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Comment et jusqu’où les marques de luxe peuvent-elles se diversifier sans engendrer la perte de leur identité ? Les cas des maisons Chanel, Dior et Hermès

Comment et jusqu’où les marques de luxe peuvent-elles se diversifier sans engendrer la perte de leur identité Les cas des maisons Chanel, Dior et Hermès

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Comment et jusqu’où les marques de luxe peuvent-elles se diversifier sans engendrer la perte de leur identité ? Les cas des maisons Chanel, Dior et

Hermès

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Remerciements

Durant toute la durée de création de ce mémoire, j’ai pu rencontrer des professionnels et autres spécialistes qui ont pu m’aider dans ma collecte d’informations.

J’aimerai adresser mes plus sincères remerciements à Madame Françoise Axiach, ma conseillère de recherche, pour son aide, sa disponibilité, sa patience et ses conseils tout au long de la réalisation de ce mémoire.

De plus, je tiens tout particulièrement à remercier les professionnels que j’ai eu l’occasion de rencontrer pour le temps qu’ils m’ont consacré, pour avoir répondu à mes nombreuses questions et enfin pour m’avoir transmis leur expérience. Ces précieux entretiens m’ont ainsi permis d’acquérir les connaissances suffisantes dans le domaine du luxe pour mener à bien mon analyse.

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Préambule

Le but de ce mémoire est de finaliser et conclure mes années d’enseignement acquises à l’ISTEC tout en me permettant de me diriger vers la vie professionnelle. Ce mémoire représente donc un enjeu quant à ma capacité à comprendre et à évoluer dans un secteur donné, ainsi qu’un premier pas vers mon projet professionnel.

Mon objectif, à terme, est d’évoluer vers le marketing et plus particulièrement vers le développement de produits dans le secteur du luxe et plus spécifiquement dans les domaines de la parfumerie et des cosmétiques.

Cet ouvrage, nécessitant la mise en application de tous les enseignements acquis à l’ISTEC, a pour but d’apporter aux professionnels des indications précises sur les marchés du luxe et plus spécialement sur la diversification afin de leur offrir une étude concrète pour d’éventuelles extensions de marque futures.

Je mets donc en œuvre, lors de cet exercice, mes capacités d’analyse. Au fil de cette étude, j’ai approfondi mes connaissances du secteur du luxe. Cette expérience s’est avérée plus qu’enrichissante et intéressante à titre professionnel et personnel. Elle a confirmé ma volonté d’orienter ma carrière dans le marketing développement et plus spécifiquement dans le secteur du luxe.

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Résumé

Cette étude porte plus particulièrement sur les phénomènes de diversification et d’extension de marque, sujet qui a récemment pris toute son importance lorsque les grandes marques de luxe s’y sont intéressées. En effet les maisons françaises ont aujourd’hui adopté une forme composite par suite de politiques de déclinaisons et de diversifications successives, créant progressivement un univers global, renchérissant l’impact de leur marque. Nous étudierons les cas des marques Chanel, Dior et Hermès, qui s’inscrivent chacune dans une stratégie de diversification propre. Les marques de luxe sont désormais soumises à cultiver avec précaution le particularisme des métiers, reposant sur des codes précis et très lisibles, ainsi que d’anticiper les marchés porteurs au sein d’une concurrence de plus en plus forte et ce pour des utilisateurs sans cesse plus diversifiés, exigeants et imprévisibles.

La marque a un passé, un patrimoine qu’il convient de développer avec respect. Mais les clients souhaitent de nouvelles collections pourtant inscrites dans une continuité perceptible. Seules, les marques qui savent concilier tradition et nouveauté, restent émergentes et perdurent, même sur des marchés extrêmement concurrentiels.

Les phénomènes de diversification et d’extension de la marque apparaissent aujourd’hui comme une obligation pour toutes marques de luxe souhaitant développer son chiffre d’affaires, toucher une clientèle plus large tout en accroissant sa notoriété. De nombreux secteurs porteurs dans le domaine du luxe sont accessibles et laissent envisager de futures diversifications. Cependant seule une stratégie créative pointue, cohérente et en harmonie avec l’univers d’appartenance de la marque sera porteuse et pérenne. La diversification comporte de nombreuses limites qu’il est important de ne pas dépasser sous peine de mettre en place une stratégie qui pourrait s’avérer néfaste pour la marque.

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Summmary

This study is showing the phenomena of diversification and extension of brands, matter which recently became so important when the most famous names of luxury brands started to be interested in it. Indeed the French luxury labels spreading its concept of luxury as a result of successive politics of diversification, gradually expending their fields, creating more goods in order to promote their luxury brand. We are going to analyse the brands : Chanel, Dior and Hermès, one have their own strategy of diversification. Luxury brands henceforth in order to keep their fame, should maintain with precaution the identity of their activities, based on very strict codes, as well as to anticipate the market within a more and more competitive world and are aiming to reach a larger share of customers by diversifing although unpredictable.

The name of the brand has a reputation, a heritage which must be maintained and developped with care. The customers wish to see new collections nevertheless but the brand will have to keep tradition and authenticity of their names. The only brands, remain emergent in an extremely competitive market, are the ones which know to reconcile tradition and novelties.

The phenomena of diversification and extension of the brands seem to be an obligation for any luxury brands today wishing to develop its turnover, to reach a wider clientele while increasing its fame. Numerous sectors in the environement of the luxury are accessible and could forecast new diversifications. In accordance with the universe of the brand, only a sharp coherent creative strategy, will enable and long-lasting future. The diversification contains numerous limits which it is important to respect in order to avoid any risk and the disaperance of the brand.

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Sommaire

IntroductionAvant-propos : présentation du secteur du luxePréface : Histoire des marques

Coco Chanel, une femme hors du communChristian Dior, un destin hors normeHermès, cinq générations à la tête d’une entreprise

PARTIE I : Diversification, Luxe et Identité

1/. Principe de diversification1.1 Deux grandes approches pour aborder la diversification1.2 La diversification stratégique

1.2.1 Les stratégies de diversification1.2.2 La stratégie de diversification selon Igor Ansoff1.2.3 La stratégie de diversification selon Détrié et Ramanantsoa

1.3 L’extension de marque1.3.1 La mise en œuvre d’une extension de marque 1.3.2 Les différents types d’extensions stratégiques

1.3.2.1 L’extension de gamme1.3.2.2 L’extension « concentrique »1.3.2.3 L’extension par « bonds »

1.3.3 Les modifications de la longueur de gamme1.3.3.1 L’extension de la gamme vers le bas1.3.3.2 L’extension de la gamme vers le haut

1.3.4 Les limites d’une extension1.3.4.1 Le territoire de la marque1.3.4.2 Avantages et inconvénients d’une extension de marque

a. Avantagesb. Inconvénients

1.4 Les stratégies de diversification des marques de luxe2/. Analyse des différentes activités du secteur du luxe2.1Bijouterie-Joaillerie2.2Parfums & Cosmétiques2.3Bagagerie-Maroquinerie2.4La Mode2.5Perspectives de croissance du secteur du luxe 2.6Analyse PESTEL

3/. Analyse des secteurs de développement3.1 Les secteurs de développement

3.1.1 Les secteurs de développement de Chanel3.1.2 Les secteurs de développement de Dior3.1.3 Les secteurs de développement d’Hermès

4/. Les outils pour préserver l’identité de marque de luxe

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4.1 Les valeurs fortes de l’univers du luxe4.1.1 Comparaison avec le sacré4.1.2 L’utilisation des couleurs4.1.3 La parenté avec l’art4.1.4 L’intemporalité4.1.5 Le respect des traditions4.1.6 Une position de supériorité4.1.7 Les trois thématiques : l’œil, la main et l’île

PARTIE II : Etude terrainStratégie des marques de luxe : Chanel, Dior et Hermès

1/. Les symboles reflétant l’identité des marques1.1 Les symboles de Chanel1.2 Les symboles de Dior

1.2.1 Les styles Dior 1.2.2 Les motifs Dior

1.3 Les symboles d’Hermès 2/. La diversification des marques de luxe 2.1 La diversification selon les marques étudiées

2.1.1 La diversification chez Chanel2.1.2 La diversification chez Dior2.1.3 La diversification chez Hermès2.2 Les garanties de diversification des maisons de luxe 2.3 Préserver l’image et le prestige2.4 L’exemple de la haute parfumerie

3/. Analyse des stratégies de développement3.1Tableau de synthèse : diversifications des marques étudiées3.2Tableau comparatif : diversifications des marques de luxe3.3Les stratégies de développement4/. Hypothèses et dispositif de preuves4.1Hypothèses de départ4.2Dispositif de preuves

4.2.1 Les limites de la diversification4.2.1.1 La méthode de l’empreinte4.2.1.2 Le fléau de la contrefaçon

5/. Présentation des études terrain5.1 Etudes terrain

5.1.1 Etude auprès de la clientèle5.1.2 Etude auprès des professionnels du secteur

5.2 Analyse de contenu5.2.1 La Notoriété5.2.2 Les Couleurs 5.2.3 Les Symboles5.2.4 L’Identité de marque5.2.5 Les Valeurs du luxe5.2.6 La Diversification

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PARTIE III : Discussion & Préconisations  1/. Validation & justification des hypothèses1.1Validation & justification des hypothèses : tableaux récapitulatifs

2/. Recommandations 2.1 Recommandations professionnelles

2.1.1 Le secteur de la lingerie pour Chanel2.1.1.1 L’intérêt du secteur2.1.1.2 L’intérêt pour Chanel

2.1.2 Le secteur de l’habillement pour enfant pour Hermès2.1.2.1 L’intérêt du secteur2.1.2.2 L’intérêt pour Hermès

2.1.3 Remarque : justification des choix3/. Préconisations3.1 Les enjeux pour les entreprises

3.1.1 La difficulté de grandir sans grossir3.1.2 Les autres segments à conquérir

Conclusion

BibliographieTable des illustrationsTable des annexes

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Introduction

A l’heure de la démocratisation du luxe, les marques de luxe se trouvent face à un dilemme officiellement inavoué. Les phénomènes de diversification et d’extension de marque se multiplient dans un but certain de rentabilité. Les maisons françaises ont été les premières à adopter, très tôt, une forme composite (Maison de couture, parfums, accessoires de mode, cosmétique, bijouterie-joaillerie, horlogerie…) par suite de politiques de déclinaisons et de diversifications successives, créant progressivement un univers global, renchérissant l’impact de leur marque. Pour satisfaire ces attentes très différentes, les industriels du luxe créent de nouveaux produits (bagagerie, maroquinerie, horlogerie…), déclinent les plus inaccessibles d’entre eux (mode, bijouterie…) et se diversifient vers des activités plus porteuses (accessoires de mode, horlogerie, parfums, cosmétiques…).

Mais il est important de se poser la question à savoir comment et jusqu’où les marques de luxe peuvent-elles se diversifier sans engendrer la perte de leur identité ? Les cas des maisons Chanel, Dior et Hermès.

Rappelons que la diversification est le fait pour une entreprise de créer ou d’acquérir de nouvelles activités, ou de les étendre à d’autres territoires géographiques. Pour ce qui est de l’identité de marque, il est important de préciser qu’elle revêt deux aspects : l’un invisible, fait de valeurs (il s’agit d’un sentiment interne); l’autre visible, constitué d’un ensemble de caractéristiques permettant de définir la marque. L’identité s’exprime à travers un ensemble de symboles distinctifs. L’identité de la marque, en intégrant ces différentes dimensions, permet de définir les valeurs symboliques de la marque et, à partir de là, son territoire-produit actuel et potentiel. C’est en effet à partir de son identité et de ses valeurs propres que la marque peut s’étendre sur de nouveaux marchés.

Les marques et les groupes de luxe contemporains sont aujourd’hui soumis à un management de plus en plus complexe, cultivant à la fois avec précaution, le particularisme de ces métiers, reposant sur des codes précis et très lisibles et sur des références modernes ou anciennes anticipant les marchés porteurs au sein d’une concurrence de plus en plus forte et pour des utilisateurs sans cesse plus diversifiés, exigeants et imprévisibles. Cette ardente obligation doit éviter tout cloisonnement, opposition ou rupture d’image. En conséquence, seule une stratégie créative pointue, cohérente et en harmonie avec l’univers d’appartenance de la marque, son identité, sa différenciation et celle de ses produits phares, sera porteuse et pérenne à l’international.

Les maisons les plus émergentes sont toujours celles qui attestent du plus fort potentiel inventif. A la fois créatrices de nouveaux produits, constamment innovantes, tant au niveau des concepts eux-mêmes que de leur habillage, ces marques veillent à la cohérence de leur politique créative et de leur image de marque. Aucun détail ne doit être laissé au hasard. Tout doit avoir été pensé dans une stratégie d’ensemble et l’exécution doit être parfaite, d’un bout à l’autre de la chaîne. Par la mise en œuvre

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d’une stratégie de création spécifique et sans cesse renouvelée, elle va apporter au marché des propositions originales, incarnées dans un style que les clients ont appris à reconnaître. La marque a un passé, un patrimoine qu’il convient de développer avec respect. Mais les clients ne se contenteront jamais de l’immobilisme. Ils souhaitent de nouvelles collections, de nouvelles propositions, décalées par rapport aux précédentes, et pourtant inscrites dans une continuité perceptible. Seules, celles qui savent concilier tradition et nouveauté, restent émergentes et perdurent, même sur des marchés extrêmement concurrentiels.

Nous étudierons dans ce mémoire, l’exemple de trois marques de luxe françaises que sont Chanel, Dior et Hermès, dont les exemples de diversification sont particulièrement intéressants. Le respect des codes créatifs de la marque est indispensable pour permettre sa pérennité, tout en assurant un potentiel créatif suffisant pour la rendre vivante et consolider son identité. Les marques Chanel, Dior et Hermès ont chacune une identité de marque forte et une stratégie de diversification qui leur est propre ce qui apporte beaucoup d’intérêt à cette étude parallèle.

Cette analyse se départage en trois entités distinctes. Tandis que la première disserte de la recherche et de la théorie, les suivantes exposent un aspect plus concret du marché actuel. En effet, après une étude de l’aspect stratégique de la diversification et de l’extension de marque, nous effectuerons dans une seconde partie, une analyse des stratégies de développement des marques de luxe pour enfin, dans une dernière partie, déterminer les preuves qui affirmeront ou infirmeront les hypothèses retenues susceptibles de répondre à la problématique posée.

Hypothèses : Notre problématique comportant deux questions, cela implique d’effectuer des hypothèses distinctes répondant chacune à une question posée :

Comment les marques de luxe peuvent-elles se diversifier sans engendrer la perte de leur identité ?Hypothèse 1 : La diversification chez les marques de luxe va s’essouffler. L’extension de gamme engendre une perte d’image qui aura des répercussions négatives sur la clientèle. Obligeant ainsi les marques à se focaliser sur leur métier d’origine en délaissant les métiers de diversification.Hypothèse 2 : Les marques de luxe se diversifient toujours plus dans un souci de rentabilité financière et dans le but de conquérir une nouvelle clientèle. L’univers de marque s’étend à de nouveaux secteurs du luxe, permettant le croisement de technologies et d’innovations, l’apprentissage de nouveaux métiers, le développement de nouveaux débouchés.

Hypothèse 3 : Les marques de luxe se diversifient vers de nombreux domaines d’activités même au-delà du secteur du luxe lui-même. Cela implique de toucher une clientèle beaucoup plus large, dans un but de rentabilité certain quitte à délaisser la population nantie (clientèle d’origine) et engendrant ainsi une certaine démocratisation du luxe.

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Jusqu’où les marques de luxe peuvent-elles se diversifier sans engendrer la perte de leur notoriété ? Pour répondre à cette problématique, nous aborderons la question comme suit : Les marques de luxe peuvent se diversifier sans engendrer la perte de leur identité jusqu’au moment où...?

Hypothèse 4 : IMAGE (perceptions que les clients ont de la marque)Où la marque perd sa clientèle d’origine, la population nantie. La clientèle ne consomme plus les produits de la marque car elle ne retrouve plus la haute qualité et le prestige. L’extension de gamme engendre une perte d’image qui a des répercussions négatives sur la clientèle.

Hypothèse 5 : VALEURS (valeurs essentielles que la marque véhicule, ce qui fait son identité)Où la marque ne respecte plus son histoire d’origine, reniant ainsi ses valeurs et son identité. La diversification engendre l’extension de la marque vers de nouveaux secteurs, éloignés de son métier de base, sans communes valeurs.

Hypothèse 6 : CODES (codes utilisés par la marque pour appartenir à un secteur particulier)Où la marque n’est plus reconnue comme marque de luxe. Elle ne respecte plus les valeurs et les codes du luxe. Son positionnement n’est plus clairement défini dans l’esprit du client. On parle dès lors de démocratisation voir de vulgarisation de la marque.

Méthodologie : La réalisation de cette étude a nécessité de multiples recherches sur différents points. Ma phase de recherches et d’investigation s’est étalée sur toute la durée du rapport. Pour obtenir les informations nécessaires à mon mémoire j’ai procédé tout d’abord à une recherche documentaire qui comprend la lecture d’ouvrages, la lecture de la presse généraliste et spécialisée, visionnage de reportage ainsi que de nombreuses recherches sur internet. S’en suit la partie la plus conséquente de mes recherches : les phases terrain comprenant la rencontre avec des professionnels du secteur et le questionnement de la clientèle des marques étudiées dans ce mémoire.

Avant-Propos

Le marché mondial du luxe est très disputé, il aurait triplé depuis 15 ans et représente aujourd’hui un chiffre d’affaires d’environ 150 milliards d’euros. Cette évolution n’est pas seulement à mettre sur le compte de la prospérité planétaire et de l’augmentation du nombre de nouveaux riches. En fait, le luxe séduit une clientèle de plus en plus large et les acteurs du marché, grands et moins grands, pratiquent la même stratégie, à savoir, l’exploitation maximum du potentiel d’une griffe avec des articles très haut de gamme d’une part, et des produits destinés à faire du volume d’autre part.

Le luxe véhicule une image de prestige, un produit est dit de luxe quand il est rare et de très bonne qualité. La qualité attendue d’un produit de luxe regroupe quatre points clés : la qualité du matériel dit « noble », le savoir-faire, une dimension artistique et une image. Ces caractéristiques reprennent la vision que le public a du luxe. La

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distribution des produits est faite à petite échelle et dans des boutiques prestigieuses. Pour ajouter à la rareté, certains produits sont fabriqués en séries limitées.

Evolution des marques de luxeA l’origine, une marque de luxe construit son image et son prestige sur un matériau, un produit ou une activité très spécifique. La réputation d’une marque se base sur une activité qui est orientée vers un petit nombre de clients privilégiés. Le périmètre du luxe est extensible à de très nombreux secteurs d’activité.

Acheter, un acte exceptionnelLe processus de valorisation lié à l’acquisition d’un produit de luxe fait de l’achat un acte exceptionnel. A ce titre, la présentation est soignée et les vendeurs des boutiques reçoivent une formation de niveau supérieur à la moyenne.

Le prix de la marque, le prix d’une imageSi un produit de luxe est aussi un produit de qualité, sa qualité supérieure ne justifie pas à elle seule le prix que paie le client ; en réalité le prestige lié à la marque et la valeur sociale du produit ont une incidence évidente sur le prix de vente. En effet, si on compare, le coût de revient additionné des coûts de publicité et de marketing avec le prix de vente, on constate que la marge est grande. Le client est prêt à payer le produit de luxe au-delà de sa valeur réelle. Cette disposition à payer plus cher est entretenue par l’entreprise, c’est d’ailleurs là-dessus qu’elle réalise la plus grosse partie de son chiffre d’affaires. Ce consentement à payer, du consommateur, dépend étroitement de l’image de la marque et c’est pour cela que les entreprises de l’industrie du luxe exercent sur leurs produits et leur image un contrôle très strict.

La publicité et le marketing pour créer le besoinL’utilité des produits de luxe dans la vie quotidienne est bien faible. Ainsi c’est dans l’industrie du luxe que les coûts de publicité et de marketing sont les plus importants. Ils mettent plus en avant le prestige de la marque que les qualités intrinsèques des produits.

L’identité de marqueLe nom d’une marque ou son logo ne sont que la partie visible d’une réalité plus complexe. Ces signes visibles assurent la médiation entre l’identité de l’entreprise et son image. Cette identité constitue la base et l’élément fédérateur de toutes les manifestations de la marque. En terme de gestion des marques, la notion d’identité peut se révéler d’une importance capitale. Ainsi s’il y a des marques « plus riches » que d’autres, c’est que celle-ci bénéficie d’un potentiel d’évocation plus important et plus facilement mobilisable. En ce qui concerne le secteur du luxe, l’identité de la marque est une donnée stratégique non négligeable. Elle peut en outre conférer un avantage concurrentiel à la marque et représenter un outil stratégique très pointu. Elle est une ressource majeure et un repère dans l’élaboration de la stratégie globale de l’entreprise. L’identité de marque aura donc une incidence sur la création et la communication mais aussi sur la distribution, la production… Le raisonnement identitaire pourra donc avoir une influence plus ou moins prononcée sur la stratégie de l’entreprise et en retour l’identité de la marque sera elle-même affectée par des décisions prises dans d’autres fonctions. En d’autres termes, l’identité est la

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substance de la marque et il arrive parfois que cette identité, si elle est mal perçue par les consommateurs, puisse être la cause d’une crise de marque. La marque peut être considérée comme vecteur de sens : elle véhicule un discours, un message à des destinataires. Chaque marque créée un discours qui lui est propre, en relation avec ses produits, son histoire, ses projets et les goûts de sa clientèle.

En résumé pour être une marque à succès, il faut que l’identité de la marque soit construite à partir de différents points :

Un code génétique : une histoire fondatrice. Une marque a absolument besoin d’un point de départ, une histoire d’homme. Le savoir-faire : c’est un gage de qualité et de professionnalisme et confère à la marque tout son renom. Les signes distinctifs : ils sont essentiels. Il peut s’agir du logotype, mais aussi de services, de produits, du design, de couleurs… Un langage de marque : celui-ci pourra ainsi se retrouver dans les communications de la marque. Un réseau de distribution : celui-ci devra évoluer avec les comportements des consommateurs. Un esprit de conquête : le territoire de la marque est défini par le plus haut représentant de l’entreprise qui a pour mission de projeter la marque dans une vision anticipatrice. Du charisme : une marque de luxe doit impérativement avoir une dimension charismatique. C’est un crédit d’image qui est le premier pas vers une identité forte et incontournable.

Les exemples de Chanel, Dior et Hermès, qui sont aujourd’hui les marques de luxe les plus représentatives de l’excellence et de la réussite française, sont particulièrement significatifs de cette stratégie. Les célèbres maisons ont su s’imposer dans le monde des produits de luxe en développant plusieurs métiers tout en conservant une qualité exceptionnelle de fabrication. Aujourd’hui présentent dans le monde entier, les marques françaises développent des produits à l’international tout en réussissant à préserver leur image de référence en matière de luxe. L’ensemble du monde occidental reconnaît les Français comme les arbitres du goût. Depuis, la France tient son rang avec cet esprit que l’on qualifie partout dans le monde de « French Touch ». Le mythe survit grâce à des maisons qui portent dans leurs gènes tradition et esprit de conquête, patrimoine et innovation. Le luxe français a pris le chemin de la mondialisation plus tôt que d’autres, et s’est vite adapté à son époque en devenant une industrie de savoir-faire. Car le succès des géants français repose autant sur la pérennité de leur savoir-faire que sur la capacité à déployer une présence mondiale équilibrée.

« Le luxe français est l’expression d’une manière d’être, d’une géographie, d’une lignée de philosophes et d’une histoire, qui donne à nos produits une dimension culturelle très spécifique et, au final une longueur d’avance ».

Christian Blanckaert, LuxeDG Hermès International

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Nos grandes marques de luxe sont les meilleurs ambassadeurs de la France à l’étranger. Car avant d’étendre leur domination sur le monde, les marques françaises ont su exploiter un patrimoine vieux de plusieurs siècles. A l’époque du XIXe siècle, des artisans comme Thierry Hermès créent leurs propres maisons à Paris. La révolution industrielle, le développement des voyages et l’ascension de la grande bourgeoisie feront le reste. Puis, au XXe siècle, des créateurs comme Coco Chanel ou Christian Dior finiront d’ancrer Paris comme capitale mondiale du luxe dans l’imaginaire collectif de la clientèle internationale. Aujourd’hui le nom de Chanel engendrerait environ 100 millions d’euros de chiffre d’affaires par an. Autant que les parfums Christian Dior et trois fois plus qu’Hermès.

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Préface   : Histoire des Marques

Avant d’accéder au vif du sujet, il me semble important d’intégrer ici, brièvement, l’histoire des marques étudiées dans cet ouvrage. Afin de mieux comprendre comment ces marques prestigieuses sont devenues ce qu’elles sont aujourd’hui à savoir les plus belles marques du luxe français.

Coco ChanelUne femme hors du commun

Gabrielle Chanel est née le 19 août 1883 à Saumur en France. Elle n'a que 12 ans lorsque sa mère décède et que son père l'abandonne, la laissant dans un orphelinat en Corrèze. Elle y passera toute son adolescence. A l'âge de 20 ans elle trouve une place de vendeuse dans un petit magasin de layette à Moulins.

Audacieuse, rebelle et passionnée, elle rêve d'émancipation et de liberté et sait bien que ce n'est pas en restant petite vendeuse qu'elle échappera à sa condition. Elle s'essaye à la chanson de music-hall dans un café-théâtre de Moulins, où ses principaux admirateurs ne sont autres que des officiers de l'armée. On pouvait l'y entendre chanter "Qui a vu Coco dans l'Trocadéro?", d'où le surnom Coco qui va lui coller à la peau par la suite.

En 1908 elle décide de devenir modiste et s'installe à Paris avec l'aide d'un de ses amis, Etienne Balsan. Aidée par Lucienne Rabaté, une modiste à succès de l'époque, elle crée des modèles simples, révolutionnaires et anti-conformistes, estimant que la mode était jusque-là trop chargée. Aussi libre dans la vie qu'en amour, Coco Chanel ne cache rien de ses relations. C'est son premier amour, Boy Capel, qui lui prête l'argent nécessaire à l'ouverture de sa première boutique en 1910, lui offre une boutique à Deauville trois ans plus tard. Chanel est lancée!

Coco Chanel est une pionnière. A bat les corsets et les vêtements carcan. Elle adapte les modèles par rapport à son physique à elle. Mode à la garçonne, pantalons laissant apparaître les chevilles, matières légères telles que le jersey et le tricot et création des marinières. Elle invente aussi la fameuse petite robe noire, toujours indémodable de nos jours. Ses couleurs fétiches sont le noir, le blanc et le beige. Elle invente aussi les premiers bijoux fantaisie, accessibles à toutes. Durant cette période elle côtoie l'élite parisienne : Cocteau, Diaghilev, Picasso, Stravinsky... En 1921 elle est la première à lancer un parfum de synthèse avec l'aide d'un chimiste spécialisé dans les aldéhydes, Ernest Beaux. Ce parfum sera baptisé Chanel N°5.

Jusqu'au début de la Seconde Guerre mondiale, la boutique Chanel tient bon et garde une certaine clientèle. Elle continue son ascension en habillant les stars d'Hollywood, Marilyn Monroe, Jackie Kennedy... Elle utilise pour ses créations des matières réservées jusque-là à la mode masculine. Elle impose le pantalon, le style désinvolte et les rouges à lèvres flamboyants. Mais sa liaison avec un officier de la

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Wehrmacht durant la guerre la fait passer à la limite du procès et lui fait perdre la confiance de ses clientes. Elle s'installe alors en Suisse, le temps de se faire un peu oublier. Elle rouvre sa maison de couture en 1954. Elle relance ses créations de tailleurs en maille et de sacs matelassés et récupère petit à petit sa clientèle.

Coco Chanel disparaît en 1971, à l'âge de 88 ans. Depuis cette date c'est Karl Lagerfeld qui occupe le poste de créateur au sein de Chanel.

Christian DiorUn destin hors norme

Né en 1905 à Granville au cœur d’une famille d’industriels, Christian Dior grandit de manière assez insouciante dans une ambiance très Belle Epoque. Il est tout de suite attiré par la musique, le dessin et la confection de déguisements. Une anecdote raconte qu’en 1919, lors d’une kermesse en Normandie, une chiromancienne lui prédit que « les femmes vous seront bénéfiques, et c’est par elles que vous réussirez ». Un destin hors norme semble donc déjà s’ouvrir à lui…

Au lendemain de la Première Guerre Mondiale, il rejoint Paris où il se lie d’amitié avec quelques artistes allumés par les Années Folles, et notamment avec Max Jacob et Jean Cocteau. Sa mère veut qu’il suive une carrière diplomatique, et Christian Dior s’inscrit à Sciences Po, qu’il quitte en 1926 sans le moindre diplôme. Il ouvre alors une galerie d’art dans laquelle il expose des toiles de Picasso, Matisse ou encore Dali… Mais la crise des années 30 met fin à cette belle aventure. En 1931, sa mère décède et son père, victime de mauvaises spéculations, est ruiné. La villa de Granville, aujourd’hui transformée en musée, est vendue à la municipalité. Comble de malheur, il doit abandonner sa galerie d’art pour cause de tuberculose. Durant dix longues années de traversée du désert, Christian Dior vit de la générosité de ses amis et de la vente de quelques tableaux. C’est soutenu par ces quelques amis artistes, qu’il crée, comme lors de son enfance, des costumes pour le cinéma et le théâtre, et ce avec beaucoup de goût et de talent. Il fait également le siège des grandes maisons de l’époque, et parvient à vendre certains de ces croquis à Nina Ricci ou encore Balenciaga.

En 1938, tout s’accélère. Il est engagé par le très célèbre Robert Piguet en tant que modéliste et signe d’entrée trois collections. Le tailleur en pied-de-poule noir et blanc et son premier best-seller. On commence à parler de lui lorsque la Seconde Guerre Mondiale éclate. Il passe alors un an sous les drapeaux, puis, démobilisé, il rejoint son père et sa plus jeune sœur dans le sud de la France. Il ne revient à Paris qu’en 1941, et entre chez Lucien Lelong, une des plus grandes maisons de couture

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parisiennes de l’époque. Quatre ans plus tard, il fait la connaissance de Marcel Boussac, qui croit immédiatement en son talent. Superstitieux, Dior, toujours selon la légende, se tourne vers une cartomancienne, qui s’exclame alors « Acceptez, acceptez, vous devez créer la maison Christian Dior, quelles que soient les conditions de départ… ». Boussac investit 60 millions de francs et lui accorde : une maison en son nom, au 30 avenue Montaigne. Il se lance ainsi dans une aventure mythique qui va à jamais marquer l’univers de la mode et de la haute couture.

En février 1947, Christian Dior enflamme littéralement la mode d’après-guerre avec son premier défilé, fruit d’un intense travail. C’est la naissance d’une nouvelle femme, d’une conception radicalement avant-gardiste : taille cintrée, poitrine haute et ronde, épaules étroites, jambes découvertes jusqu’à 30cm au-dessus du sol.

Il démode la mode… Marcel Boussac avait bien choisi son poulain : de trois mètres pour faire une robe auparavant, il en faut tout à coup vingt pour faire une robe Christian Dior. Il ne faut pas oublier qu’au sortir de la guerre, les femmes portaient elles aussi presque des uniformes : jupe courte, chemisier et veste à épaules carrées. Le retour à une poitrine et des hanches naturelles marque donc un choc et un virage fondamental dans l’histoire de la mode.

L’expression « New Look » est l’œuvre de Carmel Snow, rédactrice en chef du Harper’s Bazaar, qui en voyant les nouveaux modèles de Dior s’exclama : « your dresses have such a new look ! ». Au lendemain immédiat de l’Occupation, Christian Dior rend à la couture sa part de rêve, et met la femme au centre de toutes les attentions. Il leur redonne le goût de plaire, de suggérer le désir. Les notions et les imageries liées au luxe reviennent sur le devant de la scène après une longue période d’insécurité, de terreur et d’angoisse. Dès à présent et de saison en saison, Christian Dior tient le monde en haleine. Il n’hésite pas à se démoder lui-même pour surprendre, notamment avec sa ligne « haricot vert » où il efface les volutes des collections précédentes. Dans les années 1950, il libère la taille des femmes avec la Ligne H.

