grande cause nationale. La CNCDH prendra toute sa place dans ce combat pour que nous voyions dans nos diffrences non une hirarchisation, non un motif de

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    rejet mais une source inpuisable denrichissement. Dans Paroles de libert, Christiane Taubira rappelle ce conseil dEmmanuel Levinas ses enfants : Cest dans ce pays, la France, capable de se dchirer pour lhonneur dun capitaine juif, cest l quil faut aller vivre. Puisse ce conseil tre nouveau donn. Puisse la lutte contre le racisme et lantismitisme, qui passe par la lutte contre toutes les formes de discrimination, tre un combat pour chacun.

    Christine Lazerges

    Prsidente de la CNCDH

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    SOMMAIRE

    Avertissement .........................................................................................5

    Avant-Propos ..........................................................................................7

    Introduction gnrale ..........................................................................13

    Premire Partietat des lieux desphnomnes racistes, antismites et xnophobes et des moyens de lutte .......................21

    ChaPitre 1La perception des phnomnes ...............................................................25

    ChaPitre 2Laction des ministres de lducation nationale, de lIntrieur et de la justice ...................................................................41

    ChaPitre 3Ltude particulire de deux problmatiques prgnantes : la situation des populations roms et les discours de haine sur Internet ...123

    ChaPitre 4Le regard des instances internationales .................................................163

    Conclusion ...........................................................................................205

    seConde PartieLe regard deschercheurs surlesphnomnes deracisme .........207 Nonna Mayer, Guy Michelat, Vincent Tiberj, Tommaso Vitale

    ChaPitre 1La stabilisation de lindice de tolrance .................................................211

    ChaPitre 2Lunivers des prjugs ethnocentristes...................................................219

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    ChaPitre 3La revitalisation des vieux clichs antismites........................................235

    ChaPitre 4La persistance des prjugs anti-roms ...................................................251

    Conclusions etrecommandations dela CNCdH ............................261

    anneXesContributions aurapport 2014 surlalutte contre leracisme, lantismitisme et la xnophobie .....................................................277contributions des acteurs institutionnels ...............................................279

    contributions de la socit civile ...........................................................415

    contributions thmatiques ....................................................................487

    Liste des personnes auditionnes Liste des abrviations et des sigles Fiches techniques du sondage exclusif BvA-CNCdH-SIG ............521

    Table des matires .............................................................................567

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    INTROdUCTION GNRALE

    Lhomme ne peut dcouvrir de nouveaux ocans tant quil na pas le courage de perdre de vue la cte. Cette belle formule dAndr Gide tmoigne de lappauvrissement et de laveuglement au monde, aux autres et soi-mme ports par lethnocentrisme 1.

    la lutte contre le racisme, lantismitisme et la xnophobie exige un certain courage, celui de continuer rsister, ne pas baisser les bras, celui dtre inventif, de repenser les moyens de cette lutte pour toujours mieux les ajuster et les rendre efficients, celui de construire intelligemment les contre-discours qui sauront porter.

    les dveloppements de lanne2014 ne peuvent se comprendre qu laune du sisme quont connu les premiers jours de2015.

    lattentat sans prcdent lencontre de la libert dexpression dcimant la confrence de rdaction de Charlie Hebdo ainsi que deux gardiens de la paix, suivi par lassassinat dune policire Montrouge et par la prise dotages et la tuerie antismite commises dans lhypercasher de vincennes, ont constitu un tournant historique. il est ncessaire de rappeler que cet acte antismite faisait alors cho dautres actes ayant maill lanne2014. une extraordinaire mobi-lisation rpublicaine, indite depuis la libration, a eu lieu. paralllement, sen est suivie une flambe dactes antimusulmans. lensemble de ces vnements tmoignent de la persistance tant des prjugs que de la violence parfois inoue des actes racistes et antismites.

    la CnCDh, lors des quatre prcdents rapports, avait alert les dcideurs publics sur la dgradation de lindice de tolrance et sur le climat tendu et parfois dltre qui rgnait au sein de certains groupes stigmatisant dautres appar-tenances avec une virulence parfois extrme. Dsormais, il nest plus possible

    1. Pour une dfinition de lethnocentrisme, on retiendra celle de Pierre-Andr Taguieff, dans Dictionnaire historique et critique du racisme, 2013 : Lethnocentrisme implique une captation de luniversalit par un groupe particulier, qui srige abusivement en incarnation de lhumanit mme. Par un geste corrlatif, les autres groupes humains sont rejets dans le non-humain ou le peu humain. Cest cette distinction entre nous et eux accompagne de jugements de valeur opposs (nous, les meilleurs /eux, infrieurs), quon trouve tout autant de ce qui est convenu dappeler le prjug racial, ct dautres prsupposs. Ou encore celle de Gustave-Nicolas Fischer, dans Psychologie & Socit qui la dfinit comme une valori-sation du sentiment dappartenance base sur la croyance que ses propres valeurs sont suprieures celles des autres ; ainsi un groupe ou une communaut qui estime que seules ses coutumes et ses traditions sont valables tend se traduire par des attitudes ngatives lgard des groupes extrieurs et la conviction que ces groupes sont infrieurs au ntre. Lethnocentrisme intervient donc comme un principe dorganisation et de fonctionnement des relations sociales fondes sur la discrimination .

  • IntroductIon gnrAle

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    de prtendre tout ignorer de la situation du racisme et de lantismitisme en france, de leur porte et des enjeux.

    Ainsi, lanne2014 aura t particulirement marque par des vnements tra-giques. Certains dentre eux ont malheureusement servi une instrumentalisation pour dresser les citoyens les uns contre les autres, opposer des catgories les unes aux autres.

    les succs ditoriaux de certains ouvrages qui rpandent lamalgame et attisent les peurs, les prises de position des partis dextrme droite en europe sur le tourisme social, labsence de contre-discours positifs tant de la part des politiques que des mdias ou encore limmigration perue comme un flau en occultant les bnfices pourtant clairement tablis ne serait-ce que dun point de vue social et financier, ont contribu bousculer des principes aussi cardinaux que celui de la libre circulation des citoyens europens.

    Ces vnements qui ont ponctu lanne interrogent le vivre ensemble et lac-ceptation de lautre. lanne2014 confirme que la lutte contre le racisme est toujours dune actualit brlante, et que cette lutte, porte ses fruits. Ainsi, si la france se rvle dans les analyses dopinion bien plus tolrante quautrefois, le racisme reste par essence protiforme et toujours prompt ressurgir au gr des faits divers et des difficults conomiques. ses cibles privilgies ont ainsi peu peu chang de visage comme en tmoignent les travaux de lquipe de chercheurs du Centre dudes europennes et du Centre de recherches poli-tiques de sciences po (Cevipof) 2 associe llaboration de ce rapport. la cristallisation du racisme autour de la population musulmane, laugmentation particulirement consquente des actes antismites et la critique affiche et sans retenue des roms sont autant de spcificits prendre en compte.

    Cest pourquoi, la lutte contre le racisme exige encore et toujours un engagement rsolu, des actions concrtes, une dtermination chaque anne renouvele, avec pour souci constant dlever les consciences et daccompagner les gnrations futures vers lacceptation de lautre dans toutes ses appartenances. lducation des plus jeunes, la sensibilisation du citoyen et la formation des professionnels sont ainsi la pierre angulaire de la lutte contre le racisme. Ce nest quau prix de ces efforts que nous pourrons faire reculer le racisme et dcouvrir ensemble de nouveaux ocans. Acteur incontournable de la lutte contre le racisme, la CnCDh bnficie dune solide expertise et dune incontestable lgitimit, conforte par son mandat lgal et assise par plus de vingt annes de travail danalyse et dengagement. De plus, elle a dcid quau-del de ce travail danalyse et de recommandations, puis partir des trs nombreuses contributions des autres acteurs de la lutte contre le racisme, pour cette dition 2014, elle produirait galement en quelques pages les essentiels de ses analyses et de ses pr-conisations.

    2. Cette quipe de chercheurs est compose de Nonna Mayer, directrice de recherche mrite du CNRS au Centre dtudes europennes de Sciences Po et prsidente de lAssociation franaise de science politique depuis 2005, de Guy Michelat, directeur de recherche mrite du CNRS au Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF), de Vincent Tiberj, charg de recherche au Centre dtudes europennes de Sciences Po et de Tommaso Vitale, Associate Professor de sociologie au Centre dtudes europennes de Sciences Po. Voir leurs travaux danalyse dans la seconde partie du rapport, Le regard des chercheurs sur les phnomnes de racisme .

  • IntroductIon gnrAle

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    Le mandat lgal de la CNCDH

    en juillet1990, le lgislateur, conscient de la ncessit davoir une meilleure connaissance dun phnomne pour le combattre de manire adquate, a confi la Commission nationale consultative des droits de lhomme (CnCDh) le soin dlaborer et de remettre annuellement au Gouvernement un rapport sur la lutte contre le racisme. Ce mandat lgislatif fait de la CnCDh le rappor-teur national sur la lutte contre toutes les formes de racisme et lui confre une mission essentielle au pacte rpublicain.

