234
Alioquin, si tu non dederis operam ad permanendum per timorem et humilitatem, et tu excideris. Matth. III, 10. omnis arbor quae non facit fructum bonum, excidetur. Secundo ostendit idem quantum ad Iudaeos, et, primo, proponit quod intendit, dicens sed et illi, scilicet Iudaei, si non permanserint in incredulitate, inserentur, id est, in suum statum restituentur. Ier. III, 1. fornicata es cum amatoribus multis, tamen revertere ad me, dicit dominus. Secundo probat quod dixerat, et primo, ex divina potentia, dicens potens est enim dominus Deus iterum inserere illos; et ideo non est de eorum salute desperandum. Is. LIX, 1. ecce non est abbreviata manus domini, ut salvare non possit. Secundo probat idem per locum a minori, dicens nam si tu, gentilis, excisus es ex naturali oleastro, id est ex gentilitate quae naturaliter erat infructuosa, non quidem, prout dominus fecit naturam, sed secundum quod corrupta est per peccatum. Sap. XII, 10. iniqua est natio eorum, et naturalis malitia ipsorum. Eph. II, 3. eramus natura filii irae. Et insertus in bonam olivam id est, in fide Iudaeorum, contra naturam, id est contra communem cursum naturae. Non enim consuevit ramus arboris malae inseri in bonam arborem, sed potius e converso. Id autem quod Deus facit, non est contra naturam, sed simpliciter est naturale. Dicimus enim esse naturale, quod fit ab agente, cui naturaliter subditur patiens, quamvis etiam non sit secundum propriam naturam patientis; sicut enim fluxus et refluxus maris est naturalis, propter hoc quod causatur ex motu lunae, cui naturaliter subditur aqua, quamvis non sit naturalis secundum formam aquae. Ita etiam cum omnis creatura sit naturaliter Deo subiecta, quicquid Deus facit in creatura, est simpliciter naturale, licet forte non sit naturale secundum propriam et particularem naturam rei in qua fit, puta cum caecus illuminatur et mortuus resuscitatur. Si, inquam, hoc factum est contra naturam, quanto magis hi qui sunt secundum naturam, id est qui naturali origine pertinent ad gentem Iudaeorum, inserentur suae grâce et que son prochain est tombé, on ne doit pas s’élever au-dessus de celui qui tombe, mais plutôt craindre pour soi-même, parce que l’orgueil est la cause de la chute, et la crainte la cause de la vigilance et de la prudence. 903. C. Lorsque <l’Apôtre> dit : 22 Vois donc la bonté et la sévérité, etc., il porte <les Gentils> à une considération attentive des jugements divins. Et : Il les amène d’abord à cette considération [n° 904s]. Puis, il les instruit, comme si d’eux-mêmes ils n’étaient pas capables de le faire [n° 913] : 25 "Car je ne veux pas, frères, que vous ignoriez, etc." Enfin, comme si lui-même ne pouvait pas les scruter parfaitement, il s’écrie, en admirant la sagesse divine [n° 934] : "O abîme des richesses de la sagesse, etc." 904. 1. Sur le premier point, <l’Apôtre> montre premièrement ce qu’il faut considérer, en disant : Vois donc, c’est-à-dire considère diligemment, la bonté de Dieu, qui fait miséricorde "Que Dieu est bon pour Israël, pour ceux qui ont le cœur droit." Et encore : "Méprises-tu les richesses de sa bonté ? " Et la sévérité de celui qui punit "Le Seigneur est le Dieu des vengeances " Et encore : "C’est un Dieu jaloux et qui se venge, le Seigneur." Ainsi donc, la première considération produit l’espérance; la seconde la crainte, afin d’éviter le désespoir et la présomption. 905. 2. Il montre en deuxième lieu sur qui doivent porter ces considérations, en disant : envers ceux qui sont tombés, c’est-à-dire les Juifs, <sa> sévérité. "Le Seigneur a <tout> renversé, il n’a épargné aucune des magnificences de Jacob; il a détruit dans sa fureur les fortifications de la vierge de Juda " Mais envers toi, à savoir envers toi, Gentil, qui as été enté, la bonté. "Tu as usé de bonté envers ton serviteur; ô Seigneur." 906. 3. En troisième lieu, il montre avec quelle continuité <on doit> pouvoir considérer ce qui vient d’être mentionné, non comme quelque chose d’immuable, mais comme pouvant se modifier dans l’avenir. 907. a. Et il le montre d’abord quant aux

Commentaire sur l'épître aux Romains par Thomas d'Aquin

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Partie 3/3. Théologie.

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Alioquin, si tu non dederis operam ad

permanendum per timorem et humilitatem,

et tu excideris. Matth. III, 10. — omnis

arbor quae non facit fructum bonum,

excidetur. Secundo ostendit idem quantum

ad Iudaeos, et, primo, proponit quod

intendit, dicens sed et illi, scilicet Iudaei, si

non permanserint in incredulitate,

inserentur, id est, in suum statum

restituentur. Ier. III, 1. — fornicata es cum

amatoribus multis, tamen revertere ad me,

dicit dominus. Secundo probat quod dixerat,

et primo, ex divina potentia, dicens potens

est enim dominus Deus iterum inserere

illos; et ideo non est de eorum salute

desperandum. Is. LIX, 1. — ecce non est

abbreviata manus domini, ut salvare non

possit. Secundo probat idem per locum a

minori, dicens nam si tu, gentilis, excisus es

ex naturali oleastro, id est ex gentilitate

quae naturaliter erat infructuosa, non

quidem, prout dominus fecit naturam, sed

secundum quod corrupta est per peccatum.

Sap. XII, 10. — iniqua est natio eorum, et

naturalis malitia ipsorum. Eph. II, 3. —

eramus natura filii irae. Et insertus in

bonam olivam id est, in fide Iudaeorum,

contra naturam, id est contra communem

cursum naturae. Non enim consuevit ramus

arboris malae inseri in bonam arborem, sed

potius e converso. Id autem quod Deus facit,

non est contra naturam, sed simpliciter est

naturale. Dicimus enim esse naturale, quod

fit ab agente, cui naturaliter subditur

patiens, quamvis etiam non sit secundum

propriam naturam patientis; sicut enim

fluxus et refluxus maris est naturalis,

propter hoc quod causatur ex motu lunae,

cui naturaliter subditur aqua, quamvis non

sit naturalis secundum formam aquae. Ita

etiam cum omnis creatura sit naturaliter Deo

subiecta, quicquid Deus facit in creatura, est

simpliciter naturale, licet forte non sit

naturale secundum propriam et particularem

naturam rei in qua fit, puta cum caecus

illuminatur et mortuus resuscitatur. Si,

inquam, hoc factum est contra naturam,

quanto magis hi qui sunt secundum

naturam, id est qui naturali origine pertinent

ad gentem Iudaeorum, inserentur suae

grâce et que son prochain est tombé, on ne

doit pas s’élever au-dessus de celui qui

tombe, mais plutôt craindre pour soi-même,

parce que l’orgueil est la cause de la chute, et

la crainte la cause de la vigilance et de la

prudence.

903. — C. Lorsque <l’Apôtre> dit : 22

Vois donc la bonté et la sévérité, etc., il porte

<les Gentils> à une considération attentive

des jugements divins. Et :

— Il les amène d’abord à cette considération

[n° 904s].

— Puis, il les instruit, comme si d’eux-mêmes

ils n’étaient pas capables de le faire [n° 913] :

25 "Car je ne veux pas, frères, que vous

ignoriez, etc."

Enfin, comme si lui-même ne pouvait pas les

scruter parfaitement, il s’écrie, en admirant la

sagesse divine [n° 934] : "O abîme des

richesses de la sagesse, etc."

904. — 1. Sur le premier point, <l’Apôtre>

montre premièrement ce qu’il faut considérer,

en disant : Vois donc, c’est-à-dire considère

diligemment, la bonté de Dieu, qui fait

miséricorde "Que Dieu est bon pour Israël,

pour ceux qui ont le cœur droit." Et encore :

"Méprises-tu les richesses de sa bonté ? " —

Et la sévérité de celui qui punit "Le Seigneur

est le Dieu des vengeances " Et encore :

"C’est un Dieu jaloux et qui se venge, le

Seigneur." Ainsi donc, la première

considération produit l’espérance; la seconde

la crainte, afin d’éviter le désespoir et la

présomption.

905. — 2. Il montre en deuxième lieu sur qui

doivent porter ces considérations, en disant :

envers ceux qui sont tombés, c’est-à-dire les

Juifs, <sa> sévérité. — "Le Seigneur a <tout>

renversé, il n’a épargné aucune des

magnificences de Jacob; il a détruit dans sa

fureur les fortifications de la vierge de Juda "

— Mais envers toi, à savoir envers toi, Gentil,

qui as été enté, la bonté. — "Tu as usé de

bonté envers ton serviteur; ô Seigneur."

906. — 3. En troisième lieu, il montre avec

quelle continuité <on doit> pouvoir

considérer ce qui vient d’être mentionné, non

comme quelque chose d’immuable, mais

comme pouvant se modifier dans l’avenir.

907. — a. Et il le montre d’abord quant aux

olivae, id est reducentur ad dignitatem

gentis suae, Mal. ult. : convertet corda

patrum ad filios, et corda filiorum ad patres

eorum.

Gentils, en disant : Vois la bonté de Dieu

agissant envers toi, toutefois de manière

continue, si tu demeures dans cette bonté.

"Demeurez dans mon amour > — Autrement,

si tu ne prends pas soin d’y demeurer par la

crainte et l’humilité, tu seras retranché, toi

aussi. — "Tout arbre qui ne produit pas de

bon fruit sera coupé et jeté au feu."

908. — b. Puis il montre la même chose quant

aux Juifs, et il commence par exposer son

intention, en disant : 23 Mais eux de même, à

savoir les Juifs, s’ils ne demeurent pas dans

l’incrédulité, ils seront entés, c’est-à-dire

seront rétablis dans leur condition "Tu as

forniqué avec beaucoup d’amants, cependant

reviens à moi, dit le Seigneur, et moi je te

recevrai."

909. — Ensuite il prouve ce qu’il avait dit, et

premièrement par la puissance divine, en

disant : car Dieu est puissant pour les enter

de nouveau; par conséquent il n’y a pas à

désespérer de leur salut : "Voici que la main

du Seigneur n’est point raccourcie pour ne

pouvoir sauver."

910. — Deuxièmement833

il prouve la même

chose par un argument a minori834

, en disant :

24 En effet, si toi, Gentil, tu as été coupé de

l’olivier sauvage <auquel tu appartenais>

par nature, c’est-à-dire de la gentilité, qui

était stérile par nature, non assurément en tant

que Dieu a fait cette nature, mais en tant

qu’elle est corrompue par le péché : "Leur

nation est méchante et leur malice naturelle."

Et encore : "Nous étions par nature fils de la

colère." — Et enté sur un bon olivier, c’est-à-

dire sur la foi des Juifs, contre nature, c’est-à-

dire contre le cours ordinaire de la nature. En

effet, il n’est pas habituel qu’un rameau d’un

arbre mauvais soit enté sur un arbre bon, mais

plutôt le contraire. Or ce que Dieu fait n’est

pas contre nature, mais tout simplement

naturel. En effet, nous appelons naturel ce qui

est produit par un agent auquel le patient (ce

qui subit l’action) est naturellement soumis,

833

Lieux parallèles t Somme Théologique P, Q. 105, a. 6; Q. 106, a. 3; Suppl., Q. 75, a. 3; 2 Sentences

dist. 14, Q. 1, a. 5, sol. 4; dist. 30, Q. 1, a. 1, sol. 4; 3 Cons. Cens., c. 98, 99, 100; De poSentences Q.

1, a. 3, sol. 3; Q. 5, a. 4; Q. 6, a. 1; De veritate, Q. 13, a. 1, sol. 2 et 3; Compend. theol., c. 136. 834

L’argument a minoré ("à partir du moins") consiste à conclure du moins au plus; il représente l’une

des deux formes possibles du raisonnement afortiori. En Mt 6, 26 (Dieu nourrit les oiseaux, à plus

forte raison les hommes qui valent plus), Jésus argumente a minons (3 Contra Gentiles c. 135).

même si ce qui est produit n’est pas conforme

à la nature du patient. C’est ainsi que le flux

et le reflux de la mer sont naturels, puisqu’ils

ont pour cause le mouvement de la lune,

auquel l’eau est naturellement soumise, bien

qu’ils ne soient pas naturels selon la forme de

l’eau. De même, toute créature étant

naturellement soumise à Dieu, tout ce que

Dieu fait dans la créature est naturel

absolument parlant, bien que cela ne soit

peut-être pas naturel eu égard à la nature

propre et particulière de la créature sur

laquelle son action s’accomplit : par exemple

un aveugle qui recouvre la lumière ou un mort

qui ressuscite835

.

911. — Si, dis-je, cela s’est fait contre nature,

à combien plus forte raison ceux qui <lui

appartiennent> par nature, c’est-à-dire ceux

qui par leur origine naturelle appartiennent à

la nation juive, seront-ils entés sur leur propre

olivier, c’est-à-dire seront-ils ramenés à la

835

Le texte de l’épître invite saint Thomas à soulever la question métaphysique du rapport entre la

causalité naturelle et la causalité surnaturelle. En comparant le peuple juif à l’olivier franc, c’est-à-dire

à un arbre déjà amélioré par la culture, et les peuples païens au sauvageon qui sera greffé sur le tronc

du premier (les patriarches), saint Paul inverse l’ordre naturel des choses. C’est en effet le rameau

franc " qui, normalement, est greffé (ou enté) sur le tronc du sauvageon afin de le transformer et de lui

communiquer sa nature d’olivier cultivé. Cette inversion du sens normal de la greffe correspond à l’

anomalie que présente l’histoire du salut le peuple élu (et qui le demeure c’est sa nature voulue par

Dieu) n’ayant pas accompli, dans l’ensemble, ce â quoi le destinait cette nature, ce sont les peuples

païens qui ont été greffés sur un tronc auquel leur nature païenne ne les destinait pas. Or, c’est en

principe la providence qui détermine la nature des êtres en fonction de la fin qu’ils doivent remplir

Dieu serait-il en contradiction avec lui-même ? La réponse de saint Paul est théologique : d’une part,

Dieu a tiré du mal un plus grand bien puisque en rejetant le salut dans le Christ, les chefs du peuple élu

ont rendu possible sa communication à toutes les nations; d’autre part, ce rejet est provisoire le peuple

élu réalisera un jour la vocation à laquelle sa nature le destine. Mais nous sommes là dans l’ordre de la

grâce. Comment peut-il contre venir à l’ordre de la nature dont Dieu est pourtant l’auteur ? Comment

saint Paul peut-il parler d’une opération i contre nature s ? Une réponse philosophique est requise. Elle

consiste, selon saint Thomas, à distinguer deux types de naturel : est naturel ce qui relève de la nature

d’un être (ou d’une chose), considéré en lui-même et séparément; mais est naturel également l’ordre

universel dans lequel cet être est inséré, avec toutes les relations qui en résultent pour lui. Ces deux

types peuvent présenter des natu ralités différentes. Ainsi, en vertu de sa nature propre, l’eau reste

immobile ou s’écoule vers le bas. Mais, en vertu de l’ordre naturel du monde qui la soumet au pouvoir

de la lune (en cosmologie médiévale il y a affinité entre la lune et l’élément humide), la mer peut se

soulever et se mouvoir vers le haut. D’une manière générale, il y a dans toute créature une capacité

naturelle d’obéir aux opérations des agents auxquels elle est subordonnée, même si elles excèdent sa

nature propre l’ordre hiérarchique universel prévaut sur celui des natures propres. Or, l’Agent premier

et suprême, c’est Dieu. Les opérations qu’Il effectue dans les êtres, quels qu’ils soient, présupposent

cette puissance d’obéissance, ou puissance obédien tielle par laquelle la créature est mise en rapport

avec l’Agent premier, lequel "peut faire passer toute créature à un acte plus élevé que celui auquel le

fait parvenir l’agent naturel" (Somme Théologique 3 Q. 11, a. 1). Ainsi les miracles eux-mêmes

rentrent-ils, d’une certaine manière, dans l’ordre naturel universel tel que Dieu le veut.

dignité de leur nation : "Il ramènera le cœur

des pères aux fils, et le cœur des fils à leurs

pères Ml 4, 6."

Lectio 4 Leçon 4 [Versets 25 à 32]

[n° 913] 25 Car je ne veux pas, frères, que

vous ignoriez ce mystère, afin que vous ne

soyez pas sages à vos propres yeux, c’est que

l’aveuglement est venu pour une partie

d’Israël, jusqu’à ce que la plénitude des

nations païennes soit entrée,

[n° 916] 26 et alors tout Israël sera sauvé, [n°

917] selon qu’il est écrit : "Il viendra de Sion

celui qui délivrera et qui détournera l’impiété

de Jacob."

[n° 920] 27 Et telle sera mon alliance avec

eux, lorsque j’aurai enlevé leurs péchés.

[n° 921] 28 Selon l’Evangile, il est vrai, ils

sont ennemis à cause de vous; mais selon

l’élection, ils sont très aimés à cause de leurs

pères.

[n° 924] 29 Car les dons et l’appel de Dieu

sont sans repentance.

[n° 930] 30 De même, en effet, que jadis

vous-mêmes n’avez pas cru à Dieu, et que

maintenant vous avez obtenu miséricorde à

cause de leur incrédulité,

[n° 931] 31 ainsi eux maintenant n’ont pas

cru, par suite de la miséricorde <exercée>

envers vous, afin qu’eux aussi obtiennent

miséricorde.

[n° 932] 32 Car Dieu a renfermé tout dans

l’incrédulité, afin de faire miséricorde à tous.

[86217] Super Rom., cap. 11 l. 4 Postquam

apostolus induxit gentiles in cognitionem

divinorum iudiciorum, in quibus divina

bonitas et severitas manifestatur, hic quasi

eis adhuc non sufficientibus considerare

praedicta, exponit quid sibi circa haec

videatur. Et primo proponit factum; secundo

probat, ibi sicut scriptum est, etc.; tertio

rationem assignat, ibi si enim, et cetera.

Circa primum tria facit. Primo proponit

suam intentionem, dicens : ideo induxi vos

ad considerandum bonitatem et severitatem

Dei, nolo enim, o fratres, ignorare vos

mysterium hoc, non enim omnia mysteria

capere potestis. Hoc est enim perfectorum,

912. — Après avoir fait entrer les Gentils

dans la connaissance des jugements divins,

qui manifestent la bonté et la sévérité de Dieu

[n° 903], comme s’ils n’étaient pas encore

capables de considérer ce qui a été dit,

<l’Apôtre> expose ici ce qu’il en pense lui-

même. Et

I) Il expose d’abord un fait.

II) Puis, il le prouve [n° 917] : selon qu’il est

écrit, etc.

III) Enfin, il en donne la raison [n° 930] : 30

De même, en effet, etc.

913. — I. Sur le premier de ces points il fait

trois choses

A. Il expose son intention, en disant : La

quibus dominus dicit Lc. VIII, v. 10. —

vobis datum est nosse mysterium regni Dei.

Sap. VI, 24. — non abscondam a vobis

sacramenta Dei. Sed ignorantia huius

mysterii esset vobis damnosa. 1 Co XIV, v.

38. — si quis ignorat, ignorabitur. Secundo

assignat suae intentionis rationem, ut non

sitis vobismetipsis sapientes, id est non de

sensu vestro praesumatis et ex vestro sensu

alios condemnantes, vos eis praeferatis.

Infra XII, 16. — nolite esse prudentes apud

vosmetipsos. Is. V, 21. — vae qui sapientes

estis in oculis vestris, et coram

vobismetipsis prudentes. Tertio proponit

quod intendit. Primo quidem quantum ad

casum particularium Iudaeorum, cum dicit

quia caecitas contingit in Israel, non

universaliter sed ex aliqua parte ut supra

ostensum est. Is. VI, v. 10. — excaeca cor

populi huius. Secundo ponit terminum huius

caecitatis, dicens donec intraret, ad fidem,

plenitudo gentium, id est non solum aliqui

particulariter ex gentibus, sicut tunc

convertebantur sed, vel pro toto vel pro

maiori parte, in omnibus gentibus Ecclesia

fundaretur. Ps. XXIII, 1. — domini est terra

et plenitudo eius. Dicuntur autem gentiles

ad fidem conversi intrare, quasi ex

exterioribus et visibilibus rebus quae

venerabantur, in spirituali et voluntate

divina. Ps. XCIX, 2. — introite in conspectu

eius in exultatione. Et est notandum quod

hoc adverbium donec potest designare

causam excaecationis Iudaeorum. Propter

hoc enim permisit Deus eos excaecari, ut

plenitudo gentium intraret, sicut patet ex

supradictis. Potest etiam designare

terminum, quia videlicet usque tunc caecitas

Iudaeorum durabit, quousque plenitudo

gentium ad fidem intrabit. Et huic concordat

quod infra subdit de futuro remedio

Iudaeorum, cum dicit et tunc, scilicet cum

plenitudo gentium intraverit, omnis Israel

salvus fiet, non particulariter sicut modo,

sed universaliter omnes. Os. I, 7. — salvabo

eos in domino Deo suo. Mich. ult. :

revertetur et miserebitur nostri. Deinde cum

dicit sicut scriptum est, etc., probat quod

raison pour laquelle je vous ai amenés à

considérer la bonté et la sévérité de Dieu,

c’est que ne veux pas, frères, que vous

ignoriez ce mystère, car vous ne pouvez pas

comprendre tous les mystères. C’est en effet

le propre des parfaits, auxquels le Seigneur dit

: "Pour vous, il vous a été donné de connaître

le mystère du royaume de Dieu." — "Je ne

vous cacherai pas les secrets de Dieu " Mais

l’ignorance du mystère vous serait

dommageable "Si quelqu’un l’ignore, il sera

ignoré."

914. — B. <L’Apôtre> donne ensuite la

raison de son intention : afin que vous ne

soyez pas sages à vos propres yeux, c’est-à-

dire pour que vous ne présumiez pas de votre

propre sens et qu’en condamnant les autres

d’après ce sens, vous vous préfériez à eux :

"Ne soyez pas prudents à vos propres yeux."

— "Malheur à vous qui êtes sages à vos yeux,

et qui êtes prudents vis-à-vis de vous-mêmes

1!"

915. — C. Enfin <l’Apôtre> expose ce qu’il

veut établir :

1. Premièrement, quant à la chute particulière

des Juifs, lorsqu’il dit : c’est que

l’aveuglement est venu pour Israël, non pas

dans sa totalité, mais en partie, comme on l’a

montré plus haut. <Il est écrit dans le livre d’>

Isaïe : "Aveugle le cœur de ce peuple "

2. Deuxièmement, il indique le terme de cet

aveuglement, en disant : jusqu'à ce que soit

entrée, à savoir dans la foi, la plénitude des

nations païennes, c’est-à-dire non seulement

quelques-unes d’entre les nations païennes en

particulier, comme celles qui s’étaient alors

converties, mais que dans la totalité, ou au

moins dans la plus grande partie, l’Eglise soit

fondée : "Au Seigneur est la terre et sa

plénitude." Or, on dit des Gentils convertis à

la foi qu’ils entrent, comme si à partir des

choses extérieures et visibles, qui étaient

l’objet de leur vénération, <ils entraient> dans

la réalité spirituelle et dans la volonté divine

"Entrez en sa présence dans l’exultation."

916. — Il faut noter que cette conjonction

"jusqu’à ce que" peut désigner la cause de

l’aveuglement des Juifs836

. Car Dieu a permis

836

Voir Glosa in Rom. XI, 25 (GPL, col. 1489 A).

dixerat de futura salute Iudaeorum. Et primo

probat hoc per auctoritatem; secundo per

rationem, ibi secundum Evangelium meum,

et cetera. Dicit ergo primo : dico quod

omnis Israel salvus fiet, sicut scriptum est

Is. LVI, 20 ubi nostra littera sic habet :

veniet ex Sion redemptor, et eis qui redeunt

ad Iacob, hoc foedus meum cum eis, dicit

dominus. Sed apostolus hoc inducit

secundum litteram Lxx et tangit tria verba

hic posita. Primo salvatoris adventum, cum

dicit veniet, Deus scilicet humanatus ad

salvandum nos, ex Sion, id est ex populo

Iudaeorum, qui significatur per Sion, quae

erat arx Ierusalem, quae est metropolis

Iudaeae. Unde dicitur Zachariae IX, 9. —

exulta satis, filia Sion, iubila, filia

Ierusalem, ecce rex tuus venit tibi, et cetera.

Io. IV, 22. — salus ex Iudaeis est. Vel dicit,

ex Sion eum venire, non quia sit ibi natus

sed quia inde doctrina eius exivit in

universum mundum, per hoc quod apostoli

in coenaculo Sion spiritum sanctum

receperunt. Is. II, 3. — de Sion exibit lex.

Secundo ponit salutem per Christum Iudaeis

oblatam, dicens qui eripiat, et avertat

impietatem a Iacob. Et potest ereptio referri

ad liberationem a poena. Ps. CXIV, 8. —

eripiet animam meam de morte. Quod vero

dicit avertet impietatem a Iacob, potest

referri ad liberationem a culpa. Ps. XIII, 7.

— avertet dominus captivitatem plebi suae.

Vel utrumque refertur ad liberationem a

culpa sed dicit qui eripiat, propter paucos,

qui nunc difficulter quasi cum quadam

violentia convertuntur. Amos III 12. —

quomodo si eruat pastor de ore leonis duo

crura, aut extremum auriculae, sic eruentur

filii Israel. Dicit autem avertet impietatem a

Iacob, ad ostendendum facilitatem

conversionis Iudaeorum in fine mundi.

Mich. ult. : quis Deus similis tui, qui aufers

iniquitatem, et transfers peccatum

reliquiarum haereditatis tuae ? Tertio

ostendit modum salutis, cum dicit et hoc

testamentum, scilicet novum, erit illis a me

cum abstulero peccata eorum. Vetus enim

qu’ils soient aveuglés pour que la plénitude

des nations entre, comme on le voit d’après ce

qui précède. Il peut aussi désigner le terme, à

savoir que l’aveuglement des Juifs durera

jusqu’alors, jusqu’à ce que la plénitude des

nations entre dans la foi. Et cette

interprétation s’accorde avec ce que

<l’Apôtre> ajoute ci-après à propos du

remède futur des Juifs, lorsqu’il dit : 26 et

alors, c’est-à-dire lorsque la plénitude des

nations sera entrée, tout Israël sera sauvé, non

en partie comme jusqu’à maintenant, mais

tous universellement : "Je les sauverai par le

Seigneur leur Dieu " — " Il reviendra et il

aura pitié de nous."

917. — II. Ensuite, lorsqu’il dit : selon qu’il

est écrit, <l’Apôtre> prouve ce qu’il avait dit

à propos du salut futur des Juifs.

Et :

A) D’abord, par l’autorité <scripturaire>.

B) Puis, par un raisonnement [n° 921] Selon

l’Evangile, etc.

918. — A. Je commence donc par dire que

tout Israël sera sauvé, selon qu’il est écrit

dans <le livre d’>Isaïe, là où notre version lit :

"Un rédempteur viendra de Sion, et pour ceux

qui dans Jacob reviennent de l’iniquité, dit le

Seigneur. Voici mon alliance avec eux, dit le

Seigneur." Mais l’Apôtre cite ce passage

selon la version de la Septante837

et fait

allusion à trois choses mentionnées ici.

1. En premier lieu, à l’avènement du Sauveur,

lorsqu’il dit : Il viendra, à savoir Dieu fait

homme pour nous sauver, de Sion, c’est-à-

dire du peuple juif, lequel est indiqué par le

<mot> "Sion", qui était la citadelle de

Jérusalem, la métropole de la Judée. Ce qui

fait dire <au prophète> Zacharie : <

pleinement, fille de Sion; jubile, fille de

Jérusalem; voici que ton roi viendra à toi,

juste et sauveur." <Et à l’Apôtre> Jean : "Le

salut vient des Juifs." Ou bien il dit qu’il

viendra de Sion, non parce qu’il y est né, mais

parce que c’est de là que sa doctrine s’est

répandue dans le monde entier, après que les

apôtres eurent reçu l’Esprit-Saint au cénacle

de Sion : "De Sion sortira la Loi."

837

Voir éd. Alfred Rahlfs, vol. II, p. 646. — Kai héxci heneken Siôn ho rhuomenos kai apostrepses

asebezas apo Iakôb.

testamentum peccata non auferebat, quia, ut

dicitur Hebr. X, 4. — impossibile est

sanguine taurorum et hircorum auferri

peccata. Et ideo propter imperfectionem

veteris testamenti promittitur eis novum

testamentum. Ier. XXXI, 31. — feriam

domui Israel, et domui Iuda foedus novum.

Quod quidem habebit efficaciam ad

remissionem peccati per sanguinem Christi.

Matth. c. XXVI, 28. — hic sanguis meus

novi testamenti, qui pro multis effundetur in

remissionem peccatorum. Mich. ult. :

deponet iniquitates nostras, et proiiciet in

profundum maris omnia peccata nostra.

Deinde, cum dicit secundum Evangelium

meum, etc., probat propositum per rationem.

Et primo inducit probationem; secundo

removet obiectionem, ibi sine poenitentia

enim. Dicit ergo primo quod eorum peccata

auferentur et quod postquam peccata

habent, manifestum est quod sunt inimici

Christi. Secundum Evangelium quidem

inimici, id est quantum ad doctrinam

Evangelii pertinet, quam impugnant,

propter vos, id est ad utilitatem vestri cedit,

ut supra dictum est. Unde dicitur Lc. XIX,

27. — verumtamen inimicos meos illos qui

noluerunt me regnare super se, adducite

huc, et interficite ante me. Io. XV, 24. —

nunc autem et viderunt, et oderunt me, et

patrem meum. Vel secundum Evangelium

dicit, quod eorum inimicitia ad utilitatem

Evangelii pertinet, cuius praedicatio,

occasione talis inimicitiae, ubique

diffunditur. Col. I, 5 s. : in verbo veritatis

Evangelii, quod pervenit ad vos, sicut et in

universo mundo est, fructificat et crescit.

Sed sunt charissimi Deo propter patres, et

hoc secundum electionem, quia scilicet ob

gratiam patrum eorum semen elegit. Deut.

IV, 37. — dilexit patres tuos, et elegit

semen eorum post eos. Quod non est sic

intelligendum quasi merita praestita patribus

fuerint causa aeternae electionis filiorum

sed quia Deus ab aeterno elegit gratis et

patres et filios, hoc tamen ordine ut filii

propter patres consequerentur salutem, non

quasi merita patrum sufficerent ad filiorum

salutem, sed per quamdam abundantiam

divinae gratiae et misericordiae hoc dicit,

919. — 2. En deuxième lieu, <il fait allusion>

au salut offert aux Juifs par le Christ, en

disant : celui qui arrachera et qui détournera

l’impiété de Jacob. L’arrache ment peut se

rapporter à la libération de la peine : "Il a

arraché mon âme à la mort " tandis que le

détournement de l’impiété de Jacob peut se

rapporter à la libération de la faute : "Le

Seigneur détournera la captivité de son

peuple." Ou bien l’un et l’autre se rapportent

à la libération de la faute, mais <l’Apôtre> dit

: celui qui arrachera, à cause du petit nombre

qui s’est maintenant converti, avec difficulté

et comme avec une sorte de violence

"Comme si le pasteur arrachait de la gueule

du lion deux jambes ou un bout d’oreille,

ainsi seront arrachés les fils d’Israël." Il dit

d’autre part : qui détournera l’impiété de

Jacob, pour montrer la facilité de la

conversion des Juifs à la fin du monde : "Quel

Dieu est semblable à toi, qui ôtes l’iniquité, et

passes sous silence le péché des restes de ton

héritage

920. — 3. En troisième lieu, <il montre> le

mode du salut, lorsqu’il dit : 27. — Et telle

sera mon alliance, à savoir la nouvelle, avec

eux, lorsque j’aurai enlevé leurs péchés. Car

l’ancienne Alliance n’enlevait pas les péchés,

parce que selon ce passage de <l’épître aux>

Hébreux : "Il est impossible que les péchés

soient enlevés par du sang de taureaux et de

boucs." Voilà pourquoi, à cause de

l’imperfection de l’ancienne Alliance, une

nouvelle Alliance leur est promise : "Je ferai

une nouvelle Alliance avec la maison d’Israël

et avec la maison de Juda." Cette Alliance

nouvelle sera efficace pour la rémission du

péché par le sang du Christ : "Ceci est mon

sang, le sang de la nouvelle Alliance, qui sera

répandu pour une multitude en rémission des

péchés." — "Il laissera de côté nos iniquités,

et il jettera au fond de la mer tous nos

péchés."

921. — B. En disant ensuite : 28 Selon

l’Evangile, etc., <l’Apôtre> prouve sa

proposition par un raisonnement. Et

1) Il commence par donner sa preuve.

2) Puis, il écarte une objection [n° 924] : 29

Car les dons et l’appel de Dieu sont sans

repentance.

quae intantum patribus est exhibita, ut

propter promissiones eis factas, etiam filii

salvarentur. Vel intelligendum est secundum

electionem, id est quantum ad electos ex illo

populo, sicut supra dictum est, electio

consecuta est. Si autem sunt domino

charissimi, rationabile est quod a Deo

salventur, secundum illud Is. LXIV, 4. —

oculus non vidit, Deus, absque te quae

praeparasti, et cetera. Deinde cum dicit sine

poenitentia enim sunt, etc., excludit

obviationem. Posset enim aliquis obviando

dicere quod Iudaei, et si olim fuerint

charissimi propter patres, tamen inimicitia,

quam contra Evangelium exercent, prohibet

ne in futurum salventur. Sed hoc apostolus

falsum esse asserit, dicens sine poenitentia

enim sunt, scilicet dona et vocatio Dei,

quasi dicat : quod Deus aliquid aliquibus

donet, vel aliquos vocet, hoc est sine

poenitentia, quia de hoc Deum non poenitet,

secundum illud I Reg. c. XV, 29. —

triumphator in Israel non parcet, nec

poenitudine flectetur. Ps. CIX, 5. — iuravit

dominus, et non poenitebit eum. Sed videtur

falsum. Dicit enim dominus Gen. VI, 6. —

poenitet me fecisse hominem. Et Ier. XVIII,

9 s. : loquar de gente et de regno, ut

aedificem et plantem illud. Si fecerit malum

in oculis meis, poenitentiam agam super

bonum quod locutus sum ut facerem ei. Sed

dicendum est quod sicut dominus irasci

dicitur, non propter hoc quod in eo sit

commotio irae sed quia ad modum irati se

habet quantum ad punitionis effectum, ita

quandoque poenitere dicitur, non quasi in eo

sit poenitentiae commutatio sed quia ad

modum poenitentis se habet dum mutat

quod fecerat. Sed adhuc videtur hoc quod

dona et vocatio non sint sine poenitentia,

quia dona divinitus concessa, frequenter

amittuntur, secundum illud Matth. XXV, 28.

— tollite itaque ab eo talentum, et date ei

qui habet decem talenta. Vocatio enim Dei

etiam quandoque mutari videtur, cum

scriptum sit Matth. XXII, 14. — multi sunt

vocati, pauci vero electi. Sed dicendum est

quod donum hic accipitur pro promissione,

quae fit secundum Dei praescientiam vel

praedestinationem. Vocatio autem hic

922. — 1. Il commence donc par dire que

leurs péchés seront enlevés et qu’après avoir

péché ils sont manifestement ennemis du

Christ. Selon l’Evangile, il est vrai, ils sont

ennemis, c’est-à-dire en ce qui concerne la

doctrine de l’Evangile qu’ils attaquent, à

cause de vous, c’est-à-dire que <leur attaque>

tourne à votre avantage, comme on l’a dit plus

haut." D’où ces paroles de Luc : "Quant à mes

ennemis, qui n’ont pas voulu que je règne sur

eux, amenez-les ici et tuez-les devant moi "

— "Mais main tenant ils ont vu <mes

œuvres>, et ont haï et moi et mon Père " Ou

bien il dit Selon l’Evangile, parce que leur

inimitié est utile à l’Evangile, dont la

prédication, à cause de cette inimitié, se

répand de tous côtés : "Par la parole de la

vérité de l’Evangile, qui vous est parvenu,

comme il est aussi répandu dans le monde

entier, où il fructifie et croît."

923. — Mais ils sont très aimés de Dieu à

cause de leurs pères, et cela selon l’élection,

c’est-à-dire qu’à cause de la grâce de leurs

pères <Dieu> a choisi leur postérité : "Il a

choisi leur postérité après eux." Il ne faut pas

comprendre ces paroles comme si les mérites

accordés aux pères eussent été la cause de

l’élection éternelle des fils, mais que Dieu de

toute éternité a choisi gratuitement les pères et

les fils, en ordonnant cependant que les fils

obtiendraient le salut à cause de leurs pères;

non point comme si les mérites des pères

suffisaient au salut des fils, mais <l’Apôtre>

dit cela à cause d’une surabondance de la

grâce divine et de la miséricorde, que <Dieu>

a si largement prodiguée aux pères, qu’en

raison des promesses qui leur ont été faites,

leurs fils aussi seraient sauvés. Ou bien il faut

comprendre : selon l’élection, c’est-à-dire

quant aux élus de ce peuple, comme on l’a dit

plus haut : "Ce que recherchait Israël il ne l’a

pas obtenu; mais l’élection l’a obtenu " S’ils

sont très aimés du Seigneur, il est raisonnable

qu’ils soient sauvés par Dieu, selon ce

passage d’Isaïe "L’œil n’a pas vu, ô Dieu, toi

excepté, ce que tu as préparé à ceux qui

t’attendent."

924. — 2. Lorsqu’il dit : 29 Car les dons et

l’appel de Dieu sont sans repentance, etc.,

accipitur pro electione, quia propter

certitudinem utriusque, quod Deus promittit,

iam quodammodo dat : et quos elegit, iam

quodammodo vocat. Et tamen ipsum

temporale Dei donum et temporalis vocatio,

non irritatur per mutationem Dei quasi

poenitentis sed per mutationem hominis, qui

gratiam Dei abiicit, secundum illud Hebr.

XII, v. 15. — contemplantes ne quis desit

gratiae Dei. Potest etiam quod hic dicitur

aliter intelligi, ut dicamus quod dona Dei

quae dantur in Baptismo et vocatio qua

baptizatus vocatur ad gratiam, sunt sine

poenitentia hominis baptizati, quod quidem

hic inducitur, ne aliquis desperet de futura

Iudaeorum salute, propter hoc quod non

videntur de peccato suo poenitere. Sed

contra hoc quod dicitur, est quod Petrus

dicit Act. II, 38. — poenitentiam agite, et

baptizetur unusquisque vestrum. Sed

dicendum est quod duplex est poenitentia :

interior et exterior. Interior quidem consistit

in contritione cordis, qua quis dolet de

peccatis praeteritis, et talis poenitentia

requiritur a baptizato, quia, ut Augustinus

dicit in libro de poenitentia : nemo suae

voluntatis arbiter constitutus, potest novam

vitam inchoare, nisi poeniteat eum veteris

vitae, alioquin fictus ad Baptismum accedit.

Exterior vero poenitentia consistit in

exteriori satisfactione quae a baptizato non

requiritur, quia per gratiam baptismalem

liberatur homo non solum a culpa sed etiam

a tota poena per virtutem passionis Christi,

qui pro peccatis omnium satisfecit, sicut

supra VI, 3 dictum est : quicumque baptizati

sumus in Christo Iesu, in morte ipsius

baptizati sumus. Unde dicitur Tit. III, 5 s. :

per lavacrum regenerationis et renovationis

spiritus sancti, quem effudit in nos abunde.

Sed cum claves Ecclesiae et omnia alia

sacramenta in virtute passionis Christi

operentur, videtur quod pari ratione omnia

alia sacramenta liberent hominem a culpa et

a tota poena. Sed dicendum est, quod passio

Christi operatur in Baptismo per modum

<l’Apôtre> écarte une objection. En effet, on

pourrait objecter en disant : que les Juifs, bien

qu’autrefois très aimés <de Dieu> à cause de

leurs pères, étaient cependant empêchés

d’être sauvés dans l’avenir, à cause de

l’inimitié dont ils faisaient preuve contre

l’Evangile. Mais l’Apôtre affirme que cette

objection est erronée, en disant : Car les dons

et l’appel de Dieu sont sans repentance,

autrement dit quand Dieu donne aux uns ou

qu’il appelle les autres, c’est sans repentance,

parce que Dieu ne s’en repent pas, selon ce

passage du premier livre des Rois : "Le

triomphateur en Israël n’épargnera point et il

ne sera pas touché de repentir." <Et selon ce

verset d’un psaume> : "Le Seigneur l’a juré et

il ne s’en repentira point."

925. — Mais cela semble faux, car le

Seigneur dit : "Je me repens d’avoir fait

l’homme." Et encore : "Je parlerai d’une

nation et d’un royaume, afin de l’édifier et de

l’affermir. Et s’il fait le mal à mes yeux et

n’écoute point ma voix, je me repentirai du

bien que j’ai dit que je lui ferai."

Réponse. De la même manière qu’on dit que

le Seigneur s’est mis en colère838

, non qu’il y

ait en lui le trouble de la colère, mais parce

qu’il se comporte à la manière d’un homme

irrité quant à l’effet de la punition, ainsi dit-on

parfois qu’il se repent, non comme s’il y avait

en lui un changement <dû au> repentir, mais

parce qu’il se comporte à la manière de celui

qui se repent, quand il change ce qu’il avait

fait.

926. — Mais il semble encore que les dons et

l’appel ne soient pas sans repentance, puisque

les dons divinement accordés se perdent

fréquemment, selon cette parole de Matthieu :

"Reprenez-lui donc le talent et donnez-le à

celui qui a dix talents." L’appel de Dieu est

aussi quelquefois, semble-t-il, sujet au

changement, puisqu’il est écrit : "Beaucoup

sont appelés, mais peu sont élus."

On répondra que <le mot> "don" est pris ici

pour la promesse, qui se fait selon la

prescience ou la prédestination de Dieu;

838 Lieux parallèles : I Contra Gentiles c. 89; 3 Sentences dist. 1, Q. 1, a. 2, sol. 4; Super Psalmos, in Ps.

5, lld; 17, 9; 17, 16; 29, 6; 37,

cuiusdam generationis, quae requirit ut

homo totaliter priori vitae moriatur, ad hoc

ut novam vitam accipiat. Et ideo tollitur in

Baptismo totus reatus poenae, qui pertinet

ad vetustatem prioris vitae. Sed in aliis

sacramentis operatur virtus passionis Christi

per modum sanationis ut in poenitentia.

Sanatio autem non requirit, ut statim omnes

infirmitatis reliquiae auferantur. Et eadem

ratio est in aliis sacramentis. Sed cum

confessio peccatorum pertineat ad

exteriorem poenitentiam, quaeri potest

utrum a baptizato confessio peccatorum

requiratur : et videtur quod sic. Dicitur enim

Matth. III, 6, quod baptizabantur homines a

Ioanne, confitentes peccata sua. Sed

dicendum est quod Baptismus Ioannis erat

Baptismus poenitentiae, quia scilicet

accipiendo illum Baptismum quodammodo

se profitebantur poenitentiam accepturos de

peccato suo et ideo conveniens erat ut

confiterentur, ut secundum modum peccati

eis poenitentia statueretur. Sed Baptismus

Christi est Baptismus remissionis omnium

peccatorum, ita quod non restat baptizato

aliqua satisfactio pro peccatis praeteritis,

propter quod nulla est confessionis vocalis

necessitas. Ad hoc enim necessaria est

tandis que <le mot> "appel" est pris ici pour

l’élection, attendu qu’en raison de la certitude

de l’un et de l’autre Dieu donne déjà en

quelque sorte ce qu’il promet, et il appelle

déjà en quelque sorte ceux qu’il a choisis.

Toutefois le don de Dieu, même temporel, et

son appel temporel, ne sont pas annulés par le

changement de Dieu, qui se repentirait, mais

par le changement de l’homme, qui rejette la

grâce de Dieu, selon ce passage de <l’épître

aux> Hébreux : "Veillant à ce que personne

ne manque à la grâce de Dieu."

927. — On peut encore839

comprendre ce

qu’on vient de dire d’une autre manière Nous

disons que les dons de Dieu accordés dans le

baptême et l’appel par lequel le baptisé est

appelé à la grâce sont sans repentance du côté

de l’homme baptisé840

. <L’Apôtre> parlerait

ainsi pour qu’on ne désespère pas du salut

futur des Juifs, étant donné qu’ils ne semblent

pas se repentir de leur péché841

.

Mais en sens contraire Pierre dit ces paroles :

"Faites pénitence, et que chacun de vous soit

baptisé au nom de Jésus-Christ, en rémission

de vos péchés, et vous recevrez le don de

l’Esprit-Saint."

Il faut répondre qu’il y a une double pénitence

: l’une intérieure, l’autre extérieure842

. <La

839

Lieux parallèles : 5. Th. 3a, Q. 49, a. 3, sol. 2; Q. 68, a. 5; Sentences dist. 19, Q. 1, a. 3, Q. 2, sol. 1;

4 Cont. Gentiles c. 59. 840

Lieux parallèles Somme Théologique 3a, Q. 62, a. 5; Q. 64, a. 2, sol. 2; 4 Sentences dise. 1, Q. I, a.

4, Q. 3. 841 Voir Glosa in Rom. XI, 29 (GPL, col. 1490 D).

842 Aux paragraphes 924-926, saint Thomas a envisagé une première interprétation de l’affirmation

paulinienne, " les dons de Dieu sont sans repentance s; interprétation classique, selon laquelle il faut

comprendre que Dieu ne change pas et que ses promesses sont irrévocables." C’est d’ailleurs ainsi que

le père Spicq traduit le terme grec amétamélétos employé par saint Paul, terme rare dans le Nouveau

Testament (deux occurrences) et ignoré de l’Ancien Testament (Lexique théologique du Nouveau

Testament, p. 105-109). S’il y a changement, c’est du côté des hommes. Il examine main tenant une

seconde interprétation, également possible, selon laquelle " sans repentance" se rapporterait aux

hommes, Dieu accordant ses dons aux hommes sans exiger d’eux qu’ils se repentent, c’est-â-dire sans

qu’ils fassent pénitence. Cette deuxième interprétation, qu’illustrerait le cas du baptême et qui

autoriserait à espérer le salut des Juifs même s’ils ne font pas publiquement pénitence pour avoir rejeté

Jésus, se justifie par le double sens du latin paenitentia qui traduit le grec amétamélêtos. Ici même, en

effet, paenitentia est rendu en 924-926 par " repentance", et en 927 par " pénitence", comme l’exige le

contexte. On passe ainsi d’un sens neutre et objectif où sine paenitentia signifie "sans se raviser",

donc" définïtif", à un sens moral et subjectif où cette locution signifie " sans pénitence", c’est-à-dire "

sans éprouver de peine et de regret pour le péché commis et " sans être puni pour l’acte fautif." La

raison en est que le latin paenitentia semble renvoyer au latin pœna, la (peine" (que l’on ressent ou que

l’on subit), bien que le second s’écrive avec un o (pœna), alors que le premier doit s’écrire avec un a

confessio in sacramento poenitentiae, ut

sacerdos per potestatem clavium

convenienter poenitentem solvat vel liget.

Deinde cum dicit sicut enim aliquando, etc.,

assignat rationem futurae salutis Iudaeorum

post eorum incredulitatem. Et primo ponit

similitudinem inter utriusque populi

salutem; secundo huius similitudinis causam

ostendit, ibi conclusit enim Deus, et cetera.

Dicit ergo primo : ita dico quod omnis Israel

salvus fiet, quamvis nunc sint inimici. Sicut

enim et vos, gentiles, aliquando non

credidistis Deo. Eph. II, 12. — eratis illo

tempore sine Deo in hoc mundo; nunc

autem misericordiam consecuti estis, infra

c. XV, 9. — gentes autem super

misericordia honorare Deum. Os. II, 23. —

miserebor eius quae fuit absque

misericordia. Et hoc propter eorum

incredulitatem, quae scilicet fuit occasio

vestrae salutis, ut supra dictum est. Ita et

isti, scilicet Iudaei, nunc, scilicet tempore

gratiae, non crediderunt, scilicet Christo. Io.

pénitence> intérieure consiste dans la

contrition du cœur, par laquelle on s’afflige

de ses péchés passés, et cette pénitence est

requise chez le baptisé, parce que, comme le

dit Augustin dans <son sermon sur> la

pénitence "Nul, à partir du moment où il est

établi arbitre de sa volonté, ne peut

commencer une vie nouvelle à moins qu’il ne

se repente de l’ancienne843

", autrement il

s’approcherait du baptême avec simulation

(fictus)844

. La pénitence extérieure, en

revanche, consiste dans la satisfaction

extérieure qui n’est pas requise chez le

baptisé, parce que par la grâce baptismale

l’homme est libéré non seulement de la

faute845

, mais aussi de toute la peine846

, par la

vertu de la passion du Christ qui a satisfait

pour les péchés de tous, comme on l’a dit plus

haut : "nous tous qui avons été baptisés en

Jésus-Christ, c’est en sa mort que nous avons

été baptisés." Aussi est-il dit : "Par le baptême

de régénération et de renouvellement de

l’Esprit-Saint, qu’il a répandu sur nous en

(paenitentia), qui est, semble-t-il, la graphie la plus ancienne et la plus correcte, et renvoie peut-être à

paene, "presque", ou à penitus, "entièrement." Mais la Vulgate et les médiévaux écrivent pœnitentia;

ils décom posent le mot en pœnam tenere, " se tenir dans la peine", et l’utilisent pour traduire le grec

métanoia, très fréquent dans les deux Testaments, avec le sens de " faire pénitence." Il est clair qu’un

tel sens ne peut s’appliquer à Dieu. Appliqué à l’homme, comme l’envisage maintenant saint Thomas,

il désigne deux choses distinctes, qui toutes deux se disent en français " pénitence." L’une, la

contrition, que saint Thomas va nommer la "pénitence inté rieure", l’autre qu’il nomme "pénitence

extérieure" : elle consiste dans la" peine" que le confesseur impose au pécheur; peine à l’obli gation de

laquelle il doit satisfaire pour que le sacrement de péni tence soit complet (la satisfaction fait partie

intégrante du sacrement). Or, dans le sacrement du baptême, qui efface toutes les fautes (originelle et

actuelles), la satisfaction, ou pénitence exté rieure, n’est pas demandée, seule est requise la contrition

ou péni tence intérieure. On peut donc dire, en ce sens, que le don du salut, dans le baptême, est sine

paenitentia, et donc que le don du salut aux juifs sera également "sans pénitence" extérieure et

imposée. Evidemment, ce salut ne leur sera pas donné sans le baptême. Saint Thomas est ainsi amené

à traiter brièvement du baptême, de la confession des péchés, de la satisfaction, aux paragraphes 928 et

929, dans ce qui peut paraître une digression, mais que requiert l’extrême complexité des questions. 843

Voir SAINT AUGUSTIN, Sermo CCCLI, ii, 2 (PL 39, 1537). L’authenticité de ce sermon est

considérée comme douteuse par quelques-uns. Voir Patrick VERBRAKEN, Etudes critiques sur les

sermons de saint Augustin, p. 147. 844

Lieux parallèles Somme Théologique 3a, Q. 69, a. 9 et 10; Q. 87, a. 3, sol. 2; 4 Sentences dist. I, Q.