Habile homme d’affaires, il conjugue le sens du tissu à celui des affaires. Sur les conseils d’un ami d’enfance, il lance, en même temps que sa maison de couture et sa première collection, une société de parfum. La première fragrance s’appelle Miss Dior. Pour le maître, le parfum est « le complément indispensable de la personnalité féminine, c’est le finishing touch d’une robe…».1

Visionnaire, il part pour les Etats-Unis à la conquête de ce marché en plein boom dès 1948, soit moins d’un an après le lancement de sa première collection. Un coup de génie marketing, sans aucun doute. Il instaure une politique très active de diffusion de son nom et de concession de licence. Avec l’aide précieuse de Jacques Rouët, son directeur financier bientôt président de la société, il pose les fondations d’un véritable empire. Il institutionnalise la licence et le dépôt de marque en louant son nom pour griffer des articles fabriqués en gros par des industriels qui lui reversent des royalties. Il ouvre des bureaux de relations publiques à travers le monde, organise des défilés à l’échelle planétaire… Bref, lui et son nom sont visibles partout,

1 Dior Christian (1956) Christian Dior et moi, Amiot-Dumont

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il est le couturier des stars, autant par plaisir que par intérêt. A lui seul, on peut aisément affirmer qu’il invente la haute couture moderne en utilisant des techniques de communication et de marketing très à la pointe. En 1957, sa maison assure plus de la moitié des exportations de la couture française.

Il sent parfaitement son époque, mais malheureusement il paie son talent d’un travail harassant, incessant, ne s’accordant des moments de détente qu’autour de bonnes tables. En octobre 1957, au sommet de sa gloire, il est foudroyé en Italie, où il séjournait quelques jours pour se remettre en forme. Certains diront « qu’il a été rappelé par Dieu pour rhabiller les anges…»2

Le maître avait cependant tout prévu : au jeune Yves Saint Laurent de reprendre la maison parisienne et à Marc Bohan celles de Londres et New York. La première collection de YSL, entré en 1955 au service de Christian Dior, est un véritable triomphe. Mais le jeune prodige quitte la maison en 1960, et c’est Marc Bohan qui reprend l’entière responsabilité de la direction artistique. Jusqu’en 1989, il veillera au respect scrupuleux des traditions d’élégance du maître. C’est Gianfranco Ferré qui lui succède, il ne les trahira pas non plus, avec un sens égal de l’architecture et de la flamboyance.

Tout va s’accélérer véritablement peu avant les années 1990, au moment où la société passe sous le contrôle du magnat du luxe Bernard Arnault. Devenu président du groupe LVMH, il réunifie en 1989 les parfums et la couture, séparés depuis 1968. C’est lui également qui fait appel en 1996 au couturier, John Galliano, l’enfant terrible de la mode anglaise, pour redonner à Dior du punch et de la visibilité. Et nul ne doute que le créateur anglais excelle dans cet exercice, ses collections choquent, sa créativité est débordante et il sait parfaitement entretenir l’addiction à la marque, chose indispensable dans cet univers du luxe. Dandy provocateur et imprévisible, il rend ses défilés pour Dior incontournables et électriques. Il fait de l’accessoire une composante fondamentale, et voue véritablement un culte au maître. Il n’est pas rare de l’entendre parler de la présence intemporelle de Christian Dior dans l’esprit de ses collections…

HermèsCinq générations à la tête d’une entreprise

Thierry Hermes (1801-1878) ouvre en 1837 sa manufacture de sellier-harnacheur à Paris. L’usage intensif du cheval dans la capitale en pleine expansion suscite l’émulation des meilleurs carrossiers, selliers et harnacheurs, qui doivent exceller

2 Pochna Marie France (1994) Christian Dior, Flammarion

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pour satisfaire une clientèle exigeante, dans un souci d’innovation en un siècle de progrès spectaculaire. En 1878, Thierry Hermès s’éteint, laissant à ses successeurs la passion d’un métier habité par l’élan initial du fondateur.

La Maison Hermès s’installe vers 1880 au 24 faubourg Saint Honoré, se rapprochant d’une clientèle fortunée dont les équipages luxueux se croisent sur les Champs-Elysées. Charles-Emile Hermes a pris la succession de son père, aidé de son fils aîné Adolphe, il dirige la manufacture Hermes désormais dotée d’une boutique. Leur savoir-faire est régulièrement récompensé aux grandes Expositions Internationales. Emile-Maurice, le plus jeune fils de M. Hermes se révèle d’une personnalité entreprenante, il n’a pas 30 ans lorsqu’il part conquérir les marchés nouveaux en Allemagne, Hollande, Belgique, Pologne et Russie.

Emile-Maurice, devenu en 1902, l’associé de son frère Adolphe développe les activités d’exportation et les contacts avec les grands carrossiers. Les frères emploient 70 à 80 ouvriers et comptent une prestigieuse clientèle cosmopolite. Lors de la 1re guerre mondiale, Emile-Maurice est envoyé en Amérique du Nord et au Canada, il découvre la production de masse et l’avancée considérable des moyens de transport stimulant l’industrie des bagages. Critique devant les premiers exemples de travail à la chaîne dans les ateliers de montage des usines Ford, il est en revanche convaincu par la fermeture à glissière alors inconnue en Europe ; il sera le premier à l’introduire en France en faisant une exclusivité d’Hermès.

Rachetant les parts de son frère en 1922, Emile-Maurice étend avec succès la griffe de sellier à la maroquinerie « cousu sellier » ajoutant à ses activités traditionnelles les ceintures, les gants, la couture, les bijoux et les bracelets-montres, les nécessaires de voyage et accessoires pour le sport et l’automobile. Naissent quelques-unes des plus célèbres créations d’Hermès : le sac à main « Kelly », l’agenda, le « Sac à dépêches », le bracelet en argent « chaîne d’ancre », la tenue cavalière, toutes rapidement devenues des objets mythiques de la maison. La soie utilisée pour les casaques des jockeys donne naissance au foulard lancé par Hermès en 1937.

Des magasins naissent à Cannes, Biarritz et Deauville. Après la Seconde Guerre mondiale, la boite orange et le bolduc, ainsi que la voiture attelée, logo d’Hermès, deviennent les signes de reconnaissance d’une grande marque française. Emile-Maurice Hermès disparaît en 1951 : cette personnalité conquérante sut ouvrir l’entreprise aux défis de l’époque en demeurant ardemment fidèle à l’idéal de qualité fixé par ses prédécesseurs.

Robert Dumas-Hermès épousa en 1928 la fille d’Emile-Maurice Hermès, dont il devint dès lors l’actif collaborateur, consacrant au développement de l’entreprise son inventivité et sa passion du travail parfait. Prenant les rênes d’Hermès en 1951 il se concentra tout particulièrement sur la conception des carrés. Hermès acquiert ainsi la maîtrise d’un illustrateur sur soie sans égal. En 1954, la Maison était considérée comme un exemple de dynamisme dans l’exportation de produits français de grande qualité. Ce merveilleux artisan poursuit sa diversification vers des voies durables : la cravate en 1949, puis le parfum (Eau d’Hermès en 1950) et bien d’autres produits encore parmi lesquels cendriers et tapis de bain. Les vitrines du magasin du

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faubourg deviennent la scène d’un théâtre enchanteur, rendez-vous parisien des célébrités. Les années 70 sont ponctuées par quelques ouvertures de magasins en Europe, une au Japon et deux aux Etats-Unis. Robert Dumas-Hermès disparaît en 1978.

Fils de Robert Dumas-Hermès, Jean Louis Dumas-Hermès prend la tête de l’entreprise en 1978 et y insuffle l’élan de sa jeunesse enthousiaste. Il redéploie et redynamise les activités de la soie, du cuir, du prêt-à-porter…tout en enchaînant de nouveaux métiers aux techniques traditionnelles. Il lance la montre Hermès en 1979, puis l’émail et la porcelaine, suivis par l’orfèvrerie et le cristal. Après la création d’une holding en 1976, le Groupe Hermès International étend sa présence dans le monde. Avec une vue claire de l’avenir, il entraîne le groupe dans une spectaculaire croissance portée par une quête de perfection et de cohérence. En 1987, Hermès fête ses 150 ans et s’affirme dans sa singularité d’entreprise industrielle se nourrissant des valeurs artisanales de ses métiers. Une politique de communication passionnée transmet aux quatre coins du monde la vision humaniste du goût de la création qui fonde Hermès.

Le 31 mars 2006, Jean Louis Dumas quitte ses fonctions opérationnelles, laissant place à son cogérant, Patrick Thomas, le premier à ne pas être issu du cercle des héritiers. Jean Louis Dumas a transformé une maison vieillissante en une multinationale de plus de 6000 personnes présente dans une quinzaine de métiers, tout en réussissant à préserver son image de référence absolue en matière de luxe.

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Partie I   : Diversification, Luxe et Identité

1/. Principe de diversification

1.1 Deux grandes approches pour aborder la diversification 

Définition : La diversification est le fait pour une entreprise de créer ou d’acquérir de nouvelles activités, ou de les étendre à d’autres territoires géographiques. Elle est destinée à :

diviser ses risques d’exploitation ou au contraire à prendre de nouveaux risques pour profiter d’opportunités et

si possible de synergies ou éventuellement compenser un recul de rentabilité de ses activités et

marchés traditionnels, c’est alors un outil de reconversion.

A l’origine, une marque de luxe construit son image et son prestige sur un produit ou une activité très spécifique. Avec le temps, les marques peuvent être secouées par des crises, dues à un effet de mode particulier ou à un changement de conjoncture économique général qui a des répercussions sur le pouvoir d’achat des clients. Les industriels du luxe ont alors à leur disposition la diversification, un levier efficace pour accroître ou maintenir leur chiffre d’affaires.

On distingue deux manières d’aborder la diversification : une première approche stratégique illustrée par Igor Ansoff et une seconde qui porte sur l’extension de marque et le management de la marque. Nous illustrerons ci-après plus en détail ces deux approches de diversification.

1.2 La diversification stratégique

1.2.1 Les stratégies de diversification

La diversification comporte à la fois des aspects techniques et commerciaux.

Sur le plan technique, la diversification se caractérise par le fait que les fonctions de production qui servent à fabriquer les biens sont différentes au niveau des matières utilisées ou encore, sur le plan des techniques employées (fabrication en série ou en continu).

Sur le plan commercial, la diversification se caractérise par des produits de nature différente de manière à aboutir à une sorte d'interdépendance entre la demande des produits.

Il est très fréquent d'assister à une combinaison de ces deux formes de diversification car la nouveauté d'un métier se définit par des matières, des produits, des techniques et des marchés souvent différents des activités d'origine.

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La diversification peut s'opérer de deux manières : - par croissance interne (diversification interne) : lancement d’activités nouvelles ou la prospection de zones nouvelles à partir de l’entreprise elle-même (par exemple, en s'orientant vers de nouveaux produits mais connaissaient déjà les clientèles et les techniques financières). - par croissance externe (diversification externe) : acquisition d’autres entreprises d’un secteur différent ou situées sur un marché géographique différent, l'entreprise profitera du savoir-faire de l'entreprise absorbée.

1.2.2 La stratégie de diversification selon Igor Ansoff

« L'apparition d'une activité nouvelle peut en effet s'analyser comme la greffe d'un corps étranger sur un organisme jusqu'alors autonome. Cet apport externe, qu'il soit heureux ou malheureux n'ira pas sans comporter au sein même de l'entreprise des conséquences ou des réactions qui la marqueront de façon durable (...). Il convient donc d'analyser les risques de rejet mais aussi d'analyser avec précision la valeur relative réelle de l'activité nouvelle ».Igor Ansoff

Igor Ansoff distingue trois formes de diversification. Pour lui, la réussite d'une diversification dépend d'un certain nombre de facteurs et dépend surtout d'une méthode logique.

la diversification horizontale : cette forme de diversification consiste à écouler des produits nouveaux ayant éventuellement un lien technologique entre eux mais ayant surtout un lien commercial puisque la clientèle est la même.

la diversification verticale : se caractérise par une intégration des activités en amont et en aval.

la diversification concentrique est, quant à elle, assez multiforme. Il peut s'agir de fabriquer des produits ou des services semblables pour des clients différents. Ou également de fabriquer des produits ou des services nouveaux pour des clients identiques, ou encore des produits différents pour des clients différents. Il peut s'agir enfin de méthodes de production identiques mais de produits différents avec des réseaux de distribution différents.

La matrice d’Igor Ansoff

Cette matrice fut conçue pour classifier et expliquer les différentes stratégies de croissance pour une entreprise. La matrice croise les produits (actuels et nouveaux) et les marchés (actuels et nouveaux) de l’entreprise, permettant ainsi de faciliter la prise de décision du décideur.

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Figure Nº1 : Matrice Produit / Marché développée par I. Ansoff

Source : Dubois et Kotler (2000) Marketing Management 10e édition

Selon Ansoff, il existe quatre stratégies de croissance :

Pénétration du marché (ou consolidation)L’entreprise cherche à développer les ventes de ses produits actuels sur ses marchés actuels grâce à un effort marketing plus soutenu. L’objectif est de :

- pousser le client à augmenter son niveau d’achat ou sa fréquence d’achat- détourner le client des concurrents- convaincre les clients potentiels

Extension de marchéL’entreprise cherche à augmenter ses ventes en introduisant ses produits actuels sur de nouveaux marchés (régionaux, nationaux et internationaux).

Elle peut aussi attirer de nouveaux segments de marché :- en développant des produits adaptés- en utilisant de nouveaux segments de marché - en développent des produits adaptés- en utilisant de nouveaux circuits de distribution- en faisant appel à d’autres médias de communication

Développement de produit (ou extension de segments)L’entreprise cherche à augmenter ses ventes en lançant de nouveaux produits sur ses marchés actuels. Elle peut modifier le produit, créer plusieurs versions du produit, développer de nouveaux modèles et de nouvelles tailles.

DiversificationCette solution est possible si le potentiel existant en dehors des marchés de l’entreprise est attractif.

4. Diversification2. Extension de marchés

1. Pénétration du marché

3. Développement de produits

Produits actuels Nouveaux produits

Marchés actuels

Nouveaux marchés

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Il est possible de diversifier concentriquement en introduisant de nouvelles activités dont la technologie est complémentaire de son métier actuel. On peut parler ici d’un transfert de compétences clés. Il est possible de se diversifier horizontalement en introduisant de nouvelles activités susceptibles de satisfaire la même clientèle, même si la technologie est différente du métier actuel. Enfin, il est possible de se diversifier en créant un conglomérat (des activités différentes pour des marchés différents).

Cette matrice nous montre donc que la diversification est la stratégie de croissance, la plus risquée d’une entreprise. La diversification allie nouveaux produits et nouveaux marchés, il s’agit donc d’un axe de développement risqué qui nécessite un important travail d’étude préalable.

1.2.3 La stratégie de diversification selon Détrié et Ramanantsoa

Le modèle de Détrié et Ramanantsoa se fonde sur une classification des stratégies de diversification en 4 grandes catégories:

Les diversifications de placement : cette forme de diversification caractérise les entreprises «riches» et particulièrement bien positionnées sur leur marché. Comme son nom l'indique, la diversification de placement consiste, pour l'entreprise à investir dans d'autres métiers aussi attractifs sur le plan des perspectives de profits.

La diversification de redéploiement : lorsqu'un produit est arrivé au stade de sa maturité, il s'agit de remplacer ou, en d'autres termes, de « redéployer » les activités de l'entreprise.

La diversification de survie : l'adoption d'une stratégie de diversification devient ici une contrainte dans la mesure où l'avenir de l'entreprise ne peut reposer que sur la conquête d'autres marchés.

La diversification de confortement : cette forme de stratégie concerne, en principe, les PME qui éprouvent des difficultés à maintenir leur avantage concurrentiel face à des concurrents plus performants. De ce point de vue, même si ces entreprises investissent, elles ne peuvent espérer améliorer de manière significative leur position sur un marché. Il ne reste donc qu'à se diversifier vers des activités complémentaires qui ne nécessitent pas d'investissement coûteux (et surtout facilement accessibles aux PME).

Les critères de choix de l'une ou l'autre de ces stratégies dépendent de la rentabilité, du potentiel du secteur, de l'existence de synergies exploitables, et de la possibilité d'une reconversion.

Une diversification de placement est, en principe plus rentable tandis qu'une diversification de redéploiement dépend du potentiel du secteur (croissance, rentabilité). La réussite d'une diversification de confortement dépend, quant à

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elle de l'existence de synergies industrielles ou financières avec l'activité de départ.

La diversification de survie dépend, bien entendu des possibilités de reconversion vers un métier différent. 1.3 L’extension de marque

Nous étudierons ici, plus en détail, l’extension de marque qui apparaît comme la stratégie de diversification étudiée dans ce mémoire.

1.3.1 La mise en œuvre d’une extension de marque La conception classique d’une marque

1 marque = 1 produit = 1 promesse

Cette conception est née il y a 30 ans et agit avant tout sur les produits de grande consommation. Cela ne s’inscrit donc pas directement dans notre étude qui porte sur les produits de luxe distribués très strictement mais il semble intéressant de décrire pourquoi cette manifestation de concentration et de propagation de marques a eu lieu.

Ce mouvement de multiplication des marques a connu sans doute son apogée dans les années 70 et au début des années 80. Elle amène donc à la prolifération des marques. En effet, si une marque ne correspond pas à un produit physique, ni à une promesse unique, on ne peut pas l’utiliser sur d’autres produits3. Les innovations étaient souvent lancées sous de nouveaux noms de marques. C’est pourquoi, auparavant, il n’y avait pas beaucoup d’extension de marque et de gamme possible car c’était perçu comme un exercice dangereux. Cette conception classique était très stricte et limitée. Plus récemment, reconnaissant qu’un de leurs plus grands actifs était leur marque, beaucoup d’entreprises ont décidé de lancer de nouveaux produits sous le nom de leurs marques déjà existantes.

L’extension de marqueL’extension de marque est une pratique en forte croissance. Elle n’est pas vraiment récente mais elle a pris ces dernières années une réelle signification. Le phénomène de croissance dû à l’extension de marque est virulent ces dernières décennies. Kevin Lane Kelly a exprimé récemment « qu’en 1990, 63% des produits nouvellement introduits étaient des extensions de ligne, et 18% étaient des extensions de gamme4 ».Actuellement, de plus en plus de marques ne sont plus associées à un seul produit mais à un ensemble de produits disparates. Ainsi vu, les entreprises tendent à réduire leur portefeuille de marques et capitalisent ainsi sur quelques marques fortes en lançant des extensions de marque.

3 Kapferer J.N (1991) Les marques, capital de l’entreprise, Les éditions d’organisation, Paris p314 Kapferer J.N (1991) Les marques, capital de l’entreprise, Les éditions d’organisation, Paris p31

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La figure ci-après nous présente l’extension de marque comme la création d’une nouvelle catégorie de produit par une marque déjà existante.

Figure Nº2 : Matrice des quatre stratégies de marque

Source : Dubois et Kotler (2000) Marketing Management 10e édition

Cette stratégie consiste à utiliser des noms de marque pour signer des produits dont la nature et la fonction diffèrent de celles des produits actuellement commercialisés sous la marque. Une extension de marque se définit par le fait qu’une entreprise utilise la renommée d’une marque déjà existante afin de garantir le succès du lancement d’un nouveau produit. Si la marque principale est déjà associée à plusieurs extensions, on peut donc la décrire comme une famille de marque. La stratégie d’extension de marque a l’intérêt de répondre aux nouvelles exigences du marché. Bien sûr on continue d’innover sur des marchés stables (voire saturés) mais ce qu’il y a de nouveau c’est que les produits qui seront lancés n’auront peut être aucune parenté avec le(s) produit(s) phare(s).

1.3.2 Les différents types d’extensions stratégiques

1.3.2.1 L’extension de gammeL’extension dans la même catégorie de produits, c'est-à-dire le lancement de nouvelles références sous un nom de marque préexistant. Cette pratique parait rationnelle quand la firme peut compter sur le capital marque qu’elle s’est construite dans sa catégorie et économiser l’argent qu’elle aurait dû dépenser pour faire connaître un nouveau nom ou une nouvelle offre5.

1.3.2.2 L’extension « concentrique »

5 Kotler P. (2003) Marketing insights from A to Z, Peasron Education France, Paris p 115

Nouvellesmarques

Marques multiples

Extension de gamme

Extension de marque

Catégorie de produit

Existante Nouvelle

Existante

Marque

Nouvelle

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Ultérieurement, il y a eu un autre type d’extension dans des catégories connexes de produits, que l’on pourrait nommer extension « concentrique ». Les perspectives de croissance des ventes sont en théorie supérieures à la simple extension de gamme. Les nouveaux produits offrent une fonctionnalité différente et ne peuvent nullement cannibaliser les produits existants.Les enjeux sont cependant bien différents, car l’entreprise innovatrice doit apprendre un nouveau métier, ne se rapportant pas directement à son métier de base.

1.3.2.3 L’extension par « bonds »Le troisième type d’extension est lié à des catégories totalement distinctes de produits. Il est extrêmement récent et remonte seulement aux années 90. On trouve de nombreux exemples dans les marques de luxe qui étendent leurs griffes aux accessoires.

1.3.3 La modification de la longueur de la gamme

1.3.3.1 L’extension de la gamme vers le basL’objectif est pour l’entreprise de conquérir de nouvelles parts de marché, mais le risque est grand au niveau de l’image de marque. Aussi nombreuses sont les sociétés qui changent de marque ou d’enseigne au moment d’exploiter un produit ou un concept qui ne correspond plus à leur image.

1.3.3.2 L’extension de la gamme vers le hautConstruire et modifier son image vers le haut de gamme est très difficile surtout pour les marques de grande distribution car il est plus laborieux de s’imposer en partant du bas. Cette stratégie de repositionnement s’associe souvent à une utilisation d’une marque-caution et demande un effort financier important dans le long terme.

1.3.4 Les limites d’une extension

1.3.4.1 Le territoire de la marqueIl est possible de définir pour chaque marque un ensemble de traits qui lui sont attribués à un moment donné de son existence. Ils correspondent à l’image perçue par le public. Le consommateur va attribuer des qualificatifs ainsi que des valeurs à la marque en fonction de cette image qu’il percevra soit comme active, éthique, traditionnelle, virile, innovante, technique, authentique, sportive, ou encore démodée...

Une marque peut définir son image en jouant aussi bien sur l’étendue de son activité que sur les forces qui la définissent auprès du public. Le territoire de marque est construit de façon certaine et bien limitée, du fait des produits que la marque commercialise, mais aussi grâce à l’infinité des registres de communication (notamment publicitaires) avec lesquels la marque peut chercher à imposer une image souhaitée auprès de son public cible.

La marque doit cependant savoir gérer ses limites. Elle ne peut pas tout imposer au public ni à sa clientèle déjà conquise. Les mutations et diverses extensions de marques sont une phase périlleuse, jamais acquise à priori. S’il y a territoire de marque, il y a donc frontières à l’extension de cette marque.

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1.3.4.2 Avantages et inconvénients d’une extension de marque6

Pour la plupart des entreprises, la question importante n’est pas celle de savoir si une extension de marque doit être effectuée, mais plutôt où et comment elle doit être développée. Bien prévues, les extensions offrent un nombre important d’avantages (mais aussi d’inconvénients) aux marqueteurs. Ces avantages peuvent être définis comme des moyens facilitant l’introduction de nouveaux produits qui apportent un feedback positif à la marque principale ou à l’ensemble de la compagnie.

Les extensions de marque peuvent partiellement souffrir des mêmes défauts que les nouveaux produits. Néanmoins, un produit introduit comme une extension de marque peut selon toute probabilité atteindre un niveau de réussite plus important en offrant des avantages certains. En voici quelques-uns :

a. Avantages

Réduire le risque perçu par le consommateurUn des avantages d’une marque déjà connue est le fait que les consommateurs se forgent une opinion sur les attentes de qualité de la marque. De même, lors d’une extension de marque, les consommateurs ont des attentes quant à la composition et l’exécution probable d’un nouveau produit basé sur leurs expériences passées.

Il est important qu’une forte réputation soit établie par la marque afin d’introduire des produits de qualité, car cela permettra de réduire les risques de défaillance du produit pour le consommateur. Ainsi, les perceptions de crédibilité de l’entreprise sur le plan d’expertise et de véracité peuvent être des associations valables lors d’une introduction d’extension de marque.

Favoriser la promotion et l’essai par les consommateursA cause de l’augmentation potentielle de la demande des consommateurs résultant de l’introduction d’un nouveau produit sous la forme d’une extension, il est plus facile de convaincre les détaillants de stocker et promouvoir une extension de marque déjà reconnue, qu’une autre n’ayant aucune réputation et nouvelle dans ce secteur.

En général, il est plus aisé d’ajouter un nom à une marque déjà existante dans la mémoire du public qu’un nouveau nom de produit où il sera obligatoire de créer une relation avec son identité propre. Plusieurs recherches ont étudié et documenté cet avantage. Une étude américaine7, sur 98 marques présentent dans 11 marchés différents, a démontré qu’une extension de marque réussie permettait de dépenser moins dans la promotion, qu’un autre produit comparable portant un nom inconnu. Une étude complétée par le professeur Dan Smith8 a permis de révéler des résultats similaires. Son étude a identifié quelques facteurs fondamentaux ayant un effet modérateur sur cet avantage. La différence dans l’efficacité de la publicité, sur les

6 Keller K.L (1998) Strategic Brand Management building, measuring, and managing brand equity, New Jersey Prentice-Hall Edition p 451-4917 Sullivan M.W (1992) Brand extensions : When to use them, Management Science, vol 38 n°6 p 793-8068 Keller K.L (1998) Strategic Brand Management building, measuring, and managing brand equity, New Jersey Prentice-Hall Edition p 451-491

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extensions de marque et celle d’une nouvelle marque, a été analysée afin de déterminer les effets de croissance suivants :

augmentation des produits affiliés à la marque mère augmentation du prix du nouveau produit par rapport à la concurrence augmentation de l’intensité de distribution

Réduire les coûts d’introductionA cause de ces considérations de relation « Push » et « Pull » dans la distribution ainsi que dans la production, il a été estimé qu’une entreprise peut épargner 40% à 80% sur les coûts de lancement d’un nouveau produit. De plus, d’autres moyens sont également efficaces après le lancement. Comme par exemple, lorsqu’une marque devient associée avec une multitude de produits, investir dans la publicité peut donc s’avérer plus rentable pour l’ensemble du groupe.

Efficience au niveau de l’emballage et de l’étiquetageDes emballages et des étiquettes similaires ou virtuellement identiques pour des extensions peuvent apporter une diminution des coûts de production et si la coordination est réglée convenablement, cela pourrait même créer un phénomène de « panneau d’affichage » au sein du magasin.

Clarifier le sens de la marqueL’extension de marque peut aider à clarifier le sens qu’a une marque face aux consommateurs et définit un genre de marché dans lequel elle est en compétition. Il faut savoir qu’une entreprise étend son image auprès du public lorsqu’elle multiplie ces extensions de marque.

Favoriser l’image de la marque mèreSelon le modèle énoncé par le capital de marque basé sur le client, un des effets désirables d’une extension de marque réussie est la hausse de l’image de la marque mère, en favorisant l’association entre les deux actifs de marques, et/ou en ajoutant une nouvelle association de marque. Une extension de marque affecte l’image de la marque mère en établissant une association avec son activité principale. L’association de l’activité première d’une entreprise apporte un bénéfice qui caractérise tous les produits de la marque et procure au consommateur un fort niveau d’association de l’image de marque.

Gagner de nouveaux clients et augmenter la couverture de la marqueL’extension de ligne peut être bénéfique à la marque principale par l’expansion de son panel de produits sur des nouveaux segments. En offrant ainsi un produit innovateur poussant les consommateurs à essayer la marque. En créant des nouveautés et en attirant l’attention sur la marque mère, ses ventes peuvent fortement augmenter.

Parfois l’extension peut être un moyen de relancer l’intérêt et le lien avec la marque, de se refaire connaître et de rajeunir. Par la suite, un des bénéfices d’une extension réussie est la possibilité offerte de faire d’autres évolutions dans des secteurs complètement différents.

b. Inconvénients

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Malgré tous les avantages qui lui sont rattachés, l’extension de marque reste un exercice difficile et requiert donc la prise en considération de ces désavantages. Il faut également préciser que le haut taux d’échec des nouveaux produits est très bien connu des spécialistes. Toutes les analyses, portant sur le niveau de réussite d’un nouveau produit, sont de 2 sur 10 seulement, ou parfois même 1 seule réussite pour 10 nouveaux produits lancés.

Il y a donc plusieurs raisons qui provoquent l’échec d’un lancement d’un nouveau produit. Dr McMath qui analysa plus de 75 000 nouveaux consommateurs dans des laboratoires à New York9, a permis d’avancer 9 raisons provoquant l’échec d’un lancement :

1) Le marché est trop étroit : insuffisance de la demande pour ce genre de produit

2) Un manque de correspondance avec les valeurs de l’entreprise3) Des recherches marketing inadéquates ou incorrectes ainsi que des

paramètres significatifs ignorés4) L’analyse de marché effectuée trop tôt ou trop tard (échec d’intervention lors

de l’ouverture de ce secteur)5) Un retour sur investissement trop faible : une marge de profit trop faible et des

coûts trop élevés6) Une forte ressemblance aux produits déjà existants sur le marché (une idée

relativement pauvre et n’offrant rien de réellement nouveau)7) Un produit ne correspondant pas à l’attente du public8) Une crédibilité non confirmée lors de la livraison du produit9) Le manque de reconnaissance par le public

Suite à ce taux important d’échec de lancement de nouveaux produits, il est à présent essentiel d’énoncer la liste des désavantages dus à l’extension de marque :

Peut rendre confus ou frustrer les consommateursLes différentes extensions de lignes peuvent rendre confus ou même frustrer les consommateurs lors de leur quête du produit qui leur conviendrait le mieux. Le résultat peut être un rejet de toute nouvelle extension en favorisant les produits déjà testés et connus. En plus, du fait du grand nombre de nouveaux produits et des marques qui arrivent continuellement sur le marché, la plupart des distributeurs n’ont pas assez d’espace libre dans les linéaires afin de tous les accueillir. La conséquence est que certains consommateurs peuvent être déçus de ne pas trouver le produit récemment commercialisé.

Echouer et altérer l’image de la marque mèreLe pire des scénarios possibles avec une extension n’est pas uniquement le risque d’échec mais également celui d’altérer l’image de la marque mère.

L’entreprise augmente son niveau de risque, qui pourrait survenir suite à des problèmes inattendus, malgré le fait que l’extension ait été réussie initialement.

9 New Products Showcase and Learning Center dans l’Ithaca, New York

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Parfois même, une tragédie avec un produit de la même famille peut venir ternir l’image de certains voire de l’ensemble des produits.

Cependant il est reconnu qu’une des raisons de l’échec d’une extension n’est pas forcément l’altération de l’image de la marque mère mais plutôt la méconnaissance du public de cette marque. Cette situation résulterait donc d’un manque de communication envers les consommateurs lors du lancement du produit ou une renommée insuffisante de la marque. Les échecs sont nombreux surtout lorsque l’extension semble inadéquate avec les attentes du public, pouvant même altérer l’image de la marque mère infiniment plus que l’échec commercial.

Cannibaliser les ventes de la marque mèreSi les ventes d’une extension de marque sont élevées et dépassent les niveaux attendus, il est possible que ces revenus soient partiellement dus aux changements des consommateurs du produit existant à celui qui vient de sortir. L’effet de cannibalisation provoque une diminution des ventes du produit initial de la marque. Les extensions de lignes sont souvent établies afin de maintenir rapidement le niveau compétitif de la marque.

Diminuer l’identification avec une catégorie préciseLe risque en liant plusieurs produits avec une seule marque est le fait que la marque ne soit pas aussi bien reconnue pour un produit spécifique. L’extension de marque peut donc obscurcir l’identification de la marque envers sa catégorie originale, réduisant ainsi la reconnaissance de la marque.

La marque doit maintenir dans l’esprit des consommateurs une certaine association de qualité et de savoir-faire, qui lui permettront d’effectuer ces diversifications sans souffrir d’une altération de sa reconnaissance auprès du public ce qui pourrait limiter son évolution.

