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LA CONSTRUCTION DUNE OFFRE DE SERVICES PUBLICS PAR HYBRIDATION DES RESSOURCES, DES ACTIVITES ET DES MISSIONS DES ACTEURS : LE CAS DUN RESTAURANT SOCIAL MUNICIPAL Caroline Urbain Danielle Bouder-Pailler Nathalie Schieb-Bienfait Laboratoire d’Economie et de Management de Nantes Atlantique LEMNA - Université de Nantes [email protected] Tél : 06 75 54 34 71 IEMN-IAE - BP 52231 - 44322 Nantes Cedex 3 France . Cette recherche fait partie du Programme de recherche de la Région des Pays de la Loire « Valeurs et Utilités de la Culture » Les auteurs remercient André LEBOT, directeur du restaurant social de la Ville de Nantes pour sa collaboration indispensable à la conduite de ce travail de recherche et pour son travail engagé et innovant

com C. Urbain Bouder-Pailler Schieb-Bienfait · Comment un restaurant social ... l’hybridation développée par le restaurant social de la notion d’entrepreneuriat ... notamment

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LA CONSTRUCTION D’UNE OFFRE DE SERVICES PUBLICS PAR HYBRIDATION DES RESSOURCES, DES ACTIVITES ET DES

MISSIONS DES ACTEURS : LE CAS D’UN RESTAURANT SOCIAL MUNICIPAL

Caroline Urbain

Danielle Bouder-Pailler Nathalie Schieb-Bienfait

Laboratoire d’Economie et de Management de Nantes Atlantique LEMNA - Université de Nantes

[email protected]

Tél : 06 75 54 34 71 IEMN-IAE - BP 52231 - 44322 Nantes Cedex 3 France

.

Cette recherche fait partie du Programme de recherche de la Région des Pays de la Loire

« Valeurs et Utilités de la Culture »

Les auteurs remercient André LEBOT, directeur du restaurant social de la Ville de Nantes

pour sa collaboration indispensable à la conduite de ce travail de recherche et pour son travail engagé et innovant

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LA CONSTRUCTION D’UNE OFFRE DE SERVICES PUBLICS PAR HYBRIDATION DES RESSOURCES, DES ACTIVITES ET DES

MISSIONS DES ACTEURS : LE CAS D’UN RESTAURANT SOCIAL MUNICIPAL

Comment un restaurant social municipal arrive-t-il à proposer, au-delà du repas servi sur présentation d’une carte du CCAS (Centre Communal d’Action Sociale), des services alliant survie, santé, culture, divertissement, expression de soi et mise en relation avec « la cité » ? Cette recherche vise à montrer en quoi, pourquoi et comment la construction d’une offre innovante de services sociaux pour des personnes en grande précarité s’appuie sur un processus d’hybridation. Ce questionnement compréhensif et analytique d’un phénomène complexe a conduit à adopter la méthode des cas. Les multiples faits ont été saisis via différents modes d’investigation primaire et secondaire : entretiens semi-directifs et libres, individuels et collectifs, avec le personnel, les usagers, les partenaires, observations sur le lieu, observations participantes, analyse de documents internes et externes (rapports d’activité, compte-rendu d’actions, extraits de presse sur les actions, restitution de l’expérience du restaurant social lors des assises nationales sur l’illettrisme, restitution d’ateliers de travail au niveau régional sur les pratiques partenariales de prévention et de lutte contre l’illettrisme, reportage photo et vidéo sur la trajectoire du CCAS et sur les opérations récentes, cyberlettre du restaurant social, affichage à l’entrée et à l’intérieur…). L’analyse interroge les notions d’hybridation et d’innovation sociale et montre en quoi elles sont consubstantielles. Tout d’abord, elle met en évidence plusieurs facettes de l’hybridation dans la construction de l’offre, « une co-hybridation » : hybridation des activités offertes ; hybridation des ressources selon leur origine ou leur nature ; hybridation des missions des acteurs chargés de la production des activités de services. Ensuite, elle montre le rôle de cette co-hybridation dans un processus d’innovation sociale. D’une part, elle résulte d’une nouvelle approche, systémique, des besoins générés par la précarité et la pauvreté. D’autre part, située dans un environnement institutionnel très contraint juridiquement, politiquement et socialement, elle conduit les institutions à impulser des lignes directrices et à rechercher et à mettre en œuvre des dispositifs permettant de surpasser ces contraintes. Enfin, l’analyse renvoie à deux considérations théoriques de l’hybridation. La première interroge le lien entre hybridation et encastrement des échanges. La seconde rapproche l’hybridation développée par le restaurant social de la notion d’entrepreneuriat social. L’apport managérial principal de cette recherche concerne le pilotage de processus d’innovation sociale dans un contexte conjuguant plusieurs niveaux d’action et sphères d’acteurs. La posture méthodologique retenue a permis d’identifier des points-clés du processus, en apportant de nouveaux éclairages sur l’articulation de l’action publique – celle des collectivités territoriales en charge de la question de la précarité et de la pauvreté – et celle des professionnels qui pilotent les dispositifs. Ce pilotage s’est fondé sur une prise en compte des pratiques sociales des populations concernées pour mieux conduire un décloisonnement des approches initiées par une diversité d’acteurs. Mots clefs : Innovation sociale, hybridation, entrepreneuriat social, précarité, management public

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LA CONSTRUCTION D’UNE OFFRE DE SERVICES PUBLICS PAR HYBRIDATION DES RESSOURCES, DES ACTIVITES ET DES

MISSIONS DES ACTEURS : LE CAS D’UN RESTAURANT SOCIAL MUNICIPAL

Caroline Urbain Danielle Bouder-Pailler Nathalie Schieb-Bienfait

Laboratoire d’Economie et de Management de Nantes Atlantique LEMNA - Université de Nantes

[email protected]

Tél : 06 75 54 34 71 IEMN-IAE - BP 52231 - 44322 Nantes Cedex 3 France

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Cette recherche fait partie du Programme de recherche de la Région des Pays de la Loire

« Valeurs et Utilités de la Culture »

Les auteurs remercient André LEBOT, directeur du restaurant social de la Ville de Nantes

pour sa collaboration indispensable à la conduite de ce travail de recherche et pour son travail engagé et innovant

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Qu’est-ce que vivre dans la cité aujourd’hui ? La cité prend place sur un territoire, un espace

d’actions et d’infrastructures où vivent et interagissent des individus, des associations, des

entreprises privées, des organisations publiques étatiques et « territoriales ». Sédentaires ou de

passage, y sont présentes différentes populations, pour des motifs contraints ou choisis, liés à

des activités de travail, d’affaires, de loisirs, de tourisme, de culture, de formalités

administratives, de vie courante et de survie. Parmi elles, une attention particulière doit être

portée à celles de plus en plus nombreuses qui, touchées par la précarité et les inégalités

sociales, se trouvent en grandes difficultés économique et sociale. Il en va de la question du

« vivre ensemble » qui demande de construire une cohésion sociale participant d’un

nécessaire équilibre dynamique où chacun trouve sa place.

