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IUFM de Bourgogne Concours de recrutement de professeurs des écoles Comment gérer l’hétérogénéité d’une classe ? MOREAU Marie-Aude N° de dossier : 0363365M Directeur de mémoire : Hervé GUINERET Année : 2005 1

Comment gérer l’hétérogénéité d’une classe · 86-119 du 13 mars 1986 rappelle que « la capacité de communiquer en français est une condition indispensable à l’intégration

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IUFM de Bourgogne

Concours de recrutement de professeurs des écoles

Comment gérer l’hétérogénéité

d’une classe ?

MOREAU Marie-Aude N° de dossier : 0363365MDirecteur de mémoire : Hervé GUINERETAnnée : 2005

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SOMMAIRE

INTRODUCTION

I. L’HETEROGENEITE

1.1 Définition théorique

1.2 Hétérogénéité venant du cadre de vie des élèves

1.2.1 Différences socio-économiques

1.2.2 Différences socio-culturelles

1.2.3 Différences des cadres psycho-familiaux

1.3 Hétérogénéité dans les processus d’apprentissage

1.3.1 Diversité de motivation

1.3.2 Diversité des stades de développement opératoire

1.3.3 Profils pédagogiques

1.3.4 Différences dans la nature même des enfants

1.3.5 Hétérogénéité des prérequis

II. COMMENT GERER L’HETEROGENEITE

2.1 Nécessité de gérer l’hétérogénéité

2.2 Utilisation de cette hétérogénéité

2.3 Quelques propositions

2.3.1 Pédagogie différenciée

2.3.2 Groupes de besoin, groupes de soutien

2.3.3 Tutorat entre pairs

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III. APPLICATIONS EN CLASSE ET PROBLEMES RENCONTRES

3.1 Stage de pratique accompagnée

3.2 Premier stage en responsabilité

3.3 Deuxième stage en responsabilité

3.3.1 Dispositif permettent de gérer les différences de rythme

3.3.2 Essai de tutorat entre pairs

3.3.3 Mise en place de groupes de besoins

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE

ANNEXES

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INTRODUCTION

Depuis quelques années, l’école se fonde sur l’égalité des chances : les enseignants

doivent, tout en tenant compte de la personnalité des élèves, permettre l’épanouissement et

surtout la réussite de chacun d’eux. Cet objectif peut paraître ambitieux au vu de

l’hétérogénéité observable dans les classes. C’est donc à l’enseignant d’adapter sa

pédagogie afin de tenir compte de l’unicité de chaque élève et de gérer au mieux ces

différences pour tous les amener vers la réussite.

Les différents stages que j’ai réalisés m’ont amenée à constater cette hétérogénéité,

ainsi que les difficultés de l’enseignant quant à la gestion de celle-ci. En effet, j’ai pu

effectuer au cours de ma formation au sein de l’IUFM des stages dans des milieux

différents : dans une école d’application mais aussi dans une école classée en ZEP.

L’hétérogénéité est présente partout : c’est une variable que l’enseignant doit

nécessairement et constamment prendre en compte dans le choix et l’organisation de ses

pratiques pédagogiques. C’est pourquoi je me suis interrogée sur la gestion et l’utilisation

de cette hétérogénéité.

Dans une première partie, je me suis d’abord attachée à définir l’hétérogénéité,

souvent amalgamée à la différence, puis j’ai cherché à dresser une liste (non exhaustive) de

ses origines.

Dans une seconde partie, j’ai essayé de mettre en évidence la nécessité de gérer

l’hétérogénéité dans l’optique de la réussite de tous les élèves, tout en montrant que

l’hétérogénéité de classe, pouvant être perçue comme un obstacle à franchir, constitue

également une richesse. En m’appuyant sur les réflexions de didacticiens comme Philippe

Meirieu, j’ai donné quelques propositions pour gérer l’hétérogénéité et en tirer profit au

sein de la classe.

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Enfin, j’ai intégré dans ma dernière partie mes tentatives de remédiation sur le

terrain et les problèmes rencontrés.

I. L’HETEROGENEITE

1.1 Définition théorique

Par définition (dictionnaire Hachette encyclopédique), le caractère hétérogène se dit

d’un tout formé d’éléments disparates et de nature différente. Il est possible d’adapter cette

définition à la classe dans le sens où la classe est un ensemble d’individus différents.

Toujours dans le même dictionnaire, la différence y est définie comme le caractère qui

distingue deux choses ou deux personnes l’une de l’autre. Il s’agit donc plus, lorsqu’on

parle de différence, d’une comparaison entre deux choses, voire même d’une comparaison

par rapport à une référence.

On fait très fréquemment l’amalgame entre hétérogénéité et différence. Il apparaît

pourtant que ces deux mots ne sont pas synonymes. Ainsi, en appliquant ces définitions à

la classe, je fais une distinction entre hétérogénéité et différence. Selon moi, le caractère

hétérogène, c’est ce qu’on peut constater au sein de la classe. Ainsi, on peut parler

d’hétérogénéité des résultats, qualifiant des performances, mais aussi d’hétérogénéité des

élèves au niveau des processus d’apprentissages. En revanche, on parlera plutôt de

différences sociales, économiques et culturelles puisqu’ on mesure l’écart par rapport à une

référence (culturelle par exemple).

En fait, l’hétérogénéité naît de la différence : on peut effectivement dire que la

classe est hétérogène puisque, lorsqu’on regarde les résultats des élèves et qu’on observe

leur façon de procéder, on peut voir de grands écarts. Mais c’est le fait que les élèves soient

des individus différents qui induit cette hétérogénéité. Ainsi, l’hétérogénéité constatée en

classe provient des différences du cadre de vie des élèves (différences socio-économiques

et culturelles, cadre psycho-familial). De même, l’hétérogénéité observée dans les

processus d’apprentissage s’explique par les différences de motivation, de développement,

de profils pédagogiques, de nature même des enfants. Chaque individu ne conçoit pas et ne

reçoit pas de la même façon l’enseignement qu’on lui donne.

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La « loi de la variété requise » d’Ashby paraît bien formuler la problématique de

l’hétérogénéité. En effet, selon Ross Ashby, un cybernéticien des années 50, « seule la

variété peut venir à bout de la variété ». Cette loi permet de lutter contre la monotonie des

apprentissages et de répondre à la pluralité des besoins.

Dans un système complexe, le sous-système qui en assure la régulation doit

disposer d’une variété de réponses ou de solutions au moins égale à la variété des besoins

et des problèmes du système. Si la variété des solutions et des relations offertes est

insuffisante, le sous-système fonctionne comme réducteur et non plus comme régulateur : il

entraîne des blocages et des ruptures qui favorisent les effets pervers du système. Dans le

cas du système éducatif, le corps éducatif agit bien comme sous-ensemble régulateur, à

condition qu’il dispose d’une variété de mesures pédagogiques et de méthodes qui soit

suffisamment développée. De même, chaque enseignant, au sein d’une classe d’élèves,

fonctionne comme un sous-ensemble régulateur de leur ensemble hétérogène, du moins s’il

peut mettre en œuvre une variété d’approches didactiques et de techniques qui s’adaptent

suffisamment aux modalités diverses de fonctionnement de tous ces élèves. Le système

éducatif, si l’on se réfère à la loi d’Ashby, ne peut donc contourner le problème de

l’hétérogénéité. S’il s’y dérobe, il va multiplier les dysfonctionnements au lieu de les

résoudre. Il est donc tenu de répondre à cette exigence : à une situation hétérogène, il ne

peut y avoir qu’une réponse hétérogène.

1.2 Hétérogénéité venant du cadre de vie des élèves

1.2.1 Différences socio-économiques

Rapidement repérées dans une classe, les différences socioprofessionnelles des

parents participent à la genèse de l’inégalité des niveaux scolaires. En effet, d’après les

résultats du recensement de 1982, publiés par l’Institut National des études

démographiques, dans le primaire, pour 100 enfants d’ouvriers entrés au cours préparatoire

en 1978, 63 % arrivèrent en CM2 après une scolarité normale pour 94 % des enfants de

cadres supérieurs et professions libérales. Ces résultats témoignent d’une légère

amélioration puisqu’en 1976, le service des statistiques de l’Education Nationale notait que

seulement 41 % des enfants d’ouvriers avaient effectué leur scolarité sans redoubler.

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Ces différences tendent donc à se réduire au cours des années mais elles demeurent

cependant présentes.

1.2.2 Différences socio-culturelles

Les différences socio-culturelles sont très souvent liées aux différences socio-

économiques.