Heurter l’image de la marque mèreSi l’extension de marque a des attributs ou des bénéfices associés qui peuvent être en conflit avec l’association correspondant aux anciennes valeurs de la marque, les consommateurs risquent de changer leur perception de la marque mère.

Le risque potentiel d’échec dû à un manque d’identification avec une catégorie précise peut affaiblir l’image de marque. Cela est particulièrement évident avec une marque de haute qualité ou de prestige qui symbolise le luxe et l’élégance.

1.4 Les stratégies de diversification des marques de luxe

Après une étude des différentes approches de diversification qui existent sur l’ensemble du marché, nous allons étudier plus précisément les stratégies utilisées dans le secteur du luxe. Les marques de luxe utilisent principalement deux stratégies de diversification qui recoupent les différentes stratégies théoriques vues précédemment.

Tout d’abord, la production d’autres produits de luxe dans une activité très différente (diversification concentrique, diversification de placement). Les marques de luxe

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peuvent se diversifier en capitalisant sur leur image tout en proposant des produits très éloignés de leur savoir-faire d’origine. Ainsi l’image luxueuse d’une marque peut lui permettre de diversifier son offre de produit au-delà de son cœur de métier et lui permet une plus grande réactivité aux fluctuations des marchés.

Les marques de luxe utilisent également la diversification verticale qui dans une industrie de consommation permet de bénéficier de l’avantage procuré par l’image de marque. En proposant des articles dérivés, les industriels augmentent le volume de leurs clients potentiels et fournissent aux consommateurs l’illusion de se démarquer en portant un produit d’exception. Ce mode de diversification verticale, s’il n’est pas contrôlé, présente un risque car il peut susciter une détérioration de l’image de marque pour le public cible : la clientèle aisée. La démocratisation qui en résulte fait perdre la valeur luxueuse de la marque. Ce risque peut être contourné en segmentant l’offre grâce à la création de sous-marques destinées à une clientèle plus large et/ou plus jeune.

« Dès les années 70, certains métiers optent pour une politique de déclinaisons intenses, et efficaces en terme d’image (parfums, maquillage, petite maroquinerie…), permettant l’accès de la marque à de nouvelles classes de consommateurs, la rendant plus simple et plus accessible. Certaines marques, de plus, font le choix stratégique de diversifier leurs activités vers d’autres métiers, dont la proximité avec le cœur de marque est plus ou moins lisible, se constituant progressivement, à travers leurs déclinaisons et leurs diversifications successives, un territoire de légitimité, consolidant l’image des produits leaders et la notoriété globale de la marque »

Danielle Allérès, Luxe… Métiers et management atypiques

Choisir la voie de la diversification vise donc à devenir une marque globale. Partir à la conquête du plus grand nombre, élargir sa clientèle sans se galvauder, vendre des produits en grande quantité sans risquer la banalisation, telles sont les problématiques en jeu pour les marques de luxe.

Les axes de diversification à l’ordre du jour depuis les années 90 sont la maison, la joaillerie ou l’horlogerie pour les uns, le prêt-à-porter, les souliers ou la maroquinerie pour les autres. La maison, le soulier mais aussi les mille feux de la joaillerie suscitent particulièrement les convoitises. En tant que marque de luxe, le métier de la joaillerie est une extension naturelle. Il correspond à l’image de marque et la renforce. Les marques de luxe étendent leur savoir-faire et font preuve d’audace et de créativité.

Ainsi, les marques les plus performantes, tant au niveau de leurs résultats que de leur notoriété internationale, sont celles qui ont cumulé ces métiers en construisant de grandes Maisons composites. Les couturiers célèbres ont, très tôt, décliné leur activité de mode en créant des lignes simplifiées (diverses lignes de Prêt-à-porter), puis se sont diversifiés en proposant tour à tour des gammes d’accessoires de mode complémentaires de l’esprit de leurs collections (foulards, cravates, chaussures, sacs, ceintures, bijoux fantaisie…), ou encore des parfums et des cosmétiques (maquillage et soins).

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« Les marques de luxe sont résistantes à l’extension. Installées sur un territoire qui est enserré et dans une légitimité dont elles ne peuvent se défaire, elles sont plutôt inflexibles. Et leur croissance dépend donc de leur capacité à créer et à innover à l’intérieur même de leurs métiers, en creusant verticalement le puits de leur savoir-faire »

Christian Blanckaert, Luxe

Légitimité ou pas, les grandes marques, sont donc, dans l’ensemble, bien décidées à ratisser large. Outre la logique d’offre, cette démarche répond aussi à une volonté d’afficher une grande palette de prix afin d’élargir la cible. Cette stratégie ne contrarie pas le cœur de cible et même le conforte dans l’image de créativité des marques et le positionnement haut de gamme.

La diversification entraîne les entreprises à communiquer sur des produits de luxe glamour réservés à l’élite, afin de mieux vendre des produits banalisés au plus grand nombre. Il s’agit de faire rejaillir le prestige du haut de gamme sur des produits plus accessibles. Avec en guise de produits d’appel, les lunettes et les parfums. Puis viennent par ordre d’importance de prix, les chaussures, la lingerie, la maroquinerie et, enfin, le prêt-à-porter. Car plus l’offre est large, plus elle attire de monde dans des boutiques toujours plus vastes.

« Les industries du luxe ont massifié leurs productions, notamment d’accessoires, de cosmétiques et de parfums, pour rendre accessible au plus grand nombre leur imaginaire de marque »

Danielle Allérès, Luxe… Management et métiers atypiques

Pour attirer justement le plus grand nombre, il existe aujourd’hui des techniques qui permettent d’organiser autour de n’importe quel objet doué d’un minimum d’esthétique une fête sensorielle donnant l’illusion du luxe. Les spécialistes du marketing, comme ceux de la publicité et de la communication sont passés maîtres dans l’art de créer une atmosphère de luxe autour d’objets « ordinaires ». C’est le marketing du rêve, que les Américains ont baptisé dreamarketing. Il consiste, grâce à la publicité, à créer autour d’un produit un désir obsessionnel d’achat, renforcé par la peur du client d’arriver trop tard. Les sommes englouties dans le lancement publicitaire de certains parfums plutôt quelconques sont tout simplement phénoménales, d’autant plus colossales, paradoxalement que le produit est quelconque et incapable de connaître un succès de long terme. Voilà le prix à payer pour hypnotiser un vaste public et le convaincre que l’objet en question est bien « de luxe ».

Cependant avec la diversification des maisons de luxe, qui font désormais « de tout », la démocratisation du luxe leur envoie un consommateur « excursionniste », en contact seulement épisodique avec l’univers du luxe. Capter son attention devient un art subtil. Pour cet acheteur occasionnel, le luxe n’est pas un dû, mais un dilemme. Le désir d’acheter est vécu comme une transgression et le client, culpabilisé, éprouvera ensuite le besoin de justifier son achat à ses propres yeux. Il

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convient donc de lui offrir un environnement convivial, loin du cadre austère, majestueux et pesant du luxe à l’ancienne.

De nos jours, le luxe doit donc ratisser large. Il ne se borne plus aux marques de suprême qualité. Il comprend au contraire tout ce qui, d’une manière ou d’une autre, est susceptible d’être perçu par le public comme un objet de luxe : un collier à un million d’euros mais aussi bien un flacon de parfum à quatre-vingts euros peuvent incarner le luxe. Tout est affaire de présentation.

Une observation attentive des habitudes de consommation contemporaines démontre que de nombreux produits autrefois considérés comme luxueux sont devenus des produits de consommation courante. Certaines marques se démocratisent largement pour pouvoir toucher une clientèle plus large et accroître leur chiffre d’affaires. Des alternatives qui donnent lieu à de nouvelles pratiques, encore inimaginables il y a quelques années : mixer les marques de luxe et les marques de mass market. Des grands couturiers s’associent avec des réseaux de distribution populaires pour vendre des produits griffés à prix cassés comme Karl Lagerfeld (créateur de Chanel) l’a fait avec H&M.

2/. Analyse des différentes activités du secteur

Nous étudierons ici les différentes activités du secteur du luxe, afin d’aborder notre sujet avec une vision globale du marché.

Si une étude du cabinet Mac Kinsey a, en 1990, identifié 35 secteurs d’activité susceptibles de comporter des marques de luxe. On peut plus opportunément répartir l’ensemble du luxe en trois cercles10.

Le premier cercle est celui du « super luxe », des produits haut de gamme accessibles à quelques-uns : haute couture, haute joaillerie, œuvres et objets d’art, arts de la table (porcelaine, argenterie, cristallerie) et moyens de transport (automobile de prestige, avion, bateau). L’acquisition de ces biens s’inscrit dans la constitution de patrimoine.

Le deuxième inclut les objets, plus abordables, « auréolés d’une réputation de bon goût et de chic11» mais qui sont plutôt des déclinaisons du luxe : prêt-à-porter de luxe, montre, stylo, foulard, bagage. Leur achat résulte d’une décision rationnelle, d’un choix délibéré de la part de celui qui accepte de payer plus cher en raison du prestige de la marque et de la connotation valorisante qui s’attache à leur possession.

10 Castarède Jean (2004) Que sais-je : Le Luxe, Presse universitaire de France 11 Castarède Jean (2004) Que sais-je : Le Luxe, Presse universitaire de France

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Le troisième cercle, celui des « sensations et des plaisirs12 », est un peu particulier car lié à l’univers de la consommation courante, ces produits sont encore plus accessibles. Il comprend les parfums, la gastronomie, les vins et spiritueux et les croisières. Il ressort d’une démarche de consommation plus immédiate et correspond davantage au luxe des cinq sens et à l’épanouissement du corps.

Le premier est donc davantage lié au patrimoine, le second à l’image (pour soi ou pour les autres dans le cas de cadeaux), tandis que le troisième à l’univers de la qualité supérieure et du mieux-être.

Figure Nº3 : Les trois cercles du luxeCA mondial en milliards d’euros

Source : Jean Castarède (2004) Que sais-je : Le Luxe

Six branches d’activités paraissent dominantes, à la fois, en termes de chiffre d’affaires et en termes d’effectifs :

La bijouterie/ joaillerie/horlogerie Les parfums et cosmétiques La bagagerie/maroquinerie

12 Castarède Jean (2004) Que sais-je : Le Luxe, Presse universitaire de France

Parfums17

Cosmétique15

Vins et spiritueux

30 Gastronomie2,5

Prêt à porter

21

Montres, stylos,

foulards7

Bagages11

Accessoires 8

Arts de la table 1,5

Palaces 1

Haute couture 1

Haute joaillerie 1

Moyens de transportVoitures,

yacht, avions14

Œuvres et objets d’art

5

Hifi2

Loisirs de luxe 12

Sports1

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La mode Les champagnes, vins et spiritueux Les hôtels et restaurants

Nous n’analyserons que les quatre premières catégories, qui sont utilisées par les marques étudiées dans cet ouvrage, laissant l’analyse des champagnes, vins et spiritueux ainsi que des hôtels et restaurants.

Nous analyserons ici les chiffres clés de chaque secteur ainsi que leur santé économique, notamment grâce à un certain nombre de ratios présents dans les tableaux ci-dessous.

Tableau N°1 : L’industrie de la modeChiffres clés du secteur (année 2003)

Entreprises de 20 personnes et plusVêtement Chaussure et

maroquinerieParfumerie Bijouterie Ensemble

Nombre d’entreprises

968 281 210 97 1556

Effectif employé 72924 31302 47468 6787 158481Chiffre d’affaires HT (M€)

11626,7 3469,8 15859,5 1113,6 32069,6

Investissements (M€)

154,7 93,7 357,4 24,9 630,7

Productivité apparente du travail : VAHT/effectifs (K€)

42,9 39,9 79,1 46,6 53,3

Taux d’exportation : EXP/CAHT (%)

31,7 32,1 40,8 34,4 36,3

Taux d’invest. INV/VAHT (%)

4,9 7,5 9,5 7,9 7,5

Taux de valeur ajoutée : VAHT/CAHT (%)

26,9 36 23,7 28,4 26,3

Taux de marge : EBE/VAHT (%)

26,7 28,1 35,7 11,7 30,4

Taux de profitabilité : RCN/VAHT (%)

9 11,9 44 -0,5 24,6

Source : SESSI, Enquête Annuelle d’Entreprise, 2005

2.1 Bijouterie-Joaillerie & Horlogerie

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Ce secteur d’activité jouit d’une notoriété mondiale, depuis plus d’un siècle, tant pour la bijouterie-joaillerie, créée à partir de métaux précieux, de pierres précieuses et suivant un « design » créatif, que pour la bijouterie-fantaisie, souvent déclinée de la haute couture, du prêt-à-porter des couturiers ou des créations de mode.Cette dernière est très porteuse depuis les années 1970, le bijou fantaisie étant assimilé à un accessoire de mode. On constate, depuis environ une décennie, l’intérêt des maisons de couture pour créer ou reprendre une activité horlogère et de bijouterie-joaillerie.

Tableau N°2 : BijouterieChiffres clés du secteur (année 2003)

Entreprises de 20 personnes et plus Nombre d’entreprisesEffectif employéChiffre d’affaires Hors Taxe (M€)Investissements corporels totaux (M€)Productivité apparente du travailTaux d’exportation : EXP/CAHT (%)Taux d’investissementTaux de valeur ajoutéeTaux de marge : EBE/VAHT (%)Taux de profitabilité

Source : SESSI, Enquête Annuelle d’Entreprise, 2005

2.2 Parfums & Cosmétiques

Dès la fin du XIXe siècle, une véritable industrie française de la parfumerie naît, grâce à la production industrielle et le plus souvent du génie créatif des Couturiers. Bien que des industries similaires, concurrentes soient créées à l’étranger (Etats-Unis, Allemagne, Italie, Grande-Bretagne, Japon…), la France, avec ses deux cents entreprises environ,13 reste le leader d’une parfumerie très sélective et de produits de beauté très « hauts de gamme », représentant en grande partie les marques les plus créatives et les plus luxueuses dans ce domaine et dans le monde entier.

Cette industrie, toutefois marginale par son importance nationale relative, atteint presque 14 milliards d’euros en 2003, soit environ 0,6% du produit intérieur brut et occupe environ 40 000 emplois directs, soit 0,16% des emplois français. Cette branche atomisée regroupe environ deux cents entreprises, dont 10% réalisent 50% du chiffre d’affaires global et sont fréquemment liées à des groupes multisectoriels (chimie, pharmacie, alimentaire…).14 La consommation de produits cosmétiques en France représente environ 0,8% de la consommation des ménages.15 Les firmes à capitaux étrangers progressent sur notre territoire national, réalisant environ le quart de nos résultats globaux. La pénétration est très variante selon les marchés : forte sur le marché des produits de toilette, moyenne sur le marché de la

13 Allérès Danielle (2005) Luxe… Stratégies marketing, Economica 14 Allérès Danielle (2005) Luxe… Stratégies marketing, Economica15 Allérès Danielle (2005) Luxe… Stratégies marketing, Economica

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parfumerie alcoolique et des produits de beauté et plus faible sur le marché des produits capillaires.

L’industrie cosmétique contemporaine atteint des résultats globaux élevés, soit comme on l’a vu, presque 14 milliards d’euros en 2003, dont plus de 7 milliards d’euros, soit 50% environ, sont réalisés sur le marché français.La parfumerie alcoolique et les produits de beauté, professions les plus anciennes, les plus traditionnelles et les plus luxueuses de l’ensemble des professions cosmétiques sont, également, les plus performantes, atteignant presque 60% du chiffre d’affaires global.

Tableau N°3 : Structure du marché par catégorie de produits

2001 2002 2003Parfumerie alcoolique 1163 M€

19,5%1171 M€18,6%

1159 M€17,8%

Produits de beauté 2287 M€38,3%

2435 M€38,6%

2543 M€39,1%

Produits capillaires 1401 M€23,5%

1485 M€23,6%

1549 M€23,8%

Produits de toilette 1104 M€18,5%

1194 M€18,9%

1243 M€19,1%

Autres produits 16 M€0,3%

19 M€0,3%

12M€0,2%

Total marché 5972 M€ 6305 M€ 6506 M€Source : Fédération des Industries de la Parfumerie

Le marché français est assez bien réparti entre la parfumerie alcoolique, les produits de beauté, les capillaires et les produits de toilette avec, toutefois, une émergence des ventes de produits de beauté. Les exportations atteignent 7,3 milliards d’euros en 2003 et les importations 1,4 milliard d’euros, conférant toujours à ce secteur d’activité un taux de couverture très élevé,16 dû à sa tradition historique de création, à son haut niveau de fabrication, et au poids historique et symbolique de ses marques sélectives.

Tableau N°4 : Répartition des exportations par zone en 2003 (en %)

Union Européenne 54,4Autres pays d’Europe 12,1Amérique du Nord 9,4Amérique latine 3,3Extrême-Orient 10,6Moyen-Orient 6,2Afrique 2,5Australie, Océanie et les autres 1,5Total 100

Source : Fédération des Industries de la Parfumerie

16 Allérès Danielle (2005) Luxe… Stratégies marketing, Economica

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2.3 Bagagerie-MaroquinerieLe métier traditionnel du cuir a progressivement évolué. La France acquiert une partie de ses cuirs traités à l’étranger, en vue de la fabrication des produits finis en France ou, à leur tour, sous-traités à l’étranger. La maroquinerie représente, pourtant, un secteur porteur depuis les années soixante-dix, assimilé à un accessoire de mode, conduisant les femmes à une mutation progressive de leur attitude et de leur acte d’achat dans ce domaine. Un article de cuir (sac, bagage, ceinture…) est un accessoire de mode, accompagnant un vêtement suivant les saisons et les circonstances.

Tableau N°5 : MaroquinerieChiffres clés du secteur (année 2003)

Entreprises de 20 personnes et plus Nombre d’entreprisesEffectif employéChiffre d’affaires Hors Taxe (M€)Investissements corporels totaux (M€)Productivité apparente du travailTaux d’exportation : EXP/CAHT (%)Taux d’investissementTaux de valeur ajoutéeTaux de marge : EBE/VAHT (%)Taux de profitabilité

Source : SESSI, Enquête Annuelle d’Entreprise, 2005

Figure N°4 : Le sac à main, toujours porté par le luxe

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Production totale : 1097 millions d’euros

Source : SESSI-CNC, Enquête de Branche, 2003

2.4 La ModeTableau N°6 : VêtementChiffres clés du secteur (année 2003)

Entreprises de 20 personnes et plus Nombre d’entreprisesEffectif employéChiffre d’affaires Hors Taxe (M€)Investissements corporels totaux (M€)Productivité apparente du travailTaux d’exportation : EXP/CAHT (%)Taux d’investissementTaux de valeur ajoutéeTaux de marge : EBE/VAHT (%)Taux de profitabilité

Source : SESSI, Enquête Annuelle d’Entreprise, 2005

Le secteur de la mode se compose de plusieurs activités :

La Haute CoutureIl s’agit de l’activité la plus ancienne du monde de la couture, cette profession est composée des Maisons de Couture qui se consacrent à la création de modèles présentés chaque saison (deux saisons par an) aux acheteurs et à la presse internationale. Ces modèles originaux seront répétés à la commande et effectués sur mesure, pour chacune des 2000 clientes dénombrées dans le monde entier, soit environ17 :

- 50% de clientes américaines17 Allérès Danielle (2005) Luxe… Stratégies marketing, Economica

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- 25% de clientes du Moyen-Orient- 22% de clientes européennes (hors France) et asiatiques- 3% de clientes françaises

La haute couture fonctionne comme un laboratoire de recherche, invente des modèles inédits, utilise et assemble des matériaux nouveaux et des coloris différents.

« La haute couture est devenue aujourd’hui à la fois un laboratoire de recherches, d’idées, de créativité, de renouvellement du style, d’expérimentation, une source d’inspiration pour le prêt-à-porter, un lieu où se perpétuent les techniques traditionnelles et un formidable investissement d’image. Elle ne rapporte pas mais elle fait vendre. Elle est une merveilleuse vitrine. Les collections présentées à Paris, déplacent, deux fois par an, plus d’un millier de journalistes du monde entier. Ce sont autant d’articles de journaux, de photos, d’images, de reportages télévisés, d’interviews qui montrent et font parler de la marque. Plus efficace que n’importe quelle campagne de publicité ».Gisèle Prévost, Voyage au pays du luxe (ancienne directrice de la communication chez Chanel)

Le Prêt-à-porterTenant compte de l’évolution des modes de vie (avènement d’une nouvelle classe nantie et active) et des styles de vie (multiplication des voyages, simplification de l’habillement et de la parure…), la haute couture s’est diversifiée, en déclinant son activité d’inventeur, de créateur d’idées nouvelles et en simplifiant ses modèles (matériaux moins nobles, lignes plus sobres…), en vue d’une fabrication industrielle ou semi-industrielle, produite en série : le prêt-à-porter.

Les Créateurs de modeNouvellement apparus dans la profession, les créateurs de mode s’apparentent à l’activité de la haute couture pour la recherche de fabrication de vêtements de qualité très soignée, destinés à une clientèle intermédiaire, nantie, internationale et active. Les créateurs de mode ne réalisent que des modèles de prêt-à-porter et leurs déclinaisons (accessoires : foulard, bijoux, maroquinerie…).Les créateurs de mode présentent, également, leurs collections aux acheteurs, à la presse internationale et à leurs clientes en salon.

Couturiers et créateurs de mode procèdent de trois façons : - soit ils réalisent eux-mêmes leurs modèles dans leurs ateliers propres ou des

usines leur appartenant.- soit ils réalisent les modèles prototypes, puis les « toiles » et les « patrons »

des modèles et les confient, accompagnés des matériaux nécessaires, à des façonniers, qui réalisent la fabrication des modèles en série.

- soit ils réalisent les modèles prototypes et confient la fabrication des modèles en série à des entreprises de confection, avec lesquelles ils concluent un contrat de licence.

Dans les deux premiers cas, Couturiers et Créateurs assurent la distribution de leurs modèles et accessoires, soit par l’intermédiaire de boutiques exclusives, gérées directement par les Maisons de Couture, de boutique en franchise, ayant passé un

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contrat avec les Maisons de Couture ou de détaillants ou de dépositaires de la marque. Dans le cas d’accords de licences, les modèles fabriqués seront diffusés soit par le Couturier ou le Créateur, soit par le licencié lui-même, tous les produits fabriqués portant la griffe de la Maison.

La présentation des collections, organisées par la Fédération de la Couture, quatre fois par an à Paris (deux fois pour la haute couture et deux fois pour le prêt-à-porter), attire, à chaque fois, plus de 1000 journalistes français et étrangers, soit la plus grande concentration annuelle mondiale des journalistes dans ce domaine. Cela représente plus de 1500 pages de rédactionnel, consacrées à la mode parisienne, enrichies qui plus est de photos de modèles, dans la presse quotidienne, les magazines féminins et hebdomadaires ainsi que plusieurs émissions de télévision (environ 150).Le renouveau de l’intérêt du public pour la mode, dès les années quatre-vingt, et la succession des présentations des collections de haute couture et de prêt-à-porter, suscitent l’attention croissante des médias pour cette profession. Toutes les opérations médiatiques (presse, radio, télévision), menées au cours de ces présentations, sont le meilleur vecteur promotionnel de cette profession.

Cuir & FourrureLe travail des peaux, la création des modèles de confection des vêtements de fourrure sont, également, une tradition française. Les marques mondiales les plus prestigieuses sont françaises et les modèles exclusifs de haute fourrure, sélectionnant les peaux les plus somptueuses, les confectionnant avec les règles de la haute couture sont encore françaises.Toutefois, ce marché a subi, tour à tour, la concurrence de marques étrangères (USA et Italie) et un rejet des utilisatrices pendant une période. Si le marché de la fourrure reprend, notamment en Italie, il reste encore peu marqué en France et souvent seulement utilisé en accessoirisation de vêtements.

Tableau N°7 : Cuir & FourruresChiffres clés du secteur (année 2003)

Entreprises de 20 personnes et plus Nombre d’entreprisesEffectif employéChiffre d’affaires Hors Taxe (M€)Investissements corporels totaux (M€)Productivité apparente du travailTaux d’exportation : EXP/CAHT (%)Taux d’investissementTaux de valeur ajoutéeTaux de marge : EBE/VAHT (%)Taux de profitabilité

Source : SESSI, Enquête Annuelle d’Entreprise, 2005

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2.5 Perspectives de croissance du secteur du luxe

Les perspectives de croissance sont très différentes d’une ligne de produits à l’autre dans le secteur du luxe. Par le passé (1994-1998), la croissance a été la plus forte pour les accessoires de mode et d’intérieur, tandis que la croissance se présentait modérée pour la joaillerie et l’horlogerie, et faible pour les parfums. De même, l’impact de la crise asiatique qui a commencé en 1997 a été différencié : les plus touchés ont été les vins et spiritueux, et dans une moindre mesure les accessoires et la maroquinerie. Pour 1998-2002, les spécialistes tablaient pour un retour des parfums, le maintien de la forte croissance de la maison, et un ralentissement du prêt-à-porter et de la maroquinerie. Ces prévisions se sont avérées exactes dans l’ensemble.

Tableau N°8 : Perspectives de croissance du secteur du luxe, par lignes de produits

Principales lignes de produits du secteur du luxeProduits pour la maisonPrêt-à-porterAccessoiresCuirJoaillerie, horlogerieParfums, cosmétiquesArt de la tableChaussures

www.eurostaf.fr (mai 2004)

Cependant entre 2003-2006, on a pu remarquer un fort ralentissement des produits pour la maison et des arts de la table, la joaillerie-horlogerie apparaît comme un secteur en fort développement tandis que la maroquinerie voit sa croissance accroître. Ci-dessous le schéma nous montre la répartition du chiffre d’affaires en 2005 par secteur d’activité sur le marché mondial du luxe. L’habillement représente la plus grande part du marché avec 32% suivi par les Parfums & Cosmétiques (23%) et les Accessoires (19%).

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Figure Nº5 : Le marché mondial du luxe - Divisé par secteurs d’activité (2005)

Source: Xerfi

Parfums et Cosmétiques

23% du marché total

Parfums et Cosmétiques

23% du marché total

Collections maisons et divers

3% du marché total

Collections maisons et divers

3% du marché total

Accessoires (sacs, chaussures, foulards, lunettes)

19% du marché total

Accessoires (sacs, chaussures, foulards, lunettes)

19% du marché total

Arts de la table

3% du marché total

Arts de la table

3% du marché total

MARCHE MONDIAL DU LUXE

CA 2005 : 146M€

MARCHE MONDIAL DU LUXE

CA 2005 : 146M€

Habillement

32% du marché total

Habillement

32% du marché total

Joaillerie et Horlogerie

20% du marché total

Joaillerie et Horlogerie

20% du marché total

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2.6Analyse PESTELFigure Nº6 : Analyse PESTEL

L’ENVIRONNEMENT

POLITIQUEAujourd’hui les grandes puissances mondiales sont politiquement stables. Les nouveaux pays émergents du luxe que sont la Chine, l’Inde, les Emirats Arabes et la Russie ne peuvent que tirer la croissance du luxe vers le haut. La menace terroriste est diffuse et non frontale et apparaît donc secondaire pour ce secteur.

L’appréciation de l’euro au dépit du dollar a été désavantageuse notamment pour la vente du textile européen.

Environnement politique favorable à la croissance du secteur.

ECONOMIQUELes sociétés familiales et les fondateurs-créateurs indépendants ont été remplacés par des géants mondiaux, de grands groupes aux CA colossaux cotés en bourse et fondés sur un large portefeuille de marques prestigieuses.

Importance des opérations de fusion -acquisition, les mouvements de concentration et de restructuration en vue de constitution d’empires industriels internationaux.

Environnement économique très favorable à la croissance du secteur.

SOCIOCULTUREL Le luxe n’est aujourd’hui plus réservé à une élite et à une clientèle de niche.

Ce secteur s’est ouvert à une cible potentielle très large, il s’est démocratisé, et est devenu dans certains de ces métiers, plus accessible.

LEGALPouvoir de l’état en ce qui concerne la protection des animaux (fourrure).

Volonté de lutter contre la contrefaçon.

ECOLOGIQUEExigence des consommateurs et des pouvoirs publics en terme de produits éthique : priorité au « made in France » à la diffusion du savoir faire et de la fabrication française

TECHNOLOGIQUECette notion de compétence technologique ne s’applique pas à la plupart des métiers du luxe, dont la spécificité repose sur des savoirs-faire traditionnels et sur leur transmission de génération en génération

Certains nouveaux métiers du luxe (partie de PAP, parfumerie, cosmétique) ayant recours à de nouveaux matériaux et à des méthodes de production en séries et massives, doivent leur réussite en partie à une certaine maîtrise technologique.

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3/. Analyse des strategies de developpement

3.1 Les secteurs de développement

Nous allons analyser ici les différents secteurs d’activité utilisés par les trois marques étudiées dans ce mémoire, afin de mieux comprendre leur stratégie de développement.

3.1.1 Les secteurs de développement de Chanel

La Haute Couture : Emblème de la créativité et du style de Chanel, la haute couture reste et restera une activité essentielle. « C’est un budget de communication d’image, un laboratoire d’idées indispensable ».18 La haute couture fait vendre, elle est le fer de lance de dizaines de milliers d’articles griffés (maquillage, mais aussi accessoires, sacs et chaussures) évidemment beaucoup moins chers.

Le Prêt-à-porter : En 1978 est créé le prêt-à-porter Chanel, de manière à rendre le style Chanel, la silhouette de la femme contemporaine, plus accessible à une plus large clientèle. Le prêt-à-porter bénéficie du même héritage de savoir-faire, institué par Mademoiselle Chanel : sélection de matières nobles, exclusivité sur les fournitures, contrôle permanent des modèles réalisés en atelier. Cette attention portée au choix des matières premières et à chaque détail de finition en fait un prêt-à-porter d’exception. « Le luxe, aime rappeler Coco Chanel, c’est lorsque l’envers est aussi beau que l’endroit ».19

La Maroquinerie : Le sac porté en bandoulière fait son apparition dans les collections de Mademoiselle dès 1930. En 1955, elle lance le modèle baptisé 2.55 et par là même crée un style. Le sac Chanel est devenu un produit mythique, connu et reconnu dans le monde entier, que la maison décline chaque saison. Les matières sont rigoureusement sélectionnées. Les sacs sont doublés de cuir rouge, selon une idée de Coco Chanel, de manière à ce que l’on puisse facilement trouver ce que l’on cherche à l’intérieur. Les méthodes allient tradition et technologie avancée.

Les Accessoires : Regroupant les souliers ainsi que les lunettes. Ils sont pensés dans la lignée de la collection du prêt-à-porter.

La Joaillerie & L’Horlogerie : C’est en 1932 que Coco Chanel présente sa première collection de joaillerie offrant tous les signes de l’extravagance : utilisation somptueuse de pierres, thèmes et formes inédits, créations articulées, ergonomiques. Chanel confie la création de ses bijoux à cinq des plus grands ateliers parisiens regroupés au sein de sa filiale Paraffection20, qui réalisent des créations exclusivement faites à la main.

18 Prévost Giselle (2001) Voyage au pays du luxe, le cherche midi éditeur19 Marquand Lilou (1990) Chanel m’a dit… JC Lattès20 Bott Danièle (2005) Chanel : collections & créations, Ramsay

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C’est en 1987 que Chanel inaugure un département Horlogerie, et lance un département Joaillerie en 1993. Et quelque temps plus tard, au 18, place Vendôme s’ouvre en 1997 Chanel Haute Joaillerie un somptueux écrin dans un hôtel particulier. En 2007, pour fêter ses 10 ans, Chanel a décidé de confier au célèbre architecte Peter Marino la création d’un nouvel univers s’inspirant des codes les plus intimes de Mademoiselle Chanel. La nouvelle boutique écrin, entièrement repensée, voit le jour après 9 mois de travaux (photo ci-contre).

La Parfumerie & La Beauté :C’est en 1921 qu’est créé le célèbre Nº5, le premier parfum de Chanel. Vendu dans un premier temps dans ses boutiques de Paris, Cannes, Deauville et Biarritz, le Nº5 connaît un tel succès que la fabrication artisanale ne peut répondre à la demande. En 1924, Mademoiselle Chanel signe un accord avec Pierre et Paul Wertheimer, propriétaires des parfums Bourjois, la Société des Parfums Chanel est fondée cette année-là. Suivront les produits cosmétiques et le maquillage.

