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Combiner magnétisme et lumière pour lutter contre le cancer En combinant, dans un liposome 1 , des nanoparticules magnétiques et des photosensibilisateurs, activés simultanément et à distance par des stimuli physiques externes (un champ magnétique et la lumière), des chercheurs des laboratoires Matière et systèmes complexes (CNRS/Université Paris Diderot) et Physicochimie des électrolytes et nanosystèmes interfaciaux (CNRS/UPMC), 2 ont obtenu, chez la souris, une régression tumorale totale. Non toxiques en l’absence d’activation, de telles thérapies permettent également de réduire les effets secondaires. Ces résultats, qui montrent l’importance des thérapies multiples, sont publiés dans ACS nano le 24 mars 2015. Une des stratégies actuelles pour limiter les effets secondaires des traitements anticancéreux consiste à développer des nanomédicaments, systèmes transporteurs à l’échelle nanométrique acheminant des principes actifs vers les cellules tumorales. On parle de thérapies « physiques » lorsque ces principes actifs, des molécules ou des nanoparticules, peuvent être activés à distance par des stimuli physiques externes comme ici la lumière ou le champ magnétique. Dans ce contexte, les chercheurs de l’étude ont développé un transporteur d’un nouveau type, qui combine photosensibilité et magnétisme. Pour cela, ils ont tout d’abord encapsulé des nanoparticules magnétiques dans le compartiment interne d’un liposome, en quantité suffisante pour le rendre ultramagnétique, avant d’insérer des photosensibilisateurs dans sa bicouche lipidique, tout en conservant une taille optimale pour la circulation sanguine. En injectant ces liposomes directement dans la tumeur, chez la souris, cette combinaison de nanoparticules magnétiques et de photosensibilisateurs a permis aux chercheurs de combiner deux techniques pour détruire intégralement les cellules cancéreuses. La première technique, l’hyperthermie magnétique, consiste à exciter les nanoparticules avec un champ magnétique pour augmenter la température de la tumeur et la détruire. La deuxième thérapie, dite photothérapie dynamique, est rendue possible grâce aux photosensibilisateurs, qui libèrent, lorsqu’ils sont éclairés, des espèces réactives de l’oxygène 3 , toxiques pour les cellules tumorales. Ces deux thérapies physiques agissent en synergie sur l’activité des protéines impliquées dans l’apoptose, la mort programmée de la cellule. Leur association induit ainsi une régression totale de la tumeur alors qu’une seule thérapie ne permet pas de stopper la croissance de cette dernière. 1 Un liposome est une vésicule artificielle avec un compartiment interne formé par des bicouches lipidiques. 2 En collaboration avec des chercheurs du Paris-Centre de recherche cardiovasculaire (Inserm/Université Paris Descartes) 3 Les espèces réactives de l'oxygène sont des espèces chimiques oxygénées telles que des radicaux libres. Ici, l’activation du photosensibilisateur entraîne la formation d’un état particulier de la molécule de dioxygène, chimiquement très réactif, et donc très toxique. 24/03/2015

Combiner magnétisme et lumière pour lutter contre le … · 2015-04-16 · Title: Microsoft Word - CP_CNRS_Cancer_VF_24032015.docx Author: Pierre-Yves Clausse Created Date: 4/16/2015

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 Combiner magnétisme et lumière pour lutter contre le cancer  En   combinant,   dans   un   liposome1,   des   nanoparticules  magnétiques   et   des   photosensibilisateurs,  activés  simultanément  et  à  distance  par  des  stimuli  physiques  externes  (un  champ  magnétique  et  la  lumière),  des  chercheurs  des  laboratoires  Matière  et  systèmes  complexes  (CNRS/Université  Paris  Diderot)   et   Physicochimie   des   électrolytes   et   nanosystèmes   interfaciaux   (CNRS/UPMC),2   ont  obtenu,  chez  la  souris,  une  régression  tumorale  totale.  Non  toxiques  en  l’absence  d’activation,  de  telles   thérapies   permettent   également   de   réduire   les   effets   secondaires.   Ces   résultats,   qui  montrent  l’importance  des  thérapies  multiples,  sont  publiés  dans  ACS  nano  le  24  mars  2015.  

