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22 PEOPLESPHERE N 0 156. OCTOBRE 2011 L orsqu’on parle de « développement durable » dans l’entreprise, le DRH peut avoir tendance à détourner son atten- tion. « Ce n’est pas mon sujet », peut-il se dire. Tout au plus, ceux qui maîtrisent les bases de cette approche prêteront attention au pilier « people » du triptyque qui la compose, le plus souvent par le biais de la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE). Mais c’est par trop limitatif, s’accordent à dire les trois interlocuteurs sollicités en accroche de notre dossier: Francis Karolewicz, dirigeant du cabinet français FMK, initiateur du concept de Développement des Ressources Humaines Durables (DRHD) et co-auteur avec Bernard Calisti (EM-Lyon) du livre RH et développement durable, Laurent Taskin, professeur de Management hu- main à la Louvain School of Management (LSM) et président de l’Institut des Sciences du Travail de l’UCL, co-auteur du livre Perspectives critiques en management – Pour une gestion citoyenne, et Brigitte Hudlot, directrice d’ICHEC-Entreprises qui propose, notamment, un cycle de formation en gestion durable. Le « développement durable », est-ce bien un sujet pour les RH? Francis Karolewicz: « Dès lors qu’on s’intéresse au développement durable, on touche au ‘vivant’. Jusqu’il y a peu, quand on parlait de développement durable au sein de l’entreprise, on se limitait le plus souvent à l’approche environnementale et écologique. Il y avait fort peu de lien avec le développement des individus. A mes yeux, la notion de durabilité passe aussi par l’apprentissage et l’autonomie d’apprentissage, par exemple. Elle s’inscrit notamment dans l’approche de l’organisation apprenante. Un fil conducteur part de l’instauration d’une culture d’apprenance, s’inscrit dans le vivant, et permet ainsi d’approcher le management des hommes davantage dans sa globalité. » Laurent Taskin: « Globalement, ce que j’appelle la Gestion Responsable des Ressources Humaines – ou GRRH – traduit, dans le champ du management humain, les préoccupations amenées par le courant de la responsabilité sociétale des entreprises, la RSE. Il s’agit donc de considérer que la responsabilité de l’entreprise et du management ne se limite pas à une maximisation du profit pour l’actionnaire, mais qu’il faut prendre en compte les attentes des différentes parties prenantes de l’organisation, au-delà de l’actionnariat Management durable, Gestion des Ressources Humaines Durable, Gestion Responsable des Ressources Humaines, ou encore Développement des Ressources Humaines Durables: autant de concepts émergents qui traduisent une réalité: les DRH ne peuvent se cantonner au pilier « people » du triptyque « People, Planet, Profit », mais doivent se positionner au cœur du développement durable en mobilisant l’ensemble des acteurs autour d’une vision plus forte et structurée du développement du patrimoine humain. Explications. DOSSIER Balises Dossier Comment mettre en place GRH « dura b

Comment Mettre en Place Une Grh Durable

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la mise en place d'une grh responsable

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22 PEOPLESPHERE N0156. OCTOBRE 2011

L orsqu’on parle de « développement

durable » dans l’entreprise, le DRH peut

avoir tendance à détourner son atten-

tion. « Ce n’est pas mon sujet », peut-il se dire.

Tout au plus, ceux qui maîtrisent les bases de cette

approche prêteront attention au pilier « people »

du triptyque qui la compose, le plus souvent par le

biais de la responsabilité sociétale de l’entreprise

(RSE). Mais c’est par trop limitatif, s’accordent à

dire les trois interlocuteurs sollicités en accroche

de notre dossier: Francis Karolewicz, dirigeant

du cabinet français FMK, initiateur du concept

de Développement des Ressources Humaines

Durables (DRHD) et co-auteur avec Bernard Calisti

(EM-Lyon) du livre RH et développement durable,

Laurent Taskin, professeur de Management hu-

main à la Louvain School of Management (LSM)

et président de l’Institut des Sciences du Travail

de l’UCL, co-auteur du livre Perspectives critiques

en management – Pour une gestion citoyenne, et

Brigitte Hudlot, directrice d’ICHEC-Entreprises

qui propose, notamment, un cycle de formation

en gestion durable.