Tableau Nº9 : Chanel Parfums et Beauté en France (1er semestre 2006, en valeur)21

PDM Evolution versus1er semestre 2005

Total Marché 8,5% + 7,7%Total Parfums 9,9% + 4,7% dont féminins 11,2% + 4,8% dont masculins 7,7% + 4,5%Total maquillage 11,7% + 13,6%Total soins 3,5% + 17,5%

Source: Chanel

3.1.2 Les secteurs de développement de Dior

Très tôt, Christian Dior a procédé à la diversification des produits de sa marque. Aujourd’hui la marque comprend différentes activités :

La Mode (habillement, accessoires et maroquinerie), principal domaine d’activité stratégique, se découpe de la façon suivante :

La femme : l’ensemble de l’habillement femme est sous la responsabilité de John Galliano.

La haute couture est à l’origine de la marque et existe donc depuis 1947. Cette activité n’est pas rentable et constitue avant tout une « vitrine » mondiale pour les autres produits de la griffe. Le prêt-à-porter lui a été créé en 1967 par Philippe Guibourgé, assistant de Marc Bohan.

21 Cosmétiquemag octobre 2006

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La fourrure se décline sous deux formes : la ligne dite haute couture et celle du prêt-à-porter. Le département de fourrure a été créé en 1948.

Jusqu’à l’arrivée de Galliano, chaque ligne de la marque renvoyait un message différent. Or il est capital pour une marque de conserver une certaine cohésion afin de ne pas déstabiliser le client. Galliano, qui à son arrivée s’était vu confier le stylisme des lignes Femme a su gagner la confiance de la marque. En 1999, il négocie un nouveau contrat qui fait de lui le directeur artistique de Dior Femme. Son rôle ne se limite plus à la seule création des

collections : il supervise désormais la publicité, les accessoires, les bijoux, les boutiques et le merchandising. Sous sa direction, la marque réussit à renforcer les fils ténus qui relient les différentes activités Femme.

L’homme : La ligne Christian Dior Monsieur a été créée en 1970. Aujourd’hui Dior Homme dont l’objectif est d’habiller « l’homme nouveau » avec des modèles plus pointus. Le département homme a été confié au styliste Hedi Slimane de 2001 à 2007.

Dior souhaite mettre l’accent sur le développement de son département masculin. Heidi Slimane, directeur artistique de Dior Homme, a effectué une action similaire à celle de Galliano, vue précédemment. C’est bien là l’unique point commun entre les deux segments. Une rapide analyse des collections met en évidence les différences radicales existant entre les univers des deux créateurs phares.

« Dior renvoie une image schizophrénique tiraillée entre les bimbos-ethnos-techno de John Galliano et les androgynes-rock d’Hedi Slimane »

Cédric Saint André Perrin, journaliste mode22

Depuis mars 2007 c’est le styliste belge Kris Van Assche qui a la qualité de Directeur Artistique de Dior Homme pour les collections de prêt-à-porter et accessoires.

L’enfant : Connue sous le nom de Baby Dior, la gamme a été créée en 1967 à Paris. L’ouverture de la première boutique a été construite pour la princesse Grace de Monaco afin de vêtir ses enfants de la griffe. La marque toujours à l’affût, voit aujourd’hui dans la progéniture de leur clientèle les victimes idéales, le but étant que la famille entière soit griffée Dior.

Les accessoires : On retrouve dans cette catégorie : la maroquinerie, les lunettes, les souliers, etc. Ils sont pensés pour être en accord avec les lignes principales de prêt-à-porter et constituent les outils idéaux pour toucher une clientèle moins aisée et plus occasionnelle.

Les Parfums et Cosmétiques : La société Christian Dior Parfums (1947) et les laboratoires Christian Dior (1955) font partie du groupe LVMH et sont réputés pour les innovations techniques de son département Recherche et Développement dont peuvent également profiter les autres marques de cosmétiques du groupe LVMH. En

22 www.lefigaro.fr

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1955, les parfums Christian Dior lancent une gamme de rouges à lèvres, tandis que la première ligne de maquillage fut lancée en 1969, la première ligne de soins Hydra-Dior fut créée en 1973.

La Haute Joaillerie & Horlogerie : Cette activité créée en 1999 a été placée sous l’égide de Victoire de Castellane. La créatrice s’est plongée dans les archives de la maison Dior pour tirer son inspiration. Des collections faites d’élégance et de créativité. Ce nouveau luxe passe aussi par la discrétion. Ce new-look, version bijoux, dépoussière la joaillerie traditionnelle et présente des créations conçues dans une liberté totale, mélangeant pierres fines et pierres précieuses, quitte à briser les codes conventionnels.

La Maison : Ouverture du département « Cadeaux - Arts de la table », en 1955. Aujourd’hui la production de quelques articles pour la maison s’est développée, mais ce domaine ne reste que marginal.

Tableau Nº10 : Chiffre d’affaires par activités de Christian Dior en 2003

Millions d’euros

Groupe d’activités

Christian Dior CoutureMode et MaroquinerieParfums et CosmétiquesMontres et JoaillerieDistribution sélectiveAutres activités Total

Source: Dior Finance

3.1.3 Les secteurs de développement d’Hermès

Hermès International représente le luxe français par excellence. Depuis toujours, la clé de la réussite de Hermès est l’élégance alliée à la sobriété. D’un chic fou mais toujours discrète, la fameuse marque de luxe est connue notamment pour ses carrés de soie, ses cravates farfelues, et surtout ses accessoires en cuir. Le mythe attaché à la sellerie et à la beauté du cuir a permis à Hermès de se détacher progressivement de ce secteur prestigieux mais limité, pour créer des objets qui dans un premier temps étaient liés au cheval, pour utiliser ensuite sa suprématie sur la soie, et enfin décliner ce savoir-faire dans de nombreux accessoires. La marque, synonyme d’authenticité, joue le luxe à tout crin dans quatorze métiers : maroquinerie, carré de soie, parfums, vêtements, bijoux ou encore arts de la table. Hermès c’est l’amour de l’artisanat, de la qualité et de l’authenticité.

Hermès répartit ses métiers dans sept catégories organisées de la façon suivante :

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La Maroquinerie : Dès l’apparition des premières automobiles, la Maison Hermès se diversifie vers la maroquinerie et la petite maroquinerie, puis la bagagerie. Aujourd’hui il s’agit du secteur le plus rentable de la marque.

Vêtements et Accessoires : Le prêt-à-porter Femme est confié depuis 2003 à Jean-Paul Gaultier, « l’union de la Calèche et du pull marin23 ». Contre toute attente, Jean-Paul Gaultier ne s’inscrit pas en rupture, il puise au contraire dans les racines de la marque et tente de respecter le leitmotiv de Jean-Louis Dumas.

« Jean-Paul est un camarade de route, son parcours est porté par la créativité, la fantaisie, la qualité de coupe. Je n’ai pas joué ça comme un coup de pub ou, pis un piège ! J’attends de lui, et c’est égoïste, le plaisir de voir un Hermès sublimé, transfiguré par une lecture nouvelle de nos matériaux ».

Jean-Louis Dumas, ancien PDG Hermès24

Le prêt-à-porter masculin lui est dessiné par Véronique Nichanian. Les chaussures pour femme sont fabriquées en France et en Italie et celles pour homme sont fabriquées en Angleterre.

La Soie : Les premiers carrés de soie sont créés en 1937. Hermès est d’ailleurs le plus grand fabricant de soie de Lyon, et cette soie est d’ailleurs encore et toujours lavée dans l’eau du Rhône : une tradition bien ancrée dans l’histoire de l’entreprise25. Les modèles parés de chevaux seront particulièrement populaires auprès de la reine Elisabeth. Depuis 1937, Hermès a édité plus d’un millier de motifs.

« Le carré Hermès, objet aussi mythique que le flacon de Nº5, n’a jamais été égalé ni en qualité ni en réputation. Il continue à représenter 637 millions de francs de vente en 1999, soit 10% du chiffre d’affaires du groupe Hermès. Et pourtant le marché du foulard est en pleine déprime. Rapporté au prix de chaque carré, cela fait environ 425 000 foulards par an, près de 1200 par jour, 50 par heure, soit pratiquement un foulard vendu chaque minute dans le monde. Sans perdre ni son âme ni son prestige, l’objet symbole

du luxe, réputé unique et inusable, s’est formidablement démocratisé ».

Gisèle Prevost, Voyage au pays du luxe

L’Horlogerie : La tradition horlogère d’Hermès remonte aux années 1920, où son talent de sellier s’illustre sur des montres à bracelets de cuir finement ouvragés, et où son style s’adapte facilement aux valeurs des objets « gardiens du temps ».

23 www.l’express.fr « Hermès est sous son aile » Guillaume Crouzet 23.03.0624 Le Point, « l’œil du maître » 8 avril 200425 Marseille Jacques (2000) France terre de luxe, édition la martinière

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Longtemps Hermès a vendu des montres créées et fabriquées spécialement par les plus prestigieuses manufactures. En 1978, Hermès s’établit en tant que maison horlogerie et fonde, à Bienne (en Suisse), la Société La Montre Hermès SA. Installée dans le berceau traditionnel de l’horlogerie suisse, l’entreprise bénéficie de l’esprit qui fait la renommée de cette région. Sa créativité parisienne donne naissance à de nombreux modèles qui assurent un développement important et continu.

Les Parfums : Tout a débuté par une rencontre ; celle d’Emile Hermès et d’Edmond Roudnitska. Les parfums Hermès ont commencé « en ouvrant un sac Hermès où flottait l’arôme d’un parfum, d’une note de fine peausserie enrobée de frais effluves d’agrumes et relevée d’épices… ».26 C’est ainsi que l’inspiration vint à Edmond Roudnitska qui allait signer l’Eau d’Hermès. Dix ans plus tard, de la rencontre entre Jean-René Guerrand, gendre d’Emile Hermès, et le parfumeur Guy Robert naissent Calèche, puis Equipage. Enfin c’est à l’aube du XXIe siècle que se situe la dernière rencontre décisive : celle de Jean Claude Ellena, aujourd’hui parfumeur exclusif de la maison.

« Notre credo, c’est grandir plutôt que grossir. Nous nous inscrivons dans la durée, en prenant le temps de bien faire les choses. Nous plaçons la qualité avant tout et nous nous attachons à l’excellence dans le moindre détail : les bons résultats ne sont pas une finalité en soi. Je suis persuadée que dans un marché encombré, la seule voie, c’est d’affirmer sa singularité. Notre maître mot est le métier, où l’on mise en premier lieu sur la création interne et sincère portée par le parfumeur de la Maison ». Catherine Fulconis, directrice générale des parfums Hermès27

Les Arts de la table : Comprenant la Table Hermès, les Cristalleries de Saint Louis et l’Orfèvrerie Puiforcat. La porcelaine de la table Hermès est fabriquée à Limoges.

Les autres métiers Hermès : Regroupant la bijouterie, la petite maroquinerie (agendas) et l’art de vivre.

Le groupe a réalisé un chiffre d’affaires de plus de 1,4 milliard d’euros en 2005, en hausse de 7,2%. L’ensemble des métiers du groupe a affiché un taux de croissance positif en 2006, et plus particulièrement les parfums et la soie.

Tableau Nº11 : Répartition du Chiffre d’Affaires Hermès par métiers

MétiersSacs et BagagesVêtements et Accessoiresféminin, ceintures, émail, bijouterie cuir, gants, chapeaux, chaussures HermèsSoieAutres métiers Hermèsagenda, petite maroquinerie, art de vivreHorlogerie

26 www.art-et-parfum.com « Souvenir pour toujours par Jean Louis Dumas : hommage à Edmond Roudnitska » 27 Cosmétiquemag juin 2007

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ParfumsArts de la table

Source: Hermes International 2005

Figure Nº7 : Carte représentative du poids moyen des métiers d’Hermès

Source: D'après l'étude publiée par XERFI : "HERMES : Dynamique du groupe et de ses activités - Environnement concurrentiel et perspectives stratégiques", décembre 2006

4/. Les outils pour préserver l’identité de marque de luxe

Pour entretenir le mythe, les marques de luxe, toutes confondues, utilisent différents outils liés à leur histoire. Nous verrons ici les codes spécifiques utilisés dans l’univers du luxe.

4.1 Les valeurs fortes de l’univers du luxe

4.1.1 Comparaison avec le sacré Déjà, Louis XIV, qui n’a été ni le seul ni le premier, faisait étalage du luxe à des fins idéologiques. Dans toute l’Europe de l’époque, il s’agissait de signifier l’alliance avec Dieu, et rien n’étant trop beau pour lui, rien non plus ne devait pouvoir égaler ou surpasser le roi et la reine en richesse visible. De là, on rencontre aujourd’hui encore, le caractère sacré du luxe, des signes évidemment dénaturés mais facilement repérables. Comme en démontre l’utilisation du vocabulaire religieux :

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l’insistance du luxe à parler de son « âme » est l’indice le plus visible. Evidemment avec un nom commençant par Dieu et finissant par or, Dior ne pouvait que régner sur le luxe à la française.

« Chez Dior, la mythologie nobiliaire continue de faire des ravages. Non seulement les fauteuils médaillons Louis XVI n’ont pas disparu des salons de l’Avenue Montaigne, ni des publicités pour la joaillerie, mais si derrière la mythologie nobiliaire il faut voir autre chose que le goût pour les décors d’époque, si elle comporte toujours une dimension religieuse, alors on la retrouve bien lisible dans le nom d’un récent parfum maison (J’adore), et encore plus lisible dans la multiplication de badges et de tee-shirts arborant en grosses lettres la mention « J’adore Dior ». De l’ostentation à la vénération, la boucle est bouclée »M.C. Sicard « Luxe, mensonges & marketing »

Notons également, la façon dont la presse rend compte des défilés de haute couture est révélatrice, il n’est question que de « cérémonie » ou de « rituel ». Certains lieux sont jugés de « temples », tels le Faubourg Saint Honoré pour Hermès, ou la rue Cambon pour Chanel.

4.1.2 L’utilisation des couleurs Le luxe porte ses couleurs, prédilection pour le noir et blanc, associé parfois à l’or, superposées comme elles le sont souvent sur l’emballage des parfums, les sacs monogrammés, ou les enseignes de certaines boutiques.

Chanel est particulièrement attaché au noir et blanc, couleurs présentes dans toutes les collections de la marque. L’or ruisselle partout, jusque dans certains parfums, pensons à J’adore de Dior, où une femme se plonge dans un bain d’or rappelant la couleur du jus du parfum, sans oublier la chaude lumière dorée irradiant le parfum 24 Faubourg de chez Hermès. Les couleurs enveloppent les visages, les flacons, les objets dans nombre d’images publicitaires.

4.1.3 La parenté avec l’art Le luxe revendique une parenté, voire une parité avec l’art. Les couturiers, les joailliers, les verriers sont tous présentés comme des artistes. Le mot « génie » est celui qui revient le plus souvent pour désigner les « créateurs » des maisons de couture en particulier. Ceux-ci ne se privent d’ailleurs pas de puiser leur inspiration dans la peinture, par exemple, comme ce fut le cas pour Chanel qui travaillait directement, presque sur un pied d’égalité, avec Cocteau, Diaghilev et Picasso. Et on explique l’inspiration créatrice de Christian Dior par sa fréquentation des artistes de l’entre-deux-guerres.

En juin 2007, John Galliano a célébré le 60e

anniversaire de la création de la maison Christian Dior en proposant une collection de robes Haute Couture évoquant les artistes préférés du couturier et inspirées de leurs

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œuvres (voir photos ci-contre). Une nouvelle façon de rendre hommage aux grands maîtres de la peinture, tels que Rembrandt, Picasso, Monet, Renoir ou Goya, et ainsi faire perdurer l’alliance entre l’art et le luxe.

Cette tendance lourde du luxe à flirter avec l’art et le monde des artistes est frappante. Nombre de créateurs de haute couture sont d’ailleurs considérés comme tels eux-mêmes. Au premier rang d’entre eux, John Galliano, à propos duquel Bernard Arnault dit qu’on est « à la limite d’une véritable création artistique », limite même carrément franchie quand, interrogé sur le caractère choquant de certains défilés, il ajoute : « Les grands artistes, les vrais, ont toujours surpris. Prenez les peintres du 20e siècle, prenez les grands musiciens : Stravinsky a été hué. Au départ, ils sont critiqués parce qu’ils surprennent »28. C’est donc le grand avantage des collections de John Galliano chez Dior, ne rien y comprendre, ce qui permet de les présenter comme géniales, le génie étant, comme on sait, toujours incompris.

« L’accès aux créations de John Galliano, chez Dior, est à peu près impossible sans une solide culture de mode, qui seule permet d’apprécier les mélanges de citations historiques ou géographiques dont ses collections fourmillent ».

M.C Sicard, Luxe, Mensonges et Marketing

Le projet de créer va donc bien au-delà de la simple innovation : il s’agit de se réclamer d’une authentique intention artistique. « L’univers de l’art où chaque œuvre par définition, est unique et en tire toute sa valeur ».29 Ainsi s’explique la mythologie du sur-mesure, particulièrement frappante dans la couture (mais qui existe ailleurs aussi) : une robe faite sur mesure, par définition, est unique, ou du moins plusieurs fois unique selon le nombre de clientes qui l’ont commandée.

4.1.4 L’intemporalité L’immortalité ! Bien sûr, on n’ose pas trop employer le mot, on lui préfère celui d’intemporalité. Mais celui-là, on en use et on en abuse dans le luxe. Le luxe aime échapper au temps et le dire. Hermès, dont l’intemporalité est une valeur proclamait « une montre Hermès a tout son temps », signature accompagnée, pour que les choses soient encore plus claires, d’un petit dessin figurant la célèbre calèche tirée par un cheval que son cocher, à pied l’air rêveur, tient par les rênes. Le Nº5 de Chanel, créé en 1921 (plus de quatre-vingt cinq ans) est intemporel. Coco Chanel parlait « d’une mode qui va et d’un style qui reste ».30 Corollaire : « Le vrai luxe n’a rien à voir avec la mode, il est éternel ».

« Quand vous lui parlez de mode, le président de Hermès, arrière-arrière-arrière petit fils du fondateur, prend sous son bureau un sac à dépêches, un des plus vieux modèles de la maison, et vous rappelle qu’il est toujours numéro un des ventes au Japon »

Claude Vincent & Philippe Monnin, Guerre du Luxe

28 Capital Tentation (décembre 2007) « le luxe selon Arnault & Galliano »29 Allérès Danielle (2006) Luxe…Métiers et management atypiques, Economica30 Floch Jean Michel (1993) L’indémodable total look Chanel, Institut Français de la Mode

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Chanel, a trouvé le moyen de créer d’innombrables variations sur le fameux tailleur en tweed et sur ses accessoires, de manière à conserver un pied dans la tradition et à en avoir un autre dans une modernité en perpétuel renouvellement, comme en témoignent les produits « éphémères » des cosmétiques de la marque. Cependant l’éphémère a ses limites et de nombreuses marques les contournent en rééditant des modèles anciennement à la mode, comme certains sacs logotypés chez Dior.

4.1.5 Le respect des traditionsLe respect des traditions, la plupart des maisons de luxe classique et moderne la pratiquent et la revendiquent, même quand elles ne remontent qu’à quelques dizaines d’années. Les folies de Galliano chez Dior s’inscrivent dans la tradition de scandale que Christian Dior a inauguré avec le New Look.

4.1.6 Une position de supériorité Le luxe campe sur une position de supériorité et de mise à distance. Les boutiques à la porte desquelles il faut sonner pour être admis, les gardes à l’entrée des magasins, l’uniforme impeccable des vendeurs, leur politesse appliquée, les vitrines et les décors faits pour être admirés sans qu’on y touche. C’est aussi bien entendu les produits, non seulement on ne peut pas les prendre en main soi-même, mais quelquefois on ne peut tout simplement pas les comprendre. C’est le regard assuré de la jeune personne qui vous regarde de haut, ou ne vous regarde pas, dans les boutiques. C’est encore ce même regard qui vous toise souvent dans les publicités, ou le nom d’un parfum masculin de Dior (Higher) qui vous le rappelle.

Cependant Le luxe classique sait aussi raconter des histoires : les contes publicitaires d’Hermès se succèdent, comme les histoires de Shérazade auxquels font penser ses vitrines, sans jamais se ressembler. C’est une bonne façon de se maintenir dans une position de complémentarité vis-à-vis de l’auditoire, au lieu de faire peser sur lui une supériorité qu’il est de moins en moins disposé à accepter par principe.

4.1.7 Les trois thématiques : l’œil, la main et l’îleThématiques particulièrement remarquables dans le monde du luxe. L’œil et la main, relevant de la même symbolique, ils appartiennent à l’artisan et sont réputés infaillibles. De John Galliano, les gens chez Dior disent qu’il a « l’œil absolu » ou bien que « l’œil du maître est partout » jusque dans les plus petits détails, une bride de chaussure, un certain bouquet de fleurs, l’angle de prise de vue pour une photo publicitaire. De même, il n’est pas un ouvrage ou un site Internet consacré à une marque de luxe qui ne comporte pas au moins une image de main occupée. Hermès a consacré une exposition et une campagne entière de publicité au thème de la main : c’était à la fois celle de l’artisan (elle tirait une aiguille et portait un dé) et celle du client (elle était gantée de cuir orange). Cette campagne s’est prolongée par celle du geste (« Le geste à la parole »).

Ce qui est frappant c’est la fréquence de ces mots et de ces images évoquant l’œil ou la main dans le discours et donc l’imaginaire des marques de luxe. Or derrière

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l’œil et la main, et au-delà de leur signification apparente, se cache le même symbolisme : celui du pouvoir suprême (Sacré & Supériorité).

« Hermès est une galaxie étrange où règne en premier lieu la loi de la main. On y apprend que la main de l’homme est sacrée. C’est la main qui fait d’Hermès une maison de luxe. Tout est oral, rien n’est écrit, tout s’apprend par les yeux, et la Grande Transmission se vole par le regard. De génération en génération, l’œil parle à l’œil, la main à la main »

Christian Blanckaert, Luxe

La troisième thématique remarquable dans l’imaginaire du luxe est celle de l’insularité. Hermès règne en sommet du luxe à la française, et que dit son président quand il s’agit de définir la marque ? « Comme, le Japon, Hermès est une île 31». Façon de condenser en une formule saisissante le sentiment de nombreuses maisons de luxe : elles sont un petit monde à elles toutes seules, un univers à part, à l’écart du reste, avec ses lois, son histoire et son langage, une tonalité qui se suffit à elle-même. Le mot « monde » revient très souvent. Quand on est à l’écart des autres, il n’y a pas de comparaison possible, on devient soi-même, sa propre référence : « Ce n’est pas Hermès qui est différent des autres, ce sont les autres qui sont différents de nous 32» précise le président de la maison.

L’œil, la main, l’île : le message est clair. Le projet sous-jacent du luxe est de construire un univers clos sur lequel il aurait tout pouvoir de réaliser son idéal. Un monde à l’écart des contingences ordinaires. « On entre en Hermès pour entrer en éternité 33». En somme, un rêve, quelque chose comme une utopie.Notons enfin que le culte de la personnalité créative doit beaucoup, sinon tout, à ce mythe de la souveraineté absolue, surtout dans l’univers de la mode.

Comme on l’a vu, il existe des codes spécifiques que les marques de luxe se doivent d’utiliser pour ne pas perdre leur identité et leur prestige. La diversification engendre une évolution constante et donc un changement important pour les marques de luxe, garder une cohérence avec leur secteur est donc indispensable. L’utilisation de ces symboles permet ainsi de préserver leur souveraineté dans cet univers de luxe et ainsi se diversifier en gardant leur légitimité d’appartenance au monde du luxe.

31 Le Point (2004) « Hermès, l’œil du maître » 8 avril 200432 Le Point (2004) « Hermès, l’œil du maître » 8 avril 200433 Le Point (2004) « Hermès, l’œil du maître » 8 avril 2004

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Partie II   : Stratégie des marques de luxe

1/. Les symboles reflétant l’identité des marques

Après les valeurs du luxe, nous analyserons ici les signes d’identification propre aux trois marques étudiées dans cet ouvrage. Définissons les signes d’identification comme des signes distinctifs au sens où chacun d’entre eux pourrait à lui seul, faire reconnaître le look créé par le créateur et l’identité de la marque.

1.1 Les symboles de Chanel

Dans une perspective historique, il est possible de dresser une liste exhaustive des pièces vestimentaires et des accessoires qui ont été inventés par Chanel, qu’elle les ait créés elle-même ou qu’elle les ait trouvés hors de l’univers de la mode et qu’elle les y ait inscrits. On citera :

Le noir et blanc

Le noir et le blanc sont les couleurs phares du look Chanel. Ces couleurs utilisées par Mademoiselle Chanel sont représentatives de liberté et de modernité, prenons l’exemple de l’escarpin au bout noir crée en 1957, qui grâce à ses couleurs donne une « attaque franche18 » à la silhouette, sol et silhouette sont dissociés. En effet, si le blanc a l’intérêt d’allonger la jambe, l’escarpin ; de par sa forme même, ne cherche pas pour autant à rendre presque imperceptible la transition entre le sol et la jambe. De plus le bout noir présente un intérêt pratique évident quand on se soucie d’avoir ses chaussures toujours impeccables, mais, esthétiquement, il est là pour affirmer la structure fermée de l’ensemble du look.

« Mettez les femmes en noir ou en blanc dans un bal. On ne voit plus qu’elles »

Gabrielle Chanel19

Chanel lance au début dans années vingt « la petite robe noire ». Quel meilleur exemple de création vestimentaire : aussi discrète qu’essentielle, aussi minimaliste qu’élégante, aussi évidente que sophistiquée. Quand une femme est en noir c’est elle qu’on remarque, pas sa robe. Elle condamne les tissus riches, ni

broderies, ni drapé, ni franges, ni paillettes. Une ligne près du corps épurée, dépouillée. Chanel qui aime afficher un certain goût pour la frivolité préconise « l’audace de rien » pour cette robe déjà fétiche. Ces robes invariablement noires, aux lignes toujours simples, Mademoiselle les accessoirise de volumineux bijoux d’or ou de perles en sautoir. On dit souvent que Chanel est la première grande styliste, elle qui très tôt reconnaît l’importance de l’accessoire. La robe noire lui donne

18 Floch Jean Michel (1993) L’indémodable total look Chanel, Institut Français de la Mode19 Marquand Lilou (1990) Chanel m’a dit…, JC Lattès

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l’occasion d’en faire la preuve pour chacune de ses créations. Son art du noir fascine. « Avant moi, personne n’aurait osé s’habiller en noir20 ».

Ce noir, si profondément ancré en Mademoiselle Chanel, auquel elle était si attachée qu’elle l’utilisera dans son appartement en touches de laque intense, brillante, afin de neutraliser l’or, le bronze et le baroque.

Le noir et le blanc représentent avec certitude l’identité Chanel, les couleurs d’une marque, reflétant un positionnement luxe, un souci du détail, de l’élégance et de la simplicité. Dans tous les domaines, le noir et le blanc signent la charte graphique de la marque Chanel. Que ce soit sur les packagings, la décoration des boutiques ou sur tous les produits quels qu’ils soient (vêtements, chaussures, sacs, bijoux, montres, cosmétiques…). «  J’ai dit que le noir tenait tout. Le blanc aussi. Ils sont d’une beauté absolue. C’est l’accord parfait. » Gabrielle Chanel21

Les perles

Peut-on parler de Coco Chanel sans rendre hommage à ses perles ? Elles sont inséparables de son style et de son image. « Seules les perles savent mettre en valeur la peau mate et bronzée, seules les perles font ressortir l’éclat des yeux et des dents blanches. Seules les perles savent capter la lumière à l’infini, illuminer un visage 22». Quand Chanel fait son retour en 1954, Paris se souvient surtout de ses perles, et de ses volumineux bijoux fantaisie. Ils font partie de l’abécédaire Chanel, de ce fameux look. Les perles se mélangent aux diamants dans les créations de haute joaillerie, elles se déclinent également dans le domaine de l’horlogerie. En 2002, la création maquillage Chanel créé en hommage à Coco, une palette de 13 perles à utiliser sur les paupières, les lèvres et les pommettes.

20 Marquand Lilou (1990) Chanel m’a dit…, JC Lattès21 Fiemeyer Isabelle (1999) Coco Chanel, un parfum de mystère, Editions Payot & Rivages22 Marquand Lilou (1990) Chanel m’a dit…, JC Lattès

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Le matelassé

Le matelassé apparaît dans le look Chanel en 1955 lorsque Mademoiselle Chanel estampille un des sacs les plus cultes de la planète, le 2.55, parfait exemple de sa modernité, un nom codifié de son acte de naissance (février 1955), le symbole d’une exigence de design épuré, direct et fonctionnel. Elle vole l’emblématique matelassage (quilting) à losanges aux blousons des lads croisés sur les champs de courses pour donner du corps. Elle innove avec la bandoulière chaîne star, tressée en cuir et laiton doré. Cent quatre-vingts opérations et tours de main signent ce sac icône23. Autant de détails qui montrent la modernité de création de Coco Chanel.

Aujourd’hui le matelassé est devenu un symbole représentatif du look Chanel au-delà des sacs on le retrouve sur les chaussures, les bijoux, les branches des lunettes et même les skis, il est également utilisé pour les cosmétiques.

Le tweed

Le tweed enchante et comble Mademoiselle Chanel, il deviendra son tissu de prédilection. Elle en use toutefois de façon très personnelle : « les tweeds je les fis venir d’Ecosse, j’obtins qu’on lavât moins les laines, pour leur laisser leur moelleux. En France on lave trop. Je demandais aux

maisons de gros des couleurs naturelles24 ».

C’est 1954 que Mademoiselle créa un ensemble féminin en tweed pour son comeback en réaction au new-look de Christian Dior. Bientôt les stars portent toutes les couleurs de Chanel, faisant de la veste en tweed le vêtement-phénomène d’une époque. Jackie Kennedy rend le tailleur de tweed mondialement et tristement célèbre. Le tweed devint ainsi un symbole du look Chanel.

23 Madame Air France (2007) « Chanel 2.55 » Elisabeth Paillié février-mars 200724 Fiemeyer Isabelle (1999) Coco Chanel, un parfum de mystère, Editions Payot & Rivages

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Karl Lagerfeld revisite le tailleur culte en le soumettant à d’innombrables métamorphoses, réalisé dans une palette de tweeds chaque fois différents, sombres ou pastels, chinés, quadrillés, effrangés, lamés... C’est dans les ateliers Lesage que furent testés voilà plusieurs années les premiers échantillons de « tweeds retissés ». « Au départ, souligne M. François Lesage, il s’agit de fils tissés entre eux, qui évoquaient des serpillières de luxe. Aujourd’hui c’est un travail exceptionnel sur le tweed qui est réalisé dans les ateliers de ces broderies Haute Couture, paillettes, plumes, passementerie, et mêmes éclats de cristaux enrichissent à l’infini les tweeds recréant une matière exceptionnelle que Karl Lagerfeld utilise aussi bien pour les collections de Prêt-à-porter que pour la Haute Couture 25». Aujourd’hui on retrouve le tweed pour la mode certes, mais également sur les accessoires et la maroquinerie. Une palette cosmétique en édition limitée a repris le motif du célèbre tissu.

Le camélia

Le camélia symbolise une féminité subtile, androgyne, à l’image de la création de Coco Chanel jusqu’à en devenir sa fleur fétiche. En 1913, négligemment accroché à la ceinture, le camélia fait une apparition discrète. Chanel fait donc du camélia sa signature, un des éléments récurrents de son style.

Mademoiselle ne se contente pas de l’utiliser en simple accessoire, comme souvent dès qu’une forme lui plait, elle s’en empare et l’interprète de façon inattendue dans ses créations de mode. On retrouve

Ainsi le camélia rebrodé et stylisé sur une blouse, puis délicatement posé sur la bretelle d’une robe, traité en bretelle de fleurs pour souligner un décolleté… Parure, ornement, accessoire mais surtout ponctuation d’un style, le camélia fait son apparition officielle sur un ensemble noir en 193326.