Plus ou moins prononcées selon l’implantation des établissements scolaires, les

différences socio-culturelles des élèves naissent de leur origine et/ou de leur appartenance

sociale. Dépendant essentiellement des deux variables « langage » et « valeurs », elles

conduisent inexorablement à l’hétérogénéité des résultats scolaires.

Les valeurs culturelles véhiculées par les familles diffèrent selon la région d’origine

ou la classe sociale des enfants. Si celles-ci s’opposent à celles que l’école transmet, il y

aura alors chez les élèves un conflit interne entraînant réticences et fermetures, donc

difficultés scolaires.

De par leur origine et/ou leur appartenance sociale, les élèves utilisent un

vocabulaire plus ou moins riche et correct (argot, verlan…). Or, le contenu enseigné ne

peut pleinement profiter qu’à ceux qui retrouvent le même code linguistique que chez eux.

Certains élèves sont donc désavantagés. C’est au milieu des années 70 qu’est apparue la

notion de handicap social. En réponse à ce problème, les ZEP (Zones d’Education

Prioritaires) furent créées en 1982. L’objectif central est de promouvoir la réussite scolaire

des élèves dans les situations les plus difficiles en mettant l’accent prioritairement sur les

apprentissages fondamentaux et les connaissances de base (lecture, écriture, expression

écrite, mathématiques…). Une des principales causes de la fracture scolaire réside en effet

dans l’insuffisante maîtrise de la langue française. Mais l’éducation prioritaire ne fait pas

l’objet de programmes particuliers : les exigences y sont les mêmes qu’ailleurs.

Le cas des primo-arrivants (les élèves de nationalité étrangère non francophones)

Les écoliers étrangers sont trois fois plus nombreux dans les écoles de ZEP. Cela

s’explique par le fait que ce sont des critères de difficultés sociales constatées sur une zone

géographique qui déterminent le classement en ZEP des écoles. Or, environ 70 % de la

population active étrangère appartiennent à des catégories socioprofessionnelles

défavorisées.

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Si la langue maternelle de l’enfant n’est pas le français, il aura des manques dans

les prérequis de base, ce qui nécessite des procédures particulières. C’est le cas des primo-

arrivants. Même si on note un mouvement de décroissance des effectifs d’élèves étrangers

depuis 1985, on se doit de prendre en compte les difficultés particulières de ces enfants.

Dans le premier degré, ces élèves étrangers sont surtout placés en CLIN (classe

d’initiation) pour apprendre le français et rattraper leur retard car bien souvent, les élèves

étrangers sont tout d’abord confrontés au problème de la langue française. La circulaire n°

86-119 du 13 mars 1986 rappelle que « la capacité de communiquer en français est une

condition indispensable à l’intégration de l’enfant étranger dans l’école française, à son

accès à la formation qu’elle dispense et donc à sa réussite scolaire ». Le fonctionnement

des CLIN a été officialisé dès 1970. Ces structures doivent permettre l’acquisition rapide

de la maîtrise de la langue à travers des méthodes de français langue seconde, avec pour

objectif d’intégrer au plus vite ces élèves dans le cursus scolaire normal. Les élèves y sont

regroupés quotidiennement et pour un temps variable en fonction de leur besoin. Un

maintien plus long peut être envisagé, allant jusqu’à une année supplémentaire, pour les

élèves d’âge correspondant au cycle 3 et n’ayant pas ou peu bénéficié d’une scolarité dans

leur pays d’origine.

Ces élèves peuvent également compter sur l’appui d’organisations comme les

CASNAV (Centres Académiques pour la Scolarisation des Nouveaux Arrivants et des

Enfants du Voyage) qui ont récemment remplacé les Cefisem (Centres de formation et

d’information pour la scolarisation des enfants de migrants). Mais l’ évolution des Cefisem

montre que, sans que le sigle enfants de migrants ait disparu, une majorité de leurs actions

porte sur les élèves en difficulté, les ZEP, les publics dits spécifiques, sans que cela fasse

l’objet d’une définition claire…

1.2.3 Différences des cadres psycho-familiaux

Les cadres psycho-familiaux sont les systèmes d’organisation des familles pour

éduquer les enfants. Il en existe 3 types :

Le cadre rigide sans possibilité de discuter les règles fixées et sans autonomie,

quelles que soient les circonstances.

Le cadre souple où le jeune peut prendre des initiatives, avoir des responsabilités et

une certaine autonomie dans les limites définies.

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Le cadre incohérent où les règles ne sont pas clairement énoncées et dépendent du

parent et du moment.

Par des enquêtes auprès de 46 familles du XIIIème arrondissement de Paris, il s’avère

que le cadre souple est le plus favorable au développement cognitif, et le cadre incohérent

le pire (J. Lautrey, Classe sociale, milieu familial, intelligence, PUF, 1980).

Plus que ce cadre, ce sont les stratégies familiales, employées plus ou moins

consciemment, qui participent à l’hétérogénéité des élèves. Selon que les familles se

préoccupent ou non de l’avenir de l’enfant, selon qu’elles surestiment ou sous-estiment

ses possibilités, l’apprenant désirera travailler ou sera découragé. Il faut noter que la

stratégie, démobilisatrice à l’extrême, consistant à dévaloriser l’élève ou l’école, à évoquer

un avenir sombre de chômage, est fréquente chez les parents de milieux défavorisés, ayant

eu eux-mêmes, jadis, des expériences et des sentiments négatifs à l’école.

1.3 Hétérogénéité dans les processus d’apprentissage

1.3.1 Diversité de motivation

La motivation qui, dans le contexte scolaire, est désir d’agir et d’apprendre, est la

base de tout apprentissage. Selon qu’un enfant trouve un sens ou non à la tâche à réaliser,

il l’effectuera avec plus ou moins de réticences, voire pas du tout. De plus, selon les étapes

de leur développement biologique et physiologique, les élèves ont de multiples intérêts

autres et orientés vers l’extérieur de l’école, ce qui ne les porte pas ou peu au désir

d’apprendre.

La motivation dépend aussi du plaisir et du besoin qu’éprouve l’enfant à effectuer

l’apprentissage. Ce dernier peut être un besoin de faire plaisir à quelqu’un (parents,

enseignant…), d’obtenir quelque chose de gratifiant (note, récompense…) ou de réaliser

une activité en vue d’un projet.

Pour la plupart, les élèves sont, par moments, susceptibles de se prendre au jeu de

l’apprentissage, si on leur offre des situations ouvertes, stimulantes, intéressantes.

L’enseignant doit donc trouver des façons plus ludiques de proposer la même tâche

cognitive. Il n’est pas indispensable que le travail scolaire ressemble à un chemin de

croix : on peut apprendre en riant, en jouant, en ayant du plaisir.

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1.3.2 Diversité des stades de développement opératoire

Selon la théorie constructiviste de Piaget, trois stades jalonnent le développement

opératoire des structures cognitives (La psychologie de l’intelligence, Colin, 1967).

Le stade concret qui permet de comprendre par l’action sur la réalité.

Le stade formel de la pensée hypothético-déductive qui permet de raisonner par

l’abstraction et la théorisation.

Le stade intermédiaire qui, selon l’activité et la situation d’apprentissage, fait appel

au stade concret ou formel.

L’élève passe par ces trois stades de développement opératoire selon son propre

rythme : ceux-ci ne sont donc en rien des critères de jugement de la valeur de l’enfant

mais constituent plutôt un éclairage jeté sur ses processus d’apprentissage.

De plus, le fait de regrouper dans un même niveau des élèves nés au cours de l’année

civile, donc présentant souvent de grandes différences de maturité, accentue les

différences dans le développement. Ces différences sont encore plus importantes dans les

petites classes : plus on va dans les petites classes, plus le mois de naissance a un impact

sur le développement.

1.3.3 Profils pédagogiques

Diversité de gestion des images mentales

L’attention, l’imagination, la compréhension et la mémorisation, processus

nécessaires à l’acquisition d’un apprentissage, sont des gestes mentaux qui s’effectuent

toujours sous forme d’images mentales. Celles-ci naissent des perceptions de nos sens. Il

existe des images mentales auditives, visuelles, olfactives, gustatives et kinesthésiques

(ces dernières images naissent de la combinaison du toucher et de l’équilibre).

