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La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue Vol. XVI - n ° 1 - janvier-février 2013 | 29 DOSSIER THÉMATIQUE Prise en charge nutritionnelle périopératoire en chirurgie digestive carcinologique Nutritional care in perioperative gastrointestinal oncological surgery Hervé Chrostek, Nicolas Flori, Pierre Senesse* * Institut de cancérologie de Montpellier, unité de nutrition et de gastro-entérologie, CRLC, Montpellier. D epuis l’étude de H. Studley en 1936 (1), la communauté médicale a progressivement pris conscience de l’impact de la dénutrition sur la morbidité et la mortalité postopératoires ainsi que de l’importance de la prise en charge nutrition- nelle en chirurgie programmée, et en particulier en chirurgie digestive, dans le but de réduire les compli- cations postopératoires. Les premières recommandations périopératoires françaises, sous la co-organisation de la Société fran- cophone Nutrition clinique et métabolisme (SFNEP) et de la Société française d’anesthésie-réanimation (SFAR), datent seulement de 1994. Elles ont été actualisées en 2010 sous la forme de recomman- dations d’experts (2). De cette globalité découle la multidisciplinarité à laquelle les chirurgiens et les équipes paramédicales sont amenés à s’ouvrir dans un objectif commun : la réduction des complications postopératoires (3, 4), des coûts et des durées de séjour (5), ainsi que de l’amélioration de la qualité de vie et de la survie de leurs patients. Définition de la dénutrition en chirurgie carcinologique Selon la Haute Autorité de santé, la dénutrition est le reflet d’une inadéquation entre les apports et les besoins protéino-énergétiques de l’organisme, avec des pertes tissulaires ayant des conséquences délé- tères pour l’organisme. Le risque supplémentaire en chirurgie peut être la détérioration rapide de l’état nutritionnel des patients en préopératoire liée au jeûne prolongé secondaire à la maladie et à ses symp- tômes, souvent exprimés bruyamment. La chirurgie dite majeure représente 70 % des cancers diges- tifs (6). Tout geste interventionnel crée un “stress chirurgical”, c’est-à-dire un ensemble de mécanismes inflammatoires et neuro-hormonaux qui conduisent à une altération des fonctions vitales, une anorexie, une lipolyse accrue et une augmentation du catabolisme protéique. Cela aboutit à la dénutrition, qui sera d’au- tant plus importante que l’intervention chirurgicale est lourde et compliquée. La douleur postopératoire peut également être un de ces facteurs à l’origine des complications nutritionnelles postopératoires. Il s’agit d’une préoccupation de chaque praticien, du médecin spécialiste au chirurgien, rapportée par une étude récente dans les centres régionaux de lutte contre le cancer (CRLC) [7], mettant en lumière la prévalence de la dénutrition dans les cancers diges- tifs : elle est de 31,2 % chez les malades ayant un cancer colorectal et de 49,5 % chez ceux avec un cancer du tractus digestif supérieur. Après chirurgie oncologique colorectale programmée, la mortalité est de 3,4 % et la morbidité de 35 % (6). La dénutrition préopératoire reste un facteur de risque indépen- dant de complications postopératoires, en raison de l’augmentation de la morbidité (infections, retard de la cicatrisation, etc.) et de la mortalité. Le patient atteint de cancer est potentiellement à risque de dénutrition, et il est donc nécessaire de faire une évaluation de son état nutritionnel (2), au mieux avant sa prise en charge chirurgicale et, au pire, au moment de sa consultation d’anesthésie (2). En cas d’intervention chirurgicale en urgence, une évaluation doit être faite dans les 48 heures après l’opération pour organiser le support nutritionnel (2).

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La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XVI - n° 1 - janvier-février 2013 | 29

DOSSIER THÉMATIQUE

... et sur

N o u s f a i s o n s d e v o s s p é c i a l i t é s n o t r e s p é c i a l i t é

C o l l e c t i o n 2013

Prise en charge nutritionnelle périopératoire en chirurgie digestive carcinologiqueNutrit ional care in perioperative gastrointestinal oncological surgery

Hervé Chrostek, Nicolas Flori, Pierre Senesse*

* Institut de cancérologie de Montpellier, unité de nutrition et de gastro-entérologie, CRLC, Montpellier.