En 1938, le camélia devient aussi fleur-bijou. On retrouve dès 1954 la fleur emblématique sur les coiffures des collections Chanel. Essentiel dans les collections de Mademoiselle, le camélia-icône est aujourd’hui indéfiniment décliné par Karl Lagerfeld, qui l’inscrit dans sa création comme un signe d’identification, un « clin d’œil au style ». Il ne cesse d’en détourner le sens, le camélia est présenté dans tous ses états. Le couturier le réinvente, le redessine chaque saison, le recycle de toutes tailles et en tous matériaux. Mode, accessoires, bijoux, toutes les matières (satin, velours, cuir, rhodoïd, toile, tulle, mousseline, tweed…). Piqué sur un tailleur, porté sur les cheveux ou au doigt,

25 Interview de Lesage : film de Loic Prigent (2005) Signé Chanel26 Bott Danièle (2005) Chanel : collections & créations, Ramsay

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incrusté sur un sac ou sur une paire de chaussures, en bijou fantaisie, il est au cœur de toute la création d’accessoires.

Derrière ces camélias, uniques et innombrables, Mr Lemarié, à la tête d’une maison qui porte son nom, est l’un des derniers ateliers-plumassiers. Près de vingt mille camélias sortent ainsi des ateliers Lemarié27, qui font désormais partie de la constellation Chanel. La joaillerie Chanel s’est également inspirée du camélia pour une ligne de bijoux. « Le camélia devient pour l’éternité la fleur-joyau de la place Vendôme28 ».

Depuis 1995, Dominique Moncourtois, directeur de la création maquillage Chanel, imagine un produit ludique et original à chaque collection. Un produit qui revisite les codes et l’identité de Chanel, la création exclusive transforme cet automne 2007 le rouge à lèvres en une palette de quatre petits camélias.

On peut également citer bon nombre de pièces vestimentaires ou accessoires utilisés par Chanel qui représentent son look intemporel :

- la marinière (1913)- le jersey (1916)- le cardigan et les ensembles en tricot (1918)- le pantalon (1920, l’année où elle imposa les cheveux

courts)- la robe noire (1924)- le blaser à boutons dorés et le béret de marin (1926)- les bijoux fantaisies (1930)- le catogan (1958)

Au-delà de la « mode pure », d’autres symboles tels que : des chiffres (Nº5), des formes (rayures), des couleurs (noir, blanc, beige), des motifs (le double C, coromandel), des matières (chaînettes dorées, perles, or) sont omniprésents dans l’identité Chanel.

Karl Lagerfled, directeur artistique de Chanel depuis 1984, jongle et joue avec tous les codes de Chanel : ses sigles détournés, ses couleurs, revues et simplifiées, ses matières réinventées. Bottines lacées, robes à bretelles de chaînes, tailleur à tunique longue, à chaque collection Karl Lagerfeld détourne pour susciter le désir de nouveauté chez la cliente, tout en préservant les signes qui font l’identité de la marque

Chanel.

27 Film de Loic Prigent (2005) Signé Chanel28 Bott Danièle (2005) Chanel : collections & créations, Ramsay

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1.2 Les symboles de Dior

1.2.1 Les styles Dior

Gris Perle & Chaise Médaillon, style néo Louis XVI

Christian Dior a planté au 30 avenue Montaigne un décor style « néo Louis XVI façon Passy 29», signé Victor Grandpierre. Le blanc et le gris Trianon imprimeront dès lors leur référent sur, entre autres sièges, une certaine chaise médaillon, dont l’ovale racé jouera les blasons épurés. En 1997, John Galliano investit les lieux. Et l’architecte américain Peter Marino signe le nouveau concept des magasins Dior. Les médaillons loin de perdre la face, se sophistiquent d’une soie rayée noire et ivoire. Deux ans plus tard, le gris reprendra ses droits.

Sexagénaire, la chaise culte assoit son esthétique intemporelle dans les 215 magasins Dior de la planète. Et enchante par son gabarit mutin l’univers enfant de Baby Dior. Hedi Slimane, à son tour, revoit la copie pour ses assises chez Dior Homme. En bois et cuir noir, radicale, au design minimal, une insolence contemporaine, délibérément virile. Mais c’est Victoire de Castellane, malicieuse directrice artistique de Dior Joaillerie, qui, depuis novembre 2001, miniaturise ce mobilier emblématique. Ses scénographies ludiques habillent les vitrines des 60 boutiques Dior Joaillerie. Le fauteuil médaillon inspire de nombreux accessoires dont les colliers imaginés par John Galliano. Ce printemps-été 2007, le médaillon sort de son cadre en s’accrochant, icône en or blanc, à une gourmette de la collection Chams. En janvier, au défilé Dior Haute Couture été 2007, deux cabriolets de 2x3 mètres, démesurés par Galliano, s’imposaient sur le podium.

Le Cannage, style Napoléon III

Christian Dior réservait aux clients invités, pour les défilés des modèles dans le grand salon de la maison Dior, des petites chaînes dorées de concert à assise carrée en cannage d’époque Napoléon III. C’est un motif géométrique fait de carrés et de diagonales empruntés au travail de tressage de la fibre végétale. Le cannage Dior réalisé en matelassé est omniprésent dans les créations. Ce motif a été utilisé pour la première fois par Marc Bohan, en 1961, sur une robe, puis repris par ses successeurs : en surpiqûres sur les sacs avec le lady Dior (célèbre sac découvert et propulsé par Lady Diana) ou même par John Galliano en prêt-à-porter. Le cannage se décline aujourd’hui sur de nombreux accessoires : montres, lunettes, foulards, joaillerie, et même sur les cosmétiques.

29 Madame Air France (2007) « Médaillon sur canapé » Elisabeth Paillié avril-mai 2007

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2006 était l’année de la « new cannage collection ». On le retrouve aussi sur la façade de l’immeuble Dior à Ginza au Japon.

1.2.2 Les motifs Dior

L’imprimé panthère « jungle »

Christian Dior s’inspira d’un foulard imprimé panthère « jungle », que portait noué à son poignet, sa muse et inspiratrice l’élégantissime Mitza Bricard30. Dès 1947, il utilisa l’imprimé panthère sur une mousseline fluide pour les robes « Jungle » et « Africaine ». En 1949, il acquiert l’exclusivité de l’imprimé panthère auprès de l’entreprise de soierie lyonnaise Bianchini-Férier, pour les vêtements, cravates et foulards. Le motif panthère envahit les mousselines et les taffetas de soie mais aussi les accessoires (ceinture et toque de l’ensemble Sahara, collection Automne-Hiver 1948).

Aujourd’hui, toujours très présent dans l’identité de la marque, on le retrouve aussi bien dans le prêt-à-porter que sur les accessoires et même dans les publicités. John Galliano renouvelle ce style en l’associant par exemple à la dentelle dans sa première collection haute couture pour Dior en 1997. La boutique Dior Joaillerie avenue Montaigne, a le sol entièrement recouvert d’un tapis à imprimé panthère, en hommage au raffinement et à l’élégance de Mitza Bricard qui a fait de l’imprimé panthère un des éléments majeurs de la syntaxe Dior.

Les pois

Selon Christian Dior, les pois ont de multiples qualités. « Chez Dior, on adore les pois31 ». Dès 1947, Dior les déclina dans plusieurs couleurs, jouant sur les diamètres et les répétitions. Le pois est toujours un motif de fantaisie. De par sa grande variété, il illustre parfaitement la continuité entre Christian Dior et ses successeurs.

Le pied-de-poule

Le pied-de-poule, motif purement masculin, sera décliné par Dior sur ses modèles à partir de 1948. Il orne le dessous du flacon et le packaging de son premier parfum Miss Dior. La continuité sera

30 Pochna Marie France (1994) Christian Dior, Flammarion31 Dufresne Jean-Luc (2007) Dior : 60 années Haute en Couleurs, Edition Artlys, Versailles

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assurée par Yves Saint-Laurent et Marc Bohan, ainsi que par Gianfranco Ferré avec son tailleur garni d’un énorme nœud en pied-de-poule pour l’automne-hiver 1989. Une continuité qui passe également par John Galliano, lequel rendra hommage au pied-de-poule dans son premier défilé.

L’imprimé Toile de Jouy

Christian Dior demanda à son ami l’artiste Christian Bédard, d’imaginer un décor très féminin pour la boutique Colifichets Dior. Christian Bédart choisit de gainer les comptoirs et de draper les murs dans une cotonnade d’inspiration 18e siècle « la toile de Jouy » aux motifs pastoraux rouge grenat sur fond écru. La toile de Jouy se retrouve désormais partout en hommage aux origines des maisons.

Le Nœud

Le nœud chez Christian Dior fait partie de la structure même d’une robe, ou peut être choisi comme ornement pour souligner un point important du vêtement : sur un décolleté, une hanche ou l’empeigne d’un escarpin, jusqu’au petit nœud plat décorant le flacon du parfum Miss Dior, que l’on retrouve encore sur les collections de bijoux et de sacs à main.

Le monogramme

Il apparaît pour la première fois en 1951, sur la manche d’un tailleur de la collection Haute Couture. Une broche créée à partir des lettres D.I.O.R superposées et entrelacées formant un monogramme. Ainsi le jeu de lettres en métal est présent sur les bijoux, sacs et accessoires en signature de la marque.

La Toile Logo

Elle fut lancée dans les années 70, alors que les créations des maisons sont dirigées par Marc Bohan. Même si elle n’a pas été créée du vivant de Dior, elle est aujourd’hui le symbole important de la marque. Les quatre lettres en escalier sont tissées dans un jacquard entièrement français en pur coton traité Scotchguard. D’abord marron rehaussé de cuir naturel puis bleu marine et bordeaux, la toile est utilisée pour la création d’accessoires ou de vêtements. Les quatre lettres de la maison de couture sont désormais partout, et la ligne de maroquinerie logo devient très vite un best-seller. Certaines personnes ne jurent que par cette ligne de bagages pour prendre l’avion. La toile connaît un véritable engouement et devient quasiment une icône populaire. Délaissée par son successeur Gianfranco Ferre en 1989, la toile tombe peu à peu dans l’oubli.

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L’arrivée de John Galliano aux commandes de la maison redonne à Dior une nouvelle jeunesse. En 2002, la toile de 1970 renaît dans ses trois couleurs d’origine le marron, le bordeaux et le bleu marine auxquelles il va en ajouter deux nouvelles, le noir et le vert. John Galliano réédite les modèles phares comme le « Polochon » mais adapte également la toile à des formes actuelles comme le fameux sac « Saddle » ou la ligne « Trotteur ». La toile se décline en jacquard tissé mais aussi sous la forme de toile enduite imprimée, en maroquinerie, street wear, lingerie, bijoux fantaisie et même bracelets de montre. Fidèle à l’histoire et aux codes de la maison, John Galliano réinterprète et réinvente la toile logo pour le plus grand bonheur de tous les fans. La collection Printemps-Eté 2004 a été déclinée dans de nouveaux coloris, le rose et le bleu ciel pour la collection Girly qui a été fortement appréciée par les clientes.

Les Initiales CD

On retrouve les initiales du créateur fondateur sur de nombreux modèles.

L’étoile

L’histoire de Christian Dior est enjolivée de nombres magiques, de hasards répétés, de voyantes et d’objets porte-bonheur.Le 18 avril 1946, juste avant de créer sa maison de couture, Christian Dior se promène à Paris et heurte de son pied un morceau de métal provenant d’une voiture à cheval : une étoile en fonte. C’est un signe du destin ! Il se précipite alors chez Marcel Boussac qui lui avait proposé d’ouvrir une maison à son nom et accepte l’offre. L’étoile originale est aujourd’hui conservée au Musée Dior de Granville. John Galliano souhaite faire de l’étoile un symbole de la marque. Dans la collection automne 2004, l’étoile a été déclinée dans toute la collection. En 2005 sort le Parfum Dior Star, un autre hommage, en édition limitée.

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1.3 Les symboles d’Hermès

Le monde équestre

Depuis l’origine, ce sont les thèmes chers à la maison et le métier d’origine de sellier qui nourrissent la création et l’imaginaire des objets Hermès. Le cheval est un des premiers symboles de l’identité d’Hermès. La sellerie étant le métier d’origine d’Hermès, le cheval est donc présent depuis la création de la marque.

Le cheval est le compagnon de l’homme dans ses voyages, il apparaît comme l’instrument de sa liberté. Le cheval est un animal racé, il démontre la beauté et l’élégance de l’étalon. Par la suite, le cheval fut associé au monde du sport chic, notamment avec le polo ou encore le partenariat de la maison Hermès avec les courses de Diane.

Du cheval, personnage central, se décline alors l’ensemble du monde équestre. De nombreuses créations se sont inspirées de cet univers. Le cuir, tout d’abord, corps de métier d’Hermès aujourd’hui. Les motifs équestres sont largement utilisés (sangles, carrosse, étrier…). Les termes du monde équestre nourrissent les créations de la maison, particulièrement pour les parfums (Calèche, Amazone, Equipage…).

Qualité & Tradition

Hermès est fidèle au travail artisanal, en s’appuyant sur le savoir-faire et des matières nobles pour élaborer les articles de la maison. Le contrôle qualité est une étape phare de la conception de tout produit Hermès. Le cuir, la peau et la soierie de Lyon sont les matières les plus utilisées par la marque et reflète particulièrement cette volonté.

Le 24 Faubourg Saint Honoré

Le 24, Faubourg Saint Honoré abrite la maison mère de la marque Hermès. Elle fait partie intégrante des valeurs et de l’identité Hermès. Appartenant à la famille depuis 1880,

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date où les ateliers quittent la rue Basse du Rempart pour le 24 Faubourg Saint Honoré où ils se rapprochent du Paris chic et fortuné de leur clientèle. Ils y resteront jusqu’en 1992, date à laquelle ils seront transférés à Pantin, laissant toute la place à la boutique, aux bureaux et aux vitrines, le 24 de la rue du Faubourg Saint Honoré est le cœur de la maison Hermès.

L’Intemporalité

Les créations Hermès s’inscrivent dans la durée, de par leur qualité comme on l’a vu mais également par la simplicité, la sobriété et le classicisme. La maison Hermès ne se sacrifie pas aux phénomènes de mode, pour une meilleure pérennité de sa marque. Le cheval est d’ailleurs le symbole de cette intemporalité.

Hermès occupe son adresse historique et dispose d’un musée où sont exposés les chefs-d'œuvre de la maison, signes d’intemporalité. Les codes de la marque sont inchangés depuis les origines, le rapport à la sellerie est toujours présent. Les produits Hermès occupent un positionnement de produits éternels qui se transmettent à travers les générations.

Le H

Initiale d’Hermès, le H, telle une signature, est de plus en plus utilisé dans les créations. Le dernier parfum masculin « Terre d’Hermès » voit le fond de son flacon de verre gravé d’un H massif. Récemment pour fêter le premier anniversaire de son parfum, Hermès édite en édition limitée « le flacon H ».

L’Orange & le bolduc

La boîte orange d’Hermès doit sa naissance à un heureux hasard. Avant la guerre, l’emballage est d’un beige chic et consensuel, imitant la peau de porc. Pendant l’Occupation, une rupture de stock oblige la maison à passer à l’orange, couleur la plus approchante. Un orange audacieux, pur concentré d’énergie sur papier grené. Après la guerre, le sellier séduit, le reconduit. L’orange devient dès lors la couleur Hermès32. Aujourd’hui plus de deux millions et demi de boîtes orange iconiques, estampillées du logo et ourlées d’un

filet couleur cuir, servent chaque année d’écrin aux objets quittant les magasins Hermès de la planète. Quelque 700 formats s’ajustent aux références classiques, du plus petit (5cm x 1,5cm) au plus grand (55cm x 38cm).De boîte à rêves, l’emblématique objet se fait aussi boîte à malices dans les grands détournements évènementiels. Comme pour l’inauguration de 2001 du magasin Hermès de Tokyo-Ginza. Mais la boîte orange, si parfaitement minimale et étonnant support de créativité, serait orpheline sans son ruban attachant, le bolduc tissé à l’ancienne, imprimé de la calèche et du point sellier légendaire. Depuis 50 ans, plus de 4 000km de ruban, ont amoureusement scellé les boîtes orange de légende. Pour le mettre en majesté, le ruban surpiqué, emblème de la maison Hermès, est le thème des campagnes de communication 2007 : « le ruban mène la danse ».

32 Madame Air France (2007) « Orange Passion » Elisabeth Paillié août-septembre 2007

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Cette première analyse des symboles représentatifs d’une identité de marque nous montre les outils avec lesquels les équipes marketing travaillent afin d’effectuer le travail de diversification. Pour certaines marques, ces symboles sont des produits phares qui ont marqué par leur succès et ne cesse d’être réinterprétés. Pour d’autres, il s’agit plutôt de valeurs fortes, sur lesquelles se basent chaque création, chaque développement de produit afin d’évoluer dans une continuité cohérente. Quoi qu’il en soit, ces symboles marquent l’identité d’une marque, c’est grâce à eux que la marque est connue et reconnue. Cette liste de symboles riches ne cesse d’être utilisée et réinterprétée. La stratégie de création de toute marque de luxe passe par l’utilisation de ces symboles forts, ils représentent les clés nécessaires au développement de nouveaux produits.

2/. La diversification des marques de luxe

2.1 La diversification selon les marques étudiées

Seules une marque ou une Maison très prestigieuse, telles les marques étudiées ici, peuvent construire le cœur de leur stratégie marketing, en veillant à mettre constamment en valeur l’origine de la Maison, l’envergure de son fondateur et la célébrité de ses créations les plus sélectives. Pour séduire le monde, la clé de la réussite est donc d’avoir une identité forte incarnée par des produits « icônes ». Garants d’une qualité, ils gagnent encore en valeur lorsqu’ils sont déclinés avec audace et inspirent de nouvelles créations.

2.1.1 La diversification chez ChanelChanel a commencé sa diversification déjà au temps de Mademoiselle Coco, les accessoires (sacs, chaussures, chapeaux…) et les bijoux fantaisie faisaient partie intégrante du look Chanel. Une diversification au sens propre du terme ne sait donc jamais ressenti dans l’esprit du client, Mademoiselle Chanel avait tout inventé, une tenue nécessitait l’accessoire qui va avec, et il était impensable de ne pas avoir la « panoplie ». Puis vint le parfum, en 1921, le célèbre Nº5 qui finira d’habiller la femme Chanel.

Aujourd’hui la diversification s’est agrandie aux produits cosmétiques et au maquillage. Depuis 1995, Dominique Montcourtois, directeur international de la création maquillage Chanel33, imagine un produit ludique et original à chaque collection. Un produit qui « revisite les codes et l’identité de Chanel ». Après Ors, sa toute première création, les ombres à paupières Jeans et Coromandel, le blush Perles ou encore 33Cosmétiquemag octobre 2006

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l’embellisseur Tweed, la création exclusive transforme, en automne 2007, le rouge à lèvres en quatre petits camélias.

« Que ma légende fasse son chemin, je lui souhaite bonne et longue vie » Gabrielle Chanel34

C’est donc cela, le secret de la diversification chez Chanel. Utiliser les codes de la marque pour développer de nouveaux produits, faire preuve de créativité mais en gardant toujours cette même cohérence d’identité de marque. Plonger dans l’âme de la marque est relativement aisé, surtout dans une maison comme Chanel, car Coco est restée aux commandes plusieurs décennies, assez longtemps pour graver dans le marbre des codes simples et puissants qu’un styliste comme Karl Lagerfeld n’a plus qu’à décliner en les modernisant de temps en temps. La très méthodique et très méticuleuse Chanel a décodé sa marque et transmis ses codes noir sur blanc.

Cet équilibre entre tradition et modernité, entre image et rentabilité, est tendu mais indispensable : il conditionne chaque décision de diversification, d’acquisition ou de création. Afin de préserver l’image et l’esprit de la marque, les icônes et les valeurs de Chanel sont clairement identifiées et représentent l’une des sources principales d’inspiration.En 1987, Chanel inaugure le département horlogerie et lance, dix ans plus tard, en 1997, le département haute joaillerie de la maison. Une diversification stratégique pour Chanel qui entend, grâce à ces nouvelles activités, pérenniser les ventes de la marque pour le XXIe siècle.Cependant il arrive que Chanel joue le jeu de la diversification, sans état d’âme, en commercialisant par exemple un coffret de boules de pétanque (1235 euros), intégrant ainsi le domaine du sport, dont l’écart est si grand avec l’univers de la marque que celle-ci ne peut le justifier qu’au nom d’un snobisme bien assumé.Dans la même collection « sportive », on trouve une combinaison de ski, une tenue

d’équitation ou encore une tenue avec palette d’accessoires pour le tennis (quatre balles siglées pour 160€), des palmes noires et blanches accordées à une planche de surf au double C. Gabrielle Chanel, il est vrai, fut la première à décliner dans ses collections de vêtements et d'accessoires l'esprit du sport Pour la coupe du monde de rugby, Chanel développe un ballon en caoutchouc grainé noir et blanc, signé du logo de la marque. Une version « collector » en cuir peut être réalisée sur commande pour la modique somme de 130 euros. Le dernier en date, sorti en janvier

2008, le vélo Chanel. Sur ce vélo, on trouve un grand nombre d'accessoires, trousse à outils (ou de maquillage), sacoches, pompe, housse de selle ou carter, tous en cuir matelassé. Ces éléments ont été minutieusement réalisés par les ateliers de la marque et sont ainsi agrémentés de la fameuse chaînette. Vélo commercialisé pour 8900 €.

34 Marquand Lilou (1990) Chanel m’a dit… JC Lattès

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L’esprit Chanel, c’est donc d’utiliser la marque dans toutes les situations avec humour et frivolité, toujours dans un souci de modernité.

2.1.2 La diversification chez DiorDior utilise une stratégie de diversification liée qui consiste à un développement vers de nouvelles activités qui présentent des points communs avec les activités existantes. Cette stratégie se traduit donc par la création d’activités qui sont véritablement des vecteurs de croissance. Le lancement de ces activités annexes vient compenser des secteurs dont les ventes sont moins fortes. Aujourd’hui ces activités viennent renforcer les activités historiques (couture, prêt-à-porter).

La maison Dior a su rester, tout au long de ces années, centrée sur son cœur de marque. Son métier de base est la couture, l’artisanat, le fait main. Plus les années ont passé, plus d’autres lignes de produits se sont déclinées comme la maroquinerie, le prêt-à-porter, la joaillerie, les accessoires et les parfums. Ces extensions de la marque Dior ont été nécessaires pour la survie de la griffe, le plus gros du chiffre d’affaires ne se fait pas sur son métier de base mais sur les accessoires et les licences. Comme le confie Pierre de Maigret35 (Directeur de Christian Dior Suisse), « cette marque est un trésor avec lequel on peut avoir une bonne stratégie de croissance ». Il faut pour cela rester fidèle à ses racines. La culture d’entreprise est restée identique : « on pense toujours très mode, très haute couture, très excentrique ». Ce type de stratégie, si elle permet d’accroître le chiffre d’affaires, peut également se révéler pernicieuse. En effet, la clientèle de base peut être rebutée par la diminution du caractère élitiste et donc se tourner vers des marques concurrentes répondant mieux à leur désir d’exceptionnel. Il faut donc procéder au lancement de ce genre de produit avec parcimonie sous peine de discréditer la marque et donc perdre une partie de sa clientèle d’origine. Il est judicieux d’affecter un arbitrage entre la clientèle que l’on souhaite attirer et celle que l’on possède déjà.

La diversification des marques de luxe constitue un exercice délicat, il est donc fondamental de choisir des segments d’activité en accord avec l’image et les valeurs véhiculées par la marque. Ainsi, il n’est pas surprenant que Dior, dont l’image est celle de l’élégance bourgeoise, crée en 1967 une collection pour les bébés. Il faut donc se prémunir des excès qui pourraient polluer l’identité de la marque, sans pour autant s’enfermer dans une catégorie d’activités qui tendraient à devenir réductrice au fil du temps.

C’est pourquoi, parallèlement à cette stratégie, la marque Dior exerce un contrôle renforcé sur ses licences. Une politique de non-renouvellement des contrats s’organise en accord avec le maintien du positionnement par l’image que le groupe cherche à conserver. En effet, Dior est en train de diminuer le nombre de ses licences qui ont atteint le chiffre impressionnant de plus de 300 licences différentes au début des années 90. Elle a, par exemple, récemment mis fin au contrat de licence concernant la lingerie et les maillots de bain qui la liait au fabricant SIL basé à Nevers afin de procéder elle-même à leurs fabrications. Elle intègre ainsi la production de ses produits. Dior diminue de même ses franchises afin de regagner le contrôle de l’ensemble des produits portant le signe « CD ».

35 Capital Tentations (Décembre 2007) « Le luxe selon Arnault et Galliano » Jean Noël Gurviez

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2.1.3 La diversification chez HermèsDès l’apparition des premières automobiles, la maison Hermès se diversifie de son métier de sellier vers la maroquinerie et la petite maroquinerie, puis la bagagerie. Cette diversification se poursuit vers d’autres secteurs d’activité, au nombre de quatorze : bijouterie, horlogerie, orfèvrerie, ganterie, soierie, couture, parfumerie, les arts de la table. Puis Hermès étend son activité vers la porcelaine et la cristallerie.

L’excellence des modèles fabriqués repose, principalement sur le maintien des procédés de fabrication traditionnels artisanaux et le refus de vente de licence. Quoi qu’on en dise aujourd’hui Hermès serait mort s’il ne s’était pas diversifié dans les accessoires en cuir, puis dans les foulards en 1937 et les cravates en 1949, et s’il n’avait finalement pris, dans les années 1980, le tournant que l’on sait et qui lui a si bien réussi. Jean-Louis Dumas, ancien directeur de la maison, y est pour beaucoup. Il a su redynamiser les activités de la soie, du cuir et du prêt-à-porter tout en développant de nouveaux métiers aux techniques traditionnelles. Il est très fidèle aux méthodes artisanales instaurées par ces prédécesseurs et a tenu avant tout à donner un nouvel élan à la maison, tout en gardant son âme. L’entreprise s’affirme dans sa singularité d’entreprise industrielle se nourrissant des valeurs artisanales de ses métiers. Jean-Louis Dumas a instauré une idée d’intemporalité ; les produits Hermès traversent les années, les générations, les tendances et les modes. Il porte beaucoup d’attachement à la qualité du produit et au travail artisanal.

« Il croit à la cohésion entre les créateurs, les artisans et les gestionnaires » Gisèle Prévost, Voyage au Pays du luxe : parlant de Jean Louis Dumas, Ancien PDG Hermès

Prenons l’exemple des parfums Hermès qui au fil du temps conservent jalousement une inspiration très forte d’originalité et une grande liberté d’auteur.

Depuis l’origine, ce sont les matières, les thèmes chers à la maison et le métier d’origine de sellier qui nourrissent la création et l’imaginaire des parfums Hermès. Calèche, Equipage, Amazone… les noms évoquent l’univers équestre, et si le premier parfum, Parfum d’Hermès (1984) adopte un nom signature, son flacon arbore un anneau en forme d’étrier. Rocabar (1998) est la contraction des mots « rug » et français « à barres » qui désignent la couverture à bandes de couleur recouvrant les chevaux. Avec 24 Faubourg, le parfum rend hommage pour la première fois au métier de la soie, avec son flacon dessiné par Serge Mansau qui s’inspire d’un carré de soie en mouvement. Mais les parfums Hermès évoquent avant tout le flacon lanterne, celle des fiacres. Le dessin de la calèche d’Alfred de Dreux, illustrateur du XIXe siècle, est devenu l’emblème des étiquettes. Depuis 2002, ce flacon et son bouchon (façon casque de polo), modernisés, ont été progressivement adoptés comme modèle pour les parfums désormais historiques, à commencer par Calèche. Ainsi, Hermès parfumeur est une des rares maisons à continuer de commercialiser tous ses parfums disponibles, non dans leur contenant d’origine, mais dans ce qui est devenu un flacon emblématique.

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« Il s’agit d’une belle histoire de parfumeurs qui ont pu s’exprimer en toute liberté, en utilisant des produits de qualité. En tant que parfumeur d’Hermès, je suis garant de ce passé. Je m’engage sur la qualité et sur une approche créative. Je ressens cette liberté comme une grande responsabilité qui m’implique complètement, car ce sont les valeurs de la maison qu’il s’agit d’exprimer. » Jean Claude Ellena, Parfumeur de la maison Hermès36

Le tout dernier parfum féminin d’Hermès, sorti en septembre 2007, Kelly Calèche respecte les valeurs de la maison. Un nom qui sonne bien, comme une évidence puisqu’il est le fruit de deux des plus beaux métiers d’Hermès : celui du cuir, à l’origine de la marque et celui du parfum. Une histoire de patrimoine revisitée ; du sac à main créé en 1930, et qui devient « Kelly » à la fin des années 50, il a le touret qui libère la buse du spray et les plaques métalliques du célèbre sac. Hermès entretient son histoire, par une communication, très identitaire, qui met en scène une amazone

moderne : vêtue d’un pantalon de cuir et de bottes cavalières, elle marche une chambrière sur l’épaule, son flacon Kelly Calèche enroulé dans la flamme… comme le fruit de sa chasse. La boucle est bouclée. L’image de Kelly Calèche est celle d’une femme qui a de l’allure, décidée, qui trace sa route, comme celle du symbole d’Hermès, le personnage qui conduit sa propre voiture attelée.

«Peut-être aussi, instinctivement, sait-on que virer de bord signifierait la fin d’une belle histoire ! Mais comment avoir l’audace de continuer, dans le monde d’aujourd’hui, à choisir les plus belles peaux, les matières les plus extraordinaires, les artisans les plus talentueux, les emplacements les plus onéreux ? Comment avoir l’audace de rester dans le vrai luxe ? L’audace de poursuivre, d’étonner encore plus, d’inventer toujours, de conserver la liberté de dire, de créer, l’audace de faire appel à des créateurs connus ou inconnus, décalés, différents, l’audace de leur donner du temps pour réussir car il faut du temps pour convaincre, l’audace de vendre ce que l’on aime, et pas nécessairement ce qui plaît, ou ce qui rapporte… » Christian Blanckaert, DG Hermès International37

2.2 Les garanties de la diversification des maisons de luxe

Si une Maison a une notoriété très établie, traditionnelle, quasi mondiale ; la continuité de la production ou de la création de très beaux objets, très raffinés, très esthétiques ou originaux suffit au maintien de la marque parmi les plus grandes et l’appartenance de la Maison au monde du luxe inaccessible.

Toutefois, si une marque de luxe perdure, elle le doit, à la fois à ceux de ses produits et objets qui sont le cœur de sa marque, qui ont fait son succès, qui deviennent des références intemporelles (Nº5 de Chanel, le sac « Kelly » d’Hermès…) et à ses nouvelles créations, conformément à l’esprit de sa marque, qui enrichissent son image. Dans ce cas, les nouvelles créations résultent d’une certaine adaptation à l’évolution de la clientèle traditionnelle ou d’un ajustement avec un style de vie lui-

36 Cosmétiquemag juin 200737 Blanckaert Christian (2007) Luxe, le cherche midi

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même en mouvement, mais ne sont jamais le fruit d’une segmentation forcée du marché, nécessitant une politique de communication forte, afin de drainer la clientèle adéquate. Le succès des marques éternelles n’est pas le résultat d’études scientifiques d’analyse des marchés et de la clientèle, mais une bonne connaissance de la classe sociale concernée, de ses attentes et de son style de vie.

Les produits de luxe dit inaccessibles échappent totalement à une analyse rationnelle de leur courbe de vie. Tandis que plus abondants, les produits de luxe intermédiaires, destinés à une clientèle très ciblée, en évolution plus rapide sont conçus plus rationnellement. Ils sont à la fois créatifs et fonctionnels, suffisamment rares mais en nombre limité pour rassurer le choix des acquéreurs, assez intimistes pour flatter les désirs de distinction, mais aussi des marques reconnues pour consolider la recherche de prestige.

2.3 Préserver l’image et le prestige

Dior a bien senti l’évolution des mentalités en lançant sa ligne de joaillerie en 1999, cas exemplaire de marketing s’il en est. Le parfum, Allure, chez Chanel, a bénéficié de toutes les études de marché et d’opinion nécessaire avant son lancement. Mais chut ! Il faut le faire sans le dire, si l’on veut entretenir le mythe d’un luxe, noble et inspiré où la création jaillit spontanément et doit donc se dérouler à l’abri de toute considération bassement commerciale.

