Combattre l'Occupation Et Les "Bandits Légaux"

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L’équipe Martelly, qui s’est donnée par la voix du Président lui-même le titre de « bandits légaux » est confrontée à une grave crise de confiance. Martelly a perdu toute légitimité en sabordant les institutions clés de notre fragile démocratie, notamment l’institution électorale. Dès son arrivée au pouvoir en mai 2011, au terme des élections frauduleuses de novembre 2010, Martelly fait faire au pays un pas en arrière chaque jour qui passe. Avec ce côté enfantin qui le caractérise, le président Martelly fonce tête baissée dans les pires aventures, assuré que les forces d’occupation de la MINUSTAH sont la garantie de la pérennité de son pouvoir. Dans cette conjoncture d’un pays ayant perdu sa souveraineté, il importe de tirer les leçons des luttes d’hier afin de forger un avenir différent de celui de l’occupation militaire que nous vivons depuis des décennies.

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Pour une opposition ferme aux bandits lgaux

Combattre loccupation et les bandits lgauxLeslie Pan, 1er dcembre 2014

Lquipe Martelly, qui sest donne par la voix du Prsident lui-mme le titre de bandits lgaux est confronte une grave crise de confiance. Martelly a perdu toute lgitimit en sabordant les institutions cls de notre fragile dmocratie, notamment linstitution lectorale. Ds son arrive au pouvoir en mai 2011, au terme des lections frauduleuses de novembre 2010, Martelly fait faire au pays un pas en arrire chaque jour qui passe. Avec ce ct enfantin qui le caractrise, le prsident Martelly fonce tte baisse dans les pires aventures, assur que les forces doccupation de la MINUSTAH sont la garantie de la prennit de son pouvoir. Dans cette conjoncture dun pays ayant perdu sa souverainet, il importe de tirer les leons des luttes dhier afin de forger un avenir diffrent de celui de loccupation militaire que nous vivons depuis des dcennies.

Les jeunes qui nont pas connu la tyrannie duvaliriste sont les tmoins directs du processus de perte de conscience et de personnalit qui a conduit Hati dans le trou o elle est aujourdhui. Ils sont les victimes de la compromission des ans avec la btise. Le pays est sous la direction de gens qui sont fascins par les tontons macoutes dont ils admirent les comportements autoritaires.

Les nouvelles gnrations doivent sarmer de la connaissance des luttes dhier pour mieux orienter leurs combats aujourdhui. Face aux assassins, kidnappeurs et autres marchands de drogue qui dirigent le pays, elles doivent rpliquer avec une opposition ferme sur leurs objectifs, sans louvoyer sur les moyens mettre en uvre pour les atteindre. La mobilisation dans la rue est la seule arme capable de faire entendre raison aux bandits lgaux et leurs commanditaires de ltranger. Rien dautre. Cest justement ce quavaient fait les intellectuels de lUnion Patriotique tels que Georges Sylvain, Victor Cauvin, Seymour Pradel et les jeunes tels que Jacques Roumain, Georges Petit, etc. Ils ont accompli leurs devoirs en remplissant une mission dclairage et de balise et en refusant de senrgimenter dans les brigades de conqute du pouvoir.

La grve des tudiants de 1929 fait tche dhuile

Les Amricains narrivent pas obtenir la soumission des patriotes qui refusent daccepter labolition du Parlement et son remplacement par le Conseil dtat, une institution-bidon. Le Conseil dtat a t cr par la Constitution de 1918 crite par Roosevelt et enfonce dans la gorge du peuple hatien. Le Conseil dtat dont tous les membres sont nomms par le Prsident de la Rpublique est lquivalent de labsurdit du gouvernement par dcret comme la fait le Prsident Prval hier et comme veut le faire Martelly aujourdhui.