Or, depuis les années 70, dans les pays occidentaux, notamment au Québec (Bellemare et

Klein, 2011), on constate les limites et les effets pervers des politiques territoriales destinées

notamment à faire face aux inégalités sociales montantes au sein de, ou entre, territoires.

Centralisation des pouvoirs, concentration des ressources vers certains territoires,

inadéquation entre des décisions centralisées et des besoins spécifiques locaux sont autant de

freins à l’expression des potentiels d’innovation sociale (Coté et Lévesque, 1982). Les

évolutions sociales, économiques, politiques et sociétales à l’œuvre, ainsi que l’émergence

d’initiatives locales innovantes, imposent alors un changement de perspective, passant d’une

approche descendante du territoire à une approche ascendante, voire à changer de paradigme

(Stöhr, 2003). Dans ce contexte, la compréhension des processus d’innovation sociale au sein

des territoires est déterminante pour faire émerger et rendre visibles de nouveaux modèles de

pratiques.

Cette recherche vise à montrer en quoi, pourquoi et comment la construction d’une offre

innovante de services sociaux au sein d’une structure municipale pour des personnes en

grande précarité s’appuie sur un processus d’hybridation. Cette innovation sociale est

entendue comme « une intervention initiée par des acteurs sociaux, pour répondre à une

aspiration, subvenir à un besoin, apporter une solution ou profiter d’une opportunité d’action

ou proposer de nouvelles orientations culturelles » (CRISES, rapport annuel des activités

scientifiques, 2008). Elle concerne un restaurant social municipal géré par le Centre

Communal d’Action Sociale de la Ville de Nantes. Née dans un environnement institutionnel

très contraint par les règles, les modes de gouvernance et de financement (une ville d’environ

300 000 habitants dans une agglomération d’environ 580 000 habitants en 2010), cette

innovation est intéressante à plusieurs titres pour identifier et comprendre les hybridations à

l’œuvre et leur rôle dans le processus d’innovation. Pourquoi et comment un restaurant social

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municipal arrive-t-il à proposer, au-delà du repas servi sur présentation d’une carte du Centre

Communal d’Action Sociale, des services alliant survie, santé, culture, divertissement,

expression de soi pour une mise en relation avec la cité ?

Ce questionnement compréhensif et analytique d’un phénomène complexe a conduit à adopter

une démarche empirico-inductive et une approche qualitative, présentée dans un premier

temps. Elle s’appuie sur la méthode des cas (Muchielli, 1996) avec un accès au terrain selon

une posture méthodologique hybride (Hlady Rispal, 2009),

L’analyse du cas du restaurant social de la Ville de Nantes, exposée dans un second temps,

montre la dynamique à l’œuvre pour concevoir et faire évoluer un système innovant d’offre

de services publics, répondant mieux et autrement aux besoins des usagers et aux missions qui

incombent aux services publics. Un modèle d’offre fonctionnel laisse la place à un modèle

plastique et systémique. L’exposé et l’analyse des dispositifs, significatifs d’une innovation

sociale, développés par le restaurant social, mettent à jour les co-hybridations à l’œuvre.

Répondre aux besoins et aux attentes de personnes en précarité nécessite de situer le service

fonctionnel (un repas) dans un contexte de vie quotidienne et sociale. Cette posture génère

une hybridation des activités qui consiste à étendre l’offre à des activités complémentaires.

Elle conduit à une hybridation des ressources. Il s’agit, en effet, de mobiliser des ressources

diverses par leur source, leur nature, leur temporalité, et de construire un réseau d’acteurs

hétérogènes par leurs statuts (publics, privés, associatifs…), leurs compétences et les liens qui

les unissent, capables d’assurer ces activités. Ce système activités / ressources génère

également une hybridation des missions et des compétences des professionnels ou experts

mobilisés. Cette hybridation plurielle et co-construite remet notamment en cause la culture, la

structure et le mode de gouvernance dominant des différentes organisations qui concourent à

la construction de l’offre de services.

En discussion, l’analyse renvoie à deux considérations théoriques relatives à l’hybridation. La

première interroge le lien entre hybridation et encastrement des échanges en pointant qu’une

activité d’échange ne peut se comprendre que dans son contexte sociétal (la fourniture d’un

repas n’étant qu’une composante des besoins quotidiens des personnes dans la pauvreté et

l’isolement). La seconde rapproche l’innovation sociale développée par hybridation des

ressources, des activités et des missions des professionnels de la notion d’entrepreneuriat

social. Finalement, l’apport managérial principal de cette recherche concerne le pilotage de

processus d’innovation sociale dans un contexte conjuguant plusieurs niveaux d’action et

sphères d’acteurs. Le repérage des points-clés de ce processus d’innovation sociale a permis

de révéler la pertinence d’un décloisonnement des approches, pour mieux conjuguer l’action

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publique des collectivités territoriales en charge de la question de la précarité et de la

pauvreté, avec celle des professionnels qui pilotent les dispositifs, et des acteurs associatifs de

l’ESS.

1. QUESTIONS INITIANT LA RECHERCHE, MODES D’ACCES AU TERRAIN ET

ANALYSE DES DONNEES : UNE POSTURE HYBRIDE

Le travail présenté est issu d’une question de départ qu’il faut situer dans son contexte. Elle

est à rapprocher de l’origine de la recherche, ce qui explique les choix méthodologiques

retenus.

1-1. LA QUESTION DE DEPART

La question de départ est de comprendre pourquoi et comment une structure telle qu’un

restaurant social municipal a-t-elle été amenée à faire évoluer, avec des partenaires d’horizons

très différents, son offre de repas vers un ensemble de services de mise en relation avec la

cité. Intuitivement, cette question interroge les notions d’hybridation et d’innovation sociale.

En effet, l’hybridation, « croisement naturel ou artificiel » (Centre National de Ressources

Textuelles et Lexicales) d’entités différentes peut être appréhendée comme un « processus à

travers lequel des innovations venues d’un autre espace économique et social sont adaptées et

transformées en fonction du contexte local » (Boyer, 1998, 1997). Il est aussi question

d’innovation sociale : l’idée est nouvelle et elle est sociale, car partagée et reconnue dans

l’espace collectif du territoire (Fontan, 2011) ; l’offre du restaurant social « est une réponse

nouvelle à une situation sociale jugée insatisfaisante » résultant « de la coopération ente une

diversité d’acteurs » (Cloutier, 2003).

