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I&o1 Psychiatr 1999 ; 64 : 395-8 0 Elsevier, Paris A propos de... Comment rhdiger et bvaluer r un article scientifique ? Y. Thoret * A propos de. . . Lecture critique et rbdaction medicale scientiique. Comment lit-e, hdiger et publier une 6tude dinique ou 6pid6miologique de Louis Rachid Salmi l * L ‘auteur de cet ouvrage, medecin, a travail16 au departement d’epidemiologie clinique de l’universite McGill a Montreal, puis a Atlanta et travaille main- tenant B Bordeaux. Son ouvrage est redige en francais. Ce livre de 287 pages constitue un manuel de reference sur les methodes de lecture et de redaction de travaux cliniques. 11 est riche en conseils pratiques et presente une reflexion approfondie sur les qualites requises pour l’elaboration d’un sujet de recherche, la strategic d’etude et une presentation rigoureuse des resultats. Trop souvent, cette troisieme &ape est negligee, faute de temps dispo- nible ou par lassitude. L’auteur insiste sur la necessite de prevoir les contraintes de la redaction dbs le debut dune recherche, avec un effort permanent de rigueur et de creativite. 11 vise a Ctayer le travail du chercheur en lui recommandant, tout d’abord, une certaine modestie, une presentation Claire, une methode Cprouvee, une formulation juste, un langage p&is. Tous ces conseils sonnent juste et consti- tuent les regles de base de l’elaboration d’un travail. 11 convient aussi de menager une place specifique a des qualites plus person- nelles du chercheur, son audace, sa creativite, sa combativite et surtout son style. Louis Rachid Salmi rappelle qu’un rapport de recherche doit informer des publics trk divers (chercheurs, cliniciens de terrain, administrateurs) tandis qu’un article scientifique original est destine a Ctre publie pour des specialistes. Le tra- vail expose dans l’article doit 6tre inedit, percutant et sobre. Le texte d’un article ne doit pas depasser vingt pages ; l’auteur devra selectionner avec grand soin les elements qu’il inclura dans son texte. L’auteur d’un article engage son nom dans une publication. 11 doit maintenir une integrite totale : les signataires doivent Ctre les artisans effectifs du travail, * Dr Yves Thoret, Laboratoire de psychopathologic de l’identitb, de la pensee et des processus de Sante << Ipse n, universite de Paris X-Nanterre, 53, avenue Anatole-France, 78300 Poissy,France. ** Salmi LR. Lecture critique et redaction medicale scientifique. Comment lire, rtdiger et publier une etude clinique ou epidemiologique [Preface de W.O. Spitzer et de P. Rouger]. Paris : Elsevier ; 1998.288 p.

Comment rédiger et évaluer un article scientifique?: À propos de… Lecture critique et rédaction médicale scientifique. Comment lire, rédiger et publier une étude clinique

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I&o1 Psychiatr 1999 ; 64 : 395-8 0 Elsevier, Paris A propos de...

Comment rhdiger et bvaluer r un article scientifique ? Y. Thoret *

A propos de. . . Lecture critique et rbdaction medicale scientiique. Comment lit-e, hdiger et publier une 6tude dinique ou 6pid6miologique de Louis Rachid Salmi l *

L ‘auteur de cet ouvrage, medecin, a travail16 au departement d’epidemiologie clinique de l’universite McGill a Montreal, puis a Atlanta et travaille main-

tenant B Bordeaux. Son ouvrage est redige en francais. Ce livre de 287 pages constitue un manuel de reference sur les methodes de

lecture et de redaction de travaux cliniques. 11 est riche en conseils pratiques et presente une reflexion approfondie sur les qualites requises pour l’elaboration d’un sujet de recherche, la strategic d’etude et une presentation rigoureuse des resultats. Trop souvent, cette troisieme &ape est negligee, faute de temps dispo- nible ou par lassitude. L’auteur insiste sur la necessite de prevoir les contraintes de la redaction dbs le debut dune recherche, avec un effort permanent de rigueur et de creativite. 11 vise a Ctayer le travail du chercheur en lui recommandant, tout d’abord, une certaine modestie, une presentation Claire, une methode Cprouvee, une formulation juste, un langage p&is. Tous ces conseils sonnent juste et consti- tuent les regles de base de l’elaboration d’un travail.

11 convient aussi de menager une place specifique a des qualites plus person- nelles du chercheur, son audace, sa creativite, sa combativite et surtout son style. Louis Rachid Salmi rappelle qu’un rapport de recherche doit informer des publics trk divers (chercheurs, cliniciens de terrain, administrateurs) tandis qu’un article scientifique original est destine a Ctre publie pour des specialistes. Le tra- vail expose dans l’article doit 6tre inedit, percutant et sobre. Le texte d’un article ne doit pas depasser vingt pages ; l’auteur devra selectionner avec grand soin les elements qu’il inclura dans son texte.