La lutte pour le rtablissement des Chambres Lgislatives est alle de pair avec celle du harclement des marines amricains occupant Hati. Deux combats poursuivis tant par les Cacos paysans avec leurs vieux fusils que par les Cacos de la plume. Seymour Pradel, prsident de la LigueNationale dAction Constitutionnelle, proteste contre le saccage de limprimerie dAdhmar Auguste au Cap-Hatien le 29 octobre 1929. Dans le mme temps, la Ligue dAction Sociale Hatienne de Jacmel proteste contre larrestation des leaders de lUnion Patriotique et de la Ligue de la Jeunesse Patriotique du Cap-Hatien. La lettre est signe de Charles Bauduy, prsident; N. Saint-Louis, secrtaire gnral et de Harry Lauture, trsorier.Le 31 octobre 1929, ce sont la grve des tudiants de Damiens et les protestations dans les rues qui obligent les forces doccupation amricaine envoyer la Commission Forbes le 28 fvrier 1930, faire partir le prsident Borno et procder lorganisation des lections aboutissant la victoire des forces nationalistes et la dsoccupation. Ce jour-l une grve commence la Facult dagronomie de Damiens. Cette grve stendra dans les autres facults et coles. Le 6 novembre, les tudiants de lcole de Droit rentrent aussi en grve. Ils sont suivis par les tudiants de la Facult de mdecine, des Sciences Appliques et de lcole normale dInstitutrices. La grve fait tche dhuile. Les tudiants des Arts et Mtiers rentrent aussi en grve. Le gouvernement de Louis Borno est aux abois. Il constate que ses chances davoir un troisime mandat diminuent au fil des jours.

En effet, les grvistes sillonnent les rues de la capitale. Le prsident Borno essaie de casser le mouvement avec la corruption en offrant des bourses de 75 gourdes chaque mois aux tudiants de Damiens pour la priode de trois ans de leur scolarit. Peine perdue, la grve et les manifestations continuent sous la direction de Justin D. Sam, prsident du Comit des tudiants de Damiens. Le prsident de la Ligue des Droits de lHomme, J. P. Mexile, appuie la grve. Le 11 novembre 1929, une manifestation de 80 000 personnes dfile travers les rues de la capitale. lpoque, Jacques Roumain, prsident de la Ligue de la Jeunesse Patriotique Hatienne, Victor Cauvin et Antoine Pierre-Paul sont arrts et incarcrs depuis le 19 octobre au Pnitencier national. Avec les journaux Le Nouvelliste, La Presse, Le Temps, LAction, Le Petit Impartial, etc., la presse patriotique apporte aussi son soutien. Des intellectuels de renom tels que Etzer Vilaire, Emile Cauvin, etc. montent au crneau et contestent mme la nationalit hatienne du prsident Borno.

Dpass par les vnements, le prsident Borno est oblig dannoncer le 25 novembre 1929 quil ne va pas briguer un troisime mandat. Mais cest dj trop tard. La grve et le mouvement de protestation stendent dans les villes de province, aux Gonaves, Petite-Rivire, Cap-Haitien, Saint-Marc, Jacmel, Bainet, Cayes, etc. Le gnral Russell, commandant des troupes amricaines, dclare la loi martiale le 4 dcembre 1929. Peine perdue. Le mouvement de protestation continue. Dans les villes de Jacmel, Croix-des-Bouquets, Cayes, Port-au-Prince, plusieurs individus sont arrts et mis en prison, notamment Robert Bonhomme, Charles Gardre, Jean Brierre, Schiller Nicolas, Louis Mars, Clment Coicou, Louis Mevs, Antoine Pierre-Paul, etc. Linpuisable varit dune vrit

Les agriculteurs protestent galement et, le 6 dcembre 1929, les troupes amricaines ouvrent le feu sur des paysans pris pour des assaillants Marchaterre, la priphrie des Cayes. Il y a une dizaine de morts et des blesss. La mobilisation populaire saffirme dans sa vrit et son inpuisable varit. Finalement fin dcembre 1929, le gouvernement amricain du prsident Herbert Hoover dcide denvoyer une commission denqute en Hati dont les rsultats seront la planification du retrait des troupes doccupation.

Justin D. Sam, prsident du Comit des tudiants de Damiens, est impayable. Le 30 dcembre 1929, il sollicite et obtient du gnral amricain Evans lautorisation dorganiser une manifestation patriotique le 1er janvier 1930. Voulant empcher le moindre relent de collaboration ou encore toute vellit de lchage dans le combat pour la libert, le peuple hatien, dans toutes ses composantes, dcide de ne pas organiser de ftes de fin danne et de ne participer aucune clbration. Le Nouvelliste du 3 janvier 1930 crit:Le gnral Russell a plusieurs annes en Hati; il a vu dans le temps comment les Hatiens ftaient la Nol et le Jour de lAn. Informera-t-il le prsident Hoover que cette anne, devant la perspective dune continuation du mme rgime par le Conseil dtat, aucun Cercle Mondain na donn une fte, un bal ou une runion mondaine quelconque.