On ne peut imaginer de produits de luxe conçus à partir de seuls résultats d’études. L’apport du créateur ou le tour de main de l’artisan sont l’essentiel, et le marketing du luxe devient davantage un marketing de l’offre que de la demande. En fait, les études de marché peuvent s’avérer nécessaires au succès d’un produit de luxe. Mais elles interviennent pour d’autres raisons et à un autre moment. Elles sont un complément, elles ne sont pas une condition.

« Dans les études sur le luxe, on s’efforcera donc de comprendre et de ressentir plutôt que de mesurer, de confirmer plus que d’explorer » Christian Blanckaert, Les chemins du luxe

2.4 L’exemple de la haute parfumerie

Le laboratoire allemand SYMRISE, qui crée des parfums pour les plus grands noms du luxe et notamment Dior, a récemment effectué une étude sur la haute parfumerie. En effet, les marques de luxe cherchent aujourd’hui à renouveler avec la parfumerie de grand luxe, de par les matières premières utilisées pour leur jus mais aussi par une nouvelle manière de créer. Pour répondre à cette demande, SYMRISE a donc effectué une étude pour connaître les attentes de cette nouvelle tendance et ainsi orienter les parfumeurs dans ce sens, leur laissant ainsi une plus grande liberté de création et de choix des matières38.

Figure Nº8 : The Aristocratic Luxury

38 Conférence SYMRISE, présentation d’Isabelle Vachetais responsable des études marketing Symrise

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Source : Présentation étude marketing SYMRISE

Comme le montre ce graphique, le luxe à évoluer. Passant par plusieurs phases, le vrai luxe est aujourd’hui un luxe d’exclusivité. « Il y a dans le monde une clientèle de 11 millions de personnes très fortunées, qui ont besoin d’un luxe plus inaccessible, qui relève de l’expérience. Elles souhaitent des créations exceptionnelles et exclusives, être accueillies dans des boutiques particulières où le personnel sera à l’écoute de leur moindre désir ».39 Comme l’explique Laurent Boillot, PDG de Guerlain, l’avènement depuis quelques années d’une clientèle de plus en plus riche, désireuse d’une offre et de services auxquels ne peut prétendre la distribution sélective dans son ensemble, a changé la donne.

Pour répondre à cette nouvelle demande, Hermès, Dior, Chanel et consoeurs ont choisi de recréer du luxe au sein du luxe en proposant des collections exclusives de parfums en haute parfumerie et en mettant en place un réseau de magasins en propre, seul moyen de maîtriser la distribution et la mise en scène de cette offre.

Hermès a donc crée Les Hermessences, des eaux de parfum spécialement créées par le parfumeur de la marque Jean-Claude Ellena, inspirées des thèmes forts de la maison. Pour Chanel, Les Dix Exclusifs représentent des anciens parfums réédités qui avaient disparu. Enfin chez Dior, sortis fin 2007, les trois amphores de La Collection Particulière ont été créées spécialement par John Galliano pour fêter un double anniversaire : les 60 ans de la maison et les 10 ans de création de John Galliano. Chaque parfum est un hommage à une muse, un mannequin qui a incarné le style Christian Dior. De plus La Collection Particulière revisite le flacon amphore réalisé pour Miss Dior (premier parfum de la maison).

39 Cosmétiquemag N°84 (décembre 2007-janvier 2008)

Mass

Masstige

Hype

2000’sXIXe 80’s50’s

LocalAristocracy

DemocracyBourgeoisie + Middle

class

Show-offLuxury

MassificationLife style society

ExclusiveLuxury

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Les boutiques écrins proposent donc une offre d’exception, éditée en série limitée, voire sur mesure, et ne vise donc pas la clientèle habituelle de la parfumerie sélective. Le phénomène est d’ailleurs assez marginal sur un plan quantitatif, Hermès arrivant en tête (33 boutiques en France, parmi les 292 dans le monde), devant Chanel (Les Exclusifs sont en vente dans les huit points de vente français et dans 120 des 240 boutiques monde) et Dior (La Collection Particulière est disponible dans quatre magasins en France et dans une trentaine à l’international). Toutefois il est intéressant de noter que les boutiques de marques ne connaissent pas seulement un succès d’estime. Elles ne sont pas des lieux de passage, mais de destination, dans lesquels les clients entrent pour acheter.

3/. Analyse des strategies de developpement

Retrouvons ci-après, un tableau comparatif des secteurs de développement vus en première partie. On remarque que les trois marques se sont chacune positionnées sur des secteurs d’activités clés tels que le prêt-à-porter, la maroquinerie, les accessoires, ou encore la parfumerie, qui comme on l’a vu précédemment permettent une rentabilité financière rapide et efficace.

Cependant d’autres secteurs d’activités, comme la mode enfantine ou les arts de la table ne sont pas exploités par toutes, en l’occurrence seul Dior et Hermès ont développé leur activité dans ce domaine. Remarquons aussi la présence des trois marques sur le segment de la soierie, cependant seuls Hermès et ses produits sont véritablement reconnus comme références dans ce domaine.

L’étude de ces tableaux nous permet de repérer les secteurs d’activité qu’ils restent à conquérir, sur lesquels des marques concurrentes sont déjà présentes.

Le dernier tableau nous montre justement la diversification d’une sélection de marques de luxes, nous permettant ainsi de voir de façon visible les segments les plus utilisés, les plus concurrentiels mais aussi les plus rentables.

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3.1 Tableau de synthèse : diversification des marques étudiées

Tableau Nº12 : Diversification des 3 marques étudiéesChanel

La haute couture XLe prêt-à-porter XFemme XHommeEnfantLa maroquinerie XLes accessoires XLa soierie XLa haute joaillerie XL’horlogerie XLa parfumerie XLa cosmétique XLa MaisonLes arts de la table

Figure Nº9 : Les secteurs de diversification de Chanel

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Figure N°10 : Les secteurs de diversification de Dior

LAMAROQUINERIE

LA HAUTE COUTURE

JOAILLERIEHORLOGERIE

PARFUMERIECOSMETIQUE

LE PRET A PORTER

ACCESSOIRES

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Figure N°11 : Les secteurs de diversification d’Hermès

LAMAROQUINERIE

LA HAUTE COUTURE

JOAILLERIEHORLOGERIE

PARFUMERIECOSMETIQUE

LE PRET A PORTER

FEMME

HOMME

ENFANT

ACCESSOIRES

LA MAISON

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3.2 Tableau comparatif : diversification des marques de luxe

LAMAROQUINERIE

LA SOIE

HORLOGERIE

PARFUMERIE

LE PRET A PORTER

ACCESSOIRES

FEMME

HOMME

ARTS DE LA TABLE

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Tableau N°13 : Diversification des marques de luxeMarques Mode Maroquinerie Souliers Lunettes Accessoires Joaillerie Horlogerie

Chanel X X X X X X XDior X X X X X X XHermès X X X X X XVuitton X X X X X X XGucci X X X X X X XCeline X X X X XChloé X X X X XKenzo X X X XBurberry

X X X X X

Yves St Laurent

X X X X X X

Givenchy

X X X X X X

Christian Lacroix

X X X X

Jean Paul Gaultier

X X X X X

Ralph Lauren

X X X X

Nina Ricci

X X X X X

Dolce Gabann

X X X X X

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aArmani X X X X X XSonia Rykiel

X X X X X

Marni X X X X X

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3.3 Les stratégies de développement

Les grands groupes du luxe sont tous confrontés à la mondialisation du marché et à une même réalité financière : ces dernières années les lignes qui progressent le mieux, celles qui « font du chiffre », ce sont les accessoires et les montres. Dans toutes les maisons le mot d’ordre est simple : faire des sacs, des lunettes et des montres.

Voici ci-après une anecdote concernant la marque Dior et qui me semble illustrative de la position actuelle des marques de luxe face à la mondialisation.

« Janvier 2000, la collection John Galliano pour Dior est la plus extravagante depuis celle que Christian Dior avait lui-même jetée à la face du monde en 1947 et qui avait fait du couturier, en quelques semaines, une star mondiale. Galliano, styliste en chef pour Dior depuis 1997, connaît l’histoire de la maison sur le bout des doigts et il rêve de rééditer l’exploit du New Look.Jusqu’à ce jour d’hiver, personne n’avait jamais imaginé de faire défiler des sans domicile fixe en hardes de luxe et des malades mentaux engoncés dans des camisoles de force en soie. Chacun d’eux est affublé de « guenilles » dont le prix se chiffre en dizaines de milliers d’euros. Les vêtements sont savamment déchirés et les reprises cousues par les meilleures petites mains de Paris. Les brûlures de cigarettes ont l’air plus vraies que nature et de petits flacons d’alcool en sautoir parachèvent ces panoplies de clochards millionnaires. Jamais la machine « politiquement correcte » ne s’est autant enflammée. Pour faire bonne mesure, Galliano en rajoute, minaude qu’il « aime la décadence » et confie avoir puisé son inspiration sous les ponts de Paris. Comme prévu, le « défilé de la honte » a choqué le monde entier. Les SDF manifestent Avenue Montaigne. Les photos les plus emblématiques ont été partout diffusées dans les journaux, magasines et chaînes de télévision. En quelques jours les noms de Dior et de Galliano sont entrés dans des centaines de milliers de foyers. Une cible certes un peu large compte tenu de la taille réelle de la population susceptible d’acheter un produit Dior, mais la maison peut se permettre un peu de perte en ligne. Sans dépenser un centime au-delà des quelques millions qu’a coûté le défilé lui-même, Dior s’est offert une campagne de publicité mondiale. Galliano dépasse tous ses concurrents par son punch et son imagination. Pour obtenir le même effet par voie publicitaire, la maison aurait dû se délester d’au moins 100 millions d’euros. John Galliano peut être content. Les ordres de Bernard Arnault étaient clairs : faire parler de Dior par tous les moyens. Bien sûr, ce n’était pas écrit noir sur blanc sur le contrat d’embauche, mais une simple conversation avec le patron de LVMH, l’homme le plus puissant du luxe mondial, avait suffi à convaincre l’anglais ». Stéphane Marchand, Les guerres du luxe

Les extravagants défilés de Haute Couture que signe John Galliano tous les six mois ont pour objectif prioritaire de faire parler de la marque pour vendre des sacs et des lunettes au plus grand nombre.Cependant si on engrange beaucoup plus de dollars en vendant des sacs, des montres et des lunettes, pourquoi diable les grands groupes se ruinent-ils en organisant à haute fréquence de coûteux défilés de prêt-à-porter ou de Haute

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Couture ? Tout simplement parce que ces catégories de produits sont les deux faces d’une même médaille. La croissance interne passe par la diversification. Les maisons de couture ou de prêt-à-porter, qui doivent supporter des coûts importants pour se maintenir à flot et financer des défilés voyants, se lancent dans les accessoires pour accéder à des profitabilités supérieures.

« Ceux qui ont continué, envers et contre tout, à coudre pour l’amour du vêtement se retrouvent, proies fragiles, face à des groupes qui ont démesurément grossi en « faisant » du sac à main et de l’accessoire »Stéphane Marchand, Les guerres du luxe

Le cas de Dior est édifiant. Pour enrayer le déclin provoqué par les ventes décevantes de son prêt-à-porter, la marque s’est lancée avec un succès remarqué dans les accessoires pour lesquels le ratio entre prix de vente et coût de fabrication peut atteindre de fabuleux sommets.

Les marques de maroquinerie, elles, souffrent du problème exactement inverse. A l’abri de leurs confortables marges, elles risquent de s’étioler. Elles ont besoin de ce qui leur manque le plus : la visibilité. Une marque de sacs aura beau conduire autant de campagnes de publicité qu’elle voudra, ses sacs resteront des sacs, des objets inanimés, sans âme. Dans un marché aussi concurrentiel que le luxe, l’obscurité, c’est la mort. Faire du prêt-à-porter, c’est s’offrir une image au travers d’une couverture de presse gratuite. Le prêt-à-porter est capable de donner le cap à l’atmosphère, d’unifier le look, le « style de vie », qui identifiera la marque. Sans compter qu’il crée une relation nouvelle, plus personnelle, avec le client local, par opposition aux touristes qui achètent plus volontiers des accessoires.

Dans certains cas, la diversification dans la mode a rencontré un succès fulgurant. Bien qu’ayant fait leurs premiers pas dans le secteur de la maroquinerie, Gucci et Prada sont aujourd’hui des acteurs de plein droit du prêt-à-porter. Il n’est d’ailleurs pas exagéré d’affirmer que Tom Ford et Muccia Prada, respectivement stylistes des marques Gucci et Prada, deux créatifs venus du sac à main, font aujourd’hui partie des stylistes les plus influents du monde de la mode. Il en est de même pour Hermès, qui en s’associant avec Jean Paul Gaultier s’est offert une crédibilité dans le monde du prêt-à-porter.

Mais attention, même si la diversification apparaît comme une obligation du marché, il ne faudrait pas croire que la diversification est un art facile. Mieux vaut la doser soigneusement. Si un fabricant de sacs et de chaussures se lance sans prudence dans la mode, les avantages de la visibilité risquent d’être vite neutralisés par les « fashion risques » liés à la versatilité du public et à la difficulté de dégoter des stylistes assez doués pour se renouveler sans cesse. Les coûts de cette diversification ne sont pas négligeables. Pour vendre du prêt-à-porter, il faut des magasins plus grands, car les vêtements prennent plus de place, et des vendeurs mieux formés, puisque vendre une robe est autrement plus difficile que de vendre un sac.

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Pour l’instant, aucune marque de mode, à l’exception de Chanel, n’est encore parvenue à bâtir une ligne autonome d’accessoires qui soit plus qu’un complément de son prêt-à-porter.

Hermès représente également une diversification industrielle rondement menée. Grâce notamment à son envoûtante mythologie, à l’heure de la communication toute puissante, la force de Hermès, c’est d’être une identité avant d’être une image. Aujourd’hui la maison est sortie depuis longtemps du « sac de cuir/carré de soie ». Parfums, chaussures, arts de la table, bijoux, tissu : la liste des diversifications est longue. Quand les ventes de carrés de soie fléchissent, ce qui est le cas depuis plusieurs années, la forte hausse des ventes de montres et de bijoux vient combler le manque à gagner. Cependant, l’image de marque est si cruciale (elle représente sans doute plus des trois quarts de la capitalisation de la maison) que chaque initiative est pesée. Le parfum dans toutes les autres grandes maisons sert de pompe à finances, mais Hermès ne peut se le permettre sous peine de ternir son blason. Aux Etats-Unis, par exemple, alors que la plupart des grands noms sont présents sur des milliers de portes. Le parfum ne représente que 5% du chiffre d’affaires d’Hermès, une misère, mais ce sacrifice est vécu comme une médaille d’exclusivité. Hermès n’utilise ni service du marketing, ni études de marché. En ce qui concerne la concurrence, Jean Louis Dumas (ancien président de la société) ne perd pas une minute à se comparer à Vuitton, Gucci ou Prada, mais il veille, noblesse oblige, à ne pas paraître condescendant. Hermès est également devenu une machine à innover. On a beau tenir aux traditions, le renouvellement est impératif si l’on veut intéresser les rédactrices de mode.

La diversification dictée par la mondialisation touche toutes les maisons de luxe, de la plus populaire à la plus majestueuse.

4/. Hypothèses et dispositif de preuves

4.1 Hypothèses de départ

Pour aborder le dispositif de preuves, rappelons ici les hypothèses de départ.

Comment les marques de luxe peuvent-elles se diversifier sans engendrer la perte de leur identité ?Hypothèse 1 : La diversification chez les marques de luxe va s’essouffler. L’extension de gamme engendre une perte d’image qui aura des répercussions négatives sur la clientèle. Obligeant ainsi les marques à se focaliser sur leur métier d’origine en délaissant les métiers de diversification.

Hypothèse 2 : Les marques de luxe se diversifient toujours plus dans un souci de rentabilité financière et dans le but de conquérir une nouvelle clientèle. L’univers de marque s’étend à de nouveaux secteurs du luxe, permettant le croisement de technologies et d’innovations, l’apprentissage de nouveaux métiers, le développement de nouveaux débouchés.

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Hypothèse 3 : Les marques de luxe se diversifient vers de nombreux domaines d’activités même au-delà du secteur du luxe lui-même. Cela implique de toucher une clientèle beaucoup plus large, dans un but de rentabilité certain quitte à délaisser la population nantie (clientèle d’origine) et engendrant ainsi une certaine démocratisation du luxe.

Jusqu’où les marques de luxe peuvent-elles se diversifier sans engendrer la perte de leur notoriété ? Pour répondre à cette problématique, nous aborderons la question comme suit : Les marques de luxe peuvent se diversifier sans engendrer la perte de leur identité jusqu’au moment où...?

Hypothèse 4 : IMAGE (perceptions que les clients ont de la marque)Où la marque perd sa clientèle d’origine, la population nantie. La clientèle ne consomme plus les produits de la marque car elle ne retrouve plus la haute qualité et le prestige. L’extension de gamme engendre une perte d’image qui a des répercussions négatives sur la clientèle.

Hypothèse 5 : VALEURS (valeurs essentielles que la marque véhicule, ce qui fait son identité)Où la marque ne respecte plus son histoire d’origine, reniant ainsi ses valeurs et son identité. La diversification engendre l’extension de la marque vers de nouveaux secteurs, éloignés de son métier de base, sans communes valeurs.

Hypothèse 6 : CODES (codes utilisés par la marque pour appartenir à un secteur particulier)Où la marque n’est plus reconnue comme marque de luxe. Elle ne respecte plus les valeurs et les codes du luxe. Son positionnement n’est plus clairement défini dans l’esprit du client. On parle dès lors de démocratisation voir de vulgarisation de la marque.

4.2 Dispositif de preuves

4.2.1 Les limites de la diversification

Comme nous l’avons déjà abordé dans la première partie, la diversification et l’extension de marque engendrent un certain nombre d’inconvénients qu’il est important de considérer. En effet un ensemble de risques guette les marques qui s’engouffrent dans les stratégies de diversification et de déclinaison :

perte du caractère imaginaire des marques perte de la valeur mentale des produits banalisation de la marque dévalorisation de la marque dilution de la marque face à la concurrence altération de l’image de marque

Prenons cet exemple frappant du célèbre journal anglais Times40, qui n’a pas hésité à se faire l’écho d’interrogations, hier impensables comme « Qui adore Dior ? ».

40 Times du 31 juillet 2005

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Réponse : les prostitués russes (aucun goût, beaucoup d’argent). Le journal, après avoir enquêté, ne voit pas qui, à part Pamela Anderson ou Paris Hilton, pourrait bien avoir envie d’acheter certains articles : chaussures, sacs, foulards, tee-shirts. Si la haute couture reste à l’abri des critiques, ce qu’on trouve en boutique est qualifié d’«absolute trash», de «shit» et d’«horrors». La seule explication avancée à ce divorce entre la couture et le reste serait que le prêt-à-porter, les parfums, les cosmétiques et les accessoires serviraient à financer les pulsions créatives de John Galliano. La bonne explication, elle, apparaît entre les lignes : ces produits indignes d’une marque comme Dior ne sont pas destinés aux Anglais, mais aux « touristes ». En effet, en Europe, l’Angleterre n’est pas la priorité de LVMH et d’ailleurs la France non plus. En réalité, tout ce « bric-à-brac » de luxe est destiné à l’énorme clientèle des nouveaux riches russes, américains, brésiliens et surtout chinois, qui n’ont pas la culture de mode et la sophistication des Européens et se jettent sur tout ce que nous trouvons vulgaire – les gros logos, le doré, les strass, le tape-à-l’œil.Christian Dior a été, comme on l’a vu, le premier grand couturier à mettre son nom dans les années 1950, sur toutes sortes de produits qu’on n’appelait pas encore « dérivés », et à les vendre dans les grands magasins américains. Mais jusqu’où la marque Dior pourra-t-elle continuer à faire le grand écart ? Jusqu’où sacrifier son image en Europe, en pariant sur l’ignorance de sa nouvelle clientèle étrangère qui n’a pas de préjugés à l’égard de la marque, puisqu’elle ne connaît pas son histoire? Nous sommes en plein cœur de notre problématique.Le piège en tout cas, pourrait se resserrer autour de Galliano : à force d’avoir claironné à tous les échos qu’il aurait la haute main sur tout ce qui porte le nom Dior, jusqu’à la moindre boucle de ceinture, c’est lui qui endossera la responsabilité du discrédit pesant sur une partie de la marque et qui peut assez rapidement se propager à tout l’édifice. On imagine assez facilement qu’en pareil cas, ses jours chez Dior seraient comptés, au profit d’un génie de rechange. Luxe ou pas, dans l’industrie il n’y a pas de pièces uniques ni d’employés irremplaçables.

« La maladie de la diversification l’avait atteint, comme elle en a touché d’autres, et dans le luxe, c’est une maladie mortelle ! »Christian Blanckaert, Luxe

Le développement de la diffusion des produits, lorsqu’il n’est pas pleinement contrôlé par la société de luxe, est générateur de perturbations dans les représentations liées à la marque. Tant que le fondateur d’une marque est aux commandes, tant qu’il maintient le cap, il assure une certaine cohérence, il en est même le seul garant. Du jour où il s’efface, cette cohérence est en danger, voire menacée de mort. Une marque de luxe, tout comme une autre marque, commence vraiment à vivre le jour où elle survit à son créateur. Et ce créateur par définition n’est pas éternel. Or une passation de pouvoir à l’identique est impossible. La recette du succès n’est jamais deux fois de suite la même, parce que même si on maintient intactes les forces, les ressources et les structures d’une entreprise, le contexte change.

Certaines marques ont déjà compris que non, on ne peut pas étirer une marque en tous sens jusqu’à l’apposer sur n’importe quel produit, simplement parce qu’elle porte un nom réputé. De même, d’autres marques réaliseront tôt ou tard que choisir « le » mannequin ou « la » star du moment est une solution de facilité désormais usée jusqu’à la corde, du haut en bas de l’échelle commerciale. Ces petites et

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grandes vedettes ont en outre tendance à « manger à tous les râteliers », si bien qu’on finit par tout embrouiller. Prenons l’exemple frappant de Kate Moss qui pose à la fois pour Chanel, Dior, Yves Saint-Laurent, Burberry mais aussi Rimmel (maquillage de grande distribution).

Notons la stratégie différente d’Hermès sur ce point, car personne n’aurait envie d’un sac Kelly s’il n’y avait pas eu quelqu’un ou quelque chose pour le lui désigner comme un objet de désir. La princesse Grace a joué un rôle de médiateur pour les milliers de clientes qui ont voulu avoir le même qu’elle. La presse a pris le relais pour les autres, qui quelquefois ne savent même pas d’où vient le nom du sac mais savent, par les commentaires des journalistes, que c’est un modèle phare du luxe à la française. Et la princesse Grace, comme Jane Birkin plus tard, qui leur avaient désigné le sac comme objet de désir ? La maison Hermès elle-même, dont la réputation était suffisante pour lui donner une certaine autorité sur ses clientes même les plus célèbres.

4.2.1.1 La Méthode de l’empreinte Marie Claude Sicard, parle dans son livre « Luxe, mensonges et marketing » de la méthode de l’empreinte qui consiste à lister sept composantes, à les mettre en relation les unes avec les autres. Une composante n’a pas plus d’importance qu’une autre. De plus, une marque est un tout dans lequel chaque élément est en relation avec tous les autres. Aucune action ne peut être considérée isolément : c’est ce qu’on veut dire quand on insiste sur la cohérence nécessaire aux marques. Un nouveau parfum chez Dior ou chez Chanel peut et doit avoir son autonomie, mais il ne peut être déconnecté du reste : c’est un système à l’intérieur d’un système plus large, qui l’englobe et lui donne du sens. Ainsi, le nom, la composition, le flacon, le packaging, la typographie et naturellement la publicité du nouveau parfum devront non seulement être cohérents entre eux, mais avec l’univers tout entier de la marque mère.

Plus la diversification s’accroît sur le marché du luxe accessible, plus la concurrence augmente, nécessitant une excellente segmentation du marché en vue d’un Marketing Mix efficace. Réussir un produit de luxe accessible, c’est donc intégrer rationnellement toutes les variables de l’environnement économique, concurrentiel, social et culturel, connaître et anticiper les courants de mode et les tendances et élaborer un concept homogène, résultat d’une analyse scientifique précise de tous ces critères (produit, prix, distribution, communication).

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Figure Nº12 : Processus d’élaboration d’une stratégie marketing scientifique d’un produit de luxe accessible41

4.2.1.2 Le fléau de la contrefaçonIl m’apparaît important de parler brièvement du phénomène de contrefaçon qui est un véritable fléau nuisant à l’image des marques. La proximité esthétique apparente entre certaines contrefaçons et les marques et les produits copiés met en danger, parfois gravement, la notoriété des marques ou l’image des produits authentiques. Essayons de comprendre comment elle se représente. La contrefaçon revêt plusieurs formes, j’en constate trois :

Le pillage classique des produits Presque en temps réel, les produits de luxe sont copiés, et les contrefaçons distribuées sur les trottoirs de New York, Naples, Marrakech, Séoul ou Djibouti. La qualité de la contrefaçon varie considérablement et les copies sont ignobles ou acceptables, selon que l’on achète à Bangkok ou à Tunis. Sept produits de luxe contrefaits sur dix sont français, et les plus copiés sont célèbres, Chanel, Dior et Hermès, les trois marques que nous étudions sont des cibles de la contrefaçon, au milieu d’autres marques françaises telles que Vuitton, Cartier, Rolex, Saint-Laurent… Les contrefacteurs sont installés dans des pays très précis, ils fabriquent essentiellement en Thaïlande, en Corée, en Italie, en Turquie, au Maroc et vendent à Bangkok, en Italie, à Séoul, Taïwan, mais aussi New York et Istanbul. De nombreux pays contrefacteurs apparaissent, le Vietnam concurrence maintenant la Thaïlande et les pays de l’Est commencent à concurrencer la Turquie.

41 Danielle Allérès Luxe, Stratégies Marketing

Elaboration d’un concept cohérent (produit, prix,

distribution, communication)

Analyse de la concurrence

Analyse de l’environnement économique, social et culturel

Concept produit accepté par la

majorité et conforme aux courants de mode et aux tendances

Rapport qualité-prix très étudié

Distribution flatteuse et accessible

Communication claire, précise et très émergente

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L’enregistrement des marques similaires ou parallèles Une seconde forme de contrefaçon encore plus pernicieuse que le pillage des produits existants. Certains pays sont devenus des champions de cette idée. L’Indonésie est bien placée, on y trouve enregistrées la plupart des marques, déposées par des entreprises indonésiennes bien intentionnées. Le pays le plus avancé en la matière est sans nul doute la Corée. Les Coréens sont des spécialistes, ils enregistrent Channel, Chanelle, Chanele, ils ont pensé à Vouiton, Vuiton, Vuitone. Ils ont même imaginé le dépôt d’un sigle, deux ronds, anneaux olympiques, d’aspect anodin, à coller sur un sac (imitation Chanel). Les deux ronds contiennent chacun un petit « clip », et il est recommandé dans la notice de presser les petits clips pour que les deux anneaux puissent aisément se transformer en deux « C », deux « C » entrecroisés qui ne font bien sûr penser à rien, et surtout pas à la célèbre marque Chanel.

Utiliser des produits qu’une marque n’a jamais créésUne troisième forme de contrefaçon, plutôt inédite. En 1995, on trouvait une autre marque, Hermès, installée dans le hall d’un grand hôtel à travers des mouchoirs, objets divers, alors que Hermès n’était pas en Chine et ne souhaitait pas encore y aller. Des hôtels, des restaurants, des magasins portent le nom des maisons françaises ainsi utilisées et défigurées, on voit des ceintures portant le nom de cognacs, des parfums celui des champagnes ! Cette question de la propriété intellectuelle est dès lors devenue une préoccupation majeure pour le luxe français.

La diversification apparaît comme un outil utilisé de plus en plus par la contrefaçon, en effet plus une marque se diversifie plus son offre de produit et large et par conséquent son univers de marque s’agrandit. La contrefaçon utilise cet élargissement pour y intégrer ses propres produits contrefaits. La diversification a donc d’importantes limites et les marques de luxe doivent en tenir compte.

La diffusion des produits, lorsqu’elle n’est pas pleinement contrôlée par la société de luxe, est génératrice de perturbations dans les représentations liées à la marque. La diversification est facteur de développement intéressant pour une marque engendrant qui plus est une rentabilité financière non négligeable pour l’entreprise. Cependant cette stratégie, comme on l’a vu précédemment, comporte un certain nombre de risques et il est important pour une entreprise de ne jamais dépasser certaines limites qui s’avéreraient tout bonnement mortelles pour la marque.

5/. Présentation des études terrain

5.1 Etudes terrain

Afin de confirmer ce qui ressort de cette étude, il est important d’y apporter un aspect terrain en y incorporant l’opinion des professionnels du secteur ainsi que la clientèle des marques étudiées dans ce mémoire.

5.1.1 Etude auprès de la clientèleUne étude qualitative a été effectuée auprès de la clientèle des marques étudiées, grâce à une présentation PowerPoint, particulièrement illustrée (cf ci-dessous), afin

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de connaître la place des codes et des valeurs dans l’univers d’une marque de luxe pour ainsi révéler l’impact d’une diversification dans l’esprit du client.

Quelles couleurs ressortent de ces images?

Quel lien apportent elles aux articles présentés?

En déduisez-vous qu’ils appartiennent à la même marque?

Quelle couleur ressort de ces images?

Quelle marque est évoquée par cette couleur?

La couleur représente-elle le symbole de la marque?

J’ai questionné 4 femmes et 4 hommes, tous clients d’une ou plusieurs des trois marques étudiées.

- 1 femme et 1 homme âgés entre 20 et 30 ans- 1 femme et 1 homme âgés entre 30 et 40 ans- 1 femme et 1 homme âgés entre 40 et 50 ans- 1 femme et 1 homme âgés entre 50 et 60 ans

Les questionnaires ont été effectués entre décembre 2007 et mars 2008.

5.1.2 Etude auprès des professionnels du secteurAfin d’obtenir une opinion professionnelle sur mon sujet d’étude, j’ai eu l’opportunité au cours de ces derniers mois de rencontrer des professionnels du secteur du luxe. La récolte de données s’est effectuée de différentes manières :

Entretiens individuels avec questionnement en face à face o Pierre Guerin : responsable du Master de Marketing du Luxe de

l’ISTEC, ancien PDG de Façonnable, ayant occupé des postes de direction chez Cartier, Loewe et l’AMY

o Jean Pierre Mongon : responsable des activités externes du Master de Marketing du Luxe de l’ISTEC, ayant occupé des postes de direction chez Cerruti, Castelbajac, Lanvin et Courrèges

Réponses à un questionnaire soumis par e-mail o Jean Marc Garel : PDG de Jean Marc Garel (bijouterie haut de gamme)o Ursula Ghandi : Directrice des ventes chez Sonia Rykielo Pauline Cochard : Chef de Produit Développement Soins chez Chanel

Parfums Beauté

Questions posées lors d’une conférence o Christian Blanckaert : Directeur Général de Hermès Internationalo Philippe Le Moult : Directeur des relations institutionnelles chez Christian Dior Couture o Isabelle Vachetais : Responsable des études marketing chez Symrise

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Conversations avec le personnel de vente des boutiques visitées o Boutique Dior Joaillerie, Avenue Montaigneo Boutique Hermès, Faubourg Saint Honoré

Cette partie représente la principale difficulté rencontrée dans ce mémoire, en effet le secteur du luxe est un domaine relativement fermé et à la fois très convoité duquel il est difficile d’obtenir des informations.

Cependant de cette étude qualitative ressort un certain nombre d’aspects qui conforte la problématique de ce mémoire tout en y apportant de nouvelles ouvertures, utiles pour d’éventuelles préconisations.

5.2 Analyse de contenu

Suite aux études terrain effectuées, un certain nombre de points sont ressortis. Cette partie est une présentation brute des résultats obtenus, d’un point de vue qualitatif, regroupés par grandes thématiques.

5.2.1 La NotoriétéLa Notoriété des marques étudiées est un point majeur de l’image de marque. Rappelons que certes les personnes interrogées étaient clients d’une ou plusieurs des trois marques étudiées, cependant les trois marques étaient connues de tous. La notoriété de ces grandes maisons est sans doute liée à leur histoire peut-être mais à leurs produits plus certainement. La publicité, pourtant peu utilisée chez les marques de luxe, est un facteur qui ressort beaucoup de cette étude, notamment pour la connaissance des parfums (produits de luxe s’approchant le plus e la grande consommation). La communication qui entoure la marque et ses produits, cette grande diffusion d’image permet à la marque d’acquérir sa notoriété.Les professionnels insistent sur le fait que la diversification permet une exposition de la marque qui engendre une meilleure reconnaissance et acquiert ainsi une notoriété plus importante.