L’auteur d’un article engage son nom dans une publication. 11 doit maintenir une integrite totale : les signataires doivent Ctre les artisans effectifs du travail,

* Dr Yves Thoret, Laboratoire de psychopathologic de l’identitb, de la pensee et des processus de Sante << Ipse n, universite de Paris X-Nanterre, 53, avenue Anatole-France, 78300 Poissy, France. ** Salmi LR. Lecture critique et redaction medicale scientifique. Comment lire, rtdiger et publier une etude clinique ou epidemiologique [Preface de W.O. Spitzer et de P. Rouger]. Paris : Elsevier ; 1998.288 p.

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tome source sera mentionnee, les contributions des collaborateurs seront expli- cites, la litterature sera exploree de facon complete, les methodes quantitatives respecteront les regles standardisees, les limites d’une recherche seront d&rites avec prudence. Le style sera precis, clair, fluide, concis. La I( precision B consistant a rien de moins que de garantir la reproductibilite des experiences, ce qui leur confer-e le caractere de fait scientifique.

L’intCrCt de cet ouvrage se revble double. 11 constitue << une mine v de conseils avises pour un auteur. 11 detaille tgalement les attentes et les standards du milieu scientifique. Cette double polarite constitue une securite pour le jeune cher- cheur ; il ne doit pas refrener son ardeur et ses qualites personnelles. Le directeur de recherche doit exercer, lui aussi, un role ?I la fois critique et stimulant. Cet ouvrage leur permettra de gagner beaucoup de temps et de reduire la charge << surmdique B des N guidelines P a respecter dans la presentation d’une recherche. L. R. Salmi discute chaque &ape du travail de recherche : introduction, revue de la litthature, objectifs, methodes, resultats et discussion.

L’ouvrage mentionne chaque consigne importante pour aboutir a une bonne information du lecteur ou de l’evaluateur. C’est une nouvelle rhetorique, plus imbibee d’informatique que d’eloquence, constituant la garantie qu’aucun point important n’aura et6 oublie ou neglige.

Une qualite essentielle de ce livre est l’illustration permanente de ces prin- cipes par des exemples simples et clairs. On se prend au jeu tout naturellement et on s’attache a ce << guide B qui ne se contente pas d’enoncer les regles mais les met en relief avec des exemples cliniques. On percoit, derriere la presentation un peu ironique de l’auteur, une bonne dose de malice et une rassurante bien- veillance. 11 met en garde le chercheur debutant zClC qui croit bien faire en hyper- trophiant son chapitre << methodes B. II remarque que la presentation de la methodologie est souvent beaucoup trop longue, inutilement fastidieuse. 11 incite le chercheur a ne pas livrer de resultats au moment oti il &once les methodes. 11 faut done <c faire court D, sans omettre de definir avec precision les sites, les sujets, les critbres. Ce va-et-vient entre la necessite de ne rien omettre d’important et la contrainte de presenter un projet d’article sobre et dense est un souci permanent de l’auteur de ce livre. 11 utilise son experience pour conseiller le chercheur dans cette contrainte, d’une maniere fine et souvent humoristique. 11 donne des indi- cations visant a hierarchiser les connaissances et les informations. Ainsi, les resul- tats en rapport avec la question principale mkilent plus de relief que ceux traitant des questions secondaims.

Salmi conseille &me aux Macteurs d’un article scientifique de r&dire cer- taines parties de leur prbsentation : les h&itations sur le choix des m&odes, les rtkiltats n&at& toute r+&ition ou redite inutile. Il rappelle qu’il ne faut pas bvoquer les rtkdtats dans le paragraphe eowxrx? aux n&hodes et ne pas ddtailler B nouveau les mbhodes darts ie chapitre des rbltats. Ces conseils sont prtkieux pour alleger le texte d’tm article.

Au stade de la discussion, Salmi suggkre au chercheur de montrer : comment il a atteint son objectif ; la validit de ses rQultats ; l’apport reel de son etude. 11

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apparait alors que la modestie recommandee initialement Ctait surtout formelle et que l’auteur de l’article devait se donner les moyens de convaincre le lecteur ou l’evaluateur de la qualite et de l’originalite de son travail.

Cet ouvrage ne se contente pas d’tnumtrer les informations a inclure dans un article. 11 conseille le chercheur sur la construction de son texte et le choix des elements Cnonces, en repetant que les articles de jeunes chercheurs ont toujours le defaut d’etre trop longs.

On trouve ces qualites de concision quand Salmi rassemble, en six pages (p. 59-65) les trois systemes de references bibliographiques : auteur-annee, alpha- betique numerique et numerique sequentiel (ou convention de Vancouver). Deux tableaux illustrent cela avec des exemples simples. Le souci d’aboutir au systbme le plus ltger possible apparait de lui-meme, de m&me que la necessite d’ecarter les references de seconde main. Le resume sera, au choix du chercheur, infor- matif, indicatif ou structure. Le titre Cnoncera les mots-clts ou les mots les plus charges d’information.