Le « développement durable », est-ce bien un sujet pour les RH?

Francis Karolewicz: « Dès lors qu’on

s’intéresse au développement durable, on

touche au ‘vivant’. Jusqu’il y a peu, quand on

parlait de développement durable au sein de

l’entreprise, on se limitait le plus souvent à

l’approche environnementale et écologique.

Il y avait fort peu de lien avec le développement

des individus. A mes yeux, la notion de

durabilité passe aussi par l’apprentissage et

l’autonomie d’apprentissage, par exemple.

Elle s’inscrit notamment dans l’approche de

l’organisation apprenante. Un fil conducteur

part de l’instauration d’une culture

d’apprenance, s’inscrit dans le vivant, et

permet ainsi d’approcher le management des

hommes davantage dans sa globalité. »

Laurent Taskin: « Globalement, ce que

j’appelle la Gestion Responsable des

Ressources Humaines – ou GRRH – traduit,

dans le champ du management humain, les

préoccupations amenées par le courant de

la responsabilité sociétale des entreprises,

la RSE. Il s’agit donc de considérer que

la responsabilité de l’entreprise et du

management ne se limite pas à une

maximisation du profit pour l’actionnaire,

mais qu’il faut prendre en compte les

attentes des différentes parties prenantes

de l’organisation, au-delà de l’actionnariat

Management durable, Gestion des Ressources Humaines Durable, Gestion Responsable des Ressources Humaines, ou encore Développement des Ressources Humaines Durables: autant de concepts émergents qui traduisent une réalité: les DRH ne peuvent se cantonner au pilier « people » du triptyque « People, Planet, Profit », mais doivent se positionner au cœur du développement durable en mobilisant l’ensemble des acteurs autour d’une vision plus forte et structurée du développement du patrimoine humain. Explications.

DOSSIER Balises

Dossier

Comment mettre en place GRH « durab

23PEOPLESPHERE N0156. OCTOBRE 2011

ou du management. Car, si l’action de

l’entreprise peut avoir des conséquences

générales pour la société, il en va de même

pour le management des personnes. Parler de

responsabilité plutôt que de durabilité, c’est

aussi, d’emblée, insister sur le rôle d’acteur

critique et politique du DRH en la matière. »

Développement durable et responsabilité socié-tale se confondent-ils pour autant? Brigitte Hudlot: « Le développement durable

n’est en aucun cas un concept qui est né

dans le monde de l’entreprise. Ce concept

a été défini dans le cadre des Nations Unies

en 1987 par la Commission Brundtland. En

tant que tel, il s’adresse relativement peu

à l’entreprise et traite plutôt des modèles

de développement guidés par des choix

politiques. Le développement durable est

ensuite devenu la traduction d’une aspiration

sociétale générale qui concerne alors tous les

acteurs, dont les entreprises. Pour ce qui est

de la RSE, il est beaucoup plus difficile d’isoler

un ‘moment fondateur’ car cette préoccupation

existe depuis très longtemps: on la retrouve

déjà dans le paternalisme du XIXe siècle par

lequel le patron veillait à un bien-être minimum

pour ses ouvriers par diverses initiatives, puis

par le mécénat d’entreprise. La RSE est donc

une espèce de ‘chose’ hybride amenant à la

fois des questionnements sur ce que doit être

la responsabilité des entreprises et des outils,

normes et standards de reporting permettant de

l’opérationnaliser. Là où les deux conceptions

se rejoignent, par contre, c’est dans la récente

norme ISO 26000 approuvée en novembre

2010 à une très large majorité des Etats et des

parties prenantes. Elle laisse entendre que la

RSE doit répondre aux attentes de la société

en général et que le développement durable

est la traduction de ces attentes. Par la RSE,

les organisations doivent donc contribuer au

développement durable et cette norme ISO

définit comment. Mais il est vrai que, dans les

faits et pour des raisons pratiques, on emploie

souvent en entreprise un concept pour l’autre

et inversement. »

Si les RH se cantonnent à la mise en œuvre de la RSE – à savoir le pilier social, ‘people’, du déve-loppement durable –, ne risquent-ils pas de pas-ser à côté du « développement durable » dans son acception la plus large?Brigitte Hudlot: « Si on ne comprend la

RSE que dans son volet social, sans aucun

doute. Agir au plan du développement

durable implique de changer radicalement

l’entreprise et toute sa chaîne de valeur, en

menant un dialogue avec toutes les parties

prenantes et en entretenant énormément

de collaborations avec ouverture et

transparence. Or, ce n’est pas ainsi que les

entreprises sont organisées aujourd’hui.