5.2.2 Les Couleurs La connaissance d’une marque est souvent liée à son nom et dans la plupart des cas à ses couleurs. Sans savoir forcément ce qu’elle représente, la couleur est un mode de reconnaissance pour une grande majorité des interviewés. Le noir et le blanc de Chanel sont évidents pour tous, l’orange d’Hermès reste relativement connu tandis que le gris perle de Dior de moins en moins utilisé est méconnu pour toutes personnes ne connaissant pas l’histoire de Dior (soit une grande majorité).Les professionnels du marketing utilisent les couleurs dans tous leurs développements, elle est la signature d’un produit mais aussi un moyen de reconnaissance et d’association, parfois même instinctive. « Lorsque Chanel a développé sa ligne de soins cosmétiques (activité éloignée de son métier d’origine), l’utilisation du noir et du blanc est apparue comme une évidence ». La couleur est donc la meilleure des signatures pour acquérir notoriété et être reconnu des consommateurs.

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5.2.3 Les Symboles Les symboles d’une marque, aussi nombreux soient-ils sont encore plus spécifiques, appartenant à l’univers d’une marque. Même si certains sont indéniablement connus de tous (le cuir Hermès, les perles de Chanel) ils sont dans l’ensemble beaucoup plus difficiles à repérer sans une bonne culture mode et luxe.Tous les produits sont créés avec comme point de départ une réinterprétation de ces symboles, pourtant cette étude nous montre que la majorité de la clientèle ne les perçoit pas ou en est tout du moins inconsciente.Préserver l’univers d’une marque par une réutilisation constante de ses symboles c’est une chose, cependant peut-être est-il important d’effectuer une meilleure communication afin de les transmettre à la clientèle. Les professionnels quant à eux, parlent d’une diversification réussie lorsque « la diversification s’inscrit dans l’ADN de la marque et dans l’esprit du client. L’univers de marque doit être capable de recevoir cette diversification. Des produits de qualité doivent recevoir un contrôle qualité précis, l’identité de marque doit être repérable, le mix se doit d’être cohérent et homogène ».

5.2.4 L’identité de marque L’identité de marque correspond pour les interviewés à l’univers de la marque, la cohérence entre les produits. Cependant on s’est aperçu que la confusion avec des produits concurrents ou même entre produits d’une même marque est possible. En effet quand Dior sort un rouge à lèvres à l’identique de son dernier parfum, avec pour unique changement la taille du packaging et son utilisation : « on sait que c’est Dior, mais on ne sait pas ce que c’est ».

5.2.5 Les Valeurs du Luxe Les valeurs de luxe sont très importantes pour les personnes interrogées. Pour certains, elle représente une valeur familiale forte, pour d’autre la notoriété de la marque permet l’appartenance à un groupe, ou encore l’identité d’une marque représente une éducation de valeurs telles que le beau et l’authentique.Les professionnels du luxe insistent également sur les codes et les valeurs à respecter pour s’offrir, au-delà de la notoriété, une crédibilité dans ce domaine de qualité et de prestige.

5.2.6 La Diversification Dans l’ensemble la diversification est une action perçue positivement par les clients comme par les professionnels du luxe. Dior a tout de même était cité pour la « démocratisation de ses produits » et la « vulgarisation de sa marque ». Cependant vu le contexte dans lequel ont été faites ces citations il s’agit plus de l’image transmise par Dior que le nombre de diversifications effectuées par la marque.L’important pour tous les professionnels interrogés est qu’une diversification se fasse dans le respect de l’image de marque et de son univers. C’est cette cohérence qui va inciter le client à acheter de nouveaux produits en y retrouvant des codes, des valeurs qu’il affectionnait dans d’autres produits.Une cliente nous a notamment cité l’exemple des Hermessences, parfums exclusifs du 24 faubourg elle a apprécié le parfum pour sa rareté mais aussi le flacon épuré

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recouvert d’un fourreau en cuir jaune, elle l’a ainsi assorti à son dernier sac de la même couleur.

Cette étude terrain nous permet de comparer l’aspect théorique et analytique au contexte professionnel et commercial. En grande majorité, les propos recueillis aussi bien par les professionnels que par les clients confirment nos hypothèses et les premières conclusions tirées de notre analyse. Cette cohérence laisse envisager des recommandations professionnelles et des préconisations en accord avec les problématiques actuelles des marques étudiées mais également pour l’ensemble du marché du luxe.

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Partie III   : Discussion & Préconisations

1/. Validation & justification des hypothèses

1.1 Validation & Justification des hypothèses 

Comment les marques de luxe peuvent-elles se diversifier sans engendrer la perte de leur identité ?

HYPOTHESESLa diversification chez les marques de luxe va s’essouffler. L’extension de gamme engendre une perte d’image qui aura des répercussions négatives sur la clientèle. Obligeant ainsi les marques à se focaliser sur leur métier d’origine en délaissant les métiers de diversification.Les marques de luxe se diversifient toujours plus dans un souci de rentabilité financière et dans le but de conquérir une nouvelle clientèle. L’univers de marque s’étend à de nouveaux secteurs du luxe, permettant le croisement de technologies et d’innovations, l’apprentissage de nouveaux métiers, le développement de nouveaux débouchés.Les marques de luxe se diversifient vers de nombreux domaines d’activités même au-delà du secteur du luxe lui-même. Cela implique de toucher une clientèle beaucoup plus large, dans un but de rentabilité certain quitte à délaisser la population nantie (clientèle d’origine) et engendrant ainsi une certaine démocratisation du luxe.

Jusqu’où les marques de luxe peuvent-elles se diversifier sans engendrer la perte de leur identité ? Pour répondre à cette problématique, nous aborderons la question comme suit : Les marques de luxe peuvent se diversifier sans engendrer la perte de leur identité jusqu’au moment où...?

HYPOTHESESIMAGE (perceptions que les clients ont de la marque)Où la marque perd sa clientèle

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d’origine, la population nantie. La clientèle ne consomme plus les produits de la marque car elle ne retrouve plus la haute qualité et le prestige. L’extension de gamme engendre une perte d’image qui a des répercussions négatives sur la clientèle.VALEURS (valeurs essentielles que la marque véhicule, ce qui fait son identité)Où la marque ne respecte plus son histoire d’origine, reniant ainsi ses valeurs et son identité. La diversification engendre l’extension de la marque vers de nouveaux secteurs, éloignés de son métier de base, sans communes valeurs.CODES (codes utilisés par la marque pour appartenir à un secteur particulier)Où la marque n’est plus reconnue comme marque de luxe. Elle ne respecte plus les valeurs et les codes du luxe. Son positionnement n’est plus clairement défini dans l’esprit du client. On parle dès lors de démocratisation voir de vulgarisation de la marque.

Nous confirmons ici les signaux « repères » où la diversification devient néfaste pour la marque. Ce sont les limites qu’il ne faut pas dépasser pour se maintenir dans un univers global de luxe.

2/. Recommandations

2.1 Recommandations professionnelles

L’évolution naturelle des univers du luxe, de plus en plus diversifiés et déclinés, rend la mise en œuvre de stratégies marketing efficaces de plus en plus difficile. En effet, certains secteurs de luxe, devenus de plus en plus concurrentiels, nécessitent une construction marketing mix sans cesse plus complète, élaborée et performante. Pour cela une stratégie marketing efficace puise dans tous les domaines du marketing :

- un produit parfait ou un rapport qualité-prix parfait- un produit de qualité fiable et un design soigné- une distribution sélective très étudiée- une communication puissante et sélective

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« Seule la satisfaction de ces quatre critères très performants garantit une réussite marketing stratégique et le succès d’un produit ou d’une marque à l’international. »Danielle Allérès, Luxe… Métiers et Management atypiques

Nous allons ici développer deux hypothèses de diversification possibles pour deux des trois marques étudiées dans ce mémoire, à savoir Chanel et Hermès (sachant que Dior a déjà une offre très large). Les secteurs d’activité ont été choisis selon une intuition théorique se dégageant des recherches effectuées précédemment.

Les hypothèses d’extension de marque vont être décrites, succinctement, de la manière suivante :

l’intérêt du secteur l’intérêt pour la marque

Ce qui nous permettra d’obtenir les informations nécessaires pour affirmer ou informer ces hypothèses sans pour autant rentrer dans les détails d’un business plan précis et plus complexe.

2.1.1 Le secteur de la lingerie pour Chanel

2.1.1.1 L’intérêt du secteurSecteur privilégié de l’habillement, le marché de la lingerie pèse au niveau mondial avec plus de 12 milliards de dollars de chiffre d’affaires. C’est une industrie considérable avec des marques prestigieuses à la renommée internationale : Lise Charmel, Nina Ricci, La Perla, Eres, Chantelle, Lejaby, Dior..., autant de marques qui rivalisent d’élégance, de raffinement, de style et de séduction.

Ce sont les Anglaises, adeptes de la lingerie d’intérieur et autres tenues légères pour égayer leurs nuits, qui achètent le plus de lingerie, tandis que les Françaises privilégient la qualité. Mais ce sont les Américaines, qui préfèrent le style « casual » et le confort, qui dépensent le plus. Sur le marché européen, l’Allemagne et l’Angleterre représentent 50% de la consommation de lingerie. La France tient la troisième place dans le classement avec 18% de la consommation européenne, suivie par l’Espagne et l’Italie42.

Du point de vue de la production, la lingerie française est le leader incontestable avec 150 ans d’histoire et une supériorité en terme de rayonnement international. La France est aujourd’hui, le premier pays exportateur de lingerie (devant l’Italie et l’Allemagne), mais elle reste surtout la référence en terme de création et de qualité. Les Italiens sont cependant devenus de sérieux concurrents.

Le marché français : « La lingerie échappe à la déprime du textile »Dans l’univers du textile et de l’habillement, la lingerie garde une orientation positive. Alors que le marché stagne dans ce secteur, les ventes de lingerie féminine continuent de croître à un rythme satisfaisant. Le chiffre d’affaires de 2003 s’élève à 2,582 milliards d’euros, ce qui correspond à une progression de 2,9 % en valeur sur

42 Xerfi

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l’année 2002, les années suivantes l’ont confirmé c’est donc de bonnes perspectives qui s’annoncent43.En 2005, le budget moyen accordé par les femmes à leurs achats de lingerie est de 102,3 euros ; celui-ci a progressé de 2,4 % en valeur sur l’année 2004. D’une façon générale, la segmentation du marché de la lingerie par tranche d’âges ressemble à ceci :

Source : CTCOE 2003

Dans le domaine du luxe un certain nombre de marques griffes se sont lancés dans ce segment telles Dior, Nina Ricci, Prada, Sonia Rykiel, La Perla, Calvin Klein, Armani, Chantal Thomas, Kenzo, Christian Lacroix. Certaines de ces marques offrent une gamme de produits assez large s’adressant ainsi à une clientèle plus vaste, alors que d’autres préfèrent servir un marché de niche essentiellement celui de ces clients fidèles, avec des prix encore plus élevés.

2.1.1.2 L’intérêt pour ChanelComme on l’a vu, le marché de la lingerie féminine affiche une forte croissance et le potentiel de développement, sur le marché français, est bien réel pour les femmes d’un certain âge. Aujourd’hui la créativité et l’innovation sont deux atouts pour stimuler la consommation de lingerie féminine sur les marchés occidentaux, donner une dimension de plaisir aux achats afin d’éviter la banalisation des produits et lutter contre la concurrence à bas prix. De plus, malgré la part croissante des marques de créateurs et des couturiers sur le marché de la lingerie, le créneau luxe reste relativement peu exploité. Les marques se distinguent à la fois par leur positionnement général, leur image et par la stratégie sélective tant à la distribution qu’au niveau des prix. Cependant les résultats des marques de luxe dépendent de l’afflux touristique qui représente la clientèle la plus importante en matière de lingerie de luxe notamment dans les grands magasins.

De plus, Chanel est en possession de la marque Eres et possède donc l’expertise de ce métier. Une telle diversification permettrait à la marque de maîtriser des coûts grâce aux synergies du groupe Chanel qui comporte la marque Erès et les Broderies Lesage.La production des modèles dessinés au sein de Chanel sera confiée à Eres qui possède le savoir-faire spécifique. De la même manière, Lesage va se charger des

43 Xerfi

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broderies qui vont être utilisées sur certains modèles. Comme Eres et Lesage font partie du même groupe, cela réduit également en grande partie les soucis sur la qualité de production.

Cependant, il est vrai que la lingerie n’est pas ancrée dans la tradition Chanel de la même manière que le prêt-à-porter. La marque doit donc se forger une solide réputation pour pouvoir devenir plus qu’une simple curiosité et pour faire sa place sur ce marché très concurrentiel. Notons tout de même que Karl Lagerfeld a déjà fait apparaître au sein de ses défilés des pièces de lingerie (voir photo ci-contre). Il n’y a donc qu’un pas pour le lancement d’une ligne complète.

Actuellement Chanel mène une stratégie de diversification et souhaite être présente sur tous les secteurs de l’habillement. Un

élargissement de la marque sur le secteur du vêtement me semble être une extension naturelle, qui en préservant toujours les codes stricts de la marque, s’avèrerait être légitime. Il faut donc faire preuve de créativité mais en gardant toujours cette même cohérence d’identité de marque.

2.1.2 Le secteur de l’habillement pour enfant pour Hermès

2.1.2.1 L’intérêt du secteurLe secteur de l’habillement pour enfant est en très forte croissance. En Grande-Bretagne il a augmenté de +24% entre 1995 et 2000 alors que le taux de natalité est resté relativement stable. Ce phénomène explique la réaction des marques de luxe qui se sont récemment tournées vers ce créneau lucratif, créant ainsi une vaste offre de produits de luxe pour enfants. Le marché est estimé à 3,28 milliards d’euros par an pour les 12-14 ans et à 825 millions d’euros pour la layette. Les vêtements pour enfants représentent 1 à 5% du chiffre d’affaires de la majorité des marques de luxe selon leur niveau de pénétration dans ce secteur.

La particularité du marché de la mode enfantine réside dans un besoin essentiel de sectorisation par âges. Celle-ci est primordiale car elle permet à l’entreprise de se positionner sur le marché en fonction du produit offert et du prix demandé. Il y a donc la création de quatre principaux segments couvrant les étapes de la croissance de l’enfant : le segment des 0-2 ans où l’enfant n’est encore qu’un bébé, celui des 2-6 ans qui correspond aux tout jeunes enfants, celui des 6-12 ans et finalement les 12-16 ans qui sont les adolescents, adultes de demain.

Ce secteur naissant correspond à une niche où la concurrence se fait sur la différenciation. En effet, chaque marque doit maintenir un style bien à elle pour ne pas être dépassée par la compétition. Actuellement ce secteur se caractérise par un marché oligopolistique où seules quelques marques arrivent réellement à s’imposer (exemple de Baby Dior). Ce marché de niche tend à se concentrer, à cause de sa forte attractivité. La clientèle a déjà été fidélisée grâce à l’offre de produits faite pour les adultes. Il n’y a qu’un pas pour aller vers l’enfant. De plus, il y a un taux très important de renouvellement qui est bénéfique aux entreprises, car les enfants grandissent rapidement et ont continuellement besoin de renouveler leur garde-robe.

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Cette situation est astucieuse et bénéfique aux entreprises qui se lancent dans la confection de vêtements pour enfants car cela leur permet d’augmenter leur chiffre d’affaires. Cette diversification permet d’accroître l’offre sans pour autant modifier la notoriété de la marque. Certaines maisons de couture comme Sonia Rykiel ou Kenzo avaient déjà perçu au début des années 80 les avantages certains de l’utilisation de leur renommée sur un marché détenu à ce jour par Baby Dior. Récemment le secteur a subi d’importantes évolutions suite à un phénomène de croissance car la plupart des créateurs ont décliné une nouvelle offre incluant des modèles pour les enfants dans leur collection qui ont su charmer les parents.

2.1.2.2 L’intérêt pour Hermès « Un élargissement de gamme est possible, ce qui est difficile c’est d’élargir aux métiers. On peut travailler à l’infini en verticalité dans un métier, il n’y aucune limite à l’innovation, à la créativité et à l’expansion » 

Christian Blanckart, PDG Hermès International44

La diversification se doit d’être un élargissement naturel et légitime pour la marque, c’est pourquoi il me semble, cohérent dans une logique d’agrandissement dans le métier du vêtement, d’offrir une gamme de vêtements de luxe pour enfant à l’univers d’Hermès.

Hermès commercialise déjà des objets pour les enfants qui font office de cadeaux de naissance, telles des couvertures à l’effigie du célèbre cheval ou encore des peluches. L’enfant fait partie de l’univers de la marque. La communication s’en inspire d’ailleurs beaucoup avec ces dessins de couleurs que l’on retrouve dans grand nombre de support de pub et particulièrement sur le site internet. Il me semble donc qu’un élargissement à l’habillement pour enfant est une diversification envisageable dans l’univers de la marque.

« Ainsi l’enfant est-il roi chez Hermès, pour conserver une naïveté, un sens du jeu, un amour du déguisement et de la blague, qui ruinent l’esprit rationnel menaçant. La pureté de l’instinct ! Puisse Hermès préserver toujours la place de l’enfant au regard étonné et spontané, encore incapable de raisonner comme l’adulte façonné par son éducation, ses lectures et son époque ! »

Christian Blanckaert, Luxe

Le tout est de respecter les valeurs de la marque. Les objets Hermès portent sur eux la vérité de leur histoire, ils sont enracinés dans une tradition, une culture, une famille et si les pièces rapportées ont le droit et le devoir de modifier le cours de choses, il y a comme une force irrépressible qui dit : « c’est Hermès, ce n’est pas Hermès. »L’objet Hermès est l’expression d’une signature particulière, d’une main, d’un souci de confort et d’une élégance, qui lui donne sa force, son énergie, sa vitalité et fait de

44 Propos recueillis lors de la conférence qui s’est déroulée à l’ISTEC

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lui l’enfant naturel de la maison. L’objet Hermès se reconnaît à son intégrité et non à son prix, il ne transige pas avec la recherche de l’exceptionnel, il vient à point nommé, même s’il se fait attendre plus longtemps que la raison ne l’autorise.La diversification n’existe pas, on y parle d’élargissement légitime, tout est affaire de qualité, de prestige et en aucun cas de rentabilité et de business.

« Il suffirait de quelques grandes décisions pour que le navire Hermès s’engage dans un chenal différent, des magasins concédés partout, des morceaux de la maison transbahutés sans précaution, des produits moins exigeants qui se vendraient facilement parce qu’ils seraient fabriqués ici ou là, en trop grande série, utilisant le sigle de la maison sans se méfier, ou en générant une autre marque un peu moins brillante qui serait la fille de la première… Mais pour aller où ? Pour laisser derrière soi quelle sorte d’héritage ? Certains ont pour dessein de conserver Hermès dans son essence, sa singularité, son éthique très particulière, pour que les générations suivantes ne soient pas déçues et que l’intégrité de la maison soit ainsi préservée et transmise… »

Christian Blanckaert, Luxe

2.1.3 Remarque : justification des choix  Il me semble important d’expliquer plus en détail le choix des secteurs attribués aux marques étudiées. En effet, cette brève présentation nous a montré l’intérêt de ces deux secteurs dans le domaine du luxe, pourquoi avoir effectué l’attribution des marques dans ce sens et non pas avoir fait l’inverse ? Il est tout à fait légitime de se poser la question.

Tout simplement parce qu’une gamme de vêtements pour enfants chez Chanel est tout bonnement impossible. Gabrielle Chanel n’a jamais eu d’enfant et a toujours revendiqué son statut de femme libre et moderne. C’est pourquoi un élargissement à l’enfant chez Chanel ne verra jamais le jour.

« L’école de Chanel a son éternelle Mademoiselle qui a tout compris, tout dit, tout fait mieux que tout le monde et qui est une éternelle source d’inspiration et de motivation »?

Gisèle Prévost, Voyage au pays du luxe

La lingerie chez Hermès reste envisageable mais il ne s’agit pas là d’une extension naturelle. En effet le vêtement étant toujours à la recherche d’une légitimité ancrée dans l’univers de la marque, le lancement d’une gamme de lingerie s’avérerait précoce et maladroit. De plus, la lingerie reflète un univers de glamour et de séduction qui n’est pas les valeurs de la marque Hermès.

3/. Préconisations

3.1 Les enjeux pour les entreprises

Etablir une stratégie marketing efficace, assurant l’émergence rapide d’un nouveau produit ou d’une marque, réclame à la fois, de veiller à l’expansion suffisante du

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produit et au maintien de son image sélective, dans un univers très concurrentiel, en proie à une mutation rapide des courants de mode et des tendances. Toute stratégie marketing émergente assume l’ambiguïté de maintenir l’identité de chacun des produits et de composer l’homogénéité de la notoriété globale de la marque, tout en procédant aux ajustements immédiats nécessaires, en fonction de l’évolution de la concurrence nationale et internationale et des attentes nouvelles des acheteurs potentiels.

Perdurer, c’est représenter des produits et des objets éternels, c’est devenir intemporel et savoir s’adapter, c’est dominer les courants de mode, toujours plaire et être à jamais indémodable, c’est dépasser le champ des codes et des symboles et devenir des références universelles.

Les marques retenues pas les consommateurs de demain porteront, au-delà de leurs produits dont elles sauront traduire la passion, une culture, une poésie, des états d’âme, une liaison nouvelle avec le temps, une jeunesse, une fraîcheur, une folie, une générosité, une philosophie. En bref, le consommateur saura les reconnaître, être unique, soi-même.

Jean-Louis Dumas a galvanisé Hermès, petite affaire devenue si conquérante, si imaginative, il a donné naissance au monde d’Hermès. Un monde en effet. Nulle entreprise n’a su aller plus loin dans la mise en place d’un univers. Il n’existe qu’un seul « monde d’Hermès » et c’est un cas, unique. Qualité, imagination, rythme de création, éclats de rire, clins d’œil, couleurs, vitrines sublimes et changeantes, idées folles, course en avant mais jamais de fuite, respect des frontières, un courage inouï pour mixer les cultures, les imaginations, accepter et tolérer les autres croyances. Tel est le monde d’Hermès, un univers de vérités et d’intégrité, de détails et d’ensembles, un monde reconnaissable entre tous, d’un climat particulier, à Tokyo, New York ou Paris, Hambourg, Rome et Hong Kong. On entre en Hermès, expérience indéfinissable mais inoubliable. On sort des modes pour entrer en « éternité », on touche les éphémères, fruits du travail et de la pensée en apportant la qualité qui traverse le temps. D’autres bien sûr ont un esprit qui rayonne. Aucune autre marque n’a cependant réussi à créer un tel univers.

3.1.1 La difficulté de grandir sans grossirLa difficulté consiste à grandir sans grossir pour les marques qui se veulent les plus belles, les plus luxueuses, les plus raffinées. Grandir sans grossir. C’est là une des clés essentielles pour comprendre le luxe et approcher enfin sa définition. Jean Patou disait « Ne faites rien de laid, quelqu’un pourrait l’acheter ! 45». Grossir c’est exactement cela, vendre, vendre, même si les produits sont laids, ou mal distribués, ou mal présentés. C’est toute la question des licences qui conduisent certaines marques à constater que leur taille est devenue trop grosse… et que tout leur échappe. La course en avant est mortelle, la licence « à tout va » détruit la marque, et certains, célèbres, font marche arrière, reprennent les contrats de licence, ralentissent la course au chiffre d’affaires, pour retrouver l’image de luxe, et revenir dans le cercle magique qu’ils avaient tendance à quitter pour « faire du chiffre ». La définition d’une marque de luxe passe par le contrôle le plus absolu tout au long

45 Marseille Jacques (2000) France terre de luxe, Edition La Martinière

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d’une chaîne complexe de la qualité, qui s’étend de la création jusqu’à l’accueil du client. Plus la muraille de la qualité est subtile et épaisse, plus le luxe est incontestable.Grandir n’est pas si simple, car le grand art est de grandir dans son image, dans son style, dans sa propre cohérence, sans tomber dans la diversification qui fait grossir. On grossit mal dans le luxe, on grandit bien. Les marques les plus fortes sont celles qui ont su rester au cœur même de leur légitimité – et toute sortie est périlleuse. Grossir est mortel, grandir est source de vie, toute la question est d’avoir l’humour et la modestie, le bon sens et le temps de grandir, sans grossir.C’est ainsi que le luxe est travail, recherche, innovation, risque, mélange de passé et d’avenir, renouvellement constant et rapide d’idées, de produits et de services. Les entreprises de luxe ne connaissent ni frontières, ni racisme, elles accueillent toutes les cultures, tous les talents, pour exprimer une maison, un esprit, celui-là même que l’on reconnaît et que l’on attend. Le luxe se renouvelle sans limites par le courage et la beauté.

3.1.2 Les autres segments à conquérirRappelons que le luxe est un secteur regroupant différentes activités. Nous présenterons ici l’une des typologies permettant de mieux analyser ces activités :

Le marché culturel (marché de l’art) Les moyens de transport (automobile, yacht, avions privés) Equipements de la personne (haute-couture, maroquinerie, chaussures,

parfumerie, cosmétiques, horlogerie, joaillerie, bijouterie) Loisirs (croisières, sports de luxe, hôtellerie de luxe) Equipements de la maison (art de la table) Habitat (résidences de luxe, décoration de luxe) Alimentaire (vins et spiritueux, épicerie et restaurant de luxe)

Les marques que nous avons étudiées sont présentes dans le domaine de l’équipement de la personne et des équipements de la maison. Il reste donc encore un certain nombre de segments à conquérir tout en restant dans le secteur du luxe. Cependant ces activités sont éloignées de l’activité principale de la marque, et il est délicat de se diversifier tout en gardant une certaine crédibilité.

Hermès a renoncé à un projet d’alliance avec le tourisme parce qu’il y était difficile d’y garantir une qualité de service à la hauteur de sa réputation.

Prenons l’exemple de Bulgari et Armani qui en se lançant dans l’hôtellerie, certes de prestige, voient une partie de leur crédibilité remise en question. Certains voient dans ce virage une orientation davantage dictée par la rentabilité que par l’enrichissement de l’image de marque. Même si le concept est parfait, la diversification à tous crins a des limites dans le luxe. On ne peut dire oui à tous les produits dérivés. Et l’hôtellerie, même de luxe, reste un métier de services. On est loin de la démarche créative fondamentale du luxe. Et pourtant, la démarche Armani-Bulgari ne semble pas aussi iconoclaste qu’il y parait. Cela reste un investissement raisonnable, les concepts sont cohérents avec leur image de luxe. L’hôtel Bulgari de Milan respecte les codes graphiques du joaillier. Ces hôtels constitueront un bon instrument de communication, utile pour accroître la notoriété. Armani est un créateur : qu’il

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applique ses talents dans un hôtel ou sur un vêtement, cela reste de la création. Cette stratégie ne contrarie pas le cœur de cible et même le conforte dans l’image de créativité des marques et le positionnement haut de gamme.

Bulgari et Armani, forts de leur succès cherchent d’ailleurs à installer leur hôtel au Japon, archipel où le luxe a pris un goût d’éphémère. Les japonais sont en effet à la recherche de nouveaux moments de luxe, « c’est un chemin naturel pour les maisons de mode sur un marché saturé. Les gens qui se contentent d’acheter des produits sont de moins en moins nombreux46 ». Chanel avait été l’une des premières maisons de luxe au Japon à diversifier ses activités en ouvrant, en 2004 à Ginza, un immeuble de dix étages comprenant une salle de concert et un restaurant du chef Alain Ducasse.

« Mais c’est là une démarche marketing ! » dit le luxe classique. « Ce n’est pas notre rôle d’aller vers le public, c’est au public de venir vers nous. Nous sommes dans un marché de l’offre, et non de la demande. Les attentes des consommateurs ne nous concernent pas47 ».

Eh bien, ce sera tant mieux pour ceux qui s’en préoccuperont, et qui tireront la conclusion du fait que le luxe ne se définit pas uniquement par des objets de luxe mais, et pour un nombre croissant de gens, par des moments de luxe. Du fait aussi qu’à la question de savoir ce qu’est le luxe, les gens répondent : du temps, de l’espace, du silence, du bien-être, de l’harmonie. Le luxe de demain sera moins matériel. Cela ne veut pas dire qu’il y aura moins de commerce de luxe, mais que la nature de ce commerce se déplacera en partie de l’objet vers les services. Une chose est sûre, en tout cas : aux métiers de la main, de la création et de l’image devront inévitablement s’ajouter demain les métiers de la relation.

Il faudra innover, mais créer reste d’actualité, et il n’y a pas que les produits à considérer. Les services prendront probablement une part de plus en plus grande : c’est là qu’il faudra faire preuve d’imagination et être à l’écoute des clients.Cette perspective ne sourit guère au luxe classique, pas beaucoup plus au luxe moderne, persuadés l’un et l’autre qu’écouter le consommateur, c’est bon pour les produits de grande consommation, pas pour l’univers du luxe. Tous deux sont d’accord pour considérer, comme le fait Bernard Arnault à longueur d’interviews, que les études ne servent pas à grand-chose, et peuvent tout au plus être utilisées pour vérifier que tout est cohérent dans tel projet de lancement de parfum par exemple (c'est-à-dire dans le cas, précisément, où l’on se rapproche le plus de la grande consommation). Il est exact qu’aucun test ne dira jamais si tel projet sera une réussite ou pas, mais pas plus dans le luxe que dans le mass market. Aucune étude non plus ne peut révéler ce que veut le consommateur, parce que, comme le dit le designer britannique Terence Conran, « les gens ne savent pas ce qu’ils veulent jusqu’au moment où on le leur propose ».

46 Propose de Roy Larke, professeur de marketing à l’Université Rikkyo et éditeur de site internet spécialisé JapanConsuming.com47 Sicard MC (2006) Luxe, mensonges & marketing, village mondial

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Reste que personne ne peut dire à un créateur ce qu’il doit inventer. S’il cherche à être en phase avec son époque, il sait d’instinct quoi faire. Si ce n’est pas le cas, c’est qu’il développe un style, pour lequel il n’a pas non plus besoin de conseils. Mais quand au lieu de travailler sur un vêtement, un objet, on réfléchit sur les services qu’il faudrait inventer, c’est bien différent. Or on a vu que selon toutes probabilités, ce sera un champ à explorer pour le luxe de demain.

Outre cette question épineuse des relations humaines dans l’univers du luxe, il y a aussi celle de la personnalisation. C’est une tendance de fond, et il n’y a pas lieu de croire qu’elle va faiblir prochainement, au contraire. Elle peut passer par le produit, bien sûr, et c’est le plus facile : on peut graver vos initiales sur un flacon de parfum chez Guerlain ou un vase Baccarat, ou encore sur le cuir d’une serviette chez Hermès. Mais elle a encore plus de sens quand elle s’adresse à une personne plutôt que de concerner un objet. Recevoir un coup de fil de la vendeuse de chez Dior qui s’est occupée de vous, et qui vous annonce les pré-soldes ou vous invite à un cocktail de présentation de la nouvelle collection, c’est la personnification simple et bien comprise. Le jour où le coup de fil sera pour annoncer l’arrivée d’un sac parfaitement assorti à la tenue achetée deux ans plus tôt, ça sera encore mieux. Rien de sorcier là-dedans : c’est uniquement une question de gestion des informations. Et les exemples peuvent varier quasiment à l’infini.

De même, il est regrettable que les entreprises de pointe, les transports, l’électronique grand public, l’informatique, l’automobile ou l’aéronautique ne profitent pas de l’expérience des marques de luxe, de leurs talents, des analyses des consommateurs du monde entier. Ne peut-on imaginer, comme l’a brillamment fait Christian Lacroix, les TGV habillés par Dior ou Chanel? La maison Versace signe d’ailleurs le premier intérieur d’un Airbus 319. Une

histoire très couture en noir et blanc. Mais celui d’un engin d’affaires, donc privé.