Dans la culture occidentale, les images mentales les plus utilisées sont les images

visuelles et auditives. Si l’enseignant a tendance à privilégier un des modes d’images en

particulier, il pénalise d’autant certains élèves. Il doit donc tenir particulièrement compte

des 3 grands profils pédagogiques établis par A. de la Garanderie : certains élèves vont

davantage avoir besoin d’entendre les énoncés, d’autres de les visualiser et enfin, certains

devront appréhender les choses par la manipulation. L’enseignant ne doit donc en aucun

cas oublier le profil kinesthésique.

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Diversité des modes de communication et d’expression

Les élèves sont très différents dans leurs façons de s’exprimer et communiquer.

Certains préfèrent travailler seuls, d’autres en groupes ; certains ne communiquent

qu’avec l’enseignant, d’autres plutôt avec leurs camarades. Certains s’expriment mieux à

l’oral, d’autres à l’écrit, par le geste ou par l’art, et leur façon d’être attentif peut alors

varier (élève très calme ou dynamique).

1.3.4 Différences dans la nature même des enfants

En tant qu’individu, l’élève est unique. Il est donc bien évident que chaque élève ne

répondra pas de la même façon aux sollicitations de l’enseignant. Ainsi, à un stade de

développement identique, certains élèves seront beaucoup plus lents que d’autres dans la

compréhension de la situation, voire même dans sa réalisation.

On peut également rencontrer de plus en plus, au sein des classes, des élèves

handicapés. En effet, les textes officiels préconisent d’intégrer le plus possible ces élèves

dans un cursus traditionnel. Ceux-ci ont donc un rythme tout à fait particulier dont

l’enseignant doit tenir compte et qu’il doit respecter. Le plus souvent, les élèves

handicapés intégrés dans une classe traditionnelle sont suivis par une auxiliaire de vie.

Cela dépend bien sûr de la nature et du degré du handicap. Mais la plupart de ces élèves

sont scolarisés dans une CLIS (Classe d’Intégration Scolaire), gérée par des enseignants

spécialisés. Il existe quatre sortes de CLIS : la CLIS 1 accueille les déficients intellectuels,

la CLIS 2 les déficients auditifs, la CLIS 3 les déficients visuels et la CLIS 4 les déficients

moteurs. Il est spécifié dans une circulaire datant d’avril 2002 que les CLIS ne sont pas

faites pour accueillir les élèves en difficulté scolaire, ni les élèves avec des troubles du

comportement.

1.3.5 Hétérogénéité des prérequis

La façon d’apprendre des enfants varie en fonction de ce qu’ils savent déjà. Quand

ils arrivent dans une classe, ils ont assimilé très inégalement le même programme. Cette

hétérogéinité provient en grande partie des différences de mémorisation. En effet, cette

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diversité porte sur la mémoire à court terme (en quelques secondes, elle permet de saisir

et confronter les informations pour mobiliser les connaissances) et surtout à long terme

(elle permet de restituer des données antérieures pour les analyser et y intégrer des

données nouvelles).

L’hétérogénéité de la classe est donc liée à la variété du cadre de vie des élèves

mais également à la diversité de leurs processus d’apprentissages. Mais dans une politique

d’égalité des chances, c’est à l’enseignant de s’adapter à tous ces cas particuliers, de

mettre les élèves en confiance et de gérer cette hétérogénéité en l’utilisant au mieux.

II. COMMENT GERER L’HETEROGENEITE ?

2.1 Nécessité de gérer l’hétérogénéité

Autrefois, l’objectif de l’école de Jules Ferry était de donner une égalité

d’éducation : tous les enfants, riches ou pauvres, devaient pouvoir accéder à l’éducation.

Mais depuis quelques années, l’école se fondant sur l’égalité des chances, les enseignants

se doivent d’emmener tous les enfants vers la réussite, ce qui les oblige à gérer

l’hétérogénéité omniprésente.

Or, cette hétérogénéité est d’abord vécue comme un inconvénient, comme un

problème d’enseignement à résoudre. Comme si l’idéal souhaitable était l’homogénéité

des classes. Philippe Perrenoud explique dans La fabrication de l’excellence scolaire que

l’école cherche toujours à fonctionner selon ce qu’il appelle le " traitement standard ".

Cela signifie qu’elle est, comme toute institution bureaucratique (ce terme étant employé

sans connotation péjorative particulière), à la recherche de réponses-types face à une

classe donnée de situations données.

Le système scolaire tente effectivement d’homogénéiser chaque classe en y

groupant des élèves de même âge. Il n’en résulte qu’une homogéinité très relative, en

raison des disparités vues précédemment.

La nouvelle loi d’orientation, projet de loi adopté le 24 mars 2005 par le sénat,

accentue encore cette impression d’un besoin d’homogénéiser les résultats :

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« Art. L. 122-1-1. - La scolarité obligatoire doit au moins garantir à chaque élève les

moyens nécessaires à l'acquisition d'un socle commun constitué d'un ensemble de

connaissances et de compétences qu'il est indispensable de maîtriser pour accomplir avec

succès sa scolarité, poursuivre sa formation, construire son avenir personnel et

professionnel et réussir sa vie en société. Ce socle comprend :

La maîtrise de la langue française

La maîtrise des principaux éléments de mathématiques

Une culture humaniste et scientifique permettant le libre exercice de la citoyenneté

La pratique d’au moins une langue vivante étrangère

La maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication »

.Ce projet d’un socle commun peut paraître ambitieux au vu de l’hétérogénéité constatée

dans les classes, en particulier dans le cas des élèves d’origine étrangère.

. Cependant, le gouvernement est bien conscient des limites de ses actions pour

homogénéiser les classes. Il est en effet précisé dans les Instructions Officielles que

« quelque soit le mode de répartition des élèves au sein d’une école, classe à un ou

plusieurs cours, il n’y a jamais, de fait, de réelle homogéinité ». C’est pourquoi l’Education

Nationale nous propose une organisation en cycles pluriannuels, plus souple, permettant de

« respecter la différence des élèves, leur demande, leur rythme de développement, sans

perdre de vue les objectifs communs à tous, les apprentissages nécessaires à tous ». Ainsi,

pour que chaque élève puisse progresser à son rythme, l’enseignant se voit obligé de gérer

l’hétérogénéité de sa classe en prenant en compte les différences de chacun. C’est pourquoi

il est amené à différencier ses pratiques. En effet, si l’idée de différenciation s’est imposée

ces dernières années, c’est pour chercher une réponse à l’hétérogénéité croissante des

élèves.

. Le but pour l’enseignant est de placer l’élève dans une situation d’apprentissage

optimale pour lui. Il ne suffit pas qu’elle ait du sens, le concerne, le mobilise : elle doit

encore le solliciter dans sa zone de développement proche. Le problème, c’est qu’il y a de

nombreux élèves dans une classe. Or, une situation standard ne peut qu’exceptionnellement

être optimale pour tous, parce que, comme nous l’avons dit dans la première partie, les

élèves n’ont pas le même niveau de développement, les mêmes acquis préalables, le même

rapport au savoir, les mêmes intérêts, les mêmes moyens et façons d’apprendre. Il faut

donc différencier, c’est-à-dire rompre avec la pédagogie frontale (la même leçon, les

mêmes exercices pour tous) et mettre en place une organisation de travail et des dispositifs

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didactiques qui placent régulièrement chacun dans une situation optimale. De plus, il

faudrait penser à utiliser cette hétérogénéité et ne pas seulement voir le problème qu’elle

représente mais également sa richesse.

.......................................... 2.2 Utilisation de cette hétérogénéité

La diversité, c’est la vie même. On peut tout à fait envisager un éloge de la

différence. Dans toutes les situations sociales existent des différences entre les personnes

impliquées. Ainsi, certains font bien la cuisine, d’autres savent tailler les arbres, certains

savent jouer aux cartes quand d’autres racontent bien les histoires… et heureusement !

Cette hétérogénéité est collectivement vécue comme constitutive de l’équilibre du groupe

en question car l’uniformité n’y serait guère acceptée. Mais quand l’école fonctionne

selon le traitement standard, elle transforme cette diversité par la hiérarchisation des

élèves, selon le seul axe échec / réussite. Il faut donc, dans la classe comme dans la

société, positiver l’hétérogéinité en utilisant au mieux les différences, c’est-à-dire les

capacités de chacun.

Les programmes de 2002 : une orientation vers l’utilisation de l’hétérogénéité au cycle

1

Les nouveaux programmes semblent se préoccuper du problème en constatant que

« la scolarisation d’enfants de plus en plus jeunes a confronté l’école maternelle aux

difficultés d’une hétérogénéité accrue de ses élèves ».