C’est là que les RH ont un rôle plus large à

jouer que de se limiter au seul pilier social:

il y a un véritable chantier organisationnel

à mener. Il ne faut donc pas se tromper

de combat: l’enjeu n’est pas que les RH

sortent du volet ‘people’ pour toucher à

l’environnemental, par exemple, mais bien

qu’ils interviennent partout où ils le peuvent

pour que la préoccupation du développement

durable percole dans l’organisation et soit

présente à tous les moments de décision. »

« La notion de durabilité passe aussi

par l’apprentissage et l’autonomie

d’apprentissage. »

Balises / Dossier

une ble »

du management. Car, si l’action de

treprise peut avoir des conséquences

érales pour la société, il en va de même

r le management des personnes. Parler de

ponsabilité plutôt que de durabilité, c’est

une espèce de ‘chose’ hybride amenant à la

fois des questionnements sur ce que doit être

la responsabilité des entreprises et des outils,

normes et standards de reporting permettant de

l’opérationnaliser. Là où les deux conceptions

souvent en entreprise un concept pour l’autre

et inversement. »

Si les RH se cantonnent à la mise en œuvre de la RSE – à savoir le pilier social, ‘people’, du déve-

24 PEOPLESPHERE N0156. OCTOBRE 2011Dossier / Balises

Laurent Taskin: « Dans une acception étroite,

souvent associée au terme de Sustainable HRM, la

GRRH se limite à des politiques dont la thématique

est associée à la responsabilité sociale: gestion

de la diversité ou du bien-être au travail, par

exemple. Or, il ne suffit pas de développer la

meilleure politique en matière de gestion de la

diversité, avec la charte la plus inclusive qui soit,

par exemple, pour s’inscrire dans une GRRH. La

GRRH, au-delà des thématiques des politiques

concernées, c’est une ‘philosophie’, une manière

de faire qui est par essence mobilisatrice,

collective et concertée: dès le départ, les parties

prenantes sont impliquées dans la formulation du

problème – dans l’exemple mobilisé ici, la charte

de valeurs, c’est la solution, pas le problème –

et participent à l’élaboration d’une solution de

gestion. De ce fait, la politique est inclusive et

prend en compte l’environnement sociétal qui se

trouve affecté, directement ou indirectement, par

la politique en question. »

Comment concrétiser une GRH « durable » ou « responsable »?Francis Karolewicz: « Dans notre livre, RH et

développement durable, Bernard Calisti et moi-

même proposons une approche de la GRH en

14 étapes, couvrant la vie de l’individu dans

l’entreprise, depuis le recrutement jusqu’au

départ à la retraite, avec une posture que

l’on peut qualifier d’écologique au sens

noble du terme, à savoir dans le respect de

l’autre et de l’environnement. L’idée est

de construire une charte des RH autour de

tous ces processus – recrutement, période

d’essai, phases d’apprenance, répartition des

richesses, etc. – comme étant également un

moyen de mobiliser les personnes et qui doit

donc être co-construite. Cette charte devrait

contenir d’une part les conditions à créer

par l’entreprise et, d’autre part, celles dans

lesquelles s’inscrivent les salariés. Il y a en

effet des droits et des devoirs: la démarche du

développement durable est une démarche de

co-responsabilité, comportant un engagement

réciproque des parties prenantes. »

Où en sont les DRH, aujourd’hui, sur ce front? Francis Karolewicz: « Quand le DRH se mêle de

développement durable, il le fait encore souvent

sur la question de la mobilisation des individus:

gestion des déchets, économies d’énergie,

optimisation des déplacements et réduction de

la consommation, etc. Il intervient par ailleurs

sur des thèmes ponctuels comme la diversité.