    Loi no90-615 du 13juillet 1990 tendant rprimer tout acte raciste, antismite ou xnophobe:

    Art.2. Le 21mars de chaque anne, date retenue par lOrganisation des Nations unies pour la Journe internationale pour llimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Commission nationale consultative des droits de lhomme remet au Gouvernement un rapport sur la lutte contre le racisme. Ce rapport est immdiatement rendu public.

    Depuis plus de vingt ans, la CnCDh sattache remplir cette mission avec srieux et dtermination. face des phnomnes complexes dans leur nature, et variables dans leurs manifestations, elle a toujours cherch faire preuve dobjectivit, mesurer et analyser les donnes avec tout le recul ncessaire. elle remplit, avec ce rapport, une double fonction de veille et de propositions, afin de faire progresser la lutte contre le racisme, lantismitisme et la xnophobie.

    la composition pluraliste de la CnCDh, son indpendance, lexpertise de ses membres, mais aussi son rle de conseil et de recommandation auprs des pouvoirs publics, ainsi que ses missions auprs des organisations internationales, font delle un interlocuteur privilgi des autorits publiques et de la socit civile en matire de racisme, dantismitisme et de xnophobie 3.

    trois objectifs principaux ont t assigns au rapport de la CnCDh.

    Lepremierconsisteenunevaluationquantitative,laplusprochepossibledes ralits, des diffrentes manifestations du racisme. Constatant que lap-prhension de ce phnomne quon le minimise ou quon le dnonceest entache dune forte part dirrationnel, il est primordial den prendre la plus juste mesure, en multipliant les garanties dobjectivit.

    Cetteapprochequantitativenerendcomptequedelcumeduphno-mne pour des raisons qui seront explicites. lapproche quantitative donne au racisme une vision dforme, incomplte et peut-tre dformante. il est donc indispensable de procder des analyses qualitatives des phnomnes

    3. La CNCDH est compose de soixante-quatre personnalits et reprsentants dorganisations issues de la socit civile. Elle est le reflet de la diversit des opinions sexprimant en France sur les questions lies aux droits de lhomme. Le choix de ses membres garantit le pluralisme des convictions et opinions. Par ailleurs, la prsence dun dput dsign par le prsident de lAssemble nationale et dun snateur dsign par le prsident du Snat permet la liaison avec le pouvoir lgislatif. Un reprsentant du Conseil conomique social et environnemental assure quant lui la liaison avec cette institution. Enfin, le Dfenseur des droits sige s qualits parmi les membres de la CNCDH. Grce cette composition pluraliste, linstitution remplit sa mission en toute indpendance.

  • IntroductIon gnrAle

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    racistes, prenant en compte leurs causes et les contextes dans lesquels ils se manifestent. tel est le deuxime objectif de ce rapport.

    Letroisimeobjectifconsisterpertorierlesmesuresdeluttemisesenuvrechaque anne, celles-ci pouvant tre adaptes anne aprs anne en fonction des lments quantitatifs et qualitatifs recueillis. le rapport a la particularit de runir les contributions des ministres et institutions concerns par la lutte contre le racisme, et les lments dactions et de rflexion de la socit civile reprsente dans son pluralisme au sein de la CnCDh. Depuis de nombreuses annes, par ses diffrents travaux, la CnCDh a mis en vidence la ncessit dune coordination et dune harmonisation des diffrentes actions de lutte.

    Ces trois premiers objectifs concourent videmment une mme exigence : formuler des recommandations et des propositions de renforcement des mesures de lutte, voire la mise en uvre de nouveaux dispositifs adapts la ralit quantitative et surtout qualitative du racisme.

    lengagement de la CnCDh dans la lutte contre le racisme, lantismitisme et la xnophobie ne se limite pas ce rapport. Ainsi, sous diffrents angles et autour de stratgies singulires, la CnCDh envisage ce cheminement. elle a par exemple rendu en2014 des avis sur des thmatiques telles que les mineurs isols trangers ou le respect des droits fondamentaux des personnes vivant en bidonvilles. elle a galement men des rflexions sur des sujets connexes tels que les contenus haineux sur internet ou les discriminations dont sont lobjet les personnes raison de leur orientation sexuelle. De plus, la CnCDh a souhait investir sous langle du respect des diffrences, le champ de lducation aux droits de lhomme qui constitue lune de ses missionsen coproduisant avec le Centre national dducation pdagogique (Canop) des courts mtrages destination des lves de lcole primaire dont elle sattache offrir la diffusion la plus large possible.

    Retour sur lusage dun mot : islamophobie

    pour ldition2013 de son rapport, la CnCDh avait jug ncessaire et utile de tenir en son sein un dbat sur le sens et lusage des mots, en particulier celui d islamophobie .

    il tait ressorti de ce dbat que le mot faisait indniablement partie du paysage politique, mdiatique et institutionnel et rvlait, au-del de ses improprits et de ses instrumentalisations, lacuit dun problme que lon ne peut occul-ter, dont les tudes quantitative et qualitative confirment lexistence et dont la CnCDh se devait de rendre compte.

    le travail de clarification conceptuelle men par la CnCDh a conduit oprer la distinction entre dune part, un phnomne de quasi-phobie, cest--dire une peur intense lgard de lislam et des musulmans en france, gnrant un climat dangoisse et dhostilit leur gard, et, dautre part, les actes dlictueux antimusulmans qui tombent sous le coup de la loi pnale.

    pour ldition2014, la CnCDh se trouve conforte dans son choix de nommer ce que lon dnonce et souhaite combattre. le phnomne dislamophobie se manifeste de manire aussi diverse quil a dinstigateurs : cela peut tre travers

  • IntroductIon gnrAle

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    des opinions et prjugs ngatifs, souvent la source de rejet, dexclusion et de discriminations, mais aussi des propos injurieux ou diffamatoires, des incita-tions la haine, des dgradations de biens porteurs dune valeur symbolique, et parfois mme des agressions.

    Ce phnomne dislamophobie, en ce quil est rampant, dangereux, et menace le vivre ensemble, appelle toutes les vigilances.

    les actes de haine de lautre, parce quils tombent sous le coup de la loi pnale, connaissent un traitement dissoci pour la CnCDh et ne sauraient tre runis sous le vocable d islamophobie . la rfrence lincrimination des actes emporte ncessairement une prcision trs fine, sous peine de porter atteinte dautres principes tels que la libert dopinion et dexpression. Cest pourquoi, pour dsigner ces actes condamns par la loi pnale, la CnCDh a choisi de se rfrer lexpression manifestations de haine antimusulmane ou actes antimusulmans , lesquels recouvrent autant les infractions que les discriminations commises raison de lappartenance relle ou suppose la religion musulmane.

    Aprs une anne dutilisation conceptuelle et smantique, la CnCDh estime que cet usage pondr et complmentaire du terme islamophobie et des expres-sions manifestations de haine antimusulmane ou actes antimusulmans rend compte de toute la complexit dun phnomne qui appelle une rprobation unanime de la part des acteurs de la lutte contre toutes les formes de racisme.

    Ltude particulire de deux problmatiques prgnantes : la situation des populations roms et les discours de haine sur Internet

    Au fil de ses divers travaux, lattention de la CnCDh a t retenue par des problmatiques spcifiques. nourrie par le dialogue quelle a engag au sein du rseau europen des institutions nationales des droits de lhomme et avec les acteurs ministriels et associatifs de la lutte contre le racisme, la CnCDh a souhait enrichir ce rapport par deux tudes particulires. elle a ainsi choisi de consacrer un chapitre au traitement rserv aux populations roms et au racisme sur internet. Ces deux sujets ont ceci de commun quils interrogent les dfaillances de ltat et quils sinscrivent dans une banalisation conduisant un sentiment dimpunit des infracteurs la loi pnale.

    Compte tenu de la vocation transversale de ces thmatiques, le lecteur les retrouvera dveloppes dans divers chapitres du rapport, sous langle particulier qui structure ceux-ci. nous avons toutefois souhait leur consacrer des dve-loppements spcifiques dans un travail approfondi, afin de prendre la mesure de leur porte et de leurs spcificits dans un chapitre ddi.

    les populations roms, nouvelles figures du bouc missaire, sont lobjet de nombreux prjugs qui sexpriment en toute impunit dans lespace public. la CnCDh a une fois de plus travaill, durant lanne2014, ce thme pour dres-ser le bilan de laccs aux droits fondamentaux de ces populations, et a fait le constat que le changement annonc loccasion de la publication de la circulaire interministrielle du 26aot 2012 na t que trop partiellement opr. De fait, la situation des personnes vivant dans des bidonvilles sest encore dtriore,

  • IntroductIon gnrAle

    1818

    dans un lien symtrique avec les forts prjugs dont celles-ci font lobjet, tant il est vrai que les deux sont intimement lis. Cest partir des remontes du terrain que la CnCDh dresse un certain nombre de recommandations.