Depuis l’étude de H. Studley en 1936 (1), la communauté médicale a progressivement pris conscience de l’impact de la dénutrition

sur la morbidité et la mortalité postopératoires ainsi que de l’importance de la prise en charge nutrition-nelle en chirurgie programmée, et en particulier en chirurgie digestive, dans le but de réduire les compli-cations postopératoires. Les premières recommandations périopératoires françaises, sous la co-organisation de la Société fran-cophone Nutrition clinique et métabolisme (SFNEP) et de la Société française d’anesthésie-réanimation (SFAR), datent seulement de 1994. Elles ont été actualisées en 2010 sous la forme de recomman-dations d’experts (2). De cette globalité découle la multidisciplinarité à laquelle les chirurgiens et les équipes paramédicales sont amenés à s’ouvrir dans un objectif commun : la réduction des complications postopératoires (3, 4), des coûts et des durées de séjour (5), ainsi que de l’amélioration de la qualité de vie et de la survie de leurs patients.

Définition de la dénutrition en chirurgie carcinologiqueSelon la Haute Autorité de santé, la dénutrition est le reflet d’une inadéquation entre les apports et les besoins protéino-énergétiques de l’organisme, avec des pertes tissulaires ayant des conséquences délé-tères pour l’organisme. Le risque supplémentaire en chirurgie peut être la détérioration rapide de l’état nutritionnel des patients en préopératoire liée au jeûne prolongé secondaire à la maladie et à ses symp-

tômes, souvent exprimés bruyamment. La chirurgie dite majeure représente 70 % des cancers diges-tifs (6). Tout geste interventionnel crée un “stress chirurgical”, c’est-à-dire un ensemble de mécanismes inflammatoires et neuro-hormonaux qui conduisent à une altération des fonctions vitales, une anorexie, une lipolyse accrue et une augmentation du catabolisme protéique. Cela aboutit à la dénutrition, qui sera d’au-tant plus importante que l’intervention chirurgicale est lourde et compliquée. La douleur postopératoire peut également être un de ces facteurs à l’origine des complications nutritionnelles postopératoires. Il s’agit d’une préoccupation de chaque praticien, du médecin spécialiste au chirurgien, rapportée par une étude récente dans les centres régionaux de lutte contre le cancer (CRLC) [7], mettant en lumière la prévalence de la dénutrition dans les cancers diges-tifs : elle est de 31,2 % chez les malades ayant un cancer colorectal et de 49,5 % chez ceux avec un cancer du tractus digestif supérieur. Après chirurgie oncologique colorectale programmée, la mortalité est de 3,4 % et la morbidité de 35 % (6). La dénutrition pré opératoire reste un facteur de risque indépen-dant de complications postopératoires, en raison de l’augmentation de la morbidité (infections, retard de la cicatrisation, etc.) et de la mortalité. Le patient atteint de cancer est potentiellement à risque de dénutrition, et il est donc nécessaire de faire une évaluation de son état nutritionnel (2), au mieux avant sa prise en charge chirurgicale et, au pire, au moment de sa consultation d’anesthésie (2). En cas d’intervention chirurgicale en urgence, une évaluation doit être faite dans les 48 heures après l’opération pour organiser le support nutritionnel (2).

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30 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XVI - n° 1 - janvier-février 2013

Points forts » L’on reconnaît les patients à risque de complications postopératoires par l’évaluation systématique

de l’état nutritionnel et le dépistage de la dénutrition. » Il faut corréler l’état nutritionnel au risque opératoire à l’aide du grade nutritionnel. » L’on veillera à prévenir les complications par le support nutritionnel préopératoire et en anticipant

la période postopératoire. » Il convient de connaître les recommandations et indications du support nutritionnel. » Il faut toujours privilégier la nutrition entérale plutôt que la nutrition parentérale.