2, a. 4, q 1, sol. 3; dist. 4, Q. 2, a. 1, Q. I, sol. 3; Q. 3, a. 2, q 1, 2, 3; dist. l2, Q. 2, a. l, q dist. 15, Q. 1,

a. 3, Q. 3, sol. 2. 845

Lieux parallèles Somme Théologique 3a, Q. 69, a. 1; Q. 79, a. 5, sol. 1; 2 Sentences dist. 32, Q. 1,

a. 1, arg. I, sed contr. ; a. 2, sol. 3; 4 Sentences dist. 4, Q. 2, a. 1, q Q. 2, a. 1, q Cons. Cens., c. 59, 72. 846

Lieux parallèles : Somme Théologique 3a, Q. 49, a. 3, sol. 2; Q. 68, a. 5; Q. 69, a. 2; Q. 86, a. 4,

sol. 3; 3 Sentences dist. 19, Q. 1, a. 3, Q. 2; 4 Sentences dist. 4, Q. 2, a. 1, Q. 2; dist. 14, Q. 2, a. 1, Q.

2, sol. 3, dist. 18, Q. 1, a. 3, Q. 2.

VIII, 43. — quare non creditis mihi ? Et

hoc est quod subdit in vestram

misericordiam, id est in gratiam Christi, per

quam misericordiam consecuti estis. Tit. III,

v. 5. — secundum suam misericordiam

salvos nos fecit. Vel non crediderunt ut per

hoc pervenirent in vestram misericordiam.

Vel non crediderunt, quod in vestram

misericordiam occasionaliter cessit, ut et

ipsi quandoque misericordiam

consequantur. Is. XIV, v. 1. — miserebitur

dominus Iacob. Deinde, cum dicit conclusit

enim, etc., assignat rationem huius

similitudinis, quia scilicet Deus voluit, ut

sua misericordia in omnibus locum haberet.

Et hoc est quod subdit conclusit enim Deus,

id est concludi permisit, omnia, id est omne

hominum genus, tam Iudaeos quam gentiles,

in incredulitate, sicut in quadam catena

erroris. Sap. XVII, 7. — una catena

tenebrarum omnes erant colligati. Ut

omnium misereatur, id est ut in omni genere

hominum sua misericordia locum habeat.

Sap. XI, 24. — misereris omnium, domine.

Quod quidem non est extendendum ad

Daemones secundum errorem Origenis, nec

etiam quantum ad omnes homines

singillatim, sed ad omnia genera hominum.

Fit enim hic distributio pro generibus

singulorum et non pro singulis generum.

Ideo autem Deus vult omnes per suam

misericordiam salvari, ut ex hoc humilientur

et suam salutem non sibi, sed Deo

adscribant. Os. c. XIII, 9. — perditio tua in

te, Israel, tantummodo ex me auxilium tuum.

Supra III, 19. — ut omne os obstruatur, et

subditus fiat omnis mundus Deo.

abondance par Jésus-Christ Notre

Sauveur847

."

928. Cependant,848

comme les clefs de

l’Eglise et tous les autres sacrements opèrent

aussi par la vertu de la passion du Christ, il

semble que pour la même raison tous les

autres sacrements libèrent l’homme de la

faute et de toute la peine.

Il faut répondre que la passion du Christ opère

dans le baptême par mode de régénération, ce

qui requiert de l’homme qu’il meure

totalement à la première vie pour recevoir la

vie nouvelle. C’est la raison pour laquelle

dans le baptême toute l’obligation à la peine,

qui appartient à la vétusté de la première vie,

est enlevée. Mais dans les autres sacrements

la vertu de la passion du Christ opère par

mode de guérison, comme dans la pénitence.

Or la guérison ne requiert pas qu’aussitôt tous

les restes de l’infirmité soient enlevés. La

même raison vaut pour les autres sacrements.

929. — Toutefois, comme la confession des

péchés appartient à la pénitence extérieure, on

peut se demander si la confession des péchés

est requise chez le baptisé. Il semble que oui,

car il est dit dans <l’évangile de> Matthieu

que les gens "étaient baptisés par Jean en

confessant leurs péchés."

Il faut répondre que le baptême de Jean était

un baptême de pénitence, parce qu’en le

recevant on s’engageait en quelque sorte à

faire pénitence de ses péchés849

. Il convenait

donc qu’ils confessent <leurs péchés> afin

qu’une pénitence proportionnée à la mesure

du péché leur soit infligée. Mais le baptême

du Christ est le baptême de la rémission de

tous les péchés, en sorte qu’il ne reste à

acquitter chez le baptisé aucune satisfaction

pour les péchés passés. Voilà pourquoi la

confession vocale n’est nullement nécessaire.

Si cette confession est nécessaire pour le

sacrement de pénitence, c’est afin que le

prêtre, par le pouvoir des clefs, lie ou délie le

pénitent comme il convient (convenienter)850

.

847

Sentences dist. 14, Q. 2, a. 1, Q. 2; 3 Contra Gentiles c. 158. 848

Lieux parallèles Somme Théologique 1a-2ae, Q. 87, a. 6; 3a, Q. 86, a. 4 849

Lieux parallèles : Somme Théologique 3a, Q. 38, a. 3; 4 Sentences dise. 2, Q. 2, a. 2. 850

Le mot "convenienter" sous-entend ici les qualités requises du confesseur science, discernement,

discrétion, prudence, justice, bonté, douceur, etc. Voir in 4 Sentences dist. 17, Q. 3, a. 5 (expositio

textus); S’il. Suppi., Q. 18, a. 4.

930. III. Lorsqu’il dit : 30 De même, en effet,

etc., <l’Apôtre> donne la raison du salut futur

des Juifs après leur incrédulité.

Et :

A) Il expose d’abord une similitude entre le

salut de l’un et l’autre peuple.

B) Puis, il montre la raison de cette similitude

[n° 932] : 32 Car Dieu a renfermé, etc.

931. — A. Il commence donc par dire :

J’affirme que tout Israël sera sauvé, bien que

maintenant ils soient ennemis. De même, en

effet, que jadis vous-mêmes, Gentils, vous

n‘avez pas cru à Dieu ("Vous étiez en ce

temps-là sans Christ, séparés de la cité

d’Israël, étrangers aux alliances, n’ayant point

l’espérance de la promesse, et sans Dieu en ce

monde ") — et que maintenant vous avez

obtenu miséricorde

— (" les nations honorent Dieu pour sa

miséricorde." Et encore "J’aurai pitié de celle

qui fut sans miséricorde ") — et cela à cause

de leur incrédulité, qui fut la cause

occasionnelle de votre salut, comme on l’a dit

plus haut, 3! ainsi eux, c’est-à-dire les Juifs,

maintenant, c’est-à-dire au temps de la grâce,

n'ont pas cru, à savoir au Christ "Pourquoi ne

me croyez-vous pas ?" Et c’est ce que

"Apôtre> ajoute : par suite de la miséricorde

<exercée> envers vous, c’est-à-dire par suite

de la grâce du Christ, par laquelle vous avez

obtenu miséricorde "Il nous a sauvés selon sa

miséricorde." Ou bien n'ont pas cru, afin de

parvenir ainsi à votre miséricorde. Ou encore

: n’ont pas cru, ce qui a tourné

occasionnellement à votre miséricorde, afin

qu’eux aussi obtiennent un jour miséricorde.

— < Le Seigneur aura pitié de Jacob."

932. B. En disant : 32 Car Dieu a renfermé,

etc., <l’Apôtre> donne la raison de cette

similitude : c’est parce que Dieu a voulu que

sa miséricorde ait lieu à l’égard de tous. Tel

est bien ce qu’ajoute <l’Apôtre> : Car Dieu a

renfermé, c’est-à-dire a permis que tout, c’est-

à-dire tout le genre humain, Juifs aussi bien

que Gentils, soit renfermé dans l’incrédulité,

comme dans une chaîne d’erreur "D’une

même chaîne de ténèbres tous étaient liés." —

afin de faire miséricorde à tous, c’est-à-dire

afin que sa miséricorde ait lieu à l’égard de

tout le genre humain : "Tu fais miséricorde â

tous, Seigneur." Parole qu’il ne faut

assurément pas étendre aux démons, selon

l’erreur d’Origène851

, ni même à tous les

hommes pris individuellement, mais à toutes

les classes d’hommes. Car cette extension

(distributio) s’applique aux diverses classes

d’hommes et non à chacun des hommes

compris dans ces classes. Aussi la raison pour

laquelle Dieu veut que tous soient sauvés par

sa miséricorde, c’est afin qu’ils trouvent en

cela un sujet de s’humilier et qu’ils attribuent

leur salut non à eux-mêmes, mais à Dieu : "Ta

perte <vient de toi>, Israël c’est seule ment en

moi qu’est ton secours." <Et encore> : "que

toute bouche soit fermée et que tout le monde

devienne soumis à Dieu "

Lectio 5 Leçon 5 [Versets 33 à 36]

[n° 934] Ô abîme des richesses de la sagesse

et de la science de Dieu ! Que ses jugements

sont incompréhensibles, et ses voies

insondables

[n° 938] 31 Car qui a connu la pensée du

Seigneur ? Ou qui a été son conseiller ?

[n° 940] Ou qui, le premier, lui a donné, et

sera rétribué ?

[n° 942] Puisque c’est de lui, et par lui, et en

lui, que sont toutes choses; à lui la gloire dans

les siècles des siècles. Amen.

[86218] Super Rom., cap. 11 l. 5 Supra

apostolus conatus fuit assignare rationem

divinorum iudiciorum quibus tam gentes,

quam Iudaei post incredulitatem

misericordiam consequuntur, nunc, quasi ad

haec investiganda se insufficientem

recognoscens, exclamando divinam

933. — Plus haut, l’Apôtre s’est efforcé de

donner la raison des jugements divins, par

lesquels les nations païennes comme les Juifs

obtiennent miséricorde après leur incrédulité

[n° 903]; comme s’il reconnaissait maintenant

son incapacité à les sonder, il pousse un cri

d’admiration devant l’excellence divine. Et

851 Voir ORIGÈNE, Peri Archon I, 6, 1-2 (SC 252, 202-205).

Saint Thomas (voir Somme Théologique I’, Q. 64, a. 2; Suppl., Q. 99, a. 2 et 3; 3 Sentences dist. 22, Q.

2, a. 2, Q. 2; 3 Contra Gentiles c. 144; Super Matth. 25, 46, éd. Marietti, n° 2113) connaît la doctrine

d’Origène sur I’apocatastase (réconciliation universelle de toute la création, avec les pécheurs, les

damnés et les démons) à travers saint Augustin (De civitate Dei XXI, 17 [n° 37, 448-450]). En réalité, si

l’on trouve trés nettement exprimé chez Origène l’espoir d’un rétablissement universel, sa position

est à nuancer, car il parle le plus souvent par maniére d’hypothéses et non pas par manière

d’affirmations définitives. Le texte cité, le Pers Archon, même s’il offre un exposé complet de ses

idées sur l’apocatastase, ne nous est parvenu que dans une traduction tardive et corrigée de Rufin.

excellentiam admiratur. Et primo admiratur

divinam excellentiam; secundo probat quod

dixerat, ibi quis enim cognovit, et cetera.

Circa primum duo facit. Primo admiratur

excellentiam divinae sapientiae secundum

se consideratae; secundo per

comparationem ad nos, ibi quam

incomprehensibilia, et cetera. Excellentiam

divinae cognitionis admiratur. Primo

quantum ad altitudinem, dicens o altitudo.

Eccle. VII, 25. — alta profunditas, quis

inveniet eam ? Ier. XVII, 12. — solium

gloriae altitudinis a principio. Haec autem

altitudo attenditur quantum ad tria. Uno

quidem modo quantum ad rem cognitam,

inquantum scilicet Deus seipsum perfecte

cognoscit. Eccli. XXIV, 5. — ego in

altissimis habito. Alio modo quantum ad

modum cognoscendi, inquantum scilicet per

seipsum omnia cognoscit. Ps. ci, 20. —

prospexit de excelso sancto suo, dominus de

caelo in terram aspexit. Tertio quantum ad

certitudinem cognitionis. Eccli. XXIII, 28.

— oculi domini multo plus lucidiores sunt

super solem. Secundo admiratur

excellentiam divinae cognitionis quantum

ad eius plenitudinem, cum dicit divitiarum.

Is. XXXIII, 6. — divitiae salutis sapientia

et scientia. Quae quidem plenitudo

attenditur in tribus. Uno modo in

multitudine cognitorum, quia scilicet omnia

novit. Ioan. ult. : domine, tu omnia scis. Col.

II, 3. — in ipso sunt omnes thesauri

sapientiae Dei absconditi. Alio modo

quantum ad facilitatem cognoscendi, quia

statim omnia intuetur sine inquisitione et

difficultate. Hebr. IV, 13. — omnia nuda et

aperta sunt oculis eius. Tertio quantum ad

copiam cognitionis, quia eam omnibus

communicat affluenter. Iac. I, 5. — si quis

vestrum indiget sapientia, postulet a Deo,

qui dat omnibus affluenter. Tertio admiratur

divinam excellentiam quantum ad

perfectionem, cum dicit sapientiae et

I) II commence par admirer l’excellence

divine.

II) Puis, il prouve ce qu’il avait dit [n° 938] u

Car qui a connu, etc.

I. Sur le premier point, il admire l’excellence

de la sagesse divine

A) D’abord considérée en elle-même.

B) Puis, comparée à nous [n° 937] : Que ses

jugements sont incompréhensibles.

934. — A. Il852

admire l’excellence de la

connaissance divine.

1. En premier lieu, quant à son abîme, en

disant : 33 O abîme des richesses de la

sagesse et de la science de Dieu! — "<Sa>

profondeur est un abîme, qui la trouvera ?" Et

: "Le trône de la gloire est un abîme depuis le

commencement." Or on peut considérer cet

abîme sous trois rapports

a. D’abord, quant à l’objet de la connaissance,

à savoir en tant que Dieu se connaît lui-même

parfaitement853

"C’est moi qui habite dans les

abîmes les plus profonds."

b. Ensuite, quant au mode de connaissance, à

savoir en tant que par lui-même <Dieu>

connaît toutes choses854

— "Il s’est penché du

haut de son lieu saint, le Seigneur a regardé

du ciel sur la terre."

c. Enfin, quant à la certitude de la

connaissance : "Les yeux du Seigneur sont

beaucoup plus lumineux que le soleil,

explorant du regard toutes les voies de

l’homme et le profond de l’abîme, et

examinant les cœurs des hommes jusque dans

les parties les plus cachées."

935. — 2. En deuxième lieu, <l’Apôtre>

admire l’excellence de la connaissance divine

quant à sa plénitude, lorsqu’il dit : des

richesses. — "Sagesse et science sont des

richesses de salut." Cette plénitude peut être

considérée sous trois rapports :

a. D’abord, sous le rapport de la multitude des

choses connues, c’est-à-dire que <Dieu>

connaît toutes choses : "Seigneur, tu sais

toutes choses." — "En lui sont cachés tous les

852

Lieux parallèles Somme Théologique P, Q. 14; De veritate, Q. 2. 853 Lieux parallèles : Somme Théologique Ia, Q. 14, a. 2; De veritate, Q. 2, a. 2; 1 Contra Gentiles c. 47

et 48; 4 Contra Gentiles c. 11; Super Metaphys. 12, lect. 11 (éd. Marierti, n° 2614-2615).

854 Lieux parallèles Somme Théologique P, Q. 14, a. 5; De veritate, Q. 2, a. 4; 1 Contra Cent. 48 et 49.

scientiae Dei. Habet enim sapientiam de

divinis, Iob XII, 16. — apud ipsum est

fortitudo et sapientia, et scientiam de rebus

creatis, Bar. III, 32. — qui scit universa,

novit eam. Deinde cum dicit quam

incomprehensibilia, etc., ostendit

excellentiam divinae sapientiae per

comparationem ad nostrum intellectum. Et

primo quantum ad sapientiam, ad quam

pertinet iudicare et ordinare. Unde dicit

quam incomprehensibilia sunt iudicia eius,

quia scilicet homo non potest

comprehendere rationem divinorum

iudiciorum, quia in sapientia Dei latent. Ps.

XXXV, 7. — iudicia tua abyssus multa. Iob

XI, 7. — forsitan vestigia Dei

comprehendes, et omnipotentem usque ad

perfectum reperies. Secundo quantum ad

scientiam, per quam in rebus operatur. Unde

subdit et investigabiles, id est non perfecte

ab homine vestigabiles, viae eius, id est

processus eius, quibus in creaturis operatur.

Et si ipsae creaturae sint homini notae,

tamen modi quibus Deus in creaturis

operatur ab homine comprehendi non

possunt. Ps. LXXVI, 19. — in mari via tua

et semitae tuae in aquis multis, et vestigia

tua non cognoscentur. Iob XXXVIII, v. 24.

— per quam viam spargitur lux, et cetera.

Deinde cum dicit quis enim, etc., probat

quod dixerat, ad quod inducit duas

auctoritates, quarum una habetur Isaiae XL,

v. 13 ubi secundum litteram nostram sic

legitur : quis adiuvit spiritum domini, aut

quis consiliarius eius fuit ? Loco cuius hic

dicitur quis enim cognovit sensum domini,

aut quis consiliarius eius fuit ? Alia

auctoritas habetur Iob XLI, 2. — quis ante

dedit mihi ut, reddam ei ? Ex loco cuius hic

dicitur aut quis prior dedit illi, et retribuetur

ei ? In his autem verbis et sequentibus

apostolus tria facit. Primo ostendit

trésors de la sagesse et de la science."

b. Ensuite, sous le rapport de sa facilité de

connaître, puisque son regard embrasse

aussitôt toutes choses sans recherche et sans

difficulté : "Tout est à nu et à découvert à ses

yeux."

c. Enfin, sous le rapport de l’abondance de la

connaissance, puisque <Dieu> la

communique à tous en abondance : "Si

quelqu’un d’entre vous manque de sagesse,

qu’il la demande à Dieu, qui donne à tous en

abondance."

936. — 3. En troisième lieu, <l’Apôtre>

admire l’excellence divine quant à sa

perfection, lorsqu’il dit : de sagesse et de

science de Dieu. Car <Dieu> a la sagesse des

choses divines : "En lui sont la force et la

sagesse ", et la science des choses créées

"Celui qui sait toutes choses la connaît855

."

937. — B. Lorsqu’il dit : Que ses jugements

sont incompréhensibles, <l’Apôtre> montre

l’excellence de la sagesse divine en la

comparant à notre intelligence.

1. Et premièrement quant à la sagesse, à

laquelle il appartient de juger et d’ordonner.

Aussi <l’Apôtre> dit-il : Que ses jugements

sont incompréhensibles, c’est-à-dire l’homme

ne peut comprendre la raison des jugements

divins, puisqu’ils se cachent dans la sagesse

de Dieu : "Tes jugements sont un abîme

profond" — "Comprendras-tu peut-être les

traces de Dieu et découvriras-tu la perfection

du Tout-Puissant ?"

2. Deuxièmement, quant à la science, par

laquelle il opère dans les choses. Aussi

ajoute-t-il : et insondables, c’est-à-dire que

l’homme ne peut sonder parfaitement, ses

voies, c’est-à-dire comment il procède pour

opérer dans les créatures. Quand ces créatures

elles-mêmes seraient connues de l’homme,

cependant le mode selon lequel Dieu opère en

elles ne peut être compris de l’homme : "Dans

855 Ba 3, 32. On notera à quelle hauteur métaphysique la rigueur du commentaire thomasien lui

permet de s’élever. Distinguant les trois éléments de l’exclamation paulinienne [ "ô abîme", 2)" des

richesses", 3) de la sagesse et de la science de Dieu s], il rapporte chacun d’eux à un aspect de la

connaissance que Dieu a de lui-même et du monde. Le premier aspect pourrait, en quelque manière,

être rapporté au Père, source abyssale, le deuxième à l’Esprit-Saint, plénitude universelle, le

troisième au Fils, connais sance parfaite et de Dieu (sagesse), et de la création (science).

excellentiam divinae sapientiae per

comparationem ad intellectum nostrum,

dicens : dictum est quod incomprehensibilia

sunt iudicia eius et investigabiles viae eius,

quis enim cognovit sensum domini, per

quem scilicet iudicat et operando procedit;

quasi dicat : nullus, nisi eo revelante. Sap.

IX : sensum tuum quis scire poterit, nisi tu

dederis sapientiam, et miseris spiritum

sanctum tuum de altissimis ? Et 1 Co II, 11.

— quae sunt Dei nemo novit, nisi spiritus

Dei, nobis autem revelavit Deus per

spiritum suum. Secundo ostendit

excellentiam divinae sapientiae, secundum

quod in se habet altitudinem, quae quidem

est altitudo, quae est supremi principii, ad

quod duo pertinent : primo quod non sit ab

alio; secundo quod alia sint ab eo, et haec

ostendit, ibi quoniam ex ipso. Quod autem

sapientia Dei non dependeat ab altiori

principio, ostendit dupliciter. Primo quidem

per hoc quod non est instructa alieno

consilio. Unde dicit aut quis consiliarius

eius fuit ? Quasi diceret : nullus. Ille enim

consilio indiget, qui non plene cognoscit

qualiter sit agendum, quod Deo non

competit. Iob XXVI, 3. — cui dedisti

consilium ? Forsitan illi qui non habet

sapientiam. Ier. c. XXIII, 18. — quis affuit

in consilio domini ? Secundo per hoc quod

non est adiuta alieno dono. Unde subdit aut

quis prior dedit illi, et per hoc retribuetur ei

? Quasi prius danti. Quasi dicat : nullus.

Non enim potest homo dare Deo, nisi quae a

Deo accepit. Par. ult. : tua sunt omnia, et

quae de manu tua accepimus, dedimus tibi.

Iob XXXV, 7. — porro si iuste egeris, quid

donabis ei, aut quid de manu tua accipiet ?

Deinde cum dicit quoniam ex ipso, etc.,

ostendit altitudinem Dei, quantum ad hoc

quod in ipso sunt omnia. Et primo ostendit

eius causalitatem; secundo eius dignitatem,

ibi ipsi honor et gloria; tertio eius

perpetuitatem, ibi in saecula saeculorum,

amen. Dicit ergo primo : recte dixi quod

nullus prior dedit illi, quia ex ipso, et per

la mer a été ta voie, dans la multitude des

eaux tes sentiers, et tes traces ne seront pas

connues." — "Par quelle voie se répand la

lumière et se distribue la chaleur sur la terre."

938. — II. Lorsqu’il ajoute : 34 Car qui a

connu, etc., <l’Apôtre> prouve ce qu’il avait

dit. A cet effet, il cite deux autorités

<scripturaires>, dont l’une se trouve dans <le

livre d’>Isaïe. On y lit selon notre version 12.

— "Qui a aidé l’Esprit du Seigneur, ou qui a

été son conseiller ?" au lieu de ce qui est écrit

ici : Car qui a connu la pensée du Seigneur ?

Ou qui a été son conseiller 856

?" L’autre

autorité <scripturaire> se trouve dans <le livre

de> Job. <On y lit selon notre version> : "Qui

m’a donné le premier, afin que je lui rende ?"

au lieu de ce qui est écrit ici : Ou qui, le

premier, lui a donné et sera rétribué ? Or dans

ces paroles comme dans celles qui suivent,

l’Apôtre fait trois choses :

939. — A. Il montre en premier lieu

l’excellence de la sagesse divine, en la

comparant à notre intelligence, en disant : On

a dit : Que ses jugements sont

incompréhensibles, et ses voies insondables!

<Et il ajoute aussitôt> : Car qui a connu la

pensée du Seigneur ?, c’est-à-dire par laquelle

il juge et procède pour opérer; autrement dit,

personne, à moins qu’elle ne lui soit révélée :

"Qui pourra connaître ta pensée, si tu ne

donnes toi-même la sagesse, et si tu n’envoies

ton Esprit-Saint du plus haut des cieux ? "Et :

"Nul ne connaît ce qui est de Dieu, sinon

l’Esprit de Dieu." Or "Dieu nous l’a révélé

par son Esprit."

940. — B. En deuxième lieu, <l’Apôtre>

montre l’excellence de la sagesse divine,

selon qu’elle renferme un abîme en elle-

même, abîme qui est le propre du principe

suprême, lequel se caractérise de deux

manières :

1) D’abord, en ce qu’il ne dépend d’aucun

autre.

2) Puis, parce que les autres <principes>

dépendent de lui.

L’Apôtre montre ces caractères <en disant :>

856

Selon la Septante, éd. Alfred Rahlfs, vol. II, p. 619" us egn noun kuriou, kai us ausou sumboulos

egeneto.

ipsum, et in ipso sunt omnia. Et ita nihil

potest esse nisi a Deo acceptum. Ad

designandum autem Dei causalitatem utitur

tribus praepositionibus, quae sunt, ex, per et

in. Haec autem praepositio, ex, denotat

principium motus; et hoc tripliciter : primo

quidem ipsum principium agens, vel

movens; alio modo, ipsam materiam; tertio

modo, ipsum contrarium oppositorum, quod

est terminus a quo incipit motus. Dicimus

enim cultellum fieri ex fabro et ferro et ex

infigurato. Universitas autem creaturarum

non est facta ex praeexistenti materia, quia

et ipsa materia est effectus Dei. Et

secundum hoc omnia creata non dicuntur ex

aliquo esse sed, sicut ex opposito, dicuntur

esse ex nullo, quia nihil erant antequam

crearentur ut essent. Sap. II, 2. — ex nihilo

nati sumus. Ex Deo autem sunt omnia, sicut

ex primo agente. 1 Co XI, 12. — omnia

autem ex Deo. Notandum tamen quod haec

praepositio de, easdem habitudines

designare videtur, hoc tamen superaddit,

quia semper designat causam

consubstantialem. Dicimus enim cultellum

esse de ferro, non autem de artifice; quia

igitur filius procedit a patre ut ei

consubstantialis, dicimus filium esse de

patre. Creaturae vero non procedunt a Deo

tamquam ei consubstantiales; unde non

dicuntur esse de ipso, sed solum ex ipso.

Haec autem praepositio per, designat

causam operationis, sed quia operatio est

medium inter faciens et factum, dupliciter

[n° 942] : 36 Puisque c’est de lui, etc.

941. — 1. Que la sagesse de Dieu ne dépend

pas d’un principe plus élevé, <l’Apôtre> le

montre de deux manières857

a. D’abord, parce qu’elle n’est pas instruite

par un conseil étranger. Aussi dit-il : Ou qui a

été son conseiller ? Autrement dit, personne.

Car celui-là a besoin d’un conseil qui ne sait

pas tout à fait comment il faut agir; ce qui ne

s’applique pas à Dieu : "A qui as-tu donné

conseil ? sans doute à celui qui n’a pas de

sagesse." — "Qui a assisté au conseil du

Seigneur ?"

b. Ensuite, parce qu’elle n’est pas aidée par

un don étranger. Aussi dit-il : Ou qui, le

premier, lui a donné, et pour cela sera

rétribué comme s’il lui avait donné le premier

? Comme s’il disait : personne. En effet,

l’homme ne peut donner à Dieu que ce qu’il a

reçu de Dieu : "Tout est à toi, et c’est de ta

main que nous avons reçu ce que nous t’avons

donné." — "Si tu agis justement, que lui

donneras-tu, ou que recevra-t-il de ta main ? "

942. — 2. En disant858

ensuite 10. — 36

Puisque c’est de lui, etc., <l’Apôtre> montre

l’abîme de Dieu, en tant qu’en lui sont toutes

choses.

a) Et il montre d’abord sa causalité.

b) Puis, sa dignité859

[n° 950] : A lui

l’honneur et la gloire.

c) Enfin, sa perpétuité [n° 951] : Dans les

siècles des siècles. Amen.

943. — a. 860

Il commence donc par dire : J’ai

dit à juste titre que personne ne lui a donné le

857

Lieux parallèles sur la science en Dieu : Somme Théologique P, Q. 14, a. 1; 1 Sentences dist. 35, a.

1; 1 Contra Gentiles c. 44; De poSentences Q. 8, a. 1; Q. 9, a. 5; De veritate, Q. 2, a. 1; Compend.

theol., c. 28 et 35. — Sur la justice en Dieu : Somme Théologique Ia, Q. 21, a. 1; 4 Sentences dist. 46,

Q. 1, a. 1, q 1; 1 Contra Gentiles c. 93; De div. nom., c. 8, lect. 4. 858 Lieux parallèles : Somme Théologique P, Q. 44, a. 1 et 2; Q. 65, a. 1. 2 Sentences dist. 1, Q. 1, a. 2;

dist. 37, Q. 1, a. 2; 2 Contra Gentiles c. 15 et 16; De poSentences Q. 3, a. 5 et 6; Compend. theol., c.

68 et 69; De subsi. separ., c. 9; De div. nom., c. 5, lect. 1; Super Physicam 8, lect. 2 (éd. d’Auria, n°

1992-2058); Cou, in Symb. Apost., a. 1.

859 Lieux parallèles : Somme Théologique Ia, Q. 39, a. 8; 1 Sentences dist. 14 (expos. lin.); dist. 31, Q.

2, a. 1; Q. 3, a. 1; dist. 34, Q. 2; dist. 36, Q. l, a. 3, sol. 5; Deveritate Q. l, a. 7; Q. 7, a. 3; IIAdCor. lect.

3 (éd. Marsettî, n° 544). 860

Ces deux paragraphes (943 et 944), comme les suivants, renvoient à des notions classiques en

philosophie scolastique et souvent reprises par saint Thomas pour commenter le ternaire ex (Ou de),

per, et in, ou pour rendre compte de la formule ex nihilo appliquée â la création. On saisit à plein, ici,

la connexion étroite qui, pour les médiévaux, unit la grammaire et la philosophie. Outre ce que nous

haec praepositio per, potest operationis

causam designare. Uno modo secundum

quod operatio exit ab operante : sicut aliquid

dicitur per se operari, quod est sibi causa ut

operetur. Hoc autem est uno quidem modo

forma, sicut dicimus quod ignis calefacit per

calorem. Alio modo aliquid superius agens,

puta si dicamus quod homo generat per

virtutem solis, vel potius Dei. Sic igitur

omnia dicuntur dupliciter esse per ipsum.

Uno modo, sicut per primum agens, cuius

virtute omnia alia agunt. Prov. c. VIII, 15.

— per me reges regnant. Alio modo,

inquantum eius sapientia, quae est eius

essentia, est forma per quam Deus omnia

fecit, secundum illud Prov. III, 19. —

dominus sapientiae fundavit terram. Alio

vero modo haec praepositio per, designat

causam operationis, non quidem secundum

quod exit ab operante sed secundum quod

terminatur ad opera, sicut dicimus quod

faber facit cultellum per martellum, quod

non est sic intelligendum, quod martellus sic

cum fabro operetur, sicut in prioribus

intelligebatur, sed quia cultellus fit ex

operatione fabri per martellum. Et ideo

dicitur quod haec praepositio per,

quandoque designat auctoritatem in recto,

sicut cum dicimus : rex operatur per

balivum; quod pertinet ad hoc quod nunc

premier, puisque c’est de lui, et par lui, et en

lui, que sont toutes choses. Et ainsi rien ne

peut exister sans l’agrément de Dieu.

Or pour désigner la causalité de Dieu,

<l’Apôtre> se sert de trois prépositions, qui

sont "de" ou "à partir de" (ex), "par" (per), et

"en" (in).

— La préposition " de" ou "à partir de" (ex)

indique le principe du mouvement, et cela de

trois manières : D’abord en désignant le

principe même de l’action ou du mouvement;

ensuite la matière même; enfin, dans

l’opposition des termes contraires <de tout

processus>, le terme même à partir duquel se

produit le mouvement. On dit en effet que le

couteau se fait à partir du fabricant, à partir du

fer, et à partir de ce qui n’a pas encore la

forme de couteau. Toutefois, l’ensemble des

êtres créés n’a pas été fait à partir d’une

matière préexistante, puisque la matière est

elle-même l’effet de Dieu. Il s’ensuit qu’on ne

dit pas, de tous les êtres créés, qu’ils existent

à partir de quelque chose, mais que, comme à

partir d’un terme opposé, ils existent à partir

de rien, car ils n’étaient rien avant que la

création ne les fasse passer à l’existence :

"Nous sommes nés de rien." Mais c’est à

partir de Dieu, comme de leur premier agent,

que tous les êtres viennent à l’existence : "Et

toutes choses viennent de (ex) Dieu

avons déjà dit sur la matière considérée comme cause, nous rappellerons brièvement quelques données

relatives au trai tement du mouvement dans la scolastique, ce qui permettra de comprendre quelques

expressions techniques dont saint Thomas use ici. Le concept de mouvement englobe non seulement le

dépla cement d’un corps dans l’espace, mais aussi tout processus de production, de changement ou de

croissance—diminution. Comme le déplacement local, tout mouvement s’effectue entre deux termes

un " terme â partir duquel" (terminus a quo) et un "terme vers lequel" (terminus ad quem) a lieu le

mouvement. Ces deux termes constituent un couple d’opposés. Mais il y a deux sortes d’oppo sition

l’opposition des contradictoires dans laquelle l’un des opposés est la négation de l’autre, et

l’opposition des contraires dans laquelle l’un des opposés est l’antithèse de l’autre. Dans le cas du

mouvement, les termes opposés sont des contraires (point de départ, point d’arrivée), mais l’un n’est

pas la négation de l’autre ils s’opposent sans se contredire. Gomme tout mouvement, la création est un

processus, mais un processus d’un type particulier, dans lequel le point de départ, le terminus a quo, ne

saurait désigner une matière préexistante. Quand donc ce point de départ est appelé nihil, " rien", ce

rien d’où est tirée la créature (ex nihilo), ne signifie pas un quelque chose. Mais, puisque tout

processus a lieu entre une paire d’opposés, il tient seulement la place logique de l’un de ces opposés,

l’autre opposé étant l’existence même qui est conférée à la créature par l’acte créateur. Ce point de

départ, qu’est le nihil, n’a pas de valeur réelle car, comme le dit le père Sertillanges " Au vrai, la

création n’a pas de point de départ" (voir la note explicative [ à propos de Somme Théologique 1a Q.

45, a. 1, sol. 2, La Création, éd. de la Revue des Jeunes, Desclée et Cie, 1927, p. 183), Dieu produisant

tout l’être; il n’a qu’une valeur logique. Toutefois, il y a bien une cause à la production de l’être, mais

c’est une cause agente, non une cause matérielle et c’est Dieu : ainsi l’être des créatures est ex Deo.

dicitur. Quandoque autem in causali, sicut

cum dicitur : balivus per regem operatur;

quod pertinet ad praecedentem modum. Hoc

autem modo de quo nunc loquimur, dicuntur

omnia esse facta a patre per filium,

secundum illud Io. I, 3. — omnia per ipsum

facta sunt : non ita quod pater habeat a filio

hoc quod facit res, sed potius, quia virtutem

faciendi filius accipit a patre, non tamen

instrumentalem, aut diminutam, aut aliam,

sed principalem et aequalem, et eamdem. Io.

V, v. 19. — quaecumque pater facit, haec et

filius similiter facit. Unde licet omnia sint

facta a patre per filium, non tamen filius est

instrumentum vel minister patris. Haec

autem praepositio in, designat etiam

triplicem habitudinem causae : uno quidem

modo designat materiam, sicut dicimus

animam esse in corpore et formam in

materia, hoc autem modo non dicitur quod

omnia sint in Deo, quia ipse non est causa

materialis rerum. Alio modo designat

habitudinem causae efficientis, in cuius

potestate est effectus suos disponere, et

secundum hoc dicuntur omnia esse in ipso,

secundum quod omnia in eius potestate et

dispositione consistunt, secundum illud Ps.

XCIV, 4. — in manu eius sunt omnes fines

terrae. Et Act. XVII, 28. — in ipso vivimus,

movemur et sumus. Tertio modo designat

habitudinem causae finalis, secundum quod

totum bonum rei et conservatio ipsius

consistit in suo optimo, et secundum hoc

dicuntur omnia esse in Deo, sicut in bonitate

conservante. Col. I, 17. — et omnia in ipso

constant. Quod autem dicit omnia, est

944. — Il faut noter, il est vrai, que la

préposition <latine> de semble désigner les

mêmes relations (que la préposition ex) elle y

ajoute cependant quelque chose : elle désigne

toujours la consubstantialité de la cause (et de

l’effet). Ainsi nous disons que le couteau est

de fer, nous ne disons pas qu’il est du (de)

fabricant; puis donc que le fils procède du

père en tant qu’il lui est consubstantiel, nous

disons que le fils est du père. Mais les

créatures ne procèdent pas de Dieu comme si

elles lui étaient consubstantielles; aussi ne dit-

on pas qu’elles sont de (de) lui, mais qu’elles

sont à partir de (ex) lui

945. — Quant à la préposition "par" (per),

elle désigne la cause de l’opération, mais

parce que l’opération est intermédiaire entre

celui qui fait et ce qui est fait, cette

préposition peut désigner de deux manières la

cause de l’opération.

Selon une première manière, en tant que

l’opération vient de celui qui opère c’est ainsi

que l’on dit opérer par soi-même quand on est

soi-même la cause qui fait opérer. Cela

appartient, dans un sens, à la forme, comme

nous disons que le feu réchauffe par la

chaleur. Selon une autre manière, en tant que

l’opération est l’acte d’un agent supérieur, par

exemple lorsque nous disons que l’homme

engendre par la vertu du soleil, ou plutôt par

celle de Dieu861

.

Ainsi donc toutes choses sont dites être par lui

de deux manières : D’abord, comme par un

premier agent, par la vertu duquel toutes les

autres choses agissent : "Par moi règnent les

rois."

861

Les deux causes désignées par la préposition "par" (per) sont la cause formelle et la cause efficiente

("Ts-S0MAS, De principiis naturae; voir H-D. GARDEIL, Initiation à la philosophie de saint Thomas,

t. II, Cosmologie, p. 114). Ainsi, l’intermédiaire que signifie ce "para peut être intrinsèque à l’être qui

opère (c’est le cas de la forme, ou qualité essentielle par laquelle l’opérateur agit), ou extrin sèque :

c’est le cas lorsqu’un agent (ou opérateur) agit non seulement en vertu de sa forme (l’homme engendre

l’homme en venu de la forme humaine qui est en lui), mais aussi en vertu de l’action qu’exerce sur lui

un agent supéneur qui lui communique sa force. Or, c’est un principe de la cosmologie d’Aristote

admis par saint Thomas, que la génération est due à l’influence du soleil L’homme a d’abord pour

cause ses éléments, savoir le Feu et la Terre, comme matière, et sa forme propre, — puis une autre

cause, cause externe, c’est-â—dire le père, — et enfin, outre ces causes, le Soleil" (Métaphysique,

livre A, 5, 1071 a 10-15; trad. J. Tricot, t. H, p. 164). De même saint Thomas explique que "le soleil

est cause dans la génération de l’homme ou du lion", mais c’est une causalité non spécifique, qui ne

peut être cause de l’être individuel (2 Sentences dist. 1, Q. 1, a. 4 in corpore). A travers les causes

secondes, en ultime instance, c’est la cause divine qui est vraiment efficiente.

absolute accipiendum pro omnibus, quae

habent verum esse; peccata autem non

habent verum esse, sed in quantum sunt

peccata, dicuntur per defectum alicuius

entis, eo quod malum nihil est nisi privatio

boni. Et ideo cum dicitur ex ipso, et per

ipsum, et in ipso sunt omnia, non est

intelligendum de peccatis quia, secundum

Augustinum, peccatum nihil est, et nihil

fiunt homines cum peccant. Quicquid tamen

entitatis est in peccato, totum est a Deo. Sic

igitur, secundum praemissa, omnia sunt ex

ipso, scilicet Deo, sicut ex prima operatrice

potentia. Omnia autem sunt per ipsum,

inquantum omnia facit per suam sapientiam.

Omnia sunt in ipso, sicut in bonitate

conservante. Haec autem tria, scilicet

potentia, sapientia et bonitas, communia

sunt tribus personis. Unde hoc quod dicitur

ex ipso, et per ipsum, et in ipso, potest

attribui cuilibet trium personarum, sed

tamen potentia, quae habet rationem

principii, appropriatur patri, qui est

principium totius divinitatis; sapientia filio,

qui procedit ut verbum, quod nihil aliud est

quam sapientia genita; bonitas appropriatur

spiritui sancto, qui procedit ut amor, cuius

obiectum est bonitas. Et ideo appropriando

dicere possumus : ex ipso, scilicet ex patre,

per ipsum, scilicet per filium, in ipso,

scilicet in spiritu sancto, omnia sunt. Deinde

cum dicit ipsi honor et gloria, ostendit Dei

dignitatem, quae consistit in duobus quae

praemissa sunt. Nam ex eo quod ex ipso et

per ipsum, et in ipso sunt omnia, debetur ei

honor et reverentia et subiectio a tota

creatura. Mal. I, 6. — si ego pater, ubi est

Ensuite, en tant que sa sagesse, qui est son

essence, est la forme par laquelle Dieu a fait

toutes choses, selon ce passage des Proverbes

: "Le Seigneur, par la sagesse, a fondé la

terre."

946. — Selon862

un autre sens, cette

préposition "par" désigne la cause de

l’opération, non en tant que l’opération résulte

de celui qui opère, mais en tant qu’elle se

termine à une œuvre. On dit ainsi que

l’ouvrier fabrique le couteau par (per) son

marteau; ce qui ne signifie pas que le marteau

opérerait avec l’ouvrier, comme on l’a

expliqué au <paragraphe> précédent, mais

parce que, pour faire le couteau, l’ouvrier

opère au moyen (per) du marteau. Et voilà

pourquoi on dit que cette préposition "par"

désigne l’autorité, tantôt directement,

lorsqu’on dit par exemple : Le roi opère par le

bailli — ce qui concerne le cas dont nous

parlons maintenant —, tantôt dans son

principe causal, lorsqu’on dit par exemple : le

bailli opère de par le roi ce qui concerne le

mode (causal) du <para graphe> précédent.

Or, s’agissant du mode (causal) dont nous

parlons maintenant, on dit que le Père a fait

toutes choses par le Fils, selon ce verset de

Jean "Toutes choses ont été faites par lui ";

non que le Père tienne du Fils ce <pouvoir>

qui fait les choses, mais plutôt parce que le

Fils reçoit du Père la puissance de faire, non

de manière instrumentale, ou moindre, ou

différente, mais principale, égale et semblable

: "Tout ce que <le Père> fait, cela aussi le Fils

le fait pareillement." Par conséquent, bien que

le Père fasse toutes choses par le Fils, le Fils

n’est ni l’instrument ni le ministre du Père863

.

862 Lieux parallèles Somme Théologique 1 Q. 39, a. 8.

5. Jn 1, 3. — Lieu parallèle Super Ioan. 1, 3, lect. 2 (éd. Marietti, n° 76).

863 Au paragraphe précédent, saint Thomas a examiné deux sens de" par", soit qu’il indique la cause

formelle (intrinsèque ou imma nente à l’agent) : ainsi le feu brûle par la forme qualitative" chaleur "

qui est en lui; soit qu’il indique un agent supérieur qui influe sur l’agent propre et direct : ainsi

l’homme engendre l’homme par l’effet du soleil (quand il se rapproche de la terre). Il envisage

maintenant un autre sens, celui où "par" indique la cause intermédiaire, qu’on appelle, le cas échéant,

cause instrumentale. Il ne s’agit donc plus du rapport que l’opération a avec l’agent qui l’accomplit,

mais de celui qu’elle a avec l’œuvre produite le marteau n’est pas nécessairement lié à l’ouvrier (qui

peut utiliser d’autres outils), mais à la fabrication du couteau (pour battre le fer et forger la lame).

Ainsi le bailli est-il l’instrument propre de l’autorité du roi, en tant qu’elle s’exerce directement sur ses

honor meus ? Ex eo vero quod ab alio non

accipitur nec consilium, nec donum, debetur

ei gloria, sicut e contrario dicitur homini 1

Co IV, 7. — si accepisti, quid gloriaris,

quasi non acceperis ? Et quia hoc est

proprium Dei dicitur Is. XLII, 8. — gloriam

meam alteri non dabo. Ultimo ponit eius

aeternitatem, cum dicit in saecula

saeculorum, quia eius gloria non est

transitoria, sicut gloria hominis, de qua

dicitur Is. XL, 6. — omnis gloria eius quasi

flos agri, sed durat in saecula saeculorum, id

est per omnia saecula succedentia saeculis,

prout saeculum dicitur duratio

uniuscuiusque rei. Vel saecula saeculorum

dicuntur saecula, id est durationes rerum

incorruptibilium, quae continent saecula

corruptibilium rerum, et praecipue ipsa Dei

aeternitas, quae tamen pluraliter dici potest,

licet in se sit una et simplex, propter

multitudinem et diversitatem contentorum,

ut sit sensus : in saecula contentiva

saeculorum. Ps. CXLIV, 13. — regnum

tuum, regnum omnium saeculorum. Addit

autem ad confirmationem amen, quasi dicat

vere, ita est. Et sic accipitur in Evangeliis,

ubi dicitur amen dico vobis. Quandoque

tamen accipitur pro fiat. Unde in Psalterio

Hieronymi dicitur dicet omnis populus :

amen, amen, ubi nos habemus fiat, fiat.

947. — Quant à la préposition "dans" (in),

elle désigne aussi une triple relation causale

Elle désigne d’abord la matière, à la manière

dont nous disons que l’âme est dans le corps

et la forme dans la matière. Dans ce sens, on

ne peut pas dire que toutes choses sont en

Dieu, parce qu’il n’est pas la cause matérielle

des choses864

.

Ensuite, <cette préposition "dans"> désigne

une relation de cause efficiente, cause qui a le

pouvoir de disposer de ses propres effets.

Dans ce sens on dit que toutes choses sont en

<Dieu>, en tant que toutes choses sont sous sa

puissance et à sa disposition, selon ce verset

d’un psaume : "Dans sa main sont tous les

confins de la terre." Et des Actes : "C’est en

lui que nous vivons, que nous nous mouvons,

et que nous sommes."

Enfin, <cette préposition "dans"> désigne une

relation de cause finale, selon que tout le bien

d’une chose et sa conservation résident dans

son bien suprême. Dans ce sens on dit que

toutes choses sont en Dieu, comme dans la

bonté qui conserve "Toutes choses subsistent

en lui."

948. - Quant à l’expression : "Toutes choses",

elle doit être prise au sens absolu pour toutes

les choses qui ont véritablement l’être865

. Or

les péchés n’ont pas véritablement d’être,

mais ils sont péchés par défaut d’être, étant

donné que le mal n’est rien si ce n’est la

privation du bien. Ainsi, lorsque <l’Apôtre>

dit : c’est de lui, et par lui, et en lui, que sont

sujets (c’est le sens instrumental de" par" qu’envisage ce paragraphe 946), mais le bailli agit au nom

du roi qui est le principe supérieur et la source ou cause de l’autorité (ce qui nous renvoie au cas du

soleil, agent supérieur des processus de géné ration). C’est précisément en ce sens de cause

intermédiaire que le Fils est celui par qui tout a été fait; et cette causalité médiane (causa media) lui est

attribuée en propre (Somme Théologique P, Q. 39, a. 8, sol. 4). La personne du Fils, en effet, est

distincte de celle du Père, de même que le marteau est distinct de l’ouvrier et le bailli du roi. Et donc

c’est réellement par le Fils que le Père crée. Cependant le Fils n’est pas l’instrument passif du Père

créant le monde, comme le marteau est l’instrument passif de l’ouvrier fabriquant le couteau; et il n’est

pas non plus comme le bailli qui agit, certes, mais au nom du roi, avec une autorité moindre, et sans

être le principe de l’autorité qu’il exerce, alors que le Fils exerce le pouvoir créateur reçu du Père avec

une puissance égale et selon un mode aussi principiel. 864

Dieu n’est pas la matière, le substrat dont le monde est tiré, d’une part parce qu’il n’y a pas de

matière en Dieu, d’autre part parce que l’être du monde est tout entier créé, forme et matière. Ainsi est

écarté tout risque de ce qu’on appellera au xv siècle le panthéisme. 865

Lieux parallèles Somme Théologique Ia, Q. 49, a. 1 et 2; Q. 79, a. 1; 1a-2ae, Q. 75, a. 1; 2Sentences

dist. 34, Q. I, a. 3; Demalo, Q. l, a. 3; Q. 3, a. 1 et 2; De quodlibet II, Q. 2; Ad Rom. 7, 17, lect. 3 (éd.

Marietti, n° 571).

toutes choses, il ne faut pas entendre ce

passage des péchés; en effet, selon Augustin,

"le péché n’est rien et les hommes sont réduits

à rien lorsqu’ils pèchent866

." Cependant ce

qu’il y a d’entité dans le péché, tout cela est

de Dieu867

.

949. — Ainsi donc868

, d’après ce qui précède,

toutes choses sont de lui, c’est-à-dire de Dieu,

comme du premier pouvoir qui opère; toutes

choses sont par lui, en tant qu’il fait toutes

choses par sa sagesse; et toutes choses sont en

lui, comme dans la bonté qui conserve. Or ces

trois attributs, à savoir la puissance, la sagesse

et la bonté, sont communs aux trois

personnes; par conséquent la formule <de

l’Apôtre> : de lui, et par lui, et en lui, peut

être attribuée à chacune des trois personnes869

.

Cependant, la puissance, qui a le caractère de

principe, est appropriée au Père, qui est le

principe de toute divinité; la sagesse au Fils,

qui procède en tant que Verbe, parce qu’il

n’est autre chose que la Sagesse engendrée; la

bonté est appropriée à l’Esprit-Saint, qui

procède en tant qu’amour, dont l’objet est la

bonté. Et c’est pourquoi nous pouvons dire

par appropriation : de lui, c’est-à-dire du Père,

par lui, c’est-à-dire par le Fils, en lui, c’est-à-

dire en l’Esprit-Saint, sont toutes choses.