    Concernant les contenus haineux sur internet, la CnCDh a estim ncessaire de conduire une analyse sur les bouleversements oprs dans la sphre du numrique, en particulier depuis lavnement des rseaux sociaux. Devenu loutil topique de la libert dexpression, internet est galement le lieu de tous les abus. Alors quun glissement stait opr au cours du xxesicle dun racisme biologisant fond sur la hirarchie des races vers un no-racisme fond sur la hirarchie des cultures, plus difficile dconstruire, la parole raciste qui sexprime sur internet emprunte aux deux en renvoyant tour tour au culturel et au biologique, opposant de manire irrductible les cultures et animalisant lautre pour mieux lexclure de lhumanit. lanonymat, le sentiment dimpunit, le tropisme de linstantanit et de la surenchre favorisent cette rsurgence brutale de ces formes dexpression du racisme, loin de la modernit suppose de loutil qui en est le support.

    la CnCDh a ainsi souhait analyser les ressorts de ce paradoxe et engager une rflexion sur la ncessaire adaptation des outils existants de lutte contre le racisme au monde de linternet et la cration de nouveaux outils ddis. Ces rflexions mriteront dtre nourries et passes au crible de lexamen critique dans les annes venir car il importe en la matire de dfinir un subtil quilibre pour prvenir et rprimer les abus sans entraver la libert dexpression.

    La participation exceptionnelle du Commissaire aux droits de lhomme du Conseil de lEurope

    loccasion de sa visite officielle en france, nils Muinieks, le Commissaire aux droits de lhomme du Conseil de leurope a souhait rencontrer la CnCDh pour aborder diffrentes thmatiques qui se trouvent au cur de son mandat : lintolrance, les discours de haine et la monte de lextrmisme ; les droits de lhomme dans le contexte de lasile et de limmigration ; les droits des roms et des gens du voyage ; les droits des personnes en situation de handicap. il est noter que la dernire visite officielle dun Commissaire aux droits de lhomme en france remontait mai2008.

    la richesse du dialogue instaur entre les membres de la CnCDh et le Com-missaire aux droits de lhomme conduit naturellement enrichir ce rapport du regard qualifi, comparatif, international et supranational que le Commissaire est en mesure de porter sur les actions de lutte contre le racisme menes en france.

    Cette participation exceptionnelle met davantage en perspective le regard des instances internationales sur les difficults franaises en la matire et leurs recommandations.

  • IntroductIon gnrAle

    1919

    Une dition2014 qui achve la mue du rapport de la CNCDH

    ldition2013 avait connu une profonde refonte. traditionnellement, le rapport de la CnCDh sur la lutte contre le racisme, lantismitisme et la xnophobie tait compos de diffrentes contributions, rdiges par des acteurs divers : un certain nombre de ministres, des onG, des chercheurs, des instituts de sondage, la CnCDh, quant elle, faisait lanalyse des contributions reues et formulait des recommandations.

    Depuis ldition2013, la CnCDh a choisi de sexprimer dune voix forte et distincte ; les contributions des diffrents acteurs engags dans la lutte contre le racisme acteurs institutionnels et socit civiletant insres en annexe du rapport.

    De plus, elle a dcid quau del de ce travail danalyse et de recommendations, puis partir de trs nombreuses contributions des autres acteurs de la lutte contre le racisme, pour cette dition 2014, elle produirait galement en quelques pages les essentiels de ses analyses et de ses prconisations.

    Ce travail de synthse est un dfi en soi, tant la CnCDh est attache livrer des analyses les plus fines et subtiles possibles. rendre compte de la complexit des phnomnes et de leurs volutions dans un format court est dlicat.

    Cet exercice est ncessaire non seulement pour mieux faire connatre le message de la CnCDh et en faciliter sa diffusion, mais encore pour rappeler ltat du droit et faire uvre de pdagogie. Cest lobjet de ces essentiels .

    La structure de louvrage

    le dialogue que la CnCDh a engag depuis plusieurs dcennies auprs des diffrents acteurs de la lutte contre le racisme sest organis travers une srie dauditions et des demandes de contributions crites. pour guider ces changes, elle a labor une liste de questions afin dinterroger avec prcision ses inter-locuteurs sur leurs constats, leurs bilans ainsi que leurs engagements dans la lutte contre le racisme. Ces questions sont insres de manire visible pour le lecteur, avec une typographie diffrente dans le corps du texte rdig par les ministres, institutions publiques et acteurs de la socit civile. Ces textes, retranscrits tels quels en annexe, nengagent que leurs auteurs.

    le rapport a t labor dans le cadre des travaux de la sous-commission charge du racisme, de la xnophobie, des discriminations et des groupes vulnrables, prsids par Denis vinot, membre de la CnCDh, reprsentant titulaire du secours catholique. les textes rdigs par la CnCDh ont t adopts en assemble plnire le 29janvier 2015.

    le rapport sarticule autour de deux grands axes. partir dun tat des lieux du racisme en france, les moyens de lutte sont dans un premier temps analyss. Dans un second temps, une tude plus approfondie est conduite sagissant de phnomnes de racisme. on trouvera en fin de rapport les recommandations de la CnCDh traant des perspectives pour les annes venir.

  • 2121

    preMire pArtie

    TAT dES LIEUX dESPHNOMNES

    RACISTES, ANTISMITES ET XNOPHOBES

    ET dES MOYENS dE LUTTE

  • 2222

    Se trouve autant de diffrences de nous nous-mmes que de nous autrui. Montaigne voquait cette vrit de ltre humain qui ne se conoit jamais totalement dans toutes ses appartenances, celles-ci tant plurielles, mouvantes et parfois contradictoires. Cest partir de cette comprhension que lon peut ressentir la vacuit des prjugs lencontre dautrui qui essentialisent lindividu en le dsignant par ce quil prsente de commun un groupe plutt que par son identit propre.

    Ltude des idologies qui nourrissent les prjugs racistes ports sur autrui apparat alors cruciale pour combattre les mentalits et prvenir les manifes-tations racistes, antismites et xnophobes qui tombent sous le coup de la loi. Une tude quantitative ralise par linstitut spcialis BVA permet ainsi dvaluer les perceptions et les attitudes vis--vis du racisme, danalyser les opinions lgard de lautre , que ce soit du fait de son origine, de sa reli-gion ou de la couleur de sa peau, et de comprendre comment ces diffrentes attitudes et opinions sarticulent entre elles ou avec dautres lments. La recherche de lien social et du bien vivre ensemble impose cette analyse pour identifier, connatre et lutter contre les prjugs, dautant plus lorsque ces prjugs nourrissent les passages lacte.

    En aval du passage lacte raciste, la rpression ne peut elle seule suffire, et na dailleurs pas toujours vocation sappliquer ; cest pourquoi, celle-ci doit saccompagner dun effort constant de dconstruction des prjugs et de pdagogie.

    Sil est indniable que les prjugs racistes prcdent les actes de haine, il nen demeure pas moins que les volutions quantitatives des uns et des autres ne sauraient sarticuler dans une stricte et simple relation de cause effet. Ainsi, les volutions de la structuration des prjugs renseignent sur ltat des ph-nomnes dans notre socit, sur la qualit du lien social, sur lintensit ou, linverse, la faiblesse de la tolrance de faon globale et vis--vis de tel ou tel groupe de personnes. Mais elles ne sauraient suffire clairer quant lvo-lution statistique des actes racistes eux-mmes. En effet, en premier lieu les opinions et les actes racistes obissent des logiques diffrentes. En second lieu, les actes ports la connaissance des forces de lordre ou de la justice restent lcume des choses et leur comptabilisation dpend des sources statis-tiques et des modalits du recueil de donnes. Enfin, une forte augmentation de telle infraction lencontre de telle appartenance peut tre le fait dune frange radicale de la population, relativement isole du reste de la socit.

    Cest la raison pour laquelle la perception des phnomnes doit tre tudie de faon non corrle avec les actes racistes eux-mmes, tout en apportant des lments dclairage pertinents. Ltat des lieux des phnomnes racistes sarticule autour dune analyse sociologique fine qui constitue le socle de lanalyse critique des moyens entrepris pour contrer les manifestations de rejet de lautre.

    Cest ainsi que, dans un premier chapitre, sont prsentes les grandes tendances et volutions notables des idologies et prjugs au cur des mcaniques racistes, antismites et xnophobes. Dans un deuxime chapitre, la CNCDH

  • 2323

    examine les moyens institutionnels mis en uvre par les ministres de ldu-cation nationale, de lIntrieur et de la Justice en se penchant sur ltude des actes racistes, antismites et antimusulmans recenss par le ministre de lIn-trieur et le ministre de la Justice. Lvaluation des actions entreprises doit aussi tre examine laune de problmatiques particulires qui soulvent des sujets dinquitude prgnante, savoir le traitement rserv aux populations roms et celui rserv aux contenus racistes diffuss sur Internet, prsents dans un troisime chapitre. Le quatrime chapitre clt cette premire partie par le regard port par les organisations rgionales et internationales, et en particulier celui du Commissaire aux droits de lhomme du Conseil de lEurope, sur les actions menes en France dans la lutte contre le racisme.