Grace aux manifestations et la rsistance des citoyens dans les rues, le peuple hatien a pu recouvrer sa libert. Rien nest laiss au hasard. Les patriotes hatiens attaquent sur tous les fronts. ct dun Georges Sjourn prsentant un mmoire dfendant Hati auprs de la Ligue des Nations, on trouve Horace Paulus Sannon rfutant les thses du Dr. Cumberland, conseiller financier amricain en Hati, qui clamait quHati ntait pas une malade, mais plutt un cadavre qui tomberait en putrfaction si on la laissait tranquille. En tant que porte-parole, Maitre Georges N. Lger coordonne les positions des huit organisations patriotiques (lUnion Patriotique, la Ligue des droits de lHomme et du Citoyen, la Ligue dAction Sociale Hatienne, la Ligue Nationale dAction Constitutionnelle, la Ligue de Dfense nationale, la Ligue de la Jeunesse Patriotique Hatienne, le parti National Travailliste, et lUnion Nationaliste) au sein du Comit Fdratif des Associations Patriotiques. Quant Justin D. Sam, cest peu dire que son obsession est la libration dHati de loccupation. Il en fait tellement que la police lui interdit de sattarder prs de Damiens.

chaque occasion, le prsident Borno en prend pour son grade. Tout comme le prsident Martelly aujourdhui, il est considr comme larchitecte de limpasse. Dans la crise de confiance gnralise, tout est fait pour desservir sa cause. Pendant que Georges N. Lger argumente devant la Commission Forbes lintrieur de lhtel Excelsior contre les violations des droits du gouvernement Borno et de loccupation, les manifestations font rage lextrieur avec des milliers de personnes, des pancartes et des slogans. Les patriotes et dmocrates ne lsinent pas et disentdans leur message Sonnons la charge du 16 janvier 1930 publi dans Le Nouvelliste : Rclamons tout et ne nous considrons pas satisfaits, alors mme que sur quelques points nous aurions obtenu gain de cause. . Nous avons t spolis, nous demandons justice. Quelle soit complte, sinon nous naurons de cesse dans nos demandes. La mdication-miracle ne devait pas tarder montrer ses effets. Le prsident Louis Borno est oblig de dmissionner et est remplac par le gouvernement provisoire dEugne Roy le 21 mai 1930. Les lections du 18 novembre 1930 ont lieu et cest la victoire des nationalistes tous les niveaux. Mais, peine sortie du nant de loccupation amricaine en 1934, Hati tombe dans lenfer de la dictature de Stnio Vincent qui dissout lUnion Patriotique de Georges Sylvain, arrte nouveau Jacques Roumain et Joseph Jolibois Fils. Hati dcouvre la propre ignorance de ses fils dgnrs. Pour viter que ce mouvement de rptition consistant dvoyer les conqutes populaires ne soit une fatalit historique, la jeunesse de 2015 doit monter au crneau de faon permanente contre les bandits lgaux.

Une quinte royale flush comme au pokerLa crise actuelle en Hati est le rsultat de la roublardise des bandits lgaux qui ont ds le dpart fauss le jeu dmocratique. Se fondant sur le soutien reu de la communaut internationale pour organiser les lections frauduleuses qui lui ont donn le pouvoir, la bande Michel Martelly se croit tout permis. Elle se donne toutes les cartes en commenant par confisquer les fonds publics pour organiser son propre parti, faire sa propre propagande et refuser dorganiser les lections prvues pour 2011, 2012 et 2013. La bande Tt Kale se donne une main rose, une quinte royale flush comme au poker. Son As est le contrle de la machine lectorale et surtout du CEP. Son Roi est le financement quelle dtient partir des fonds PetroCaribe. Sa Dame est sa machine de propagande. Son Valet est la Chambre des Dputs quelle a dans sa poche et son 10 est le pouvoir judiciaire quelle matrise au point que lopposition ne peut mme pas trouver un juge de paix pour dresser un constat de fraude.