Mots-clésAssistance nutritionnelleNutrition entéraleNutrition parentéralePériopératoireDénutritionChirurgie à risque

Highlights » Systematic assessment of

the nutritional status and screening for malnutrition allow determining patients at risk of postoperative compli-cations.

» The nutritional grade corre-lates with the nutritional status and the operative risk.

» The preoperative nutritional support can prevent postopera-tive complications.

» The recommendat ions about perioperative nutritional support must be known.

» When the gut works and is available, enteral nutrition should always be preferred to parenteral nutrition.

KeywordsNutrition support

Enteral nutrition

Parenteral nutrition

Perioperative

Malnutrition

High risk surgery

Comment évaluer l’état nutritionnel en préopératoire ?L’importance de l’évaluation nutritionnelle réside en ceci qu’elle permet non seulement de discuter de l’indication d’un support nutritionnel préopératoire mais également de l’anticipation du postopératoire en identifiant les patients à risque et en élaborant avant le geste une stratégie de prise en charge nutritionnelle adaptée. Une consultation diété-tique personnalisée doit être intégrée au dispositif d’annonce et adaptée à une prise en charge oncolo-gique programmée, avec réévaluation tout au long du parcours de soins du patient.

Cette évaluation doit être inscrite dans le dossier et comporte :

➤ la mesure du poids actuel et l’estimation de la perte (volontaire ou non) par rapport au poids habi-tuel associée au calcul de l’IMC (poids/taille2) [2] ;

➤ l’évaluation des apports alimentaires actuels en comparaison des apports habituels par l’échelle analogique ou visuelle des ingesta.L’hypoalbuminémie n’est en aucun cas spécifique d’un mauvais état nutritionnel du fait de l’origine plurifactorielle de cette diminution (8), mais elle est plutôt un facteur prédictif de morbi-mortalité (9).

En chirurgie oncologique, la dénutrition peut se définir par :

➤ un IMC ≤ 18,5 ou < 21 chez les plus de 70 ans ; ➤ et/ou une perte pondérale d’au moins 10 % en

6 mois ; ➤ et/ou une albuminémie < 30 g/l indépendam-

ment de la CRP.

Un grade nutritionnel en chirurgie carcinologique corrèle le risque chirurgical et l’état nutritionnel préopératoire :

➤ grade nutritionnel 2 (GN2) : patient non dénutriET chirurgie à risque élevé de morbidité ;

➤ grade nutritionnel 3 (GN3) : patient dénutriET chirurgie sans risque élevé de morbidité ;

➤ grade nutritionnel 4 (GN4) : patient dénutriET chirurgie à risque élevé de morbidité ;

➤ le grade nutritionnel 1 (GN1) ne concerne pas les patients atteints de cancer.

En cancérologie, les chirurgies à haut risque de morbidité sont la duodéno-pancréatectomie cépha-lique (DPC), la résection antérieure du rectum, la résection étendue du grêle, l’iléostomie, l’œsophagec-tomie, la pelvectomie avec geste digestif ou urinaire, la gastrectomie totale pour cancer, la chimiothérapie hyper thermique intrapéritonéale (CHIP) associée à une chirurgie de réduction tumorale, tout geste digestif chez un patient âgé de plus de 80 ans.En 1982, une étude réalisée chez 125 patients avec cancer digestif montrait le bénéfice d’une nutrition parentérale préopératoire (10), puisque 80 % des patients étaient dénutris à la prise en charge initiale (perte de poids de plus de 5 kg et/ ou albuminémie < 35 g/ l), mais que l’instauration en préopératoire d’une assistance nutritionnelle avait un impact signi-ficatif en termes de complications et de mortalité (4,5 % de décès avec support nutritionnel versus 16,6 % sans assistance préopératoire).