  • 2525

    ChaPitre 1

    LA PERCEPTION dES PHNOMNES

    Aussi prcieuses que soient les statistiques ou les donnes chiffres tablies par les diffrents ministres et les associations qui observent les manifestations de racisme, de xnophobie et de discrimination raciale, il est ncessaire, pour avoir une vision plus juste de ces phnomnes en france, de les complter par une approche de nature sociologique plus approfondie. Depuis1990, la CnCDh fait donc appel des instituts de sondage pour procder une enqute sur ltat de lopinion publique en france lgard des phnomnes de racisme, de xnophobie et de discrimination.

    Ces phnomnes peuvent en effet tre valus, sinon mesurs, grce aux opinions exprimes par les personnes rsidant en france mtropolitaine et aux attitudes qui transparaissent dans leurs rponses aux questions poses dans un sondage. en matire de racisme, la perception du phnomne par lopinion publique, eu gard son caractre subjectif, est tout aussi importante que la ralit des faits et des chiffres. en effet, avant de sexprimer au travers de comportements objectivement observables et quantifiables (injures, menaces, dgradations, violences), le racisme salimente dune part importante dirrationnel, de pr-jugs et dattitudes lgard de lautre quil soit tranger, immigr, franais dorigine trangre ou personne de religion ou de culture diffrente.

    lenqute dopinion commande par la CnCDh tente de donner la mesure de ces attitudes. elle essaie de comprendre de quelle manire se construisent les systmes de rfrences et sarticulent les diffrentes prises de position. il sagit de proposer une sorte de photographie de lopinion publique en matire de racisme, dantismitisme et de xnophobie, en ayant bien lesprit que les opinions mesures, quand bien mme elles seraient porteuses de prjugs ngatifs, nimpliquent pas ncessairement des comportements de rejet ou de discrimination raciale, qui sont susceptibles de tomber sous le coup de la loi.

    Le baromtre de la CNCDH

    Comme par le pass, la CnCDh a choisi la technique du sondage pour valuer lopinion publique. Cette anne, ltude quantitative a t confie linstitut bvA. notre Commission est consciente des imperfections de lexercice et des dbats quil peut susciter. Afin de pallier les diffrentes limites pouvant dcou-ler de la technique du sondage, la CnCDh sentoure dun certain nombre de garanties classiques en la matire.

  • tAt des lIeuX desPHnoMnes rAcIstes, AntIsMItes et XnoPHoBes et des MoYens de lutte

    2626

    Contexte et mthodologie du sondage dopinion CNCDH/BVA

    Un sondage ralis depuis1990, offrant un vritable baromtre sur les opinions lgard du racisme et des discriminations.

    Une enqute ralise en face face, domicile.

    Un terrain ralis du 3au17novembre 2014.

    Un chantillon de 1 020 personnes, reprsentatif de la population mtropolitaine, ge de 18 ans et plus, constitu daprs la mthode des quotas (sexe, ge, profession du chef de mnage, aprs stratifi-cation par rgion et catgorie dagglomration).

    Un sondage analys par une quipe de chercheurs de Sciences Po/CNRS.

    le questionnaire, dabord, est construit avec rigueur et prcaution. les ques-tions ont t discutes par les membres de la CnCDh et linstitut de sondage, avec le concours dune quipe de chercheurs de sciences po, nonna Mayer, Guy Michelat, vincent tiberj et tommaso vitale 1. beaucoup dentre elles sont issues de grandes enqutes sociologiques nationales et internationales, qui ont permis de tester leur pertinence. elles reprennent, sous une forme moins brutale, les strotypes et les prjugs courants que lon peut entendre lorsque lon explore les reprsentations des autres partir dentretiens approfondis ou de questions ouvertes, ou encore ceux que lon peut entendre dans le dis-cours public. Dautres questions linverse sont formules de manire positive, soulignant lapport que reprsente limmigration pour la socit ou encore la ncessit de la lutte contre le racisme afin dviter le phnomne dacquiesce-ment que peut induire une formulation univoque 2. De mme, les possibilits de rponses prennent soin dviter le mode binaire daccord/pas daccord ; elles permettent la personne interroge de nuancer son opinion, et donc de mesurer son degr dadhsion la proposition qui lui est soumise 3. lobjectif du sondage nest pas de piger les personnes interroges, les questions ninsinuent rien, elles se bornent demander aux personnes interroges de se situer, dans un sens ou dans un autre, par rapport diffrentes propositions.

    lchantillon, ensuite, est construit partir de la technique des quotas. il est reprsentatif de la population rsidant en france mtropolitaine et ge de plus de dix-huit ans. pour ce sondage2014, ce sont 1 020personnes qui ont t interroges, soit un effectif qui assure aux donnes une significativit sta-tistique satisfaisante.

    1. Nonna Mayer, directrice de recherche mrite du CNRS au Centre dtudes europennes de Sciences Po, prside lAssociation franaise de science politique depuis 2005. Guy Michelat est directeur de recherche mrite du CNRS au Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF). Vincent Tiberj est charg de recherche au Centre dtudes europennes de Sciences Po. Tommaso Vitale est Associate Professor de sociologie au Centre dtudes europennes de Sciences Po. Voir cet gard leurs travaux danalyse dans la seconde partie du rapport, Le regard des chercheurs sur les phnomnes de racisme .2. Lchantillon est ainsi interrog tour tour sur son degr dadhsion lopinion selon laquelle Aujourdhui en France, on ne se sent plus chez soi comme avant ou encore sur lide que la prsence dimmigrs est une source denrichissement culturel. 3. Par exemple, pour une liste dopinions, la personne interroge est invite dire si elle est tout fait daccord , plutt daccord , plutt pas daccord ou pas daccord du tout .

  • lA PercePtIon des PHnoMnes

    2727

    les conditions de ralisation des entretiens, en face face domicile, per-mettent, par ailleurs, de garantir la confidentialit des changes et dviter les biais dchantillonnage inhrents aux sondages raliss dans la rue ou en ligne 4.

    enfin, dans lanalyse et linterprtation des rsultats, la CnCDh cherche vi-ter que certaines donnes chiffres ou que certaines volutions de tendances soient interprtes de manire isole ou hors contexte. lanalyse ne sarrte pas des moyennes brutes, souvent trompeuses. elle slabore en croisant les rponses entre elles, en mettant en lumire leurs principes de cohrence et de diffrentiation, en comparant leurs volutions dans le temps. la rponse une seule question ne veut rien dire ; cest la structuration des rponses qui compte. Ainsi, lanalyse permet de construire des instruments de mesure synthtiques comme les chelles dattitude. par ailleurs, lintrt du sondage de la CnCDh tient principalement son effet baromtrique , permettant de mettre en perspective les rsultats avec ceux des annes prcdentes et doffrir ainsi au lecteur un tableau de comparaison. Cela nempche pas lintroduction de nouvelles questions, comme celles actualises en2014 propos de la dfinition de la lacit, des racines chrtiennes de la france ou encore du degr din-vestissement de diffrents acteurs dans la lutte contre le racisme, refltant les problmatiques saillantes au sein de la socit franaise. le travail ralis par les chercheurs de science po met particulirement en lumire cette dimension baromtrique, et fournit une analyse croise et approfondie des rsultats.

    Une connaissance qualitative affine des phnomnes

    le sondage constitue un outil prcieux pour amliorer la connaissance du racisme et de ses mcanismes. Mais, mme finement analyses, ces donnes ne peuvent elles seules suffire saisir la complexit du phnomne. Ainsi est-il ncessaire de complter le travail quantitatif par une analyse qualitative.

    par dfinition, ltude qualitative vise fournir des cls dinterprtation et appor-ter des lments dexplication. elle ne prtend pas quantifier les attitudes ou les articulations quelle rvle. De ce fait, elle ne cherche pas tre reprsentative : compte tenu de la quantit dinformations qui peut tre recueillie dans un seul entretien, leur nombre est limit et le choix des personnes interroges ne saurait seffectuer en fonction de critres de reprsentativit. Au contraire, il est plus intressant de choisir les personnes interroges en fonction de caractristiques typiques dont on peut penser quelles jouent un rle dans la structuration des attitudes et comportements que lon veut explorer. Cest pourquoi le sondage quantitatif et lenqute qualitative se rpondent et se nourrissent dans un rapport certain de complmentarit.

    4. Les rpondants aux sondages en ligne sont ncessairement des personnes mme de matriser loutil Internet, et qui plus est, souvent habitues de ce type denqute. Quant aux sondages raliss dans la rue ils ciblent une population par dfinition non reprsentative de celle qui travaille ; sans compter que leffervescence sur la voie publique et le fait que les personnes interroges peuvent tre accompagnes ou importunes sont susceptibles de nuire la srnit de lentretien de sondage.

  • tAt des lIeuX desPHnoMnes rAcIstes, AntIsMItes et XnoPHoBes et des MoYens de lutte

    2828

    si aucune nouvelle tude qualitative na t sollicite pour ldition2014 de son rapport, les enseignements des prcdentes enqutes commandes par la CnCDh restent dactualit pour venir clairer les donnes recueillies en2014, et notamment celle ralise par linstitut CsA sur lantismitisme loccasion du rapport2013 5.