Point de départ : une posture de la part d’une collectivité territoriale très « ouverte ». Le

projet, commande de la Ville dans le cadre de son plan d’orientation, a été proposé dans une

lettre de mission, très générique, à la nouvelle direction (transition par un départ en retraite) :

faire du lieu, un restaurant social dans lequel sont servis des repas aux personnes relevant de

l’aide sociale, un lieu de lutte contre l’isolement social et d’innovation. Autrement dit, le

projet porte sur la transformation d’un dispositif social.

Réponse de la nouvelle direction du restaurant social : le choix d’établir le lien avec les

publics en grande précarité avec une entrée « plaisir »et de construire une confiance envers

l’institution, avec un dispositif s’appuyant sur les pratiques sociales qui entourent le moment

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d’un repas. Le restaurant social est aujourd’hui un lieu de convivialité, qui depuis sa

« création » est devenu un concept de service public d’accompagnement social et d’insertion

qui fait référence dans différentes sphères de l’action sociale et culturelle (des références ?).

1-2. L’ORIGINE DE LA RECHERCHE

La recherche trouve son origine dans la volonté des chercheurs de poursuivre des travaux sur

l’accès aux loisirs et à la culture pour des publics en grande précarité sociale et économique

(Urbain et Bouder-Pailler, 2011) en observant un dispositif innovant. Une de leur principale

conclusion était que des lieux neutres, sans injonction, devaient être développés en tant que

sas pour peut-être ensuite adhérer à des offres de loisirs. Les problématiques d’accès aux

loisirs et à la culture (encadré 1) et d’innovation sociale les ont conduites à identifier et à

analyser au sein de différents territoires des expériences innovantes. Parmi celles-ci, le cas du

restaurant social municipal à Nantes a fait l’objet d’un regard particulier car il montre que cet

accès est un des maillons d’une réconciliation beaucoup plus large de ces personnes avec

elles-mêmes et avec la société. En un sens, l’observation de ce cas a amené les chercheurs à

éclairer de façon plus large leur problématique initiale.

Il est important de souligner ici que cette étude du cas du restaurant social n’est pas une

commande de la Ville de Nantes, bien que la question de l’accès aux loisirs et à la culture

pour les publics en grande précarité soit au cœur de sa réflexion sur l’insertion et la solidarité.

La Ville a donné toute latitude aux chercheurs pour avoir accès au lieu, aux personnes

(personnel, usagers et partenaires) et aux documents internes avec l’appui du directeur (du

restaurant social). Les ressources financières, matérielles et logistiques mobilisées pour le

travail n’ont été fournies ni par la Ville, ni par des institutionnels de la culture ou de

l’insertion sociale, ni par des entreprises privées. Ce contexte a permis une prise de distance

rapport à l’objet et aux attentes des interlocuteurs.

Encadré 1 : L’accès aux loisirs et à la culture, un droit constitutionnel à garantir

L’accès aux loisirs et à la culture est un droit inscrit dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (11 et 13). « Le loisir concerne un ensemble plus ou moins structuré d’activités par rapport aux besoins du corps et de l’esprit des intéressés : loisirs physiques, pratiques artistiques et intellectuelles, dans les limites du conditionnement économique, social, politique, culturel de chaque société. Ce sont ces activités que nous appellerons loisirs. Leur ensemble constitue LE LOISIR » (Dumazedier, 1974). Dans le rapport au temps, quatre grandes périodes de loisir peuvent être distinguées et reliées : le loisir de la fin de journée, de la fin de semaine (week-end), de la fin d’année (les vacances) et la fin de la vie de travail (la retraite) ; si le loisir obéit partiellement à une fin lucrative, utilitaire ou engagée, sans se convertir en obligation, il

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devient un semi-loisir (Dumazedier, 1974). « Malgré les efforts déployés par l’Etat, les partenaires sociaux, le monde associatif pour l’accès à la culture et aux arts, les plus défavorisés en demeurent exclus… Pourtant, l’accès à la beauté constitue une des conditions primordiales pour qu’ils puissent participer à la vie de la collectivité environnante » s’indignait en 1987 le père Joseph Wresinski, fondateur d’ « ADT quart monde » dans un rapport du Conseil Economique et Social qui fut une des étapes importantes vers la loi contre les exclusions de juillet 1998. « Les préjudices liés à une insuffisance ou à une absence de références culturelles sont multiples. Les personnes concernées sont des hommes et des femmes limitées au quotidien dans l’exercice de leurs obligations familiales ou sociales, et dans l’accès à de multiples sources d’épanouissement. Dans une société où le développement du temps libre et de la communication tend à accorder aux loisirs une place croissante, la consommation et l’activité culturelle évoluent dans leurs modalités mais progressent, et tendent à constituer plus qu’hier, un élément d’affirmation de l’identité sociale… Aller au musée, au spectacle ou pratiquer une discipline artistique, permet de retrouver des facultés et des plaisirs souvent mis de côté par les épreuves de la vie. » (IGAS, L’accès à la culture des plus défavorisés, 2007).

1-3. LES MODES D’ACCES AU TERRAIN, LA PRODUCTION ET L’ANALYSE DES DONNEES

Les modes d’accès au terrain découlent du choix méthodologique qui a été l’étude de cas. Elle

est définie comme « une enquête empirique qui étudie un phénomène concernant un système

social comportant ses propres dynamiques » (Mucchielli, 1996). L’étape qui est présentée

dans cette communication s’inscrit dans une démarche de recherche plus large qui est de

trouver les points convergents ou communs à différentes expériences et dispositifs

socialement innovants, tout en repérant leurs spécificités, L’objectif final est de contribuer à

une modélisation des processus d’innovations sociales. Par conséquent, la méthode se

rapproche d’une induction analytique qui « voit le chercheur partir de multiples « faits » et en

généraliser les propriétés » (Mucchielli, 2007).

Les multiples faits ont été saisis via différents modes d’investigation primaire et secondaire :

entretiens semi-directifs et libres, individuels et collectifs, avec le personnel, les usagers, les

partenaires, observations sur le lieu, observations participantes, analyse de documents internes

et externes (rapports d’activité du CCAS et du restaurant social, compte-rendu d’actions,

extraits de presse sur les actions, restitution de l’expérience du restaurant social lors des

assises nationales sur l’illettrisme, restitution d’ateliers de travail au niveau régional sur les

pratiques partenariales de prévention et de lutte contre l’illettrisme, reportage photo et vidéo

sur la trajectoire du CCAS et sur les opérations récentes, cyberlettre du restaurant social,

affichage à l’entrée et à l’intérieur…). La posture choisie a été, pour l’un des chercheurs, celle

d’observateur complet (Hlady Rispal, 2009) avec une immersion sur le site lors de nombreux

moments ordinaires (repas et visites impromptues) et extraordinaires (ateliers, conférences,

réunions, projections cinéma, pièce de théâtre…). Sa validité est soumise d’une part à la

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construction d’une relation de confiance entre le personnel, les usagers et les intervenants de

passage, d’autre part à une mise en ombre des chercheurs qui, lors de moments collectifs,

doivent se fondre et se faire oublier, voire disparaître. Trois chercheurs sont impliqués dans ce

travail. Ce collectif a pu mobiliser des savoirs et expériences complémentaires, dans les

champs de la culture et des loisirs, de l’entrepreneuriat et de l’économie sociale et solidaire. Il

a permis également d’examiner les données sous des angles différents et confronter les

interprétations pour arriver à une convergence de propositions théoriques (figure 1).