Cest donc avec toutes les cartes en main que les bandits lgaux se proposent daccomplir leurs vises dune nouvelle prsidence vie. Ayant fait cette mise en place pendant trois ans avec la rvocation des maires lus et linstallation des agents excutifs intrimaires pour assurer la victoire de son quipe de bandits, le prsident Martelly prsente la loi lectorale qui est vote le 1er Avril 2014 par la Chambre des Dputs. Mais, heureusement pour la conscience hatienne, au Snat, six snateurs refusent avec raison dentriner la forfaiture. Le nud gordien est la nomination par dcret par le Prsident de la Rpublique des Agents Excutifs Intrimaires (AEI) dans les 140 cartels municipaux en remplacement des lus locaux. Cette mesure sclrate et anti-dmocratique prise par le gouvernement au cours de la premire anne de son mandat est une violation de la Constitution. Elle fait partie de lhabile stratgie dattards dans une ternelle envie de pouvoir vie et dmontre que les Hatiens ont affaire au diable.

Le problme qui bloque Hati depuis deux sicles est le syndrome du pouvoir absolu et le refus de lalternance. En dmasquant les nouvelles recettes concoctes par lquipe Tt Kale pour prendre le pouvoir vie, les six snateurs et leurs partis ont rendu service au pays. Acte patriotique. Les six ont affront le problme de face en refusant de le lguer aux gnrations futures et en appelant la mobilisation de toutes les couches de la population. Acte de subversion. Sans doute, mais accepter daller aux lections dans les conditions o le pouvoir dtient toutes les cartes quivaudrait pour eux creuser leur propre tombe. Ce serait aussi une dfaite de la pense que den adhrer la rgle de la facilit, de la dmagogie et du ponce-pilatisme. Ce serait une suicidaire politique de lautruche.

Lopposition dmocratique, avec ses diverses familles dides et de convictions, a montr sa maturit en refusant de sassocier la nocivit du pouvoir rose Tt Kale sorti de lobscur clan du trfonds du duvalirisme sanguinaire. Cest de bonne guerre que lambassadrice amricaine Pamela White invite cette opposition discuter. Elle qui hier encore, au carnaval de Jacmel, dambulait dans les rues aux bras des officiels du gouvernement. Au mpris des pratiques et des normes habituelles du Protocole. Que Mme White se montre la hauteur de sa mission tout comme lopposition la fait en refusant de se laisser trafiquer par le prsident Martelly pour devenir un robot parfait, un ne docile. En restant ferme sur ses positions, lopposition dmocratique doit laisser que ce soit Martelly qui glisse sur les pelures de banane de lamalgame.

En conomie, toute crise prolonge indfiniment finit par aboutir la dflation, cest--dire leffondrement du prix des actifs. Cest aussi le cas en politique. Linstabilit de laprs-1986 a dclench une spirale descendante des valeurs qui a conduit laccession de Martelly la prsidence. La stabilit recherche maintenant passe par une sortie de crise qui fera remonter les valeurs relles. Les problmes hatiens devront alors trouver une solution hatienne avec tout au plus les bons offices des pays amis. Pas le type dintervention muscle dEdmond Mulet. La solution hatienne passe par le retour au Parlement de personnalits comptentes capables de voter les lois qui sortiront le pays de ltat de crise permanente. Des panneaux de signalisation permettant la socit dviter de retomber dans les falaises de lobscnit et de labsurdit.

La gnration de 2015 a des traditions pour senraciner et des exemples pour faire un choix loin de lembourbement et du dclin de la pense. Se pourrait-il que ses ides soient conditionnes par le divertissement et la peur au point dassumer une arrirationindfinie dans la zombification ? La gangrne du rgime duvaliriste obscurantiste et sanguinaire aurait-elle conditionne le regard des Hatiens sur eux-mmes au point deffacer mme le sens de la honte? Les rponses cette double question ne tarderont pas. Dans laffirmative, le dispositif psychologique du dlabrement mettant nu nos tares sajouterait aux aspects physique, conomique, social et culturel des problmes de fond. Dans le cas contraire, ce sera le rveil de la conscience contre lattachement aveugle aux valeurs de la dcadence.

Lhistoire se rpte. Tout comme le prsident Louis Borno en 1930, Michel Martelly doit seffacer. Et le plus tt, ce sera le mieux.

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