950. — b. Lorsqu’il dit : à lui l’honneur et la

gloire, <l’Apôtre> montre la dignité de Dieu,

866

SAINT AUGUSTIN, In Ev. Ioan 1, 13 (BA 71, 152-155); Enarr. in Ps. 123, 5, 9 (CCL 40, 1828-

1829). — Lieu parallèle Ad Rom. 8, 28, lect. 6 (éd. Marietti, n° 698). 867 Saint Thomas explicite ce qu’il entend ici par "entité dans le péchés, dans son commentaire des

Sentences de Pierre Lombard (2, dist. 37, Q. 1, a. 2, réponse â l’obj. 3) : "<Le mot> "être" se dit de

deux manières :

Soit qu’il signifie l’essence d’une réalité existant en dehors de l’âme et ainsi le péché en tant que

difformité, qui est une certaine privation, ne peut recevoir le nom d’être : car les privations n’ont pas

d’essence dans la nature des choses. Soit selon qu’il signifie la vérité d’une proposition; et ainsi la

difformité est appelée être, non point parce qu’elle possède l’être en réalité, mais parce que

l’intelligence compose <en unissant ici> la privation avec le sujet, comme une certaine forme. Par

conséquent, de même qu’à partir de l’union de la forme au sujet ou â la matière, il en résulte un certain

être subs tantiel ou accidentel, ainsi l’intelligence signifie-t-elle aussi l’union de la privation avec le

sujet par un certain être. Mais cet être n’est qu’un être de raison, puisque en réalité il est plutôt non-

être; et selon que <le péché en tant que difformité> a l’être dans la raison, il est évident que <son être>

est de Dieu * (Opera omnia, éd. Parme, t. VI, p. 721). 868

Lieux parallèles : Somme Théologique Ia, Q. 39, a. 8; De veritate, Q. 4, a. 8 sol. 3. 869

Voir Glosa in Rom. XI, 36 (GPL, col. 1492 D). — Lieux parallèles : Ad Rom. 2, 5, lect. 1 (éd.

Marietti, n° 187) 16, 27, lect. 2 (éd. Marietti, n° 1228).

qui consiste en deux choses mentionnées

précédemment. Car du fait que de lui, et par

lui, et en lui, sont toutes choses, l’honneur, le

respect et la soumission lui sont dus par toute

la création < Si donc moi <je suis> votre père,

où est mon honneur ?" Mais du fait qu’il ne

reçoit d’autrui ni conseil ni don, la gloire lui

est due, comme en sens contraire il est dit à

l’homme :" Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? Que

si tu l’as reçu, pourquoi t’en glorifies-tu,

comme si tu ne l’avais pas reçu" Et parce que

c’est le propre de Dieu, il est dit dans <le livre

d’>Isaïe : "Je ne donnerai pas ma gloire à un

autre."

951. — c. En dernier lieu870

<l’Apôtre>

expose l’éternité <de Dieu>, lorsqu’il dit :

dans les siècles des siècles, parce que sa

gloire n’est pas transitoire, comme la gloire

de l’homme, dont il est dit : "Toute sa gloire

est comme la fleur du champ ", mais elle dure

dans les siècles des siècles, c’est-à-dire à

travers tous les siècles qui succéderont aux

siècles, selon que par siècle on entend la

durée de chaque chose. On appelle encore

siècles des siècles, les siècles, c’est-à-dire la

durée des choses incorruptibles, qui contient

les siècles des choses corruptibles, et

principalement l’éternité proprement dite de

Dieu qui, bien qu’elle soit une et simple, peut

cependant s’exprimer au pluriel, à cause de la

multitude et de la diversité des siècles qu’elle

contient, de sorte que le sens est dans les

siècles qui contiennent des siècles "Ton règne

est un règne de tous les siècles."

952. — <L’Apôtre> ajoute comme

confirmation871

: Amen, autrement dit : En

vérité, il en est ainsi. C’est dans ce sens que

ce mot est pris dans les évangiles, où il est dit

Amen, je vous le dis. Quelquefois cependant

cette expression est prise pour Fiat, qu’il en

soit ainsi. D’où il est dit dans le psautier de

Jérôme : "Tout le peuple dira : Amen,

amen872

", là où nous, nous lisons : < Fiat, flat,

qu’il en soit ainsi, qu’il en soit ainsi Ps 105, 48

(selon la Vulgate)."

870

Lieux parallèles Somme Théologique 1a Q. 10, a. 1; 1 Sentences dist. 8, Q. 2, a. 1; dist. 19, Q. 2, a.

1; De poSentences Q. 3, a. 14 et 20; Super librum De causis, lect. 2. 871

Lieu parallèle Super Is. 25, 1. 872

Ps 106, 48. Selon le Psautier iuxta Hebraeos, voir éd. Dom Henri de Sainte-Marie, Rome, 1954

("Collectanea Biblica latina", XI) p. 156 et dicet omnis populus amen Alleluia." Ou : "Amen, amen."

Caput 12 CHAPITRE 12

Lectio 1 Leçon 1 [Versets 1 à 3]

[n° 954] 1 Je vous demande donc avec

obsécration, frères, par la miséricorde de

Dieu, d’offrir vos corps en hostie vivante,

sainte, agréable à Dieu; ce sera votre culte

raisonnable.

[n° 965] 2 Et ne vous conformez point à ce

siècle, mais réformez-vous par le

renouvellement de votre esprit, afin que vous

éprouviez quelle est la volonté de Dieu <qui

est> bonne, agréable et parfaite.

[n° 968] Car je dis, en vertu de la grâce qui

m’a été donnée, à tous ceux qui sont parmi

vous, de ne pas s’exalter en pensée plus qu’il

ne convient, mais de penser avec sobriété,

selon la mesure de la foi que Dieu a départie à

chacun.

[86219] Super Rom., cap. 12 l. 1 Postquam

apostolus ostendit necessitatem virtutum et

originem gratiae, hic docet gratiae usum,

quod pertinet ad instructionem moralem. Et

circa hoc duo facit. Primo ponit doctrinam

moralem in generali; secundo specialiter

descendit ad quaedam particularia

pertinentia ad eos quibus scribit, circa

medium XV cap., ibi certus sum autem, et

cetera. Circa primum duo facit. Primo docet

usum gratiae, quantum ad hoc quod sit

homo perfectus; secundo quantum ad hoc

quod perfectus imperfectum sustineat, XIV

cap., ibi infirmum autem, et cetera. Circa

primum tria facit. Primo inducit ad

perfectionem vitae quantum ad sanctitatem

quam homo servat Deo; secundo quantum

ad iustitiam quam quis exhibet proximo,

XIII cap., ibi omnis anima, etc.; tertio

quantum ad puritatem quam homo conservat

in seipso, circa finem XIII capituli, ibi et

hoc scientes, et cetera. Circa primum duo

facit. Primo monet ut homo se exhibeat Deo

sanctum; secundo docet qualiter aliquis uti

debeat donis gratiae Dei, quibus

953. — Après avoir montré la nécessité des

vertus et l’origine de la grâce [n° 97],

l’Apôtre donne ici un enseignement sur

l’usage de la grâce, ce qui relève de

l’instruction morale. A cet effet :

— Il expose d’abord la doctrine morale en

général.

— Puis, il se penche spécialement sur

quelques détails qui concernent ceux à qui il

écrit, et cela vers le milieu du chapitre 15 [n°

1163] : 14 "Je suis bien persuadé, mes frères,

moi-même, etc."

Sur le premier de ces points :

Il commence par donner un enseignement sur

l’usage de la grâce, en tant que l’homme

<doit> devenir parfait.

Puis, en tant que devenu parfait, il <doit>

supporter celui qui est imparfait, au chapitre

14, [n° 1081] : 1 "Accueillez celui qui est

faible dans la foi, etc."

Sur la perfection :

* <L’Apôtre> exhorte d’abord à la vie

parfaite quant à la sainteté que l’homme

<doit> conserver pour Dieu.

* Puis, quant à la justice que l’on <doit>

sanctificatur, ibi dico enim per gratiam, et

cetera. Circa primum duo facit. Primo docet

qualiter aliquis se debeat exhibere Deo

quantum ad corpus; secundo quantum ad

animam, ibi et nolite conformari, et cetera.

Circa primum duo facit. Primo inducit

observantiam eorum quae docentur : et hoc

dupliciter. Uno quidem modo ex parte sui

ipsius, cum dicit obsecro itaque vos, fratres,

quasi dicat : dictum est incomprehensibilia

esse iudicia Dei, et investigabiles vias eius,

itaque obsecro vos, fratres, ut scilicet

observetis ea quae dicentur. Utitur autem

obsecratione propter tria. Primo quidem ad

demonstrandum suam humilitatem. Prov.

XVIII, 23. — cum obsecrationibus loquitur

pauper, qui scilicet de sua abundantia non

confidit, et ideo non ex eo quod suum est,

sed ex eo quod Dei est, homines conatur

inducere ad bonum. Nam obsecrare est ob

sacra contestari. Secundo ut magis ex amore

moveat rogando, quam ex timore,

auctoritative imperando. Unde dicitur ad

Philem. 8 s. : multam fiduciam habens in

Christo Iesu imperandi tibi quod ad rem

pertinet, propter charitatem magis obsecro.

Gal. ult. : vos qui spirituales estis,

huiusmodi instruite in spiritu lenitatis.

Tertio propter reverentiam Romanorum

quibus scribebat. I Tim. V, 1. — seniorem

ne increpaveris, sed obsecra ut patrem. Alio

modo inducit eos ex parte Dei, cum dicit per

misericordiam Dei, per quam scilicet salvati

estis. Tit. II, 5. — secundum misericordiam

suam salvos nos fecit. Et ideo ex

consideratione divinae misericordiae

debemus facere quod monemur. Matth. c.

XVIII, 33. — nonne oportuit et te misereri

conservi tui, sicut et ego tui misertus sum ?

Vel potest dici per misericordiam Dei, id est

auctoritate apostolatus mihi misericorditer

commissi. 1 Co VII, 25. — misericordiam

consecutus sum a domino, ut sim fidelis.

montrer à l’égard du prochain, au chapitre 13

[n° 1016] :873

"Que toute âme soit soumise,

etc."

* Enfin, quant à la pureté que l’homme

<doit> conserver en lui-même, au chapitre 13

[n° 1060] : "D’autant plus que nous savons,

etc."

<Sur l’exhortation à la vie parfaite quant à la

sainteté, l’Apôtre>

I) Engage premièrement l’homme à s’offrir à

Dieu dans la sainteté.

II) Ensuite, il enseigne comment on doit

utiliser les dons de la grâce de Dieu, par

lesquels on est sanctifié [n° 968] : Car je dis,

en vertu de la grâce, etc.

I. Sur le premier point :

A) Il enseigne comment chacun doit s’offrir â

Dieu quant au corps.

B) Ensuite, quant à l’âme [n° 965] : 2 Et ne

vous conformez point, etc.

954. — A. Quant à l’offrande du corps, il fait

deux choses [n° 957]

1. Il commence par exhorter à l’observance

<des règles> qui sont enseignées, et cela de

deux manières [n° 956] :

a. De son propre côté, lorsqu’il dit : 1 Je vous

demande donc avec obsécration, frères,

autrement dit : il a été établi que les

jugements de Dieu sont incompréhensibles et

ses voies insondables, je vous demande donc

avec obsécration, frères, d’observer ce que je

vais vous dire.

2 — Or, <l’Apôtre> se sert de l’obsécration

pour trois raisons874

:

— En premier lieu, pour indiquer son

humilité : "C’est avec des obsécrations que

parlera le pauvre ", lui qui ne se confie pas

dans son abondance, et c’est pourquoi il

s’efforce de porter les hommes au bien non

point par son propre <témoignage>, mais par

celui de Dieu. Car user de l’obsécration, c’est

faire appel au témoignage des choses sacrées.

— En deuxième lieu, pour qu’il touche par

873

Voir GRATIEN, Décrets, III partie, dist. V, can. XXIV, col. 1418. 874 Lieux parallèles : Somme Théologique 2 Q. 83, a. 17, sol. 1; Q. 90, a. 1

4 Sentences dist. 15, Q. 4, a. 3; Ad Rom. 1, 10, lect. 5 (éd. Manetti, n° 86); 1 Ad Tim. 2, 1, lect. 1 (éd.

Marietti, n° 56); Ad Philip. 4, 6, lect. 1 (éd. Marietti, n° 157).

Secundo ponit admonitionem, cum dicit ut

exhibeatis corpora vestra, et cetera. Circa

quod sciendum est quod, sicut Augustinus

dicit X de Civit. Dei, visibile sacrificium,

quod exterius Deo offertur, signum est

invisibilis sacrificii, quo quis se et sua in

Dei obsequium exhibet. Habet autem homo

triplex bonum. Primo quidem bonum

animae, quod exhibet Deo per devotionis et

contritionis humilitatem, secundum illud Ps.

l, 19. — sacrificium Deo spiritus

contribulatus. Secundo habet homo

exteriora bona, quae exhibet Deo per

eleemosynarum largitionem. Unde dicitur

Hebr. ult. : beneficentiae et communionis

nolite oblivisci, talibus enim hostiis

promeretur Deus. Tertio habet homo bonum

proprii corporis : et quantum ad hoc dicit,

ibi ut exhibeatis, scilicet Deo, corpora

vestra, sicut quamdam spiritualem hostiam.

Dicebatur autem animal Deo immolatum

hostia, vel quia pro victoria hostium

offerebatur, seu pro securitate ab hostibus,

vel quia ad ostium tabernaculi immolabatur.

Exhibet autem homo Deo corpus suum ut

hostiam tripliciter. Uno quidem modo,

quando aliquis corpus suum exponit

passioni et morti propter Deum, sicut dicitur

de Christo Eph. V, 2. — tradidit

semetipsum oblationem et hostiam Deo. Et

apostolus dicit de se Phil. II, 17. — si

immolor supra sacrificium et obsequium

fidei vestrae, gaudeo. Secundo per hoc quod

homo corpus suum ieiuniis et vigiliis

macerat ad serviendum Deo, secundum illud

1 Co IX, 27. — castigo corpus meum, et in

servitutem redigo. Tertio per hoc quod

homo corpus suum exhibet ad opera

iustitiae et divini cultus exequenda. Supra

VI, 19. — exhibete membra vestra servire

iustitiae in sanctificationem. Est autem

l’affection en priant, plutôt que par la crainte

en commandant de manière autoritaire. Aussi

<l’Apôtre> dit-il à Philémon "Bien qu’ayant

dans le Christ Jésus une entière liberté de

t’ordonner ce qui convient, cependant je

préfère demander avec obsécration par

charité." Et aux Galates : "Vous qui êtes

spirituels, instruisez-le en esprit de douceur."

— En troisième lieu, par respect envers les

Romains auxquels il écrivait : "Ne réprimande

pas un vieillard, mais demande-lui avec

obsécration comme <à ton> père "

956. — b. Puis, <l’Apôtre> les exhorte du

côté de Dieu, lorsqu’il dit : par la miséricorde

de Dieu, c’est-à-dire par laquelle vous êtes

sauvés : "Ce n’est point par les œuvres de

justice que nous avons faites qu’il nous a

sauvés, mais selon sa miséricorde." Et c’est

pourquoi, en considérant la miséricorde

divine, nous devons accomplir l’exhortation

qu’on nous donne : "Ne fallait-il pas que toi

aussi tu aies pitié de ton compagnon comme

moi j’ai eu pitié de toi." Ou bien <ces mots> :

par la miséricorde de Dieu, peuvent se

comprendre comme suit : par l’autorité de

l’apostolat qui m’a été miséricordieusement

confié875

— "Ayant obtenu de la miséricorde

du Seigneur d’être fidèle."

957. — 2. Puis, <l’Apôtre> expose son

avertissement, lorsqu’il dit : d’offrir vos

corps, etc. A ce propos, il faut savoir que,

comme le dit Augustin876

, "le sacrifice

visible", que l’on offre extérieurement à Dieu,

"est le signe du sacrifice invisible877

", par

lequel on s’offre soi-même et ce que l’on

possède pour honorer Dieu.

958. — 878

Or l’homme a trois sortes de biens :

a. D’abord le bien de l’âme, qu’il offre à Dieu

par l’humilité de la dévotion et de la

contrition, selon ce verset du psalmiste : "Le

sacrifice <digne> de Dieu, c’est un esprit

875

Voir Glosa in Rom. 12, 1 (GPL, coI. 1496 B). 876

Lieux parallèles : Somme Théologique 2 Q. 81, a. 1 et 7; Q. 84, a. 2; 3 Sentences dist. 9, Q. 1, a. 3,

q 3; dist. 33, Q. 3, a. 4, q 1, sol. 2; Contra impugn. Dei cuit, et relig. 1; Super Bœt. de Ton., Q. 3, a. 2;

3 Contra Gentiles ç. 119. 877

SAiNT AUGUSTIN, La Gitè de Dieux, V (BA 34, 440-441). 878

Lieux parallèles : Somme Théologique Ia-2 Q. 84, a. 4; 2 Q. 73, a. 3; Q. 85, a. 3, sol. 2; Q. 104, a.

3; Q. 118, a. 5; Q. 152, a. 2 et 4; Q. 186, a. 7; 3 Sentences dist. 9, Q. 1, a. 3, q 3; 4 Sentences dist. 15,

Q. 1, a. 4, q 3; De maie, Q. 3, a. 1; De virtut., Q. 3, a. 1; De quodlibet 5, Q. 3, a. 2; Ethic. 1, lect. 12

[1098 b 12].

considerandum, quod hostia quae Deo

immolabatur, quatuor habebat. Primo

namque ipsa oblatio debebat esse integra et

incorrupta. Unde dicitur Mal. I, v. 14. —

maledictus dolosus, qui habet in grege suo

masculum, et votum faciens immolat debile

domino. Et propter hoc dicit viventem, ut

scilicet hostia nostri corporis quam Deo

offerimus, sit vivens per fidem formatam

charitate. Gal. II, 20. — quod nunc vivo in

carne, in fide vivo filii Dei. Est autem

attendendum quod naturalis hostia quae

prius viva erat, occidebatur, ut immolaretur,

ad ostendendum quod adhuc mors regnabat

in homine regnante peccato, ut supra V, 12

ss. dictum est. Sed haec hostia spiritualis

semper vivit et in vita proficit, secundum

illud Io. X, 10. — ego veni ut vitam

habeant, et abundantius habeant, quia iam

peccatum ablatum est per Christum : nisi

dicamus quod hostia corporis nostri vivit

quidem Deo per iustitiam fidei, sed

mortificatur concupiscentiis carnis. Col. III,

5. — mortificate membra vestra quae sunt

super terram. Secundo vero hostia Deo

oblata in ipsa immolatione sanctificabatur.

Unde dicitur Lev. XXII, 3. — omnis homo

qui accesserit de stirpe vestra ad ea quae

consecrata sunt, et quae obtulerunt filii

Israel domino, in quo est immunditia,

peribit coram domino. Et ideo subdit

sanctam, scilicet per devotionem, qua

corpus nostrum Dei servitio mancipatur.

Lev. XX, 7. — sanctificamini et estote

sancti, quia ego sanctus dominus Deus

vester. Proprie autem sanctitas dicitur per

respectum ad Deum, inquantum scilicet

homo servat ea quae sunt iusta, quoad

Deum. Tertio quantum ad ipsam sacrificii

consumptionem dicebatur sacrificium suave

et acceptum domino, secundum illud Lev. I,

v. 9. — oblata omnia adolebit sacerdos

super altare in holocaustum, et in odorem

suavissimum domino. Unde hic dicit Deo

placentem, scilicet per rectitudinem

intentionis. Ps. LV, 13. — ut placeam

brisé"

b. Ensuite879

l’homme a les biens extérieurs,

qu’il offre à Dieu par la largesse des aumônes.

D’où ces paroles de l’épître aux Hébreux :

"N’oubliez pas la charité et la communication

de vos biens; car c’est par de telles offrandes

qu’on se concilie Dieu."

c. Enfin l’homme a le bien de son propre

corps; et à ce propos <l’Apôtre> dit : d’offrir,

à savoir à Dieu, vos corps, comme une hostie

spirituelle. Or l’animal immolé à Dieu était

appelé hostie, soit parce qu’il était offert pour

la victoire sur les ennemis, soit pour la

sécurité contre eux, soit parce qu’il était

immolé à la porte du tabernacle du

témoignage.

959. — Or l’homme offre son corps à Dieu

comme une hostie de trois manières :

Premièrement, quand il expose son corps à la

souffrance et à la mort pour Dieu, comme on

le dit du Christ : "Il s’est livré lui-même pour

nous en oblation à Dieu, et en hostie de suave

odeur." Et l’Apôtre dit de lui-même : "Si je

suis immolé sur le sacrifice et l’oblation de

votre foi, je m’en réjouis."

— Deuxièmement, quand l’homme macère

son corps par des jeûnes et des veilles pour

servir Dieu, selon cette parole de <l’Apôtre

dans> la première épître aux Corinthiens : "Je

châtie mon corps et le réduis en servitude."

— Troisièmement, quand l’homme offre son

corps aux œuvres de la justice et au culte

divin : "Offrez vos membres à l’esclavage de

la justice pour la sanctification."

960. — En outre, il faut considérer le fait que

l’hostie qu’on immolait à Dieu réunissait

quatre conditions :

D’abord l’oblation elle-même devait être

entière et sans corruption. D’où ces paroles de

Malachie : "Maudit le fourbe qui a dans son

troupeau un mâle et qui, faisant un vœu,

immole un animal débile au Seigneur." Et

<l’Apôtre> dit880

: vivante, c’est-à-dire afin

que l’hostie de notre corps, offerte à Dieu,

soit vivante par la foi formée par la charité :

"Si je vis maintenant dans la chair, j’y vis en

879

Ps 50, 19. — Lieu parallèle : Super Psalmos, in Ps. 50, 19. 880

Lieux parallèles Somme Théologique 2a-2 Q. 4, a. 3; Q. 23, a. 8; 3 Sentences dist. 23, Q. 3, a. 1; De

virtut., Q. 14, a. 5; De virtut., Q. 2, a. 3; Ad Rom. 1, 17, lect. 6 (éd. Marietti, n° 108); 3, 22, lect. 3 (éd.

Marietti, n° 302); 10, 8, lect. 1 (éd. Marietti, n° 829); 10, 11, lect. 2 (éd. Marietti, n° 833).

coram Deo in lumine viventium. Quarto in

ipsa sacrificii praeparatione apponebatur sal.

Unde Lev. II, 13. — quicquid obtuleris

sacrificii, sale condies. Et Mc. IX, 48 dicitur

: omnis victima sale salietur. Sal autem

discretionem sapientiae significat. Unde

dicitur Col. ult. : in sapientia ambulate ad

eos qui foris sunt, sermo vester semper in

gratia sit sale conditus. Unde et hic sequitur

rationabile obsequium vestrum, scilicet cum

discretione corpora vestra Deo exhibeatis

hostiam, vel per martyrium vel per

abstinentiam vel per quodcumque opus

iustitiae. 1 Co XIV, 40. — omnia honeste et

secundum ordinem fiant in vobis. Et in Ps.

XCVIII, 4. — honor regis iudicium diligit.

Aliter se habet homo iustus ad interiores

actus, quibus Deo obsequitur, et ad

exteriores. Nam bonum hominis et iustitia

eius principaliter in interioribus actibus

consistit, quibus scilicet homo credit, sperat

et diligit. Unde dicitur Lc. XVII, 21. —

regnum Dei intra vos est. Non autem

principaliter consistit in exterioribus actibus.

Infra XIV, v. 17. — non est regnum Dei

esca et potus. Unde interiores actus se

habent per modum finis, qui secundum se

quaeritur : exteriores vero actus per quos

Deo corpora exhibentur, se habent sicut ea

quae sunt ad finem. In eo autem quod

quaeritur tamquam finis nulla mensura

adhibetur, sed quanto maius fuerit, tanto

melius se habet. In eo autem quod quaeritur

propter finem, adhibetur mensura secundum

proportionem ad finem, sicut medicus

sanitatem facit tantum quantum potest,

medicinam autem non tantum dat quantum

potest, sed quantum videt expedire ad

sanitatem consequendam. Et similiter homo

in fide, et spe, et in charitate nullam

mensuram debet adhibere, sed quanto plus

credit, sperat, et diligit, tanto melius est;

propter quod dicitur Deut. IV, 5. — diliges

dominum Deum tuum, et cetera. Sed in

exterioribus actibus est adhibenda

discretionis mensura per comparationem ad

charitatem. Unde dicit Hieronymus : nonne

rationalis homo dignitatem amittit, qui

la foi du Fils de Dieu, qui m’a aimé et s’est

lui-même livré pour moi." Or il faut

remarquer que l’hostie naturelle, auparavant

vivante, était mise à mort pour montrer au

moyen de son immolation que la mort régnait

encore dans l’homme tant que régnait le

péché, comme on l’a dit plus haut. Mais cette

hostie spirituelle vit toujours et progresse en

vivant, selon ce passage de Jean : "Moi je suis

venu pour qu’elles aient la vie, et qu’elles

l’aient plus abondamment ", parce que le

péché a déjà été supprimé par le Christ; à

moins que nous disions que l’hostie de notre

corps vit assurément pour Dieu par la justice

de la foi, mais qu’elle est mortifiée par les

concupiscences de la chair : "Mortifiez vos

membres qui sont sur la terre "

961. — Ensuite l’hostie offerte à Dieu était

sanctifiée dans l’immolation elle-même. D’où

il est dit : "Tout homme de votre race, qui

s’approchera en état d’impureté des choses

qui auront été consacrées et que les enfants

d’Israël auront offertes au Seigneur, périra

devant le Seigneur’"Voilà pourquoi

<l’Apôtre> ajoute : sainte, à savoir par la

dévotion, par laquelle notre corps est consacré

au service de Dieu : "Sanctifiez-vous et soyez

saints, parce que c’est moi qui suis le

Seigneur votre Dieu " Or, à proprement

parler, la sainteté par rapport à Dieu consiste

en ce que l’homme conserve ce qui est juste à

l’égard de Dieu.

962. — Puis, quant à la destruction même du

sacrifice, l’hostie était appelée un sacrifice de

suavité et agréable au Seigneur, selon ce

passage du Lévitique : "Tout ce qui aura été

offert le prêtre le brûlera sur l’autel en

holocauste et en très suave odeur pour le

Seigneur." D’où ce que <l’Apôtre> dit ici :

agréable à Dieu, à savoir par la rectitude de

l’intention : "Afin que je me rende agréable

devant Dieu, dans la lumière des vivants."

963. — Enfin, dans la préparation même du

sacrifice on y ajoutait du sel. Ainsi <lit-on>

dans le Lévitique : "Tout ce que tu offriras en

sacrifice, tu l’assaisonne ras de sel." Et il est

dit dans <l’évangile de> Marc : "Toute

ieiunium vel vigilias praefert sensu

integritati, ut propter Psalmorum atque

officiorum decantationem, amentiae vel

tristitiae quis notam incurrat ? Deinde cum

dicit et nolite conformari, etc., ostendit

qualiter se debeat homo exhibere Deo

quantum ad animam. Et primo prohibet

saeculi conformitatem, cum dicit et nolite

conformari huic saeculo, id est, rebus quae

temporaliter transeunt. Nam saeculum

praesens est quaedam mensura eorum quae

temporaliter labuntur. Rebus autem

temporalibus homo conformatur per

affectum, eis amore inhaerendo. Os. IX, v.

10. — facti sunt abominabiles, sicut ea quae

dilexerunt. Iac. I, 27. — religio munda et

immaculata apud Deum et patrem haec est,

immaculatum se custodire ab hoc saeculo.

Conformatur etiam huic saeculo qui vitam

saeculariter viventium imitatur. Eph. IV, 17.

— testificor in domino, ut iam non amplius

ambuletis, sicut et gentes ambulant.

Secundo mandat interiorem mentis

reformationem, cum dicit sed reformamini

in novitate sensus vestri. Sensus autem

hominis hic dicitur ratio, secundum quod

per eam homo iudicat de agendis. Hunc

autem sensum homo in sua creatione habuit

integrum et vigentem, unde dicitur Eccli.

XVII, 6. — sensus implevit corda illorum,

et bona, et mala ostendit illis. Sed per

peccatum hic sensus est corruptus, et quasi

inveteratus, Bar. III, 11. — inveterasti in

terra aliena, et per consequens

pulchritudinem et decorem suum amisit.

Thren. I, 6. — egressus est a filia Sion

omnis decor eius. Monet ergo apostolus ut

reformemur, id est, iterato formam et

decorem mentis assumamus, quem nostra

mens habuit, quod quidem fit per gratiam

spiritus sancti, ad quam participando homo

studium habere debet, ita scilicet ut qui eam

nondum perceperunt, eam percipiant, et qui

victime sera salée avec le sel." Or le sel

signifie la discrétion de la sagesse881

. D’où

<ces paroles de l’Apôtre dans son épître> aux

Colossiens : "Conduisez-vous avec sagesse

envers ceux du dehors, en rachetant le temps.

Que votre parole soit accompagnée de grâce

et assaisonnée de sel, " Aussi ajoute-t-il ici ce

sera votre culte raisonnable, c’est-à-dire

offrez à Dieu avec discrétion vos corps

comme une hostie, soit par le martyre, soit par

l’abstinence, soit par quelque autre œuvre de

justice : "Que tout se fasse chez vous

honnêtement et avec ordre882

." Et encore :

"L’honneur du roi est d’aimer le jugement."

964. — Autre est le comportement de

l’homme juste dans ses actes intérieurs par

lesquels il honore Dieu, et autre son

comportement dans ses actes extérieurs883

.

Car le bien de l’homme et sa justice

consistent principalement dans les actes

intérieurs, à savoir ceux par lesquels l’homme

croit, espère et aime. D’où ces paroles de Luc

: "Le Royaume de Dieu est au-dedans de

vous." Mais ils ne consistent pas

principalement dans les actes extérieurs : "Le

Règne de Dieu n’est pas nourriture et

boisson." Les actes intérieurs revêtent donc le

caractère de fin, qu’on recherche pour elle-

même; tandis que les actes extérieurs, pour

lesquels les corps sont offerts à Dieu, ont pour

ainsi dire le caractère de moyens qui sont

ordonnés à la fin. Or dans ce qu’on recherche

comme fin on ne met aucune mesure, mais

plus la chose est grande, meilleure elle est. En

revanche, dans ce qui est recherché en vue de

la fin, on admet une mesure proportionnée à

cette fin. Par exemple, un médecin procure la

santé autant qu’il le peut, et administre un

traitement non pas seulement autant qu’il le

peut, mais dans la mesure où il le juge

expédient pour obtenir la santé.

Semblablement l’homme ne doit mettre

aucune mesure dans la foi, l’espérance et la

881

Lieux parallèles 4 Sentences dist. 6, Q. 2, a. 1, Q. 3, sol. 3 ad tertium; Somme Théologique 1a-2ae,

Q. 102, a. 3, sol. 14; Super Psalmos, in Ps. 10, 5b. 882

1 Corinthiens 14, 40. L’addition des mots in vobis (chez VOUS) figure dans la Biblia latina, éd.

Adolph Rusch, vol. IV, p. 332a; voir aussi DOM SABATIER, Bibl. sacr., t. III (Notae ad versionem

antiquam), p. 712. 883

Lieux parallèles Somme Théologique 1 Q. 64, a. 4; 2a-2 Q. 17, a. 5, sol. 2; Q. 27, a. 6; Q. 81, a. 7;

3Sentences dist. 33, Q. 1, a. 3, q. 4; De virtut., Q. 1, a. 1; De caritate, Q. 2, a. 9.

illam perceperunt, in ea proficiant. Eph. IV,

23. — renovamini spiritu mentis vestrae. Ps.

CII, 5. — renovabitur ut aquilae iuventus

tua. Vel aliter renovamini, scilicet in

exterioribus actibus, in novitate sensus

vestri, id est secundum novitatem gratiae,

quam mente percepistis. Tertio assignat

rationem admonitionis praedictae, cum dicit

ut probetis quae sit voluntas. Circa quod

considerandum est, quod, sicut homo qui

habet gustum infectum, non habet rectum

iudicium de saporibus sed ea quae sunt

suavia interdum abominatur, ea vero quae

sunt abominabilia appetit, qui autem habet

gustum sanum, rectum iudicium de

saporibus habet; ita homo qui habet

corruptum affectum quasi conformatum

rebus saecularibus, non habet rectum

iudicium de bono; sed ille qui habet rectum

et sanum affectum, sensu eius innovato per

gratiam, rectum iudicium habet de bono.

Ideo ergo dixit : nolite conformari huic

saeculo, sed renovamini in novitate sensus

vestri, ut probetis, id est, experimento

cognoscatis. —Ps. XXXIII, 9. — gustate et

videte, quoniam suavis est dominus—, quae

sit voluntas Dei, qua scilicet vult vos esse

salvos. —I Thess. IV, 3. — haec est

voluntas Dei, sanctificatio vestra—, bona,

id est, vult bonum honestum nos velle, et ad

hoc suis praeceptis nos inducit. —Mich. VI,

8. — indicabo tibi, o homo, quid sit bonum,

et quid Deus requirat a te—, et

beneplacens, inquantum scilicet bene

disposito est delectabile id, quod Deus vult

nos velle. Ps. XVIII, v. 9. — iustitiae

domini rectae laetificantes corda. Et non

tantum utilis ad finem consequendum, sed

etiam perfecta, quasi coniungens nos fini.

Matth. V, 48. — estote perfecti, sicut et

pater vester caelestis perfectus est. Gen.

XVII, 1. — ambula coram me, et esto

perfectus. Talem ergo experiuntur Dei

voluntatem illi, qui non conformantur huic

saeculo, sed reformantur in novitate sensus

sui. Illi autem qui in vetustate permanent,

saeculo conformati, iudicant Dei voluntatem

non esse bonam, sed gravem et inutilem.

Eccli. VI, 21. — quam aspera est sapientia

indoctis hominibus. Deinde, cum dicit dico

charité; il est d’autant plus parfait qu’il croit,

espère et aime davantage. C’est pour cette

raison qu’il est écrit : "Tu aimeras le Seigneur

ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et

de toute ta force." Mais dans les actes

extérieurs il y a une mesure de discrétion à

observer proportionnellement à la charité. Ce

qui fait dire à Jérôme : "L’homme raisonnable

ne perd-il pas sa dignité lorsque, préférant le

jeûne ou les veilles à l’intégrité de ses

facultés, il se laisse infliger le nom d’homme

triste ou insensé, parce qu’il se livre au chant

des psaumes et des offices ?

965. — B. Lorsqu’il dit : 2 Et ne vous

conformez point, etc., <l’Apôtre> montre

comment l’homme doit s’offrir à Dieu quant à

l’âme.

1. Et il défend en premier lieu de se

conformer au siècle, lorsqu’il dit : Et ne vous

conformez point à ce siècle, c’est-à-dire aux

choses qui passent avec le temps. Car le siècle

présent est comme la mesure des choses qui

s’écoulent avec le temps. Or l’homme se

conforme aux choses temporelles par

l’affection, en s’y attachant avec amour : "Ils

sont devenus abominables comme les choses

qu’ils ont aimées."

— "La religion pure et sans tache devant Dieu

le Père, la voici : Visiter les orphelins et les

veuves dans leurs tribulations, et se garder

sans tache à l’écart de ce siècle." On se

conforme aussi à ce siècle en imitant la

conduite de ceux qui vivent à la manière du

siècle : "Je vous dis donc, et je vous adjure

dans le Seigneur de ne plus marcher comme

les Gentils, qui marchent dans la vanité de

leurs pensées."

966. — 2. En deuxième lieu, <l’Apôtre>

commande la réforme intérieure du jugement,

lorsqu’il dit : mais réformez-vous par le

renouvellement de votre esprit. L’esprit de

l’homme est pris ici pour la raison, en tant

que par elle l’homme juge de ce qu’il doit

accomplir. Or l’homme a reçu dans sa

création un esprit intègre et vigoureux; d’où

ces paroles de l’Ecclésiastique : "<Dieu> a

rempli leur cœur de sens et il leur a montré les

biens et les maux."

Mais par le péché cet esprit s’est corrompu et

a semblé vieillir : "Tu as vieilli dans une terre

enim per gratiam, etc., docet qualiter donis

Dei homo debeat uti. Et primo docet hoc

quantum ad dona quae non sunt omnibus

communia, sicut sunt gratiae gratis datae;

secundo, quantum ad donum charitatis,

quod est omnibus commune, ibi dilectio

sine simulatione, et cetera. Circa primum

duo facit. Primo docet in generali, quomodo

debeat homo uti gratiis gratis datis; secundo

exequitur hoc per partes ibi habentes autem

donationes. Circa primum duo facit. Primo

proponit documentum; secundo rationem

assignat, ibi sicut enim in uno corpore, et

cetera. Circa primum tria facit. Primo

excludit superfluum, dicens : monui quod

reformemini in novitate sensus vestri, quod

quidem moderate facere debetis, dico enim,

id est, mando, per gratiam, apostolatus et

auctoritate apostolica, quae data est mihi.

Gal. II, 9. — cum cognovissent gratiam

quae data est mihi inter gentes. Eph. III, 8.

— mihi omnium sanctorum minimo data est

gratia haec, etc., omnibus qui sunt inter vos,

quia omnibus est hoc utile. 1 Co c. VII, 7.

— volo omnes homines esse sicut meipsum.

Hoc, inquam, mando, non plus sapere,

quam oportet sapere, id est, nullus

praesumat, de sensu aut sapientia sua

confidens supra suam mensuram. Eccle.

VII, 17. — non plus sapias quam necesse

est. Ps. CXXX, 1. — neque ambulavi in

magnis, neque in mirabilibus super me.

Secundo hortatur ad id quod est medium

dicens sed sapere ad sobrietatem, scilicet

mando vobis ut mensurate sapiatis

secundum gratiam vobis datam. Sobrietas

enim mensuram importat. Et quamvis

proprie dicatur circa potum vini, potest

tamen accipi circa quamlibet materiam, in

qua homo debitam mensuram observat. Tit.

II, v. 12. — sobrie et iuste et pie vivamus in

hoc saeculo. Tertio docet secundum quid

accipienda sit mensuram medii, dicens et

hoc, inquam, sicut Deus unicuique divisit, id

est distribuit, mensuram fidei, id est

mensuram donorum suorum, quae ordinatur

ad fidei aedificationem. 1 Co XII, 7. —

unicuique datur manifestatio spiritus ad

étrangère "; et par conséquent il a perdu sa

noblesse et sa beauté : "Toute la beauté de la

fille de Sion s’est retirée d’elle." L’Apôtre

nous avertit donc de nous réformer, c’est-à-

dire de reprendre de nouveau la forme et la

beauté que notre âme avait <autrefois>; ce qui

se fait par la grâce de l’Esprit-Saint, à laquelle

l’homme doit se prêter avec ardeur par sa

participation, c’est-à-dire de telle sorte que

ceux qui ne l’ont pas encore reçue la reçoive,

et que ceux qui l’ont reçue en profitent :

"Renouvelez-vous par l’esprit de votre

esprit." — "Ta jeunesse sera renouvelée

comme celle de l’aigle." Ou autrement

réformez-vous, à savoir dans les actes

extérieurs, par le renouvellement de votre

esprit, c’est-à-dire selon la grâce nouvelle que

vous avez reçue dans votre âme.

967. — 3. Enfin, <l’Apôtre> donne la raison

de l’avertissement dont on vient de parler,

lorsqu’il dit : afin que vous éprouviez quelle

est la volonté, etc. Sur ce point il faut faire la

remarque <suivante> : De même que

l’homme qui a un goût corrompu ne peut

juger correctement les saveurs et se prend

parfois à détester ce qui est suave, ou à

l’opposé recherche ce qui est détestable,

tandis que celui qui a un goût sain juge

correctement les saveurs; ainsi l’homme dont

l’affection est corrompue par une sorte de

conformité avec les choses du siècle ne porte

pas un jugement correct sur le bien, tandis que

celui qui a l’affection droite et saine, son

esprit étant renouvelé par la grâce, porte un

jugement correct sur le bien. Voilà pourquoi

<l’Apôtre> a dit : ne vous conformez point à

ce siècle, mais réformez-vous par le

renouvellement de votre esprit, afin que vous

éprouviez, c’est-à-dire que vous reconnaissiez

par l’expérience884

."

— "Goûtez et voyez combien le Seigneur est

doux." — quelle est la volonté de Dieu, c’est-

à-dire celle par laquelle il veut que vous soyez

sauvés — "La volonté de Dieu, c’est votre

sanctification." — <qui est> bonne, c’est-à-

dire <qui> veut que nous voulions nous-

mêmes le bien honorable, et nous y exhorte

884

Voir Glosa in Rom. XII, 2 (GPL, col. 1497 B).

utilitatem. Dat enim Deus huiusmodi dona,

non eadem omnibus, sed diversa diversis

distribuit, secundum illud 1 Co XII, 4. —

divisiones gratiarum sunt. Nec omnibus

aequaliter dat sed unicuique secundum

certam mensuram. Eph. IV, 7. — unicuique

nostrum data est gratia secundum

mensuram donationis Christi. Et ideo

apostolus sobrie sapiens secundum hanc

mensuram dicebat 2 Co X, 13. — non

autem in immensum gloriamur, sed

secundum mensuram regulae, qua mensus

est nobis Deus. Soli autem Christo datus est

spiritus non ad mensuram, ut dicitur Io. III,

34. Non solum autem alias gratias gratis

datas dat Deus mensurate sed etiam ipsam

fidem quae per dilectionem operatur. Unde

Lc. XVII, v. 5 discipuli Christo dixerunt :

domine, adauge nobis fidem.

par ses préceptes — "Je t’indiquerai, ô

homme, ce qui est bon et ce que le Seigneur

requiert de toi." —, agréable, en tant que pour

l’homme bien disposé il est agréable de

vouloir ce que Dieu veut : "Les justices du

Seigneur sont droites, elles réjouissent les

cœurs." Et non seulement <la volonté de

Dieu> est utile pour atteindre notre fin, mais

elle est aussi parfaite, nous unissant pour ainsi

dire à notre fin : "Soyez parfaits, comme votre

Père céleste est parfait." — "Marche devant

moi et sois parfait." Or ceux-là font

l’expérience de cette volonté de Dieu, qui ne

se conforment pas à ce siècle, mais qui sont

réformés par le renouvellement de leur esprit.

Au contraire, ceux qui demeurent dans leur

décrépitude, conformes au siècle, estiment

que la volonté de Dieu n’est pas bonne, mais

pesante et inutile : "Que la sagesse est

extrêmement amère aux hommes ignorants."

968. — II. Lorsqu’il ajoute : Car je dis, en

vertu de la grâce, etc., <l’Apôtre> enseigne

comment l’homme doit user des dons de

Dieu. Et :

— Il expose d’abord son enseignement quant

aux dons qui ne sont pas communs à tous,

comme le sont les grâces gratuitement

données.

— Puis, quant au don de la charité, qui est

commun à tous [n° 983] 885

— "Que votre

dilection soit sans simulation, etc."

Sur le premier de ces points <L’Apôtre>

enseigne d’abord en général comment

l’homme doit user des dons gratuitement

donnés886

.

Puis, il développe cela en détail [n° 976] : 6

"Nous avons toutefois des dons différents."

Sur l’usage des dons gratuitement donnés :

<L’Apôtre> commence par proposer son

enseignement.

Puis, il en donne la raison [n° 972] 4 "Car,

885

Lieux parallèles : Somme Théologique Ia-2 Q. 111, a. 1; 3 Con>. Gentiles c. 154; Compend. dieol.,

c. 214; Ad Rom. 1, 4, lect. 3 (éd. Marietti, n° 46); Ad Ephes. 1, 6b, lect. 2 (éd. Marietti, n 15). 886

Par définition, toute grâce est gratuite. Cependant la théologie distingue (Somme Théologique 1a-

2ae, Q. 111, a. 1) la grâce qui sanctifie la personne qui la reçoit, dite gratia gratum faciens, ou "grâce

qui rend agréable (à Dieu)", et la "grâce gratuitement donnée", gratia gratis data, qui permet de

coopérer au salut d’autrui. Saint Paul les appelle "charismes." N’étant destinés qu’â la sanctification

d’autrui, les charismes sont donnés indépendamment de la sainteté personnelle de qui en est gratifié.

En eux se manifeste donc tout particulièrement la gratuité de la grâce divine d’où leur nom de grâce

gratuitement donnée.

comme dans un seul corps, etc."

969. — En proposant son enseignement, il

écarte premièrement ce qui est inutile : Je

vous ai avertis de vous réformer par le

renouvellement de votre esprit et de devoir le

faire avec modération, car je dis, c’est-à-dire

je vous commande, en vertu de la grâce, de

l’apostolat et par mon autorité d’apôtre, qui

m’a été donnée — "Ayant connu la grâce qui

m’a été donnée." Et : "A moi, le moindre des

saints, a été donnée cette grâce d’annoncer

parmi les Gentils les richesses insondables du

Christ " – à tous ceux qui sont parmi vous,

parce que <mon commandement> est utile à

tous : "Je veux que tous les hommes soient

comme moi887

." Je vous commande, dis-je, de

ne pas s’exalter en pensée plus qu’il ne

convient, c’est-à-dire que personne ne

présume de son sens ou de sa sagesse en se

confiant exagérément en soi-même : "Ne sois

pas plus sage qu’il n’est nécessaire." — "Je

n’ai pas marché dans les grandeurs, ni dans

les choses merveilleuses au-dessus de moi."

970. — Ensuite, <l’Apôtre> exhorte à <se

conduire selon> un juste milieu, en disant :

mais de penser avec sobriété, c’est-à-dire je

vous commande d’être sage avec mesure

selon la grâce qui vous a été donnée. <Le

mot> "sobriété" suppose la mesure888

. Et bien

qu’on se serve de cette expression à l’égard

du breuvage du vin, on peut pourtant

l’appliquer à toute matière dans laquelle

l’homme observe une mesure légitime : "La

grâce de Dieu Notre Sauveur est apparue à

tous les hommes, nous enseignant à renoncer

à l’impiété et aux désirs du siècle, et à vivre

sobrement, justement et pieusement dans ce

siècle.

971. Enfin, <l’Apôtre> enseigne comment il

faut comprendre cette mesure du juste milieu,

en disant : et selon la mesure de la foi, c’est-

à-dire la mesure des dons <de Dieu>, laquelle

est ordonnée à l’édification de la foi, que Dieu

a départie à chacun, c’est-à-dire a distribuée :

"A chacun est donnée la manifestation de

l’Esprit pour l’utilité." Car Dieu accorde les

887

1 Corinthiens 7, 7. Le mot hommes (hommes) figure dans la Vetus latina, voir DOM SABATIER,

Bibl. sacr., t. 1H, p. 678 (Textus et notae ad versionem antiquam). 888

Lieu parallèle Somme Théologique 2a-2ae, Q. 149, a. 1.

dons de ce genre, non pas les mêmes à tous,

mais il distribue à chacun des dons différents,

selon cette autre parole <de l’Apôtre> : "Il y a

diversité de grâces." Il ne donne pas non plus

à tous également, mais à chacun selon une

mesure déterminée : "chacun de nous a été

donnée la grâce, selon la mesure du don du

Christ." Et voilà pourquoi l’Apôtre, avec sa

sobre sagesse, disait selon cette mesure :

"Nous ne nous glorifierons pas

démesurément, mais selon la mesure de la

règle que Dieu nous a mesurée." Au Christ

seul a été donné l’Esprit sans mesure, comme

il est dit dans <l’évangile de> Jean889

. Or

Dieu accorde avec mesure non seulement les

autres grâces gratuitement données, mais

aussi la foi elle-même, qui opère par la

charité890

; ce qui fait dire aux disciples du

Christ "Augmente en nous la foi."

Lectio 2 Leçon 2 [Versets 4 à 13]

[n° 972] 4 Car, comme dans un seul corps

nous avons beaucoup de membres, et que tous

les membres n’ont point la même fonction,

[n° 973] 5 ainsi, à plusieurs, nous sommes un

seul corps dans le Christ, étant tous en parti

culier les membres les uns des autres.

[n° 976] 6 Nous avons toutefois des dons

différents, selon la grâce qui nous a été

donnée : soit la prophétie, en accord avec la

foi;

[n° 980] 7 soit le ministère, en exerçant ce

ministère, soit celui qui enseigne, dans

l’enseignement;

[n° 981] 8 celui qui exhorte, en exhortant;

celui qui distribue, <agira> avec simplicité;

celui qui préside <le fera> avec sollicitude

celui qui exerce la miséricorde <le fera> avec

joie.

[n° 983] 9 Que votre dilection soit sans

simulation, haïssant le mal, vous attachant au

bien;

[n° 985] 10 vous aimant les uns les autres

avec la charité fraternelle; vous prévenant

d’honneur les uns les autres;

889

Celui que Dieu a envoyé dit les paroles de Dieu; car Dieu ne donne pas l’Esprit avec mesure " Un

3, 34). 890

Voir Glosa in Rom. XII, 3 (GPL, col. 1498 B). l2. Lc 17, 5.

[n° 987] 11 dans votre sollicitude ne <soyez>

pas paresseux; soyez fervents d’esprit, servant

le Seigneur;

[n° 990] 12 soyez joyeux dans l’espérance,

patients dans la tribulation; persévérants dans

la prière;

[n° 993] 13 prenant part aux nécessités des

saints; pratiquant l’hospitalité.

[86220] Super Rom., cap. 12 l. 2 Praemissa

admonitione, hic apostolus rationem

assignat sumptam ex similitudine corporis

mystici ad corpus naturale. Et primo in

corpore naturali tangit tria. Primo quidem

corporis unitatem, cum dicit sicut enim in

uno corpore; secundo, membrorum

pluralitatem, cum dicit multa membra

habemus : est enim corpus humanum

organicum ex diversitate membrorum

constitutum; tertio officiorum diversitatem,

cum dicit omnia autem membra non

eumdem actum habent. Frustra enim esset

membrorum diversitas, nisi ad diversos

actus ordinarentur. Deinde aptat haec tria ad

corpus Christi mysticum, quod est Ecclesia.

Eph. I, v. 22. — ipsum dedit caput super

omnem Ecclesiam, quae est corpus eius.

Circa quod etiam tria tangit. Primo quidem

fidelium quasi membrorum multitudinem,

cum dicit ita multi. Lc. XIV, v. 16. — homo

quidam fecit coenam magnam, et vocavit

multos. Is. LIV, 1. — multi filii desertae.

Quamvis enim sint pauci per

comparationem ad infructuosam

multitudinem damnatorum, secundum illud

Matth. VII, 14. — arcta est via quae ducit

ad vitam, et pauci inveniunt eam, tamen

absolute loquendo sunt multi. Apoc. VII, 9.

— post haec vidi turbam magnam, quam

dinumerare nemo poterat. Secundo tangit

972. — I. Après avoir donné son

avertissement [n° 953 et 968], l’Apôtre en

donne ici la raison en prenant une

comparaison entre le Corps mystique891

et le

corps naturel.

A. Et d’abord, concernant le corps naturel il

mentionne trois choses :

1. Premièrement l’unité du corps, lorsqu’il dit

: 4 Car, comme dans un seul corps.

2. Deuxièmement la diversité des membres,

lorsqu’il dit : nous avons beaucoup de

membres; en effet, le corps humain organisé

est constitué à partir de la diversité des

membres.

3. Troisièmement la diversité des fonctions,

lorsqu’il dit : et que tous les membres n’ont

point la même fonction. En effet, la diversité

des membres serait inutile s’ils n’étaient

ordonnés à des fonctions diverses.