La juxtaposition d’une distance et d’une empathie ainsi que les modes d’investigation

hétérogènes menées par plusieurs chercheurs permettent de qualifier la posture d’hybride

(Hlady Rispal, 2009).

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Figure 1 : Les chercheurs : choix d’une approche hybride

Chercheur A * Travaille sur les modes d’accès à la culture et aux loisirs, notamment des publics en grande précarité dans d’autres structures que le RS * Observation participante ponctuelle d’une offre culturelle au sein du RS * Analyse des données, interprétation

Chercheur B * Travaille sur les modes d’accès à la culture et aux loisirs, notamment des publics en grande précarité dans d’autres structures que le RS * Observateur complet (Hlady Rispal, 2009) avec des immersions fréquentes au sein du RS * Analyse des données, interprétation

Chercheur C * Travaille sur l’émergence, les formes et les processus d’innovation, sur

l’entrepreneuriat, notamment dans le cadre de l’économie sociale et solidaire

* Analyse des données, interprétation

Sources multiples de données Confrontation des analyses

individuelles et de leur interprétation

Sources multiples de données

Confrontation des analyses individuelles

et de leur interprétation

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2. DE LA FOURNITURE D’UN REPAS A L’ACCES A LA CITE : HYBRIDATION

DES RESSOURCES, DES ACTIVITES ET DES MISSIONS

L’offre du restaurant social, dont la mission, définie par la Ville de Nantes, est de développer

un lieu d’innovation sociale et de lutte contre l’isolement, est partie d’un existant : un lieu et

un service (le repas). Le projet, piloté par le directeur depuis 2008, s’est progressivement

construit en favorisant et privilégiant la parole des usagers afin qu’ils expriment leurs besoins

et prennent part aux propositions. Il a également associé des « experts » de plusieurs

domaines professionnels (culture, loisirs, santé…) avec des statuts différents qui ont pu

évoluer au cours du temps (acteurs publics, associations, artistes, professions libérales, media,

bénévoles, entreprises…). Ce pilotage a amené également au cours du temps le renforcement

de l’équipe du restaurant social ainsi que la redéfinition des missions des professionnels qui la

constitue. Aujourd’hui, le restaurant social est un lieu de vie qui encourage les personnes en

situation de grande précarité à rejoindre la cité en restaurant l’estime de soi.

Cette construction montre en quoi la mise en œuvre d’une innovation sociale s’inscrit dans un

processus d’hybridation, non seulement des ressources, mais également des activités et des

missions des professionnels qui y participent.

2-1. LE REPAS : UN POINT D’ANCRAGE DE L’HYBRIDATION

Le repas est un moment de « restauration », c’est-à-dire de repos, de tranquillité et d’échange

dans un lieu où l’on est accueilli. Il est « destiné à tout à chacun qui voudrait se poser un peu,

boire un café, surfer sur internet, parler à quelqu’un, aller aux toilettes (« Très important

quand on est à la rue, on ne peut pas aller dans un café, rien que le look, le patron… », propos

de la direction). Ce moment est propice pour construire « un lien qui capitalise la confiance

des personnes en précarité avec les institutions ; sans confiance, on ne faire rien, d’où une

entrée plaisir » (encadré 2).

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Encadré 2 : Les prestations du restaurant social (en 2010)

Ouverture toute l’année, du lundi midi au samedi midi, de 11h jusqu’à 17h (pour le repas jusqu’à 13h30), accès libre. Prestations alimentaires : repas complets sur plateau en self-service (pain, eau réfrigérée avec ou sans sirop, entrée, viandes ou poissons, légumes, fromage et dessert) ; café ou thé en salle ; adaptation aux régimes ou à des habitudes alimentaires ; sac de deux sandwiches pour le soir, un panier-repas pour le dimanche et les jours fériés ; petits déjeuners thématiques ponctuels. Tarifs : déjeuner et panier-repas (1.40 euro) ; sac de deux sandwiches (1 euro). Publics : 527 personnes différentes au cours de l’année 2010 pour la restauration ; environ 90 repas par jour et un total de 26518 pour l’année. Equipe : 5 agents de site en cuisine, 1 agent d’accueil, 1 travailleur social, 1 chef de service Animations hebdomadaires : atelier Feldenkrais, atelier informatique, atelier art créatif, ciné-club. Autres propositions sur site : 10 actions régulières autour de la santé et du bien-être ; séances de dépistage et de vaccination ; bilans de santé ; écoutante ; équipe de liaison Précarité Psychiatrie ; opticien ; vélos NGE à disposition ; pratiques sportives mutualisées avec la Maison d’accueil de jour ; entretiens diététicienne ; atelier cuisine. Partenariats institutionnels actifs : autour de l’offre d’accès culturel : Ciné-club avec la Sagesse de l’image, convention « culture et solidarités pour les accès ONPL / grand T / ARC ; accompagnement de l’atelier des initiatives ; entrées Tisse et Métisse ; accès manifestations Trocardière NGE ; entrées TNT ; Folle Journée ; Utopiales ; Système D ; Conservatoire de Région ; bibliothèque mise à disposition par « Air Livre » ; 25 Presse Océan par jour ; 25 Ouest France par jour ; présence d’artistes et de réalisateurs indépendants. Participation à des événements marquants (tableau 1) donnant lieu à une participation active des usagers et contributions à des créations. Projets mutualisés sur des thématique ou des actualités (addictions, droits de l’enfant, image de soi…) mobilisant les complémentarités de différents partenaires et intervenants (travailleurs sociaux, CHU, ciné-club, associations de prévention, enfants du centre de loisirs Beaulieu, CNCE, Apsyades, UNICEF, autres directions municipales). Extrait adapté du rapport d’activité 2010

L’objectif est donc de générer des mises en mouvement dont la synergie construit ce lien, de

telle sorte que la personne puisse trouver sa place dans la cité (figure 2). Echanger librement

avec les autres, se reposer, se nourrir et se soigner, accomplir des recherches et des

démarches, se cultiver et se divertir, apprivoiser le temps et découvrir de nouveaux espaces

d’action alimentent une colonne vertébrale qui soutient un parcours d’accompagnement.

Ce maillage se traduit par le développement de propositions construites sur l’observation des

pratiques habituelles qui entourent un repas, l’expression par les personnes de leurs attentes et

le montage de partenariats. Les propositions offertes au public qui jalonnent ce parcours se

développent par arborescence : une première entraîne une ou plusieurs autres ; leur

complémentarité ouvre de nouveaux espaces d’action pour les publics et les professionnels

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qui les accompagnent. Nous en retiendrons trois pour illustrer le processus d’hybridation à

l’œuvre dans la construction de l’offre du restaurant social.