Ils proposent ensuite des débuts de solution afin de se servir de cette situation :

« Cette attention aux phases du développement n’impose pas, pour autant, que

l’organisation de l’école maternelle en classe d’âge homogène soit le seul et le meilleur

moyen d’accompagner chaque enfant au rythme qui est le sien ».

« Chacun sait le rôle décisif que la fratrie joue dans le développement. Elle permet

aux plus jeunes de multiplier les occasions d’interaction avec les plus âgés et à ces

derniers d’éprouver dans leur relation aux plus petits les savoir-faire et les savoirs

nouvellement acquis. Les uns et les autres en tirent bénéfice. Selon les moyens dont

dispose l’école et les besoins des enfants qui la fréquentent, il est possible de structurer

les classes en mélangeant les âges sans pour autant se priver de moments où l’on revient à

des groupes plus homogènes ».

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« Le tutorat entre enfants (en particulier entre enfants d’âges différents) est

encouragé dans de nombreuses activités. Cette forme d’entraide souple, mais n’excluant

pas la rigueur dans son organisation, peut être ponctuelle ou régulière, intervenir dans un

ou plusieurs domaines d’activités, concerner un nombre variable d’enfants. Ces situations

d’échange, autour d’un jeu ou d’une tâche à réaliser, peuvent être l’occasion d’instaurer

des habitudes d’activités autonomes ». D’après cet extrait des nouveaux programmes, il

faut donc utiliser les différences d’âge des enfants d’une même classe pour favoriser le

développement des plus petits et les apprentissages des plus grands.

Philippe Meirieu, docteur en lettres et sciences humaines, va plus loin dans sa

réflexion sur l’hétérogénéité en disant que le métier d’enseignant consiste justement à

savoir gérer et utiliser cette hétérogénéité. De plus, selon lui, une classe homogène ne peut

pas fonctionner. En effet, certains apprentissages ne peuvent se faire qu’à la faveur

d’interactions sociales, soit parce qu’on vise le développement de compétences de

communications ou de coordination, soit parce que l’interaction est indispensable pour

provoquer des apprentissages qui passent par un conflit cognitif ou une forme de

coopération.

Lorsque l’enseignant perd l’illusion de pouvoir sauvegarder une pédagogie frontale

face à un groupe supposé homogène et souhaite s’attaquer aux différences, la première

tentation demeure de répartir les élèves en groupes de niveau homogène ou de réunir des

élèves en difficulté pour leur offrir des moments de soutien. Philippe Meirieu a plaidé

avec force contre cette pédagogie du « diagnostic préalable ». Il propose de renoncer à

vouloir composer des groupes homogènes dûment préparés à suivre un enseignement

standardisé, pour affronter l’hétérogénéité au sein d’un groupe de travail, telle qu’elle se

manifeste devant une tâche et en particulier une situation-problème. Ce qui amène, sans

renoncer à toute régulation rétroactive (remédiation, soutien) ou proactive (micro-

orientation vers des tâches et des groupes différents), à donner la priorité aux régulations

interactives en situation, les élèves restant ensemble. Cela ne veut pas dire qu’il faut

renoncer à tout recours ponctuel à des groupes de niveau, encore moins qu’il faut

travailler dans une composition stable. Meirieu a montré la pertinence de travailler, par

moments, en groupes de besoins, à d’autres moments, en groupes de projet.

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2.3 Quelques propositions

2.3.1 Pédagogie différenciée

Philippe Meirieu est l’un des promoteurs de la pédagogie différenciée. Il définit la

pédagogie différenciée comme « une méthode originale prenant en compte la spécificité

du savoir, la personnalité de l’élève et les ressources du maître ». Mais il insiste surtout

sur le fait que ce sont les apprentissages qui sont nécessairement différenciés.

Jean-Michel Zakhartchouk explique que « c’est un moyen de réduire l’hétérogénéité

lorsque celle-ci est un obstacle et une source d’inégalité et de la prendre en compte

lorsqu’elle est richesse et élargissement ».

Différencier, c’est avant tout tenir compte des différences. Comme nous l’avons vu

plus haut, les prérequis, les rythmes d’apprentissage, la motivation, les comportements et

les profils pédagogiques vont être différents d’un enfant à l’autre. Ce sont autant de

facteurs dont l’enseignant doit tenir compte afin d’utiliser les outils et les situations

appropriés aux élèves. En effet, selon Bernard Rey dans Faire la classe à l’école

élémentaire, il ne faut pas simplement varier les outils, c’est-à-dire les supports et les

modes d’expression, mais aussi les situations d’apprentissage (3 types de situations de

classe : collectif, individuel et en petits groupes). La variation des situations de travail doit

pouvoir donner une chance à chacun.

Cette alternance d’outils et de situations d’apprentissage est en fait appelée la

« différenciation successive ». Lors d’une séance, il est possible de jouer sur plusieurs

paramètres afin que chacun s’y retrouve à un moment donné. Il est recommandé

simplement « d’éclairer un texte par un schéma ou un commentaire oral » et ainsi d’offrir

diverses stimulations grâce auxquelles les élèves peuvent se construire leur propre

stratégie. Des choses simples peuvent être réalisées en classe comme l’alternance des

activités orales et écrites.

Un autre type de différenciation, appelée la « différenciation simultanée », demande

davantage d’organisation car il consiste à mettre en place au sein d’une même classe des

activités totalement différentes ayant un objectif commun. La forme que prend la situation

est variable allant de l’individualisation plus ou moins importante au regroupement en

petit effectif. On peut alors distinguer différentes manières de regrouper les élèves : les

groupes de besoin et les groupes de niveaux, ces derniers étant souvent mis en place lors

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de grands écarts dans les résultats et les processus d’apprentissage. Ces deux types de

regroupement sont explicités un peu plus loin (dans le point 2.3.2).

Pour Philippe Meirieu, les apprentissages sont au centre de toute pédagogie, mais

c’est au travers de méthodes qu’ils pourront advenir. Pour lui, une méthode pédagogique

définit un mode de gestion, dans un cadre donné, des relations entre le formateur, les

apprenants et le savoir. Toute méthode pédagogique doit tenter de respecter l’équilibre

entre ces trois pôles. Ces présupposés établis, Philippe Meirieu va définir toute méthode

pédagogique comme une mise en relation. Dans cette perspective, différencier la

pédagogie consistera à multiplier les mises en relation. Une méthode sera donc un

ensemble de dispositifs utilisant différents outils, mis en œuvre dans des situations

d’apprentissage.

Les outils d’apprentissage sont l’ensemble des médiations utilisées par l’enseignant

comme la parole, l’écriture, le geste, l’image, les outils technologiques (audiovisuels et

informatiques), les matériaux (éprouvettes, ciseaux, colle…). Dans la perspective d’une

pédagogie différenciée, Philippe Meirieu souligne la nécessité d’utiliser toute la palette

des outils existants. « Plus les outils sont variés, plus les élèves y trouvent leur compte. »

Tous ces outils peuvent être utilisés dans trois situations d’apprentissage.

Situation impositive collective

Dans cette situation, on présente à un groupe des connaissances que chacun des

membres doit s’approprier par une activité intellectuelle individuelle. L’activité des

élèves est ici fort peu guidée et laissée à leur initiative. Les pesanteurs tant matérielles

qu’institutionnelles (effectifs, locaux, horaires rigides) ont fait de cette situation la

pratique pédagogique la plus courante. Or, c’est celle qui répond le moins à

l’hétérogéinité des élèves, en particulier à ceux qui ont besoin d’un haut degré de guidage.

Cela illustre la loi d’Ashby où une réponse homogène à une situation hétérogène renforce

le dysfonctionnement.

Situation individualisée

Dans cette situation se noue un dialogue entre chaque apprenant et un programme de

travail qui l’interroge, le guide et l’amène à son rythme, vers l’objectif qu’on veut lui faire

atteindre : fiche de travail personnel, programme informatisé, bande magnétique. C’est la

situation où le degré de guidage est le plus fort : on s’y efforce de guider l’activité

intellectuelle du sujet.

Situation interactive

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Elle définit une situation de petits groupes, où les interactions entre élèves non

seulement ne sont pas interdites, mais au contraire, sont rendues nécessaires par la tâche

qui leur est assignée. Philippe Meirieu énonce de façon rigoureuse les conditions

optimales de fonctionnement de ces petits groupes.