973. — B. <L’Apôtre>892

applique en suite

ces trois caractères au Corps mystique du

Christ, qui est l’Eglise : "Il l’a établi chef sur

toute l’Église, qui est son Corps." Pour

procéder à cette comparaison <l’Apôtre>

mentionne encore trois choses :

1. Il mentionne d’abord la multitude des

fidèles, qui sont comme les membres <de ce

Corps>, lorsqu’il dit : ainsi, à plusieurs. —

"Un homme fit un grand dîner et y appela

beaucoup de monde." Et : "Les fils de la

délaissée seront plus nombreux." Car, bien

891

On sait que l’expression corpus mysticum a d’abord désigné le corps eucharistique, non pour nier

sa réalité de corps du Christ, mais pour indiquer son invisibilité. L’Eglise est bien corps, mais elle l’est

si réellement et si évidemment, grâce à saint Paul, qu’on n’éprouve aucun besoin de définir la nature

pamculière de ce corps. A la suite d’une longue évolution de plusieurs siécles, l’euchanstie est de plus

en plus souvent qualifiée de corpus verum (vrai corps), ce qui insiste sur la réalité de la présence du

Christ, tandis que l’expression çorpus mysticum devient progressivement la désignation propre de

l’Eglise. Cette évolution est en voie de consolidation défi nitive chez saint Thomas; voir Henri DE

LUBAC, Corpus mysticum. L’Eucharistie et l’Eglise au Moyen Age, p. 127-128. 892

Lieux parallèles Somme Théologique 3a, Q. 8, a. 1." ; 3 Sentences dist. 13, Q. 2, a. l; a. 2;

4Sentences dist. 9, a. 2, q De veritate, Q. 29, a. 4 et 5; Compend. theol., c. 214; Ad Ephes. 1, 23, lect. 8

(éd. Marietti, n° 70."); Ad CoL 1, 18s., lect. 5 (éd. Marietti, n° 46".).

corporis mystici unitatem, cum dicit unum

corpus sumus. Eph. II, 16. — ut reconciliet

ambos in uno corpore, et cetera. Huius

autem corporis mystici est unitas spiritualis,

per quam fide et affectu charitatis invicem

unimur Deo, secundum illud Eph. IV, 4. —

unum corpus, et unus spiritus. Et quia

spiritus unitatis a Christo in nos derivatur,

supra VIII, 9. — si quis spiritum Christi non

habet, hic non est eius ideo subdit in

Christo, qui per spiritum suum, quem dat

nobis, nos invicem unit et Deo. Io. XVII, 2

s. : ut sint unum in nobis, sicut et nos unum

sumus. Tertio tangit officiorum diversitatem

ad utilitatem communem reductam, dicens

singuli autem alter alterius membra.

Membrum enim quodlibet proprium actum

habet et virtutem; inquantum ergo unum

membrum sua virtute et actu alteri prodest,

dicitur membrum alterius, sicut pes dicitur

membrum oculi, inquantum oculum defert,

et oculus dicitur membrum pedis,

inquantum dirigit pedem. 1 Co XII, 2. —

non potest dicere oculus manui : opera tua

non indigeo. Ita etiam in corpore mystico

ille qui accepit gratiam prophetiae, indiget

illo qui accepit gratiam sanitatum, et ita est

in omnibus aliis. Unde dum unusquisque

fidelis secundum gratiam sibi datam alteri

servit, efficitur alterius membrum. Gal. ult. :

alter alterius onera portate. I Petr. IV, 10.

— unusquisque sicut accepit gratiam in

alterutrum illam administrantes. Deinde,

cum dicit habentes autem donationes,

exequitur per partes monitionem, quam

supra posuerat de sobrio et moderato gratiae

usu. Et primo ponit gratiarum diversitatem,

dicens : sumus, inquam, alter alterius

membra, non secundum eamdem gratiam,

sed habentes diversas donationes

differentes, non ex diversitate meritorum,

sed secundum gratiam quae data est nobis. 1

Co VII, 7. — unusquisque proprium donum

habet ex Deo, unus quidem sic, alius vero

sic. Matth. XXV, 14 s. : vocavit servos suos,

et tradidit illis bona sua, et uni dedit

quinque talenta, alii autem duo, alii vero

unum. Secundo docet diversarum gratiarum

usum, et, primo, in rebus divinis, quantum

ad cognitionem quidem, dicens : sive

qu’ils soient en petit nombre comparés à la

multitude stérile des réprouvés, selon cette

parole de Matthieu : "Resserrée est la voie qui

conduit à la vie et il en est peu qui la trouvent

", cependant, absolument parlant, ils sont en

grand nombre : "Après cela, je vis une grande

foule que personne ne pouvait compter."

974. — 2. Ensuite, il mentionne l’unité du

Corps mystique, lorsqu’il dit : "Pour

réconcilier à Dieu par la croix les deux

<peuples> réunis en un seul corps, détruisant

en lui-même leurs inimitiés." Or l’unité de ce

Corps mystique est spirituelle, et cette unité

nous unit les uns et les autres à Dieu par la foi

et la dilection, selon ce passage <de l’Apôtre>

aux Ephésiens "Soyez un seul corps et un seul

esprit." Et parce que l’Esprit d’unité dérive du

Christ vers nous, comme on l’a dit plus haut :

"Si quelqu’un n’a pas l’Esprit du Christ,

celui-là n’est pas à lui." <l’Apôtre> ajoute :

dans le Christ qui, en nous donnant son

Esprit, nous unit les uns aux autres et à Dieu :

"Pour qu’ils soient un" en nous, "comme nous

aussi nous sommes un."

975. — 3. Enfin, il mentionne la diversité des

fonctions qui se réduit à l’utilité commune, en

disant : étant tous en particulier les membres

les uns des autres. Car chaque membre a sa

fonction propre et sa propre vertu; et par

conséquent, en tant que par sa vertu et par sa

fonction il est utile à un autre membre, on dit

qu’il en est le membre, comme le pied est

appelé membre de l’œil, en tant qu’il porte

l’œil, et l’œil le membre du pied, en tant qu’il

dirige le pied : "L’œil ne peut pas dire à la

main : "Je n’ai pas besoin de ton office." De

même également, dans le Corps mystique,

celui qui a reçu le don de prophétie a besoin

de celui qui a reçu le don des guérisons, et il

en est ainsi de tous les autres. Par conséquent,

chaque fidèle, en servant l’autre selon la grâce

qui lui a été donnée, devient membre de

l’autre "Portez les fardeaux les uns des autres

"

— "Chacun de vous mettant au service des

autres la grâce qu’il a reçue, comme de bons

dispensateurs de la grâce multiforme de Dieu

"

976. En disant : 6 Nous avons toutefois des

dons, <l’Apôtre> développe en détail

prophetia, quam habentes, utamur ea

secundum rationem fidei. Dicitur autem

prophetia quaedam apparitio ex revelatione

divina eorum quae sunt procul. Unde I Reg.

IX, 9 dicitur : qui propheta hodie dicitur,

vocabatur olim videns. Sunt autem procul a

cognitione nostra, secundum se quidem

futura contingentia, quae propter defectum

sui esse cognoscibilia non sunt; sed res

divinae sunt procul a nostra cognitione, non

secundum se, cum sint maxime

cognoscibiles, quia, ut dicitur I Io. I, 5. —

Deus lux est, et tenebrae in eo non sunt

ullae, sed propter defectum intellectus

nostri, qui se habet ad ea, quae sunt in

seipsis manifestissima, sicut oculus noctuae

ad lucem solis. Et quia unumquodque magis

proprie dicitur tale, quod est secundum se

tale, quam quod est est tale secundum aliud;

inde est quod magis proprie dicuntur esse

procul a cognitione nostra futura

contingentia. Et propter hoc horum proprie

est prophetia. Amos c. III, 7. — non faciet

dominus Deus verbum, nisi revelaverit

secretum suum. Dicitur tamen prophetia

communiter etiam revelatio quorumcumque

occultorum. Hoc autem donum prophetiae,

non solum fuit in veteri testamento, sed

etiam in novo Ioel II, 28. — effundam de

spiritu meo super omnem carnem, et

prophetabunt filii vestri. Dicuntur etiam

prophetae in novo testamento, qui

prophetica dicta exponunt, quia sacra

Scriptura eodem spiritu interpretatur quo est

condita. Eccli. XXIV, 46. — adhuc

doctrinam quasi prophetiam effundam.

Ordinatur autem prophetiae donum, sicut et

aliae gratiae gratis datae, ad fidei

aedificationem. 1 Co XII, 7. — unicuique

l’avertissement qu’il avait donné plus haut [n°

968] à propos de l’usage sobre et modéré de

la grâce. Et il expose en premier lieu la

diversité des dons, en disant : nous sommes,

ai-je dit, les membres les uns des autres, non

selon le même don, mais ayant des dons

différents, non à cause de la diversité de nos

mérites, mais selon la grâce qui nous a été

donnée. — "Chacun reçoit de Dieu son don

particulier, l’un d’une manière et l’autre d’une

autre." Et : "Il appela ses serviteurs et leur

remit ses biens. A l’un il donna cinq talents, à

un autre deux, à un autre un, à chacun selon

sa capacité."

977. — II. En second lieu, <l’Apôtre> donne

un enseignement sur l’usage des différents

dons, et

A. Tout d’abord à l’égard des choses divines,

quant à leur connaissance, en disant : soit la

prophétie, dont nous devons user, si nous en

avons reçu le don, en accord avec la foi.

978. — Or893

on appelle prophétie une sorte

d’apparition, par révélation divine, de choses

qui sont éloignées. D’où ces paroles du

premier livre des Rois : "Celui qui est appelé

prophète aujourd’hui se nommait autrefois

voyant." Sont éloignés de notre connaissance

les futurs contingents894

en eux-mêmes,

lesquels ne sont pas objet de connaissance à

cause de leur défaut d’existence; tandis que

les réalités divines sont éloignées de notre

connaissance, non en tant que telles,

puisqu’elles peuvent être parfaitement

connues, selon ce qui est dit dans la première

épître de Jean : "Dieu est lumière et il n’y a

pas en lui de ténèbres ", mais à cause de la

faiblesse de notre intelligence, qui se

comporte à l’égard des choses

souverainement claires en elles-mêmes,

893

Lieux parallèles Somme Théologique 2a-2ae, Q. 171, a. 3; 3 Contra Gentiles c. 154; De veritate, Q.

12, a. 2; Super Psalmos, in Ps. 50; Super Isajan, 1, 1. 894

La philosophie appelle "futurs contingents" les choses dont la réalisation est possible, mais non

nécessaire, c’est—â-dire ce dont l’éventualité dépend du libre arbitre de l’homme (ou de la volonté

libre de Dieu) c’est ce qui peut ou arriver ou ne pas arriver. N’existant pas encore, ces choses

manquent d’être. Or, on ne peut connaître que ce qui est, puisque l’acte de connaissance requiert un

objet. Les futurs contingents sont donc, de leur nature propre, hors de la portée de notre connaissance

naturelle et ne sont connus que par le don de prophétie, alors que les réalités divines existent au

suprême degré et sont donc, par elles-mêmes, suprêmement connaissables. Mais elles ne le sont pas

pour nous, à cause de la faiblesse de notre intelligence. D’où la nécessité (relative), pour les connaître,

du don de prophétie.

datur manifestatio spiritus ad utilitatem.

Hebr. II, 3 s. : confirmata est, scilicet

doctrina fidei, contestante Deo signis et

prodigiis, et variis virtutibus, et spiritus

sancti distributionibus. Et ideo prophetia est

utendum secundum rationem fidei, id est

non in vanum sed ut per hoc fides

confirmetur, non autem contra fidem. Unde

dicitur Deut. XIII, v. 1. — si surrexerit in

medio tui propheta, et dixerit tibi : eamus,

et sequamur deos alienos; non audies verba

prophetiae illius, quia scilicet prophetizat

contra rationem fidei. Quantum ad

sacramenta ministranda subdit sive

ministerium in ministrando, id est, si quis

accepit gratiam vel officium ministerii, puta

ut sit episcopus vel sacerdos, qui dicuntur

ministri Dei. Is. c. LXI, 6. — vos sacerdotes

domini vocabimini, ministri Dei nostri :

dicetur vobis, exequatur illud diligenter

exequendo in ministrando, II Tim. IV, 5. —

ministerium tuum imple. Secundo tangit ea

quae pertinent ad res humanas, in quibus

potest aliquis alteri subvenire. Primo

quidem quantum ad cognitionem vel

speculativam vel practicam. Quantum ergo

ad speculativam primo dicit sive qui docet,

id est qui habet officium vel gratiam

docendi, utatur doctrina, id est ut studiose et

fideliter doceat. Iob IV, 3. — ecce docuisti

plurimos. Matth. ult. : euntes docete omnes

gentes. Quantum autem ad cognitionem

practicam subdit qui exhortatur, id est qui

habet officium vel gratiam exhortandi

homines ad bonum, utatur illo in

exhortando. Thess. II, v. 3. — exhortatio

nostra non fuit de errore, neque de

immunditia, neque in dolo. Tit. II, v. 15. —

haec loquere et exhortare. Deinde ponit ea

quae pertinent ad exteriora opera, in quibus

quandoque aliquis subvenit alicui aliquod

donum dando, et quantum ad hoc dicit qui

tribuit, id est qui habet facultatem tribuendi

et gratiam, exequatur hoc in simplicitate, ut

scilicet nihil mali ex illo intendat, quasi

donis homines ad malum alliciens. Vel

etiam cum aliquis ex modico dato intendit

multo maiora acquirere. Eccli. XX, 14 s. :

comme l’œil de la chouette à la lumière du

soleil. Et parce qu’on dit d’une chose qu’elle

possède tel caractère plus proprement quand

elle le possède par elle-même que lorsqu’il

résulte de son rapport à autre chose, il s’ensuit

que c’est plus proprement des futurs

contingents dont on dit qu’ils sont éloignés de

notre connaissance. Et sous ce rapport ils

relèvent spécialement de la prophétie : "Le

Seigneur Dieu ne fera rien sans avoir révélé

son secret à ses serviteurs les prophètes."

Cependant la prophétie est aussi appelée

communément la révélation des choses

cachées quelles qu’elles soient895

. Or ce don

de prophétie a existé non seulement dans

l’Ancien Testament, mais aussi dans le

Nouveau : "Je répandrai mon Esprit sur toute

chair; vos fils prophétiseront ainsi que vos

filles." On donne aussi, dans le Nouveau

Testament, le nom de prophètes à ceux qui

exposent des paroles prophétiques, car ce qui

est écrit dans l’Ecriture sainte est interprété

par le même Esprit : "Je répandrai encore ma

doctrine comme une prophétie."

979. — Or, le don de prophétie, comme les

autres grâces gratuitement données, est

ordonné à l’édification de la foi < A chacun

est donnée la manifestation de l’Esprit pour

l’utilité." La doctrine de la foi a été

confirmée, "Dieu attestant leur témoignage

par des signes, des prodiges, par différents

effets de sa puissance, et par des dons de

l’Esprit-Saint, qu’il a distribués selon sa

volonté." Voilà pourquoi il faut user de la

prophétie en accord avec la foi, c’est-à-dire

non en vain, mais pour que la foi soit

confirmée, et non cependant contre elle. Aussi

lit-on dans le Deutéronome : "S’il s’élève au

milieu de toi un prophète ou quelqu’un qui

dise qu’il a vu un songe, qui prédise un signe

ou un prodige, si ce qu’il a annoncé arrive et

qu’il te dise : "Allons, et suivons des dieux

étrangers que tu ne connais pas, et servons-

les", tu n’écouteras point les paroles de ce

prophète ", à savoir parce qu’il prophétise en

désaccord avec la foi.

980. — Quant à l’administration des

sacrements, <l’Apôtre> ajoute : 7 soit le

895

C’est—à-dire qu’il s’agisse des futurs contingents ou des réalités divines.

datus insipientis non erit tibi utilis, oculi

enim illius septemplices sunt. Exigua dabit,

et multa improperabit. Et Prov. c. XI, 28. —

simplicitas iustorum dirigit eos. Quandoque

autem aliquis subvenit alteri, eius curam

habendo, et quantum ad hoc dicit qui

praeest, id est qui est in praelationis officio

constitutus, utatur illo officio in

sollicitudine. Hebr. ult. : obedite praepositis

vestris, et subiacete eis. Ipsi enim

pervigilant quasi rationem reddituri pro

animabus vestris. 2 Co XI, 28. —

sollicitudo omnium Ecclesiarum.

Quandoque autem subvenit aliquis alicui

relevando eius miseriam, et quantum ad hoc

dicit qui miseretur, id est qui habet

facultatem et affectum miserendi, exequatur

hoc in hilaritate, quasi libenter hoc faciens.

2 Co IX, 7. — non ex tristitia, aut ex

necessitate. Hilarem enim datorem diligit

Deus. Eccli. XXXV, 11. — in omni dato

hilarem fac vultum tuum. Deinde cum dicit

dilectio sine simulatione, etc., docet usum

doni gratuiti, quod est omnibus commune,

scilicet charitatis. Et primo ponit ea quae

pertinent ad charitatem in generali; secundo

ponit quaedam specialiter pertinentia ad

dilectionem quorumdam, ibi necessitatibus

sanctorum, et cetera. Circa primum tria

facit. Primo ostendit qualis debeat esse

dilectio charitatis ex parte diligentis;

secundo, qualiter se debeat habere ad

proximum, ibi charitatem fraternitatis, etc.;

tertio, qualiter se debeat habere ad Deum,

ibi sollicitudine non pigri. Circa qualitatem

autem charitatis tria docet. Primo quidem,

quod dilectio debet esse vera. Unde dicit

dilectio sine simulatione, ut scilicet non

tantum in verbo, aut in exteriori apparentia,

sed sit in vero cordis affectu, et efficacia

operis. I Io. III, 18. — non diligamus verbo,

neque lingua, sed opere et veritate. Eccli.

VI, 15. — amico fideli nulla est comparatio.

Secundo docet quod dilectio debet esse

pura, cum dicit odientes malum. Tunc etiam

est pura dilectio, quando homo non

ministère, en exerçant ce ministère, c’est-à-

dire si quelqu’un a reçu la grâce ou l’office

d’un ministère, par exemple s’il est évêque ou

prêtre896

, ces derniers étant appelés ministres

de Dieu — "Mais vous, vous serez appelés les

prêtres du Seigneur; on vous nommera les

ministres de notre Dieu — qu’il y réponde en

exerçant diligemment ce ministère. —

"Remplis ton ministère."

981. — B. Puis <l’Apôtre> traite de ce qui se

rapporte aux choses humaines [n° 977] par

lesquelles on peut secourir autrui.

1. Et premièrement, quant à la connaissance

spéculative ou pratique.

a. A propos de la connaissance spéculative il

dit : soit celui qui enseigne897

, c’est-à-dire

celui qui a <reçu> la fonction ou la grâce

d’enseigner, qu’il se serve de la doctrine,

c’est-à-dire afin d’enseigner avec zèle et

fidélité : "Voilà que tu as instruit un grand

nombre <de personnes> "

— "Allez donc, enseignez toutes les nations."

b. À propos de la connaissance pratique il

ajoute : 8 celui qui exhorte, c’est-à-dire celui

qui a <reçu> la fonction ou la grâce

d’exhorter les hommes au bien, s’en serve en

exhortant. — "Notre exhortation a été

exempte d’erreur, d’impureté et de fraude." Et

encore : "Dis ces choses, exhorte et reprends

avec une pleine autorité."

982. — 2. <L’Apôtre> expose ensuite ce qui

regarde les œuvres extérieures, par lesquelles,

à l’occasion, on secourt autrui en lui donnant

un don, et à ce propos il dit : celui qui

distribue, c’est-à-dire celui qui a reçu la

faculté et la grâce de distribuer, qu’il le fasse

avec simplicité, c’est-à-dire qu’il ne s’y

propose rien de mauvais, comme d’attirer les

hommes au mal par des dons. Ou encore,

comme si à partir d’un don modique on se

proposait d’acquérir des choses plus

considérables : "Le don d’un insensé ne te

sera pas utile, car il a sept yeux. Il donnera

peu et il reprochera beaucoup." Et : "La

simplicité des justes les dirigera." Parfois, on

secourt autrui en prenant soin de lui, et à ce

896

Les grâces gratuitement données étant ordonnées à la sanctifi cation d’autrui relèvent du ministère

au sens large et donc englobent, de ce point de vue, le ministère sacerdotal. Cependant le pouvoir

d’ordre du prêtre ne peut être, au sens strict, considéré comme un charisme. 897

Lieu parallèle Somme Théologique 2 Q. 183, a. 2.

consentit amico suo in malum, sed ita diligit

hominem, ut eius vitium odiat. Unde dicitur

1 Co XIII, 6. — non gaudet super

iniquitate, congaudet autem veritati. Ps.

CXVIII, 113. — iniquos odio habui. Tertio

docet quod dilectio debet esse honesta, cum

dicit adhaerentes bono, ut scilicet aliquis

adhaereat alteri propter bonum virtutis. Gal.

IV, 18. — bonum autem aemulamini in

bono semper. Haec est pulchra dilectio, de

qua dicitur Eccli. XXIV, 24. — ego mater

pulchrae dilectionis. Deinde, cum dicit

charitatem fraternitatis, ostendit qualiter

charitas se debeat habere ad proximum. Et

primo quantum ad interiorem affectum, cum

dicit charitatem fraternitatis invicem

diligentes; ut scilicet non solum fratres

diligamus per charitatem sed etiam

diligamus ipsam charitatem, qua eos

diligimus et ab eis diligimur. Sic enim si

charam habemus charitatem, non de facili

eam dissolvi faciemus. Hebr. ult. : charitas

fraternitatis maneat in vobis. Cant. ult. : si

dederit homo omnem substantiam domus

suae pro dilectione, tamquam nihil despiciet

illam. Secundo, quantum ad exteriorem

effectum, cum dicit honore invicem

praevenientes. In quo tria designantur.

Primo quidem quod homo proximum in

reverentia debet habere, quod pertinet ad

rationem honoris. Nullus enim potest vere

diligere eum quem despicit. Phil. II, 3. — in

humilitate, superiores invicem arbitrantes.

Quod quidem fit dum aliquis suum

defectum considerat et bonum proximi. In

honore autem non solum reverentia

intelligitur, sed etiam necessariorum

subventio, sicut, cum dicitur Ex. XX, 12. —

honora patrem tuum, et matrem tuam,

praecipitur necessariorum subventio, sicut

patet per hoc quod dominus, Matth. XV, v.

3 ss., arguit Pharisaeos contra hoc

praeceptum impedientes filios a subventione

propos <l’Apôtre> dit : celui qui préside,

c’est-à-dire que celui qui a été établi dans la

fonction de supérieur s’acquitte de cette

fonction avec sollicitude. — "Obéissez à vos

préposés et soyez-leur soumis, car ce sont eux

qui veillent, comme devant rendre compte de

vos âmes." Et encore : "Outre ces choses, qui

sont du dehors, il y a ma préoccupation

quotidienne : la sollicitude de toutes les

Eglises." Parfois on secourt quelqu’un en

soulageant sa misère, et à ce propos

<l’Apôtre> dit : celui qui exerce la

miséricorde, c’est-à-dire que celui qui a la

faculté et le désir de faire miséricorde, le fasse

avec joie, comme s’y portant volontiers :

"Que chacun <donne> comme il l’a résolu en

son cœur, non avec tristesse ou par nécessité;

car Dieu aime celui qui donne avec joie." Et

encore : "Dans tout don montre un visage

joyeux."

983. — Lorsque <l’Apôtre> ajoute [n° 968] :

Que votre dilection soit sans simulation, etc.,

il donne un enseignement sur l’usage d’un

don gratuit, qui est commun à tous, c’est-à-

dire de la charité. Et il expose

a) D’abord, ce qui convient à la charité en

général.

b) Ensuite, ce qui convient spécialement à la

dilection envers certaines personnes [n° 993] :

13 prenant part aux nécessités des saints, etc.

a. Sur le premier de ces points, <l’Apôtre>

montre trois choses

— Premièrement, qu'elle doit être du côté de

celui qui aime la dilection de sa charité.

— Deuxièmement, comment elle doit

s’exercer à l’égard du prochain [n° 985] : 10

vous aimant les uns les autres avec la charité

fraternelle.

— Troisièmement, comment elle doit

s’exercer à l’égard de Dieu [n° 987] : dans

votre sollicitude ne <soyez> pas paresseux.

984. — À propos de la qualité de la charité898

,

<l’Apôtre> enseigne trois choses :

898

Les termes " amour", "dilection", "charité" (amor, dilectio, caritas) ne sont pas strictement

synonymes pour saint Thomas. " Ces trois termes signifient l’acte (d’aimer) de manière différente :

amour est celui qui, des trois, " la signification la plus commune. En effet, la dilection ou la charité

impliquent l’amour, mais la réciproque n’est pas vraie. La dilection, comme le nom l’indique, ajoute à

l’amour l’idée d’une élection préalable, de sorte que la dilection ne réside pas dans la puissance

concupiscible, mais seulement dans la volonté et la seule nature raisonnable. La charité, d’autre part,

ajoute à l’amour l’idée d’une certaine perfection, en ce que l’objet aimé est estimé d’un grand prix"

parentum. Secundo designatur quod effectus

dilectionis debet mutuo exhiberi, ut scilicet

homo non solum velit beneficia recipere,

sed etiam exhibere. Eccli. IV, 36. — non sit

porrecta manus tua ad accipiendum, et ad

dandum collecta. Et XIV, 15 s. : in divisione

sortis da et accipe. Et hoc designat, cum

dicit invicem. Tertio designatur quod

effectus dilectionis debet esse promptus et

velox, quod designatur, cum dicit

praevenientes, ut scilicet aliquis praeveniat

amicum in beneficiis. Eccli. c. XXXVII, 1.

— omnis amicus dicet : et ego amicitiam

copulavi. Deinde, cum dicit sollicitudine,

etc., ostendit qualiter se debeat habere

dilectio charitatis ad Deum. Et primo incipit

ab ipsa rationis attentione, cum dicit

sollicitudine sitis non pigri, scilicet ad

serviendum Deo. Mich. VI, 8. — indicabo

tibi, o homo, quid sit bonum, et quid Deus

requirat a te; postea subdit : sollicite

ambulare cum Deo tuo. II Tim. II, 15. —

sollicite cura teipsum probabilem exhibere

Deo. Secundo, quantum ad effectum, cum

dicit spiritu sitis ferventes, scilicet in Dei

dilectione. Procedit autem fervor ex

abundantia caloris, unde fervor spiritus

dicitur, quia propter abundantiam divinae

dilectionis totus homo fervet in Deum, Act.

XVIII, 25 dicitur quod Apollo fervens

spiritu loquebatur. I Thes. ult. : spiritum

nolite extinguere. Tertio, quantum ad

exterius obsequium, cum dicit domino

servientes, scilicet servitute latriae, quae soli

Deo debetur. Deut. VI, 13. — dominum

Deum tuum adorabis, et illi soli servies. Ps.

II, 11. — servite domino in timore. Vel,

secundum aliam litteram : tempori

servientes, ut scilicet Dei servitium congruo

tempore faciamus. Eccle. VIII, 6. — omni

negotio tempus est, et opportunitas. Quarto,

quantum ad mercedem servitutis, cum dicit

spe gaudentes, scilicet mercedis, quae est

Dei fruitio. Gen. XV, 2. — ego dominus

merces tua magna nimis. Supra V, 2. —

D’abord, que la dilection doit être vraie, ce

qui lui fait dire : Que votre dilection soit sans

simulation, en sorte qu’elle ne soit pas

seulement en paroles ou d’apparence

extérieure, mais qu’elle soit selon une

véritable affection du cœur accompagnée de

l’efficacité de l’œuvre : "N’aimons point par

la parole ou par la langue, mais en acte et en

vérité." Et encore : "Rien n’est comparable à

un ami fidèle899

."

Puis, il enseigne que cette dilection doit être

pure, lorsqu’il dit : haïssant le mal. Car la

dilection est pure lorsque l’homme ne

s’accorde pas avec son ami en vue du mal; au

contraire il l’aime dans la mesure où il prend

ses vices en aversion. Aussi est-il dit : "<La

charité> ne se réjouit pas de l’iniquité, mais

elle met sa joie dans la vérité " Et encore :

"J’ai eu en haine les hommes iniques."

Enfin, il enseigne que cette dilection doit être

honnête, lorsqu’il dit : vous attachant au bien,

c’est-à-dire que vous vous attachiez à autrui à

cause du bien de la vertu : "Au reste, attachez-

vous au bien pour le bien, en tout temps, et

non pas seulement lorsque je suis présent

parmi vous." Telle est cette belle dilection,

dont il est dit : "Moi, je suis la mère de la

belle dilection900

."

985. — Deuxièmement, lorsque <l’Apôtre>

dit : 10 avec la charité fraternelle, il montre

comment la charité doit s’exercer à l’égard du

prochain :

1. Quant à l’affection intérieure, quand il dit :

vous aimant les uns les autres avec la charité

fraternelle, c’est-à-dire de sorte que nous

aimions nos frères non seulement par la

charité, mais aussi la charité elle-même qui

nous les fait aimer et nous fait aimer d’eux.

Car si la charité nous est chère à ce point,

nous ne la laisserons pas facilement se briser :

"Que la charité fraternelle demeure en vous."

Et encore : "Quand un homme aurait donné

toutes les richesses de sa maison pour

l’amour, il les mépriserait comme un."

(Somme Théologique 1a-2ae, Q. 26, a. 3), sans doute à cause du rapport de caritas avec carus, "chers,

qui, en latin comme en français, a les deux sens " coûteux " et aimé." Mais ces distinctions ne doivent

pas être forcées. — Lieux parallèles 3 Sentences dist. 27, Q. 2, a. 1; De div. nom., c. 4, lect. 9. 899

Lieu parallèle Somme Théologique 2 Q. 183, a. 2. 900

Eccli (Si) 24, 24. Ce verset ne figure que dans la Vulgate et dans quelques manuscrits grecs.

gloriamur in spe gloriae filiorum Dei. Facit

autem spes hominem gaudentem ratione

certitudinis, sed tamen affligit ratione

dilationis. Prov. XIII, 12. — spes quae

differtur affligit animam. Quinto, quantum

ad difficultatem quam homo patitur in Dei

servitio. Unde subdit in tribulatione, scilicet

quam propter Deum sustinetis, sitis

patientes. Supra V, v. 3. — tribulatio

patientiam operatur. Sexto quantum ad

omnia praedicta dicit orationi instantes, in

quo orationis assiduitas designatur. Lc.

XVIII, 1. — oportet semper orare, et

numquam deficere. II Thess. V, 17. — sine

intermissione orate. Per orationem enim in

nobis sollicitudo excitatur, fervor

accenditur, ad Dei servitium incitamur,

gaudium spei in nobis augetur et auxilium in

tribulatione promeremur. Ps. CXIX, 1. —

ad dominum, cum tribularer, clamavi, et

exaudivit me. Deinde, cum dicit

necessitatibus sanctorum, etc., determinat

de charitate quantum ad speciales quasdam

personas. Et primo quidem quantum ad

indigentes; secundo quantum ad inimicos,

ibi benedicite persequentibus vos. Circa

primum duo facit. Primo inducit ad

exhibenda beneficia charitatis indigentibus

in universali, cum dicit necessitatibus

sanctorum communicantes. Ubi tria sunt

notanda. Primo quidem quod eleemosynae

ex charitate sunt impendendae indigentibus,

sive necessitatem patientibus. Eph. IV, 28.

— laboret operando manibus suis quod

bonum est, ut habeat unde tribuat

necessitatem patienti. Secundo, quod potius

est subveniendum iustis et sanctis quam

aliis. Unde dicit necessitatibus sanctorum.

Eccli. XII, 5. — da iusto, et non recipias

peccatorem. Quod quidem non sic est

intelligendum, quin etiam in necessitatibus

sit peccatoribus subveniendum, sed quia

non est eis subveniendum ad fomentum

peccati. Utilius tamen est subvenire iustis,

quia talis eleemosyna fructuosa est, non

solum ex parte dantis sed etiam ex suffragio

986. — 2. Quant à l’effet extérieur, quand il

dit : vous prévenant d’honneur les uns les

autres, Dans ce passage trois choses sont

recommandées

* En premier lieu, que l’homme doit avoir du

respect à l’égard de son prochain, ce qui

constitue l’honneur : "Que chacun par

l’humilité estime les autres supérieurs à soi."

C’est ce qui a lieu lorsque chacun considère

sa propre imperfection et le bien du prochain.

Or sous la dénomination d’honneur on

comprend non seulement le respect, mais

aussi la subvention des choses nécessaires;

ainsi ce précepte : "Honore ton père et ta mère

", ordonne de subvenir à leurs nécessités,

comme on le voit par ce reproche que le

Seigneur faisait aux pharisiens d’empêcher,

au mépris du précepte, de secourir leurs

parents.

* En deuxième lieu, que l’effet de l’amour de

charité doit être réciproque, de telle sorte que

non seulement l’homme veuille recevoir des

bienfaits, mais aussi en donner : "Que ta main

ne soit pas ouverte pour recevoir et fermée

pour donner." Et encore : "N’est-ce pas à

d’autres que tu laisseras <le fruit> de tes

peines et de tes travaux, dans le partage du

sort ? Donne et reçois, et justifie ton âme." Et

il recommande cela, quand il dit : les uns les

autres.

* En troisième lieu, que l’effet de la dilection

doit être prompt et rapide; ce qui est

recommandé lorsqu’il dit : vous prévenant,

c’est-à-dire que chacun devance son ami dans

ses bienfaits : "Tout ami dira Moi aussi, j’ai

lié amitié."

987. — Troisièmement, en disant : "dans

votre sollicitude, etc., <l’Apôtre> montre

comment la dilection de charité doit s’exercer

à l’égard de Dieu.

1. Il commence par <recommander>

l’attention même de la raison, en disant : dans

votre sollicitude ne <soyez> pas paresseux, à

savoir pour servir Dieu : "Je t’indiquerai, ô

homme, ce qui est bon, et ce que Dieu

requiert de toi." <Le prophète> ajoute : "C’est

recipientis. Lc. XVI, 9. — facite vobis

amicos de mammona iniquitatis, ut cum

defeceritis, recipiant vos in aeterna

tabernacula, scilicet suis suffragiis.

Secundo in speciali admonet ad

hospitalitatem, dicens hospitalitatem

sectantes, quia scilicet in hoc misericordiae

opere alia misericordiae opera includuntur.

Nam hospes non solum domum exhibet ad

manendum sed etiam alia necessaria

subministrat. Hebr. ult. : hospitalitatem

nolite oblivisci. I Petr. IV, 9. — hospitales

invicem sine murmuratione.

d’être soucieux (sollicite) de marcher avec

ton Dieu901

." <Et l’Apôtre dit dans sa seconde

épître à Timothée> : "Soucie-toi (sollicite) de

te montrer à Dieu digne de son approbation."

988. — 2. Quant à l’effet <de la dilection902

à

l’égard de Dieu>, il dit : soyez fervents

d’esprit, à savoir dans la dilection de Dieu. Or

la ferveur procède de l’abondance de la

chaleur; on dit donc ferveur de l’esprit, parce

qu’en raison de l’abondance de la dilection

divine l’homme brûle tout entier de ferveur

pour Dieu. On rapporte dans les Actes

qu’Apollos, fervent d’esprit, parlait et

enseignait avec soin. <Et l’Apôtre dit dans sa

première épître aux Thessaloniciens> :

"N’éteignez point l’Esprit."

989. — 3. Quant au culte extérieur <dû à

Dieu>, <l’Apôtre> dit : servant le Seigneur, à

savoir par le culte de latrie903

, qui est dû à

Dieu seul : "Tu adoreras le Seigneur ton Dieu

et tu ne serviras que lui seul904

." — "Servez le

Seigneur dans la crainte." Ou bien, selon une

autre version : "Servant dans le temps905

",

c’est-à-dire de telle sorte que nous

accomplissions le service de Dieu en temps

opportun : "A toute chose est son temps et son

opportunité."

990. — 4. Quant à la récompense de ce

service, il dit : 12 soyez joyeux dans

l’espérance, c’est-à-dire de la récompense,

laquelle consiste en la jouissance de Dieu

"Moi" le Seigneur "je suis ton protecteur et ta

récompense <sera> extrêmement grande " <Et

il est écrit> ci-dessus : "nous nous glorifions

dans l’espérance de la gloire des fils de Dieu."

Or l’espérance rend l’homme joyeux en

raison de la certitude, mais elle l’afflige

cependant en raison du délai : "L’espérance

901

Mi 6, 8. Le mot Deus au heu de Dominus figure dans certains manuscrits. Voir DOM SABATIER,

Bibi. sacr., t. II, p, 951 (Notae ad versionem antiquam). 902

Lieu parallèle r De malo, Q. 7, a. 2, obj. 17. 903

Lieux parallèles : Somme Théologique 2 Q. 81, a. 1, sol. 3 et 4; Q. 94, a. 1, sol. 2; 3 Sentences dist.

9, Q. 1, a. 1, q 1; AdRom. 1, 9, lect. 5 (éd. Marietti, n° 79); 1, 23, lect. 7 (éd. Marietti, n° 134); 1, 25,

lect. 7 (éd. Marietti, n° 142). 904

Citation de Dt 6, 13 ou 10, 20 à travers Mt 4, 10 ou Lc 4, 8. Le verset du Deutéronome portant

timehis (tu craindras) au lieu de adorabis (tu adoreras). 905

Cette version se lit notamment chez Ambrosiaster (Commen sana in Epistoiam ad Romanos XII, Il

[n° 8 1/1, 404-405]). Voir à ce propos DOM SABATIER, Bibi. sacr., t. III, p. 641 (Notae ad

versionem antiquam).

qui est différée afflige l’âme."

991. 5. Quant à la difficulté que

l’homme éprouve (patitur) dans le service de

Dieu, <l’Apôtre> ajoute : dans la tribulation,

à savoir que vous endurez pour Dieu, soyez

patients. — "La tribulation opère la patience."

992. — 6. <Pour résumer>906

tout ce qu’il

vient d’énumérer, il dit : persévérants dans la

prière, parole dans laquelle est recommandée

l’assiduité de la prière. — "Il faut toujours

prier et ne jamais se lasser." Et encore : "Priez

sans cesse " En effet, par la prière s’éveille en

nous la sollicitude, la ferveur s’enflamme,

nous sommes stimulés au service de Dieu, la

joie de l’espérance augmente en nous, et nous

obtenons le secours dans la tribulation :

"Lorsque j’étais dans la tribulation, j’ai crié

vers le Seigneur et il m’a exaucé "

993. — b. 907

En ajoutant : 13 prenant part aux

nécessités des saints, etc., <l’Apôtre>

détermine l’exercice de la charité à l’égard de

certaines personnes en particulier. Et

— D’abord, quant aux indigents.

— Ensuite, quant aux ennemis [n° 996] : 14

"Bénissez ceux qui vous persécutent."

994. — À l’égard des indigents, <l’Apôtre>

adresse deux exhortations : Il exhorte d’abord

à répandre les bienfaits de la charité sur les

indigents d’une manière générale, lorsqu’il dit

: prenant part aux nécessités des saints. Sur

ce point il faut noter deux choses

D’abord, que d’après <le précepte de> la

charité on doit faire l’aumône aux indigents

ou à ceux qui sont dans la nécessité : "Qu’il

prenne la peine de travailler de ses mains à

quelque chose d’utile, pour avoir de quoi

aider celui qui est dans la nécessité "

O Puis, qu’il faut de préférence secourir les

justes et les saints; aussi dit-il : aux nécessités

des saints. — "Donne au juste et ne reçoit pas

le pécheur." Ce qui ne veut pas dire qu’il ne

faut pas secourir les pécheurs nécessiteux,

mais qu’il ne faut pas les secourir dans le but

de les exciter à pécher. Cependant il est plus

utile de secourir les justes, parce que cette

aumône est fructueuse non seulement du côté

906

Lieux parallèles : Somme Théologique 2 Q. 83, a. 14; 4 Sentences dist. 15, Q. 4, a. 2, q 2, 3; 3

Contra Gentiles c. 96; Ad Rom. 1, 10, Iect. 5 (éd. Marietti, n° 83-84); Ad Col. 1, 3b, lect. 2 (éd.

Marietti, n° 9); I Ad Thess. 5, 17, lect. 2 (éd. Marietti, n° 130). 907

Lieu parallèle Somme Théologique 2 Q. 32. — "De l’aumône."

de celui qui donne, mais encore à cause du

suffrage de celui qui reçoit : "Faites-vous des

amis avec les richesses injustes afin que,

lorsque vous viendrez à manquer, ils vous

reçoivent dans les tabernacles éternels908

,"

c’est-à-dire par leurs suffrages.

995. — Ensuite, <l’Apôtre> exhorte

spécialement au devoir de l’hospitalité, en

disant : pratiquant l’hospitalité, à savoir parce

que cette œuvre de miséricorde renferme les

autres œuvres de miséricorde909

. Car celui qui

donne l’hospitalité prête non seulement sa

maison pour y demeurer, mais procure de plus

tout ce qui est nécessaire : "N’oubliez pas

l’hospitalité." Et encore : "Exercez

l’hospitalité entre vous sans murmure."

Lectio 3 Leçon 3 [Versets 14 à 21]

[n° 997] 14 Bénissez ceux qui vous

persécutent; bénissez et ne maudissez point;

[n° 1003] 15 réjouissez-vous avec ceux qui se

réjouissent, pleurez avec ceux qui pleurent;

[n° 1005] 16 ayez les mêmes sentiments les

uns envers les autres; n’aspirant pas à ce qui

est élevé, mais vous laissant attirer par ce qui

est humble. Ne soyez pas prudents à vos

propres yeux;

[n° 1007] 17 ne rendant à personne le mal

pour le mal; vous préoccupant de ce qui est

bien, non seulement devant Dieu, mais aussi

devant tous les hommes.

[n° 1010] 18 S’il se peut, et autant qu’il

dépend de vous, ayant la paix avec tous les

hommes;

[n° 1011] 19 ne vous défendant point vous-

mêmes, bien-aimés, mais faites place à la

colère; [n° 1013] car il est écrit "A moi est la

vengeance; c’est moi qui rétribuerai", dit le

Seigneur.

[n° 1014] 20 Au contraire "si ton ennemi a

faim, donne-lui à manger; s’il a soif, donne-

lui à boire; car, ce faisant, tu amasseras des

908

Lieux parallèles sur la bienveillance Somme Théologique 2 Q. 27, a. 2; 3 Sentences dist. 27, Q. 2,

a. 1, obj. et sol. 3. ; Ethic. 9, lect. 5 [1166 b 30-1167 a 18]. —-Sur la concorde Somme Théologique 2

Q. 29, a. 1; 3 Sentences dist. 27, Q. 2, a. 1, sol. 6; Ethic. 9, lect. 6 [1167 a 22-l 167 b 9]. —. Sur la

bienfaisance : Somme Théologique 2 Q. 31, a. 1; 3 Sentences dist. 27, Q. 2, a. 1, obj. et sol. 5; Ethic.

9, lect. 7 [1167 17-l168a21]. 909

Lieu parallèle : Ad Hebr. 13, 2, lect. 1 (éd. Marietti, n 728).

charbons de feu sur sa tête."

[n° 1015] 21 Ne te laisse pas vaincre par le

mal, mais sois vainqueur du mal par le bien.

[86221] Super Rom., cap. 12 l. 3 Supra

apostolus ostendit qualiter charitas sit

exhibenda indigentibus, nunc ostendit

qualiter sit exhibenda etiam inimicis. Et

primo ponit admonitionem; secundo probat

quod dixit, ibi scriptum est enim, et cetera.

Circa primum considerandum est, quod ad

charitatem tria pertinent. Primo quidem

benevolentia, quae consistit in hoc quod

aliquis velit bonum alteri et malum eius

nolit; secundo concordia, quae consistit in

hoc quod amicorum sit idem nolle et velle;

tertio beneficentia, quae consistit in hoc

quod aliquis benefaciat ei quem amat et eum

non laedat. Primo ergo ponit ea quae

pertinent ad benevolentiam; secundo ea

quae pertinent ad concordiam, ibi gaudere

cum gaudentibus; tertio ea quae pertinent ad

beneficentiam, ibi nulli malum, et cetera.

Circa primum duo facit. Primo monet ut

benevolentia sit ampla, quae se extendat

etiam ad inimicos, cum dicit benedicite

persequentibus vos. Circa quod notandum

est, quod benedicere est bonum dicere.

Contingit autem bonum dicere tripliciter.

Uno modo enuntiando, puta cum quis

bonum alterius laudat. Eccli. c. XXXI, 28.

— splendidum in panibus benedicent labia

multorum et testimonium veritatis illius

fidele. Alio modo imperando, et sic

benedicere per auctoritatem, est proprium

Dei, cuius imperio bonum ad creaturas

derivatur : ministerium autem pertinet ad

ministros Dei, qui nomen domini super

populum invocant. Num. VI, 22-26. — sic

benedicetis filiis Israel, et dicetis eis :

benedicat tibi dominus, et custodiat te.

Ostendat dominus faciem suam tibi, et

misereatur tui. Convertat dominus vultum

suum ad te, et det tibi pacem. Et post :

invocabunt nomen meum super filios Israel,

et ego benedicam eis. Tertio benedicit

aliquis optando. Ps. CXXVIII, 8. — et non

dixerunt qui praeteribant, benedictio domini

996. — Plus haut910

[n° 993] l’Apôtre a

montré comment la charité doit être pratiquée

à l’égard des indigents, il montre maintenant

comment il faut aussi la pratiquer à l’égard de

ses ennemis. Et

I) Il commence par donner une exhortation.

II) Puis, il prouve ce qu’il a dit [n° 1013] : car

il est écrit, etc.

I. Quant à l’exhortation, il faut considérer

trois points qui se rapportent à la charité.

Le premier est la bienveillance, qui consiste à

vouloir du bien à autrui sans <jamais> lui

vouloir du mal; le deuxième est la concorde,

qui consiste en un accord entre amis dans

leurs vouloirs et leurs refus; le troisième est la

bienfaisance, qui consiste à faire du bien à

celui qu’on aime sans <jamais> le blesser.

A) <L’Apôtre> énumère donc d’abord ce qui

a trait à la bienveillance.

B) Puis, ce qui a trait à la concorde [n° 1003]

15 réjouissez-vous avec ceux qui se

réjouissent.

C) Enfin, ce qui a trait à la bienfaisance [n°

1007] ne rendant, etc.

997. — A. Concernant le premier point,

<l’Apôtre> fait deux choses

1. Il nous exhorte à une large bienveillance

qui s’étende même aux ennemis, lorsqu’il dit :

Bénissez ceux qui vous persécutent. Sur cela,

il faut remarquer que bénir c’est dire du bien.

Or dire du bien se fait de trois manières

a. D’abord en l’énonçant, par exemple

lorsqu’on loue le bien d’autrui : "Les lèvres

de la multitude béniront celui qui est

splendide dans les repas <qu’il donne>; et le

témoignage en faveur de sa vérité sera fidèle."

b. Puis en commandant. Bénir ainsi par

autorité est le propre de Dieu, dont le

commandement fait dériver le bien sur ses

créatures. Or ce ministère appartient aux

prêtres de Dieu qui invoquent sur le peuple le

Nom du Seigneur : "Le Seigneur parla encore

à Moïse, disant "Dis à Aaron et à ses fils

C’est ainsi que vous bénirez les enfants

910 Lieux parallèles : Super Psalmos, in Pc. 20, 4; 40, 14.

super vos. Et secundum hoc benedicere est

bonum alicui velle, et quasi bonum pro

aliquo precari. Et hoc modo accipitur hic.

Unde in hoc quod dicitur benedicite

persequentibus vos, datur intelligi quod

etiam ad inimicos et persecutores debemus

esse benevoli, eis bona optando et pro eis

orando. Matth. V, 44. — diligite inimicos

vestros, et orate pro persequentibus et

calumniantibus vos. Quod autem hic dicitur,

quodam quidem modo est in praecepto,

quodam autem modo est in consilio. Quod

enim aliquis in generali dilectionis affectum

impendat inimicis, non excludendo eos a

communi dilectione proximorum et a

communi oratione, quam quis pro fidelibus

facit, pertinet ad necessitatem praecepti.

Similiter etiam quod aliquis in articulo

necessitatis inimico dilectionis effectum

particulariter impendat, pertinet ad

necessitatem praecepti. Unde dicitur Ex. c.

XXIII, 4. — si occurreris bovi inimici tui,

aut asino erranti, reducas eum. Sed quod

aliquis in speciali dilectionis affectum et

orationis suffragium, aut qualecumque

subventionis beneficium exhibeat inimico,

interdum etiam extra articulum manifestae

necessitatis, pertinet ad perfectionem

consiliorum : quia per hoc ostenditur tam

perfecta charitas hominis ad Deum quod

omne humanum odium superet. Ille autem

qui poenitet et misericordiam petit, iam non

est inter inimicos aut persecutores

computandus. Unde ei absque omni

difficultate sunt charitatis indicia

ostendenda. Eccli. XXVIII, 2. — relinque

proximo tuo nocenti te, et tunc deprecanti

tibi peccata solventur. Secundo docet quod

benevolentia sive benedictio sit pura, id est

absque permixtione contrarii. Unde dicit

benedicite, et nolite maledicere, id est ita

benedicatis quod nullo modo maledicatis.

Quod est contra quosdam qui ore

benedicunt et corde maledicunt, secundum

illud Ps. XXVII, 3. — qui loquuntur pacem

d’Israël, et vous leur direz Que le Seigneur te

bénisse et qu’il te garde ! Que le Seigneur te

montre sa face et qu’il te prenne en pitié! Que

le Seigneur tourne son visage vers toi et te

donne la paix !"" Et ce qui suit : "Ils

invoqueront ainsi mon Nom sur les enfants

d’Israël, et moi je les bénirai."

c. Enfin on bénit en exprimant des souhaits

"Ils n’ont pas dit, ceux qui passaient "La

bénédiction du Seigneur soit sur vous." Dans

ce sens, bénir c’est vouloir du bien à

quelqu’un, et pour ainsi dire demander du

bien pour lui. Et c’est de cette manière qu’on

entend ce passage.

998. — Ainsi,911

dans ces paroles : Bénissez

ceux qui vous persécutent, <l’Apôtre> donne

à entendre que nous devons être bienveillants

même à l’égard des ennemis et des

persécuteurs, en leur souhaitant du bien et en

priant pour eux : "Aimez vos ennemis, faites

du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour

ceux qui vous persécutent et vous

calomnient." Or ce que <l’Apôtre> dit ici est

sous un certain rapport un précepte, et sous un

certain autre rapport un conseil912

. Car en

général on doit avoir l’affection de la charité

pour ses ennemis, en ne les excluant point de

la dilection commune due au prochain, ni de

la prière commune en faveur des fidèles, ce

qui regarde la nécessité du précepte.