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Figure 2 : Depuis le repas : un continuum de mises en mouvement interdépendantes vers

une place dans la cité

Culture et Divertissement

Prendre un repas : Se restaurer

Se reposer et se détendre Echanger avec les autres

Accomplir des recherches des et démarches Se nourrir et se soigner

UNE PLACE RECONNUE DANS LA CITE

UNE ESTIME DE SOI

Découvrir de nouveaux espaces d’actions

Se divertir, se cultiver, se former

Apprivoiser le tempsA L L E R VERS

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2-1-1. L’accueil : d’une entrée guichet à une entrée par la mise en confiance et la

convivialité

Le lieu est situé dans un quartier en profonde mutation, antérieurement industriel. C’est un

espace en construction, où se côtoient des activités culturelles, créatives, économiques et

administratives et d’habitat en rénovation ou en création. Le bâtiment, construit en 1947 puis

mis aux normes, rez-de-chaussée sur rue, est un espace sans originalité architecturale mais

ouvert, fonctionnel (avec possibilité d’un usage polyvalent). Il comprend une entrée directe

dans une grande salle, des sanitaires, une cuisine ouverte, deux salles plus petites,

bibliothèque et multimédia, un petit bureau de direction donnant à la fois dans la bibliothèque

et dans la grande salle où sont servis les repas. Ceux-ci sont proposés sur un plateau que

chacun va chercher auprès du personnel de restauration. Café, thé et eau sont disposés dans la

grande salle, en libre-service.

L’accueil passe donc par une entrée physique et des personnes en contact avec les publics.

Administrativement, elle se fait dans un cadre règlementaire avec un seuil de ressources

attesté par une carte du CCAS. Première modification en profondeur, l’accueil aujourd’hui

permet à des personnes qui ne sont pas « répertoriées » de pénétrer dans le lieu pour se

reposer, prendre un café… voire se restaurer. Les menus du jour et de la semaine, ainsi que

les différentes propositions prévues, figurent dans un espace ouvert vers l’extérieur. Le

contact se fait et le lien naît. Le personnel est à l’écoute et, sans injonction, peut alors entrer

en relation, orienter, informer ou conseiller (le directeur, parlant de la personne : « … on est

considéré comme des hommes normaux, on en dit plus que devant un guichet ; ça renforce la

possibilité de décliner du réseau autour des gens »). Les horaires ont été élargis (encadré 2) et

permettent de passer un moment qui respecte le rythme et les attentes de chacun.

L’accueil, c’est aussi se préoccuper des besoins de restauration les jours fériés et le dimanche

lorsque le restaurant social est fermé. Cette question, centrale eu égard de la mission dévolue

au restaurant social, a donc conduit à proposer pour le soir un sac de deux sandwiches et un

panier-repas pour le dimanche et les jours fériés.

2-1-2. La détente : lire le journal au moment du déjeuner peut emmener loin

D’une façon générale, lire le journal constitue pour beaucoup un moment à soi, une détente,

où l’on entre en relation avec le monde. Par conséquent, une des priorités de la direction a été

d’établir un partenariat avec les deux media de la presse quotidienne régionale ayant la plus

forte audience. Chaque jour, une cinquantaine d’exemplaires est mise à disposition des

personnes. L’objectif est de donner accès à l’actualité avec des titres reconnus qui font

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référence dans la cité, sans se contenter de considérer qu’il existe des quotidiens gratuits.

L’espace bibliothèque offre la possibilité d’une libre circulation des livres et un partenariat

avec la médiathèque (« pour lire, il faut avoir quelque chose à lire », propos de la direction).

Les personnes peuvent être accueillies vers cet espace en ville. Ces propositions ont mis à

jour deux freins essentiels à la lecture : une vue déficiente et un illettrisme.

Pour surmonter le premier obstacle, la direction a mis en place un partenariat avec un opticien

libéral (« solidarité citoyenne, je ne sais pas, du don, je ne sais pas comment appeler ça… »).

Un système de consultations mensuelles est mis en place, sur rendez-vous avec fourniture de

lunettes correctives choisies par la personne sur les conseils de l’opticien et de son assistante

(environ 10 paires de lunettes par mois depuis 5 ans). Aborder une problématique de santé par

l’usage, dans un lieu non dédié et rassurant, rencontre un écho certain (les personnes

s’inscrivent et, avec le soutien professionnel de l’équipe du restaurant social, honorent leur

rendez-vous). Plus largement, avoir l’occasion de soigner sa vue est un premier pas pour

considérer son corps autrement. La présence d’une diététicienne ainsi que l’intervention de

professionnels de santé sur des thématiques telles que les addictions, les maladies

sexuellement transmissibles, les maladies chroniques trouvent alors tout leur sens. Prendre

soin de soi, c’est aussi rechercher un bien-être et prendre conscience de son corps. C’est la

raison pour laquelle un atelier Fedenkrais est mis en place avec un professionnel, proposant

des séances hebdomadaires. Aujourd’hui, l’hôpital envoie des personnes en grande précarité

en non-recours institutionnel vers le restaurant social. Ce partenariat favorise l’amorçage d’un

lien entre les publics en grande précarité et les institutions de santé. Une fois mises en

confiance, les personnes peuvent aller vers ces institutions avec moins de réticence.

Pour surmonter le second obstacle, l’accès à internet, première attente de services exprimée

par les personnes lors d’une enquête, a été développé. La fracture numérique, qui touche

beaucoup ces publics, est liée à une méconnaissance des utilisations, à une impossibilité de

disposer d’un matériel, et à une maîtrise incertaine de la lecture et de l’écriture. Ce constat a

donné lieu à la conception d’un espace informatique à géométrie variable. Si pour certains,

l’accès est autonome et en libre-service, pour d’autres, l’appui d’une formatrice lors d’un

atelier informatique hebdomadaire est nécessaire. A nouveau, l’accès et la formation par

l’usage (accéder à internet pour faire des démarches, se divertir, découvrir, échanger :

« internet, comment ça marche ? à quoi ça peut servir ? comment on fait une adresse e-mail ?

comment on l’alimente ? t’as une adresse e-mail, c’est bien, mais si personne ne t’envoie de

message ? »).. autant de situations qui favorisent la mise en mouvement, la familiarisation

avec la lecture et l’écriture. Afin d’accompagner les personnes vers la cité, les formations ont

17

lieu une semaine sur deux en dehors du restaurant social (cyberespace d’une maison de

quartier) et certaines personnes rejoignent ainsi des dispositifs qui s’adressent à tout public.