Parcours de soins personnalisés en chirurgie digestive oncologique programmée : proposition d’algorithmes adaptés des recommandations

Une des clés de voûte de cette prise en charge est l’anticipation de la période postopératoire avec la préparation à l’assistance nutritionnelle via la programmation de la voie d’abord (tracée dans le dossier).La nutrition postopératoire “de principe” est indi-quée (13) :

➤ chez tous les malades ayant reçu une nutrition artificielle préopératoire (grade A) ou n’ayant pas reçu de nutrition artificielle préopératoire mais sévè-rement dénutris (grade A) ;

➤ chez les malades qui sont incapables de reprendre une alimentation couvrant 60 % de leurs besoins nutritionnels, dans un délai d’une semaine après l’intervention (grade A) ;

➤ chez tout patient présentant une complica-tion postopératoire précoce responsable d’un hyper métabolisme et de la prolongation du jeûne (grade A).

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La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XVI - n° 1 - janvier-février 2013 | 31

DOSSIER THÉMATIQUE

Figure 1. Prise en charge préopératoire du patient en chirurgie digestive oncologique programmée.

Évaluation nutritionnelle

Patient dénutri =

consultation nutritionniste

Non dénutri GN2

Pertedepoids< 10% ouIMC< 18,5 oualbuminémie< 30 g/l

Pertedepoids< 10% et IMC > 18,5 etalbuminémie> 30 g/l

Conseils diététiques ± CNO et

immunonutrition

GN3• Immunonutrition•CNO*x2/jour• Assistance nutritionnelle** si nécessaire• Programmation de la voie d’abord

GN4• Immunonutrition• Assistance nutritionnelle**

systématique• Programmation de la voie d’abord

* CNO : complément nutritionnel oral.** Assistance nutritionnelle : nutrition entérale ou parentérale.

Figure 2. Prise en charge postopératoire du patient en chirurgie digestive oncologique programmée.

* Recommandation 27 (2), sans impact sur la mortalité ni la morbidité postopératoire (11). ** Assistance nutritionnelle : nutrition entérale en première intention ou parentérale, sur une durée minimale de 7 jours (12).***CNO : complément nutritionnel oral.

Postopératoire

GN2• per os impossible : 1,5 à 2,5 lde glucosé5%/24 h• apports oraux prévisibles à 7 j< 60%desbesoins= assistance nutritionnelle**

GN3• per os impossible : 1,5 à 2,5 l de glucosé5%/24 h• conseils diététiques et CNO***• apports oraux prévisibles à 7 j< 60%desbesoins= assistance nutritionnelle**

GN4• poursuite de l’immuno nutrition• assistance nutritionnelle** systématique• ± apports en acides gras et glutamine i.v.

Reprise alimentaire orale des24 premièresheures*

Immunonutrition

Il s’agit d’un mélange nutritif complet, hyper-protidique, normo-énergétique, supplémenté en nutriments spécifiques tels que l’arginine, la gluta-mine, les micronutriments, les acides gras insaturés oméga-3 ou les nucléotides, et pouvant être admi-nistré soit par voie orale (Oral Impact®) soit par voie entérale (Enteral Impact®).L’immunonutrition permet un renforcement immunitaire périopératoire complémentaire dans les chirurgies dites “à risque” répondant au stress chirurgical de l’intervention. En chirurgie oncologique programmée, quel que soit le statut nutritionnel, l’immunonutrition est recommandée dans les 5 à 7 jours préopératoires (2). Trois études prospectives ont prouvé que l’immuno-nutrition préopératoire, dans les cancers digestifs, réduisait de façon très significative l’incidence des complications postopératoires. La plus importante de ces études comportait 305 patients non ou moyennement dénutris (perte de poids inférieure à 10 %) et porteurs de cancers digestifs (œsopha-giens, gastriques, pancréatiques et colorectaux). Les auteurs ont observé une réduction de 50 % des complications infectieuses postopératoires dans le groupe qui recevait l’immunonutrition préopéra-toire (14). Il est également recommandé que, chez les malades GN4, l’immunonutrition se poursuive en postopératoire, en association avec un autre support nutritionnel.