    5. Cette tude explore de manire plus approfondie le phnomne de lantismitisme, autour de quatre axes dtude : la perception de lantismitisme et de ses volutions en France, gnralement, et plus spcifiquement par les personnes de confession juive et musulmane ; la nature, ltendue et les effets des manifestations antismites et linfluence de lactualit, internationale notamment ; la perception de lidentit juive au sein de la socit franaise, et la mesure des prjugs persistants ; la perception de la lutte contre lantismitisme.Voir : CNCDH, La Lutte contre le racisme, lantismitisme et la xnophobie, anne 2013, Paris, La Documentation franaise.

  • lA PercePtIon des PHnoMnes

    2929

    Le sondage dopinion : synthse de linstitut BvA la demande de la CnCDh et du service dinformation du Gouvernement (siG), linstitut bvA 6 a pris en charge la vague2014 du baromtre racisme. Cette dernire sest tenue du 3au17novembre auprs dun chantillon reprsentatif de 1 020 personnes ges de 18ans et plus rsidant en france mtropolitaine, constitu daprs la mthode des quotas (sexe, ge, profession du chef de mnage), aprs stratification par rgion et catgorie dagglomration.

    Cette nouvelle vague du baromtre racisme sinscrit dans un contexte tendu deux niveaux. Sur le plan international, ces derniers mois ont t particuli-rement marqus par la monte en puissance de ltat Islamique en Irak et en Syrie et par les actes criminels perptus par lorganisation : des crimes large-ment relays dans les mdias. lchelle nationale, la tendance la hausse du nombre dagressions caractre raciste et plus particulirement antismite ont t loccasion pour le ministre de lIntrieur Bernard Cazeneuve de rappeler trs rcemment sa dtermination faire de la lutte contre le racisme et lan-tismitisme une cause nationale .

    1. des inquitudes lies au terrorisme ainsi qu lintgrisme religieux plus marques et des niveaux de racisme perus et assums relativement proches de ceux observs lanne dernire

    Des craintes socio-conomiques profondes malgr un net recul du chmage et de la pauvret dans la hirarchie des craintes et une inquitude majeure qui merge cette anne : le terrorisme

    Dans un contexte socio-conomique comparable 2013, les craintes lies la prcarit restent en tte des proccupations des franais. Ces derniers citent ainsi le chmage 57 %, la crise conomique 54 % et dans une moindre mesure, la pauvret 38 %. noter cependant un net recul des craintes lies au premier et au troisime item : 11pts pour le chmage par rapport 2013 (68 %) et 11pts pour la pauvret compar 2012 (49 %). en quatrime position, on retrouve linscurit, cit par 30 % des personnes interroges (3pts par rapport 2013).

    Ce recul des craintes lies la prcarit saccompagne dans le mme temps dune forte progression des inquitudes lies au terrorisme. en cause probable-ment, le contexte actuel tendu marqu entre autres, peu avant la ralisation du terrain denqute, par la dcapitation du ressortissant franais herv Gourdel en Algrie, par le groupe islamiste jund al-Khilafa en reprsailles la nouvelle croisade mene selon eux par les tats-unis et la france contre ltat islamique : un acte barbare largement relay dans les mdias et qui avait fortement mu les

    6. Cette enqute a t mene par Adelade Zulfikarpasic, directrice de BVA Opinion, Jules Mourier, chef de groupe et Amandine Hroguelle, charge dtudes.

  • tAt des lIeuX desPHnoMnes rAcIstes, AntIsMItes et XnoPHoBes et des MoYens de lutte

    3030

    franais en septembre et en octobre dernier. Dans ce cadre, litem connat un pic 27 % soit une hausse de 16pts par rapport 2013 : un niveau important qui fait cho ceux de2010 (26 %) et2002 (30 %). en2014, cette crainte est particulirement vive chez les 50ans et plus (29 %, contre 24 % chez 3049ans) et les cadres (37 % versus 27 % chez les employs) : deux profils qui sont tradi-tionnellement les mieux informs vis--vis de lactualit.

    Une crispation plus accentue concernant la question de lintgrisme religieux et des enjeux identitaires actuels

    Dans les faits, cette crainte du terrorisme saccompagne dune hausse des inquitudes lies lintgrisme religieux : cit par 8 % des rpondants en2013, litem est cette anne retenu par 15 % dentre eux, soit une hausse de 7pts. Cet lment inquite davantage les cadres (24 %) que les employs (12 %) ainsi que les sympathisants de la droite (22 %, dont 25 % uMp vs 11 % des sympathisants de la gauche).

    en ce qui concerne la question de limmigration, les chiffres se situent un niveau lev mais restent stables par rapport lanne dernire (16 %). en revanche, la question de la perte de lidentit de la france suscite davantage dinquitudes quen2013, passant de 8 % 12 % : un enjeu qui impacte davantage les croyants majorit catholique (14 %) que les non croyants (7 %). en outre, cette question gnre des clivages importants sur le plan politique, inquitant plus les personnes se dclarant de droite (23 % dont 17 % uMp et 33 % fn) que de gauche (5 %).

    Le sentiment dun racisme toujours aussi rpandu en France avec nanmoins un niveau de racisme dclar en lger recul

    Concernant la question du niveau du racisme en france, les chiffres sont trs proches de ceux observs ces dernires annes : 86 % des personnes interroges estiment que le racisme est rpandu contre 84 % lanne dernire. parmi eux, 26 %

    57%54%

    38%

    30%27%

    16%15%12%10%

    2%0

    10

    20

    30

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    50

    60

    70

    80

    janv.-99 janv.-01 janv.-03 janv.-05 janv.-07 janv.-09 janv.-11 janv.-13

    Le chmage

    La criseconomique

    La pauvret

    L'inscurit

    Le terrorisme

    L'immigration L'antismitisme

    Le racisme

    La perte de l'identit de la France

  • lA PercePtIon des PHnoMnes

    3131

    le considrent comme trs rpandu, contre 24 % lanne dernire. Ces rsultats, qui sinscrivent dans une tendance la hausse depuis2012 sont particulirement ports par les sympathisants de la droite (32 %, dont 42 % fn considrent que le racisme est trs rpandu vs 29 % pour les sympathisants de la gauche).

    les nord-Africains et les musulmans demeurent les principales victimes de racisme en france selon les personnes interroges, cits 47 %. viennent ensuite les trangers/les immigrs sans prcision (31 %, 3pts compar 2013), les Africains/les noirs (25 %,2pts) et les tsiganes/roms/gens du voyage (16 %, 3pts). en outre, 13 % des personnes interroges estiment que ce sont les franais qui sont lheure actuelle les principales victimes de racisme.

    si le niveau de racisme peru semble tre relativement stable voire en lgre progression, il nen va pas de mme pour le racisme assum. en effet, cette anne la proportion de franais se dclarant pas raciste du tout se rvle en hausse pour la premire fois depuis2010 et atteint 43 % (+5pts par rapport 2013) contre 25 % sestimant un peu raciste, 23 % pas trs raciste et 9 % plutt raciste. Cet lment doptimisme est port essentiellement par les jeunes (55 % des moins de 30ans dont 60 % des 18-24ans contre 37 % des 50ans et plus), les Csp +(47 % contre 39 % des Csp), les personnes vivant en rgion parisienne (50 % vs 41 % pour la province) et les individus se situant politiquement gauche (57 % dont 63 % ps contre 21 % pour les personnes de droite).

    Ceci dit, une large majorit continue penser que certains comportements peuvent parfois justifier des ractions racistes (58 %) contre 41 % qui considrent que rien ne peut lgitimer ce type de raction : une affirmation toutefois en recul de 3pts par rapport la prcdente vague. Cette question gnre un important clivage auprs des personnes interroges, que ce soit du point de vue du lieu de vie (59 % en province vs 51 % en rgion parisienne), des pratiques religieuses (62 % des personnes qui pratiquent une religion dont 65 % des catholiques vs

    47%

    31%

    25%

    16%13%

    0

    10

    20

    30

    40

    50

    60

    janv.-03 janv.-05 janv.-07 janv.-09 janv.-11 janv.-13

    musulmans

    trangers / immigrs (sans prcision)

    Africains / Noirs

    Franais

    Tsiganes / Roms /gens du voyage

  • tAt des lIeuX desPHnoMnes rAcIstes, AntIsMItes et XnoPHoBes et des MoYens de lutte

    3232

    47 % des individus sans religion) ou politique (73 % des personnes se disant de droite se retrouvent ainsi derrire cette affirmation, dont 92 % se rclamant du fn, contre 46 % des sympathisants de la gauche).

    2. La perception dune intgration difficile des diffrentes populations composant la socit actuelle

    La vision partage dune socit franaise divise

    les trois quarts des personnes interroges estiment que la cohabitation entre les diffrentes origines et religions qui constituent actuellement la socit fran-aise est davantage synonyme de tensions (respectivement 75 % et 72 %) que de bonne entente (24 % et 27 %). Cependant, les rsultats sont plus favorables que lanne dernire, les perceptions dune bonne entente tant en hausse (+7pts pour les diffrentes origines et religions), et celle dune cohabitation sous tension tant linverse en retrait (8pts pour les deux modalits).