La personne prend alors place sur le territoire comme n’importe quel usager. La

familiarisation avec de nouveaux lieux favorise de nouvelles expériences et mêlent des

habitants lors d’offres plus larges (« on est allé à Colmar visiter la ville avec un groupe de la

Maison de Quartier »). Enfin, la fourniture d’une clé USB à chaque usager lui permet de

stocker ses données, ce qui est un moyen indispensable de les sécuriser quand le domicile fait

défaut (« t’as pas de clé d’appart, mais t’as ta clé, tu perds tes papiers, t’as ta clé, si tu perds

tes papiers, tu peux plus rien faire… ». La personne porte sur elle les preuves de son identité,

non seulement administrative (il est indispensable de conserver des justificatifs et des

documents officiels) mais aussi personnelle et affective (photos, documents personnels,

souvenirs et traces de vie…).

Le développement de l’accès à internet est un levier puissant de mise en mouvement :

découverte, recherche d’emploi, divertissement, discussion avec les autres et de prise

d’initiative. La cyber lettre du restaurant social, créée par un des usagers, permet aujourd’hui

de rendre visibles les actions proposées par le restaurant social ou par d’autres acteurs du

territoire, les bons plans pour mieux affronter la précarité et d’occuper ainsi un espace social.

Elle est accompagnée d’un blog. Ce développement s’est produit en plusieurs étapes qui ont

mobilisé des ressources diverses, des acteurs divers pour arriver à un chaînage de propositions

(« on se débrouille avec ce qu’on a, je récupère des vieux ordinateurs du CCAS, des

associations, des particuliers, de La Poste…, plusieurs personnes, usagers ou bénévoles, font

de l’assistance technique je demande à des organismes de formation de réfléchir à ce qu’ils

pourraient faire pour nous aider »). Enfin, une association de récupération de matériel et de

remise en état, moyennant 20 euros, propose un ordinateur pour ceux qui souhaitent s’équiper

individuellement.

En 2011, l’atelier informatique du restaurant social fait référence et les instances nationales de

lutte contre l’illettrisme le prennent comme exemple de pratique innovante (dans le champ de

l’illettrisme, la seule expérience à travailler avec la grande précarité) modélisée dans un « kit

du praticien » (agence nationale de lutte contre l’illettrisme).

.

2-1-3. Sortir et inviter : une participation aux événements dans la cité

De nombreuses propositions se déroulent au sein du restaurant social : restauration, accès à

internet, presse quotidienne régionale, espace multimédia, bibliothèque, activités et ateliers

hebdomadaires, mensuels ou ponctuels sur la santé, la culture, l’écoute, l’expression artistique

18

(encadré 2). Néanmoins, l’objectif affirmé est de permettre aux personnes d’élargir leur

champ d’action afin de se réapproprier le territoire (« jouer aux cartes, ce n’est pas une

priorité pour les usagers, ça tombe bien car je ne veux pas faire un lieu d’occupation »). Par

conséquent, sont mises en place des actions de participation à des événements produits dans la

cité qui engagent de nombreux partenaires tels que des institutions publiques sociales, des

structures culturelles et sportives, des associations, des artistes, des écrivains, des chercheurs

(encadré 2 et tableau 1). L’objectif est également de faire venir les publics qui ne relèvent pas

de l’aide sociale et de leur proposer des moments culturels ou d’échange. Par exemple, une

association « La sagesse de l’image » propose un ciné-club auquel est conviée toute personne

intéressée par le cinéma. A l’origine, la personne chargée de l’animation est intervenue en tant

que bénévole, puis la dynamique qui s’est créée autour de ce projet a fait apparaître le rôle de

ce moment dans la mission du restaurant social. Cette action a donc pu être intégrée dans le

projet de l’établissement et être formellement considérée comme un appui professionnel pour

le travail social.

Le printemps solidaire des voisins, à cet égard, est très révélateur du rôle de l’hybridation

dans l’innovation sociale développée par le restaurant social. Commerçants du quartier,

habitants, associations, artistes, professionnels et usagers du restaurant social, partenaires

viennent partager un moment de convivialité en apportant des produits, des créations, des

animations, des idées et de la bonne humeur.

Enfin, on observe que l’accueil et la rencontre (sur site ou hors site) d’artistes, de philosophes,

de créateurs, d’artisans, de personnes issues d’univers généralement très éloignés les uns des

autres et des publics concernés créent une effervescence et une ouverture culturelles non

obligées. On peut participer ou non, aller prendre un café pendant la projection d’un flim,

continuer son activité sur le net et revenir librement. Ces observations, qui ont eu lieu à

plusieurs moments, montrent que se crée une individualité dans ce collectif et un respect des

autres. Pour certains, cette effervescence libère des freins et donnent envie de s’exprimer et de

créer (participation à un atelier d’écriture, production en public de musique, CD…).

Aller vers et faire venir sont des dynamiques qui fondent le concept du restaurant social

municipal. Leur développement est consubstantiel d’une hybridation des activités, des

ressources et des missions des professionnels.

19

Manifestations avec partenariats

Publics concernés Territoire

Le printemps « solidaire » des voisins

Usagers RS / habitants

Ile de Nantes

Restaurant social « La Folle Journée » cité des congrès

Usagers RS / autres publics

Centre + Ile de Nantes

Restaurant social pour des avant-première

Saison ONPL / Grand T / heures musicales Conservatoire / Opéra

Usagers RS + CCAS/ autres

publics

Centre + Ile de Nantes

Les rencontres du fleuve : film « les hommes libres »

Usagers RS + Alisé / autres

publics

Ile de Nantes

« Île était une fois » Usagers RS + Alisé / autres

publics

Ile de Nantes

Lire en Fête / Printemps de la Poésie / ciné « les Heures d’été » / les écrits (extra) ordinaires / Pannonica / Maquiz’art / Amok / F.C.N.A

Usagers RS + CCAS + autres

publics

Ile de Nantes /Centre ville

Collectif « SOLIDART » / galerie Albane / galerie Anti-reflets

Artistes usagers / artistes

nantais

Ile de Nantes / Ville

Ciné-club Association « La sagesse de l’image »

Animateur, réalisateur, usagers, autres publics

Centre (cinémas) Restaurant social

Tableau 1 : Exemples de participation active aux événements de la cité

2-2. UNE INNOVATION SOCIALE PAR HYBRIDATIONS

Le restaurant social est aujourd’hui un espace dynamique de « restauration », ouvert sur la

cité, qui encourage les usagers à renouer avec eux-mêmes et avec les autres. L’offre de

services est construite à partir d’une situation de rencontre sociale (personnes en grande

précarité présentes dans un premier temps pour déjeuner), au service d’une finalité (faire un

lieu d’innovation sociale pour lutter contre l’isolement) qui suscitent des mises en mouvement

(activités conjointes, interdépendantes, co-construites avec les usagers), mobilisant des

ressources de différentes nature, origine et montage partenarial). Les processus de conception

et mise en œuvre de cette offre questionne les postures et les pratiques des professionnels

20

intervenant (directions administratives centrales, professionnels de l’action sociale et de

l’action culturelle).

