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Comment réussir sans diplôme ? Pour les autodidactes, la création d'entreprise reste la voie
de réussite par excellence.
Des groupes de distribution offrent aussi quelques opportunités d'ascension professionnelle.
AFP
« En France, un autodidacte a très peu de chances d'arriver au sommet », constate Alain Deniau,
directeur général de Heidrick & Struggles France, rappelant que seuls 3 % des dirigeants des grandes
entreprises ont réussi sans diplôme, à la réserve près que tous sont héritiers d'empires familiaux
(Martin Bouygues, Brice Rocher, etc.). Selon le chasseur de têtes « la seule voie est de tenter sa
chance dans des pays plus méritocratiques tels que le Canada ou les Etats-Unis. Là-bas, les grandes
entreprises comme Pepsi engagent sans un regard pour la formation, identifient les capacités des
jeunes pétris de bonne volonté, forment et offrent une chance. » A leur retour en France, leur prime à
l'expérience les sort de l'anonymat aux yeux des DRH : « Selon moi, c'est une lueur d'espoir. Devant
la pénurie de talents et de dirigeants, les entreprises s'ouvrent timidement à ces profils de managers.
Ayant réussi, leur leadership devient incontestable » conclut Alain Deniau.
Certaines entreprises embauchent sans CV Pour ceux qui n'ont ni les moyens ni l'envie de s'expatrier, la formation sur le tas exige une énergie
hors du commun. « En France, même pour un poste de vendeur, les grandes entreprises privilégient
systématiquement les bac + 2 au détriment des sans diplôme », confie un DRH qui ne souhaite pas
être cité. Quelques acteurs du secteur de la distribution toutefois embauchent désormais sans CV,
devant la pénurie de volontaires pour diriger leurs magasins. C'est le cas de Bricoman qui, en guise
de recrutement, place ses aspirants directeurs de magasin en situation (mise en rayon, test d'écriture
et de calcul, contact client...) puis les forme à la gestion d'un magasin. Laurence Pierron, DRH de la
chaîne de bricolage, est fière de « ces ex-CAP coiffure ou pâtisserie qui trouvent chez Bricoman une
école de prise de confiance ». Même démarche chez GiFi, spécialisé dans la distribution de produits à
petit prix pour la maison : « Outre leur motivation, ceux que nous détectons disposent de
compétences qui ne s'apprennent pas, comme le sens du client et de la loyauté », souligne Thierry
Boukhari, DRH groupe. Certains directeurs de magasin sont ainsi devenus directeurs régionaux.
Entrepreneuriat ou grande distribution Pour parvenir à la direction générale, la solution la plus sûre reste de créer sa propre entreprise...
avec, à la clef, des perspectives de très belle sucess-story. Marc Puche, aujourd'hui gérant de la
société de BTP Aege Groupe (60 millions d'euros de CA), en est le symbole. Compagnon tailleur de
pierre, insatisfait de sa condition sociale, il dévore, après les chantiers, les livres de management
autour du leadership et de la motivation avec un faible pour « Rendez-vous au sommet », de Zig
Ziglar, toujours en bonne place dans sa bibliothèque. « J'ai décidé de descendre de l'échafaudage
pour décrocher au culot n'importe quel job. Je répondais à toutes les annonces de "France-Soir" sans
même comprendre l'intitulé. » La méthode paiera, une firme de bureautique lui donne sa chance
comme commercial. Travailleur acharné, il monte les échelons chez Minolta puis Canon avant de se
lancer en 2003, à trente-neuf ans, dans la création d'entreprise avec deux associés, l'un est bardé de
diplômes, ex-directeur général d'une grosse firme de BTP, l'autre autodidacte.
L'histoire de Benjamin Erisoglu est similaire. Issu des cités choletaises, d'origine turque, « réunissant
toutes les conditions pour échouer », il tente tous les petits boulots pour aider ses parents.
Adolescent, il vend du muguet, des fruits et légumes de porte en porte : « Je voulais être vendeur.
Pour réussir j'ai écouté les Anciens. Mieux que des livres, ils m'ont montré comment faire. » A vingt-
cinq ans, faute de travail salarié, le jeune papa lance, sans étude de marché, une activité de
rénovation de toitures avec un produit antifongique et antimousse. Dix ans plus tard, Technitoit affiche
55 millions d'euros de chiffre d'affaires pour 700 salariés. L'autodidacte a réussi sur tous les fronts : il
a même ouvert une école de formation interne.
Les autodidactes travaillent deux fois plus que les autres Ces réussites, distinguées cette année par les Victoires des Autodidactes, organisées conjointement
par le groupe d'audit et de conseil Mazars et Harvard Business School Club de France depuis dix ans,
montrent que les autodidactes travaillent deux fois plus que les autres. Pierre Gadonneix, président de
l'association des anciens élèves français de Harvard, a été frappé par l'opiniâtreté des lauréats :
« Incroyablement déterminés, durs à l'effort, audacieux, ils ont le goût et le sens de la prise de risque.
Précieux pour notre économie, ils n'hésitent pas à innover. » L'ancien PDG d'EDF pointe aussi leur
intuition : « Mieux que les autres, ils détectent ce que le marché attend des fournisseurs. » Benjamin
Erisoglu approuve : pour recruter, lui qui n'y connaissait rien, s'est fié à son « feeling ». « En tant
qu'autodidacte nous n'avons rien à perdre, tout à gagner. L'inconnu nous fait moins peur puisque
notre savoir est empirique », ajoute Marc Puche.
A en juger les profils repérés année après année par les Victoires des Autodidactes, réussir sans
formation initiale est possible en France. A condition toutefois d'avoir quelques dispositions et « de la
chance », comme le souligne Michel Garcia, lauréat 2012 des Victoires. Après avoir monté deux
pressings à Lyon, un ami lui suggère de transporter des chèques : « Cela permettait aux banques -en
1973 -de gagner des jours de compensation. J'ai commencé avec 1, 2, 3 chauffeurs puis j'ai étendu
l'activité aux colis. » Jet Services deviendra Jet Worldwide, revendu ensuite à La Poste qui en fera
Chronopost. Michel Garcia, soixante-dix ans aujourd'hui, « atteint par la maladie d'entreprendre »
créera ensuite en 1989 Everial, une société spécialiste de la gestion de flux, fournisseur entre autres
d'Orange et de Bouygues Telecom. Son secret ? « Je me suis entouré d'experts, de collaborateurs
hyperdiplômés ! La finance et le marketing ne s'improvisent pas pour un électricien. »
Coorganisateur de ces Victoires, Philippe Castagnac, PDG du groupe Mazars, se dit fier des qualités
de ces entrepreneurs. Selon le commissaire aux comptes, les autodidactes peuvent encore réussir en
France : « Libres d'esprit, ils comblent leur déficit académique par une approche pragmatique et très
opérationnelle. Les qualités de visionnaire, si capitales à la direction d'une entreprise, ne s'apprennent
pas sur les bancs de l'école. »