Mais il na jamais une vision globale de la question

Un peu provocante, la question ne doit guère être esquivée. « On peut asso-cier à la notion de durabilité la perspective de transmission, une gestion en bon père de famille, la capacité créative et innovante, une certaine appartenance, la transmission de savoirs, un certain sacrifice de la part des dirigeants dès lors qu’il s’agit de préserver l’outil de travail en temps difficiles, énumère Francis Karolewicz. Dans une telle optique, la grande entreprise, de par sa structure, n’est de facto pas durable. Il n’en reste pas moins qu’on peut y déployer une GRH dans l’optique de soutenir la durabilité de l’entreprise qui peut évidemment disparaître dans l’environnement mondialisé qui est le nôtre. »L’enjeu n’est d’ailleurs pas qu’une entreprise perdure à tout prix. « Et il ne suf-fit pas que ses salariés soient compétents pour qu’elle perdure, ajoute-t-il. Toute une série de facteurs, dont les facteurs financiers ou liés au contexte du business, interviennent. Mais on peut s’accorder sur le constat que les entreprises qui ne sont pas durables sont celles qui privilégient les performances financières aux performances économiques et sociales. La durabilité se construit sur de la per-formance économique et sociale pérenne générant la performance financière dont l’entreprise a besoin pour se développer. Pour y arriver, le vrai contrat social consiste à maintenir chaque personne en situation de compétences et d’em-ployabilité: l’entreprise doit pouvoir amener cette durabilité de la compétence. »

La grande entreprise peut-elle être « durable »?

Francis Karolewicz:« S’il n’y a pas de recette toute faite, il y a bien un in-grédient essentiel: les individus agissent là où ils sont évalués. Si l’on veut modifier les modèles d’entreprise, il faut changer les modèles d’évaluation. »

25PEOPLESPHERE N0156. OCTOBRE 2011 Balises / Dossier

de la durabilité. A la limite, le DRH ne s’avance

pas trop sur le sujet du management durable

car celui-ci touche intrinsèquement au business

model de l’entreprise et peu nombreux sont les

DRH qui y ont véritablement eux-mêmes accès. »

Brigitte Hudlot: « Il ne faudrait pas pour

autant sous-estimer les ‘quick wins’ qu’on

peut engranger dans ces sujets en termes de

modifications des comportements de chacun.

Mais ils ne sont en effet qu’un début. Les

entreprises qui se repositionnement dans

une véritable logique de développement

durable sont encore très rares. »

Laurent Taskin: « A bien des égards, certains

responsables RH font de la GRRH à leur propre

insu, comme Monsieur Jourdain faisait de la

prose sans le savoir. Nous avons interrogé

une vingtaine de DRH sur leur perception de la

RSE et les liens avec leurs politiques de GRH et

force est de constater qu’il y a une réticence,

dans la communauté RH, à l’étiquetage de

pratiques RH sous un label ‘responsable’ ou

‘durable’. Seules les plus grandes entreprises,

dans le cadre d’une politique en matière de

RSE qui se trouve formalisée, inscrivent des

politiques RH dans ce cadre. »

Pratiquement, comment instaurer cette gestion durable des ressources humaines?Francis Karolewicz: « Chaque entreprise se

positionne évidemment différemment sur les

14 étapes que j’ai évoquées. Si l’on adopte une

vue hélicoptère, il faut bien constater que bien

des étapes présentent des failles importantes.

En matière de recrutement, les démarches liées

à la diversité ne fonctionnent pas encore très

bien, si l’on pense par exemple à l’embauche

de profils 50+ ou allochtones. En matière

d’apprentissage, nombreux sont les employeurs

qui confondent encore apprentis et salariés bon

marché. En matière de gestion des carrières, il y

a incontestablement des marges de progression.