2-2.1- Une hybridations aux différentes facettes : une « co-hybridation »

En 1997, Robert Boyer écrivait, en analysant les modèles productifs, notamment le

phénomène des transplants japonais, que « le concept d’hybridation évoque un processus

évolutionniste, voire biologique, et il est loin d’être admis dans les recherches en sciences

sociales ». Bien que développée dans ce contexte industriel, cette analyse offre une approche

générique de l’hybridation. Elle peut être appréhendée comme une combinaison de

composantes de différentes natures « qui ne désigne plus alors une simple adaptation

ponctuelle aux résistances de l’environnement mais un principe de transformation, voire de

genèse, des modèles productifs eux-mêmes, au contact de systèmes sociaux et économiques

différents de ceux sur lesquels ils ont pris leur essor » (Boyer, 1997).

Depuis, le concept d’hybridation a été fortement mobilisé suite aux travaux de J.-L. Laville

dans le champ de l’économie sociale et solidaire pour étudier principalement la pluralité des

ressources eu égard de leurs sources, de leur répartition et de leur renouvellement (Boncler et

Hlady-Rispal, 2006). L’analyse du cas du restaurant social municipal montre une hybridation

que l’on pourrait qualifier de pluridimensionnelle : avec une hybridation à l’œuvre pour

mener à bien une approche nouvelle de l’isolement social et qui se développe par différentes

facettes indissociables : une hybridation des activités, des ressources et des missions des

professionnels (tableau 2).

L’hybridation des activités se caractérise par le chaînage d’activités construites à partir des

attentes des usagers et des problématiques qui se posent à eux, multiples (prendre un repas, se

reposer, se soigner, se divertir et se cultiver), complémentaires (repas / repos / pratiques

culinaires / santé soin / santé prévention / détente / divertissement / culture…), à géométrie

variable (sans déterminisme, ni injonction), interdépendantes pour développer des liens

sociaux choisis.

L’hybridation des ressources se crée par la construction et l’articulation d’un réseau d’acteurs,

qui peut muter de l’informel au formel avec l’élaboration de partenariats. Elle se caractérise

par la diversité de leur sphère d’appartenance (Etat, Région, Département, Ville, associations,

entreprises privées, particuliers…), de leur nature (financières, matérielles, intellectuelles,

logistiques, médiatiques), de leur temporalité (permanentes, récurrentes, par projets,

ponctuelles).

21

L’hybridation des missions des professionnels (définis comme les acteurs qui apportent une

pratique ou une expertise professionnelle) repose sur une mutation de leurs approches : on

substitue à « une approche par le guichet », une approche par l’usage et les attentes des

publics. Elle se caractérise par la diversité de leurs statuts qui peuvent évoluer au cours du

temps (agents de la fonction publique, intervenants extérieurs bénévoles - associations,

professions libérales, indépendants, particuliers - ou rémunérés des secteurs publics ou privés,

marchands ou non marchands), de la temporalité d’intervention (régulière, court terme,

événementielle) et de la nature de l’intervention (individuelle / collective, thématiques

sociales, culturelles…).

Par cette hybridation plurielle que nous qualifierons de « co-hybridation », le service offert

par le restaurant social se trouve transformé. Le modèle fonctionnel évolue vers un modèle

plastique et systémique.

2-2-2. Une nouvelle approche d’un service public inscrit dans des pratiques sociales

En s’appuyant une nouvelle approche de l’isolement social, l’offre du restaurant social peut

être considérée comme une innovation sociale : il s’agit d’une nouvelle approche

institutionnelle à une situation sociale jugée insatisfaisante en mobilisant la coopération d’une

diversité d’acteurs (Cloutier, 2003). L’hybridation des ressources, des activités et des

missions des professionnels, impliquant des partenaires pluriels dont le rôle et la place

évoluent au cours du temps, sous-tend sa mise en œuvre (tableau 2). Elle renvoie, au moins, à

deux considérations théoriques.

D’une part, ce service public hybride (figure 2) se rapproche d’une forme d’encastrement

d’une activité économique et sociale dans son contexte social, politique et sociétal (Polanyi,

1974 ; Polanyi, Arensberg, 1975 ; Laville, 2008). Il s’appuie sur le principe qu’une activité

d’échange (la fourniture d’un repas social, échange de nature économique non marchande) ne

se comprend que dans son contexte sociétal (présence d’une pauvreté et d’une précarité,

regard de la société sur ce phénomène, modes de régulations développés par les différentes

institutions et les populations concernées). S’il ne s’agit pas, au sens strict, d’encastrer le

social dans les activités économiques (Laville, 2000), cela consiste à encastrer un usage (le

repas) dans les pratiques sociales, à la fois qui l’entourent et qu’il génère, par un chaînage de

différentes activités qui constituent ces pratiques. Finalement, ce processus de construction

d’un service public formalise un espace public aux propositions diversifiées, une instance de

réflexion, d’échanges et de discussion participant de la formation d’une « sociabilité

démocratique », tels que ceux qui œuvraient déjà au XIXème siècle (Laville, 2007).

22

D’autre part, il questionne sa gouvernance. L’initiative du projet résulte d’un regard nouveau

des décideurs de l’action publique sur un territoire : une commande (donc descendante)

suffisamment ouverte pour concevoir une réponse ouverte (donc ascendante). Le processus

qui en résulte est de type circulaire. Pour répondre à une commande - faire du lieu un espace

de lutte contre l’isolement social - une proposition est développée dans un premier temps de

façon très « empirique », partant de besoins exprimés par les usagers (par exemple, l’accès à

internet pour l’utilisation et le matériel), avec des partenariats informels (par exemple, le ciné-

club assuré par une association à titre bénévole). Puis cette proposition montre son rôle dans

le processus de lutte contre l’isolement (avec le ciné-club, les personnes restent, échangent, le

ciné-club devient connu par les usagers puis accueille des publics extérieurs ; le dispositif

d’accès à l’usage d’internet se construit, noue des partenariats, est reconnue comme une

bonne pratique de lutte contre l’illettrisme…) ; elle peut alors être formalisée et justifier des

moyens institutionnels (logistiques, ressources humaines, financières…). Elle prendra alors

place comme un dispositif intégré, indissociable du contexte, dans la lutte contre l’isolement

social.

Ce processus hybride d’innovation sociale réinterroge donc la question du périmètre de

l’activité du restaurant social, de l’évaluation de cette activité, des règles d’organisation des

décisions et de fonctionnement, et des marges de manœuvre pour le manager et en piloter le

développement. L’observation et l’analyse du fonctionnement de cette organisation mettent

en évidence ces questions, notamment le rôle du directeur. Celui-ci fait le choix d’une

gouvernance ouverte pour favoriser la mise en relation et en confiance avec les acteurs

pluriels, il construit et anime un réseau. Il met en œuvre un processus de changement

organisationnel qui « déstabilise » sa hiérarchie, son équipe ainsi que les différents acteurs

publics, privés, marchands ou non marchands, notamment sociaux et culturels, qu’il sollicite.