Semblablement, le fait qu’on doive, en cas de

nécessité, pratiquer en particulier l’acte de la

dilection à l’égard d’un ennemi, cela regarde

<aussi> la nécessité du précepte. D’où ces

paroles de l’Exode "Si tu rencontres le bœuf

de ton ennemi, ou son âne égaré, ramène-le-

lui." Mais que, dans un cas particulier, on

montre à son ennemi l’affection de la charité,

le suffrage de la prière ou le bienfait d’un

secours quel conque, parfois même en dehors

d’un cas de nécessité évidente, cela relève de

la perfection des conseils, parce que cette

conduite montre que la charité de l’homme

envers Dieu est si parfaite qu’elle l’emporte

sur toute haine humaine. Quant à celui qui se

911

Lieux parallèles Somme Théologique 2a-2 Q. 25, a. 8 et 9; Q. 83, a. 8; 3 Sentences dist. 30, Q. 1, a.

2; De virtut., Q. 2, a. 8; De perf. spir. vit., C. 14. 912

On distingue traditionnellement les préceptes qui obligent en conscience tous les fidèles, et les

conseils évangéliques qui ne s’appliquent qu’à ceux qui s’efforcent de suivre une voie de perfection,

c’est-à-dire, au premier chef, les religieux.

cum proximo suo, mala autem in cordibus

eorum. Et etiam contra illos qui quandoque

benedicunt, quandoque maledicunt, vel

quibusdam benedicunt, quibusdam

maledicunt. Iac. III, 10. — ex ipso ore

procedit benedictio et maledictio. Non

oportet, fratres mei, haec ita fieri. I Petr. III,

9. — non reddentes maledictum pro

maledicto. Sed contra hoc videtur esse quod

in sacra Scriptura plures maledictiones

inveniuntur. Dicit enim Deut. XXVII, 26.

— maledictus qui non permanserit in

sermonibus legis huius, nec eos opere

perficit. Ad quod dicendum est quod

maledicere est malum dicere : quod quidem

tripliciter contingit, sicut et benedicere,

scilicet enuntiando, imperando et optando;

et secundum quodlibet horum modorum

potest bene et male fieri. Si enim id quod est

materialiter malum, dicatur malum quolibet

praedictorum modorum, sub ratione boni

non est illicitum, quia hoc est magis

benedicere, quam maledicere :

unumquodque enim magis iudicatur

secundum suam formam, quam secundum

suam materiam. Si vero aliquis dicat malum

sub ratione mali, formaliter maledicit; unde

est omnino illicitum. Utrumque autem

horum contingit in hoc, quod aliquis

enuntiando malum profert. Quandoque enim

aliquis enuntiat malum alicuius ad

notificandum necessariam veritatem et sic

dicit malum sub ratione veri necessarii,

quod est bonum, unde est licitum. Et hoc

modo Iob III, 1 s. dicitur, quod Iob

maledixit diei suae, enuntians malitiam

praesentis vitae, sicut apostolus dicit Eph.

V, 16. — redimentes tempus, quoniam dies

mali sunt. Quandoque autem aliquis

enuntiat malum alterius sub ratione mali,

scilicet intentione detrahendi. Et hoc est

illicitum. Dicitur enim 1 Co VI, 10. —

neque maledici, neque rapaces regnum Dei

possidebunt. Similiter etiam in eo quod quis

repent et qui demande miséricorde, il ne doit

plus être compté parmi les ennemis ou les

persécuteurs. Il faut donc lui témoigner sans

lui opposer la moindre difficulté des marques

de la charité : "Pardonne ton prochain qui te

nuit, et lorsque tu prieras, tes péchés seront

effacés."

999. — 2. <L’Apôtre> nous apprend ensuite

que la bienveillance ou la bénédiction est

pure, c’est-à-dire sans mélange contradictoire.

Ce qui lui fait dire bénissez et ne maudissez

point, c’est-à-dire bénissez de telle sorte

qu’en aucune manière vous ne maudissiez.

Cette exhortation s’adresse à l’encontre de

ceux qui bénissent des lèvres et maudissent de

cœur, selon ce passage du psaume "Eux qui

parlent de paix avec leur prochain et qui ont le

mal dans leurs cœurs." Et aussi à l’encontre

de ceux qui tantôt bénissent, tantôt

maudissent, ou bénissent les uns et

maudissent les autres : "De la même bouche

sortent la bénédiction et la malédiction. Il ne

faut pas, mes frères, qu’il en soit ainsi." —

"Ne <rendant> pas malédiction pour

malédiction."

1000. — En sens contraire913

, il semble qu’on

trouve dans la sainte Ecriture plusieurs

malédictions. En effet, le Deutéronome dit :

"Maudit soit celui qui ne persévère pas dans

les paroles de cette Loi et ne les accomplit pas

par ses œuvres."

Il faut répondre que maudire, c’est dire du

mal; or comme pour bénir, maudire se fait de

trois manières : sous forme de déclaration, de

commandement et de souhait914

; et chacune

de ces manières peut être bonne ou mauvaise.

En effet, proclamer mauvais — quelle que

soit la manière susdite — ce qui est

matériellement mauvais n’est pas licite du

point de vue du bien, puisque alors on bénit

<on "bien-dit"), plutôt qu’on ne maudit car

c’est plutôt d’après sa forme que d’après sa

matière qu’on juge de chaque chose." Mais

proclamer le mal en ayant en vue le mal, c’est

913

Lieux parallèles : Somme Théologique 2 Q. 76, a. 1; 4 Sentences dist. 18, Q. 2, a. 1, Q. 2, sol. 1; De

virtut., Q. 2, a. 8, sol. 15; Super lob 3, 1, lect. 1; Super Mati, lI, 21 (éd. Marietti, n° 946); Ad Rom. 11,

2, lect. 1 (éd. Marietti, n° 866). 914

Autrement dit, pour juger s’il est permis de déclarer le mal de quelque chose, il faut considérer, non

la matérialité de la déclaration (qui est ce qu’elle est), mais la raison pour laquelle cette déclaration a

été faite c’est cette raison qui en constitue la forme, et qui la fait bonne ou mauvaise.

dicit malum imperando; contingit autem

quandoque quod aliquis dicit id quod est

materialiter malum sub ratione boni, puta

cum ex imperio alicuius provenit alicui

malum poenae propter iustitiam, quod

quidem est licitum. Et hoc modo

transgressores legis maledicuntur, id est,

poenae secundum iustitiam deputantur.

Quandoque vero aliquis imperando dicit

malum alterius iniuste, puta propter odium

et vindictam. Et talis maledictio est illicita.

Ex. XXI, 17. — qui maledixerit patri vel

matri, morte moriatur. Et idem est etiam,

circa id quod aliquis dicit malum optando.

Si enim hoc optet sub ratione boni, puta ut

per adversitatem alicuius perveniat ad

spiritualem profectum, hoc licitum est. Iob

V, 3. — vidi stultum firma radice, et

maledixi pulchritudini eius statim. Si vero

hoc homo faciat propter odium vel

vindictam, est omnino illicitum. I Reg.

XVII, v. 43. — maledixit Philisthaeus

David in diis suis. Deinde cum dicit

gaudere cum gaudentibus, etc., ponit ea

quae pertinent ad concordiam. Et primo

ponit concordiae documenta; secundo

removet impedimenta, ibi non alta

sapientes, et cetera. Concordia autem potest

dupliciter attendi. Uno modo quantum ad

effectum in bonis et in malis. In bonis

quidem, ut aliquis bonis aliorum

congaudeat; unde dicit gaudere, scilicet

debetis, cum gaudentibus. Phil. II, v. 17. —

gaudeo et congratulor omnibus vobis. Sed

hoc est intelligendum, quando quis gaudet

de bono. Sunt autem quidam qui gaudent de

malo, secundum illud Prov. II, 14. —

laetantur cum malefecerint, et exultant in

rebus pessimis. Et in istis non est

congaudendum. 1 Co XIII, 6 dicitur de

charitate, quod non gaudet super iniquitate,

congaudet autem veritati. In malis autem, ut

aliquis tristetur de malis alterius. Unde

subdit, flere, scilicet debetis, cum flentibus.

Iob XXX, 25. — flebam quondam super eo,

qui afflictus erat. Eccli. c. VII, 38. — non

desis plorantibus in consolatione, et cum

lugentibus ambula. Ipsa enim compassio

amici condolentis consolationem in tristitiis

affert dupliciter : primo quidem, quia ex hoc

maudire formellement : c’est donc

absolument illicite.

Ces deux cas peuvent se présenter quand on

profère le mal sous forme de déclaration. Car

parfois, on déclare le mal de quelque chose

pour faire connaître une vérité nécessaire :

ainsi on dit le mal (on "mal-dit") eu égard au

nécessairement vrai, ce qui est bien, et par

conséquent licite. C’est de cette manière

qu’on rapporte de Job qu’il "maudit le jour de

sa naissance ", déclarant ainsi le malheur de la

vie présente, comme l’Apôtre le dit aux

Ephésiens : "Rachetant le temps, parce que les

jours sont mauvais." D’autres fois, c’est en

vue du mal, c’est-à-dire avec l’intention de

dénigrer, qu’on dénonce le mal d’autrui, et

cela est illicite, car il est dit "Ni les médisants,

ni les rapaces ne posséderont le Royaume de

Dieu."

1001. — Il en va de même lorsque le mal se

dit sous forme de commandement; ce qui

arrive parfois quand on dit ce qui est

matériellement mauvais eu égard au bien, par

exemple quand à la suite d’un

commandement le mal de la peine échoit à

quelqu’un pour <satisfaire> la justice, ce qui

est licite. C’est dans ce sens que les

transgresseurs de la Loi sont maudits, c’est-à-

dire sont voués à la peine selon la justice.

Parfois aussi, en commandant, on dit du mal

d’autrui injustement, par exemple par haine

ou par vengeance. Une telle malédiction est

illicite : "Que celui qui maudit son père ou sa

mère, meure de mort."

1002. — Il en est de même du mal qui est dit

sous forme de souhait. Car si on le souhaite

eu égard au bien, par exemple pour que

l’adversité serve à un progrès spirituel, cela

est licite "Moi, j’ai vu l’insensé fortement

enraciné et j’ai maudit sa beauté aussitôt."

Mais si l’homme fait cela pour un motif de

haine ou de vengeance, cela est absolument

illicite "Le philistin maudit David par ses

dieux."

1003. — B. Quand <l’Apôtre> ajoute : 15

réjouissez-vous avec ceux qui se réjouissent,

etc., il expose ce qui a trait à la concorde.

Et :

1) Il expose d’abord des exemples de

colligitur efficax amicitiae argumentum.

Eccli. XII, 9. — in malitia illius, id est in

infortunio, amicus cognitus est. Et hoc

ipsum est delectabile cognoscere aliquem

sibi esse verum amicum. Alio modo, quia ex

hoc ipso quod amicus condolet, videtur se

offerre ad simul portandum onus

adversitatis, quod tristitiam causat. Et

quidem levius portatur quod portatur a

pluribus, quam ab uno solo. Secundo,

concordia consistit in unitate sententiae, et

quantum ad hoc dicit idipsum, id est idem

sitis, invicem sentientes, ut scilicet in eadem

sententia conveniatis. 1 Co I, 10. — sitis

perfecti in eodem sensu, et in eadem

sententia. Phil. II, 2. — eamdem charitatem

habentes unanimes, idipsum sentientes.

Sciendum est tamen, quod duplex est

sententia. Una quidem quae pertinet ad

iudicium intellectus circa speculabilia, puta

circa considerationes geometricas vel

naturales : dissentire autem in talibus non

repugnat amicitiae vel charitati, quia

charitas in voluntate est. Huiusmodi autem

iudicia non proveniunt ex voluntate, sed ex

necessitate rationis. Alia vero sententia

pertinet ad iudicium rationis circa agenda, et

in talibus dissensio amicitiae contrariatur :

quia talis dissensio habet contrarietatem

voluntatis. Et quia fides non solum est

speculativa sed etiam practica, inquantum

per dilectionem operatur, ut dicitur Gal. V,

6, ideo etiam dissentire a recta fide, est

contrarium charitati. Deinde cum dicit non

alta sapientes, etc., excludit impedimenta

concordiae, quae quidem sunt duo. Primum

est superbia, ex qua contingit quod dum

aliquis inordinate suam excellentiam quaerit

et subiectionem refugit, vult alium subiici et

eius excellentiam impedire. Et ex hoc

sequitur discordia. Prov. XIII, 10. — inter

superbos semper iurgia sunt. Et ideo ad hoc

removendum dicit non sitis alta sapientes,

ut scilicet inordinate vestram excellentiam

appetatis. Supra XI, 20. — noli altum

sapere, sed time. Eccli. III, 22. — altiora te

concorde.

2) Ensuite, il écarte ses obstacles [n° 1006] :

n’aspirant pas à ce qui est élevé, etc.

1004. — 1. Or la concorde915

peut être

considérée de deux manières [n° 1005] :

a. D’abord, quant à ses effets dans les maux et

dans les biens :

— Dans les biens, lorsqu’on se réjouit du bien

des autres; ce qui fait dire <à l’Apôtre> :

réjouissez-vous, c’est-à-dire vous devez

<vous réjouir>, avec ceux qui se réjouissent.

— " Si je suis immolé sur le sacrifice et

l’oblation de votre foi, je m’en réjouis et m’en

félicite avec vous tous." Mais ces paroles

doivent s’entendre de la joie du bien. Or il en

est qui se réjouissent du mal, selon ce passage

des Proverbes : "Ils se réjouissent lorsqu’ils

ont mal fait et tressaillent de joie dans les

choses les plus mauvaises." Mais ce n’est pas

dans ces choses qu’il faut se réjouir. Il est dit

de la charité qu’" elle ne se réjouit pas de

l’iniquité, mais <qu’>elle met sa joie dans la

vérité."

— Au contraire dans les maux, lorsqu’on

s’attriste des maux d’autrui; aussi <l’Apôtre>

ajoute-t-il : pleurez, c’est-à-dire vous devez

<pleurer>, avec ceux qui pleurent. — "Je

pleurais autrefois sur celui qui était affligé."

Et encore : "Ne manque pas de consoler ceux

qui pleurent et marche avec ceux qui sont

dans le deuil " En effet, la compassion d’un

ami qui s’afflige avec nous apporte de la

consolation dans les tristesses de deux

manières :

Premièrement, parce qu’on y recueille une

preuve efficace d’amitié : "Dans son

malheur", c’est-à-dire dans l’infortune, "l’ami

se fait connaître." Il est même doux de

constater que l’on a un véritable ami.

Deuxièmement, par cela même qu’un ami

s’afflige avec nous, il semble s’offrir à porter

sa part du fardeau de l’adversité qui cause la

tristesse. Et un fardeau porté par plusieurs est

assurément plus léger que celui qui est porté

par un seul.

1005. — b. Ensuite,916

la concorde consiste

915

Lieux parallèles sur la joie comme effet de la charité et sa compatibilité avec la tristesse : Somme

Théologique 2 Q. 28, a. 1 et 2 Q. 35, a. 2. —. -Sur le rôle de la compassion des amis Somme

Théologique 1a Q. 38, a. 3 Super lob 2, 11, lect. 2 Ethic. 9, lect. 13 11171 a 21-1171 b 20).

ne quaesieris. Sed sitis consentientes

humilibus, id est his quae sunt humilia, id

est quae abiecta videntur non recusetis cum

oportuerit. Ps. LXXXIII, 11. — elegi

abiectus esse in domo Dei mei. I Petr. ult. :

humiliamini sub potenti manu Dei, et cetera.

Secundum impedimentum concordiae est

praesumptio sapientiae, vel etiam

prudentiae, ex qua contingit quod aliquis

aliorum sententiae non credit. Ad quod

removendum dicit nolite esse prudentes

apud vosmetipsos, ut scilicet iudicetis solum

id esse prudentiae quod vobis videtur. Is. V,

21. — vae qui sapientes estis in oculis

vestris, et coram vobismetipsis prudentes.

Supra XI, 25. — ut non sitis vobismetipsis

sapientes. Deinde, cum dicit nulli malum

pro malo, etc., docet illa quae pertinent ad

beneficentiam, excludendo contrarium. Et

primo docet quod non sit alicui

malefaciendum ratione vindictae; secundo

docet quod non sit alicui malefaciendum

ratione defensionis, ibi non vosmetipsos

defendentes. Circa primum tria facit. Primo

prohibet vindictam dicens nulli malum pro

malo reddentes, scilicet sitis. Ps. VII, 5. —

si reddidi retribuentibus mihi mala. I Petr.

III, v. 9. — non reddentes malum pro malo.

Sed hoc est intelligendum formaliter, sicut

supra dictum est de maledicto : prohibemur

enim affectu odii vel invidiae reddere

malum pro malo, ita quod in malo alterius

delectemur. Sed si pro malo culpae quod

quis facit, reddat iudex malum poenae

secundum iustitiam ad compensandam

malitiam, materialiter quidem infert malum,

sed formaliter et per se infert bonum. Unde

cum iudex suspendit latronem pro

homicidio, non reddit malum pro malo sed

magis bonum pro malo. Et hoc modo

apostolus quemdam pro peccato incestus

tradidit Satanae in interitum carnis, ut

spiritus salvus fieret, ut habetur 1 Co V, 5.

Secundo docet quod etiam bona sint

proximis exhibenda, dicens providentes,

scilicet sitis, bona non tantum coram Deo,

dans une unité de sentiments. A ce propos

<l’Apôtre> dit : 16 ayez les mêmes

sentiments les uns envers les autres, c’est— à-

dire soyez unanimes afin de vous réunir dans

le même sentiment : "<Soyez> affermis dans

le même esprit et dans les mêmes sentiments."

Et : "Comblez ma joie, étant dans les mêmes

sentiments, ayant la même charité, la même

âme, la même pensée." Il faut savoir

cependant qu’il y a deux sortes de sentiments.

L’un qui touche au jugement de l’intelligence

dans ce qui est d’ordre spéculatif, par

exemple dans les considérations relatives à la

géométrie ou de la nature. Le dissentiment sur

de tels sujets ne s’oppose pas à l’amitié ou à

la charité, parce que la charité est dans la

volonté. Or les jugements de cette nature ne

procèdent pas de cette volonté, mais d’une

nécessité de raisonnement. L’autre sorte de

sentiment touche au jugement de la raison

concernant les choses à accomplir. Sur ces

sujets, le dissentiment s’oppose à l’amitié,

parce que ce dissentiment met la volonté en

opposition. Et comme la foi n’est pas

seulement spéculative, mais aussi pratique, en

tant qu’elle "opère par la charité", comme il

est dit dans les Galates, pour cette même

raison, être en désaccord avec la vraie foi

c’est s’opposer à la charité.

1006. — 2. Lorsqu’il dit917

— n’aspirant pas à

ce qui est élevé, etc., <l’Apôtre> écarte les

obstacles à la concorde. Ces obstacles sont au

nombre de deux :

a. Le premier est l’orgueil, qui fait qu’en

recherchant d’une manière immodérée sa

propre excellence et en fuyant la soumission,

on veut se soumettre autrui et empêcher son

excellence. Et de là naît la discorde : "Entre

les orgueilleux, il y a toujours des querelles."

Dans le dessein d’écarter cet orgueil,

<l’Apôtre> dit n’aspirant pas à ce qui est

élevé, c’est-à-dire ne recherchez pas

immodérément votre propre excellence : "Ne

songe pas à t’élever, mais crains." Et : "Les

choses qui sont au-dessus de toi, ne les

cherche pas."

916 Lieu parallèle Somme Théologique 2 Q. 2 a. 3, sol. 2.

917 Lieux parallèles : Somme Théologique 2-2 Q. 29, a. 1, sol. 3; Q. 132, a. 5; Q. 162, a. 1."

ut scilicet curetis satisfacere conscientiae

vestrae coram Deo, sed etiam coram

omnibus hominibus, ut scilicet ea faciatis

quae hominibus placeant. 1 Co X, 32 s. :

sine offensione estote Iudaeis, et gentibus, et

Ecclesiae Dei, sicut et ego per omnia

omnibus placeo. 2 Co VIII, 21. —

providentes bona non solum coram Deo, sed

etiam coram omnibus hominibus. Hoc

tamen contingit et bene et male fieri. Si

enim hoc fiat propter favorem humanum,

non bene agitur. Matth. VI, 1. — attendite

ne iustitiam vestram faciatis coram

hominibus, ut videamini ab eis. Si autem

hoc fiat ad gloriam Dei, bene agitur,

secundum illud Matth. c. V, 6. — sic luceat

lux vestra coram hominibus, ut videant

opera vestra bona, et glorificent patrem

vestrum qui in caelis est. Tertio assignat

rationem utriusque dictorum. Ad hoc enim

debemus abstinere a retributione malorum,

et coram hominibus bona providere, ut cum

hominibus pacem habeamus, et ideo subdit

cum omnibus hominibus pacem habentes,

Hebr. ult. : pacem sequimini cum omnibus.

Sed hic addit duo, quorum primum est quod

dicit si fieri potest. Quandoque enim malitia

aliorum impedit ne cum eis pacem habere

possimus, quia scilicet cum eis pax haberi

non potest, nisi eorum malitiae consentiatur,

quam quidem pacem constat esse illicitam.

Unde dominus dicit Matth. X, 34. — non

veni pacem mittere, sed gladium. Aliud

autem addit dicens quod ex vobis est,

scilicet et si ipsi contra pacem agant, tamen

quod in nobis est facere nos debemus, ut

eorum pacem quaeramus. Ps. CXIX, 7. —

cum his qui oderunt pacem eram pacificus.

Et alibi : inquire pacem et persequere eam.

Deinde, cum dicit non vosmetipsos

defendentes, etc., ostendit quod non sunt

mala proximis inferenda per modum

defensionis. Et primo ponit documentum,

dicens non sitis vosmetipsos defendentes, o

charissimi, sicut de Christo dicitur Is. l, 6.

Mais vous laissant attirer par ce qui est

humble, c’est-à-dire ne repoussez pas selon

l’opportunité les choses humbles qui semblent

abjectes : "J’ai choisi d’être abject dans la

maison de mon Dieu." Et : "Humiliez-vous

sous la puissante main de Dieu, pour qu’il

vous exalte au temps de sa visite."

b. Le second obstacle à la concorde est de se

présumer sage ou même prudent; ce qui fait

qu’on ne croit pas à l’opinion des autres. Pour

écarter cet obstacle, <l’Apôtre> dit : Ne soyez

pas prudents à vos propres yeux, à savoir de

telle sorte que vous jugiez qu’il n’y a de

prudent que ce qui vous semble tel : "Malheur

à vous qui êtes sages à vos yeux, et qui êtes

prudents vis-à-vis de vous-mêmes " <Et

l’Apôtre disait> plus haut : "afin que vous ne

soyez pas sages à vos propres yeux."

1007. — C. En ajoutant : 17 ne rendant à

personne le mal pour le mal, etc., <l’Apôtre>

montre ce qui appartient à la bienfaisance, en

écartant ce qui lui est opposé. Et :

1) Il enseigne d’abord qu’on ne doit faire du

mal à qui que ce soit sous prétexte de

vengeance.

2) Puis, qu’on ne doit faire du mal à qui que

ce soit sous prétexte de défense [n° 1011] : 19

ne vous défendant point vous-mêmes, etc.

1008. — 1. Sur le premier point il fait trois

choses918

a. Il défend d’abord la vengeance, en disant :

ne rendant à personne le mal pour le mal,

c’est-à-dire soyez <ainsi> : "Si j’ai rendu le

mal à ceux qui m’en ont fait." Et : "Ne

rendant point mal pour mal, ni malédiction

pour malédiction; mais au contraire, bénissant

parce que c’est à cela que vous avez été

appelés, afin de posséder la bénédiction en

héritage." Mais il faut entendre cela de

manière formelle, comme on l’a dit plus haut

de la malédiction : car il nous interdit de

rendre, par un sentiment de haine ou de

vengeance, le mal pour le mal, en ce sens que

nous nous réjouissions du mal d’autrui.

Toutefois, si pour le mal dû à une faute

918 Lieux parallèles S. IaII. 2a-2 Q. 64, a. 2; Q. 65, a. 1, 2 et 3; Q. 108, a. ls. ; Q. 158, a. 3; 3 15, a. 9; De

malo, Q. 12, a. 1; a. 3, sol. 5.

— dedi corpus meum percutientibus, et

genas meas vellentibus. Et Is. LIII, 7. —

quasi agnus coram tondente se obmutuit, et

cetera. Unde et ipse dominus mandavit

Matth. V, 39. — si quis te percusserit in

una maxilla, praebe ei etiam alteram. Sed,

sicut Augustinus dicit in libro contra

mendacium, ea quae in novo testamento a

sanctis facta sunt, valent ad exempla

intelligendarum Scripturarum, quae in

praeceptis data sunt. Ipse autem dominus

cum alapa percussus esset, non ait : ecce

altera maxilla; sed : si male locutus sum,

testimonium perhibe de malo; si autem

bene, quid me caedis ? Ubi ostendit

praeparationem alterius maxillae in corde

esse faciendam. Paratus enim fuit dominus

non solum in altera caedi pro salute

hominis, sed in toto corpore crucifigi. Et

sicut Augustinus dicit ad Marcellinum, tunc

quidem hoc mandatum recte fit cum ei

creditur profuturum esse propter quem fit,

ad operandam in eo correctionem atque

concordiam, etiam si alius exitus

consequatur. Sunt igitur ista praecepta

patientiae semper in cordis praeparatione

retinenda et ipsa benevolentia, ne reddatur

malum pro malo, semper in voluntate

complenda est. Agenda sunt autem et multa

etiam cum invitis benigna quadam asperitate

plectendis. Secundo assignat rationem, cum

dicit sed date locum irae, id est divino

iudicio. Quasi diceret : committatis vos

Deo, qui suo iudicio potest vos defendere et

vindicare, secundum illud I Petr. ult. :

omnem sollicitudinem vestram proiicientes

in eum, quoniam ipsi cura est de vobis. Sed

haec intelligenda sunt in casu in quo nobis

non adest facultas aliter faciendi secundum

iustitiam; sed quia, ut dicitur Deut. I, v. 17.

— domini est iudicium, cum aliquis

auctoritate iudicis, vel vindictam quaerit ad

comprimendam malitiam et non propter

odium, vel etiam cum auctoritate alicuius

superioris suam defensionem procurat,

intelligitur locum dare irae, id est divino

iudicio, cuius ministri sunt principes, ut

commise par un individu, le juge, selon la

justice, inflige le mal de la peine

proportionnellement à la malice <de la faute>,

matériellement ce juge inflige un mal, mais

formellement et en soi il fait le bien. Par

conséquent, lorsque le juge fait pendre au

gibet un bandit convaincu d’homicide, il ne

rend pas le mal pour le mal, mais plutôt le

bien pour le mal. C’est ainsi que l’Apôtre

livra à Satan un fidèle coupable d’inceste

"pour la mort de sa chair, afin que son esprit

soit sauvé au jour de Notre Seigneur Jésus-

Christ, comme il le rapporte dans sa première

épître aux Corinthiens919

.

1009. b. Puis, <l’Apôtre> enseigne qu’il

faut encore faire le bien au prochain, en disant

: vous préoccupant, c’est-à-dire soyez

préoccupés, de ce qui est bien, non seulement

devant Dieu, c’est-à-dire pour que vous ayez

soin de satisfaire votre conscience devant

Dieu, mais aussi devant tous les hommes,

c’est-à-dire pour que vous accomplissiez ce

qui plaît aux hommes "Ne soyez une occasion

de scandale ni pour les Juifs, ni pour les

Gentils, ni pour l’Eglise de Dieu; comme

moi-même je m’efforce de plaire à tous en

toutes choses, ne cher chant pas mon propre

intérêt, mais celui du plus grand nombre, afin

qu’ils soient sauvés." Et encore "Nous nous

préoccupons de ce qui est bien, non seulement

devant Dieu, mais aussi devant les hommes."

Or cela peut se faire ou en bien ou en mal. En

effet, si cela se fait en vue de gagner la faveur

des hommes, cette action n’est pas bonne,

<selon ce verset de Matthieu> "Prenez garde

à ne pas faire votre justice devant les hommes

pour être vus d’eux; autrement vous n’auriez

pas de récompense auprès de votre Père qui

est dans les cieux." Mais si cela se fait en vue

de la gloire de Dieu, c’est une bonne action,

selon cet autre verset de Matthieu "Qu’ainsi

donc luise votre lumière devant les hommes,

afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et qu’ils

glorifient votre Père qui est dans les cieux."

1010. — c. Enfin,920

<l’Apôtre> donne la

raison de ces deux exhortations. En effet,

nous devons nous abstenir de rendre le mal

919

Lieu parallèle t Somme Théologique 2 Q. 40, a. 1, sol. 2. 920

Lieux parallèles Somme Théologique 2 Q. 29, a. 1; 3 Sentences dist. 27, Q. 2, a. 1, sol. 6.

dicitur infra XIII, 4. Unde etiam Paulus

procuravit se per armatos defendi contra

insidias Iudaeorum, ut patet Act. XXIII, 12

ss. Deinde, cum dicit sicut scriptum est, etc.,

probat quod dixerat. Et primo per

auctoritatem; secundo per rationem, ibi noli

vinci a malo, et cetera. Circa primum duo

facit. Primo probat quod dictum est de

prohibitione vindictae, dicens dictum est :

date locum irae, id est divino iudicio,

scriptum est enim, Deut. XXXII, 35, mihi

vindictam, scilicet servate, et ego retribuam,

dicit dominus. Nostra littera sic habet : mea

est ultio, et ego retribuam eis in tempore.

Ps. XCIII, 1. — Deus ultionum dominus.

Nahum I, 2. — Deus aemulator et ulciscens

dominus. Secundo probat per auctoritatem,

quod dictum est de benevolentia exhibenda

inimicis. In qua quidem auctoritate, primo,

ponit documentum ut subveniamus inimicis

in articulo necessitatis, quia hoc est de

necessitate praecepti, ut supra dictum est. Et

hoc est quod dicit sed, si esurierit inimicus

tuus, ciba illum; si sitit, potum da illi.

Matth. V, v. 44. — benefacite his qui

oderunt vos. Secundo rationem assignat,

dicens hoc enim faciens, carbones ignis

congeres super caput eius. Quod quidem

uno modo potest intelligi in malum, ut sit

sensus : si tu ei benefacias, bonum tuum

vertetur ei in malum, quia ex hoc incurret

combustionem ignis aeterni per suam

ingratitudinem. Sed iste sensus repugnat

charitati, contra quam ageret, qui alicui

subveniret ut ei proveniret in malum. Et

ideo est exponendum in bonum, ut sit

sensus hoc enim faciens id est, in necessitate

ei subveniens, carbones ignis, id est

amorem charitatis de qua dicitur Cant. VIII,

v. 6. — lampades eius, ut lampades ignis

atque flammarum congeres, id est,

congregabis, super caput, id est, super

mentem eius. Quia, ut Augustinus dicit in

libro de catechizandis rudibus, nulla est

maior provocatio ad amandum, quam

praevenire amando. Nimis enim durus

aux méchants et nous préoccuper de ce qui est

bien devant les hommes, afin d’avoir la paix

avec <tous>; et c’est pourquoi <l’Apôtre>

continue <en disant :> : 18 ayant la paix avec

tous les hommes. — "Recherchez la paix avec

tous." Mais il y ajoute deux choses, dont la

première est : S’il se peut. Car la malice

d’autrui empêche parfois que nous puissions

avoir la paix avec lui, à savoir parce qu’on ne

peut avoir la paix avec lui sans donner son

assentiment à sa malice. Cette paix est

évidemment illicite, aussi le Seigneur dit-il :

"Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le

glaive." Il ajoute l’autre chose, en disant :

autant qu’il dépend de vous, c’est-à-dire que

si eux-mêmes agissent contre la paix, nous

devons faire ce qui est en notre mesure pour

chercher à leur obtenir la paix : "Avec ceux

qui haïssent la paix, j’étais pacifique." Et

encore : "Cherche la paix et poursuis-la."

1011.. En disant ensuite : 19 ne vous

défendant point vous-mêmes, etc., <l’Apôtre>

montre qu’il ne faut pas faire du mal au

prochain sous prétexte de défense.

a. Il commence par donner un modèle, en

disant : ne vous défendez point vous-mêmes,

<mes> bien-aimés, comme il écrit à propos

du Christ : "J’ai abandonné mon corps à ceux

qui <me> frappaient, mes joues à ceux qui

arrachaient ma barbe." Et encore : "Comme

une brebis, il sera conduit à la tuerie, et

comme un agneau devant celui qui le tond, il

sera muet, et il n’ouvrira pas sa bouche."

D’où ce commandement du Seigneur lui-

même "Si quelqu’un te frappe sur la joue

droite, présente-lui encore l’autre921

." Mais,

comme le dit Augustin922

dans son livre Sur le

mensonge, les actes des saints dans le

Nouveau Testament […] servent d’exemples

pour l’intelligence des Ecritures, exemples

qui <nous> ont été donnés comme préceptes.

Quant au Seigneur lui-même, ayant reçu un

soufflet, il ne dit pas Voici l’autre joue, mais :

"Si j’ai mal parlé, rends témoignage du mal;

mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu

?" Il montre par là que cette disposition <à

921 Lieu parallèle Somme Théologique 2 Q. 64, a. 7, s9 5.

922 Voir SAINT AUGUSTIN, De mendacio, XV, 26—27 (PL 40, 506-507).

animus qui dilectionem : et si nolebat

impendere, nolit rependere. Deinde, cum

dicit noli vinci a malo, etc., probat quod

dixit per rationem. Naturale est enim homini

ut velit adversarium vincere et non vinci ab

eo. Illud autem ab aliquo vincitur, quod ad

illud trahitur, sicut aqua vincitur ab igne

quando trahitur ad calorem ignis. Si ergo

bonus aliquis homo, propter malum quod

sibi ab aliquo infertur, trahatur ad hoc quod

ei male faciat, bonus a malo vincitur. Si

autem e contrario propter beneficium quod

bonus persecutori exhibet, eum ad suum

amorem trahat, bonus malum vincit. Dicit

ergo noli vinci a malo, scilicet eius qui te

persequitur, ut tu eum persequaris, sed in

bono tuo vince malum illius, ut scilicet ei

benefaciendo, eum a malo trahas. I Io. ult. :

haec est victoria quae vincit mundum, fides

nostra. Ier. XV, 19. — ipsi convertentur ad

te, et tu non converteris ad eos.

présenter> l’autre joue doit se faire dans le

cœur. Car le Seigneur ne fut pas seulement

disposé à être frappé sur l’autre <joue> pour

le salut des hommes, mais encore à être

crucifié dans tout son corps. Et comme le dit

Augustin <dans sa lettre> A Marcellin, < met

ce commandement en pratique avec rectitude

lorsqu’on croit que <son accomplissement>

sera utile à celui pour lequel on l’accomplit,

<c’est-à-dire> pour opérer en lui la correction

et la concorde, même s’il s’ensuit un autre

résultat. […] Par conséquent, ces préceptes de

patience doivent toujours être retenus dans la

disposition du cœur, comme la bienveillance

elle-même doit toujours être exécutée dans la

volonté, afin de ne pas rendre le mal pour le

mal. Mais il faut également faire beaucoup de

choses contre le gré de personnes qu’on doit

frapper avec une sorte de bienveillante

sévérité923

."

1012. — b. Puis <l’Apôtre> en donne la

raison, lorsqu’il dit : mais faites place à la

colère, c’est-à-dire au jugement divin924

.

Comme s’il disait : Confiez-vous à Dieu qui,

par son jugement, peut vous défendre et vous

venger, selon ce verset de la première épître

de Pierre : "Rejetant en lui toute votre

sollicitude, parce qu’il a lui-même soin de

vous." Il faut comprendre ces paroles dans le

cas où nous ne pouvons faire autrement selon

la justice; mais parce que, selon le

Deutéronome, "c’est le jugement de Dieu ",

lorsqu’on recourt à l’autorité d’un juge, soit

pour demander la vengeance en vue de

réprimer la malice, sans agir par motif de

haine, soit encore lorsqu’on se met à couvert

sous l’autorité d’un supérieur. Tel est le sens

de faites place à la colère, c’est-à-dire au

jugement de Dieu, dont les princes sont les

ministres, comme le dit <l’Apôtre> au

chapitre 13, 6. Ainsi Paul eut-il soin de se

défendre par des soldats contre les embûches

des Juifs, comme on le voit au chapitre 23 des

Actes des Apôtres.

1013. — II. Lorsque <l’Apôtre> dit car il est

923

Voir SAINT AUGUSTIN, Lettre CXXXVIII, 11, 11 et 14 (PL 33, 529-531; CSEL 44, 136-137 et

139-141). 924 Voir Glosa in Rom. XII, 19 (GPL, col. 1502 C).

écrit, etc., il prouve ce qu’il avait avancé. Et

A) D’abord, par l’autorité <scripturaire>.

B) Puis, par le raisonnement [n° 101 5] 21 Ne

te laisse pas vaincre par le mal, etc.

1014. — A. Sur le premier point il fait deux

choses :

1. Il prouve d’abord ce qu’il a dit sur

l’interdiction de la vengeance faites place à la

colère, c’est-à-dire au jugement divin, car il

est écrit : A moi est la vengeance, c’est-à-dire

réservez-la-moi, et c’est moi qui

rétribuerai925

, dit le Seigneur. Notre version lit

ainsi : "A moi est la vengeance, et c’est moi

qui > les "rétribuerai en son temps " Il est

écrit au psaume 93. — "Le Seigneur est le

Dieu des vengeances." Et au livre de Nahum :

"C’est un Dieu jaloux et qui se venge, le

Seigneur."

2. Ensuite il prouve par l’autorité

<scripturaire> ce qui a été dit de la

bienveillance qu’on doit témoigner à ses

ennemis. En s’appuyant sur cette autorité il

commence par donner un enseigne ment, à

savoir qu’il faut secourir ses ennemis en cas

de nécessité, parce que c’est une nécessité de

précepte, ainsi qu’on l’a dit plus haut. C’est

ce que <l’Apôtre> dit ici : 20 Au contraire si

ton ennemi a faim, donne-lui à manger; s’il a

soif; donne-lui à boire. "Faites du bien à ceux

qui vous haïssent." Puis il en donne la raison,

en disant : car, ce faisant, tu amasseras des

charbons de feu sur sa tête. Or cela peut être

interprété en mal; en voici le sens : Si toi, tu

lui fais du bien, ton bien se tournera pour lui

en mal, puisque ce bien <lui> fera encourir le

châtiment du feu éternel en punition de son

ingratitude. Mais cette interprétation répugne

à la charité, contre laquelle agirait celui qui

viendrait au secours de son prochain pour

qu’il lui en arrive du mal. Par conséquent il

faut interpréter ce passage en bien; en voici le

sens car, ce faisant, c’est-à-dire en le

secourant dans la nécessité, tu amasseras, à

savoir tu rassembleras, sur sa tête, c’est-à-dire

sur son esprit, des charbons de feu, à savoir

l’amour de charité926

, dont il est dit : "Ses

925

Dt 32, 35 "Mihi vindictam" version de la Vetus latina, voir DOM SABATIER, Bibi. sacr., t. III

(Textus et notae ad versionem antiquam), p. 642. Voir aussi He 10, 30 (DOM SABATIER, p. 924). 926

Voir Glosa in Rom. XII, 20 (GPL, col. 1503 B).

lampes sont des lampes de feu et de

flammes."

Car, comme le dit Augustin dans son ouvrage

La catéchèse des débutants, "il n’est pas, en

effet, d’appel plus grand à l’amour que de le

prévenir en aimant; et trop dur serait le cœur

qui, s’étant refusé à débourser de l’amour, se

refuserait à le rembourser927

."

1015. — B. En disant : 21 Ne te laisse pas

vaincre par le mal, etc., <l’Apôtre> prouve ce

qu’il a dit par le raisonnement. Car il est

naturel à l’homme de vouloir vaincre son

adversaire et de ne pas se laisser vaincre par

lui. Or celui-là est vaincu par son adversaire

qui est entraîné vers lui, comme l’eau est

vaincue par le feu lorsqu’elle est attirée vers

la chaleur du feu. Si donc un homme de bien,

en raison du mal que quelqu’un lui inflige, est

entraîné à lui faire du mal <à son tour>, le

bon est vaincu par le méchant928

. Mais si au

contraire, en raison du bien qu’un homme bon

fait à son persécuteur, il l’attire à son amour,

le bon vainc le méchant. <L’Apôtre> dit donc

: Ne te laisse pas vaincre par le mal, à savoir

celui que te fait celui qui te persécute, jusqu’à

le persécuter toi-même, mais sois vainqueur

de son mal par ton bien, à savoir de telle sorte

qu’en lui faisant du bien tu le tires du mal "La

victoire qui triomphe du monde, c’est notre

foi " Et : "Eux-mêmes se tourneront vers toi,

et toi, tu ne te retourneras pas vers eux."

Caput 13 CHAPITRE 13

Lectio 1 Leçon 1 [Versets 1 à 7]

[n° 1016] 1 Que toute âme soit soumise aux

pouvoirs supérieurs, car il n’y a point de

pouvoir qui ne vienne de Dieu; et ceux qui

sont ont été établis par Dieu.

[n° 1025] 2 C’est pourquoi celui qui résiste au

927

SAINT AUGUSTIN, De catechizandis rudibus IV, 7 (BA 11/1, 64-65). 928

Il est certainement possible de rapprocher cet enseignement de celui de Gandhi et de Lanza del

Vasto sur la non-violence, laquelle consiste à dire non à la violence, non à lui céder passivement

répondre au mal par le mal, c’est entrer dans le cercle du mal et se laisser vaincre par lui. Mais on ne

saurait trouver chez saint Thomas une condamnation de l’usage de la force lorsqu’il s’agit de

maintenir la paix â l’intérieur comme à l’extérieur : la peine de mort dûment appliquée (voir le

paragraphe 1008; Somme Théologique 1 Q. 100, a. 8, sol. 3; 2 Q. 25, a. 6, sol. 2; Q. 64, a. 2; Q. 108, a.

3; 3 Contra Gentiles c. 146; De virtut., Q. 2, a. 8, sol. 10; Col!, in decem praec., cap. de quint.

praecept.) ou la guerre légitime (Somme Théologique 2 Q. 40, a. 1) sont œuvre de justice.

pouvoir résiste à l’ordre <voulu> de Dieu; or

ceux qui résistent attirent sur eux-mêmes une

condamnation.

[n° 1029] 3 Car les princes ne sont pas un

sujet de crainte quant aux bonnes œuvres,

mais quant aux mauvaises. Or veux-tu ne pas

craindre le pouvoir ? Fais le bien, et il te

louera.

[n° 1034] 4 Car il est pour toi le ministre de

Dieu en vue du bien. Que si tu fais le mal,

crains; car ce n’est pas en vain qu’il porte le

glaive, puisqu’il est le ministre de Dieu,

vengeur pour la colère envers celui qui fait le

mal.

[n° 1036] 5 C’est pourquoi soyez soumis par

nécessité, non seulement à cause de la colère,

mais encore à cause de la conscience.

[n° 1037] 6 C’est aussi pourquoi vous payez

des tributs; car il s’agit de ministres de Dieu

pour cela même qu’ils le servent.

[n° 1042] Rendez donc à tous ce qui leur est

dû, à qui le tribut, le tribut; à qui la taxe, la

taxe; à qui la crainte, la crainte; à qui

l’honneur, l’honneur.

[86222] Super Rom., cap. 13 l. 1 Postquam

apostolus ostendit qualiter se debeat homo

exhibere Deo, utendo donis gratiae eius hic

ostendit quomodo debeat se exhibere

proximo : et primo quantum ad superiores;

secundo quantum ad omnes, ibi nemini

quicquam debeatis, et cetera. Circa primum

duo facit. Primo inducit homines ad

subiectionem quam debent superioribus;

secundo ad exhibendum subiectionis

signum, ibi ideo et tributa praestatis, et

cetera. Circa primum tria facit. Primo

proponit documentum; secundo rationem

assignat, ibi non enim est potestas, etc.;

tertio infert conclusionem intentam, ibi

ideoque, et cetera. Circa primum

considerandum est quod quidam fideles in

primitiva Ecclesia dicebant terrenis

potestatibus se subiici non debere propter

libertatem, quam consecuti erant a Christo,

secundum illud Io. VIII, v. 36. — si filius

vos liberaverit, vere liberi eritis. Sed

libertas per Christum concessa, est libertas

spiritus qua liberamur a peccato et morte,

sicut supra VIII, 2 dictum est : lex spiritus

in Christo Iesu liberavit me a lege peccati et

1016. — Après avoir montré comment

l’homme doit se comporter à l’égard de Dieu,

en usant des dons de sa grâce [n° 953],

l’Apôtre montre ici comment il doit se

comporter à l’égard du prochain; et

— D’abord, à l’égard de ses supérieurs.

— Puis, à l’égard de tous [n° 1044] Ne devez

rien à personne, etc.

Sur le premier point il fait deux choses

I) Il exhorte les hommes à la soumission

qu’ils doivent à leurs supérieurs.

II) Puis, à donner un signe de cette

soumission [n° 1037] : 6 C’est aussi pourquoi

vous payez des tributs, etc.

I. À propos de son exhortation à la

soumission

A) Il commence par proposer un

enseignement.

B) Puis, il en donne la raison [n° 1020] car il

n’y a point de pouvoir, etc.

C) Enfin, il en tire la conclusion qu’il s’était

proposée [n° 1036] : 5 C’est pourquoi soyez

soumis, etc.

1017. — A. Touchant son enseignement sur la

soumission, il faut remarquer que dans

l’Eglise primitive certains fidèles prétendaient

mortis. Caro autem adhuc remanet servituti

obnoxia, sicut supra dictum est. Et ideo tunc

nulli subiectioni homo, per Christum

liberatus, erit obnoxius, nec spirituali

scilicet, nec carnali. Unde dicitur 1 Co XV,

24. — cum tradiderit Christus regnum Deo

patri, et evacuaverit omnem principatum et

potestatem. Interim autem dum

corruptibilem carnem gerimus, oportet nos

dominis carnalibus subiacere. Unde dicitur

Eph. VI, 5. — servi, obedite dominis

carnalibus. Et hoc est etiam quod hic

apostolus dicit omnis anima potestatibus

sublimioribus subdita sit. Potestates autem

sublimiores hic dicuntur homines in

potestatibus constituti, quibus secundum

iustitiae ordinem subiici debemus. I Petr. II,

23. — subditi estote omni humanae

creaturae propter Deum, sive regi quasi

praecellenti, sive ducibus, tamquam ab eo

missis, et cetera. Dicit autem indefinite

potestatibus sublimioribus, ut ratione

sublimitatis officii eis subiiciamur, etiam si

sint mali. Unde I Petr. II, 18 subditur :

subiecti estote non tantum bonis et modestis,

sed etiam dyscolis. Quod autem dicitur

omnis anima, per synecdochen intelligitur

omnis homo, sicut et Gen. XVII, 14. —

delebitur anima illa de populo suo. Utitur

autem hoc modo loquendi, quia

subiectionem superioribus debemus ex

animo, id est ex pura voluntate, secundum

illud Eph. c. VI, 6 s. : non ad oculum

servientes, quasi hominibus placentes, sed

ex animo cum bona voluntate. Deinde cum

dicit non est enim potestas, etc., ponit

rationem admonitionis praemissae. Primo

quidem ex parte honesti; secundo ex parte

necessarii, ibi qui autem resistunt, et cetera.

Circa primum duo facit. Primo praemittit

duo principia; secundo ex eis concludit, ibi

itaque qui resistit, et cetera. Primo enim

praemittit originem potestatis, dicens non

est enim potestas nisi a Deo. Quicquid enim

communiter de Deo et creaturis dicitur, a

Deo in creaturas derivatur, sicut patet de

sapientia, Eccli. I, 1. — omnis sapientia a

ne pas devoir se soumettre aux pouvoirs

terrestres, en vertu de la liberté qu’ils avaient

acquise par le Christ, selon ce verset de Jean :

"Si le Fils vous libère, vous serez vraiment

libres." Mais la liberté accordée par le Christ,

c’est la liberté de l’esprit, par laquelle nous

sommes libérés du péché et de la mort ",

comme on l’a dit plus haut "La Loi de l’esprit

de vie dans le Christ Jésus m’a libéré de la

Loi du péché et de la mort." Toutefois la chair

demeure encore soumise à la servitude,

comme on l’a dit ci-dessus [n° 563s]. Par

conséquent il y aura un temps où, libéré par le

Christ, l’homme ne sera plus soumis à aucune

servitude, qu’elle soit spirituelle ou charnelle.

C’est pourquoi il est dit : "Puis ce sera la fin,

quand <le Christ> remettra la royauté à Dieu

le Père, après avoir détruit toute principauté,

tout pouvoir et toute puissance." Mais

cependant, tant que nous portons cette chair

corruptible, il nous faut être soumis aux

maîtres selon la chair. Aussi est-il dit :

"Esclaves, obéissez à vos maîtres selon la

chair, avec crainte et tremblement, dans la

simplicité de votre cœur, comme au Christ

même." Tel est bien ce que dit ici l’Apôtre : 1

Que toute âme soit soumise aux pouvoirs

supérieurs. Or on appelle ici pouvoirs

supérieurs les hommes qui ont été établis dans

ces pouvoirs, pouvoirs auxquels, suivant

l’ordre de la justice, nous devons être soumis :

"Soyez soumis à toute créature humaine à

cause de Dieu; soit au roi, comme étant au-

dessus des autres, soit aux gouverneurs,

comme envoyés par lui pour la punition de

ceux qui font le mal et la louange des bons."

1018. — <L’Apôtre> dit d’une manière

indéfinie : aux pouvoirs supérieurs, pour

qu’en raison de la supériorité de leur fonction

nous leur soyons soumis, fussent-ils même

mauvais. C’est pourquoi <l’Apôtre> Pierre

ajoute : "Esclaves, soyez soumis à vos maîtres

en toute crainte, non seulement aux bons et

aux modérés, mais aussi aux difficiles."

1019. — L’expression : "toute âme" signifie,

par synecdoque929

tout homme, comme il est

dit dans la Genèse : "Cette âme sera

929

La synecdoque est une figure de rhétorique par laquelle on prend la partie pour le tout.

domino Deo est. Potestas autem de Deo et

de hominibus dicitur. Iob c. XXXVI, 5. —

Deus potestates non abiicit, cum ipse sit

potens. Unde consequens est, quod omnis

humana potestas sit a Deo. Dan. c. IV, 14.