-L’objectif n’est pas un objectif de production, mais d’apprentissage. Il ne s’agit pas

d’aboutir à la constitution d’un dossier ou à la fabrication d’un panneau d’exposition,

mais, par exemple, de reconstituer la suite logique d’un texte, préalablement découpé

en autant de fragments qu’il y a d’élèves dans le groupe. Le matériau doit donc être

également réparti entre les membres du groupe.

-Les interactions sont nécessaires. C’est à travers les échanges que les élèves

confrontent leurs représentations et que du savoir se construit. C’est ce que Meirieu

appelle le « conflit socio-cognitif ».

-Cela suppose qu’une information commune ait été donnée en amont : le petit groupe

n’est pas l’instance où l’on prend connaissance de l’information, mais où s’engage un

processus de maîtrise de cette information.

-Contrairement à ce qu’on pourrait croire, c’est une situation très directive :

l’enseignant a la responsabilité du choix et de la répartition du matériau, la tâche de

régulation des petits groupes lui incombe également.

Une séquence d’apprentissage selon Philippe Meirieu

Selon Philippe Meirieu, une séquence d’apprentissage menée en pédagogie différenciée

autour d’un objectif défini peut se structurer en 4 phases :

- La phase de découverte se déroule en classe entière et la différenciation est par

conséquent successive.

- La phase d’intégration permet une différenciation simultanée dans laquelle chacun

s’approprie le savoir d’une manière singulière et avec son propre rythme. Il existe

différentes manières de mettre en place cette phase d’intégration et Philippe Meirieu

préconise de laisser les élèves libres de choisir leur stratégie d’apprentissage. Le maître

n’intervient que si le choix fait paraît inadapté. Tout peut être envisagé : des fiches

individuelles, des exercices en groupes, des élèves tuteurs, des manipulations, des

documents complémentaires pour les élèves qui se sentent en difficulté sur un point

précis ou encore des exercices d’approfondissement pour les plus rapides. Les élèves

travaillent en autonomie, l’enseignant est alors libre de les observer, voir ce qui les

aide, ce qui les handicape.

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- L’évaluation permet de mesurer l’acquisition de l’élève et de repérer ses lacunes. Il

s’agit de vérifier l’adéquation entre les procédures suivies et l’objectif à atteindre. C’est

une évaluation formative qui est mise en place en cours d’apprentissage.

- Une remédiation est alors proposée selon des difficultés rencontrées. Elle peut prendre

diverses formes : des exercices supplémentaires, la reprise de notions antérieures, ou

encore la reconstruction du savoir avec d’autres outils.

2.3.2 Groupes de besoins, groupes de niveaux

Groupes de besoins

Lors de la différenciation simultanée, il peut être utile de regrouper les élèves pour

revoir une notion non acquise ou une compétence qu’ils ne maîtrisent pas. Mais il faut être

attentif à la manière dont on forme les groupes. En effet, il ne suffit pas de lire les résultats

chiffrés d’une évaluation pour regrouper les élèves « plus ou moins bons » ensemble. La

note d’une évaluation ne traduit pas la cause de l’échec. Des élèves dont les difficultés sont

très différentes ne doivent pas être considérés de même niveau : l’un peut avoir manqué de

temps, un autre peut ne pas avoir compris la consigne, un troisième peut s’être mal

représenté le problème posé… Il faut savoir avec précision ce que les élèves n’ont pas su

faire pour retravailler ce qui a posé problème. Les élèves sont ensuite répartis selon les

besoins identifiés.

Les critères de répartition peuvent varier :

-reprise d’acquisitions antérieures

-formation à des capacités méthodologiques (prendre des notes, repérer les éléments

importants d’un document…)

-enrichissements proposés aux élèves ayant atteint l’objectif.

C’est pourquoi Philippe Meirieu parle plutôt de groupes de besoins.

Pour constituer ces groupes, il faut évidemment avoir repéré le problème de chacun.

Cela peut se faire en analysant les erreurs, la formulation des réponses ou bien en

examinant la manière de s’y prendre pour accomplir certaines tâches. Ce travail d’analyse

demande de bien observer chaque élève et ce n’est pas chose aisée lorsqu’on est en

responsabilité d’une classe entière.

Groupes de niveaux selon la discipline

Il peut s'agir :

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-d'enfants qui n'ont pas maîtrisé de façon suffisamment sûre toutes les acquisitions

constituant les objectifs de la classe précédente sans néanmoins justifier un

redoublement de classe

-de jeunes immigrés qui, après une période d'adaptation, semblent en mesure de suivre

avec profit une classe normale à condition qu'on les aide à surmonter les difficultés,

d'origine linguistique ou culturelle notamment, qu'ils peuvent encore éprouver

-voire d'élèves à l'égard desquels d’autres actions de soutien ne sont pas parvenues à

éviter que les lenteurs ou les lacunes qu'ils manifestent ne se prolongent ou n'aillent en

s'aggravant.

Il est alors indispensable d'organiser la classe en groupes distincts pour lesquels les

démarches d'apprentissage sont conduites de façon différente quant aux types d'activités

proposées, aux modalités d'approche et aux degrés d'élaboration des notions étudiées,

aux rythmes de réalisation des acquisitions. Le maître doit cependant veiller à ce que le

plus grand nombre possible d'élèves du groupe des plus lents conservent ou acquièrent

la possibilité d'atteindre au moins le seuil minimal des objectifs assignés à la classe et

même que certains d'entre eux puissent rejoindre l'autre groupe sans que les élèves de ce

dernier soient pour autant freinés dans leur progression.

Il lui faut pour cela organiser son travail et celui de ses élèves de façon à pouvoir

pratiquer, tout spécialement à l'égard du groupe des plus lents, une pédagogie de soutien

dont les modalités s'inspirent de celles précédemment indiquées.

Il est nécessaire que les groupes ne soient pas constitués de façon rigide et définitive.

Leur composition doit varier, selon les domaines d'activités, en fonction des possibilités

individuelles des élèves : tel qui sera dans le groupe B en mathématiques pourra être dans

le groupe A en français, ou inversement ; tel autre qui sera dans le groupe A pour certaines

activités de français, la lecture par exemple, pourra être dans le groupe B pour d'autres

activités de français, telle la grammaire. Elle doit également pouvoir varier, en cours

d'année, en fonction des performances des élèves. Il est possible que tel enfant initialement

en groupe B réalise, du fait de sa propre évolution psychologique ou grâce aux actions de

soutien dont il est l'objet, des progrès justifiant qu'il travaille avec le groupe A ; à l'inverse,

tel autre faiblissant dans le groupe A gagnera à être associé au groupe B où il pourra

trouver de meilleures conditions l'aidant à surmonter ses difficultés et ainsi, peut-être, à

redevenir en mesure de suivre avec le groupe A.

2.3.3 Tutorat entre pairs

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Le tutorat, en enseignement, est une forme d’aide spécialisée offerte pour

accompagner un apprenant qui éprouve des difficultés. En classe, on peut mettre en place

une forme de tutorat, qu’on appellera entre pairs. Un élève est chargé d’aider un autre

élève, en difficulté pour réaliser une certaine tâche.

Le concept du tutorat

Certains didacticiens font une différence entre le tutorat et le monitorat : ils parlent

de tutorat lorsqu’il y a une différence d’âge entre le tuteur et l’élève aidé (le tuteur étant

forcément plus âgé) et de monitorat quand la situation met en interaction deux élèves de la

même classe. On parle également d’apprentissage par pairs. Effectivement, le tutorat est

une forme d’apprentissage par pairs mais cette notion est beaucoup plus large : pour moi,

on peut parler d’apprentissage par pairs à partir du moment où il y a interaction entre

élèves. Dans cette optique, le travail de groupes est également une forme d’apprentissage

par pairs. Je vais donc centrer ma réflexion sur le tutorat entre pairs, au sens large, c’est-à-

dire sur le tutorat entre deux élèves, qu’ils soient du même âge ou non.

Le tutorat entre pairs repose sur la possibilité, pour un élève plus compétent (le

tuteur), d’expliquer comment faire à un autre (le tutoré) qui, tout seul, ne parviendrait pas à

réaliser correctement une tâche. Il ne s’agit pas simplement de diriger l’action de l’individu

aidé, ni de faire à sa place, mais de le soutenir dans la construction de sa propre démarche

pour qu’il devienne capable de faire par lui-même. Ce dispositif s’inscrit dans une

dynamique pédagogique visant à favoriser la réussite scolaire et à créer un lien social entre

les élèves d’une même classe.