Cas particulier de la chirurgie digestive oncologique de l’obèseLa définition de l’obésité s’obtient par l’indice de masse corporelle. On évoque un surpoids pour un IMC supérieur à 25, une obésité lorsqu’il est supé-rieur à 30 et une obésité morbide pour un IMC supé-rieur à 40. Longtemps considérée comme facteur

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DOSSIER THÉMATIQUECancer et nutrition Prise en charge nutritionnelle périopératoire

Tableau. Résumé de la prise en charge nutritionnelle périopératoire en chirurgie oncologique programmée en fonction du grade nutritionnel.

Chirurgie à bas risque Chirurgie à haut risque

Non dénutri

GN1 GN2

Préopératoire :• pas de support nutritionnel

Préopératoire :• évaluation nutritionnelle systématique• conseils diététiques ± CNO* si diminution des apports• immunonutrition : Oral Impact®7 joursavant,3 fois/j• prévoir voie d’abord pour assistance nutritionnelle**

postopératoire

Postopératoire :• alimentationorale24 h• siapportsorauxprévisibles< 60%desbesoinssur

7 jours = assistance nutritionnelle**

Postopératoire :• alimentationoraledansles24 h• sià48 happortsorauxinsuffisants:conseilsdiété-

tiques et CNO*• siapportsorauxprévisibles< 60%desbesoinssur7 j

ou complications postopératoires = assistance nutri-tionnelle**

Dénutri

GN3 GN4

Préopératoire :• évaluation nutritionnelle• siapportsinsuffisants:CNO*2 fois/jetsiinsuffisants,

discuter assistance nutritionnelle**• immunonutrition : Oral Impact®7joursavant,3 fois/j• programmer voie d’abord

Préopératoire :• évaluation nutritionnelle• assistance nutritionnelle** 7 à 10 jours, voire 21 jours

si dénutrition sévère• immunonutrition : Oral Impact®7 joursavant,3 fois/j• programmer voie d’abord

Postopératoire :• alimentationorale24 h• systématiquement conseils diététiques et CNO*• siapportsprévisibles< 60%desbesoins

ou complications postopératoires : assistance nutri-tionnelle**

Postopératoire :• alimentationorale24 h• systématiquement assistance nutritionnelle**• poursuite immunonutrition• discuter apports acide gras et glutamine i.v.

* CNO : complément nutritionnel oral.** Assistance nutritionnelle : nutrition entérale ou parentérale.

de risque de morbi-mortalité, aujourd’hui, l’obésité modérée ou sévère (hors obésité morbide), est-il précisé, est plus un facteur de risque de morbidité que de mortalité (2). Le risque, pour ce type de patients, est d’ignorer une éventuelle dénutrition masquée par la surcharge pondérale. C’est pour-quoi la SFNEP recommande un suivi particulier de ces patients obèses, qui doivent être considérés comme potentiellement dénutris (2), donc à risque de complications postopératoires. Il n’est ainsi pas indiqué, malgré toute la difficulté inhérente au geste technique chirurgical, d’instaurer de régime amai-grissant préopératoire (2). De la même manière, la prescription de produits hypoénergétiques en postopératoire n’est pas recommandée, mais au contraire, une prescription d’apport protéique élevé (environ 1,5 g/kg de poids normalisé par jour) afin de freiner le catabolisme et de rééquilibrer la balance

protéique (2), les besoins étant calculés sur le poids normalisé pour un IMC théorique de 25 à 30. Les indications d’assistance nutritionnelle et de stra-tification en fonction du grade nutritionnel restent les mêmes.

Assistance nutritionnelle : entérale ou parentérale ?La nutrition artificielle est un apport protéino-énergétique exogène correspondant aux besoins du patient, comportant notamment un apport éner-gétique, des protéines, des vitamines et des oligo-éléments. Les apports conseillés sont de 30 kcal/ kg/ j pour un patient alité sans apports oraux (ou de 25 kcal/ kg/ j si oralité conservée) et de 35 kcal/ kg/ j pour un patient ambulatoire.