Ce constat renvoie à l’analyse de Friedberg (1977) pour qui « tout processus de changement

organisationnel qu’il soit ou non planifié, a besoin d’un entrepreneur social. Il doit parvenir à

organiser « le parti du changement » qui permet de donner l’impulsion initiale. […]

L.’important n’est pas la précision des objectifs finaux ou du fonctionnement nouveau à

construire, mais la création d’une dynamique à travers laquelle puisse se concrétiser

progressivement une ligne directrice et se mettre en place une nouvelle logique de

fonctionnement, avec ses points d’appui organisationnels. Cela passe toujours, pour

commencer par une série de décisions initiales, qui sont à même de déverrouiller la situation

par la création sélective, dans des zones ou à des endroits jugés centraux, de marge de liberté

nouvelles qui permettent aux hommes concernés par le changement de réfléchir,

23

d’expérimenter sans être immédiatement rappelés à l’ordre […] Il remet en question les points

de repère qu’ils se sont forgés, leurs points d’appui, leurs compétences, leurs cadres de

rationalité. En dehors des décisions assurant l’impulsion initiale, la réalisation et la réussite du

changement dépendent donc de la mise sur pied d’un dispositif d’accompagnement. C’est lui

qui rend possible la gestion et le pilotage au jour le jour de multiples processus

d’apprentissage à travers lesquels se mettent en place les nouveaux cadres d’action et

s’opèrent tant la mobilisation des intéressés que l’acquisition des capacités collectives

nécessaires ».

Le mode de pilotage qu’induit le fonctionnement d’une organisation telle que le restaurant

social renvoie donc aux notions d’encastrement et de « porteur, intermédiaire sécant ou

entrepreneur social » (Friedberg, 1977). Le système d’actions sur lequel il repose demande

« un intégrateur », c’est-à-dire « un acteur qui se trouve en position d’arbitre entre les intérêts

conflictuels des participants et qui assure une partie de la régulation en opérant des

ajustements et les équilibrages entre acteurs, sans lesquels le système s’étiolerait ».

Un objectif : la lutte contre l’isolement social

Une combinaison dynamique de ressources, d’activités et de missions de professionnels interdépendantes et évolutives

Différentes origines

Publiques à différents niveaux territoriaux et instances

Privées marchandes et non marchandes

Différentes natures

Financières / Matérielles / Logistiques / Médiatiques

Différentes temporalités

Permanentes / par projet / ponctuelles

Construction d’un réseau et

élaboration de partenariats

Thématiques multiples

(alimentation, santé, divertissement, culture…)

Complémentaires

(un effet de mise en mouvement par une activité qui

donne naissance à une autre)

A géométrie variable

(sans déterminisme, ni injonction)

Interdépendantes

(un chaînage qui construit un lien social choisi)

Construction à partir des besoins des usagers

Statuts multiples

Agents territoriaux

Intervenants extérieurs bénévoles (associations,

professions libérales, indépendants…)

Intervenants extérieurs professionnels des secteurs

publics et privés

Temporalité des interventions

Régulière / Evénementielle

Nature des interventions

Individuelle / Collective

Thématiques sociales, culturelles…

Approches « par l’usage et non par le guichet »

Tableau 2 – Hybridation des ressources, des activités et des missions des professionnels

Missions des professionnels

Activités

Ressources

CONCLUSION

Ce travail cherchait à montrer pourquoi et comment un restaurant social municipal propose,

au-delà du repas servi sur présentation d’une carte du Centre Communal d’Action Sociale, des

services alliant survie, santé, culture, divertissement, expression de soi pour une mise en

relation avec la cité. Par une approche empirico-inductive de ce cas, cette recherche met en

évidence les formes et le rôle de l’hybridation dans ce processus d’innovation sociale, et par

là, en quoi elle en est consubstantielle. Elle identifie différentes facettes de l’hybridation :

hybridation des activités offertes, des ressources et des missions des professionnels.

L’innovation sociale se caractérise doublement. D’une part, l’offre du restaurant social amène

une nouvelle approche, systémique, des besoins générés par la précarité et la pauvreté.

D’autre part, située dans un environnement institutionnel très contraint juridiquement,

politiquement et socialement, elle conduit les institutions à impulser des lignes directrices et à

rechercher des dispositifs permettant de surpasser ces contraintes. Ce constat renvoie à deux

considérations théoriques de l’hybridation. La première interroge le lien entre hybridation et

encastrement des échanges (Laville, 2008). La seconde rapproche l’hybridation développée

par le restaurant social de la notion d’entrepreneuriat social (Friedberg, 1977).

Enfin, cette recherche apporte de nouveaux éclairages sur la problématique du pilotage de

l’innovation sociale. Notre travail a permis de repérer les points-clés de processus

d’innovation associant plusieurs niveaux d’action et sphères d’acteurs. Dans ce contexte

d’innovation ouverte à géométrie plurielle d’acteurs, se pose la question du pilotage d’une

telle démarche dans le contexte de l’action publique. Elle invite à poser en d’autres termes

l’articulation de l’action publique (celle des collectivités territoriales en charge de la question

de la précarité et de la pauvreté), avec celle des professionnels qui pilotent les dispositifs, à

partir des pratiques sociales des populations concernées. Le décloisonnement des approches

observées souligne l’impérieuse nécessité pour le management de saisir de cette question

relative à une ingénierie des processus d’innovation sociale.

Les limites de ce travail sont de deux ordres et ouvrent ainsi différentes voies de recherche.

Sur un plan méthodologique, la démarche retenue qui est l’étude de cas, demanderait, pour

confirmer les propositions résultant d’une induction analytique (Mucchielli,, 2007), de

poursuivre l’investigation sur d’autres terrains (ce qui est en cours). Sur un plan théorique, il

conviendrait d’approfondir le lien entre hybridation et encastrement, qui recouvre des angles

différents, économique, sociaux et politique et culturel (Laville, 2008), en s’intéressant

2

notamment à la composante réticulaire de l’hybridation. Il serait également utile de préciser

quelle forme prend ici la notion d’entrepreneuriat social et en quoi il modifie les rapports de

pouvoir et les règles de fonctionnement des organisations et des acteurs dans un contexte de

management public (Friedberg, 1977). Enfin, il conviendrait d’identifier les obstacles à

l’hybridation, notamment le poids de déterminismes sociaux, organisationnels et politiques

ainsi que les conditions de sa diffusion, notamment dans le processus d’apprentissage

organisationnel (Boyer, 1997).

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