Les effets du tutorat entre pairs

Dans cette confrontation socio-cognitive, l’élève aidé se trouve au centre d’une

opposition de points de vue (ce qu’il pense lui-même et la réponse du tuteur). Le tuteur

peut donc déstabiliser le tutoré par sa réponse en lui disant ce qui va et ce qui ne va pas, les

indications qu’il lui fournit aide le tutoré à se décentrer et à prendre de la distance par

rapport à sa manière initiale de faire. Il est clair que l’effet déstabilisant ne doit pas être une

remise en cause totale mais un processus d’amélioration continu qui valorise des acquis et

transforme des points faibles. Les compétences du tuteur sont alors essentielles, tant sur la

forme que sur le contenu du message.

Le tutorat est donc avantageux pour l’élève aidé mais également pour le tuteur. En

effet, le tutorat entre pairs lui permet d’en retirer des bénéfices pour son propre

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apprentissage. Confronté à quelqu’un qui a besoin d’explications pour parvenir à réaliser

une tâche, le tuteur est amené à s’interroger sur le type de difficultés que rencontre son

camarade et sur la manière de s’y prendre pour lui venir en aide. Le tuteur doit faire l’effort

intellectuel de se mettre à la place de l’autre afin d’analyser au mieux le besoin exprimé. Le

tuteur vit alors une expérience d’apprentissage qui, en retour, lui fait davantage prendre

conscience de son propre mode de fonctionnement. De plus, le tutorat est de nature

transactionnelle. Si le contenu des explications doit être rigoureux, la façon d’expliquer

pour que le tutoré comprenne est tout aussi fondamentale. Les arguments apportés par le

tuteur doivent permettre au tutoré d’améliorer sa façon d’apprendre et de comprendre, pour

ensuite se débrouiller lui-même. Le tuteur doit donc élaborer une véritable stratégie de

communication avec le choix des arguments, leur ordre d’énonciation (par exemple du plus

simple au plus complexe) et mais également la manière de les énoncer. Enfin, ce rôle de

tuteur lui confère la reconnaissance de son utilité sociale, ce qui est facteur d’intégration

dans la classe. La responsabilisation qui s’y attache renforce la confiance en soi, et souvent,

le plaisir d’apprendre dans ces échanges entre élèves.

III. APPLICATIONS EN CLASSE ET PROBLEMES

RENCONTRES

3.1 Stage de pratique accompagnée

J’ai effectué le premier stage de mon année de PE2 à l’école élémentaire Chevreul à

Dijon, en classe de CM2. Ce stage était donc tout à fait particulier puisqu’il se déroulait en

école d’application et en pratique accompagnée. Nous étions donc plusieurs à intervenir

dans la classe (3 stagiaires plus l’IMF) et je n’ai donc pu prendre la classe que quelques

séances. Cela a néanmoins suffi pour me trouver confrontée aux difficultés que peut poser

l’hétérogénéité dans une classe.

Ainsi, lors d’une séance d’histoire portant sur les guerres de Louis XIV, j’ai été

confrontée au cas d’un élève qui savait plus de choses sur le sujet que toute la classe réunie

et que moi… Cela peut ne pas être considéré comme un problème en soi mais le fait que,

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prenant une classe pour la première fois, je me suis senti prise de court. En effet, j’avais

prévu de leur faire commenter plusieurs documents sur le thème pour montrer

progressivement l’intérêt de Louis XIV pour les guerres et le coût de celles-ci et arriver à la

conclusion que cela avait engendré des révoltes du peuple français. Or, dès l’affichage du

premier document, cet élève – Bastien – a dévoilé la conclusion à laquelle je voulais

parvenir en fin de séance. Je l’ai aussitôt interrompu en lui expliquant qu’il avait raison

mais qu’on y reviendrait plus tard. La simple intervention de cet élève a perturbé ma séance

puisque les autres élèves n’ont pas eu de mal à trouver les conséquences de ces guerres…

En revanche, j’ai pu faire profiter les autres de ses connaissances, en particulier lors

de la description des armes de l’époque puisqu’il connaissait plus d’armes que moi (cela

sous-entend naturellement une vérification). De plus, cela a permis d’expliquer le

fonctionnement des armes de manière simple : Bastien a utilisé ses propres mots et les a

même illustrés avec des gestes. Par la suite, j’ai de nouveau utilisé ses connaissances en

sciences par exemple, mais en faisant attention de toujours bien cibler mes questions pour

éviter de faire tourner court ma séance.

Cette situation m’a posé problème parce que j’étais débutante et en stage. Il est

évident qu’avec l’habitude et lorsqu’on connaît ses élèves, ce cas ne peut être considéré

comme un problème. Cependant, cela illustre bien le fait que l’enseignant doit savoir

s’adapter aux élèves et que l’hétérogénéité peut être utilisée en classe : ici, les

connaissances d’un élève au profit du groupe classe.

Au cours d’une autre séance d’histoire, on a pu également mettre en place, avec une

autre stagiaire, un travail de groupes, afin d’exploiter davantage l’interaction sociale. En

effet, le travail de groupes rend possible la confrontation entre enfants, permettant ainsi

l’appropriation de savoirs, savoir-faire et savoir-être. L’enfant devient acteur de son

apprentissage avec les autres, au sein d’une équipe.

Le thème de la séance était la construction du chantier de Versailles et la vie du roi.

On a débuté la séance par une phase collective avec un rappel de la séance précédente.

Puis, après un rappel des règles du travail en groupes et l’explication des consignes, on a

réparti les élèves en 5 groupes de 5. La séance se déroulant en tout début d’après-midi,

nous avions déplacé les tables le midi et préparé la liste des élèves pour chaque groupe.

Nous avons constitué ces groupes selon les affinités et les compétences des apprenants

pour obtenir des groupes hétérogènes, afin d’augmenter les interactions cognitives. Les

élèves devaient, par groupe, lire des documents et répondre à un questionnaire. Ils devaient

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ensuite rédiger un résumé, qu’un rapporteur présenterait à la classe. Il y avait trois thèmes

différents : la chronologie de la construction du château de Versailles (un groupe travaillait

sur ce thème), la journée du roi (deux groupes) et l’étiquette (deux groupes). Les élèves

étaient libres de s’organiser comme ils le souhaitaient au sein du groupe : le seul élément

imposé était le choix d’un rapporteur. Ils étaient donc amenés à gérer leur travail et à se

prendre en charge.

Etant en classe d’application, les enfants ont l’habitude du travail de groupes. Ils

ont donc souvent organisé leur groupe en attribuant des rôles aux différents membres : on

trouvait ainsi, outre le rapporteur, un garant du temps et un secrétaire. Dans la plupart des

équipes, les enfants ont communiqué et argumenté leur point de vue afin de convaincre

leurs camarades lors de la réponse au questionnaire. Ils ont également essayé de trouver

ensemble la meilleure formulation lors de l’élaboration du résumé. Mais tous les groupes

n’ont malheureusement pas si bien fonctionné : dans l’un d’entre eux, certains élèves

refusaient de travailler ensemble et coopérer. Deux élèves n’arrivaient pas à se mettre

d’accord, chacun voulant conserver sa formulation pour le résumé. Ma collègue est donc

intervenue et leur a démontré qu’ils pouvaient construire une phrase, plus précise, en

combinant les deux idées. Ils ont ensuite terminé leur résumé en faisant des concessions.

Cependant, je me dois de souligner une nouvelle fois que cette séance s’est déroulée

en classe d’application : elle s’est bien passée parce que les élèves étaient habitués à ce

type d’organisation. Une telle activité doit être soigneusement préparée, il faut de

nombreuses séances pour que les élèves s’en approprient le fonctionnement et puissent en

retirer progressivement tous les bénéfices. Ainsi, les élèves apprennent peu à peu à

résoudre les éventuels conflits où se combinent les rejets, les agressivités, les rapports de

domination / passivité et l’apparition de leaders, pour accéder à l’entraide et à la

coopération. De plus, cette organisation permet à chaque enfant d’exprimer son point de

vue plus facilement puisqu’elle le place dans une situation où il communique avec un

nombre réduit de personnes en face à face direct.

3.2 Premier stage en responsabilité

J’ai effectué mon deuxième stage à l’école maternelle Mont des Vignes, dans une

classe de MS-GS. Cette classe comprenait 31 élèves (11 MS et 20 GS) avec la particularité

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de fonctionner – à cette période – sans ATSEM. Les coins jeux avaient été réduits pour

pouvoir accueillir tous les élèves : il n’y avait plus qu’un petit coin cuisine et un petit coin

lecture. Me retrouvant seule dans une classe pour la première fois, avec un effectif aussi

important et un double niveau, je me suis trouvée là encore confrontée aux difficultés liées

à l’hétérogénéité.