    Deux groupes restent majoritairement perus comme part dans la socit : les roms (82 %) et les gens du voyage (80 %). Ces chiffres sont en retrait par rapport la prcdente enqute, connaissant une baisse respective de 5pts et 2pts mais sans pour autant retrouver les niveaux de2012 (77pts et 74pts). galement considrs comme part mais dans une moindre mesure, les popu-lations maghrbines (38 %, 8pts) et asiatiques (37 %,4pts) : des perceptions en retrait, sapprochant des niveaux de2011 (40 % et 38 %). la situation des homosexuels sinscrit aussi dans cette tendance (18 %, 4pts par rapport 2013).

    linverse, les noirs sont perus comme tant moins bien intgrs (25 %, +2pts). lassimilation des Antillais la socit franaise semble quant elle poser aussi peu problme quen2007 (14 % en2014 vs 16 % cette anne-l).

    Concernant les diffrentes communauts religieuses, ce sont les musulmans qui sont jugs les plus part dans la socit (48 %) malgr une baisse de 8pts par rapport lanne dernire. Dans une moindre mesure, les personnes interroges citent les juifs (28 %, 3pts). Dans tous les cas, les communauts religieuses perues comme tant les mieux intgres restent les protestants (seuls 9 % des rpondants estiment quils forment un groupe part) et les catholiques (6 %).

    Un dficit dintgration qui reste davantage imput aux trangers qu la socit franaise

    Comme en2013, les franais saccordent sur le dfaut dintgration des personnes dorigine trangre et leur en imputent largement la responsabilit. Malgr un recul de 8pts par rapport lanne dernire, six franais sur dix continuent affirmer que ce sont avant tout les personnes dorigine trangre qui ne se donnent par les moyens de sintgrer (60 % en2014 et 68 % en2013). Dans le mme temps, seul le quart des personnes interroges exprime le sentiment que cest avant tout la socit franaise qui ne leur permet pas de sintgrer (25 %). Ce constat dun dficit dintgration des personnes dorigine trangre savre particulirement soutenu par les croyants (65 %, dont 68 % de catholiques vs

  • lA PercePtIon des PHnoMnes

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    47 % des personnes se dclarant sans religion) et particulirement clivant sur le plan politique avec 79 % davis favorables de la part des sympathisants de la droite (dont 75 % uMp et 86 % fn) contre 48 % des sympathisants de la gauche.

    Dans ce contexte, neuf rpondants sur dix admettent dailleurs quil est indispen-sable que les trangers qui viennent vivre en france adoptent les habitudes de vie franaises (90pts, 3pts). pour autant, seuls 42 % des rpondants affirment quil faudrait donner le droit de vote aux lections municipales pour les trangers non europens rsidant en france depuis un certain temps.

    Des points de vue toujours aussi ngatifs concernant limmigration et les immigrs

    la vague de2014 confirme la dgradation de limage des immigrs auprs des franais. pour preuve, comme lanne dernire, prs de sept franais sur dix estiment quil y a trop dimmigrs aujourdhui en france (72 %). Dans les faits, ce sentiment est davantage en exergue chez les individus gs (75 % pour les 50ans et plus) que chez les jeunes (65 % pour les moins de 30ans). il est ga-lement plus prsent en province (74 %) quen rgion parisienne (64 %) et davan-tage prononc chez les individus les moins diplms (84 % pour les personnes sans diplme, 78 % pour les dtenteurs dun bep, CAp ou bep vs 52 % des personnes ayant un diplme suprieur bAC +2). par ailleurs, les individus se situant politiquement droite savrent bien plus affirmatifs que ceux de gauche sur la question (91 %, dont 85 % uMp et 100 % fn vs 61 % pour ceux de gauche).

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    De nombreux immigrs viennent en France uniquement pour profiter de la protection socialeIl y a trop d'immigrs aujourd'hui en FranceAujourd'hui en France, on ne se sent plus chez soi comme avantLa prsence d'immigrs est une source d'enrichissement culturelL'immigration est la principale cause de l'inscurit

  • tAt des lIeuX desPHnoMnes rAcIstes, AntIsMItes et XnoPHoBes et des MoYens de lutte

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    pour une majorit de franais, cette immigration est largement imputable au systme social national. plus des trois quarts (77 %) considrent que les immigrs viennent en france uniquement pour profiter de la protection sociale. surtout, prs de six rpondants sur dix affirment que quand on est dorigine trangre ou immigr on a plus de facilit accder aux aides sociales (59 %, +3pts). Dans la mme ide, environ la moiti des rpondants peroit un accs facilit aux soins mdicaux (45 %).

    Cette immigration nest pas sans consquence. elle est mme considre comme tant la racine dun sentiment dinscurit pour 58 % des enquts. et de faon corrle ou non, de plus en plus de rpondants saccordent sur lide quaujourdhui en france, on ne se sent plus chez soi comme avant (64 %, +4pts par rapport lanne dernire).

    en revanche, sur le plan conomique et culturel, il est noter que les avis sont plus nuancs. en effet, sept franais sur dix admettent que les travailleurs immigrs doivent tre considrs ici comme chez eux puisquils contribuent lconomie franaise (70 %, +3pts). surtout, 63 % affirment que la prsence dimmigrs est une source denrichissement culturel : un constat qui enregistre mme une hausse de 4pts par rapport lanne dernire et retrouve son niveau de2012. Ce sont principalement les jeunes qui portent cette affir-mation (73 % pour les moins de 30ans dont 74 % pour les 18-24ans vs 57 % pour les 50ans et plus) et plus particulirement les tudiants (83 % vs 57 % pour les retraits). egalement, les Csp +ont un avis positif sur cette question (68 %, dont 72 % pour les cadres vs 60 % pour les Csp -). le niveau de diplme semble aussi jouer un rle important dans la mesure o 83 % des personnes ayant un diplme suprieur bAC +2 expriment cette ide, contre 55 % des individus sans diplme. Cette affirmation clive en outre particulirement sur le plan politique, 76 % des sympathisants de la gauche dont 80 % du ps sy reconnaissant, contre seulement 41 % des sympathisants de la droite.

    3. des pratiques musulmanes de plus en plus critiques et un judasme qui pose davantage question

    Une lacit toujours prfre la religion par les Franais mais des religions catholiques et protestantes de mieux en mieux tolres

    Globalement, la majorit des rpondants exprime peu davis positifs sur la reli-gion en gnral lui prfrant le concept de lacit. pour preuve, quand il sagit de connatre les termes voquant quelque chose de positif, cest la lacit qui est plbiscite, obtenant les trois quarts des suffrages (75 %, 4pts par rapport 2013) contre 47 % pour le vocable religion (+9pts). Cependant, force est de constater dans le mme temps quune large majorit (72 %) porte laffirmation selon laquelle : La France doit rester un pays chrtien.

    Ainsi, toutes les religions ne sont pas loges la mme enseigne. la religion catholique certes, toujours bien note au travers des diffrentes vagues de ce baromtre au vu de son ancrage culturel dans la socit franaisegagne

  • lA PercePtIon des PHnoMnes

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    7pts dopinions positives par rapport lanne dernire, passant de 47 % 54 %, un score jamais atteint. De mme, si la religion protestante obtient un pourcentage moins lev (41 %, +4pts), cest toutefois la premire fois depuis ladministration de cet item quelle est perue aussi positivement.

    linverse, une tendance continue depuis2010 remettre en question les pratiques musulmanes

    laccueil rserv la religion musulmane est quant lui plus ambivalent. en effet, si les vocations sont globalement plus favorables que lanne dernire concernant cette religion, la part dopinions positives son gard reste trs faible (26 %, +6pts).

    par ailleurs, laffirmation selon laquelle les franais musulmans sont des franais comme les autres, stagne (66 % cette anne contre 65 % lanne dernire). il en va de mme pour lopinion suivante : Il faut permettre aux musulmans de France dexercer leur religion dans de bonnes conditions (68 % en2013 et en2014). Cette opinion est soutenue essentiellement par les tudiants (86 % vs 65 % pour les personnes retraites), les Csp +(72 % vs 62 % pour les Csp-) et par les plus diplms (83 % pour ceux disposant dun diplme suprieur bAC +2 vs 58 % pour les non diplms).

    Cependant, dans un contexte o moins dun franais sur deux (46 %) estime quil faut faciliter lexercice du culte musulman, il semble que ce soit surtout les lments relevant de certaines coutumes ou pratiques associes cette population qui posent de plus en plus questions. en effet, on peut constater une tendance la hausse depuis2010 rprouver ces pratiques. parmi les l-ments les plus critiqus, le port du voile intgral obtient le score le plus ngatif, estim problmatique pour vivre en socit par la quasi-totalit de lchantillon (93 %, +5pts depuis2010). Dans une moindre mesure, le port du voile est

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    Il faut permettre aux musulmans de France d'exercer leur religion

    dans de bonnes conditions

    Les Franais musulmans sont des Franais comme les autres

  • tAt des lIeuX desPHnoMnes rAcIstes, AntIsMItes et XnoPHoBes et des MoYens de lutte

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    dplor par 79 % des rpondants (+11pts). suivent linterdiction de montrer limage du prophte, le sacrifice du mouton lors de lAd-el-kbir et les prires qui sont respectivement jugs ngativement par 52 % (+13pts depuis2011), 49 % (+15pts depuis2010) et 46 % (+18pts galement depuis2010). entre outre, quatre franais sur dix affirment que linterdiction de consommer de la viande de porc ou de lalcool (40 %, +24pts) ainsi que le jene du ramadan (38 %, +18pts) posent problme la vie en socit.