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La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XVI - n° 1 - janvier-février 2013 | 33

DOSSIER THÉMATIQUE

La nutrition entérale via une sonde naso-gastrique en silicone de 7 à 10 Fr ou une gastrostomie/jéjunostomie (pour une durée prévisible supérieure à 3 semaines) reste la forme d’alimentation péri opératoire recom-mandée en première intention, du fait de sa bonne tolérance générale et du faible taux de complications. Elle trouve ainsi son indication sur un tube digestif fonctionnel, c’est-à-dire sur un tube digestif ayant conservé ses capacités d’absorption de nutriments, hors occlusion ou péritonite ou en cas d’échec ou d’insuffisance de la voie orale sur la couverture des apports quotidiens. Cette forme de nutrition permet de préserver la trophicité et la perméabilité intesti-nales ainsi que la sécrétion biliaire d’immunoglobu-line A avec des propriétés antibactériennes et virales connues jouant un rôle notamment dans la limitation des translocations bactériennes.À l’inverse, la nutrition parentérale via une voie centrale ou un dispositif veineux implantable a une place limitée aux contre-indications ou impossibi-lités de la nutrition entérale (malabsorption sévère anatomique ou fonctionnelle occlusion intestinale aiguë ou chronique) ou en cas d’échec d’une nutrition entérale bien conduite. La nutrition entérale doit donc être privilégiée chez tout patient dont le tube digestif est fonctionnel et, dans ce cas, la nutrition parentérale n’est pas recommandée. En effet, l’étude de H. Ortiz et al., qui comparait nutrition entérale (sur gastrostomie ou jéjunostomie

placée dans le même temps opératoire) versus nutri-tion parentérale (sur dispositif veineux implantable) en chirurgie postopératoire de néoplasie digestive, confirmait l’intérêt du support entéral en première intention. Il existait une différence significative en faveur du bras nutrition entérale, aussi bien dans le taux de complications (plus fréquentes en parenté-rale) que dans la durée d’hospitalisation (plus courte en entérale) [15].

Conclusion

La prise en charge des patients en chirurgie carcino-logique programmée doit répondre à la question de la globalité et de la pluridisciplinarité par la complexité des interventions et des complications postopératoires secondaires à tout geste invasif, mais surtout du fait de la fragilité d’un individu. Il est nécessaire aujourd’hui que la chirurgie s’accorde sur le prendre soin plus que sur le soin, en intégrant la pratique spécialisée des soins dans un parcours personnalisé du patient, qui permette, par le dépis-tage, l’évaluation et l’anticipation, de prévenir des complications, et ce dans un objectif de qualité de vie et de diminution des comorbidités. C’est en ce sens que l’identification des patients à risque et leur prise en charge nutritionnelle précoce prennent tout leur sens, dans une dimension d’accompagnement global de nos patients. ■

1. �Studley H. Percentage of weight loss, a basic indicator of surgical risk in patients with chronic peptic ulcer. JAMA 1936;106;458-60.2. �Chambrier C, Sztark F. Recommandations de bonnes pratiques cliniques sur la nutrition périopératoire. Actua-lisation 2010 de la conférence de consensus de 1994 sur la nutrition artificielle périopératoire en chirurgie programmée de l’adulte. Nutr Clin Metabol 2010;24:145-56. 3. �Klein S, Kinney J, Jeejeebhoy K et al. Nutrition support in clinical practice: review of published data and recommen-dations for future research directions. National Institutes of Health, American Society for Parenteral and Enteral Nutrition, and American Society for Clinical Nutrition. JPEN J Parenter Enteral Nutr 1997;21(3):133-56.4. �Wu GH, Liu ZH, Wu ZH, Wu ZG. Perioperative artificial nutrition in malnourished gastrointestinal cancer patients. World J Gastroenterol 2006;12:2441-4.5. �Correia MI, Waitzberg DL. The impact of malnutrition on morbidity, mortality, length of hospital stay and costs

evaluated through a multivariate model analysis. Clin Nutr 2003;22:235-9.

6. �Alves A, Panis Y, Mathieu P et al. Postoperative mortality and morbidity in French patients undergoing colorectal surgery: results of a prospective multicenter study. Arch Surg 2005;140:278-83.