Deux élèves ont attiré mon attention dès les premiers jours : ces élèves, l’un en MS,

l’autre en GS, ne réalisaient pas les tâches demandées et paraissaient donc en difficulté. Il

ne s’agissait pourtant pas du même problème.

L’élève de MS s’appelait Robin : j’ai vite remarqué qu’il ne faisait qu’un quart du

travail à chaque activité. J’ai donc regardé son classeur pour voir son travail depuis le

début de l’année : aucune activité n’avait été terminée depuis la rentrée. J’ai donc essayé de

comprendre pourquoi il était si lent et surtout, s’il avait un problème de compréhension de

la consigne. Je me suis rendu compte que c’était un enfant intelligent qui comprenait

parfaitement ce qui lui était demandé. Il faisait simplement le minimum. Dans une classe

avec un tel effectif, on ne peut se permettre d’être toujours derrière un enfant pour lui dire

d’avancer. J’ai donc essayé, sans prendre trop de temps par rapport aux autres, de le

motiver par la valorisation de son travail. Dès qu’il produisait un peu plus de travail, je lui

adressais des félicitations, le plus souvent de manière exagérée, et lui disais que j’étais fière

de lui. Plus on avançait dans le stage, plus il en faisait. La dernière semaine, presque toutes

ses fiches étaient terminées.

Quant au deuxième enfant, il s’agissait d’un élève de GS : Sébastien. Lui non plus

ne réalisait pas les tâches demandées mais son problème était bien différent de celui de

Robin. Sébastien est un élève en difficulté scolaire dans tous les domaines d’activité et plus

particulièrement au niveau du langage. Il avait donc beaucoup de difficulté à comprendre

les consignes et se trouvait en échec dans toutes les activités de lecture. La première étape a

été de faire attention à la formulation des consignes et donc de les simplifier au maximum.

J’ai également beaucoup insisté sur la reformulation par les autres élèves. La deuxième

étape a consisté à différencier les exercices, en simplifiant la situation par rapport aux

autres élèves. Ainsi, lors d’une séance de lecture où l’objectif était, après avoir écouté une

histoire, de remettre en ordre logique des images séquentielles, j’ai réduit le nombre

d’images pour Sébastien. Après la lecture magistrale d’un album court et les commentaires

sur le texte en collectif (questions sur l’histoire et les personnages), les élèves devaient

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replacer individuellement six images tirées de l’album dans l’ordre logique de l’histoire. Je

n’ai donné à Sébastien que quatre images, en enlevant celles qui pouvaient lui poser

problème (celles qui paraissaient les moins pertinentes). De plus, n’ayant pas encore acquis

les principes de lecture, cet élève avait tendance à placer les images de droite à gauche. J’ai

donc placé une gommette sur la gauche de sa feuille pour lui indiquer où commencer.

Mais même si je suis arrivée la plupart du temps à gérer les difficultés de Sébastien,

je n’ai pas pu différencier les activités à chaque fois. Une question s’est alors posée :

comment gérer UN élève en difficulté avec 30 autres enfants à côté, de surcroît en

maternelle donc avec une autonomie relativement réduite, et un double niveau ? Cela m’a

véritablement posé problème tout au long du stage et je n’ai malheureusement pas trouvé

de réponse, si ce n’est la gestion partielle des difficultés de cet élève grâce à la

différenciation des exercices (supports et consignes).

3.3 Deuxième stage en responsabilité

J’ai effectué mon dernier stage à l’école élémentaire d’Esbarre, dans une classe de

CE2. Je me suis retrouvée dans une situation privilégiée avec une classe à un seul cours et

un effectif peu chargé puisqu’il comprenait 18 élèves. Malgré cela, l’hétérogénéité était

bien présente. Mais cela m’a permis de tenter plus de choses qu’au cours des stages

précédents.

3.3.1 Dispositif permettant de gérer les différences de rythme

Dans un premier temps, je voudrais parler d’un dispositif mis en place par la

maîtresse titulaire pour pallier les différences d’exécution des tâches au cours de la journée.

J’ai conservé ce système parce qu’il me paraissait intéressant : elle avait instauré un

planning sur la semaine avec des activités à faire une fois le travail terminé (cf. annexe).

Les activités proposées étaient des fiches de lecture, des fiches de mathématiques, des

coloriages magiques, la lecture des livres de la classe (régulièrement changés) et

l’ordinateur. Ainsi, lorsque les élèves avaient fini leurs exercices, ils allaient regarder le

tableau affiché pour voir quelle activité ils devaient réaliser. Ce dispositif permettait de

gérer les différences de rythme.

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Cependant, j’ai rencontré quelques problèmes quant à la gestion quotidienne d’un

tel système. Tout d’abord, lorsque les élèves avaient effectué une fiche (de lecture ou de

mathématiques), ils venaient me solliciter pour la validation de leur travail et ce à divers

moments de la journée. C’était une habitude prise avec leur maîtresse. Je leur ai donc

expliqué que je fonctionnais différemment et que toutes les fiches seraient vérifiées le soir

et rendues le lendemain.

Ensuite, certains élèves avaient recours au planning au beau milieu d’une séance,

lorsqu’ils avaient terminé une tâche individuelle sur brouillon ou ardoise. D’autres même

se dépêchaient de réaliser leur travail pour pouvoir faire les activités (en particulier

lorsqu’il s’agissait des coloriages magiques et de l’ordinateur…). Ces difficultés résultaient

d’une mauvaise explication du dispositif, en tout cas des attentes que j’en avais. Là encore,

en mettant les choses au point, c’est-à-dire en expliquant clairement le fonctionnement et

en mettant des limites, ces problèmes sont tout à fait surmontables, d’autant plus lorsqu’on

est titulaire de sa classe.

Enfin, une dernière chose m’a posé problème, moins d’un côté pratique cette fois

mais plus moral : certains élèves n’avaient jamais le temps de recourir à ces activités. On

voyait distinctement trois types d’élèves : ceux qui terminaient toujours en premier et qui

accédaient presque tous les jours aux activités proposées sur le planning (cela concernait 3

élèves), ceux qui terminaient rapidement selon la discipline (là où ils étaient le plus à

l’aise) et qui faisaient quelques activités dans la semaine, et ceux qui étaient en difficulté

dans toutes les disciplines et qui ne participaient pas du tout à ce dispositif. Cela m’a posé

problème en voyant les regards d’envie de certains élèves vers ceux qui jouaient à

l’ordinateur alors qu’eux « galéraient » sur un exercice de mathématiques ou de français.

On peut peut-être envisager d’utiliser ce dispositif, qui reste néanmoins efficace, mais en

modifiant les activités proposées, en tout cas pour l’ordinateur. N’ayant pas de salle

informatique à disposition, il serait préférable de privilégier un créneau horaire pour

l’utilisation de l’ordinateur afin de ne spolier personne. Pour éviter également que certains

élèves passent leur temps à faire les activités proposées sur le planning, j’ai mis en place

des exercices complémentaires, ayant le même objectif mais plus complexes, soit au niveau

du contenu (par exemple, en ORL, phrases plus complexes pour trouver les adjectifs), soit

au niveau de la forme (par exemple, en mathématiques, lors du travail sur les heures, j’ai

donné aux élèves qui avaient terminé les exercices sur les conversions de petits problèmes

utilisant les conversions).

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3.3.2 Essai de tutorat entre pairs

J’ai essayé d’exploiter le tutorat lors de ce stage, au cours d’une séance d’ORL (de

conjugaison plus précisément). Après avoir vu lors de la séance précédente l’imparfait de

l’indicatif, les élèves devaient retrouver dans un texte les verbes conjugués à l’imparfait,

puis conjuguer le verbe de quelques phrases à l’imparfait. Damien et Julien ayant, comme

d’habitude, rapidement terminé leurs exercices, je leur ai demandé d’aider deux de leurs

camarades en difficulté, à savoir Dylan et Florine. Volontairement, je suis restée floue sur

la façon de procéder qu’ils devaient adopter : la seule consigne était d’expliquer et non de

donner la réponse.