— dominabitur excelsus in regno hominum,

et cuicumque voluerit, dabit illud. Io. XIX,

11. — non haberes potestatem adversum me

ullam, nisi tibi datum esset desuper. Sed

contra hoc esse videtur, quod dicitur Osee

VIII, 4. — ipsi regnaverunt, et non ex me :

principes extiterunt, et non cognovi. Ad hoc

dicendum est, quod regia potestas, vel

cuiuscumque alterius dignitatis potest

considerari quantum ad tria. Uno quidem

modo quantum ad ipsam potestatem, et sic

est a Deo, per quem reges regnant, ut dicitur

Prov. VIII, 15. Alio modo potest considerari

quantum ad modum adipiscendi potestatem,

et sic quandoque potestas est a Deo :

quando scilicet aliquis ordinate potestatem

adipiscitur, secundum illud Hebr. V, 4. —

nemo sibi honorem assumit, sed qui vocatur

a Deo tamquam Aaron. Quandoque vero

non est a Deo sed ex perverso hominis

appetitu, qui per ambitionem, vel

quocumque alio illicito modo potestatem

exterminée du milieu de son peuple."

<L’Apôtre> se sert de cette expression930

parce que nous devons aux supérieurs une

soumission de cœur, c’est-à-dire <une

soumission qui procède> d’une volonté sans

condition selon ce passage <de l’Apôtre aux>

Ephésiens : "obéissez à vos maîtres [...], les

servant, non à l’œil, comme pour plaire aux

hommes, mais comme des esclaves du Christ,

accomplissant de cœur la volonté de Dieu;

faisant votre service de bon gré, comme pour

le Seigneur et non pour les hommes."

1020. — B. Lorsqu’il dit : car il n’y a point

de pouvoir, etc., <l’Apôtre> donne la raison

de son exhortation. Cette raison se fonde :

1) Premièrement, sur l’honneur.

2) Deuxièmement, sur la nécessité [n° 1026] :

or ceux qui résistent, etc.

1. À propos de l’honneur :

a) Il commence par mentionner deux

principes.

b) Puis, il en tire une conclusion [n° 1025] : 2

C’est pourquoi, etc.

1021. — a. <L’Apôtre>931

commence par

mentionner l’origine du pouvoir, en disant :

car il n‘y a point de pouvoir qui ne vienne de

Dieu932

. En effet, tout ce qui se dit

930

Voir Glosa in Rom. XIII, 1 (GPL, col. 1504 A). 931

Lieux parallèles Somme Théologique I Q. 93, a. 3, sol. 2; Q. 96, a. 4, sol. 1. 932

Aucun verset de saint Paul n’a eu, pour l’histoire politique de l’Occident, des conséquences plus

importantes que celui-là. Avec le verset de Marc ("Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui

est à Dieu", 12, 17), il constitue le fondement de la doctrine poli tique chrétienne. S’adressant à des

chrétiens romains saint Paul a en vue le pouvoir de l’empereur (Néron) et celui de ses magistrats. Il

s’agit d’un pouvoir païen. Cependant, affirme saint Paul, "les pouvoirs qui existent ont été établis

(ordinatae) par Dieu s; bien que païens, ils obligent les chrétiens en conscience, de sorte qu’il y a faute

à leur désobéir. Comment cela est-il possible ? Saint Thomas s’efforce de répondre à la question. Il

commence par affirmer (n° 1017) que certains chrétiens, dans la primitive Eglise, s’esti maient

affranchis des obligations légales. Puis il articule sa réponse, laquelle touche à l’origine du pouvoir

politique et à son mode de désignation. Etant donné l’importance de son auteur, la doctnne

thomasienne a été l’objet d’innombrables commentaires et de vives discussions les partis les plus

opposés s’en sont réclamés, pour justifier parfois des préoccupations politiques assez étrangères aux

données historiques du xu’ siècle. — Depuis Rousseau, la question de l’origine du pouvoir a pris une

signification qu’elle n’avait pas avant lui qu’un homme puisse avoir légitimement autorité sur un

autre, voilà ce qui, pour un modeme, pose problème et réclame un fondement. Alors que, pour saint

Thomas (et pour saint Paul), cela va de soi la société est une réalité naturelle ordonnée au bien

commun et nécessairement dotée pour cela d’une autonté politique s’exerçant sur les sujets qui la

composent. Le pouvoir politique est aussi naturel que la société. L’interrogation porte donc, non sur

l’ongine radicale du pouvoir, mais sur sa légitimité eu égard à la Loi nouvelle le Christ ne nous a-t-il

pas affranchis de toute servitude ? La solution thomasienne est simple dans son principe dans la

mesure même où l’autorité politique est d’une nécessité de nature, elle est voulue par Dieu et vient de

lui, puisque la loi naturelle est l’expression de la Loi éternelle (Somme Théologique 1a-2ae, Q. 93, a.

adipiscitur. Amos VI, 14. — numquid non

in fortitudine nostra assumpsimus nobis

communément de Dieu et des créatures dérive

de Dieu vers les créatures, comme on le voit

3). Le pouvoir du prince et de ses officiers et magistrats est, par lui-même et en lui-même, c’est-à-dire

en dehors de ses conditions d’acqui sition et d’exercice, pouvoir de Dieu. C’est ce que saint Thomas

déclare ici même (n° 1022) en soi, le pouvoir est de Dieu et institué par Dieu. Telle est son essence.

Evidemment, considéré dans son existence, un pouvoir déterminé n’est légitime qu’à la mesure de sa

conformité à son essence, c’est-à-dire qu’à la mesure où il réalise sa fin, le bien commun, et où il

recueille le consentement de ses sujets; ces conditions étant remplies, les chrétiens doivent obéissance

de plein gré au prince non chrétien préalablement établi "Il faut ici considérer que la souveraineté

(dominium) et le directorat (praelatio) sont de droit humain, alors que la distinction des fidèles et des

infidèles est de droit divin. Or, le droit divin, qui vient de la grêce, ne supprime pas le droit humain qui

vient de la raison naturelle. C’est pourquoi la distinction des fidèles et des infidèles, prise en elle-

même, ne supprime pas la souveraineté et le directorat des infidèles sur les fidèles" (Somme

Théologique 2a-2 Q. 10, a. 10). Assurément, en régime de "chrétienté sacrale "(voir Charles

JOURNET, L’Eglise du Verbe incarné, t. I, p. 304."), l’Eglise peut suspendre le devoir d’obéissance

au prince hérétique ou apostat, encore qu’elle ne le fasse pas toujours par crainte du scandale ou par

impuissance; mais dans le cas du prince non chrétien, il ne saurait en être ainsi " Il n’appar tient pas à

l’Eglise de punir l’infidélité en ceux qui n’ont ‘amais reçu la foi> (Somme Théologique 2 Q. 12, n. 2).

On ne voit pas comment, dans ces conditions, on pourrait tirer la pensée thomasienne du côté de ce

qu’on a appelé I’ augustinisme politique’> pour lequel l’Eglise seule peut fonder un pouvoir légitime,

le pape étant l’intermédiaire obligé entre Dieu et l’empereur (dont le nom est parfois mentionné par

saint Thomas, du moins celui de Rome. Voir E. GILSON, Les Méta morphoses de la Cité de Dieu, p.

77) ou le prince à qui est déléguée la souveraineté temporelle. La preuve en est que le sacre des rois ne

leur communique pas le pouvoir de commander — pouvoir qu’ils possèdent, selon les divers modes

légitimes de sa dévolution, avant le sacre — mais " il institue ecclésialement " le pnnce et lui confère

les vertus nécessaires à sa charge " L’onction ne consacre les rois dans aucun ordre sacré, mais elle

signifie seulement que l’excellence de leur pouvoir descend du Christ, en sorte que, étant eux-mêmes

soumis au Christ, ils règnent sur le peuple chrétiens (S. Th., Suppl., Q. 19, a. 3, sol. 2). Cette

souveraineté du pouvoir temporel est affirmée constamment par saint Thomas, même dans le De

regimine(ou De regno ad regem Cypri) "On appelle roi celui à qui est dévolu le pouvoir suprême

(summa regiminis) dans tes choses humaines (II, c. 3 [n° 14], éd. Léonine, t. XLII, p. 466, 1. 84-85);

sur les réserves à observer dans l’usage théologique de ce traité inachevé, voir Jean-Pierre T0RRELL,

Initiation à saint Thomas d’Aquin. Sa personne et son œuvre, p. 247-249. — Cependant, la fin ultime

de l’existence humaine étant la Jouissance de Dieu, et non seulement la vie vertueuse qui n’en est que

le moyen, l’agent du bien vivre en société, à savoir le roi, est soumis à Celui là seul par la gràce de qui

cette fin peut être attemte, à savoir Jésus—Christ, " ce pourquoi Jésus-Christ est appelé dans

l’Ecriture, non seulement prêtre, mais aussi roi "Un roi règnera et il sera sage" (Jr 23, 5) d’où vient que

de lui découle un sacerdoce royal. Et qui mieux est, tous les fidèles du Christ, en tant qu’ils sont ses

membres, sont appelés rois et prêtres. C’est pourquoi, afin que l’ordre des réalités spirituelles soit

distinct de l’ordre des réalités terrestres, l’administration de ce royaume des fidèles a été dévolue non

aux rois terrestres mais aux prêtres, et prin cipalement au grand prêtre successeur de Pierre, le pontife

romain vicaire du Christ, à qui tous les rois du peuple chrétien doivent être soumis comme à Notre

Seigneur Jésus-Christ" (De regno ad regem Cypri, 1. 103-109). Ce qui ne veut pas dire que les rois

terrestres tiendraient la réalité de leur pouvoir temporel de l’autorité spirituelle du pape : ils la tiennent

de Dieu, parce que, intrinsèquement, tout pouvoir vient de Dieu. Quant au mode de dévolution, on sait

que saint Thomas est partisan de l’élection du roi par le peuple "C’est au peuple que revient l’élection

des princes" (Somme Théologique 1a Q. 105, a. 1); Thomas expose ici que le meilleur régime doit être

monar chique dans son principe, aristocratique dans son exercice et démo cratique dans son mode de

désignation du monarque, lequel peut être choisi dans le peuple). Evidemment, dans la pratique, il

arrive que l’indépendance naturelle du pouvoir temporel à l’égard de l’autorité spirituelle soit

difficilement conciliable avec la soumission religieuse qu’il doit à l’incontestable suprématie du pape.

D’où les nuances de la pensée thomasienne. Mais elle demeure dans son ensemble ferme et équilibrée

(comme le montre Jacques CHEVALIER, Histoire de la pensée, t. II, p. 544-548 et p. 808-8 10).

cornua ? Tertio modo potest considerari

quantum ad usum ipsius : et sic quandoque

est a Deo, puta cum aliquis secundum

praecepta divinae iustitiae utitur concessa

sibi potestate, secundum illud Prov. VIII,

15. — per me reges regnant, et cetera.

Quandoque autem non est a Deo, puta cum

aliqui potestate sibi data utuntur contra

divinam iustitiam, secundum illud Ps. II, 2.

— astiterunt reges terrae, et principes

convenerunt in unum adversus dominum, et

cetera. Dubitatur etiam de potestate

peccandi, utrum sit a Deo. Ad quod

dicendum est quod ipsa potentia qua

peccatur, a Deo est. Eadem enim potentia

est qua peccatur et qua recte agitur : sed

quod in bonum ordinetur, a Deo est; quod

autem ordinetur ad peccandum, est ex

defectu creaturae, inquantum est ex nihilo.

Secundo ponit, quod ea quae sunt, a Deo

ordinata sunt, cuius ratio est quia Deus

omnia per suam sapientiam fecit, secundum

illud Ps. CIII, 24. — omnia in sapientia

fecisti. Est autem proprium sapientiae

ordinate omnia disponere. Sap. VIII, 1. —

attingit a fine usque ad finem fortiter, et

disponit omnia suaviter. Et ideo oportet

effectus divinos ordinatos esse. Iob

XXXVIII, 33. — numquid nosti ordinem

caeli, et pones rationem eius in terra ?

Duplicem autem ordinem Deus in suis

effectibus instituit : unum quidem quo

omnia ordinantur in ipsum, Prov. XVI, 4. —

universa propter semetipsum operatus est

Deus, alium vero quo effectus divini

ordinantur ad invicem, sicut dicitur Deut.

IV, 19 de sole et luna et stellis, quod fecit ea

in ministerium cunctis gentibus. Deinde

cum dicit itaque qui resistit, etc., ex duabus

praemissis concludit propositum. Si enim

potestas principum, inquantum talis est, a

Deo est, et nihil est a Deo sine ordine,

consequens est, quod etiam ordo, quo

inferiores potestatibus superioribus

subiiciuntur, sit a Deo. Itaque qui contra

pour la sagesse :

"Toute sagesse vient du Seigneur Dieu." Or le

pouvoir est attribué à Dieu et aux hommes :

"Dieu ne rejette point les pouvoirs, puisqu’il

est lui-même puissant." D’où il suit que tout

pouvoir humain vient de Dieu "Le Très-Haut

dominera sur le royaume des hommes et il le

donnera à qui il voudra." — "Tu n’aurais sur

moi aucun pouvoir s’il ne t’avait été donné

d’en haut."

1022. — Mais933

cette doctrine semble être

contredite par ce verset d’Osée : "Ils ont régné

par eux-mêmes et non par moi des princes se

sont élevés et je ne les ai pas connus." Il faut

répondre que le pouvoir royal, ou le pouvoir

de quelque autre dignité, peut être considéré

sous trois rapports :

— D’abord, quant au pouvoir lui-même, et

sous ce rapport il vient de Dieu, "par moi

règnent les rois", comme le dit le livre des

Proverbes.

— Puis, quant au mode d’acquisition de ce

pouvoir; sous ce rapport, parfois il vient de

Dieu, c’est-à-dire quand on acquiert ce

pouvoir de manière ordonnée, selon ce verset

de l’épître aux Hébreux "Personne ne

s’attribue à lui-même cet honneur, sinon celui

qui est appelé par Dieu, comme Aaron."

Parfois aussi il ne vient pas de Dieu, mais de

la convoitise perverse de l’homme, qui

acquiert un pouvoir par ambition, ou par

quelque autre moyen illicite : "N’est-ce point

par notre propre force que nous avons établi

nos cornes ?"

Enfin, quant à son usage; sous ce rapport il

vient parfois de Dieu, par exemple quand

celui qui en est dépositaire en use suivant les

préceptes de la justice divine, selon ce verset

des Proverbes : "Par moi les rois règnent, et

les législateurs décrètent des choses justes."

Mais parfois il ne vient pas de Dieu, par

exemple lorsqu’on use de ce pouvoir concédé

contre la justice divine, selon cette parole <du

psalmiste> : "Les rois de la terre se sont levés,

et les princes se sont ligués contre le Seigneur

933

Lieu parallèle : Somme Théologique 1a Q. 93, a. 3.

hunc ordinem resistit potestati, Dei

ordinationi resistit. I Reg. VIII, 7. — non te

abiecerunt, sed me, ne regnem super eos.

Lc. X, 16. — qui vos spernit, me spernit.

Resistere autem divinae ordinationi

contrariatur honestati virtutis. Unde contra

virtutem agit quicumque potestati resistit, in

eo quod pertinet ad ordinem suae potestatis.

Deinde cum dicit qui autem resistunt, etc.,

ostendit huiusmodi subiectionem non solum

esse honestam, sed necessariam. Et primo

proponit quod intendit; secundo probat

propositum, ibi nam principes, et cetera.

Dicit ergo primo : dictum est, quod qui

resistit potestati, Dei ordinationi resistit,

quod quidem secundum se est vitandum,

tamquam contrarium virtuti. Multi tamen

sunt, qui amorem virtutis non habentes, ea

quae sunt contraria virtuti non detestantur.

Unde tales cogendi sunt ad vitationem

malorum per poenas, et quantum ad hoc

subdit qui autem resistunt, scilicet divinae

ordinationi, sibi damnationem acquirunt,

contra potestatis ordinem agendo. Quod

quidem potest intelligi, uno modo, de

damnatione aeterna, quam merentur qui

potestatibus subiici nolunt in eo quod

debent. In cuius exemplum Dathan et

Abiron, qui Moysi et Aaron restiterunt, sunt

a terra absorpti, ut habetur Num. XVI, 20 ss.

Alio modo potest intelligi de damnatione

poenae, quae per ipsos principes infertur.

Prov. XX, 2. — sicut rugitus leonis, ita et

terror regis : qui provocant eum, peccant in

animam suam. Sed contra hoc videtur esse

quod apostoli et martyres principibus et

et contre son Christ."

1023. — On934

se demande encore si le

pouvoir de pécher vient de Dieu.

Il faut répondre que la puissance même par

laquelle on pèche vient de Dieu. Car cette

puissance par laquelle on pèche et on agit

avec droiture est une même puissance.

Quand elle est ordonnée au bien, elle vient de

Dieu; mais lorsqu’elle est ordonnée au péché,

elle vient de l’imperfection de la créature, en

tant qu’elle est issue du néant.

1024. — Puis, <l’Apôtre> expose <ce

principe, à savoir> que <les pouvoirs> qui

sont ont été établis par Dieu. La raison en est

que Dieu a fait toutes choses par sa sagesse,

suivant ce passage du psaume 103 "Tu as fait

toutes choses avec sagesse." Or le propre de

la sagesse est de disposer toutes choses avec

ordre935

— "<La sagesse>, au contraire,

atteint avec force d’une extrémité à une

<autre> extrémité, et elle dispose toutes

choses avec douceur." Voilà pourquoi il faut

que les effets divins soient ordonnés "Est-ce

que tu connais l’ordre du ciel, et en rendras-tu

raison sur la terre ?" Mais Dieu a établi deux

sortes d’ordres dans ses effets. Le premier,

selon lequel toutes choses sont ordonnées à

lui-même : "Dieu a opéré toutes choses pour

lui-même936

." L’autre, selon lequel les effets

divins sont ordonnés entre eux, comme il est

dit au Deutéronome à propos du soleil, de la

lune et des étoiles : < Le Seigneur ton Dieu

les a créés pour servir à toutes les nations qui

sont sous le ciel "

1025. — b. Lorsqu’il ajoute : 2 C’est

934

Lieux parallèles : I Sentences dist. 42, Q. 2, a. 1; 2 Sentences dist. 44, Q. l, a. 1; 3Sentences dist. 12,

Q. 2; Somme Théologique 1a let2; l Q. 79, a. 1; 2 Q. 6, a. 2, sol. 2; 3 Contra Gentiles c. 162; De malo,

Q. 3, a. 1. 935

Comme le fait remarquer le père R-A. Gauthier, o. p. (voir dans son Introduction à la Somme

contre les Gentils, p. 97-98), l’adage e Sapientis est ordinare. est habituellement réfèré â la Méta

physique d’Aristote (I, 29 [982 a 28]; AL XXV, 1, p. 8), alors qu’en réalité il n’y figure pas tel quel.

Saint Thomas le cite d’après saint Albert le Grand (voir son cours sur les Noms divins de Denys

l’Aréo pagite, Opera omnia, t. XXXVII-1; et la reportation de ce cours faite par saint Thomas lui-

même, ms. Napoli Naz. I B 54), lequel a dû l’emprunter à une tradition plus ancienne. — Lieux

parallèles 1 Contra Gentiles c. 1; 2 Contra Gentiles c. 24; 3 Contra Gentiles c. 77; 3 Sentences dist. 4,

Q. 1, a. 1, sol. 3; dist. 34, Q. 1, a. 2; Super Bœt. de Trin., Q. 2, a. 2 (éd. Léonine, 1992, t. L, p. 96, col.

1, 1. 98) Ethic. 1, Iect. 1 (éd. Léonine, 1969, t. XLVII, vol. I, p, 3, col. 1 [ a 1] Super Metaph. 1, lect.

2. 936

Pr 16, 4. Deus (Dieu) au lieu de Dominus (le Seigneur), proba blement cité de mémoire.

potestatibus restiterunt et ex hoc non

damnationem a Deo sed praemium

acquisiverunt. Sed dicendum est quod

apostolus hic loquitur de eo qui resistit

potestati inferiori, secundum quod est a Deo

ordinata. Habet autem hoc divina ordinatio

ut potestati inferiori non obediatur contra

superiorem, sicut etiam in rebus humanis ut

proconsuli non obediatur contra

imperatorem, nec balivo contra regem. Et

omnis potestas humana sub potestate Dei

ordinatur et nulli potestati humanae est

contra Deum obediendum, secundum illud

Act. V, 29. — oportet obedire magis Deo

quam hominibus. Deinde cum dicit nam

principes, etc., assignat rationem eius quod

dixerat. Et primo proponit rationem;

secundo ex ratione posita quoddam utile

documentum trahit, ibi vis autem non timere

potestatem, et cetera. Tertio huius

documenti necessitatem assignat, ibi si

autem malefeceris, et cetera. Dicit ergo

primo : dictum est quod qui resistunt

potestati, sibi damnationem acquirunt, nam

principes, qui hic potestates dicuntur, non

sunt timori, id est in timorem, boni operis,

id est propter bonum opus, sed mali, id est

propter malum. Quod quidem videtur esse

intelligendum secundum causam instituendi

principes. Ad hoc enim sunt instituendi

principes, ut illi qui amore virtutis non

provocantur ad vitandum malum et

faciendum bonum, cogantur ad hoc timore

poenae. Prov. XX, 8. — rex qui sedet in

solio iudicii, dissipat omne malum intuitu

suo. Et secundum hoc dicitur quod principes

non sunt timori boni operis sed mali,

quantum ad id quod principi ex officio

competit, sicut et Is. XXXII, 8 dicitur :

princeps ea quae sunt digna principe

cogitabit. Potest autem hoc referri etiam ad

malos principes, qui non sunt timori boni

operis sed mali : quia et si interdum iniuste

persequuntur bene operantes, non tamen illi

qui bene operantur, causam habent timendi,

pourquoi celui qui résiste, etc., <l’Apôtre>

déduit sa proposition à partir des deux

prémisses. Si en effet le pouvoir des princes,

en tant que pouvoir, vient de Dieu, et si rien

ne vient de Dieu sans ordre, il s’ensuit que

même l’ordre, suivant lequel les inférieurs

sont soumis aux pouvoirs supérieurs, vient de

Dieu. C’est pourquoi celui qui résiste au

pouvoir contre cet ordre, résiste à l’ordre

<voulu> de Dieu. — "Ce n’est pas toi qu’ils

ont rejeté, mais moi, afin que je ne règne pas

sur eux." <Et encore> : "Celui qui vous

méprise me méprise." Or résister à l’ordre

divin c’est s’opposer à l’honneur937

<qui

s’identifie à> la vertu. Par conséquent

quiconque agit contre la vertu résiste au

pouvoir, en ce qui appartient à l’ordre de ce

pouvoir.

1026. — 2. En disant : or ceux qui résistent,

etc., <l’Apôtre> montre que cette soumission

est non seulement honorable938

," mais

nécessaire. Et :

a) Il commence par exposer son intention.

b) Ensuite, il prouve sa proposition [n° 1029]

: Car les princes ne sont pas un sujet de

crainte, etc.

1027. — a. 939

<L’Apôtre> dit donc d’abord :

On a avancé que celui qui résiste au pouvoir

résiste à l’ordre <voulu> de Dieu, or il faut

éviter cette résistance en soi, en tant qu’elle

s’oppose à la vertu. Cependant un grand

nombre, qui n’ont point l’amour de la vertu,

ne détestent point ce qui lui est opposé. De

telles personnes doivent être contraintes à

éviter le mal par des peines, et <l’Apôtre>

ajoute à ce propos : or ceux qui résistent, à

savoir à l’ordre divin, attirent sur eux-mêmes

une condamnation, en agissant contre l’ordre

du pouvoir. Paroles qui peuvent s’entendre ou

bien de la condamnation éternelle que

méritent ceux qui ne veulent pas être soumis

aux pouvoirs, comme ils le doivent. Sur ce

point, nous avons l’exemple de Dathan et

d’Abiron qui, pour avoir résisté à Moïse et à

Aaron, furent engloutis par la terre, comme le

937 Lieu parallèle Somme Théologique 2 Q. 145, a. 1.

938 Voir à ce propos chap. 9, y. 2; leçon 1, n. 13, p. 338 (éd. Marietti, n° 738).

939 Lieux parallèles : Somme Théologique 2 Q. 104, a. 4; Super Ioan. 2, 5 lect. 1 (éd. Marietti n° 354);

Ad Tit. 3, 1, leçt. I (éd. Marietti, n° 77-79).

quia hoc ipsum, si patienter sustinent, in

eorum bonum cedit, secundum illud I Petr.

III, 14. — si quid patimini propter iustitiam,

beati : timorem autem eorum ne timueritis,

ut non conturbemini. Ex hoc autem quod hic

dicitur, assignari potest ratio quare qui

potestati resistunt, sibi damnationem

acquirant : sive intelligatur de damnatione

punitionis, qua principes rebelles puniunt,

sive de damnatione qua homines puniuntur

a Deo. Si enim principes sunt timori mali

operis, consequens est quod si aliquis

potestati resistat, male operetur; et ita ipse

homo, male agendo, est sibi causa

punitionis temporalis et aeternae. Deinde

cum dicit vis autem non timere, etc., ex eo

quod dixerat quoddam utile documentum

tradit, scilicet vitandi timorem principum. Et

primo insinuat sua interrogatione hoc esse

desiderabile, dicens vis non timere

potestatem ? Quasi dicat : hoc debet homini

esse placitum. Prov. XX, 2. — sicut rugitus

leonis, ita et terror regis. Secundo docet

medium ad hoc perveniendi, dicens bonum

fac; quia, ut dicitur Prov. XVI, 13. —

voluntas regum, labia iusta; et in Ps. c, 6. —

ambulans in via immaculata, hic mihi

ministrabat. Tertio ostendit huius effectum,

dicens : et si benefeceris, non solum

timorem vitabis, sed etiam habebis laudem

ex illa, scilicet potestate; quod planum est si

accipiatur secundum finem, ad quem

institutae sunt potestates. Ad hoc enim

institutae sunt ut non solum a malis timore

poenarum retrahant sed etiam ut ad bonum

per praemia alliciant, secundum illud I Petr.

II, 14. — sive ducibus tamquam ab eo

missis ad vindictam malorum, laudem vero

bonorum. Verificatur hoc etiam de malis

principibus, quorum iniustam

persecutionem, dum boni patienter

sustinent, laudantur. Iac. V, 11. — ecce

beatificamus eos qui sustinuerunt. Quarto

rationem assignat, dicens Dei enim minister

rapporte le livre des Nombres. Ou bien ces

paroles peuvent s’entendre de la

condamnation à la peine qui est infligée par

les princes eux-mêmes : "Comme le

rugissement du lion, ainsi est la terreur du roi;

ceux qui le provoquent pèchent contre leur

âme940

."

1028. — Mais en sens contraire941

, il semble

que la résistance que les apôtres et les martyrs

ont opposée aux princes et aux pouvoirs n’a

pas attiré <sur eux> la condamnation divine

mais la récompense.

Il faut répondre que l’Apôtre parle ici de celui

qui résiste au pouvoir inférieur, en tant qu’il a

été établi par Dieu. Or l’ordre divin a ceci de

particulier qu’on n’obéit pas à un pouvoir

inférieur contre un pouvoir supérieur, comme,

dans les choses humaines, on n’obéit pas à un

proconsul contre l’empereur, ou bien au bailli

contre le roi. Tout pouvoir humain est

ordonné au pouvoir divin et l’on ne doit obéir

à aucun pouvoir humain contre Dieu, selon ce

passage des Actes : "Il faut plutôt obéir à

Dieu qu’aux hommes."

1029. — b. En disant : Car les princes, etc.,

<l’Apôtre> donne la raison de ce qu’il avait

dit. Et

— Il commence par énoncer cette raison.

— Puis, à partir de la raison alléguée, il en

tire un précepte utile [n° 1031] : Or veux-tu

ne pas craindre le pouvoir, etc.

— Enfin, il montre la nécessité de ce précepte

[n° 1035] : Que si tu fais le mal, etc.

1030. — Il dit942

donc d’abord : On a avancé

que ceux qui résistent au pouvoir attirent sur

eux-mêmes une condamnation, car les

princes, qu’on appelle ici pouvoirs, ne sont

pas un sujet de crainte, c’est-à-dire n’inspirent

pas la crainte, quant aux bonnes œuvres, à

savoir en raison des bonnes œuvres, mais

quant aux mauvaises, c’est-à-dire en raison du

mal. Il semble qu’il faille entendre ces paroles

selon le motif pour lequel les princes ont été

institués. Or ils ont été institués pour

940

Pr 20, 2 (citation non littérale pour la seconde partie du verset qui est mise au pluriel). 941

Lieux parallèles : Somme Théologique 2a-2ae, Q. 104, a. 5 et 6; 2 Sentences dist. 44, Q. 2, a. 2; De

quodlibet 12, Q. 17, a. 2. 942

Lieux parallèles Somme Théologique 1a Q. 95, a. 1, sol. I; a. 4; 3 Sentences dist. 40, Q. 1, a. 2;

Ethic., 5, lect. Il (éd. Léonine, 1969, t. XLVII, vol. II, p. 301, col. 2 [ a 35-1134 b 6]); De regno II, c.

4.

est tibi in bonum. Quod quidem manifeste

patet, quantum ad debitum ordinem

principum. Sunt enim sub regimine Dei,

quasi supremi principis, tamquam ministri

ordinati. Sap. VI, 3. — cum essetis ministri

regis illius, et cetera. Ad idem autem tendit

minister et dominus. Eccli. X, 2. —

secundum iudicem populi, sic et ministri

eius. Et ideo sicut Deus operatur in bonum

his qui bonum agunt, ita et principes si recte

ministerium suum impleant. Sed et mali

principes ministri Dei sunt, secundum

ordinationem Dei ad inferendas poenas,

licet hoc sit praeter intentum eorum;

secundum illud Is. X, 5. — Assur virga

furoris mei, et baculus ipse in manu mea

est. Ipse autem non sic arbitrabitur. Et Ier.

XXV, 9. — assumam universam

cognationem Aquilonis, et Nabuchodonosor

regem Babylonis servum meum, et adducam

eos super terram istam, et super habitatores

eius, et cetera. Et quia tales mali principes,

interdum, Deo permittente, bonos affligunt,

quod in bonum eorum cedit, secundum illud

supra VIII, 28. — diligentibus Deum, et

cetera. Deinde cum dicit si autem male, etc.,

ostendit necessitatem praemissi documenti.

Dictum est enim quod benefaciendo non

timebis potestatem, si autem malefeceris,

time : quia causam timoris habes. Prov. c.

X, 29. — pavor his qui operantur malum.

Sap. XVII, 10. — cum sit timida nequitia,

data est in omnium condemnationem.

Secundo assignat rationem dicens non enim

sine causa gladium portat. Loquitur autem

secundum consuetudinem principum, qui

quasi insignia suae potestatis deferebant

instrumenta puniendi, puta fasces virgarum

ad verberandum, et secures vel gladios ad

occidendum. Iob XIX, 29. — fugite a facie

gladii, quoniam ultor iniquitatum est

gladius. Tertio rationem exponit dicens

portat, inquam, gladium, quia est minister

Dei, vindex, id est vindictam exercens, in

iram, id est, ad exequendam iram Dei, id est

iustum iudicium eius, ei qui malum agit, id

est, contra malefactorem. Ez. XVII, 37 ss. :

ecce ego congregabo omnes amatores tuos,

et iudicabo te in iudiciis adulterorum, et

dabo te in manus eorum, et cetera. Prov.

contraindre par la crainte de la peine ceux que

l’amour de la vertu ne détermine pas à éviter

le mal et à faire le bien : "Le roi qui est assis

sur le trône de la justice dissipe tout le mal

par son regard." C’est dans ce sens que l’on

dit que les princes ne sont pas un sujet de

crainte quant aux bonnes œuvres, mais quant

aux mauvaises, en raison de la fonction qui

échoit au prince, comme on le dit aussi dans

<le livre d’> Isaïe : "Un prince pensera des

choses qui sont dignes d’un prince." D’autre

part, ces paroles peuvent aussi s’entendre des

mauvais princes, qui ne sont pas un sujet de

crainte quant aux bonnes œuvres, mais quant

aux mauvaises parce que, si parfois ils

persécutent injustement ceux qui font le bien,

ces derniers cependant n’ont aucun motif de

craindre, attendu que cette épreuve, s’ils la

supportent avec patience, tournera à leur bien,

selon ce verset de la première épître de Pierre

: "Si même vous souffrez pour la justice, bien

heureux serez-vous. N’ayez d’eux aucune

crainte et ne vous en troublez point." Par ce

qui précède on peut voir la raison pour

laquelle ceux qui résistent au pouvoir attirent

sur eux-mêmes une condamnation, soit qu’on

l’entende de la condamnation qui consiste en

la punition infligée contre les rebelles par les

princes, soit de la condamnation qui consiste

en la punition des hommes par Dieu. En effet,

si les princes sont un sujet de crainte quant

aux œuvres mauvaises, il s’ensuit que celui

qui résiste au pouvoir fait le mal, et qu’ainsi

l’homme lui-même, en agissant mal, devient

la propre cause de sa punition temporelle et

éternelle.

1031. — Lorsqu’il dit : Or veux-tu ne pas

craindre, etc., <l’Apôtre> tire de ce qu’il

avait dit un précepte utile, à savoir d’éviter la

crainte des princes.

Et premièrement, par son interrogation il

insinue que cela est désirable, en disant :

Veux-tu ne pas craindre le pouvoir ? Comme

s’il disait : Cela doit plaire à l’homme :

"Comme le rugissement du lion, ainsi est la

terreur du roi."

1032. — En deuxième lieu, il enseigne le

moyen d’y parvenir, en disant : Fais le bien,

parce que, comme il est dit : "Les rois veulent

des lèvres justes : celui qui parle avec droiture

XVI, 12. — abominabiles regi qui impie

agunt, quoniam iustitia firmatur solium. Ex

quo patet quod non solum est licitum sed

etiam meritorium principibus, qui zelo

iustitiae vindictam exercent in malos. Unde

dicitur Ez. XXIX, 19 s. : erit merces

exercitui illius, et operi quo servivit mihi

adversus eam. Deinde cum dicit ideoque

necessitate, etc., infert conclusionem

principaliter intentam, dicens : ideoque,

propter praedictas rationes, subditi estote

principibus ex necessitate, quia scilicet hoc

est ex necessitate salutis, vel subditi estote

voluntarie necessitati, quae vobis imminet

potentia principum, ut faciatis de necessitate

virtutem; non solum propter iram, id est

vindictam vitandam, quod pertinet ad

secundam rationem, sed etiam propter

conscientiam bonam conservandam, quod

pertinet ad primam rationem, quia qui

potestati resistit Dei ordinationi resistit. Tit.

III, 1. — admone illos principibus et

potestatibus subditos esse. Deinde cum dicit

ideo enim et tributa praestatis, etc. inducit

homines ad exhibendum suis superioribus

signum subiectionis. Et primo ponit signum

subiectionis; secundo inducit ad eius

exhibitionem, ibi reddite ergo, et cetera.

Circa primum duo facit. Primo ponit

subiectionis signum, dicens ideo enim,

scilicet quia debetis esse subiecti, et tributa

praestatis, id est, praestare debetis, in

signum scilicet subiectionis. Et ideo

conquerendo dicitur Thren. I, 1. — princeps

provinciarum facta est sub tributo. Dicuntur

autem tributa, eo quod subditi dominis ea

tribuunt. Secundo assignat rationem, dicens

ministri enim Dei sunt, in hoc ipsum, id est,

pro ipso, scilicet tributa recipiendo,

servientes, scilicet Deo, et populo. Quasi

dicat : unusquisque de suo ministerio vivere

debet, secundum illud 1 Co IX, v. 7. —

quis, pascit gregem et de lacte eius non edit

? Et ideo cum principes nostri suo regimine

Deo ministrent, a populo debent tributa

suscipere, quasi stipendia sui ministerii, non

autem ita quod hoc debeant sibi computare

pro praemio. Proprium enim praemium

sera aimé <d’eux>." Et encore : "Celui qui

marchait dans une voie immaculée était celui

qui me servait."

1033. — Troisièmement, il en montre l’effet,

en disant : Et si tu fais le bien, non seulement

tu éviteras la crainte, mais il, c’est-à-dire le

pouvoir, te louera aussi. Ce passage est clair

si on l’entend de la fin pour laquelle les

pouvoirs ont été institués. Car ils l’ont été non

seulement pour détourner du mal par la

crainte des peines, mais aussi pour attirer au

bien par les récompenses, selon ce passage de

la première épître de Pierre : "Soyez soumis à

toute créature humaine à cause de Dieu; soit

au roi, comme étant au-dessus des autres, soit

aux gouverneurs, comme envoyés par lui pour

la punition de ceux qui font le mal, et la

louange des bons." Cela est aussi vrai à

l’égard des mauvais princes, dont la

persécution injuste, supportée avec patience

par les bons, est pour ces derniers un sujet de

louange : "Voyez, nous proclamons

bienheureux ceux qui ont souffert"

1034. — En quatrième lieu943

, l’Apôtre en

donne la raison, en disant : Car il est pour toi

le ministre de Dieu en vue du bien. Ce qui est

de toute évidence d’après l’ordre légitime des

princes. Car ils sont sous le gouvernement de

Dieu, comme sous celui du Prince suprême,

en tant que ministres constitués : "Lorsque

vous étiez les ministres de son royaume, vous

n’avez pas jugé équitablement." Or le

ministre et le maître tendent au même but :

"Tel le juge du peuple, tels ses ministres." Et

c’est pourquoi, de même que Dieu opère le

bien dans ceux qui le font, ainsi en est-il aussi

des princes s’ils remplissent avec rectitude

leur ministère. Quant aux mauvais princes, ils

sont ministres de Dieu, pour infliger selon

l’ordre divin des peines, bien que ce soit sans

intention de leur part, selon ce passage d’Isaïe

: "Malheur à Assur ! la verge et le bâton de

ma fureur, c’est lui; dans sa main est mon

indignation. […] Mais lui-même ne pensera

pas ainsi, et son cœur n’aura pas un pareil

sentiment; mais son cœur sera porté à la

destruction et à la ruine totale d’un grand

nombre de nations. Car il dira : Est-ce que

943

Lieu parallèle Somme Théologique 2 Q. 19, a. 3, sol. 2.

principis est laus et honor, ut philosophus

dicit in V Ethic. Et cum hoc non sufficit,

tyrannus fit. Sed hoc non est intelligendum

de laude humana solum vel honore, quia

tale praemium esset vanum, sed de laude et

honore divino, qui principibus bene

gubernantibus exhibetur. Sap. VI, 22. — o

reges populi, diligite sapientiam, ut in

perpetuum regnetis. Huiusmodi autem

tributa recipiunt ad sustentationem, laborant

autem principes ad omnium pacem. Unde

dicitur I Tim. II, 1 s. : obsecro primum

omnium fieri obsecrationes pro regibus, et

omnibus qui in sublimitate sunt constituti, ut

quietam ac tranquillam vitam agamus.

Baruch I, 11 s. : orate pro vita

Nabuchodonosor regis Babylonis, ut

vivamus sub umbra eius. Ab hoc tamen

debito liberi sunt clerici ex privilegio

principum, quod quidem aequitatem

naturalem habet. Unde etiam apud gentiles

liberi erant a tributis illi qui vacabant rebus

divinis. Legitur enim Gen. XLVII, v. 20-22,

quod Ioseph subiecit Pharaoni totam terram

Aegypti praeter terram sacerdotum, quae a

rege tradita fuerat eis, quibus et statuta

cibaria ex horreis publicis praebebantur. Et

infra dicitur quod in universa terra Aegypti,

quinta pars solvitur absque terra sacerdotali,

quae libera erat ab hac conditione. Hoc

autem ideo aequum est, quia sicut reges

sollicitudinem habent de bono publico in

bonis temporalibus, ita ministri Dei in

spiritualibus, et sic per hoc quod Deo in

spiritualibus ministrant, recompensant regi

quod pro eorum pace laborat. Sed

attendendum est : cum tributa dicat regibus

esse debita quasi laboris stipendium,

dupliciter peccare possunt principes

accipiendo tributa. Primo quidem si

utilitatem populi non procurent sed solum

ad diripiendum eorum bona intendant. Unde

dicitur Ez. XXXIV, 3. — lac comedebatis et

lanis operiebamini, et quod crassum erat,

occidebatis, gregem autem meum non

pascebatis. Alio modo ex eo quod violenter

diripiunt supra statutam legem, quae est

quasi quoddam pactum inter regem et

populum, et supra populi facultatem. Unde

dicitur Mich. III, 1. — audite principes

mes princes ne sont pas autant de rois ?" Et

selon un verset de Jérémie : "Je prendrai

toutes les familles de l’aquilon, dit le

Seigneur, et Nabuchodonosor, roi de

Babylone, mon serviteur; et je les amènerai

sur cette terre et sur ses habitants, et sur toutes

les nations qui sont autour d’elle; et je les

perdrai, et j’en ferai un objet de stupeur et de

sifflement, et <je les réduirai> à des solitudes

éternelles." Et bien que ces mauvais princes

affligent parfois les bons avec la permission

de Dieu, <leurs persécutions> tournent au

bien <des bons>, comme on l’a dit plus haut

"Or nous savons que tout coopère au bien

pour ceux qui aiment Dieu "

1035. — En ajoutant : Que si tu fais le mal,

etc., <l’Apôtre> montre la nécessité de ce

précepte. En effet, on a dit qu’en faisant le

bien tu ne craindras point les pouvoirs; au

contraire si tu fais le mal, tu as un motif de

craindre : "<Le Seigneur> est un effroi pour

ceux qui opèrent le mal" Et : "Comme la

méchanceté est timide, elle est livrée à la

condamnation de tous."

Puis, il en assigne la raison, en disant : car ce

n’est pas en vain qu’il porte le glaive.

Il parle ici suivant l’usage qu’avaient les

princes de porter, comme insignes de leur

pouvoir, des instruments de punition, par

exemple les faisceaux pour frapper, et les

haches ou les glaives pour tuer : "Fuyez la

face du glaive, parce qu’il y a un glaive

vengeur des iniquités."

Enfin, il explique cette raison, en disant : il

porte, dis-le, le glaive, puisqu’il est le

ministre de Dieu, vengeur, à savoir

l’exécuteur de sa vengeance, pour la colère,

c’est-à-dire pour exécuter <l’ordre de> la

colère de Dieu, en d’autres termes son juste

jugement, envers celui qui fait le mal, c’est-à-

dire à l’égard du malfaiteur : "Voilà que moi

j’assemblerai tous tes amants, auxquels tu t’es

prostituée, et tous ceux que tu as aimés avec

tous ceux que tu haïssais; et je les assemblerai

contre toi de toutes parts, et je mettrai à nu ton

ignominie devant eux, et ils verront toute ta

turpitude. Et je te jugerai comme on juge les

femmes adultères et qui ont répandu le sang;

et je livrerai ton sang à la fureur et à la

jalousie. > Et encore : "Abominables au roi

Iacob, et duces domus Israel. Et postea

subdit : qui violenter tollitis pelles eorum

desuper eis, et carnes eorum desuper

ossibus eorum. Deinde cum dicit reddite

ergo, etc., monet ad reddendum praedictum

subiectionis signum. Et primo quidem in

generali, dicens : ex quo tributum debetur

principibus, tamquam Dei ministris, reddite

ergo omnibus debita. Ex quo patet quod ex

necessitate iustitiae tenentur subditi sua iura

principibus exhibere. Matth. XVIII, 24. —

oblatus est regi unus qui debebat decem

millia talenta. Et Matth. XXII, v. 21. —

reddite quae sunt Caesaris, Caesari, et

cetera. Secundo specificat, et, primo, ea

quae sunt exteriora, dicens cui tributum,

scilicet debetis, reddite tributum, quia

scilicet principi tribuitur pro generali

regimine, quo patriam in pace et quiete

gubernat. Gen. c. XLIX, 15. — vidit

requiem quod esset bona, factusque est

tributis serviens. Cui vectigal, scilicet

debetis, reddite vectigal, quod scilicet

redditur principi in aliquibus certis locis de

mercimoniis, quae deferuntur pro

reparatione viarum et custodia. Vel vectigal

dicitur, quod datur principi, quando per

patriam devehitur, sicut sunt procurationes

et alia huiusmodi. Secundo ponit ea quae

sunt interius exhibenda. Est autem

considerandum quod principi debetur et

timor et honor : timor quidem, inquantum

est dominus, sua potestate malos coercens a

malis. Mal. I, 6. — si ego dominus, ubi est

timor meus ? Et ideo dicit cui timorem,

scilicet debetis, reddite timorem. Prov.

XXIV, 21. — Deum time, fili mi. Inquantum

autem quasi pater providet bonis quae sunt

in laudem eorum, debetur illi honor. Mal. I,

6. — si ego pater, ubi honor meus ? Et ideo

subdit, cui honorem, scilicet debetis, reddite

honorem. I Petr. II, 17. — regem

honorificate. Sed contra est quod dicitur

Lev. XIX, 15. — non honores vultum

potentis. Sed hoc est intelligendum quantum

ad hoc ut pro eo a iustitia non declines.

Unde subditur : iuste iudica proximo tuo.

sont ceux qui agissent en impies, parce que

c’est par la justice que s’affermit un trône "

Par conséquent et de toute évidence il est non

seulement licite mais aussi méritoire pour des

princes d’exécuter, par zèle de la justice, la

vengeance contre les méchants. D’où ces

paroles d’Ezéchiel "Ce sera une récompense

pour son armée et pour le service qu’il m’a

rendu contre Tyr."

1036. — C. En ajoutant : 5 C’est pourquoi

soyez soumis par nécessité, etc., <l’Apôtre>

déduit la conclusion qu’il avait

principalement en vue, en disant : C’est

pourquoi, pour les raisons alléguées, soyez

soumis aux princes par nécessité, c’est-à-dire

parce que cette soumission est de nécessité de

salut; ou bien, soyez soumis volontairement à

la nécessité que le pouvoir des princes fait

peser sur vous, afin que vous fassiez de la

nécessité une vertu, non seulement à cause de

la colère, c’est-à-dire de la vengeance à éviter,

ce qui se rapporte à la seconde raison, mais

encore à cause de la conscience, c’est-à-dire

en vertu d’une bonne conscience, ce qui

regarde la première raison, puisque celui qui

résiste au pouvoir de Dieu résiste à son ordre :

"Avertis-les d’être soumis aux princes et aux

pouvoirs, d’obéir au commandement, d’être

prêts à toute bonne œuvre."

1037. — II. En ajoutant : 6 C’est aussi

pourquoi vous payez des tributs, etc.,

<l’Apôtre> exhorte les hommes à donner un

signe de soumission à leurs supérieurs.

Et :

A) Il commence par indiquer le signe de cette

soumission.

B) Puis, il exhorte <les hommes> à le donner

[n° 1042] : Rendez donc à tous, etc.

1038. — A. Sur le premier point :

1. Il commence par indiquer le signe de cette

soumission, en disant : C’est aussi pourquoi,

c’est-à-dire parce que vous devez être soumis,

vous payez des tributs, en d’autres termes

vous devez les payer, à savoir comme signe

de votre soumission. Voilà pourquoi <le

prophète Jérémie> dit sous forme de plainte :

"La reine des provinces a été assujettie au

tribut." Or les tributs sont ainsi appelés parce

qu’ils sont la rétribution des sujets à l’égard

de leurs maîtres.

1039. — 2. Ensuite il en donne la raison, en

disant : car il s’agit de ministres de Dieu pour

cela même qu’ils le servent, c’est-à-dire par le

fait même qu’ils perçoivent des tributs ils sont

au service de Dieu et du peuple. Comme s’il

disait : Chacun doit vivre de son ministère,

selon cette parole de la première épître aux

Corinthiens : "Qui paît un troupeau et ne

mange point de son lait ?" Par conséquent,

puisque nos princes dans leur gouvernement

servent Dieu, ils doivent percevoir le tribut du

peuple, comme une sorte de salaire de leur

ministère. Ils ne doivent cependant pas le

regarder comme leur récompense, car leur

récompense consiste essentiellement en

louanges et en honneurs, comme le dit le

Philosophe dans l’Ethique à Nicomaque944

. Et

s’ils ne s’en contentent pas, ils deviennent des

tyrans. Mais cette interprétation ne doit pas

s’entendre uniquement de la louange et de

l’honneur selon le monde, parce qu’une telle

récompense serait vaine, mais de la louange et

de l’honneur selon Dieu que l’on témoigne

aux princes qui gouvernent bien : "O rois des

peuples, aimez la sagesse, afin de régner

éternellement." Or <les princes> reçoivent le

tribut pour leur entretien, mais ils travaillent

pour la paix de tous. D’où ces paroles de

l’Apôtre : "Je demande donc instamment

avant tout qu’on fasse des obsécrations, des

prières, des demandes, des actions de grâces

pour tous les hommes, pour les rois et pour

tous ceux qui sont élevés en dignité, afin que

nous menions une vie paisible et tranquille, en

toute piété et chasteté " Et de Baruch "Priez

pour la vie de Nabuchodonosor, roi de

Babylone, et pour la vie de Balthazar, son fils,

afin que leurs jours sur la terre soient comme

les jours du ciel; et afin que Dieu nous donne

la force, et qu’il éclaire nos yeux, pour que

nous vivions sous l’ombre de

Nabuchodonosor, roi de Babylone, et sous

l’ombre de Balthazar, son fils, et que nous les

servions durant de longs jours, et que nous

trouvions grâce en leur présence."

1040. — Cependant les clercs, par un

944

Voir ARISTOTE, Ethique à Nicoma que V, 6 [ bI; AL XXVI, fasc. 3, p. 241. Lieux parallèles :

Ethic., 5, lect. 11 (éd Léonine, 1969, t. XLVII, vol. II, p. 301, col. 2 [ b6J); De regno I, c. 7, 8, 9 et II,

C. 4.

privilège des princes, sont exemptés de cette

dette, ce qui relève de l’équité naturelle.

Aussi, chez les Gentils eux-mêmes, ceux qui

vaquaient aux choses divines étaient-ils

exempts des tributs. On lit en effet dans la

Genèse que Joseph soumit à Pharaon toute la

terre d’Egypte, â l’exception de la terre des

prêtres qui leur avait été donnée par le roi,

<prêtres> auxquels une quantité déterminée

de vivres des greniers publics était fournie. Et

plus loin, on lit que dans toute la terre

d’Égypte on devra payer le cinquième, â

l’exception de la terre des prêtres, qui était

exempte de cette sujétion. Or cette disposition

est équitable pour cette raison que, tout

comme les rois ont la sollicitude du bien

public dans les choses temporelles, ainsi les

ministres de Dieu, en servant Dieu dans les

choses spirituelles, donnent une compensation

au roi pour le soin qu’il met à leur <garantir>

la paix.