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Dans la seconde partie de l’ouvrage, Salmi depasse ces questions de forme pour decrire les ressorts de la lecture critique d’un texte scientifique. 11 ne s’agit pas sim- plement de lecture rapide, permettant de rejeter l’article dbs que, successivement, le titre, le resume, les resultats ou les sites ne paraissent pas suffisamment inte- ressants ou utiles. L’auteur developpe les critbres de qualite auxquels doit satis- faire chaque &ape du travail de recherche et demontre comment on les Cvalue dans le texte, a la lecture. 11 ne s’agit plus de presentation mais de coherence, de logique, de rigueur dans la validation d’une hypothese.

La lecture du compte-rendu doit permettre 2 l’evaluateur d’un comite de redaction de juger du degre de possibilites d’erreurs selon les << chicanes metho- dologiques B, le bon choix des methodes statistiques, la selection des variables importantes et des comparaisons effectuees. Une etude trop riche en questions multiples a peu de chances d’eviter la confusion. Salmi attire l’attention direc- tement sur les facteurs de confusion.

Certains domaines de la recherche clinique sont CtudiCs de facon specifique : diagnostic, causalite, etudes de cas cliniques et syntheses de la litterature. Sur ce demier point, on ressent un certain vertige quand (p. 143) on lit qu’une synthese de la litterature sur un sujet doit s’appuyer sur une lecture anonyme des travaux de reference sur lesquels on compose une revue de question : << Dans la mesure du possible, la lecture critique doit Ctre faite en cachant au lecteur l’origine de l’etude. B Car enfin, soit le lecteur preparant cette synthese connait le sujet et il rep&era facilement les travaux de reference, soit il ne connait pas le sujet et la lecture anonyme demultiplie a l’infini (< les chicanes B methodologiques 11 semble que le bon sens implique la methode de lecture anonyme pour les travaux inedits ; l’appliquer aux syntheses de la litterature (Review articles) parait dis- cutable dans sa faisabihte ou sa validite. Ces remarques montrent que le ferment de

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critique que Salmi instille dans ses pages dCclenche chez le lecteur une attitude critique portant sur son ouvrage mCme, c’est la loi du genre.

Aprks un bilan serrC de l’usage des tableaux et graphiques, Salmi rassemble ces Mments pour donner des conseils de rCdaction. On retrouve alors les conseils pratiques de la premibre partie du livre, que Salmi appelle des << outils B de rCdac- tion. 11 faut laisser le lecteur dkouvrir toutes les petites astuces de ce chapitre et saluer l’actualisation de cette mise au point, en langue fransaise.

Cet ouvrage sort au bon moment, car la communaut.5 scientifique est actuel- lement t&s vigilante sur les possibilitCs de fraude. Dans un article rkcent, Catherine Vincent dkcrivait des exemples d’inconduite chez certains chercheurs qui profitaient et abusaient du systbme fond6 sur qq l’efficacitk, la dkmocratie et l’auto-contr6le >) [l].

Les pays industrialis% se donnent les moyens de faire respecter l’kthique de la recherche et de mettre en place des systkmes de contr6le. C’est 1’intCrCt de toute la communautk scientifique de dkvelopper la vigilance qui s’impose pour Cviter le plagiat, la falsification de don&es, les atteintes & la propriCtC intellec- tuelle et les carences d’encadrement des jeunes chercheurs.

Avant de mettre en place les instances lourdes, un recours aux cc bonnes pratiques B &impose et cet ouvrage ne peut qu’aider les auteurs B respecter les codes dkontologiques rkgissant actuellement, explicitement ou implicitement, la recherche scientifique. En France, 1’Institut national de la sank? et de la recherche mkdicale (Inserm) vient de crter une DClCgation B 1’intCgritC scientifique [2]. Souhaitons que la vigilance des cornit& de rkdaction et des directeurs de recherche limite le recours aux prockdures disciplinaires devant ces instances.

11 convient d’utiliser largement les ouvrages qui, tel celui de Louis Rachid Salmi, Cnoncent de faGon Claire les rkgles de bonne conduite dans la recherche, sans limiter l’originalitk et la capacitk d’innovation des travaux prCsentCs.

En conclusion, un ouvrage stimulant et exigeant qui deviendra vite indispen- sable aux chercheurs, auteurs et membres d’un comitC de rkdaction.

Ill RtFf?RENCES n

1 Vincent C. La fraude scientifique est-elle un ma1 kradicable ? Le Monde 26 mars 1999 ;

2 Anonyme. L’Inserm c&e une dClCgation h

p. 27. I’int6grit6 scientifique. Le Monde 2 avril 1999 ; p. 29.