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103 J Chir 2004,141, N°2 • © Masson, Paris, 2004 Geste de base Comment entrer dans un ventre adhérentiel Adhérences pariétales et inter-grêliques X. Pouliquen Service de Chirurgie Digestive et Générale, Centre Hospitalier Victor Dupouy – Argenteuil. e-mail : [email protected] Correspondance : X. Pouliquen, 18 rue des Vignolles, F 95120 Ermont. Introduction Une des principales difficultés des réinterventions en chirurgie abdominale tient aux adhérences cicatricielles que peuvent présenter les viscères entre eux et avec la paroi. Face à ces difficultés, très variables d’un opéré à l’autre, le chirurgien a souvent tendance à considérer qu’il s’agit de situations particulières et atypiques, et à improviser chaque fois sa technique de dissection, d’autant plus seul avec lui- même qu’il s’agit d’un problème peu ou pas traité dans les ouvrages de technique. Pourtant, son travail pourrait être grandement facilité s’il s’appuyait sur une tac- tique logique et applicable dans toutes les situations. C’est une telle tactique que nous proposons dans deux articles dont ce premier est consacré aux difficultés rencontrée au début d’une réintervention : les adhérences développées entre les viscères et la paroi abdominale antérieure, et entre le anses grêles. Mots-clés : Grêle. Geste de base. Adhérences. a b Reprise d’une voie d’abord antérieure Il s’agit ici d’une laparotomie médiane. La cicatrice précédente doit être excisée au bistouri froid, sans mordre sur l’inté- rieur de l’ombilic, et en la débordant à ses deux extrémités (a). Dès lors, même s’il n’existe pas d’éventration manifeste, il faut con- sidérer qu’une anse intestinale peut affleurer ce plan sous-cutané et poursuivre donc à l’instrument froid l’exposition de l’aponé- vrose, puis son incision, sur toute l’étendue de la cicatrice. Cette ouverture de l’aponévrose est facilitée si on la commence au niveau de ses extrémités (en principe moins adhérentielles), et si l’on soulève les berges par des pinces de Kocher déplacées au fur et à mesure (b). S’il existe une éventration, c’est à ce temps d’ouverture que la préparation des berges aponévrotiques doit être faite. 1

Comment entrer dans un ventre adhérentiel: Adhérences pariétales et inter-grêliques

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J Chir 2004,141, N°2 • © Masson, Paris, 2004

Geste de base

Comment entrer dans un ventre adhérentielAdhérences pariétales et inter-grêliques

X. PouliquenService de Chirurgie Digestive et Générale, Centre Hospitalier Victor Dupouy – Argenteuil.

e-mail : [email protected]

Correspondance : X. Pouliquen, 18 rue des Vignolles, F 95120 Ermont.

Introduction

Une des principales difficultés des réinterventions en chirurgie abdominale tientaux adhérences cicatricielles que peuvent présenter les viscères entre eux et avecla paroi. Face à ces difficultés, très variables d’un opéré à l’autre, le chirurgien asouvent tendance à considérer qu’il s’agit de situations particulières et atypiques,et à improviser chaque fois sa technique de dissection, d’autant plus seul avec lui-même qu’il s’agit d’un problème peu ou pas traité dans les ouvrages de technique.Pourtant, son travail pourrait être grandement facilité s’il s’appuyait sur une tac-tique logique et applicable dans toutes les situations. C’est une telle tactique quenous proposons dans deux articles dont ce premier est consacré aux difficultésrencontrée au début d’une réintervention : les adhérences développées entre lesviscères et la paroi abdominale antérieure, et entre le anses grêles.

Mots-clés : Grêle. Geste de base. Adhérences.

a b

Reprise d’une voie d’abord antérieureIl s’agit ici d’une laparotomie médiane. La cicatrice précédente doit être excisée au bistouri froid, sans mordre sur l’inté-

rieur de l’ombilic, et en la débordant à ses deux extrémités (a). Dès lors, même s’il n’existe pas d’éventration manifeste, il faut con-sidérer qu’une anse intestinale peut affleurer ce plan sous-cutané et poursuivre donc à l’instrument froid l’exposition de l’aponé-vrose, puis son incision, sur toute l’étendue de la cicatrice. Cette ouverture de l’aponévrose est facilitée si on la commence au niveau de ses extrémités (en principe moins adhérentielles), et si l’on soulève les berges par des pinces de Kocher déplacées au fur et à mesure (b). S’il existe une éventration, c’est à ce temps d’ouverture que la préparation des berges aponévrotiques doit être faite.