1041. — Toutefois, il faut remarquer que

lorsque <l’Apôtre> dit que les tributs sont dus

aux rois comme le salaire de leur travail, ces

derniers peuvent doublement pécher en

percevant ces tributs

a. Premièrement, s’ils ne procurent pas le bien

au peuple, mais n’ont que pour seule intention

de lui ravir ses biens. D’où ce qui est dit dans

Ezéchiel : "Vous mangiez le lait, et vous vous

couvriez des laines, et ce qui était gras, vous

l’égorgiez; mais mon troupeau, vous ne le

paissiez pas."

b. Deuxièmement, s’ils lui ravissent son bien

avec violence, en transgressant la Loi

instituée, qui est une sorte de pacte entre le roi

et le peuple, ou <en l’imposant> au-delà de

ses moyens945

. D’où ce qui est dit dans

945

Nous percevons mal, aujourd’hui, tout ce qu’impliquait, pour un homme de l’Antiquité ou du

Moyen Age, le paiement de l’impôt la charge symbolique de cet acte est trés forte et signifie une

soumission intime a l’autorité du prince et le consentement plénier â sa légitimité, puisqU’" il convient

à l’homme d’user de signes sensibles pour exprimer ses sentiments’, (Somme Théologique 2a-2 Q. 85,

a. 1). Cette valeur symbolique du tnbut comme signe de reconnaissance du pouvoir du prince exige

que, de son côté, le prince n’impose pas au-delà de ce que les sujets peuvent lui offrir. On voit ici

l’impor tance du consentement du peuple dans la conception thomasienne de l’Etat, ainsi que nous

l’avons signalé à la note il, p. 446. Assu rément, en tant qu’elle est naturelle, la loi s’impose à toute

raison humaine et dérive directement de la Loi étemelle dont elle est une participation. Mais le

gouvernement d’un Etat particulier requiert une pareiculansation de la loi naturelle en fonction des

temps et des lieux; d’où résulte une troisiéme Sorte de loi, la loi humaine (Somme Théologique Ia-2

Q. 91, a. 3), ou loi positive promulguée par le pouvoir légitime (de même qu’il existe une Loi divine

Michée : "Ecoutez, princes de Jacob et chefs

de la maison d’Israël." Et au verset suivant, il

ajoute "Vous qui enlevez violemment leur

peau de dessus eux, et leur chair de dessus

leurs os."

1042. B. Ensuite lorsqu’il dit : Rendez donc,

etc., <l’Apôtre> exhorte <les hommes> à

donner ce signe de soumission. Et

premièrement, en général, en disant : Du

moment que l’impôt est dû aux princes,

comme ministres de Dieu, rendez donc à tous

ce qui leur est dû. Ces paroles montrent qu’il

y a une nécessité de justice pour les sujets de

rendre aux princes ce qui leur est dû : "On

présenta <au roi> un <de ses serviteurs> qui

lui devait dix mille talents." Et encore :

"Rendez donc à César ce qui est à César, et à

Dieu ce qui est à Dieu."

1043. — Puis946

, <l’Apôtre exhorte les

hommes à donner ce signe de soumission> en

indiquant de manière précise, premièrement

les devoirs extérieurs, par ces mots à qui le

tribut, c’est-à-dire à qui vous devez, rendez le

tribut, à savoir parce qu’il est attribué au

prince pour son gouvernement général, par

lequel il gouverne la patrie dans la paix et la

tranquillité "<Issachar> a vu que le repos était

bon, il a soumis son épaule aux fardeaux et il

s’est assujetti aux tributs." — A qui la taxe, à

savoir à qui vous la devez, payez la taxe,

c’est-à-dire <les droits> que l’on paie au

prince en certains lieux sur les marchandises

qui sont transportées pour la réparation et

l’entretien des voies. Ou bien, on appelle taxe,

ce qu’on donne au prince pour le transport qui

s’effectue sur son territoire, tels les droits

positive promulguée pat Dieu dans sa Révélation). La loi positive humaine, c’est la loi politique au

sens propre du terme. Saint Thomas la nomme ici (ex statuta, c’est-à-dire " loi instituée." Dès lors

qu’elle est instituée, cette loi ne jouit plus de l’universalité et de la nécessité de la loi naturelle, elle ne

s’impose plus d’elle-même à la raison humaine. Promulguée par la volonté du prince, elle demande en

outre un accord de la volonté de ses sujets. Elle constitue donc un véritable pacte, pacte exprès (et non

seulement tacite) par la prestation du tribut. Il y a donc bien, chez saint Thomas, un contrat social, ou

plutôt sociopo litique. Ce contrat, toutefois, ne relève pas, comme chez Rousseau, d’une construction

rationaliste a priori de la Société politique, mais de la prise en compte de la situation politique concrète

des commu nautés historiquement constituées. Ces remarques permettront de saisir, sur un point

déterminé de philosophie politique, la puissante cohérence de la pensée thomasienne. Sur la " forme

thomiste du contrat social", voir Philippe VEYSSET, Situation de la politique dans la pensée de saint

Thomas d’Aquin, p. 83-84. 946

Lieux parallèles Somme Théologique 2a-2 Q. 102, a. 2; Q. 103, a. 3; 3 Sentences dist. 9, Q. 2, a. 1;

Super Psalmos, in Pi. 40, t4; Coil. indecem praec., c. 4.

d’intendance et autres choses semblables. En

second lieu, <l’Apôtre> mentionne les devoirs

intérieurs. Il faut considérer que l’on doit au

prince et la crainte et l’honneur; la crainte, en

tant qu’il est maître, empêchant par son

pouvoir les méchants de commettre le mal "Si

moi je suis maître, où est ma crainte ?" Et

c’est pourquoi il dit à qui la crainte, c’est-à-

dire à qui vous la devez, rendez la crainte.

— "Mon fils, crains Dieu947

" Mais en tant que

semblable à un père il procure aux bons ce qui

sert à leur louange, l’honneur lui est dû "Si

donc moi je suis père, où est mon honneur ?"

Et c’est pourquoi <l’Apôtre> ajoute à qui

l’honneur, c’est-à-dire à qui vous le devez,

rendez l’honneur.

"Honorez le roi "

En sens contraire, il est dit au Lévitique :

"N’honore point le visage d’un puissant."

Mais il faut entendre ce passage dans ce sens

qu’on ne doit point, pour le puissant, s’écarter

de la justice. Aussi lit-on ce qui suit : "Juge

justement ton prochain."

Lectio 2 Leçon 2 [Versets 8 à 10]

[n° 1045] 8 Ne devez rien à personne, sinon

de vous aimer mutuellement; car qui aime le

prochain a accompli la Loi.

[n° 1050] 9 En effet : "Tu ne commettras pas

d’adultère, tu ne tueras pas, tu ne voleras pas,

tu ne porteras pas de faux témoignage, tu ne

convoiteras pas"; et s’il est quelque autre

commandement, il se résume dans cette

parole : "Tu aimeras ton prochain comme toi-

même." [n° 1058] 10 L’amour du prochain

n’opère pas le mal. L’amour est donc la

plénitude de la Loi.

[86223] Super Rom., cap. 13 l. 2 Supra

apostolus ostendit qualiter debeant fideles

ad superiores iustitiam observare, hic

ostendit quid debeant omnibus communiter

exhibere. Et circa hoc duo facit. Primo ponit

quod intendit; secundo reddit rationem, ibi

qui enim diligit, et cetera. Dicit ergo primo :

dictum est reddite omnibus debita, non

quidem particulariter, sed integraliter, et hoc

1044. Après avoir montré plus haut [n° 1016]

comment les fidèles doivent observer la

justice à l’égard des supérieurs, l’Apôtre

montre ici comment ils doivent la pratiquer en

général à l’égard de tous. A cet effet

I) Il commence par exposer son intention.

II) Puis, il en donne la raison [n° 1048] : car

qui aime, etc.

1045. — I. On a commencé par dire Rendez à

947

Pr 24, 21. Deum ne figure pas dans la Vulgate, mais dans la Septante. Voir éd. Alfred Rahifs, vol.

II, p. 224 ephoboi2 ton theon.

est quod subdit nemini quidquam debeatis.

Quasi dicat : ita plene omnibus omnia debita

persolvatis, ut nihil remaneat, quod solvere

debeatis. Et hoc quidem propter duo. Primo

quia in ipsa mora reddendi peccatum

committitur, dum homo iniuste detinet rem

alienam. Unde dicitur Lev. XIX, 13. — non

morabitur opus mercenarii tui apud te

usque mane. Et eadem est ratio de aliis

debitis. Secundo quia quamdiu aliquis

debet, est quodammodo servus et, cui debet,

obligatur. Prov. XXII, 7. — qui accipit

mutuum, servus est foenerantis. Sunt tamen

quaedam debita, a quibus homo numquam

potest se absolvere. Et hoc contingit

dupliciter. Uno quidem modo propter

excellentiam beneficii, cui aequivalens

recompensari non potest : sicut philosophus

dicit de honore qui exhibetur Deo vel

parentibus, secundum illud Ps. CXV, 12. —

quid retribuam domino pro omnibus quae

retribuit mihi ? Alio modo propter causam

debendi, quae semper manet; vel etiam

propter hoc quod illud quod redditur,

numquam exhauritur sed semper in

reddendo crescit. Et propter has causas

debitum dilectionis fraternae ita solvitur,

quod semper debetur. Primo quidem quia

dilectionem proximo debemus propter

Deum, cui sufficienter recompensare non

possumus. Dicitur enim I Io. IV, 21. — hoc

mandatum habemus a Deo, ut qui diligit

Deum, diligat et fratrem suum. Secundo

quia causa dilectionis semper manet, quae

est similitudo naturae et gratiae. Eccli. XIII,

19. — omne animal diligit sibi simile, sic et

omnis homo proximum sibi. Tertio quia

charitas in diligendo non deficit sed proficit.

Phil. I, 9. — hoc oro, ut charitas vestra

magis ac magis abundet. Ideo dicit nisi ut

invicem diligatis, quia scilicet dilectionis

debitum ita semel redditur, ut tamen semper

maneat sub debito praecepti. Io. XV, 12. —

hoc est praeceptum meum, ut diligatis

invicem. Deinde cum dicit qui enim diligit,

etc., assignat causam eius quod dixerat,

tous ce qui leur est dû, non en partie, mais

intégralement, et c’est pourquoi il ajoute : 8

Ne devez rien à personne. Comme s’il disait :

Rendez à tous tout ce que vous devez, avec

une telle plénitude qu’il ne vous reste rien à

devoir acquitter. Et cela pour deux raisons

A. Premièrement, parce que dans le retard

même de la restitution l’homme commet un

péché, puisqu’il retient injustement une chose

qui appartient à autrui. D’où ces paroles du

Lévitique : "Le travail de ton mercenaire ne

demeurera point chez toi jusqu’au matin" La

même raison vaut à l’égard des autres choses

que l’on doit.

B. Deuxièmement, parce que aussi longtemps

qu’on est débiteur on est en quelque sorte

esclave et lié à l’égard de celui à qui l’on doit

: "Celui qui emprunte est l’esclave de celui

qui prête."

1046. — Cependant948

il est certaines dettes

dont l’homme ne peut jamais s’acquitter, et

cela arrive de deux manières :

1. D’abord, en raison de l’excellence du

bienfait dont on ne peut rendre l’équivalent,

comme le remarque le Philosophe à propos de

l’honneur que l’on doit à Dieu ou aux

parents949

, selon ce passage du psaume 115 :

"Que rendrai-je au Seigneur pour tous les

biens qu’il m’a faits ?"

2. Puis, en raison de la cause de la dette, cause

qui demeure toujours; ou encore, parce que ce

qui est rendu reste inépuisable et croît

toujours à mesure qu’on le rend.

1047. — C’est950

pour ces raisons que la dette

de la charité fraternelle s’acquitte, tout en

restant toujours à acquitter.

a. En premier lieu, parce que nous devons au

prochain la charité à cause de Dieu, à l’égard

duquel nous ne pouvons user d’une

réciprocité suffisante; car il est dit : "Nous

avons ce commandement de Dieu : Que celui

qui aime Dieu aime aussi son frère."

b. Puis, parce que le motif de la charité

demeure toujours, motif qui est la similitude

de nature et de grâce : "Tout animal aime son

948

Lieux parallèles Somme Théologique 2a-2 Q. 80, a. 1; Q. 101, a. 1. 949

Voir ARISTOTE, Ethique à Nicomaque VIII, 14 [ b) AL XXVI, fasc. 3, p. 321. Lieu parallèle :

Ethic. 8, Iect. 14 (éd. Léonine, 1969, t. XLVII, vol. II, p. 497, col. 1 [1163 b 15." 950

Lieux parallèles Somme Théologique 2a-2 Q. 25, a. 11; De vu-tut., Q. 2, a. 8, sol. 9.

debito dilectionis nos numquam absolvi,

quia scilicet in dilectione tota legis impletio

consistit. Unde circa hoc tria facit. Primo

proponit quod intendit; secundo manifestat

propositum, ibi nam non adulterabis, etc.;

tertio infert conclusionem intentam, ibi

plenitudo ergo legis, et cetera. Dicit ergo

primo : ideo dictum est quod non

intendamus nos expedire a debito

dilectionis, sicut ab aliis debitis, qui enim

diligit proximum, legem implevit, id est tota

impletio legis ex proximi dilectione

dependet. Sed hoc non videtur verum.

Dicitur enim I Tim. I, 5. — quod finis

praecepti charitas est. Unumquodque enim

perficitur cum ad finem pervenit : et ideo

tota legis perfectio in charitate consistit. Sed

charitas duos habet actus, scilicet

dilectionem Dei et dilectionem proximi;

unde et dominus dixit Matth. XXII, v. 40

quod tota lex et prophetae pendet in duobus

mandatis charitatis : quorum unum est de

dilectione Dei, aliud de dilectione proximi.

Non ergo videtur quod qui proximum

diligit, impleat totam legem. Sed dicendum

est quod illa dilectio proximi ad charitatem

pertinet, et legem implet, qua proximus

diligitur propter Deum; et ita in dilectione

proximi includitur dilectio Dei, sicut causa

includitur in effectu. Dicitur enim I Io. IV,

21. — et hoc mandatum habemus a Deo, ut

qui diligit Deum, diligat et fratrem suum.

Et, e converso, dilectio proximi includitur in

dilectione Dei, sicut effectus in causa; unde

ibidem dicitur : si quis dixerit quoniam

diligo Deum, et fratrem suum odit, mendax

est. Et inde est quod in sacra Scriptura

quandoque fit mentio solum de dilectione

Dei, quasi sufficiat ad salutem, secundum

illud Deut. X, 12. — et nunc, Israel, audi,

quid dominus Deus tuus petit a te, nisi ut

timeas dominum Deum tuum, et ambules in

viis eius, et diligas eum. Quandoque autem

fit mentio solum de dilectione proximi. Io.

XV, v. 12. — haec vobis mando, ut diligatis

invicem. Deinde cum dicit nam non

semblable, de même aussi tout homme aime

ce qui lui est proche."

c. Enfin, parce que la charité ne s’épuise pas

en aimant, mais elle progresse "Et voici ma

prière : que votre charité abonde de plus en

plus en science et en toute intelligence." Voilà

pourquoi <l’Apôtre> dit : sinon de vous aimer

mutuellement, c’est-à-dire que la dette de la

charité, une fois payée, l’est de manière

qu’elle demeure toujours sous l’obligation du

commandement : "Voici mon commandement

: que vous vous aimiez les uns les autres

comme je vous ai aimés."

1048. — II. Lorsque <l’Apôtre> dit car qui

aime le prochain, etc., il donne la raison de ce

qu’il vient de dire, à savoir que jamais nous

ne serons acquittés de la dette de la charité,

puisque c’est dans la charité que consiste tout

l’accomplissement de la Loi. A cet effet

A) Il commence par exposer son intention.

B) Puis, il fait connaître sa proposition [n°

1050] : En effet : Tu ne commettras pas

d’adultère, etc.

C) Enfin, il déduit la conclusion qu’il avait en

vue [n° 1059] : L’amour est donc la plénitude

de la Loi.

1049. — A. Il dit donc d’abord951

— On a dit

que nous ne pouvions être dégagés de la dette

de la charité, comme il en est des autres

dettes, car qui aime le prochain a accompli la

Loi, c’est-à-dire que tout l’accomplissement

de la Loi dépend de l’amour du prochain.

On objecte que cela ne semble pas vrai,

puisqu’il est dit que "la fin du précepte est la

charité." En effet, chaque chose est parfaite

lorsqu’elle est parvenue à sa fin. Il s’ensuit

donc que toute la perfection de la Loi consiste

dans la charité. Mais la charité a deux actes :

l’amour de Dieu et l’amour du prochain952

; ce

qui a fait dire au Seigneur qu’"à ces deux

commandements se rattachent toute la Loi et

les Prophètes ", dont l’un porte sur l’amour de

Dieu, l’autre sur l’amour du prochain. Il ne

semble donc pas que celui qui aime le

prochain accomplisse toute la Loi.

Il faut répondre que cet amour du prochain

951

Lieux parallèles Somme Théologique 2 Q. 44, a. 7; De v, rtut., Q. 2, a. 7 et 8; De perf. spir. vit., c.

13; Ad Gal. 5, 14, lect. 3 (éd. Marietti, n 304 et 305). 952

Lieux parallèles : Somme Théologique 2a-2 Q. 25, a. 1; De t’irtut., Q. 2, a. 4 et 8.

adulterabis, etc., probat propositum. Primo

quidem per inductionem; secundo vero per

medium syllogismi, ibi dilectio proximi, et

cetera. Circa primum, more inducentium,

enumerat quaedam praecepta, quae

dilectionem proximi implent. Et quia

praecepta tria primae tabulae immediatius

ordinantur ad dilectionem Dei, non facit

mentionem hic de eis, quamvis et ipsa

impleantur in dilectione proximi, prout

dilectio Dei includitur in dilectione proximi.

Enumerat autem mandata secundae tabulae,

praetermittit tamen praeceptum

affirmativum tantum quod est de honore

parentum, in quo etiam intelligitur, ut

omnibus reddamus quae debemus.

Enumerat autem praecepta negativa, per

quae aliquis prohibetur malum proximis

inferre. Et hoc duplici ratione. Primo

quidem, quia praecepta negativa sunt magis

universalia, et quantum ad tempora et

quantum ad personas. Quantum ad tempora

quidem, quia praecepta negativa obligant

semper et ad semper. Nullo enim tempore

est furandum et adulterandum. Praecepta

autem affirmativa obligant quidem semper,

sed non ad semper, sed pro loco et tempore;

non enim tenetur homo, ut omni tempore

honoret parentes, sed pro loco et tempore.

Quantum ad personas autem, quia nulli

hominum est nocendum, non autem

sufficientes sumus, ut unus homo possit

omnibus hominibus servire. Secundo quia

appartient à la charité et accomplit la Loi, en

tant que le prochain est aimé pour Dieu, et

qu’ainsi dans l’amour du prochain est

renfermé l’amour de Dieu, comme la cause

est enfermée dans l’effet. Car il est dit : "De

plus, nous avons ce commandement de Dieu :

Que celui qui aime Dieu aime aussi son frère

" Et inversement, l’amour du prochain est

renfermé dans l’amour de Dieu, comme

l’effet dans la cause, aussi est-il dit au même

endroit : "Si quelqu’un dit : "J’aime Dieu" et

qu’il haïsse son frère, c’est un Menteur." Il en

résulte que dans la sainte Ecriture on fait

parfois mention seulement de l’amour de

Dieu, comme s’il suffisait au salut, selon ces

paroles du Deutéronome "Et maintenant,

Israël, <écoute>! Que te demande le Seigneur

ton Dieu, sinon de craindre le Seigneur ton

Dieu, et de marcher dans ses voies, et de

l’aimer, de servir le Seigneur ton Dieu de tout

ton cœur et de toute ton âme." D’autres fois

on ne fait mention que de l’amour du

prochain : "Ce que je vous commande, c’est

de vous aimer les uns les autres."

1050. — B. Lorsqu’il dit953

: En effet Tu ne

commettras pas d’adultère, etc., <l’Apôtre>

prouve son propos :

1) D’abord, par une induction.

2) Puis, au moyen d’un syllogisme [n° 10581.

— 10 L’amour du prochain n’opère pas le

mal.

1051. — 1. Sur le premier point, à la manière

de ceux qui raisonnent par induction954

,

953

Lieux parallèles : Somme Théologique 1 Q. 100, a. 5; 3 Sentences dist. 37, Q. 1, a. 2, Q. 2; 3

Contra Gentiles c. 120 et 128; De virtut., Q. 2, a. 7, sol. 10. 954

La déduction (du latin de-ducere, "tirer de") est l’opération de la raison par laquelle elle tire d’un

antécédent la conséquence qui y est contenue. C’est l’acte essentiel du raisonnement rigoureux, dont la

forme parfaite est le syllogisme : le syllogisme n’est rien d’autre que la mise en forme du

raisonnement déductif. La possibilité de mettre le raisonnement sous forme syllogistique assure la

raison qu’elle est parvenue â une certitude. Par sa formation étymologique, l’induction (du latin in

"conduire dans", ou "vers") semble l’opposé de la déduction. En tant que l’induction consiste, partant

de cas particuliers donnés, à s’élever vers le principe général, la loi, qui rend compte de l’existence de

ces cas donnés et constatés, il semble bien en effet qu’elle suive une voie parallèlement contraire à

celle de la déduction. Aristote l’admet, mais "d’une certaine manière’) seulement (Premiers

analytiques II, c. 23 [68 b 33]; trad. J. Tricot, p. 313; AL III, I-4, p. 134). Car l’induction, qui est une

démarche de la pensée humaine, plutôt qu’une forme de raison nement au sens strict, n’exclut pas la

déduction; au contraire elle consiste à supposer (par intuition, par imagination) le principe d’où il sera

possible de déduire les cas particuliers, ou encore elle consiste à voir (à deviner ?) dans les cas que

nous présente l’expénence le principe qui les régit et dont ils sont comme autant d’illustrations, mais

avec un risque d’erreur, car peut-être qu’un autre principe (supposé) permettrait de rendre compte des

faits observés (par exemple en astronomie : Somme Théologique Ia, Q. 32, a. 1, sol. 2). Saint Thomas

magis manifestum est quod per dilectionem

proximi implentur praecepta negativa quam

affirmativa. Qui enim diligit aliquem, magis

abstinet a nocumento illius, quam ei

beneficia impendat, a quo quandoque homo

impeditur per impotentiam. Tripliciter

autem aliquis nocumentum proximo inferre

potest. Uno modo, facto; alio modo, verbo;

tertio, desiderio. Facto quidem tripliciter.

Uno modo quantum ad personam ipsius

proximi, et hoc prohibetur cum dicitur non

occides. In quo etiam intelligitur prohiberi

omnis iniuria in personam proximi illata. I

Io. III, 15. — omnis homicida non habet

vitam aeternam in seipso. Secundo quantum

ad personam coniunctam, scilicet uxorem, et

hoc prohibetur cum dicitur non adulterabis.

In quo etiam intelligitur prohiberi fornicatio

et omnis illicitus usus genitalium

membrorum. Hebr. ult. : fornicatores et

adulteros iudicabit Deus. Tertio quantum ad

res exteriores, quod prohibetur, cum dicitur

non furaberis. In quo etiam prohibetur

omnis iniusta subtractio rei alienae, sive per

vim, sive per dolum. Zach. V, 3. — omnis

fur, sicut ibi scriptum est, iudicabitur.

Nocumentum autem, quod quis proximo

infert verbo, prohibetur, cum dicitur non

falsum testimonium dices. Quod non solum

prohibetur in iudicio sed etiam extra

<l’Apôtre> énumère certains préceptes par

lesquels on met en pratique l’amour du

prochain Et parce que les trois préceptes de la

première table955

sont plus immédiatement

ordonnés à l’amour de Dieu, <l’Apôtre> n’en

fait pas mention ici, bien qu’eux-mêmes

soient accomplis par l’amour du prochain, en

tant que l’amour de Dieu est renfermé dans

l’amour du prochain. Mais il énumère les

commandements de la seconde table,

omettant toutefois l’unique précepte affirmatif

: celui de l’honneur à rendre aux parents, dans

lequel on comprend aussi <celui> de rendre à

chacun ce que nous lui devons.

1052. — Il énumère956

les préceptes négatifs

qui défendent de faire du mal au prochain, et

cela pour une double raison :

a. La première, c’est que les préceptes

négatifs sont plus universels, et quant au

temps et quant aux personnes Quant au temps,

parce que les préceptes négatifs957

obligent

toujours, de manière ininterrompue. Car en

aucun temps il n’est permis de commettre le

vol ou l’adultère. Quant aux préceptes

affirmatifs, ils obligent toujours, mais non pas

de manière ininterrompue, mais selon le lieu

et le temps; ainsi l’homme n’est pas tenu

d’honorer ses parents en tout temps, mais

selon le lieu et le temps. Quant aux personnes,

parce qu’il ne faut nuire à personne; mais il

n’a d’ailleurs pas consacré à l’induction de grands développements (H. GAis. DEIL, Initiation à la

philosophie de saint Thomas, t. I, Intro duction-logique, p. 132). On voit pourquoi, cependant, il est

amené à parler d’induction à propos du verset de saint Paul. L’Apôtre, en effet, énumère un certain

nombre de commandements de Dieu, dont aucun ne parle directement de l’amour du prochain, mais

que tous présupposent comme leur principe et dont chacun est une application a un cas particulier; ce

qui est d’autant plus convenant qu’en effet l’énumération est une des méthodes de la démarche

inductive une induction parfaite est celle qui peut se fonder sur une énumération complète des cas

considérés. 955

Les tables de la Loi sont traditionnellement représentées sous la forme de deux rectangles de pierres

arrondis au sommet. Sur le premier (celui de droite par rapport â Moïse) sont inscrits les trois premiers

préceptes qui se rapportent à Dieu; sur le second (celui de gauche) sont inscrits les sept autres qui se

rapportent à l’amour du prochain par induction. 956

Lieux parallèles : Somme Théologique 1a-2ae, Q. 71, a. 5, sol. 3; Q. 88, a. 1, sol. 2; Q. 100, a. 10;

2a-2ae, Q. 3, a. 3; Q. 33, a. 2; Q. 79, a. 3, sol. 3; Q. 140, a. 2, sol. 2; 2 Sentences dist. 22, Q. 2, a. 1,

sol. 4; dist. 35, a. 3, sol. 3; dist. 41, Q. 1, a. 2, sol. 4; 3 Sentences dist. 36, Q. 1, a. 6; 4 Sentences dist.

15, Q. 2, a. 1, q De malo, Q. 2, a. 1, sol. Il; Q. 7, a. 1, sol. 8; a. 10, sol. 9; Q 16, a. 4, sol. 22;

Dequodlibet 1, Q. 6, a. 2; 3, Q. 5, a. 4; Ad Rom. 10, 10, lect. 2 (éd. Marietti, n° 832); Ad Gal. 6, 1,

lect. 1 (éd. Marietti, n° 343); II Ad Tim. 2, 21, lect. 4 (éd. Marietti, n° 77). 957

La négation a, en effet, une portée plus universelle que l’affir mation elle ne fait qu’écarter quelque

chose et laisse donc subsister l’universalité de tout ce qu’elle n’exclut pas, tandis que l’affirmation ne

porte que sur ce qu’elle affirme.

iudicium, sive per modum detractionis, sive

per modum contumeliae. Prov. XIX, 5. —

testis falsus non erit impunitus, et qui

mendacia loquitur, non effugiet.

Nocumentum autem quod quis infert

proximo, solo desiderio, prohibetur cum

dicitur non concupisces rem proximi tui.

Ubi etiam intelligitur prohiberi

concupiscentia uxoris; supra VII, 7. — nam

concupiscentiam nesciebam, scilicet esse

peccatum, nisi lex diceret : non

concupisces. Ponuntur autem haec mandata

Ex. XX, 17 ss. Enumeratis autem pluribus

praeceptis, colligit omnia alia in communi

dicens et si quod est aliud mandatum,

affirmativum vel negativum, vel ad Deum,

vel ad proximum pertinens, per modum

supra dictum, instauratur, id est perficitur et

impletur, in hoc verbo : diliges proximum

tuum sicut teipsum. Quod quidem ponitur

Lev. c. XIX, 18; ubi nos habemus : diliges

amicum tuum sicut teipsum. Quod autem

dicit proximum tuum, referendum est ad

omnem hominem et etiam ad sanctos

Angelos, ut Augustinus probat in I de

doctrina Christiana. Nomine enim proximi

intelligitur quicumque facit alicui

misericordiam, secundum illud Lc. X, 36.

— quis tibi videtur illi proximus fuisse, qui

incidit in latrones ? Et ille dixit : qui fecit

misericordiam, et cetera. Et quia proximus

est proximo proximus, consequens est quod

etiam ille, qui ab aliquo misericordiam

recipit, proximus ei dicatur. Sancti autem

Angeli nobis misericordiam impendunt, et

nos omnibus hominibus misericordiam

debemus impendere et ab eis, cum necesse

fuerit, recipere. Unde patet quod et sancti

Angeli et omnes homines proximi nobis

dicuntur, quia beatitudinem, ad quam nos

tendimus, vel iam habent, vel ad eam

nobiscum tendunt. Ex quo patet quod

Daemones non sunt secundum hanc

rationem proximi nobis, nec sub hoc

praecepto eorum dilectio nobis iniungitur,

quia sunt totaliter a dilectione Dei exclusi et

non sunt computandi in numero

serait impossible qu’un seul homme puisse

servir tous les hommes.

b. La seconde raison, c’est qu’on voit mieux

qu’on accomplit par l’amour du prochain les

préceptes négatifs que les préceptes

affirmatifs; car celui qui aime le prochain

s’abstient plutôt de lui nuire que de lui

accorder des bienfaits, ce qu’il ne peut faire

quelquefois par impuissance.

1053. Or on peut nuire au prochain de trois

manières : soit en action, soit en parole, soit

par désir.

En action, triplement :

D’abord quant à sa personne; ce qui est

défendu par ce précepte : tu ne tueras pas.

Précepte qui comprend aussi l’inter diction de

toute injure faite à la personne du prochain :

"Aucun homicide n’a la vie éternelle en lui."

Puis, quant à la personne à laquelle on est uni,

à savoir l’épouse; et cela est défendu par ce

<précepte> qu’il cite : tu ne commettras pas

d’adultère. Précepte qui comprend aussi

l’interdiction de la fornication et de tout usage

illicite des organes de la génération : "Dieu

jugera les fornicateurs et les adultères."

Enfin, quant aux choses extérieures; ce qui est

défendu <par ce précepte> qu’il cite : tu ne

voleras pas. Précepte qui interdit aussi toute

soustraction injuste du bien d’autrui, soit par

violence, soit par ruse : "Tout voleur, selon

qu’il est écrit dans ce volume, sera jugé."

1054. — Le dommage que l’on cause au

prochain en parole est défendu <par ce

précepte> qu’il cite : tu ne porteras pas de

faux témoignage. Ce qui est défendu non

seulement au tribunal, mais aussi en dehors

du tribunal, soit sous forme de diffamation

(detractio)958

, soit sous forme d’outrage

(contumelia)959

— "Un témoin faux ne sera

pas impuni, et celui qui dit des mensonges

n’échappera pas."

— Le dommage que l’on cause au prochain

par le désir seul est défendu <par ce précepte>

qu’il cite : tu ne convoiteras pas le bien de ton

prochain. On comprend aussi sous cette

interdiction la convoitise de l’épouse : "car je

ne connaîtrais pas la concupiscence", c’est-à-

958

Lieux parallèles Somme Théologique 2 Q. 73; Ad Rom. 1, 30, lect. 8 (éd. Marietti, n° 162). 959

Lieu parallèle : Somme Théologique 2a-2 Q. 72.

proximorum, sed in numero hostium. Quod

autem dicit sicut teipsum, non est

referendum ad aequalitatem dilectionis, ut

scilicet aliquis teneatur diligere proximum

aequaliter sibi : hoc enim esset contra

ordinem charitatis, quo quilibet plus tenetur

suam, quam aliorum salutem curare. Cant.

II, 4. — ordinavit in me charitatem. Sed est

referendum ad similitudinem dilectionis, ut

scilicet similiter diligamus proximum sicut

nosipsos. Et hoc tripliciter. Primo quidem

quantum ad finem dilectionis, ut scilicet nos

et proximum diligamus propter Deum.

Secundo quantum ad formam dilectionis, ut

scilicet sicut aliquis seipsum diligit, quasi

sibi volens bonum, ita aliquis proximum

diligat, quasi ei bona volens. Qui autem

diligit proximum ad hoc solum ut eius

utilitate vel dilectione potiatur, non vult

bonum proximo, sed ex proximo vult sibi

bonum. Quo quidem modo homo amare

dicitur res irrationales, puta vinum vel

aquam, ut scilicet eis utatur. Tertio quantum

ad effectum dilectionis, ut scilicet aliquis

necessitati proximi subveniat, sicut sibi, et

quod nihil illicitum, propter amorem

proximi, committat sicut nec propter suum

amorem. Deinde, cum dicit dilectio proximi,

etc., manifestat propositum medio

syllogismi per hunc modum : qui diligit

proximum, nullum malum operatur ad

ipsum. Sed ad hoc tendit omne legis

praeceptum, ut abstineatur a malo. Qui ergo

diligit proximum, legem implevit. Quod

autem dilectio proximi malum non operetur,

habetur 1 Co XIII, 4. — charitas non agit

perperam, et cetera. Quocumque autem

dire qu’elle est un péché, "si la Loi n’eût dit :

"Tu ne convoiteras pas." Ces

commandements sont cités dans l’Exode.

1055. — Après avoir960

énuméré de

nombreux préceptes, <l’Apôtre> résume tous

les autres sous une formule générale, en

disant : et s’il est quelque autre

commandement, affirmatif ou négatif, se

rapportant ou à Dieu ou au prochain, selon la

manière mentionnée plus haut, il se résume,

c’est-à-dire atteint sa perfection et s’accomplit

dans cette parole : "Tu aimeras ton prochain

comme toi-même"; précepte qui figure dans le

Lévitique961

, là où <notre Vulgate962

> porte :

"Tu aimeras ton ami comme toi-même"

1056. — Ces mots963

. — "ton prochain"

doivent être étendu à tout homme et même

aux saints anges, comme le prouve Augustin

dans son traité De la doctrine chrétienne964

.

Car sous le nom du prochain on entend

quiconque fait à autrui miséricorde, selon ce

passage de Luc : "Lequel de ces trois te

semble avoir été le prochain de celui qui

tomba entre les mains des voleurs ? <Le

docteur de la Loi> répondit : Celui qui a

pratiqué la miséricorde à son égard Et parce

que le prochain est celui qui est proche d’un

autre, il s’ensuit que celui-là même qui a reçu

la miséricorde d’un autre est appelé son

prochain. Or les saints anges exercent à notre

égard la miséricorde, et nous aussi, nous

sommes nous-mêmes tenus de l’exercer à

l’égard de tous les hommes, et <nous sommes

en droit> de la recevoir d’eux dans un cas de

nécessité. Il est donc évident que les saints

anges et tous les hommes sont notre prochain,

soit parce qu’ils possèdent déjà la béatitude

960

Lieux parallèles Somme Théologique 1a-2ae, Q. 99, a. 1, sol. 2; 2 Q. 25, a. l; Q. 44, a. 1, a. 2, a. 7;

De virtut., Q. 2, a. 4, a. 7et8; 3Contra Gentiles c. 116, 117; 1 Ad Tim. 1, 11, lect. 2 (éd. Marietti, n°

11.") Ad Gai. 5, 14, lect. 3 (éd. Marietti, n; De perfect. spir. vit., c. 13; Sup. Matth. 22, 37-38 (éd.

Marietti, n° 1815-1820). 961

Lv 19, 18 selon la Vetus latina, voir DOM SABATIER, Bibi. sacr., t. I, p. 250. 962

Voir Biblia sacra iuxta vulgatam versionem, éd. Robert Weber et Roger Gryson, p. 161. 963

Lieux parallèles Somme Théologique 2a-2 Q. 25, a. 10 et 11; 3 Sentences dist. 28, Q. I, a. 3; De

virtut., Q. 2, a. 7, sol. 9; a. 8, sol. 9. 964

Voir SAINT AUGUSTIN, De doctrina christiana I, XXX, 33 (PL 34, 30-31; CCL 32, 25; BA 11,

220-223; BA 11/2, 118-119).

modo accipiatur hic malum, vel pro malo

transgressionis, vel etiam omissionis, poterit

hoc referri non solum ad praecepta negativa

sed etiam ad affirmativa. Inquantum vero

dilectio proximi includit dilectionem Dei,

intelligitur quod dilectio proximi excludit

malum, non solum quod est contra

proximum, sed etiam quod est contra Deum.

Et sic includuntur etiam praecepta tabulae

primae. Ultimo autem infert conclusionem

principaliter intentam, dicens plenitudo ergo

legis est dilectio, id est, per dilectionem lex

impletur et perficitur. Eccli. XXIV, 16. —

in plenitudine sanctorum detentio mea. Col.

c. III, 14. — charitatem habete, quod est

vinculum perfectionis.

vers laquelle nous tendons, soit parce qu’ils y

tendent avec nous965

. Il est aussi manifeste

que les démons ne sont pas notre prochain, et

que ce précepte ne nous ordonne pas de les

aimer, pour cette raison qu’ils sont totalement

exclus de l’amour de Dieu et qu’on ne doit

pas les compter au nombre de ceux qui sont

notre prochain, mais au nombre de nos

ennemis.

1057. — Quant à ces mots : "comme toi-

même", on ne doit pas les rapporter à l’égalité

de l’amour, c’est-à-dire de telle sorte que l’on

soit tenu d’aimer le prochain d’un amour égal

à celui qu’on a pour soi-même, car ce serait

contre l’ordre de la charité966

, qui oblige

chacun à prendre de son propre salut un soin

plus grand que de celui des autres : "Il a

ordonné en moi la charité." En revanche, il

faut rapporter ces mots à la similitude de

l’amour, c’est-à-dire de telle sorte que nous

aimions le prochain tout comme nous nous

aimons nous-mêmes; et cela de trois manières

:

D’abord, quant à la fin de l’amour, c’est-à-

dire que nous nous aimions nous-mêmes et le

prochain pour Dieu.

Puis, quant à la forme de l’amour, c’est-à-dire

que comme chacun s’aime soi-même en se

voulant du bien, ainsi doit-on aimer le

prochain en lui voulant du bien. Car celui qui

aime le prochain seulement pour l’utilité ou

965

À la question du pharisien : qui est mon prochain ?", le Christ répond par la parabole du bon

Samaritain et renverse l’interrogation initiale qui s’est montré le prochain de l’homme blessé ? Le

prochain, c’est donc aussi bien celui qui s’est approché de nous que celui dont nous approchons : au

premier chef le Christ venu dans notre chair pour nous sauver, ensuite les anges qui nous protègent et

nous aident, enfin tous ceux qui exercent à notre égard la misé ricorde ou à l’égard de qui nous

l’exerçons. Ce n’est donc pas une catégorie déterminée d’êtres, mais tout homme dans la mesure où

l’amour qu’il me porte et celui que je lui porte font de nous des prochains (voir Jean BORELLA, La

Chanté profanée, p. 205-225). 966

Il y a en effet, pour saint Thomas, un ordre dans la charité (Somme Théologique 2a-2ae, Q. 26). La

charité est une vertu théologale, c’est-à-dire qui " Dieu pour objet; même lorsqu’il s’agit de l’amour de

soi-même ou de l’amour du prochain, l’amour de charité est toujours en vue de Dieu et s’inscrit dans

l’œuvre du salut, comme le montre la parabole du bon Samaritain. Selon cet ordre nous devons aimer

Dieu plus que nous-mêmes (a. 3), nous-mêmes plus que le prochain en tant que l’amour est un acte de

la personne s’unissant peronnellement à Dieu (a. 4), notre prochain plus que notre propre corps en tant

que nous devons désirer le salut de sa personne plus fortement que celui de notre corps, puisque la

première participera directement à la béatitude, alors que le second n’y participera qu’indirectement (a.

5), et ainsi de suite pour les diverses sortes de prochains. On voit et la rigueur de la conception

thomasienne et l’exigence de sa visée spirituelle nous sommes assez loin, ici, de l’acception purement

humanitaire selon laquelle est pris aujourd’hui le terme (." Mais, évidemment, comme le souligne la

fin de ce paragraphe 1057, l’entraide fratemelle est partie intégrante de l’amour du prochain.

l’amour qu’il en retire ne veut pas le bien du

prochain, mais veut tirer du prochain un bien

pour lui-même. C’est de cette manière qu’on

dit de l’homme qu’il aime les créatures sans

raison, par exemple le vin ou l’eau, pour s’en

servir.

Enfin, quant à l’effet de l’amour, c’est-à-dire

qu’on doit subvenir aux nécessités du

prochain comme aux siennes propres, et ne

rien commettre d’illicite pour l’amour qu’on

lui porte, pas plus que pour l’amour de soi-

même.

1058. — 2. Lorsque <l’Apôtre> dit ensuite :

10 L’amour du prochain, etc., il prouve son

propos en recourant au syllogisme suivant :

Celui qui aime son prochain n’accomplit

aucun mal à son égard; or tout précepte de la

Loi tend à empêcher le mal; donc celui qui

aime le prochain a accompli la Loi. Que

l’amour du prochain n’opère pas le mal, nous

le lisons dans la première épître <de

l’Apôtre> aux Corinthiens : "La charité n’agit

pas insolemment; elle ne s’enfle pas; elle

n’est pas ambitieuse, elle ne cherche pas son

propre intérêt; elle ne s’irrite pas; elle ne

pense pas le mal; elle ne se réjouit pas de

l’iniquité, mais elle met sa joie dans la vérité;

elle souffre tout, elle croit tout, elle espère

tout, elle endure tout967

." De quelque manière

qu’on entende ici le mal, que ce soit le mal de

la transgression ou même le mal d’omission,

on pourra le rapporter non seulement aux

préceptes négatifs, mais aussi aux préceptes

affirmatifs. Car, en tant que l’amour du

prochain renferme l’amour de Dieu, on

comprend que l’amour du prochain exclue le

mal, et non seulement le mal contre le

prochain mais aussi contre Dieu. Et c’est ainsi

que <dans l’amour du prochain> sont

renfermés les préceptes de la première table.

1059. — C. Enfin, <l’Apôtre> déduit la

conclusion qu’il avait principalement en vue,

en disant : L’amour est donc la plénitude de

la Loi, c’est-à-dire par l’amour la Loi

s’accomplit et se parfait : "Dans la plénitude

des saints est ma demeure." Et encore : "Ayez

la charité qui est le lien de la perfection."

967

1 Corinthiens 13, 4-7. Lieu parallèle I Ad Cor. 13, 4-7, lect. 2 (éd. Marietti, n 774 et s.).

Lectio 3 Leçon 3 [Versets 11 à 14]

[n° 1061] 11 D’autant plus que nous savons

en quel temps nous sommes : c’est désormais

l’heure de nous lever du sommeil; car notre

salut est maintenant plus près qu’au temps où

nous avons cru.

[n° 1066] 12 La nuit est avancée, le jour est

proche. [n° 10701 Rejetons donc les œuvres

des ténèbres et revêtons les armes de la

lumière.

[n° 1073] 13 Comme durant le jour, marchons

honnêtement, [n° 1074] non dans les excès de

table et dans les ébriétés, non dans les

coucheries et les impudicités, non dans la

dispute et la jalousie;

[n° 1079] 14 mais revêtez-vous du Seigneur

Jésus-Christ et n’ayez pas soin de la chair

pour <en satisfaire> les désirs.

[86224] Super Rom., cap. 13 l. 3 Postquam

apostolus ostendit quomodo homo debet se

Deo exhibere pium, convenienter eius donis

utendo, et proximo iuste ei debita reddendo,

hic ostendit quomodo in seipso debeat

honestatem conservare. Et circa hoc duo

facit. Primo proponit temporis

congruitatem; secundo exhortatur ad

honestatem operum, ibi abiiciamus ergo, et

cetera. Circa primum tria facit. Primo ponit

temporis congruitatem; secundo assignat

rationem, ibi nunc enim propior est, etc.;

tertio adhibet similitudinem, ibi nox

praecessit, et cetera. Dicit ergo primo :

dictum est quae debetis observare et hoc,

non solum propter ea quae dicta sunt, sed

etiam scientes hoc tempus, id est per hoc

quod debetis considerare huius temporis

conditionem, quia ut dicitur Eccle. VIII, 6.

— omni negotio tempus est et opportunitas.

Ier. VIII, 7. — milvus in caelo cognovit

tempus suum, turtur, et hirundo, et ciconia

custodierunt tempus adventus sui, populus

autem meus, et cetera. Ad quid autem

congruum sit hoc tempus ostendit, subdens

quia hora est iam nos de somno surgere.

Quod quidem intelligendum est non de

somno naturae, qui quandoque dicitur mors,

1060. — Après avoir montré comment

l’homme doit pratiquer sa piété à l’égard de

Dieu en usant convenablement de ses dons et

en rendant équitablement au prochain ce qui

lui est dû [n° 953], <l’Apôtre> montre ici

comment il doit garder en lui-même

l’honnêteté968

. A cet effet :

I) Il commence par indiquer l’opportunité du

temps.

II) Puis, il exhorte à mettre en pratique

l’honnêteté [n° 1070] : Rejetons donc, etc.

I. Sur le premier de ces points

A) <L’Apôtre> mentionne d’abord

l’opportunité du temps.

B) Puis il en donne la raison [n° 1063] car

notre salut est maintenant plus près, etc.

C) Enfin, il emploie une similitude [n° 1066]

: 12 La nuit est avancée, etc.

1061. — A. <L’Apôtre> commence donc par

dire : On vous a rappelé ce que vous devez

observer, et cela non seulement en vertu des

raisons alléguées, mais d’autant plus que nous

savons en quel temps nous sommes, c’est-à-

dire parce que vous devez considérer la

condition de ce temps, car il est dit dans

l’Ecclésiaste : "A toute chose est son temps et

son opportunité." Et dans Jérémie : "Le milan

968

Lieu parallèle Somme Théologique 2 Q. 145.

secundum illud I Thess. IV, 12. — nolumus

vos ignorare de dormientibus, quandoque

autem est quies animalium virtutum,

secundum illud Io. XI, v. 12. — si dormit,

salvus erit. Nec enim intelligendum est de

somno gratiae, qui quandoque dicitur quies

aeternae gloriae, secundum illud Ps. IV, 9.

— in pace in idipsum, etc., quandoque

autem est quies contemplationis etiam in

hac vita. Cant. V, 2. — ego dormio, et cor

meum vigilat. Sed intelligitur de somno

culpae, secundum illud Eph. V, 14. —

exurge, qui dormis, et exurge a mortuis,

etc., vel etiam negligentiae, secundum illud

Prov. c. VI, 9. — usquequo, piger, dormies

? Tempus ergo est surgendi a somno culpae

per poenitentiam Ps. CXXVI, 2. — surgite,

postquam sederitis, etc., a somno vero

negligentiae per sollicitudinem bene

operandi Is. XXI, 5. — surgite, principes,

accipite clypeum. Eccli. XXXII, 15. — hora

surgendi non te tristet. Deinde, cum dicit

nunc enim, etc., assignat rationem eius quod

dixerat, dicens nunc enim propior est salus

nostra, quam cum credidimus. Quod quidem

secundum intentionem apostoli intelligitur

de salute vitae aeternae, de qua dicitur Is.

LI, 8. — salus autem mea in sempiternum

erit. Ad hanc autem salutem homo

ordinatur, primo quidem, per fidem. Mc. ult.

: qui crediderit et baptizatus fuerit, salvus

erit. Sed semper magis ac magis homo

accedit ad eam per bona opera et charitatis

augmentum. Unde dicitur Iac. IV, 8. —

appropinquate Deo, et appropinquabit

vobis. Hoc est ergo quod apostolus dicit :

ideo hora est iam nos de somno surgere,

nunc enim, quando scilicet per opera bona et

per charitatis augmentum profecimus,

propior, id est propinquior, est, scilicet

nobis, nostra salus, scilicet vitae aeternae de

qua dicitur Is. LI, 8. — salus autem mea in

sempiternum erit; quam cum credidimus, id

est quam cum a principio fidem accepimus.

Et potest hic intelligi duplex propinquitas.

Una quidem secundum tempus, qua viri

sancti, in operibus iustitiae proficientes,

connaît dans le ciel son temps; la tourterelle,

l’hirondelle et la cigogne gardent le temps de

leur arrivée; mais mon peuple n’a pas connu

le jugement du Seigneur."

1062. — 969

<L’Apôtre> montre à quoi doit

servir cette opportunité du temps, en ajoutant

: c’est désormais l’heure de nous lever du

sommeil. Ce qu’il faut entendre non du

sommeil naturel, qui est parfois appelé mort,

selon ce passage de la première <épître> aux

Thessaloniciens : <Nous ne voulons pas, mes

frères, que vous soyez dans l’ignorance

touchant ceux qui dorment "; parfois il

signifie le repos des forces animales, selon ce

passage de Jean : "S’il dort, il sera sauvé " Il

ne faut pas l’entendre non plus du sommeil de

la grâce, qui quelquefois se dit du repos de la

gloire éternelle, comme dans ce verset du

psaume 4 — "Dans la paix tout à la fois, je

m’endormirai et je reposerai "; parfois du

repos de la contemplation, même en cette vie :

"Moi, je dors, mais mon cœur veille " Mais il

faut l’entendre du sommeil de la faute, selon

ce passage <de l’épître> aux Ephésiens :

"Lève-toi, toi qui dors; lève-toi d’entre les

morts, et le Christ t’illuminera "; ou même de

la négligence970

", selon ce passage des

Proverbes "Jusques à quand, paresseux,

dormiras-tu ?" Il est donc temps de se lever

du sommeil de la faute par la pénitence :

"Levez-vous après que vous aurez pris du

repos, vous qui mangez un pain de douleur";

et du sommeil de la négligence, par la

sollicitude pour les bonnes œuvres : "Levez-

vous, princes, saisissez le bouclier" Et : "A

l’heure du lever ne t’attarde pas."

1063. — B. En second lieu, <l’Apôtre> donne

la raison de ce qu’il avait avancé, en disant :

car notre salut est maintenant plus près qu’au

temps où nous avons cru. Selon l’intention de

l’Apôtre cela s’entend du salut de la vie

éternelle, dont il est dit : "Mais mon salut sera

à jamais." Or l’homme est dirigé vers ce salut,

d’abord par la foi "Celui qui croira et sera

baptisé sera sauvé." Mais il s’en approche

toujours et de plus en plus par les bonnes

œuvres et par l’accroissement de la charité.

969

Lieu parallèle Super Ioan. 11, 11, lect. 3 (éd. Marietti, n° 1495). 970

Voir Glosa in Rom. XIII, 11 (GPL, col. 1510 A).

magis appropinquant ad terminum vitae

huius, in quo mercedem accipiunt. Alia vero

est propinquitas dispositionis vel

praeparationis, quia per augmentum

charitatis et operationem iustitiae homo

praeparatur ad illam salutem. Matth. XXV,

10. — quae paratae erant, intraverunt cum

eo ad nuptias. Sed secundum quod Ecclesia

haec verba adventus tempore legit, videntur

haec verba esse referenda ad salutem quam

Christus fecit in suo primo adventu, ut

intelligamus apostolum loquentem quasi ex

persona omnium fidelium qui fuerunt ab

initio mundi. Appropinquante enim iam

tempore incarnationis Christi, quo vaticinia

prophetarum crebrescebant, quod tempus

repraesentat Ecclesia, poterit dici : nunc

propior est nostra salus scilicet Christus,

quam cum credidimus, id est cum homines a

principio credere coeperunt Christi

adventum futurum. Is. LVI, 1. — iuxta est

salus mea, ut veniat, et iustitia mea, ut

reveletur. Posset etiam assumi ad tempus

misericordiae, quo quis incipit velle a

praeteritis peccatis discedere. Tunc enim

magis appropinquat suae saluti, quam a

principio, dum haberet fidem informem. Iac.