    Des lments jugs problmatiques qui expliquent peut-tre que lAlgrie, un pays o lislam est religion dtat narrive quen dernire position des pays ou groupes de pays connots positivement (24 % dopinions positives contre 75 % pour la france).

    La persistance voire laggravation de certains clichs vis--vis des juifs et le sentiment de plus en plus partag dun rapport ambigu Isral

    la religion juive gnre des reprsentations plus favorables que la religion musulmane auprs des franais, enregistrant un score de 33 % dopinion posi-tive (+2pts par rapport lanne dernire). par ailleurs, 85 % des rpondants estiment que les franais juifs sont des franais comme les autres. Ceci dit, force est de constater dans le mme temps que les prjugs historiques demeurent, voire se renforcent. Ainsi, prs de six franais sur dix jugent que les juifs ont un rapport particulier largent (63 %, +2pts par rapport 2013). paralllement, laffirmation selon laquelle les juifs ont trop de pouvoir en france gagne du terrain, passant de 33 % 37 % dopinions positives.

    le rapport des juifs isral interroge galement les franais. pour preuve, ils sont davantage quen2013 estimer que pour les juifs franais, isral compte plus que la france (56 % vs 51 %) : un constat trs prgnant chez les personnes ges et les retraits (59 % pour les 50 ans et plus dont 61 % de retraits vs 48 % dopinions positives partages par les moins de 30 ans), les moins diplms (73 % des personnes nayant pas de diplme contre 46 % des individus ayant un niveau suprieur bAC +2) et les rpondants se situant politiquement droite (66 %, dont 79 % fn vs 49 % pour la gauche).

    Dailleurs, isral narrive quen fin de liste des vocations positives lgard de plusieurs pays obtenant 26 % contre 39 % dvocations ngatives. et si dans un contexte tendu actuellement, les franais sont globalement diviss sur la ques-tion de la responsabilit du conflit isralo-palestinien (65 % ayant le sentiment dune responsabilit partage), isral est nanmoins jug plus responsable que la palestine (21 % vs 7 %).

    enfin, les avis se rvlent de plus en plus nuancs vis--vis de la shoah, la part des franais estimant que lon en parle trop tant en nette augmentation depuis2002 (26 % en2014 vs 17 % cette anne-l, soit une hausse de 9pts).

  • lA PercePtIon des PHnoMnes

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    4. Une dgradation continue depuis2012 de limage des Roms migrants imputable des nombreux prjugs

    plus que les musulmans ou les gens du voyage, ce sont les roms qui sont vus comme les plus part dans la socit mais qui surtout ptissent de limage la plus dgrade depuis2012. Ainsi, si 86 % jugent que les roms migrants sont pour la plupart nomades, ils sont dans le mme temps 81 % (4pts compar 2013 mais +5pts par rapport 2012) considrer quils exploitent trs sou-vent leurs enfants. De mme, prs de huit personnes sur dix affirment quils vivent essentiellement de vols et de trafics (77 %, +6pts compar il y a deux ans) et quils ne veulent pas sintgrer en france (77 %).

    Ces prjugs sont davantage prsents en rgion parisienne o se trouve la majorit des campements en francequen province (par exemple, 89 % des franciliens affirment que les roms migrants exploitent trs souvent les enfants contre 79 % en province). en outre, ils sont plus partags dans les communes urbaines que dans les pri-urbaines (80 % contre 70 % concernant lopinion suivante : Les Roms migrants ne veulent pas sintgrer en France. ) Ces enjeux clivent galement sur le plan politique : 91 % des sympathisants de la droite dont 88 % uMp et 95 % fn se retrouvent autour de lopinion selon laquelle les roms migrants vivent essentiellement de vols et de trafics contre 68 % des sympathisants de la gauche.

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    sont pour la plupart nomades

    exploitent trs souvent les enfants

    vivent essentiellement de volset de trafics

    ne veulent pas s'intgrer en France

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    5. Le souhait dune lutte plus rigoureuse contre le racisme, les comportements discriminants et des responsables politiques qui doivent sinvestir davantage ce niveau

    Une baisse de laffirmation selon laquelle toutes les races humaines se valent compense par la hausse de la part de rpondants estimant que les races humaines nexistent pas

    la vague2014 du baromtre confirme la tendance la baisse depuis2009 estimer que toutes les races humaines se valent, passant de 68 % 56 % en cinq ans, soit un recul de 12pts. nanmoins, dans le mme temps, litem selon lequel les races humaines nexistent pas obtient un score plus positif, passant de 20 % 28 % entre ces cinq annes (+8pts).

    pour autant, les franais jugeant quil existe des races suprieures dautres confirment leur pousse de2013, les rsultats se stabilisant 14 %. parmi ces derniers, on retrouve principalement des hommes (16 % vs 12 % des femmes), des individus gs dau moins 50ans (17 % dont 21 % des 65-74 ans vs 9 % pour les moins de 30ans), des croyants (15 % dont 17 % de catholique contre 10 % dindividus sans religion) et des rpondants se situant politiquement droite (27 % dont 43 % fn contre 8 % de sympathisants de la gauche).

    Lattente dune lutte plus marque contre le racisme

    Dans un contexte o prs de trois rpondants sur dix expriment le regret davoir t au moins une fois lobjet de comportements racistes au cours des cinq dernires annes (30 %), principalement au regard de leur nationalit (40 %), les rsultats du baromtre2014 confirment la tendance souhaiter une lutte plus vigoureuse contre le racisme. le pourcentage dopinions favorables une lutte contre le racisme est ainsi pass de 55 % en2007 64 % en2013 et en2014, soit une augmentation de 9pts. Ce souhait est le plus exprim par les femmes (68 % vs 61 pour les hommes), les plus diplms (77 % dopinions positives pour les rpondants dots dun diplme suprieur bac +2 vs 60 % pour ceux nayant pas de diplme), et les sympathisants de la gauche (71 % dont 82 % pour le parti de gauche vs 54 % des sympathisants de la droite).

    Dans ce contexte, les critiques sont vives lgard des propos racistes, ces der-niers tant largement condamns et cela, davantage que lanne dernire.en tte, linsulte sale franais , rprouve par neuf rpondants sur dix (90 %, +6pts), suivi de sale juif (86 %, +4pts) et sale noir (85 %, +5pts). les propos racistes sale Arabe et salerom sont quant eux respectivement condamns hauteur de 84 % (+5pts) et 82 % (+6pts).

    Cependant, force est de constater que les avis sont plus nuancs quant au fait de condamner svrement ou non ces propos racistes. si prs de la moiti des per-sonnes interroges (48 %) saccorde sur lide quil faut condamner svrement les personnes exprimant publiquement linsulte sale franais , ils ne sont cependant que 38 % exprimer cette opinion vis--vis de linsulte sale Arabe (soit un cart de 10pts) et encore moins concernant lexpression sale rom (37 %, 11pts).

  • lA PercePtIon des PHnoMnes

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    enfin, les comportements discriminants lgard des populations noires et dorigine maghrbine demeurent largement condamns et mme plus que lors de la prcdente vague concernant les personnes dorigine maghrbine. Dans ce cadre, refuser lembauche dune personne qualifie pour un poste quelle soit noire (88 %, +3pts) ou originaire du Maghreb (84 %, +5pts) reste lattitude la plus dnonce. vivement rprouve galement, le fait de refuser de louer un logement alors mme que la personne noire (83 %, 1pt) ou dori-gine maghrbine (82 %, +5pts) remplit toutes les conditions. enfin, cest le fait dinterdire laccs en boite de nuit ces deux populations alors mme quelles remplissent toutes les conditions dentre qui est jug grave (77 %,2pts pour les personnes noires ; 76 %, +6pts pour les personnes maghrbines) ainsi que le fait dtre contre le mariage dun de ses enfants avec ces deux profils dindividus (respectivement 66 % et 62 %).

    principalement de la part des responsables politiques

    quand on demande aux franais de juger linvestissement de diffrents acteurs dans la lutte contre le racisme, leur rponse est sans ambigut : les respon-sables politiques ne sengagent pas assez dans ce combat pour prs de la moiti dentre eux (45 %). Ce constat est plus partag par les jeunes que par les personnes ges (52 % pour les moins de 30ans contre 42 % pour les 50ans et plus) mais aussi par les individus les plus diplms (55 % des personnes dotes dun diplme suprieur bAC +2 contre 43 % des rpondants nayant pas de diplme). en outre, ce dficit dinvestissement des responsables politiques dans la lutte contre le racisme taraude davantage les sympathisants de la gauche (49 %, dont 53 % ps) que ceux de la droite (34 %). Dans tous les cas, il sera intressant de suivre les volutions de cet item dans la dure eu gard aux rcents propos du ministre de lintrieur visant raffirmer lengagement du Gouvernement dans la lutte contre le racisme en france.

    les avis sont partags concernant le rle tenu par les mdias : pour preuve, les avis sont diviss entre les personnes qui admettent quils font ce quil faut pour combattre le racisme (35 %), ceux qui estiment quils en font trop (34 %) et ceux qui trouvent que les mdias ne luttent pas assez contre le racisme (29 %).

    en ce qui concerne lcole et les associations, la grande majorit des rpondants saccorde sur le fait quelles jouent bien leur rle (respectivement 60 % et 55 %).