Une   des   stratégies   actuelles   pour   limiter   les   effets   secondaires   des   traitements   anticancéreux  consiste   à   développer   des   nano-­‐médicaments,   systèmes   transporteurs   à   l’échelle   nanométrique  acheminant   des   principes   actifs   vers   les   cellules   tumorales.   On   parle   de   thérapies   «  physiques  »  lorsque  ces  principes  actifs,  des  molécules  ou  des  nanoparticules,  peuvent  être  activés  à  distance  par  des  stimuli  physiques  externes  comme  ici  la  lumière  ou  le  champ  magnétique.  Dans  ce  contexte,  les  chercheurs   de   l’étude   ont   développé   un   transporteur   d’un   nouveau   type,   qui   combine  photosensibilité   et   magnétisme.   Pour   cela,   ils   ont   tout   d’abord   encapsulé   des   nanoparticules  magnétiques   dans   le   compartiment   interne   d’un   liposome,   en   quantité   suffisante   pour   le   rendre  ultra-­‐magnétique,   avant   d’insérer   des   photosensibilisateurs   dans   sa   bicouche   lipidique,   tout   en  conservant  une  taille  optimale  pour  la  circulation  sanguine.    

En   injectant   ces   liposomes   directement   dans   la   tumeur,   chez   la   souris,   cette   combinaison   de  nanoparticules  magnétiques  et  de  photosensibilisateurs  a  permis  aux  chercheurs  de  combiner  deux  techniques   pour   détruire   intégralement   les   cellules   cancéreuses.   La   première   technique,  l’hyperthermie  magnétique,   consiste   à   exciter   les   nanoparticules   avec   un   champ  magnétique  pour  augmenter   la   température   de   la   tumeur   et   la   détruire.   La   deuxième   thérapie,   dite   photothérapie  dynamique,  est  rendue  possible  grâce  aux  photosensibilisateurs,  qui  libèrent,  lorsqu’ils  sont  éclairés,  des   espèces   réactives   de   l’oxygène3,   toxiques   pour   les   cellules   tumorales.   Ces   deux   thérapies  physiques   agissent   en   synergie   sur   l’activité   des   protéines   impliquées   dans   l’apoptose,   la   mort  programmée   de   la   cellule.   Leur   association   induit   ainsi   une   régression   totale   de   la   tumeur   alors  qu’une  seule  thérapie  ne  permet  pas  de  stopper  la  croissance  de  cette  dernière.    

                                                                                                                         1 Un liposome est une vésicule artificielle avec un compartiment interne formé par des bicouches lipidiques. 2 En collaboration avec des chercheurs du Paris-Centre de recherche cardiovasculaire (Inserm/Université Paris

Descartes) 3   Les espèces réactives de l'oxygène sont des espèces chimiques oxygénées telles que des radicaux libres. Ici,

l’activation du photosensibilisateur entraîne la formation d’un état particulier de la molécule de dioxygène, chimiquement très réactif, et donc très toxique.  

   

24/03/2015    

 

 

 Pour   les   chercheurs,   la   prochaine   étape   consiste   à   exploiter   les   «  autres  »   propriétés  magnétiques  des   liposomes  pour   améliorer   le   traitement   :   les   nanoparticules   sont,   en  effet,  visibles  en  IRM  et  peuvent  être  déplacés  grâce  à  des  aimants.   Il  deviendrait  ainsi  possible,  après  une  injection  dans  la  circulation  sanguine,  de  cibler  grâce  à  des  aimants  les   liposomes   vers   les   tumeurs,   tout   en   cartographiant   par   IRM   leurs   destinations  finales.  

Bibliographie Combining Magnetic Hyperthermia and Photodynamic Therapy for Tumor Ablation with Photoresponsive Magnetic Liposomes Riccardo Di Corato, Gaëlle Béalle, Jelena Kolosnjaj-Tabi, Ana Espinosa, Olivier Clément, Amanda K. A. Silva, Christine Ménager, et Claire Wilhelm. ACS nano, 24 mars 2015. DOI : 10.1021/nn506949t. Contacts Chercheur l Claire Wilhelm l T 01 57 27 62 53 / 06 79 73 48 98 l [email protected] Chercheur l Christine Ménager l T 01 44 27 30 47 / 06 60 16 30 78 l [email protected] Presse CNRS l Alexiane Agullo l T 01 44 96 43 90 l [email protected]

       

 

Coloration Trichrome de Masson : les noyaux des cellules sont bleus noirs, les cytoplasmes (les corps cellulaires) sont violets et les fibres de collagène sont vertes.

© Riccardo Di Corato - laboratoire MSC (CNRS/Université Paris Diderot)