Le salarié est encore souvent traité comme un

objet, voire comme un consommateur, plus

que comme un sujet qui réfléchit, développe

son autonomie, se responsabilise, co-construit

l’avenir, etc. De même, nos acteurs syndicaux

ne se situent pas dans la responsabilisation

collective, à l’inverse de ce qu’on peut observer

dans un pays comme l’Allemagne. Le chantier à

mener est donc tous azimuts… »

Laurent Taskin: « L’une des pratiques

développée dans ce contexte est la ‘HR

Value proposition’ présentée par Dave Ulrich

et Wayne Brockbank en 2005. Le principe

fondateur est d’affirmer que la fonction RH

crée le plus de valeur lorsqu’elle intègre,

dans sa stratégie, ses politiques et pratiques,

les parties prenantes de l’organisation.

Concrètement, cette méthode consiste

d’abord à identifier ces parties prenantes

et à énoncer leurs attentes vis-à-vis de

l’organisation, le risque de non prise en

compte de ces attentes – il y a en effet des

parties prenantes plus prépondérantes que

d’autres –, les réponses que l’organisation

doit apporter pour y répondre et les pratiques

Un premier niveau de lien entre le management et le développement durable se situe dans la notion du « vivant », indique Francis Karolewicz qui identi-fie quatre macro compétences du vivant dans le domaine de l’entreprise, à chaque fois à décliner au niveau organisationnel, au niveau de l’équipe et au niveau individuel:1. Le fait d’être relié en permanence à son environnement – d’être en contact

avec ce qui se passe autour de soi et avec les différents acteurs (clients, fournisseurs, équipes, etc.) – et d’en comprendre les évolutions;

2. L’innovation en permanence: « Il y a lieu de faire la différence entre la capacité à s’adapter – qui sous-tend la notion de réactivité, à savoir s’adapter au système sans prendre en compte qui l’on est – et la capacité à s’ajuster – c’est-à-dire répondre aux évolutions par des solutions qui ne sont pas uniquement tournées vers le système mais aussi cohérentes avec ce que vous êtes, dans une optique d’adéquation entre vous et le système. »

3. Le partage: « Travailler seul dans son coin n’induit pas d’enrichissement collectif: il faut semer des graines. »

4. La notion de réorganisation: « Il n’y a pas de changement sans réorgani-sation. »

« Plus il y a défaillances sur ces quatre macro compétences, plus on réduit sa durabilité, note-t-il. Plus celles-ci sont développées, plus on parviendra à résis-ter. Avec un tel cadre de lecture, les organisations peuvent mener un audit quant à leur durabilité. Autre façon de l’évaluer: passer les ressources au travers du prisme PAD: le développement durable, c’est gérer les ressources en veillant à les préserver (P), à les actualiser (A) et à les développer (D). Le management doit y veiller à son niveau, au niveau des équipes, à celui l’individu. Ce type d’approche permet de regarder l’activité non plus seulement à travers le développement du chiffre d’affaires, mais aussi à travers le développement des personnes. »

Dans le livre Ecomanagement, préfacé par Nicolas Hulot, Francis Karolewicz propose un modèle basé sur les lois du vivant appliqué au management du-rable. Aux Editions De Boeck, 2010, ISBN 2-8041-1613-1, 184 pages.

Quatre macro compétences incontournables

« La GRRH, c’est une ‘philosophie’,

une manière de faire qui est par essence

mobilisatrice, collective et concertée. »

26 PEOPLESPHERE N0156. OCTOBRE 2011

RH à mobiliser pour soutenir cette réponse

de l’organisation. Ce travail, fastidieux,

débouche, par regroupements et après

avoir intégré les éléments de stratégie de

l’organisation, sur l’identification d’une

série de politiques RH clé que l’entreprise

doit mettre en place et qui créeront un

maximum de valeur, pour les parties

prenantes considérées. Et, donc, y compris

pour les collaborateurs, les associations de

travailleurs, les groupes de pression, les

partenaires, etc. pris en considération. »

Il n’y a donc pas de boîte à outils « toute faite »… Laurent Taskin: « Certainement pas. Pour le

dire autrement, je peux faire de la GRRH, sans

avoir de politique de gestion de la diversité ou

du bien-être au travail, mais en plaçant au cœur

de mes politiques de formation, de partage

des connaissances, de gestion de carrières ou

de sélection, les dimensions de justice sociale

et d’équité – ma politique RH est-elle ‘juste’?