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Références bibliographiques

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DOSSIER THÉMATIQUECancer et nutrition Prise en charge nutritionnelle périopératoire

Question 1 : Un ampullome vatérien a été diagnostiqué chez une femme de 64 ans. Après la mise en place d’une prothèse biliaire plastique, une duodéno-pancréatectomie céphalique est envisagée. L’intervention est prévue dans 1 semaine. La patiente pèse 64 kg pour une taille de 1,65 m. Son poids habituel est de 67 kg. Avant l’intervention, que proposez-vous sur le plan nutritionnel ?

1 – Aucune mesure particulière.2 – Une supplémentation orale enrichie en arginine, oméga 3 et nucléotides.3 – Une nutrition entérale intragastrique.4 – Une nutrition parentérale périphérique.5 – Une nutrition parentérale à l’aide d’une voie veineuse centrale.

Question 2 : Une patiente de 73 ans est hospitalisée pour un syndrome subocclusif responsable de vomissements qui évoluent depuis 1 mois. Elle a perdu 12 kg (1,64 m, 51 kg). Le bilan met en évidence une dilatation iléale liée à une masse située juste en amont de la valvule de Bauhin. Vous suspectez une tumeur neuroendocrine.

1 – Vous proposez une intervention chirurgicale dans les 72 heures et vous assurez en attendant une réhydratation par voie veineuse périphérique.2 – Vous prévoyez une intervention chirurgicale dans 10 jours et vous mettez en place une nutrition parentérale par voie veineuse périphérique.3 – Vous prévoyez une intervention chirurgicale dans 10 jours et vous mettez en place une nutrition parentérale par voie veineuse centrale.4 – Vous prévoyez une intervention chirurgicale dans 10 jours et vous mettez en place une nutrition entérale postpylorique.5 – Vous prévoyez une intervention chirurgicale dans 1 mois et vous mettez en place une nutrition parentérale par voie veineuse centrale.

Question 3 : Après une hémicolectomie droite pour cancer chez une femme de 66 ans non dénutrie, en l’absence de complications,vous réalimentez la malade :

1 – dès la reprise des bruits hydroaériques ;2 – dès l’apparition de la première selle ;3 – dès le lendemain de l’intervention ;4 – 48 heures après l’intervention ;5 – 72 heures après l’intervention.

Question 4 : Vous entamez une radiochimiothérapie néo-adjuvante pour un malade de 58 ans chez qui vous venez de diagnostiquer un cancer du rectum T3 N1 M0. Le malade pèse 70 kg pour 1,75 m, et son poids de forme est de 73 kg. Que proposez-vous sur le plan nutritionnel pendant la radiochimiothérapie ?

1 – Une surveillance du poids et de l’albumine plasmatique.2 – Une supplémentation orale enrichie en acides gras n-3.3 – Une prise en charge diététique active.4 – Une nutrition entérale intrajéjunale.5 – Une nutrition parentérale à l’aide du dispositif veineux implantable que vous venez de faire poser.

Question 5 : Une radiochimiothérapie de type Mac Donald est prévue chez une femme de 71 ans opérée d’un cancer gastrique (gastrectomie totale). Elle pèse 55 kg pour 1,66 m, et son poids de forme est de 64 kg. Sur le plan nutritionnel, vous proposez :

1 – une prise en charge diététique ;2 – une supplémentation orale enrichie en acides gras n-3 ;3 – une nutrition entérale intrajéjunale ;4 – une nutrition parentérale par voie périphérique ;5 – une nutrition parentérale à l’aide du dispositif veineux implantable que vous venez de faire poser. Réponses :

1 : 2 2 : 3 3 : 3 4 : 3 5 : 3

Auto-évaluation

Les articles publiés dans La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs.Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays.©février1998-EDIMARKSAS-Dépôtlégal:àparution.ImpriméenFrance-ÉDIPS-21800Quetigny

Avec ce numéro est routé : Supplément “Les 10 meilleures communications sur le syndrome de l’intestin irritable…” Mayoly Spindler (12 p.)