Hermès a récemment collaboré avec Eurocopter, pour « ré-imaginer » l’un des derniers modèles d’hélicoptère. Comme chaque création que signe la maison, l’hélicoptère par Hermès est un objet rare. Déjà à la pointe de sa technologique le EC 135 d’Eurocopter, a été repensé afin d’offrir un environnement passager confortable et raffiné. Les matières d’Hermès sont là, nobles, chacune travaillées selon les règles et à la couture près48.

Les automobiles de demain seront toutes plus ou moins les mêmes, elles auront quatre roues, d’excellents moteurs et seront d’un niveau technique identique. C’est bien le décor, le confort, l’habitat qui feront la différence. Pourquoi ne pas imaginer des liens étroits entre le « luxe » et les constructeurs automobiles français ? Comment seront habillés les ordinateurs ? Comment seront recouverts les

48 Le monde d’Hermès (2008) N°52 printemps-été volume 1

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téléphones et les consoles de jeux ? Est-ce tellement impensable de joindre ses efforts, de regrouper ses atouts pour construire ensemble une image audacieuse et unique des produits de luxe du futur ?

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Conclusion

La France reste leader mondial du luxe sur des marchés traditionnels et porteurs, sur lesquels elle fut précurseur et présente cette particularité de posséder des marques, grandes maisons composites, s’affirmant sur ces secteurs majeurs.

Leur stratégie d’expansion a toujours été de se diversifier en créant des parfums, des cosmétiques, des accessoires de mode, des produits d’horlogerie et de bijouterie-joaillerie, à partir d’un métier d’origine qui se trouve être ici la couture ou le travail du cuir. Cette stratégie de déclinaisons et de diversifications successives vers des secteurs très porteurs consolide les parts de marché de ces maisons, en même temps qu’elle augmente leur territoire de légitimité et déploie leur notoriété au plan international.

Seules les grandes maisons françaises, très célèbres, telles que Chanel, Dior et Hermès, ont su très tôt étendre leurs activités, en développant leurs ventes à l’étranger et en communiquant sur leur richesse culturelle, à la fois, autour de leurs produits leader, de leurs créateurs ou de leurs dirigeants.

L’exploit stratégique de ces maisons, dans leur champ concurrentiel, c’est de dépasser un ensemble de contraintes, de surmonter les nouvelles menaces et de parvenir à gérer un ensemble de contradictions apparentes ou de paradoxes :

- concilier un haut artisanat d’art et une production industrielle- préserver un haut niveau de qualité et des productions massives et en séries- protéger l’identité des marques et des produits au sein d’une distribution

moderne- assurer l’émergence des marques et des produits dans le respect de leur

identité au sein de campagnes de communication massives et internationales- respecter une stratégie de création/innovation globale, permanente et

exigeante dans un environnement de contraintes économiques et financières grandissantes

Les marques françaises s’imposent dans la stratégie de diversification, par une politique créative élevée, permanente et très originale, permettant à la plupart d’entre elles, surtout les plus célèbres, de bénéficier d’une plus-value émotive ou symbolique, dans l’esprit des acheteurs du monde entier.

« En réalité, les frontières sont là où les clients les inscrivent et si Hermès a pu modifier son périmètre en créant par exemple le métier de la montre, ce n’était pas une diversification mais un élargissement naturel et légitime ».

Christian Blanckart, Luxe

Voici donc la réponse à notre problématique, les limites et les frontières de la diversification ne sont pas fixes, et le périmètre de la marque est modifiable à l’infini tant qu’il reste dans une logique naturelle et légitime.

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Proposer un nouveau produit, c’est définir un concept en corrélation étroite avec son secteur d’activité d’appartenance et avec son niveau au sein de son métier de référence.

Seul un concept solide, correspondant à un besoin ou à un désir bien identifié et susceptible d’occuper un segment ou un sous-segment de marché précis et construit logiquement (harmonie entre le produit, le niveau de prix, le volume de la distribution, la campagne de communication), peut émerger et, s’il se situe dans la mouvance des courants porteurs et des tendances contemporaines, devenir significatif, émerger, s’imposer, puis perdurer.

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Bibliographie

Livres  

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Articles  

Capital Tentations (décembre 2007) « Le luxe selon Arnault et Galliano » Jean Noël Gurviez et Patrice PiquardCapital Tentations (décembre 2007) « Hermès, chez les virtuoses du cousu main » Marie BorgiaChallenges (février 2008) « Le Mystère Chanel » Francine Rivaud et Bertrand FraysseChallenges (mars 2008) « Jusqu’où ira Bernard Arnault » Thierry Gandillot et Francine Rivaud

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Cosmétiquemag (Juillet-Août 2006) «  Saga : Hermès fait ce qui lui plait » Fanny Grégoire Cosmétiquemag (octobre 2006) «  Interview Françoise Montenay, Présidente Chanel SAS » Veronique Viaud et Sabine de SezeCosmétiquemag (juin 2007) «  Interview Catherine Fulconis, Directeur général des parfums Hermès » Véronique Viaud Cosmétiquemag (décembre 2007-Janvier 2008) « Dossier : réinventer le luxe » Fanny GregoireL’Expansion (décembre 2006) « Hermès, la stratégie du pré carré » Chloé Hoorman nº714 Le Figaro (mars 2006) « Patrick Thomas à la manœuvre chez Hermès » Le Figaro Economie (septembre 2006) « Dumas quitte la tête d’Hermès, la famille serre les rangs » Florentin Collomp Le Figaro Entreprise (septembre 2006) « Hermès grandit moins vite que les autres mais l’assume » Florentin Collomp Le Monde (septembre 2005) « Jean Louis Dumas quitte la maison de luxe Hermès qu’il dirige depuis vingt-sept ans » Florence Amalou Le Monde (mars 2006) « Hermès tourne une page de sa prestigieuse histoire » Cécile Ducourtieux Le Monde d’Hermès (2005) Nº47 automne-hiver volume 2Le Monde d’Hermès (2006) Nº48 printemps-été volume 1Le Monde d’Hermès (2008) Nº52 printemps-été volume 1Le Point (avril 2004) « Hermès, l’œil du maître » Les Echos (juin 2006) « Hermès : un nouvel esprit d’équipe » en page 9 Madame Air France (Février-Mars 2007) « Chanel 2.55 » Elisabeth Paillié Madame Air France (Avril-Mai 2007) « Médaillon sur canapé » Elisabeth Paillié Madame Air France (Août-Septembre 2007) « Les filles de l’air » Marie Pointurier Madame Air France (Août-Septembre 2007) « Orange passion» Elisabeth Paillié Paris Capitale (octobre 2007) « 30 Avenue Montaigne, une métamorphose cousue Dior »Paris Capitale (mars 2008) « Karl Kapital: interview de Karl Lagerfeld » Rapport Annuel Hermès 2004Valeurs Actuelles (novembre 2006) « Luxe : vive la french touch » Virginie Jacoberger-Lavoué

Sites Internet  

www.abc-luxe.comwww.art-et-parfum.com « Souvenirs pour toujours par Jean Louis Dumas-Hermès : hommage à Edmond Roudnitska» Jean Louis Dumas www.boursorama.com « Hermès : la relève de la famille Dumas » www.capital.fr « Jean Louis Dumas quitte HERMES, Patrick Thomas seul Gérant » 15.09.05 www.chanel.comwww.christiandior.fr www.fashionmag.fr « Au Japon, le luxe à la conquête de nouveaux horizons » 23.01.08www.groupehec.asso.fr « A la découverte de l’univers Chanel » Emilie Mellerio www.gouttesdeluxe.com

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www.hermes.comwww.humanite.fr « Visite organisée aux ateliers Hermès par son président même » Florence de Monza 02.10.99 Les archives intégrales de l’Humanité www.infolog.info « Stratégie Hermès » www.joyce.frwww.lacotedesmontres.com « L’heure Hermès hors du temps » 23.12.06 www.lefigaro.frwww.lexpansion.com « Luxe, une femme à la tête de Chanel France » L’Expansion 18.12.97 www.lexpress.fr « Hermès est sous son aile » Guillaume Crouzet L’Express 23.03.06 www.lexpress.fr « L’homme derrière le flacon » Guillaume Crouzet L’Express 15.06.06 www.lvmh.comwww.luxemode.frwww.luxus.fr www.newsluxe.com

Documents Filmographiques  

FILM Signé Chanel (2005) Loic Prigent

EMISSIONS TELEVISEESLes Dames de la Haute (27 avril 2008) France 5Créateurs de légende (5 mars 2008) Des racines et des ailes. France 3Comment réussir dans les métiers du luxe (février 2008) La Réussite pourquoi pas vous ? Direct 8Paris Chic, une anthologie de la mode (février 2008) 38 épisodes. Planète Le luxe et ses secrets (juillet 2007) présenté par Mireille Dumas. France 3« Montre à tout prix » l’horlogerie de luxe (mai 2007) Envoyé Spécial. France 2

Sources Orales

Monsieur Pierre Guerin, responsable du Master Marketing du Luxe de l’ISTECMonsieur Jean Pierre Mongon, intervenant et responsable des activités externes du Master Marketing du Luxe de l’ISTECMonsieur Christian Blanckaert, Directeur Général de Hermès InternationalMonsieur Philippe Le Moult, Directeur des relations institutionnelles Christian Dior CoutureMadame Isabelle Vachetais, Responsable des études marketing SymriseResponsable de la boutique Dior Joaillerie, Avenue MontaignePersonnel de vente de la boutique Hermès, Faubourg Saint Honoré

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Table des illustrations

Figures

Figure Nº1 : Matrice Produit/Marché développée par I. AnsoffFigure Nº2 : Matrice des quatre stratégies de marqueFigure Nº3 : Les trois cercles du luxeFigure Nº4 : Le sac à main toujours porté par le luxeFigure Nº5 : Le marché mondial du luxe, divisé par secteurs d’activité (2005)Figure Nº6 : Analyse PESTELFigure Nº7 : Carte représentative du poids moyen des métiers d’HermèsFigure Nº8: The Aristocratic Luxury Figure Nº9 : Les secteurs de diversification de ChanelFigure Nº10 : Les secteurs de diversification de DiorFigure Nº11 : Les secteurs de diversification d’HermèsFigure Nº12 : Processus d’élaboration d’une stratégie marketing scientifiqueFigure Nº13 : Budget moyen par femmes en € selon les tranches d’âge

Illustrations

Ensemble de visuels représentant l’univers de ChanelEnsemble de visuels représentant l’univers de DiorEnsemble de visuels représentant l’univers d’HermèsCollection Karl Lagerfeld pour H&MNouvelle boutique Chanel Joaillerie, Place VendômeJohn GallianoDéfilé PAP automne-hiver 2005, collection de Jean Paul Gaultier pour HermèsFoulard Hermès sur boîtes orange L’eau d’Hermès, crée par Edmond RoudniskaVisuel de communication parfum J’adore de DiorDéfilé Dior Haute Couture automne-hiver 2007-2008, hommage aux peintres Visuel de communication Hermès, horlogerie, campagne « le ruban mène la danse » 2007Gabrielle « Coco» Chanel photographiée par Manray 1935Escarpins Chanel. Montre J12. Sacs 5.55. Crème Sublimage. Look automne-hiver 2006Coiffure Haute Couture 2006. Montre camélia Melle perles. Palette perles. Collier perlesBague Ultra. Palette Irréelle Ombre. Chaussures Chanel. Ski ChanelDéfilé Chanel Prêt-à-porter Automne Hiver 2004Sac en tweed. Palette Tweed 2006. Ballerines en tweed Chanel. PAP Automne-Hiver 05Défilé Chanel Haute Couture Printemps-Eté 2006Bagues Collection CaméliaPalette make-up look Automne-Hiver 2007Total look ChanelAccessoires Chanel : vaporisateur de parfum, broche camélia, montre et sac 5.55

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Défilé Haute Couture 2007, Publicité joaillerie Dior, médaillon gris, vitrines joaillerieSac lady Dior, lunettes cannage, palette teint, sac cannage 2007Mitza Bricard habillée de panthère, la muse de Christian Dior Sac saddle imprimé panthère collection 2004Parfum Miss Dior crée en 1947, version pied-de-poule Montre nœud, parfum miss Dior, collier nœud, sac modèle monogramméCommunication pour la collection monogrammée 2005Sac Detective, boucles d'oreille CD, rouge à lèvre Rouge Dior, Sandales DiorParfum Star, Boucle d’oreille Dior, sandales Dior, palette look été DiorPublicité Hermès campagne « le cheval » 2006Publicité Hermès campagne « le cheval » 2006Dessin de la maison du 24 Faubourg Saint HonoréCroquis de Philippe Mouquet, designer maison, pour le parfum Terre d’HermèsInauguration du magasin Hermès de Tokyo Ginza en 2001Visuels publicitaires de la campagne « le ruban mène la danse »Look make-up automne-hiver 2006 palette tweed pink laméEnsemble de tennis ChanelVélo Chanel, commercialisé en avril 2008Visuel de communication Kelly CalècheFlacon Kelly Calèche, nouveau parfum HermèsLes Hermessences, parfums exclusifs du 24 Faubourg Les trois amphores de la Collection Particulière de DiorLes Exclusifs de ChanelDéfilé PAP Automne-Hiver 2005Cheval en peluche Hermès Immeuble Chanel à GinzaAirbus 319 habillé par VersaceHélicoptère habillé par Hermès

Tableaux

Tableau Nº1 : L’industrie de la mode, chiffres clés du secteur (2003)Tableau Nº2 : Bijouterie, chiffres clés du secteur (2003)Tableau Nº3 : Structure du marché parfums-cosmétiques par catégorie de produitsTableau Nº4 : Répartition des exportations parfums-cosmétiques par zone en 2003Tableau Nº5 : Maroquinerie, chiffres clés du secteur (2003)Tableau Nº6 : Vêtement, chiffres clés du secteur (2003)Tableau Nº7 : Cuir & Fourrures, chiffres clés du secteur (2003)Tableau Nº8 : Perspectives de croissance du secteur du luxe, par lignes de produitsTableau Nº9 : Chanel Parfums et Beauté en France (1er semestre 2006)Tableau Nº10 : Chiffre d’affaires par activités de Christian Dior en 2003Tableau Nº11 : Répartition du Chiffre d’Affaires Hermès par métiers (2005)Tableau Nº12 : Diversification des 3 marques étudiéesTableau Nº13 : Diversification des marques de luxe

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Annexes

Table des annexes

Etude Qualitative de la clientèle : Présentation PowerPoint Tableau récapitulatif étude clientèleCompte-rendu de l’entretien avec Pierre GuerinCompte-rendu de l’entretien avec Jean Pierre MongonQuestionnaires avec les réponses de Jean Marc GarelQuestionnaire avec les réponses d’Ursula GhandiQuestionnaire avec les réponses de Pauline Cochard

Etude qualitative de la clientèlePrésentation PowerPoint soumise à la clientèle des marques étudiées

Quelles couleurs ressortent de ces images?

Quel lien apportent elles aux articles présentés?

En déduisez-vous qu’ils appartiennent à la même marque?

Ces paires de chaussures appartiennent-elles à la même marque?

Pourquoi?

Ce symbole vous évoque-t-il une marque?

Peut il être représentatif de la marque?

La matière présente sur les photos est-elle représentative d’une marque?Apporte-t-elle un lien aux articles présentés?

La présence de cette matière peut-il être décisif pour un acte d’achat?

Que vous évoque ces images?

Ont-elles un lien entre elles?

Les parfums retranscrivent-ils les codes

d’une marque?

Qu’est ce qui est selon vous mis en valeur?

A quoi identifiez vous la marque dans ces publicités?

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Qu’est ce qui, pour vous, représente dans cette photo l’esprit Chanel?

Quelle marque identifiez-vous à travers ces images

Confusion avec Chanel ou non?

Givenchy

Celine

Valentino Vuitton

Karl Lagerfeld

Quelle couleur ressort de ces images?

Quelle marque est évoquée par cette couleur?

La couleur représente-elle le symbole de la marque?

Ces articles appartiennent-ils à la même marque?

Pourquoi? Qu’est ce qui représente l’identité de la marque?

Créez-vous un lien entre ces 3 images?Quel symbole ressors de ces images?

Apparaît-il comme l’identité de la marque?

Pourriez vous dire que ces photos sont représentatives de la même marque?

Quel lien ont-elles entre elles?

Les produits présentés sont ils différents?

Qu’est ce qui les rend similaires?

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Quelles sont les similitudes de ces articles?

La Couleur, le D, le Cuir?

Ces publicités sont-elles pour le même produit?

La ressemblance vous apporte-t-elle une confusion?

Tableau récapitalutif étude clientèleEtude qualitative effectuée en face à face

ChanelPersonne nº1Myriam

Femme23 ans

Reconnaît la marque, de par ses couleurs (le noir, le blanc) et ses produits. Ne fais pas le lien avec les formes (camélia) et les matières (tweed).Les parfums sont reconnus plus grâce à la publicité (grande diffusion) qu’aux valeurs transmises.Connaît quelques codes principaux de la marque (noir, blanc, perles, 5.55)Cependant confusion avec d’autres produits similaires de marques concurrentes.

Personne nº2Axel

Homme, 24 ans

Reconnaît la marque de par ses couleurs. Aucun intérêt pour les codes ou les valeurs de la marque. Acte d’achat lié à un effet de mode = objet de luxe (appartenance à un groupe).Majorité des parfums reconnus grâce à la publicité.Méconnaissance

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totale des valeurs. Confusion avec produits similaires de marques concurrentes.

Personne nº3Marine

Femme, 33 ans

Reconnaît la marque de par ses couleurs, ses codes. Cliente experte (cite les noms exacts des produits).Connaît les parfums de par la publicité, le nom et le flacon.Connaît les codes de la marque, grande culture mode. Aucune confusion avec les produits concurrents.

Personne nº4Jacques-Guillaume

Homme, 32 ans

Reconnaît la marque de par ses couleurs. Connaissance d’un certain nombre de codes (noir, blanc, parles, camélia).Très bonne culture parfum (lié à son métier) identifie les valeurs transmises.Confusion avec produits concurrents sur la mode.

Personne nº5Valérie

Femme, 45 ans

Connaît la marquegrande culture luxe, cliente experte.Connaissances des codes et des valeurs de la marque. Bonne culture mode, connaissance de la marque dès ses débuts (cite Gabrielle Chanel). confusion avec les produits concurrents.

Personne nº6Hervé

Homme, 47 ans

Connaît la marque pour sa notoriété non pas pour ses codes et ses valeurs. Première confusion.Méconnaissances des codes et des valeurs de Chanel

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(mode et parfum).Connaissance des parfums grâce à la publicité.Confusion avec produits concurrents.

Personne nº7Annick

Femme, 50 ans

Reconnaît la marque de par ses couleurs (noir et blanc) et ses codes (camélia). Les parfums reconnus grâce à la grande diffusion de la publicité.Connaît les codes de la marque (noir, blanc, perles, camélia, 5.55)Confusion avec produits similaires de marques concurrentes.

Personne nº8Hugues

Homme, 58 ans

Reconnaît la marque de par ses couleurs, connaissance des valeurs mais s’apparente plus aux valeurs du luxe en général qu’aux valeurs Chanel. Méconnaissance des codes (mode et parfumerie). Confusion avec produits concurrents.

Compte rendu de l’entretien avec Pierre Guerin

Responsable du Master Marketing du Luxe de l’ISTECAncien PDG de Façonnable, ayant travaillé à des postes de direction pour de nombreuses entreprises de luxe telles que Cartier, Loewe et l’AMY

Selon vous, une marque de luxe se doit-elle un jour ou l’autre se de diversifier ?Non ce n’est pas une obligation. Je pense notamment aux artisans (broderies Lesage, chapelier, la haute joaillerie) pour lesquels ce n’est pas une nécessité. C’est une logique marketing, qui fonctionne comme une stratégie de marque. La diversification permet une exposition de la marque qui fait qu’elle est de plus en plus reconnue et acquiert une notoriété plus importante.Cependant la diversification n’est pas utile pour le prestige ou le savoir-faire de la marque, elle permet de rentabiliser les investissements (communication).

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Chez façonnable, lors du lancement du parfum, nous avons utilisé une stratégie de prix accessible qui permettait d’engendrer une rentabilité rapide.

La diversification est-elle pour vous un moyen adéquat pour faire grandir une marque ? Pourquoi ?Oui, à partir du moment où cela s’effectue dans le respect de l’image de marque. Trois secteurs grandissent plus vite qu’un seul, c’est évident. La diversification permet une plus grande exposition dans les points de vente (taille du magasin, ligne, gamme). Au sens de la stratégie marketing on gagne du temps cependant cela engendre de faire des choix financiers qui obligent par la suite de développer les points de vente. Il est important également qu’une diversification n’ait pas d’impact négatif sur les ressources financières des autres lignes de produits, il s’agit de maîtriser l’image de la marque et cela ne doit pas s’effectuer aux dépens du métier initial.Tout dépend du but de l’entreprise maximiser le profit ? S’étendre à l’international ? Servir un but de niveau supérieur ? Il n’existe pas de business model unique.

Quels sont pour vous les éléments indispensables pour une diversification réussie ?Il faut que la diversification ait un sens pour l’entreprise et par conséquent pour les clients. La diversification doit s’inscrire dans l’ADN de la marque et dans l’esprit du client. L’univers de marque doit être capable de recevoir cette diversification. Des produits de qualité doivent recevoir un contrôle qualité précis, l’identité de marque doit être repérable, le mix se doit d’être cohérent et homogène.

Hermès est représentatif de quatorze métiers, et apparait comme une marque française les plus prestigieuses comment explique-vous ce phénomène ?Hermès représente la qualité, la marque ne peut faire l’impasse sur la qualité (les matériaux utilisés, les méthodes de fabrication). Hermès a creusé un sillon profond, stable (ne suit pas les phénomènes de mode), c’est une marque classique, élégante et intemporelle. Il y a un sérieux dans a durée, Hermès ne recherche pas une rentabilité immédiate.Lorsque l’actif d’une marque est stable, propice à la déclinaison, la notoriété est engendrée par la qualité commune à l’univers de la marque = c’est là l’élément clé de son succès.

Quels sont pour vous les apports négatifs apportés par la diversification à une marque de luxe ?La diversification est une stratégie coûteuse pour la marque qui nécessite une rentabilité rapide. Elle se doit d’être en cohérence avec l’univers de la marque. Une diversification mal réussie peut atterrer la notoriété de la marque mère.

D’un point de vue professionnel, quels sont selon vous les secteurs d’activité qu’il reste à conquérir pour des marques telles Chanel, Dior ou Hermès ? Les différents secteurs de l’équipement de la personne sont bien couverts.

- les services et l’art de vivre- la maison/l’hôtellerie/le voyage- domaine technologique : design, électronique

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Je pense à des cosmétiques qui auraient une fonction à la limite du paramédical, à des vêtements intelligents qui mesurent les odeurs, donnent la température…

Quel est votre sentiment personnel sur ce phénomène de diversification, va-t-il perdurer ?J’aime acheter des produits fabriqués par une marque pour leur conception, leur mode de fabrication, il y a une part de légitimité qui me plait. Cependant je n’achète pas une marque pour la marque, le système de licence ne m’intéresse pas. La diversification est un phénomène de marketing global (globalisation des marques). Il y a aujourd’hui une nécessité pour les entreprises d’atteindre la taille critique pour justifier des investissements (implantation, internationalisation…) et la diversification leur permet de rentabiliser ces investissements.

Compte rendu de l’entretien avec Jean-Pierre Mongon

Intervenant et responsable des activités externes du Master Marketing du Luxe de l’ISTECAyant travaillé à des postes de direction pour de nombreuses entreprises de luxe telles que Cerruti, J.C de Castelbajac, Lanvin et Courrèges

La diversification est-elle pour vous un bon moyen, pour faire grandir une marque ?Oui, pas réellement pour faire grandir une marque, je dirais plutôt pour compléter son univers et développer son chiffre d’affaires.

Quels sont pour vous les éléments indispensables pour une diversification réussie ?Les nouvelles lignes de produits doivent être créatives, en adéquation avec les origines et l’univers de la marque. Il faut que la nouvelle gamme soit en relation avec le reste.

Hermès est représentatif de quatorze métiers, et apparait comme une des marques françaises les plus prestigieuses, comment expliquez-vous ce phénomène ?Oui, car tout est en relation.

Quels sont pour vous les apports négatifs apportés par la diversification à une marque de luxe ?Une diversification mal contrôlée, effectuée dans l’unique but de faire de l’argent est un aspect négatif pour la marque et peut atterrir la notoriété de la marque mère.

Pensez-vous que des marques françaises, à forte notoriété telles que Chanel, Dior et Hermès, sont plus aptes à se diversifier que d’autres moins prestigieuses ?Non tout le monde est apte à se diversifier, un jeune créateur peut même l’être encore plus, car son univers est moins défini.

Quelles sont selon vous les erreurs à ne pas commettre dans le cadre d’une diversification ?

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Si un produit n’est pas dans un bon univers, et n’est pas en adéquation avec les valeurs de la marque. L’erreur fondamentale est de vouloir « faire du fric » uniquement.

D’un point de vue professionnel, quels sont selon vous les secteurs d’activité qu’il reste à conquérir pour des marques telles Chanel, Dior ou Hermès ? L’hôtellerie et la restauration

Quel est votre sentiment personnel sur ce phénomène de diversification, va-t-il perdurer ?Oui

Questionnaire mémoire de rechercheMarques de luxe & diversification

NOM : Jean-Marc GARELENTREPRISE : Jean Marc GAREL CREATIONPOSTE : Président

1. La diversification est-elle pour vous un bon moyen, pour faire grandir une marque ?Oui

2. Selon vous, une marque de luxe se doit-elle un jour ou l’autre de se diversifier ?Oui

3. Quels sont pour vous les éléments indispensables pour une diversification réussie ?Qualité, créativité, cohérence

4. Hermès est représentatif de quatorze métiers, et apparaît comme une des marques françaises les plus prestigieuses, comment expliquez-vous ce phénomène ?Qualité, cohérence, rêve

5. Quels sont pour vous les apports positifs et/ou négatifs apportés par la diversification à une marque de luxe ?Positif : + d’exposition de la marque, synergie des communicationsNégatif : dilution si cela est exagéré (cf Cardin)

6. Pensez-vous que des marques françaises, à forte notoriété telles que Chanel, Dior et Hermès, sont plus aptes à se diversifier que d’autres moins prestigieuses ?Oui, le pouvoir de leur nom est tellement fort…

7. Quelles sont selon vous les erreurs à ne pas commettre dans le cadre d’une diversification ?Banalisation, incohérence, mettre un nom « à toutes les sauces »

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8. En cas d’échec d’une diversification, quels sont les impacts sur la notoriété et l’image d’une marque de luxe telles que Chanel, Dior et Hermès ?Peu, si cela est seulement un échec financierEnorme, si le nom a été galvaudé

9. D’un point de vue professionnel, quels sont selon vous les secteurs d’activité qu’il reste à conquérir pour les marques citées précédemment ?Voyage, hôtellerieAmeublement

10. Quel est votre sentiment personnel sur ce phénomène de diversification ? Va-t-il perdurer ?Oui

Questionnaire mémoire de rechercheMarques de luxe & diversification

NOM : Ursula GANDHIENTREPRISE : SONIA RYKIELPOSTE : directrice des ventes

1. Selon vous, une marque de luxe se doit-elle un jour ou l’autre de se diversifier ?IndispensablePour suivre les concurrents/ pour l’image : proposer plusieurs lignes capables d’évoluer/ pour atteindre le volume des ventes et toucher une clientèle plus large

2. La diversification est-elle pour vous un moyen adéquat, pour faire grandir une marque ? Pourquoi ?Oui, développe les ventes, permet une présence plus importante de la marque : plusieurs stands dans les magasins, en terme de notoriété touche plus de gens

3. Quels sont pour vous les éléments indispensables pour une diversification réussie ?Conserver les codes et les valeurs de la marqueNe pas s’égarer du style de la maison

4. Hermès est représentatif de quatorze métiers, et apparaît comme une des marques françaises les plus prestigieuses, comment expliquez-vous ce phénomène ?Les valeurs qu’il véhicule (artisanat, tradition, qualité) et qu’il conserveDiversifier sans démocratiser

5. Quels sont pour vous les apports positifs et/ou négatifs apportés par la diversification à une marque de luxe ?Risque perte de la rareté, n’importe qui peut s’acheter du luxe, perte d’image

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Choisir les bons prix, les bons produits pour les bonnes personnes

6. Pensez-vous que des marques françaises, à forte notoriété telles que Chanel, Dior et Hermès, sont plus aptes à se diversifier que d’autres moins prestigieuses ? Pourquoi ?Avantage : facilité, image ancrée dans l’esprit des clients, crédibilité en terme de marque de luxe

7. Quelles sont selon vous les erreurs à ne pas commettre dans le cadre d’une diversification ?Une diversification qui s’éloigne des valeurs, des codes de la maison, qui s’éloignent des clientsVendre des produits qui ne correspondent pas à la marque, garder un positionnement prix des produits de luxe

8. En cas d’échec d’une diversification, quels sont les impacts sur la notoriété et l’image d’une marque de luxe telles que Chanel, Dior et Hermès ?Perte de crédibilité, perte d’image, perte du métierDémocratisation du luxe = luxe accessible pour faire du volume

9. D’un point de vue professionnel, quels sont selon vous les secteurs d’activité qu’il reste à conquérir pour les marques citées précédemment ?La maison, l’édition : livre qui présente la collection, les stylosPartenariat = exemple de série limitée (ordinateur, bouteille d’eau, H&M, Fauchon)

10. Quel est votre sentiment personnel sur ce phénomène de diversification ? Va-t-il perdurer ?Oui jusqu’il atteigne sa limite : tous les segments qu’ils peuvent atteindre

Questionnaire mémoire de rechercheMarques de luxe & diversification

NOM : Pauline COCHARDENTREPRISE : CHANEL PARFUMS BEAUTEPOSTE : chef de produit développement soins

1. Selon vous, une marque de luxe se doit-elle un jour ou l’autre de se diversifier ?Oui, c’est une chose importante, les marques deviennent des marques globales.La concurrence oblige les marques à se développer, à se diversifier, c’est un moyen de rester dans la course…

2. La diversification est-elle pour vous un moyen adéquat, pour faire grandir une marque ? Pourquoi ?Oui, le fait de se développer sur différents métiers permet d’étendre son savoir-faire, mais aussi sa clientèle, la marque s’agrandit.

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3. Quels sont pour vous les éléments indispensables pour une diversification réussie ?Conserver les codes et les valeurs de la marque. Garder une cohérence sur l’ensemble des activités : par exemple lorsque nous avons développé la ligne de soins cosmétiques chez Chanel, il était importer de reprendre les codes de la maison, comme les couleurs le noir et le blanc qui signe aujourd’hui la ligne et permet à la cliente de reconnaître la marque.

4. Hermès est représentatif de quatorze métiers, et apparaît comme une des marques françaises les plus prestigieuses, comment expliquez-vous ce phénomène ?La marque Hermès est garante de valeurs fortes telles que l’authenticité, la qualité, le savoir-faire artisanal. C’est en respectant ces valeurs et son univers que la marque s’est offert cette diversification réussie.

5. Quels sont pour vous les apports positifs et/ou négatifs apportés par la diversification à une marque de luxe ?La marque est plus exposée, ce qui lui assure une meilleure visibilité

6. Pensez-vous que des marques françaises, à forte notoriété telles que Chanel, Dior et Hermès, sont plus aptes à se diversifier que d’autres moins prestigieuses ? Pourquoi ?Oui, en effet des marques comme Chanel requiert d’une notoriété mondiale, nous avons également les moyens pour nous diversifier : financier mais aussi en terme de distribution et de communication.

7. Quelles sont selon vous les erreurs à ne pas commettre dans le cadre d’une diversification ?S’éloigner du territoire de la marque et de l’univers du luxe.

8. En cas d’échec d’une diversification, quels sont les impacts sur la notoriété et l’image d’une marque de luxe telle que Chanel, Dior et Hermès ?Si l’échec attaque le nom et l’image de marque, c’est la perte de notre notoriété

9. D’un point de vue professionnel, quels sont selon vous les secteurs d’activité qu’il reste à conquérir pour les marques citées précédemment ?L’hôtellerie et l’art de vivre

10. Quel est votre sentiment personnel sur ce phénomène de diversification ? Va-t-il perdurer ?Oui