Et c’est ici que le DRH doit arriver à affirmer ce

qui est juste ou pas et au regard de quoi; c’est

ici que le responsable RH n’est pas seulement

le développeur de politiques et pratiques RH

sophistiquées et techniciennes: il est un leader,

capable d’affirmer un principe de justice et de

faire un choix éminemment politique: ‘Nous

ne nous inscrirons pas dans tel ou tel projet,

car cela ne répond pas à notre vision de la

société, ou cela introduit de l’inéquité dans le

traitement de nos collaborateurs’. »

Brigitte Hudlot: « Il n’y a jamais de boîte

à outils toute faite. Mais il existe différents

champs sur lesquels les RH ont une carte à jouer.

Tout d’abord, ils peuvent intervenir en tant que

caisse de résonnance de ce qui se passe dans

et à l’extérieur de l’entreprise. Les managers

évoluent souvent le nez sur le guidon et ont peu

l’occasion d’en prendre la mesure. Il y a donc un

rôle d’alerte à exercer par rapport aux attentes

des gens. D’autre part, les RH sont ceux qui

ont le plus l’habitude d’entretenir un dialogue

avec une des parties prenantes – et non des

moindres –: les syndicats, idéalement en

dépassant la confrontation pour s’inscrire dans

une logique de partenariat. Cette compétence

du dialogue et cet état d’esprit peuvent être

utilisés et transférés vers d’autres personnes

dans l’entreprise pour dialoguer avec d’autres

acteurs comme les ONG, les collectifs de

voisinage, les académiques, etc. Autre exemple:

s’inscrire dans la voie du développement

durable va exiger de recruter et de développer

d’autres profils, avec d’autres compétences,

mobilisant d’autres comportements. Les RH

doivent donc pouvoir identifier les nouveaux

besoins des départements en la matière et

veiller à y répondre. »

Francis Karolewicz: « S’il n’y a pas de recette

toute faite, il y a bien un ingrédient essentiel:

les individus agissent là où ils sont évalués. Si

l’on veut modifier les modèles d’entreprise, il

faut changer les modèles d’évaluation. On

peut dire qu’il s’agit d’un levier où les RH

sont en première ligne, même si énormément

dépend du positionnement que leur donne

la direction générale et du charisme qu’ils

ont. Le problème, c’est que beaucoup

restent dans un rôle de pompier, alors que

de tels chantiers demandent beaucoup de

leadership. Ce qui va développer la légitimité

du DRH, c’est justement sa capacité à prendre

de la hauteur, à passer à de nouveaux

modèles, à être porteur de sens, à ouvrir de

nouveaux chemins porteur d’espoir. »

CHRISTOPHE LO GIUDICE

Dossier / Balises

Laurent Taskin:« Le responsable RH n’est pas seulement le déve-loppeur de politiques et pratiques RH sophisti-quées et techniciennes: il est un leader, capable d’affirmer un principe de justice et de poser des choix éminemment politiques. »

Brigitte Hudlot:« L’enjeu n’est pas que les RH sortent du volet ‘people’ pour toucher à l’environnemental, par exemple, mais bien qu’ils interviennent partout où ils le peuvent pour que la préoccupation du déve-loppement durable percole dans l’organisation. »

Dans le livre RH et développement durable, Bernard Calisti et Francis Karolewicz proposent une vision d’une autre GRH et livrent des méthodes et outils pour finaliser une poli-tique de ressources humaines durables. Aux Editions d’Or-ganisation, Paris, 2005, ISBN 2-7081-3334-9, 240 pages. Plus d’informations: www.drhd.fr.

Laurent Taskin et Matthieu de Nanteuil, appuyés par un large panel de contributeurs, publient ce mois-ci Perspectives cri-tiques en management – Pour une gestion citoyenne, un véri-table plaidoyer en faveur d’une éthique de responsabilité. Aux Editions De Boeck, Louvain-la-Neuve, ISBN 978-2-8041-6484-3, 275 pages.

Perspectives critiques en management

Préface de Hugh WILLMOTT

Pour une gestion citoyenne

Sous la direction de Laurent TASKIN et Matthieu de NANTEUIL

M A N A G E M E N T