    6. La lacit : un concept pluriel

    si globalement les rpondants disent prfrer la lacit nimporte quelle reli-gion, il semble que ce concept recouvre dans les faits, diffrentes dfinitions. quatre aspects de la lacit mergent en spontan : la libert de penser et de pratiquer la religion que lon souhaite (29 %), labsence de signes religieux dans lespace public (27 %), le bien vivre ensemble en respectant les croyances des autres (26 %) et la sparation des religions et de ltat (25 %).

  • tAt des lIeuX desPHnoMnes rAcIstes, AntIsMItes et XnoPHoBes et des MoYens de lutte

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    en assist, le concept se retrouve restreint trois dimensions au global : le vivre ensemble (54 %), linterdiction des manifestations religieuses dans lespace public (50 %) et la sparation des religions et de ltat (47 %).

    Ces diffrentes facettes rvlent dimportants clivages auprs des franais. Ainsi, parmi les personnes interroges qui considrent que la lacit cest permettre des gens de conviction diffrentes de vivre ensemble , on retrouve essentiel-lement des tudiants (71 % vs 51 % de retraits), des personnes ayant obtenu un diplme suprieur bAC +2 (64 % vs 48 % des individus sans diplme) et des sympathisants de la gauche (58 % vs 36 % droite). les franais qui estiment quant eux que la lacit cest linterdiction des signes et des manifestations religieuses dans lespace public sont davantage des Csp (54 %) que des Csp +(44 %), des habitants de zones rurales (75 %) plus que des personnes vivant en zone urbaine (51 %) et ils sont davantage pratiquants (53 % dont 54 % de catholiques) que non-pratiquants (43 %).

    Aprs la crispation et la progression du racisme observes lanne dernire, les rsultats se stabilisent voire samliorent en2014. Dans un contexte o de plus en plus de rpondants dclarent ne pas tre racistes du tout, la ncessit de lutter contre les comportements discriminants est toutefois raffirme. Pour les Franais, les responsables politiques doivent clairement sinvestir davantage dans cette lutte. Cela dit, la question de limmigration crispe toujours autant les rpondantsqui se retrouvent de plus en plus souvent autour de laffirmation selon laquelle aujourdhui en France on ne se sent plus chez soi comme avant.

    La lacit est nouveau plbiscite cette anne mme si dans les faits, elle peut tre relativise par une hausse des opinions positives lgard de la religion catholique et une confirmation de lide selon laquelle la France doit rester un pays chrtien : une lacit qui sinscrit donc plutt par opposition lIslam dont certaines pratiques demeurent fortement rprouvesvoire au judasme, qui ptit plus que par le pass de clichs historiques tenaces.

    Cependant, les Roms migrants restent la population souffrant de limage la plus ngative, avec des critiques qui se renforcent sur des pratiques plus fantasmes que relles.

  • 4141

    ChaPitre 2

    LACTION dES MINISTRES dELdUCATION NATIONALE, dELINTRIEUR ET dE LA JUSTICE

    la CnCDh est un janus qui, comme la divinit, regarde vers le pass pour mieux se tourner vers lavenir. elle se doit dvaluer les rsultats des actions entreprises dans la lutte contre le racisme, lantismitisme et la xnophobie afin dtre en mesure de formuler des recommandations utiles, justes, concrtes pour des actions futures plus efficientes.

    le prsident de la rpublique, lors de ses vux aux franais formuls le 31dcembre 2014, a rig la lutte contre le racisme et lantismitisme en grande cause nationale 1. pour que cette annonce ne se rsume pas une dclaration dintention, le Gouvernement se doit de se mobiliser et au premier chef les ministres de lducation nationale, de lintrieur et de la justice, ainsi que la Dlgation interministrielle la lutte contre le racisme et lantismitisme (DilCrA), rcemment rattache au premier ministre.

    Ces ministres ont rpondu linvitation de la CnCDh de venir prsenter devant elle les actions menes. ils ont continu de nourrir le dialogue institutionnel que la CnCDh a mis en place ds les annes1990. Au-del de ces trois ministres, la CnCDh a galement reu la contribution crite de la DilCrA, du ministre des Affaires trangres et du Dveloppement international, du ministre de la Culture et de la Communication, du secrtariat dtat en charge de la famille, des personnes ges et de lAutonomie, du Dfenseur des droits (DDD) ainsi que du Conseil suprieur de laudiovisuel (CsA) 2.

    1. Le label officiel de la grande cause nationale cre en 1977 dtient un sens prcis : il est attribu chaque anne par le Premier ministre au terme dun appel doffres et donne une visibilit prcieuse aux associations dfendant la cause promue. En 2014, il sagissait de lengagement associatif ; en 2015, le climat a t dclar grande cause nationale. Ainsi, la CNCDH souhaite rappeler quriger la lutte contre le racisme et lantismitisme en une grande cause nationale relve dune forte porte symbolique mais ne correspond pas un dispositif officiel. (Le Monde, La grande cause nationale, plus quun symbole? , le 9dcembre 2014).2. Voir en annexe pour les contributions crites au rapport 2014 sur la lutte contre le racisme, lanti-smitisme et la xnophobie.

  • tAt des lIeuX desPHnoMnes rAcIstes, AntIsMItes et XnoPHoBes et des MoYens de lutte

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    lexamen critique des actions conduites par lducation nationale, lintrieur et la justice tmoigne davances, de prise en considration de problmatiques complexes, et dune coute vis--vis des recommandations formules par la CnCDh. il rend galement compte defforts indniables en matire de rflexion interministrielle et de recherche de partenariats stratgiques avec la socit civile.

    il rvle nanmoins des lacunes que la CnCDh semploie identifier, des insuffisances et parfois mme un certain double discours quil convient de dnoncer. Ainsi, des marges damlioration considrables existent sur le terrain de la scolarisation des enfants roms. la rforme entreprise par le ministre de lintrieur pour lutter contre les contrles au facis apparat inacheve. quant lutilisation des mains courantes par les enquteurs, elle conduit notamment empcher toute interconnexion entre les donnes du ministre de lintrieur et celles du ministre de la justice, en dpit des annonces faites en la matire. enfin, une dmobilisation relative des juridictions comme du ministre de la justice tend se manifester.

    sur la base de lanalyse critique des actions entreprises par le ministre de ldu-cation nationale (sectioni), le ministre de lintrieur (sectionii) et le ministre de la justice (sectioniii), la CnCDh formule des recommandations argumentes dans lobjectif de dvelopper une connaissance fine et scientifiquement taye des phnomnes et des dynamiques luvre dans la socit et dans les ter-ritoires et dy rpondre de la faon la plus adquate, au travers dapproches transversales et pluridisciplinaires.

  • lActIon des MInIstres de lducAtIon nAtIonAle, de lIntrIeur et de lA JustIce

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    section i

    Laction du ministre de lducation nationaleActeur cl de la lutte contre le racisme en france, la CnCDh ddie une partie de son rapport aux avances de la lutte contre le racisme mene par le minis-tre de lducation nationale en milieu scolaire. lcole relve ce titre dune attention particulire de la CnCDh puisque les tablissements scolaires sont les premiers lieux dapprentissage du vivre ensemble par la dconstruction des strotypes et de la construction de lesprit citoyen.

    face une fragilisation du lien social et une recrudescence des actes caractre raciste au niveau national, lcole de la rpublique demeure lun des remparts les plus efficaces dans la lutte contre toute forme de racisme et de rejet de lautre. De par leur ge, les lves sont plus vulnrables et moins conscients de la porte de leurs paroles ou de leurs actes mais ils font galement preuve dune plus grande permabilit aux discours qui incitent la tolrance et au vivre ensemble. Cette ouverture desprit les rend ainsi plus rceptifs aux stratgies de formation et de sensibilisation.

    la CnCDh rappelle par ailleurs que lcole est un lieu privilgi du dvelop-pement et de lpanouissement personnel : il est essentiel que chaque lve puisse voluer, dans le respect de ses diffrences et de celles des autres. les enseignants, ainsi que le personnel ducatif dans son ensemble, ont une res-ponsabilit premire dexemplarit et dducation en matire de lutte contre le racisme au regard de leur mission pdagogique et du temps investi auprs des lves.

    la CnCDh entretient avec le ministre de lducation nationale des changes suivis, qui se concrtisent lors de laudition des reprsentants du ministre devant la Commission 3 et lenvoi dune contribution crite. Ces divers lments permettent de dresser un b