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Comment entrer dans un ventre adhérentiel X. Pouliquen

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Pénétration de la cavité péritonéaleSur une voie d’abord médiane elle se heurte de haut en

bas, à quatre niveaux d’adhérences qu’il faut identifier et déga-ger sur quelques cm pour pouvoir se border :

– le foie gauche, en cherchant à rester en avant du plan capsulaire ;

– le côlon transverse, barrant transversalement l’accès au des-sus de l’ombilic ;

– l’épiploon et le grêle, étudiés ci-dessous ;

– la vessie, plus ou moins remontée vers l’ombilic, dont on se contente pour l’instant de dégager la face antérieure sus pu-bienne.

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a b

Attention, une anse peut en cacher une autre !Ce n’est que lorsque le sommet d’une anse grêle est nettement individualisé qu’il peut être contourné et aplati entre pouce

et index, frontalement à l’opérateur (a) et non sagittalement (b). De proche en proche, et du plus facile au plus difficile, tout le grêle peut ainsi être dégagé. Les doigts de la main droite peuvent être utilisés pour faire céder les adhèrences en les pinçant, mais en s’interdisant tout mouvement d’arrachement ou de friction.

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Attaque des adhérences épiploo-pariétales et grê-lo-pariétales

Elle doit se faire aux ciseaux sur un front le plus large possible, en ne prenant d’avance que sur les zones les plus faciles à péné-trer. La paroi est suspendue à deux mains par l’aide et une con-tre-extension est assurée sur les adhérences par la main gauche de l’opérateur, appuyant sur le grêle. Les ciseaux alternent des mouvements d’écartement perpendiculaire à la paroi et de sec-tion des adhérences ainsi pédiculées.

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Geste de base

Références

1. Pouliquen X. Le pneumopéritoine en laparoscopie : 2. L’« open-cœlioscopie ». J Chir2003;140:110-112.

2. Pouliquen X. La laparoscopie pelvienne intra-péritonéale. J Chir 2003;140:277-280.

En laparoscopieLa position des trocarts pour ce premier temps d’adhé-

siolyse, doit se rapprocher le plus possible de celle prévue pour l’opération principale, mais en donnant toujours priorité à l’ad-hésiolyse, quitte à utiliser un ou deux trocarts supplémentaires. L’« open-coelioscopie » [1] est la règle pour le premier trocart (optique), réalisé à l’écart des zones adhérentielles supposées, (sur la ligne pointillée). C’est l’examen par ce premier trocart qui détermine la position la plus favorable pour l’implantation des autres trocarts au fur et à mesure de l’adhésiolyse. L’opérateur ne doit pas hésiter à changer de côté. L’optique doit également changer de trocart si elle se retrouve trop proche des adhérences.

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En laparoscopie comme en laparotomieL’opérateur doit travailler dès que possible à deux

mains, l’une pour tendre l’épiploon ou le grêle adhérent, l’autre pour cliver et couper ces adhérences. Sauf bride épiplooique longue et fine, il faut éviter l’utilisation du crochet qui à ten-dance à glisser en retour au contact de l’intestin.

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L’adhésiolyse laparoscopique de l’épiploon et du grêle

Elle doit être étendue loin au-delà du foyer opératoire principal pour pouvoir permettre un libre déplacement du grêle par dé-clivité. Les adhérences empêchant le plus souvent la bascule du grêle vers le haut sont celles de l’épiploon avec la paroi (a, b) et celle de la dernière anse grêle avec la margelle du petit bassin (c). En cas de ventre adhérentiel en avant de l’épiploon et plus libre en arrière, il ne faut pas céder à la tentation de travailler dans cet espace rétro-épiplooique qui ne permet pas au grêle de basculer suffisamment à distance.

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