Damien avait la charge d’aider Florine : le choix s’est fait selon les proximités et

nullement d’après les affinités. N’étant motivé ni par le travail avec Florine, ni par la

démarche, Damien ne s’est pas investi dans la tâche demandée. Il l’a rapidement expédiée

pour pouvoir profiter des activités proposées sur le planning. Son explication a été des plus

courtes et des moins efficaces… La motivation étant une condition nécessaire à la réussite

de toute activité, ce premier cas de tutorat entre pairs a donc échoué.

Julien devait aider Dylan : là encore, le choix s’est fait selon la place des deux

garçons. Julien s’est parfaitement investi dans la tâche demandée. Il a incité Dylan à

trouver, dans le local classe, les outils qui pouvaient lui être utiles. Ainsi, il l’a amené à

repérer certaines affiches (indiquant les terminaisons) mais, à aucun moment, il ne lui a

donné la réponse. Il a donc réalisé ce travail avec beaucoup de sérieux. La relation duelle

entre élèves a créé un climat de confiance et de complicité favorisant l’apprentissage. De

plus, Julien a sans doute eu un discours plus proche de celui que Dylan attendait. Ce

deuxième essai de tutorat était donc plus concluant mais il a réussi parce que l’élève tuteur

était motivé par sa fonction et la pratique. La condition indispensable pour que cette

pratique réussisse reste la motivation des élèves.

J’ai eu l’occasion de réitérer cette expérience à d’autres moments du stage, souvent

à la demande des élèves. Les élèves de cette classe avaient l’habitude de parler à haute voix

dans la classe. Je suis parvenue à réduire ces commentaires mais non à les supprimer

complètement. Or, un élève ayant dit à haute voix qu’il n’arrivait pas faire l’exercice, un de

ses camarades me demanda s’il pouvait aller l’aider. Au premier abord, j’étais réticente du

fait de l’affinité des deux élèves, qui étaient également les deux « animateurs » de la

classe… Mais j’ai finalement accepté cette proposition en précisant que s’ils faisaient trop

de bruit, chacun retournerait à sa place aussitôt. Ce nouvel essai a parfaitement fonctionné :

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Dominique s’est appliqué à expliquer à son camarade et, conscient de la responsabilité de

son rôle de tuteur, il a même utilisé un registre correspondant à son nouveau statut. Ainsi, il

a remplacé son langage habituel par une formulation plus scolaire : « Dans cette phrase,

t’as fait une erreur. Tu peux la retrouver ? ». Cet exemple illustre bien un des avantages

pour le tuteur, à savoir la mobilisation de compétences linguistiques et discursives.

3.3.3 Mise en place de groupes de besoins

Enfin, j’ai mis en place des groupes de besoin en mathématiques lors de

l’apprentissage de la technique opératoire de la soustraction.

Lors d’une première séance, j’ai abordé la technique opératoire en collectif avec la

résolution de soustractions au tableau par un élève et explicitation de la démarche utilisée.

Une fois la méthode bien comprise, les élèves devaient résoudre individuellement des

soustractions sur leur cahier de brouillon, à leur rythme. Pendant ce temps, je passais dans

les rangs pour observer les démarches, voir les élèves qui rencontraient des difficultés et

surtout le type de difficultés. Une correction collective, en envoyant au tableau les élèves

que j’avais remarqués, a permis de réduire le nombre d’élèves en difficulté en éliminant les

erreurs dues à une mauvaise application de la technique opératoire (par exemple, 2 élèves

calculaient de bas en haut, un autre commençait à gauche). En revanche, il fallait revoir les

problèmes concernant la retenue.

Ainsi, pour la deuxième séance sur la soustraction, j’ai divisé la classe en trois

groupes selon les observations que j’avais pu faire la semaine précédente. Après un rappel

de la méthode en collectif, les élèves se sont donc séparés en trois groupes selon mes

indications. Le premier groupe concernait les élèves pour lesquels la notion était acquise, à

savoir 7 élèves. Je leur ai donné plusieurs séries de soustractions avec des fiches

d’autocorrection au fond de la classe. Ils devaient résoudre la première série, relativement

simple, c’est-à-dire avec des soustractions à 2 et 3 chiffres et peu de retenues. Une fois

celles-ci terminées, ils pouvaient aller au fond de la classe vérifier, avec la feuille que

j’avais préparée, s’ils avaient juste ou non. S’ils s’étaient trompés, ils retournaient à leur

place pour corriger. Une fois les soustractions correctement réalisées, ils pouvaient passer à

la deuxième série, plus compliquée (soustractions à 4 chiffres et plus de retenues). Le

deuxième groupe concernait les élèves qui avaient des problèmes de calcul : ils avaient

compris la méthode de la technique opératoire mais faisaient des erreurs de calcul. C’était

le cas de 6 élèves dont 4 comptaient avec leurs doigts pour faire des calculs simples comme

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8 – 5. J’ai donc donné à ces élèves des soustractions simples à résoudre, jugeant qu’ils

avaient surtout besoin de s’entraîner à faire ce genre de calculs. Là encore, je leur ai donné

sous forme de séries avec fiches autocorrectives pour qu’ils vérifient régulièrement. Enfin,

les 5 élèves restants composaient le troisième groupe : ils n’avaient pas compris le rôle de

la retenue et donc son utilisation. Les autres groupes travaillant en autonomie, j’ai donc pu

m’occuper d’eux. Je leur ai expliqué dans un premier temps la méthode de prélèvement

avec une phase de manipulation et dans un second temps, son application sur le papier. Le

fait de barrer la dizaine leur paraissait alors beaucoup moins abstrait.

Cet essai de répartition en groupes de besoins a été dans l’ensemble concluant

puisque les élèves travaillant en autonomie ont bien réalisé leur tâche. Le fait de placer les

fiches autocorrectives au fond de la classe pour le premier groupe entraîne des

déplacements réguliers dans la classe et donc du bruit mais il a l’avantage de me permettre

de voir si l’autocorrection est correctement réalisée, en tout cas mieux que sous forme de

fiches individuelles (lorsque les élèves ont la correction sous les yeux, ils ont tendance à ne

pas chercher). Pour les élèves du deuxième groupe, ce n’est pas en une séance qu’on peut

résoudre un problème de calcul mental. C’est pourquoi j’ai instauré une séance de calcul

mental tous les jours après la récréation, juste avant la séance de mathématiques. En effet,

c’est par la manipulation quotidienne des nombres qu’on peut espérer rendre les élèves

plus à l’aise dans les calculs. Mais il faudrait généraliser cette pratique sur l’année pour

qu’elle soit réellement efficace. Quant aux 5 élèves du dernier groupe, j’ai pu constaté des

progrès pour 4 d’entre eux à la séance suivante : ils avaient encore quelques difficultés

pour certaines soustractions mais la notion était en cours d’acquisition. En revanche, mon

explication s’est révélée fort peu efficace pour Jonathan, un élève en difficulté dans toutes

les disciplines et peu impliqué dans les activités de la classe. J’avoue m’être sentie

impuissante face à cet élève et frustrée de ne pas trouver la manière de lui expliquer.

CONCLUSION

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BIBLIOGRAPHIE

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- Ministère de l’Education Nationale, programmes de 2002, Qu’apprend-on à l’école

élémentaire ? Qu’apprend-on à l’école maternelle ?

- BOUDON Raymond, L’inégalité des chances, Armand Colin, Collection U

- WIEVIORKA Michel, La différence, Collection Balland

- Dictionnaire Hachette encyclopédique

- VEi enjeux, Accueillir les migrants, n°125, juin 2001

- PERRENOUD Philippe, 10 nouvelles compétences pour enseigner, ESF éditeur,

Pédagogie outils

- GRANDGUILLOT Marie-Claude, Enseigner en classe hétérogène, Hachette éducation

(1993)

- Cahiers pédagogiques n°356, Le travail de groupe, septembre 1997

- DE VECCHI G., CARMONA-MAGNALDI N., « Produire du sens avec du sens » dans

Faire construire des savoirs, Hachette éducation (1999)

Les structures spécifiques

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Il existe, dans le cadre de l'Éducation Nationale, des structures ditesspécifiques qui s'adressent prioritairement aux enfants d'origineétrangère.

Schéma en vigueur à l'heure actuelle :

Maternelle

Petite sectionMoyenne sectionGrande section

Bain de langage

Primaire

C.P.C.E. 1C.E. 2C.M. 1C.M. 2

CLIN

Collège

6ème 5ème 4ème 3ème

CLA CLA-NSA

Lycée

2de1ère Term.

CLA (mise en réseau entrecollèges disposant d'unestructure spécifique et leslycées professionnels)

CLIN : Classe d’InitiationCLA : Classe d’Accueil

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