IV, 7 s.; resistite Diabolo, et fugiet a vobis;

appropinquate Deo, et appropinquabit

vobis, et cetera. Deinde, cum dicit nox

praecessit, dies autem appropinquavit, etc.,

ponit ad propositum similitudinem. Quod

quidem secundum intentionem apostoli sic

videtur esse intelligendum ut totum tempus

vitae praesentis nocti comparetur propter

ignorantiae tenebras, quibus praesens vita

gravatur. Iob XXXI, 1. — omnes quippe

involvimur tenebris, et cetera. Et de hac

nocte dicitur Is. XXVI, v. 9. — anima mea

desideravit te in nocte. Diei autem

comparatur status futurae beatitudinis

propter claritatem Dei, qua sancti

illustrantur. Is. LX, 19. — non erit tibi

amplius sol ad lucendum per diem, nec

splendor lunae illuminabit te, sed erit tibi

dominus in lucem sempiternam. Ad quem

diem refertur quod dicitur in Ps. CXVII, 24.

— haec dies, quam fecit dominus, exultemus

et laetemur in ea. Alio modo potest intelligi

quod status culpae nocti comparetur propter

D’où ces paroles de Jacques : "Approchez-

vous de Dieu et il s’approchera de vous."

Tel est donc ce que dit l’Apôtre : c’est

désormais l’heure de nous lever du sommeil;

car maintenant, c’est-à-dire lorsque par les

bonnes œuvres et l’accroissement de la

charité nous avons fait des progrès, il est plus

près, c’est-à-dire plus proche, notre salut,

c’est-à-dire celui de la vie éternelle, dont il est

dit "Mais mon salut sera à jamais." — Qu’au

temps où nous avons cru, c’est-à-dire que

lorsqu’au commencement nous avons reçu la

foi.

1064. — Cette proximité peut s’entendre de

deux manières :

1. La première quant au temps, au cours

duquel les hommes saints, progressant dans

les œuvres de justice, s’approchent davantage

du terme de cette vie, terme où ils recevront

leur récompense.

2. La seconde s’entend d’une proximité de

disposition ou de préparation, parce que par

l’accroissement de la charité et la pratique de

la justice l’homme se prépare à ce salut : "Les

vierges qui étaient prêtes entrèrent avec

l’époux dans la salle des noces."

1065. — Mais étant donné que l’Église lit ces

paroles au temps de l’Avent, elles semblent

devoir être appliquées au salut que le Christ a

apporté lors de son premier avènement, en

sorte qu’il faut comprendre que l’Apôtre parle

au nom de tous les fidèles qui ont existé

depuis le commencement du monde. Car déjà

à l’approche du temps de l’Incarnation du

Christ, lorsque les oracles des prophètes

devenaient plus fréquents, temps que

représente l’Eglise, on pourra dire : notre

salut est maintenant plus près, à savoir le

Christ, qu’au temps où nous avons cru, c’est-

à-dire lorsqu’au début les hommes ont

commencé à croire que l’avènement du Christ

aurait lieu : "Mon salut est près de venir et ma

justice d’être révélée." On pourrait aussi

appliquer <ces paroles> au temps de la

miséricorde, quand chacun commence à

vouloir rompre avec ses péchés passés.

C’est alors qu’on s’approche plus de son salut

qu’au commencement, au temps où on n’avait

qu’une foi informe : "Résistez au diable et il

tenebras culpae, de quibus dicitur in Ps.

LXXXI, v. 5. — nescierunt, neque

intellexerunt, in tenebris ambulant. Et de

hac nocte dicitur Sap. c. XVII, 20. — solis

autem illis superposita erat gravis nox,

imago tenebrarum, quae superventurae

erant illis. Dies autem dicitur status gratiae

propter lumen spiritualis intelligentiae, quod

iusti habent sed impiis deest. Ps. XCVI, 11.

— lux orta est iusto. Sap. V, 6. — sol

intelligentiae non est ortus nobis. Tertio

modo potest intelligi quod comparetur nocti

tempus praecedens Christi incarnationem,

quia nondum erat manifestata, sed sub

quadam caligine. II Petr. I, v. 19. — habetis

propheticum sermonem, cui benefacitis

attendentes quasi lucernae lucenti in

caliginoso loco. Et de hac nocte dicitur Is.

XXI, 11. — custos, quid de nocte ? Unde,

sicut in nocte apparent umbrae ita etiam illo

tempore eminebant legalia, quae sunt umbra

futurorum, ut dicitur Col. II, 17. Tempus

autem ab incarnatione Christi comparatur

diei propter potentiam spiritualis solis in

mundo, de quo dicitur Mal. ult. : vobis

timentibus nomen meum orietur sol

iustitiae. Unde et ipse dominus dicit Io. IX,

4. — me oportet operari opera eius qui

misit me, donec dies est. Et postea subdit :

quamdiu in mundo sum, lux sum mundi.

Quod ergo dicitur nox praecessit,

indifferenter accipi potest pro qualibet

praedictarum trium noctium. Iam enim

praecesserat eos quibus scribebat, et magna

pars temporis huius vitae, et, quod verius

est, praecesserat nox culpae; praecesserat

etiam tempus legis, quod fuit ante Christum.

Quod autem subdit dies autem

appropinquavit, videtur secundum

intentionem apostoli referendum esse ad

diem futurae gloriae, qui licet nondum

advenisset fidelibus Christi quibus

scribebat, tamen in propinquo erat eis.

Secundum praedicta posset etiam intelligi

tempus gratiae Christi, quod etsi iam

advenerit secundum temporum cursum,

s’enfuira loin de vous approchez vous de Dieu

et il s’approchera de vous."

1066. — C. Lorsqu’il971

dit : 12 La nuit est

avancée, le jour est proche, <l’Apôtre>

emploie une similitude pour <prouver> sa

proposition. Ce passage, selon l’intention de

l’Apôtre, doit, semble-t-il, s’entendre en ce

sens que tout le temps de la vie présente est

comparé à la nuit à cause des ténèbres de

l’ignorance972

qui s’appesantissent sur cette

vie : "Car nous, nous sommes enveloppés de

ténèbres." Et à propos de cette nuit il est dit

dans <le livre d’>Isaïe : "Mon âme t’a désiré

pendant la nuit." Mais l’état de la béatitude

future est comparé au jour à cause de la clarté

divine dont sont illuminés les saints : "Tu

n’auras plus le soleil pour éclairer pendant le

jour, et la clarté de la lune ne luira plus sur

toi; mais le Seigneur sera ta lumière éternelle,

et ton Dieu ta gloire." C’est à ce jour que se

réfère ce verset du psaume 117. — "Voici le

jour qu’a fait le Seigneur; exultons et

réjouissons-nous en lui."

1067. On peut encore entendre ce passage

autrement, en comparant l’état de la faute à la

nuit à cause de ses ténèbres, dont il est dit au

psaume 81. — "ils n’ont ni savoir ni

intelligence, ils marchent dans les ténèbres."

Et à propos de cette nuit il est écrit au livre de

la Sagesse : "Sur eux seuls s’étendait une

profonde nuit, image des ténèbres qui

devaient leur survenir " Mais on appelle jour

l’état de grâce, à cause de la lumière de

l’intelligence spirituelle que possèdent les

justes, mais qui manque aux impies : "La

lumière s’est levée pour le juste." Et encore :

"Le soleil de l’intelligence ne s’est pas levé

pour nous."

1068. — Enfin, on peut expliquer ce passage

d’une troisième manière, en comparant à la

nuit le temps qui a précédé l’Incarnation du

Christ, parce qu’elle n’avait pas encore été

manifestée et qu’elle se trouvait au contraire

dans une certaine obscurité : "Vous tenez la

parole des prophètes, à laquelle vous faites

bien d’être attentifs, comme à une lampe qui

971 Lieu parallèle sur les paragraphes 1066 à 1069 Super Ioan. 9, 4, lect. 1 (éd. Marietti, n° 1305).

972 Voir Glosa in Rom. XIII, 12 (GPL, col. 1510 B).

appropinquare tamen nobis dicitur per fidem

et devotionem, sicut et Phil. IV, 5 dicitur :

dominus prope est, et in Ps. CXLIV, 18. —

prope est dominus omnibus invocantibus

eum. Potest etiam hoc congruere his qui de

peccatis poenitere incipiunt, quibus dies

gratiae appropinquat. Deinde, cum dicit

abiiciamus, etc., concludit exhortationem de

honestate vitae. Et primo ponit

exhortationem; secundo exponit eam, ibi

non in comessationibus, et cetera. Circa

honestatem vitae tria tangit. Primo quidem

remotionem vitiorum concludens ex

praemissis : si nox praecessit, ut dictum est,

abiiciamus opera tenebrarum, quia, ut

dicitur Eccle. VIII, 6, omni negotio tempus

est et opportunitas. Unde, recedente nocte,

cessare debent opera noctis. Dicuntur autem

opera tenebrarum opera peccatorum : primo

quidem, quia in seipsis privata sunt lumine

rationis, quo illustrari debent humana opera,

Eccle. II, 14. — sapientis oculi in capite

eius, stultus in tenebris ambulat, secundo,

quia in tenebris aguntur, Iob XXIV, v. 15.

— oculus adulteri observat caliginem,

tertio, quia per ea homo ad tenebras ducitur,

secundum illud Matth. XXII, 13. — mittite

eum in tenebras exteriores. Secundo inducit

ad assumendas virtutes, quasi dicat : ex quo

dies appropinquavit, assumentes ea quae

congruunt diei, induamur arma lucis, id est

virtutes, quae et arma dicuntur, inquantum

nos muniunt. Eph. ult. : induite vos

armaturam Dei, ut possitis stare adversus

insidias Diaboli. Et dicuntur lucis arma, tum

quia lumine rationis decorantur et

perficiuntur, unde dicitur Prov. IV, 18. —

iustorum semita quasi lux splendens

procedit, tum quia lucis examen requirunt,

Io. III, 21. — qui facit veritatem, venit ad

lucem, tum quia per opera virtutum alii

illuminantur, Matth. V, 16. — sic luceat lux

vestra coram hominibus, et cetera. Tertio

exhortatur ad usum virtutum et profectum,

cum dicit sicut in die honeste ambulemus.

Haec enim duo videntur diei congruere.

luit dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour

brille et que l’étoile du matin se lève dans vos

cœurs." Et à propos de cette nuit il est écrit

dans <le livre d’>Isaïe : "Sentinelle, où en est

la nuit ?" Par conséquent, de même que

pendant la nuit apparaissent les ombres, ainsi

paraissaient pendant ce temps les choses de la

Loi, "qui ne sont que l’ombre des choses à

venir", comme il est dit dans <l’épître aux>

Colossiens. Mais le temps <qui s’est écoulé>

depuis l’Incarnation du Christ est comparé au

jour, à cause de la puissance du soleil spirituel

sur le monde; ce qui a fait dire à Malachie :

"Pour vous qui craignez mon Nom, se lèvera

le soleil de justice." Voilà pourquoi le

Seigneur dit aussi lui-même <11 me faut

travailler aux œuvres de Celui qui m’a

envoyé, tant qu’il fait jour." Et il ajoute

ensuite : "Tant que je suis dans le monde, je

suis la lumière du monde."

1069. — Donc ces paroles : La nuit est

avancée, peuvent être prises indifféremment

pour n’importe laquelle de ces trois nuits. Car

pour ceux à qui <l’Apôtre> écrivait, une

grande partie du temps de cette vie s’était déjà

écoulée, et ce qui est plus vrai encore, la nuit

de la faute avait précédé, comme avait

également précédé le temps de la Loi qui fut

avant le Christ. Mais ce que <l’Apôtre>

ajoute : le jour est proche, semble devoir se

rapporter, selon son intention, au jour de la

gloire future qui, bien que n’étant pas encore

arrivé pour les fidèles du Christ auxquels il

écrivait, était cependant proche pour eux.

D’après ce qui précède, on pourrait encore

l’entendre du temps de la grâce du Christ,

dont on dit que, bien qu’il soit déjà venu selon

le cours du temps, il s’approche cependant de

nous par la foi et par la dévotion973

, selon ce

que <l’Apôtre> écrit aux Philippiens : "Le

Seigneur est proche "; et selon ce qui est écrit

au psaume 144. — "Le Seigneur est près de

tous ceux qui l’invoquent." Ce sens peut aussi

s’appliquer à ceux qui commencent à se

repentir de leurs péchés : pour eux s’approche

le jour de la grâce974

.

973

Lieu parallèle Somme Théologique 2 Q. 82. 974

On observera que, dans ces diverses interprétations, saint Thomas ne mentionne pas l’imminence

de la seconde venue. Non qu’il l’ignore, évidemment, ni qu’elle ne joue aucun rôle dans sa

philosophie de l’histoire du salut (voir Max SECKLER, Le Salut et l’Histoire. La pensée de saint

Primo quidem honestas. Nam in die

unusquisque seipsum studet componere, ut

coram aliis honestus appareat. In nocte

autem non sic. Unde dicitur I Thess. c. V, 7.

— qui dormiunt, nocte dormiunt : et qui

ebrii sunt, nocte ebrii sunt : nos autem qui

diei sumus, sobrii simus. Unde 1 Co c. XIV,

40 dicitur : omnia honeste et secundum

ordinem fiant in vobis. Secundo homo in die

ambulat, non in nocte. Unde dicitur Io. XI,

10. — qui ambulat in nocte offendit. Et

ideo, quia dies est, oportet quod ambulemus,

id est de bono in melius procedamus. Unde

dicitur Io. XII, 35. — ambulate, dum lucem

habetis. Deinde, cum dicit non in

comessationibus, etc., exponit quod dixerat.

Et, primo, exponit quomodo sunt abiicienda

opera tenebrarum, quae sunt opera

peccatorum, de quibus quaedam enumerat.

Primo ponens ea quae pertinent ad

corruptionem concupiscibilis, cuius

corruptio est intemperantia, quae est circa

delectationes tactus et circa cibos. Unde,

primo, excludit intemperantiam ciborum,

cum dicit non in comessationibus. Dicuntur

comessationes superfluae et nimis accuratae

comestiones. Prov. c. XXIII, 20. — noli

esse in conviviis peccatorum, nec in

comessationibus eorum qui carnes ad

vescendum conferunt. Quod quidem potest

esse peccatum mortale ex hoc quod

secundum legem pro hac culpa aliquis

damnatur ad mortem. Dicitur enim de filio

protervo Deut. XXI, 22. — comessationibus

vacat, et luxuriae atque conviviis; lapidibus

eum obruet populus, et cetera. Dicitur autem

aliquis vacare comessationibus atque

conviviis, non quidem si comedat magnifice

secundum statum suae dignitatis, sicut

dicitur, Esther II, 18, quod Assuerus iussit

1070. — II. Lorsque <l’Apôtre> dit ensuite

: Rejetons, etc., il donne en conclusion une

exhortation sur l’honnêteté de la vie. Et :

A) Il commence par exposer son exhortation.

B) Puis, il l’explique [n° 1074] : non dans les

excès de table, etc.

A. Sur l’honnêteté de la vie <l’Apôtre>

mentionne trois choses :

1071. — 1. En premier lieu, l’éloignement

des vices, en concluant d’après ce qui

précède. Si la nuit est avancée, ainsi qu’on l’a

dit, rejetons les œuvres des ténèbres, car selon

l’Ecclésiaste, "à toute chose est son temps et

son opportunité." Donc, la nuit se retirant, les

œuvres de la nuit doivent cesser. Or on

appelle œuvres des ténèbres les œuvres des

pécheurs :

a. D’abord, parce que en elles-mêmes elles

sont privées de la lumière de la raison, qui

doit éclairer les œuvres humaines : "Le sage a

les yeux à la tête, l’insensé marche dans les

ténèbres."

b. Ensuite, <parce qu’> elles sont faites dans

les ténèbres "L’œil de l’adultère observe

l’obscurité."

c. Enfin, parce qu’elles conduisent l’homme

vers les ténèbres, selon ce passage de

Matthieu "Jetez-le dans les ténèbres

extérieures."

1072. — 2. Puis il exhorte à acquérir les

vertus, comme s’il disait : Dès lors que le jour

approche, en acquérant ce qui convient au

jour, revêtons les armes de la lumière, c’est-à-

dire les vertus qu’on appelle armes en tant

qu’elles nous défendent : "Revêtez-vous de

l’armure de Dieu, afin de pouvoir tenir contre

les embûches du diable." On les appelle armes

de la lumière, soit parce qu’elles sont

embellies et perfectionnées par la lumière de

Thomas d’Aquin sur la théologie de l’histoire, p. 216-222, qui montre que pour saint Thomas, l’ultima

aetas, l’êge ultime, n’est pas seulement j la fin de l’histoire, mais aussi déjà là, dans le temps de

l’Eglise, selon une relation de présence verticale qui fonde le caractère définitif de l’Eglise contre

Joachim de Flore — et des sacrements qu’elle commu nique). Mais si saint Thomas évite d’attribuer

aux versets pauliniens le sens d’une croyance (erronée) à l’imminence de la parousie, c’est qu’il

apparaît étranger à l’intention de l’Apôtre. C’est aussi l’opinion de beaucoup d’exégètes modernes

(voir HUBY, Saint Paul. Epître aux Romains, Paris, Beauchesne, 1957, p. 442-443). Le thème du

kairos, le "moment favorable", joue un grand rôle dans la pensée grecque (voir PLATON, République

II (370 b 8]; texte établi et traduit par Emile Chambry, dans PLATON, Œuvres complètes, t. VI, La

Répu blique, II, p. 67), comme dans la pensée biblique.

praeparari convivium magnificum propter

coniunctionem Esther, iuxta magnificentiam

principalem; sed quando aliquis hoc facit

praeter decentiam sui status, et praecipue si

ad hoc principalis eius cura existat, sicut illi

de quibus dicitur infra ult. : huiusmodi

Christo domino non serviunt, sed suo ventri;

et Phil. III, 9. — quorum Deus venter est.

Secundo excludit intemperantiam circa

potum, cum subdit et ebrietatibus, quae

pertinent ad superfluitatem potus extra

mensuram rationis hominem ponentis.

Eccli. XXXI, 35. — vinum in iucunditate

creatum, et non in ebrietate. Et est

considerandum quod ebrietas ex suo genere

est peccatum mortale, cum scilicet homo ex

proposito inebriatur, quia videtur praeferre

delectationem vini integritati rationis. Unde

dicitur Is. V, 22. — vae qui potentes estis ad

bibendum vinum, et viri fortes ad

miscendam ebrietatem. Si vero aliquis

inebrietur praeter intentionem, non ex

proposito, puta quia ignorat virtutem vini,

vel quia non aestimat se tanto potu

inebriandum, non est peccatum mortale,

quia non per se inebriatur sed per accidens,

id est praeter intentionem, quod quidem non

potest contingere in his, qui frequenter

inebriantur. Et ideo dicit Augustinus in

sermone de Purgatorio, quod ebrietas est

peccatum mortale, si assidua fuerit. Unde

signanter hic apostolus in plurali numero

dicit : non in comessationibus et

ebrietatibus. Tertio excludit intemperantiam

circa corporalem quietem, cum dicit non in

cubilibus id est non in superflua dormitione,

quam convenienter post comessationem et

ebrietatem prohibet, quia sequitur ex illis. Et

potest esse in hoc peccatum mortale, quando

propter quietem corporalem et somnum

omittit homo quae facere debet et inclinatur

ad aliqua mala facienda. Mich. II, 1. — vae

qui cogitatis inutile, et operamini malum in

la raison; aussi est-il écrit : "Le sentier des

justes s’avance comme une lumière éclatante

et croît jusqu’au jour parfait "; soit parce

qu’elles requièrent le contrôle de la lumière :

"Celui qui fait la vérité vient à la lumière ";

soit parce que les œuvres des vertus brillent

sur les autres : "Qu’ainsi donc votre lumière

luise devant les hommes pour qu’ils voient

vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui

est dans les cieux."

1073. — 3. Enfin, <l’Apôtre> exhorte à

pratiquer les vertus et à progresser <dans leur

pratique>, lorsqu’il dit : 13 Comme durant le

jour, marchons honnêtement. Ces deux

choses, <à savoir l’honnêteté et la marche>,

semblent convenir au jour.

a. D’abord l’honnêteté. En effet, durant le

jour chacun s’applique à se présenter tel qu’il

paraisse honnête aux yeux des autres. Mais il

n’en est pas ainsi durant la nuit. D’où <ce que

l’Apôtre> dit <dans sa première épître> aux

Thessaloniciens : "Ceux qui dorment de nuit,

et ceux qui s’enivrent, s’enivrent de nuit." Et

<dans sa première épître> aux Corinthiens :

"Que tout se fasse chez vous honnêtement et

avec ordre975

."

b. Puis <la marche>. L’homme marche durant

le jour, non durant la nuit. D’où ces paroles

Celui qui "marche durant la nuit trébuche."

Ainsi donc, puisqu’il fait jour, il faut que nous

marchions, c’est-à-dire que nous progressions

du bien vers le mieux.

D’où ces paroles de Jean : "Marchez pendant

que vous avez la lumière"

1074. — B. Lorsqu’il dit : non dans les excès

de table, etc., <l’Apôtre> explique ce qu’il

vient de dire.

1. Et il explique d’abord comment il faut

rejeter les œuvres des ténèbres, qui sont les

œuvres des péchés, et il en énumère quelques-

unes.

a. Il mentionne en premier lieu celles qui se

rapportent à la corruption du concupiscible976

.

975

1 Co 14, 40. L’addition des mots in vobis ("chez vous") figure dans la Bibiia latina (éd. Adolph

Rusch, p. 332a); voir aussi DOM SABATIER, Bibi. sacr., t. III (Notas ad versionem antiquam), p.

712. 976 Voir ARISTOTE, Ethique à Nicomaque III, 10 [1118 a]. Lieux parallèles Ethic. 3, lect. 19 (éd. Léonine,

1969, t. XLVII, vol. I, p. 182, col. 2 [ a 23]); Ethic. 3, lect. 20 (éd. Léonine, 1969, t. XLVII, vol. I, p. 184,

col. 1 [ a 26]); Somme Théologique 2a-2 Q. 142, a. 2, sol. 2.

cubilibus vestris. Potest etiam quod dicit

non in cubilibus vestris, referri ad

apparatum luxuriae. Unde dicitur in persona

meretricis Prov. VII, 17. — aspersi cubile

meum myrrha, et cetera. Gen. XLIX, v. 4.

— ascendisti cubile patris tui. Et ideo

convenienter, quarto, excludit

intemperantiam circa venerea, cum subdit et

impudicitiis, id est quibuscumque venereis

actibus, qui dicuntur impudici, quia non

cavent id quod est maxime pudore vel

confusione dignum : tum quia omnes

delectationes tactus, gulae et luxuriae sunt

communes nobis et brutis. Unde qui eis

inordinate insistit, brutalis efficitur. Ps.

XXXI, 9. — nolite fieri sicut equus et

mulus, quibus non est intellectus, et cetera.

Tum etiam quia specialiter in actibus

venereis ratio hominis totaliter absorbetur a

delectatione, ut non possit homo tunc

aliquid intelligere, sicut Aristoteles dicit in

libro Ethicorum. Unde et Osee IV, 11

dicitur : fornicatio, et ebrietas, et vinum

auferunt cor. Apoc. IX, 21. — non egerunt

poenitentiam super immunditia et

fornicatione et impudicitia, quam gesserunt.

Deinde excludit ea quae pertinent ad

corruptionem irascibilis, cum dicit non in

contentione. Quae quidem, ut Ambrosius

dicit, est impugnatio veritatis cum

confidentia clamoris. Potest autem intelligi

quod per hoc prohibetur omnis rixa, non

solum verborum, sed et factorum, quae ut

plurimum a verbis incipit. Prov. XX, 3. —

honor est homini qui separat se a

contentionibus. Solet autem contentio ex

invidia generari, et ideo subdit et

aemulatione. Unde Iac. III, v. 16 dicitur :

ubi zelus et contentio, ibi inconstantia et

omne opus pravum. Secundo exponit

quomodo debeamus induere arma lucis,

dicens sed induimini dominum Iesum

Christum, in quo scilicet abundantissime

fuerunt omnes virtutes, secundum illud Is.

IV, 1. — apprehendent septem mulieres

Cette corruption est l’intempérance, qui porte

aux plaisirs du toucher et de la nourriture977

.

Aussi rejette-t-il en premier lieu

l’intempérance des repas, lorsqu’il dit : non

dans les excès de table. On appelle excès de

table les repas trop abondants et trop soignés :

"Ne sois pas dans les festins des buveurs ni

dans les excès de table de ceux qui apportent

des viandes pour les manger ensemble." Or

cet excès peut être un péché mortel, puisque

selon la Loi pour une telle faute on était

condamné à mort. En effet, il est dit du fils

débauché "Il s’adonne aux excès de table, <se

livre à> la dissolution et <passe son temps>

dans les festins. Le peuple de la ville le

lapidera." On dit qu’on s’adonne aux excès de

table et aux festins, non quand on fait un

festin magnifique selon l’état de sa dignité,

comme il est dit au livre d’Esther qu’Assuérus

"commanda qu’on préparât un festin très

magnifique à tous les princes et à tous ses

serviteurs pour le mariage et les noces

d’Esther. Il donna aussi du repos aux peuples

de ses provinces et il fit des dons avec la

magnificence d’un prince "; mais lorsqu’on va

au-delà de la décence qui convient à son état,

et surtout quand on fait <de ces festins>

l’objet principal de ses soucis, comme le

faisaient ceux dont il est dit plus loin, au

dernier chapitre de cette épître : < ces sortes

de gens ne servent point le Christ Notre

Seigneur, mais leur ventre." Et dans l’épître

aux Philippiens : "Il y en a beaucoup […]

dont la fin sera la perdition, dont le Dieu est le

ventre, qui mettent leur gloire dans leur

ignominie et n’ont de goût que pour les

choses de la terre."

1075. — b. <L’Apôtre>978

rejette en second

lieu l’intempérance dans le boire, lorsqu’il

ajoute : et dans les ébriétés, excès qui

concernent la boisson et dont la démesure fait

déraisonner l’homme : "Le vin a été créé dès

le commencement pour la joie et non pour

l’ébriété." Il faut remarquer que l’ébriété est

de par sa nature un péché mortel, c’est-à-dire

977

Lieux parallèles : Somme Théologique 2 Q. 148, a. 2; Q. 154, a. 2, sol. 6; De maio, Q. 14, a. 2; Ad

Gai. 5, 21, lect. 5 (éd. Marietti, n° 326). 978

Lieux parallèles : Somme Théologique Ia-2 Q. 55, a. 3, sol. 2; Q. 76, a. 4, sol. 2 et 4; Q. 77, a. 7; Q.

88, a. 5, sol. 1; 2a-2 Q. 150, a. 2; 2 Sentences dist. 24, Q. 3, a. 6; Demalo, Q. 2, a. 8, sol. 3; Q. 7, a. 4,

sol. 1; 1 Ad Cor. 5, 11, lect. 3 (éd. Marietti, n°258); Ad Gal. 5, 21, lect. 5 (éd. Marietti, n° 326).

virum unum. Induimus autem Iesum

Christum, primo quidem, per sacramenti

susceptionem. Gal. c. III, 27. — quicumque

in Christo baptizati estis, Christum

induistis. Secundo, per imitationem. Col.

III, 9. — expoliantes vos veterem hominem

cum actibus suis, et induentes novum, et

cetera. Et Eph. IV, 24. — induite novum

hominem, qui secundum Deum creatus est

in iustitia, et cetera. Dicitur autem induere

Christum qui Christum imitatur, quia, sicut

homo continetur vestimento et sub eius

colore videtur, ita in eo, qui Christum

imitatur, opera Christi apparent. Per hoc

ergo induimur arma lucis, quando induimur

Christum. Tertio exponit quod dixerat sicut

in die honeste ambulemus, per hoc quod

subdit et carnis curam ne feceritis in

desideriis. In hoc enim pulchritudo

honestatis consistit ut homo non carnem

spiritui sed spiritum praeferat carni. Supra

VIII, 12. — debitores sumus non carni, ut

secundum carnem vivamus. Sed notandum

quod non dicit simpliciter carnis curam ne

feceritis, quia quilibet tenetur ut carnis

curam gerat ad sustentandam naturam,

secundum illud Eph. V, 29. — nemo

umquam carnem suam odio habuit, sed

nutrit et fovet, et cetera. Sed addit in

desideriis, ut scilicet inordinata carnis

desideria, id est concupiscentias, non

sequamur. Unde dicitur Gal. V, 16. —

spiritu ambulate, et desideria carnis non

perficietis.

lorsque l’homme de propos délibéré s’enivre,

parce qu’il semble préférer la délectation du

vin à l’intégrité de sa raison. C’est pourquoi

Isaïe écrit "Malheur <à vous> qui êtes

puissants à boire le vin, et <qui êtes> des

hommes vaillants à mêler des boissons

enivrantes." Que si quelqu’un s’enivre contre

son intention et non de propos délibéré, par

exemple parce qu’il ignore la force du vin ou

parce qu’il estime qu’une telle boisson ne

peut le porter à l’ivresse, ce n’est pas un

péché mortel; car ce n’est pas en tant que tel

qu’il s’enivre mais accidentellement, c’est-à-

dire contre son intention, ce qui toutefois ne

peut avoir lieu chez ceux qui s’enivrent

fréquemment. Voilà pourquoi Augustin979

dit

dans un Sermon sur le purgatoire que

l’ébriété est un péché mortel dès lors qu’elle

est fréquente. Et c’est ce qui explique

pourquoi l’Apôtre met ici expressément le

pluriel dans les excès de table et les ébriétés.

1076. — c. En troisième lieu, <l’Apôtre>

rejette l’intempérance dans le repos corporel,

lorsqu’il dit : non dans les coucheries, c’est-à-

dire non dans un sommeil abusif, qu’il interdit

avec raison après l’excès de table et l’ébriété,

parce qu’il en est la suite. Il peut y avoir en

cela <matière à> péché mortel, quand pour ce

repos corporel et ce sommeil on omet ce

qu’on doit faire et on se dispose à commettre

quelque autre mal : "Malheur <à vous> qui

formez des projets inutiles et qui vous

appliquez au mal sur vos couches " Cette

expression : non dans les coucheries, peut

encore s’entendre de la préparation à la

luxure; d’où ces paroles que les Proverbes

mettent dans la bouche de la courtisane <J’ai

parfumé ma couche de myrrhe, d’aloès et de

cinnamome." Et il est écrit dans la Genèse :

"Tu es monté sur la couche de ton père et tu

as souillé sa couche."

1077. — d. Aussi en quatrième lieu,

<l’Apôtre> rejette-t-il avec raison

l’intempérance980

dans les rapports sexuels,

lorsqu’il dit : et les impudicités, c’est-à-dire

dans tous les actes vénériens, qu’on appelle

979

Voir PSESJDO-AUGTJSTIN, Sermo 104, 2, sur k purgatoire (PL 39, 1946). La citation est de saint

Césaire d’Arles (Sermo 179, 2 [n° 104, 725." Lieu parallèle : 1 Ad Cor. 5 11, lect. 3 (éd. Marietti, n°

258). 980

Ps 31, 9. — Lieu parallèle : Super Psalmos, in Ps. 31, 9.

impudiques, parce qu’on ne veille pas à ce qui

est principalement digne de pudeur ou de

confusion, soit parce que toutes les

délectations du toucher, de la gourmandise et

de la luxure nous sont communes avec les

animaux privés de raison; aussi celui qui s’y

adonne en dépit de l’ordre leur devient

semblable "Ne devenez point comme le

cheval et le mulet, qui n’ont point

d’intelligence l" soit encore, en particulier,

parce que dans ces actes vénériens la raison

de l’homme est totalement absorbée par la

délectation, de telle sorte qu’alors il ne puisse

rien comprendre, comme le dit Aristote dans

son ouvrage de l’Ethique981

Aussi est-il dit

dans Osée : "La fornication, l’ébriété et le vin

emportent le cœur982

." Et dans l’Apocalypse :

"Ils ne firent pénitence ni de l’impureté, ni de

la fornication, ni de l’impudicité qu’ils ont

commises983

."

1078. — e. <L’Apôtre> rejette ensuite [Voir

n° 1074] les œuvres des ténèbres qui se

rapportent à la corruption de l’irascible984

,

lorsqu’il dit : non dans la dispute. Selon

Ambroise, la dispute est une attaque contre la

vérité accompagnée d’une clameur

effrontée985

. On peut aussi comprendre dans

ce mot l’interdiction de toute rixe986

, non

seulement en paroles mais encore en actions,

rixe qui la plupart du temps commence par

des paroles <injurieuses> : "C’est un honneur

pour l’homme de se séparer des disputes."

981

Voir AR1STOTE, Ethique à Nicomaque VII, c. 15 [1152 b] AL XXVI, fasc. 3, P. 291. Lieux

parallèles Ethic. 7, lect. 11 (éd. Léonine, 1969, t. XLVII, vol. II, p. 425, coI. 1 [1152 b 16]); Somme

Théologique 2 Q. 141, a. 2; Q. 142, a. 4. 982

Os 4, 11. Inversion dans la citation des mois vinum (vin) et ebrietas (ébriété), probablement citée de

mémoire. 983

Ap 9, 21 (cité d’après le sens). 984

On se souviendra que, selon Platon (République IV [; texte établi et traduit par Emile Chambry,

dans PLATON, Œuvres complètes, t. VII, 1° partie, La République IV, p. 36-41), l’âme humaine

comporte trois éléments fondamentaux auxquels on donne les noms de concupiscible (l’âme

désirante), d’irascible (l’âme affective, passionnelle, noble) et de raisonnable (l’âme intellectuelle).

Cette conception, devenue classique dans toute la philosophie grecque, a été reprise dans la pensée

médiévale comme un donné universellement reçu. 985

Glosa in Rom. XIII, 13 (GPL, col. 1335 C-D), sous le nom d’Ambroise, c’est-â-dire Ambrosiaster

(Ad Romanos, XIII, 13 [CSEL 81/1, 430]). — Lieux parallèles : Somme Théologique 2a-2 Q. 38, a. 1

IIAd Tim. 2, 14, lect. 2 (éd. Marietti n° 60). 986

Lieu parallèle : Somme Théologique 2a-2ae, Q. 41.

Quant à la dispute, elle est habituellement

engendrée par l’envie987

, et c’est pourquoi

<l’Apôtre> ajoute : et la jalousie. D’où ces

paroles de Jacques : "Là où est la jalousie et

l’esprit de dispute, là est l’inconstance et toute

œuvre perverse."

1079. — 2. <L’Apôtre> explique en suite

comment nous devons nous revêtir des armes

de la lumière, en disant : 14 mais revêtez-vous

du Seigneur Jésus-Christ, à savoir en qui se

trouvèrent très abondamment toutes les

vertus988

, selon ce verset d’Isaïe "Sept

femmes saisiront un seul homme en ce jour-

là989

." Or nous revêtons Jésus-Christ, d’abord

par la réception du sacrement : "Vous tous qui

avez été baptisés dans le Christ, vous avez

revêtu le Christ990

." Ensuite, par l’imitation :

< Dépouillez le vieil homme avec ses œuvres,

et revêtez le nouveau qui se renouvelle à la

connaissance, selon l’image de celui qui l’a

créé." Et encore "Revêtez-vous de l’homme

nouveau, qui a été créé selon Dieu dans la

justice et la sainteté de la vérité." Or on dit

que celui-là revêt le Christ qui l’imite, parce

que, de même que l’homme est renfermé dans

son vêtement et apparaît sous sa couleur, ainsi

dans celui qui imite le Christ, apparaissent les

œuvres du Christ. Il s’ensuit donc que nous

revêtons les armes de la lumière lorsque nous

revêtons le Christ.

1080. — 3. Enfin, <l’Apôtre> explique ce qui

précède : Comme durant le jour, marchons

honnêtement, en ajoutant : et n'ayez pas soin

de la chair pour <en satis faire> les désirs. Car

la beauté de l’honnêteté consiste en ce que

l’homme ne préfère point la chair à l’Esprit,

mais l’Esprit à la chair : "nous ne sommes pas

débiteurs envers la chair, pour vivre selon la

987

Envisagée sous le rapport de l’éloignement de celui avec qui on se trouve en désaccord ou de celui

avec qui on est en dispute, la dispute comme la discorde ont une affinité avec l’envie. En revanche, si

l’on considère ce à quoi s’arrête celui qui se dispute, son sens propre, la dispute a une affinité avec

l’orgueil et la vaine gloire. Voir Somme Théologique 2 Q. 38, a. 2, sol. 1. 988

Lieu parallèle Somme Théologique 3 Q. 7, a. 2. 989

Is 4, 1. Il faut sous-entendre ici l’interprétation traditionnelle de la Glose (GOS <Glosa marginalis

et interlin. >, t. III, p. 9h) : Sept femmes", c’est-i-dire les sept vertus ou les sept dons du Saint-Esprit, "

saisiront un homme, c’est-â-dire le Christ. — Lieux parallèles Super Is. 4, 1; Somme Théologique 3 Q.

7, a. 5 sed contra; Super Ioan. 1, 30, lect. 14 (éd. Marietti, n° 260). 990 Lieu parallèle Ad Galat. 3, 27, lect. 9 (éd. Marietti, n° 183 et 184).

chair." Mais il faut remarquer que <l’Apôtre>

ne dit pas simplement n’ayez pas soin de la

chair, parce que chacun est tenu d’en prendre

soin pour entretenir la nature, selon cette

parole <de l’Apôtre> aux Ephésiens :

"Personne n’a jamais haï sa chair, mais il la

nourrit et la soigne, comme le Christ l’Eglise

"Mais il ajoute : pour <en satisfaire> les

désirs, à savoir afin que nous ne suivions pas

les désirs désordonnés de la chair, c’est-à-dire

ses concupiscences. C’est pour cela qu’il est

dit aux Galates : "Marchez selon l’Esprit et

vous n’accomplirez pas les désirs de la chair "

Caput 14 CHAPITRE 14

Lectio 1 Leçon 1 [Versets 1 à 13a]

[n° 1082] 1 Accueillez celui qui est faible

dans la foi sans discuter sur les opinions.

[n° 10831 2 Car l’un croit manger de tout,

tandis que le faible ne mange que des

légumes.

[n° 1089] 3 Que celui qui mange ne méprise

pas celui qui ne mange pas, et que celui qui ne

mange pas ne juge pas celui qui mange, car

Dieu l’a accueilli.

[n° 1092] 4 Qui es-tu, toi qui juges l’esclave

d’autrui ? [n° 1094] Qu’il se tienne debout ou

qu’il tombe, <cela regarde> son maître; mais

il se tiendra debout, car Dieu est puissant pour

le maintenir.

[n° 1097] 5 En effet, l’un juge entre jour et

jour, tandis que l’autre les juge tous pareils.

Que chacun abonde en son sens.

[n° 1099] 6 Celui qui a telle opinion sur les

jours le fait pour le Seigneur. Et celui qui

mange mange pour le Seigneur, et il rend

grâces à Dieu; et celui qui ne mange pas ne

mange pas pour le Seigneur, et il rend grâces

à Dieu.

[n° 1101] 7 En effet, nul d’entre nous ne vit

pour soi-même et nul ne meurt pour soi-

même.

[n° 1102] 8 Car si nous vivons, nous vivons

pour le Seigneur; si nous mourons, nous

mourons pour le Seigneur. Soit donc que nous

vivions, soit que nous mourions, nous

sommes au Seigneur.

[n° 1104] 9 C’est pour cela même que le

Christ est mort et qu’il est ressuscité, afin

d’être le maître des morts et des vivants.

[n° 1105] 10 Mais toi, pourquoi juges-tu ton

frère ? Ou bien toi, pourquoi méprises-tu ton

frère ? Tous, en effet, nous nous trouverons

devant le tribunal du Christ.

[n° 1107] 11 Car il est écrit : "Je vis, moi, dit

le Seigneur : tout genou fléchira devant moi et

toute langue confessera Dieu."

[n° 1112] 12 Ainsi chacun de nous rendra

compte à Dieu pour soi.

[n° 1114] 13a Ne nous jugeons donc plus les

uns les autres.

[86225] Super Rom., cap. 14 l. 1 Postquam

apostolus ostendit quomodo aliquis debeat

perfectus fieri, hic ostendit quomodo

perfecti debeant se habere ad imperfectos.

Et primo ostendit quod non debeant eos

scandalizare vel iudicare; secundo ostendit

quod debent eos sustentare, cap. XV ibi

debemus autem nos firmiores, et cetera.

Circa primum duo facit. Primo prohibet

inordinata iudicia; secundo prohibet

infirmorum scandala, ibi sed hoc iudicate

magis, et cetera. Circa primum tria facit.

Primo proponit admonitionem; secundo

exponit eam, ibi alius enim etc.; tertio

rationem assignat, ibi Deus enim illum et

cetera. Circa primum considerandum est

quod in primitiva Ecclesia aliqui ex Iudaeis

conversi ad Christum, credebant legalia cum

Evangelio esse servanda, ut patet Act. XV,

1 s. Et hos apostolus vocat infirmos in fide

Christi, quasi nondum perfecte credentes

quod fides Christi sufficiat ad salutem.

Perfectos autem vel firmos in fide vocat eos

qui fidem Christi sine legalibus credebant

esse servandam. De utrisque tamen erant

1081. — Après avoir montré comment on doit

devenir parfait [n° 953], <l’Apôtre> montre

ici comment les parfaits doivent se comporter

à l’égard des imparfaits991

.

— Et il montre en premier lieu qu’ils ne

doivent ni les scandaliser ni les juger.

— Puis, il montre qu’ils doivent les supporter

[n° 1142] : 1 Or, nous devons, nous qui

sommes plus forts, etc."

Sur le premier de ces devoirs, <l’Apôtre>

défend deux choses :

— D’abord, les jugements désordonnés.

— Puis, les scandales des faibles [n° 1115] :

13 "mais jugez plutôt qu’il ne faut pas mettre

devant votre frère un obstacle ou <lui donner

une occasion de> scandale."

À l’égard des jugements désordonnés :

I) <L’Apôtre> donne en premier lieu un

avertissement.

II) En deuxième lieu, il l’explique [n° 1083]

Car l’un croit, etc.

III) En troisième lieu, il en donne la raison

[n° 1090] : car Dieu l’a accueilli, etc.

1082. — I. Sur l’avertissement <de

991

Le terme parfait " n’est pas ici à prendre au sens littéral qu’il a en français et où il désigne ce qui est

sans défaut. Il s’agit en réalité d’un terme technique qui s’applique à l’une des trois classes de

chrétiens, évalués selon leur degré de vertu et de charité, que l’Eglise distingue traditionnellement : les

commençants, les progressants et les parfaits (en ce sens la perfection n’est pas la sainteté, mais elle y

prédispose). " Ce qui d’abord incombe à l’homme, c’est principa lement de s’étudier à fuir le péché et

à résister à ses concupiscences qui le meuvent au rebours de la charité; et cela concerne les

commençants qui doivent en retenir en eux la charité et la réchauffer afin qu’elle ne se corrompe pas.

Ce qui lui incombe ensuite, c’est principalement de s’étudier à tendre vers ce qui fait avancer dans le

bien; et cette application concerne les progressants qui tendent principalement à ce qu’en s’accroissant

en eux la charité se fortifie. En troisième lieu, l’homme s’étudie principalement à tendre vers l’union

avec Dieu et à jouir de lui; et cela concerne les parfaits qui désirent "être déliés [ la condition terrestrel

pour être avec le Christ", Ph 1, 23" (Somme Théologique 2a-2 Q. 24, a. 9).

aliqui Romae inter fideles Christi.

Alloquitur ergo apostolus perfectos in fide,

dicens : dictum est quod sic debetis induere

dominum Iesum Christum, assumite autem,

id est affectu charitatis vobis coniungite ad

supportandum, infirmum in fide, sicut

expositum est, de quo potest intelligi illud

Sap. c. IX, 5. — infirmus homo et exigui

temporis, et minor ad intellectum iudicii et

legum. Infra XV, 7. — suscipite invicem,

sicut et Christus suscepit vos. Eccli. XXIX,

12. — propter mandatum assume

pauperem. Et hoc non in disceptationibus

cogitationum, id est non disceptando propter

hoc quod unus contra alium cogitat, dum

scilicet illi qui legalia servabant, iudicabant

tamquam transgressores eos qui non

servabant. Et illi qui non servabant,

contemnebant tamquam errantes et

ignorantes qui servabant. Supra II, 15. —

cogitationum invicem accusantium aut

defendentium, et cetera. Deinde, cum dicit

alius enim, etc., exponit quod dixerat. Et

primo ostendit qui sunt infirmi in fide;

secundo ostendit qualiter sint disceptationes

cogitationum vitandae, ibi is qui manducat,

et cetera. Circa primum considerandum est

quod inter caeteras legales observantias una

erat discretio ciborum propter aliquos cibos

in lege prohibitos, ut patet Lev. XI, 2 ss.; et

hac quidem observantia quotidie erat

utendum vel non utendum. Et ideo de hoc

mentionem fecit specialiter apostolus,

dicens alius enim, inter vos, qui scilicet est

perfectus in fide, credit se posse licite

manducare omnia, eo quod non reputat se

astrictum ad legales observantias. Matth.

XV, 11. — quod intrat in os non coinquinat

hominem. I Tim. IV, 4. — omnis creatura

Dei bona est, et nihil reiiciendum, quod cum

gratiarum actione accipitur, et cetera. In

veteri autem lege prohibebantur aliqui cibi,

non quia naturaliter essent immundi. Sicut

enim in verbis hoc nomen stultus significat

aliquod malum, quamvis hoc nomen sit

bonum, ita in rebus quoddam animal bonum

l’Apôtre>, il faut considérer que dans l’Eglise

primitive quelques Juifs convertis au Christ

croyaient qu’on était tenu d’observer les

observances légales en même temps que

l’Evangile, comme on le voit dans les Actes.

L’Apôtre les appelle faibles dans la foi du

Christ, attendu qu’ils ne croyaient pas encore

parfaitement que la foi du Christ suffit au

salut. A Rome précisément, parmi les fidèles

du Christ, certains adhéraient à l’une et l’autre

opinion. L’Apôtre s’adresse donc aux parfaits

dans la foi, en disant : On a dit que vous devez

revêtir le Seigneur Jésus-Christ, aussi

accueillez, c’est-à--dire unissez-vous par

l’affection de la charité pour supporter celui

qui est faible dans la foi, comme on l’a

expliqué. On peut entendre dans ce sens ce

passage de la Sagesse : "Je suis un homme

faible et de peu de temps, et peu capable de

comprendre le jugement et les lois. " <Ou ce

que l’Apôtre écrit> plus loin <dans cette

même épître> : "Accueillez-vous les uns les

autres, comme le Christ vous a accueillis pour

l’honneur de Dieu." <Enfin ce passage de>

l’Ecclésiastique : "A cause du

commandement, accueillez le pauvre." Et

cela, sans discuter sur les opinions, c’est-à-

dire en ne discutant pas le fait que l’un pense

à l’encontre de l’autre, en ce sens que tandis

que ceux qui observaient les observances

légales jugeaient comme transgresseurs ceux

qui ne les observaient pas, et que ceux qui ne

les observaient pas méprisaient comme égarés

et ignorants ceux qui les observaient : "Leurs

pensées tour à tour les accusant, ou même les

défendant."

1083. — II. En ajoutant992

: Car l’un croit

manger, etc., <l’Apôtre> explique ce qu’il

avait dit. Et :

A) Il montre d’abord qui sont les faibles dans

la foi.

B) Puis, comment il faut éviter les discussions

sur les opinions [n° 1089]

Que celui qui mange, etc.

1084. — A. Sur993

le premier point, il faut

considérer que parmi toutes les autres

992

Voir chap. 3, y. 22; leçon 3, n. 6, p. 175. 993

Lieux parallèles Somme Théologique 1a Q. 102, a. 6; Super Matth. 15, 11 (éd. Marietti, n° 1300-

1301); I Ad Tim. 4, 4, lect. 1 (éd. Marietti, n°’ 146 et 147); Ad Tit. 1, 15, lect. 4 (éd. Marietti, n° 38 à

43).

est secundum naturam, sed significatione est

malum, sicut porcus, qui significat

immunditiam. Et ideo prohibitus est antiquis

esus illarum carnium, ut significaretur in

eorum vitatione vitatio immunditiae. Tota

enim illius veteris populi vita figuralis erat,

ut Augustinus dicit in libro contra Faustum.

Veniente autem Christo qui est veritas,

cessaverunt figurae. Subdit autem quantum

ad infirmum qui autem infirmus est, olus

manducet, quasi dicat : illis cibis utatur

quibus non occurrit aliquod immundum in

lege prohibitum. In singulis enim generibus

animalium, puta terrestribus, volatilibus et

aquaticis, quaedam genera erant concessa et

quaedam prohibita; sed in herbis et

arboribus nihil erat prohibitum, ut patet

Levit. XI, T. Et huius potest esse ratio

duplex. Una est quia terrae nascentia fuerunt

a principio concessa homini ad edendum,

secundum illud Gen. I, 29. — ecce dedi

vobis omnem herbam afferentem semen

super terram, et universa ligna quae habent

in semetipsis sementem generis sui, ut sint

vobis in escam. Sed post diluvium primo

legitur homini concessus carnium esus.

Unde dicitur Gen. IX, 3. — quasi olera

virentia tradidi vobis omnia, scilicet

animalium genera. Alia ratio est, quia

primam prohibitionem de abstinendo a

quibusdam terrae nascentibus homo in

observances légales il y en avait une <qui

consistait> dans le discernement des aliments;

car certains aliments étaient défendus dans la

Loi, comme on le voit au chapitre 11 du

Lévitique ; et chaque jour on devait appliquer

ou ne pas appliquer cette observance. Voilà

pourquoi l’Apôtre a fait spécialement mention

de cela, en disant : Car l’un d’entre vous, à

savoir celui qui est parfait dans la foi, croit

pouvoir licitement manger de tout, parce qu’il

ne se croit pas astreint aux observances

légales." Ce n’est pas ce qui entre dans la

bouche qui souille l’homme; mais ce qui sort

de la bouche, voilà ce qui souille l’homme."

Et : "Toute créature de Dieu est bonne, et on

ne doit rien rejeter de ce qui se prend avec

actions de grâces, parce qu’il est sanctifié par

la parole de Dieu et par la prière."

1085. — Si994

dans la Loi ancienne certains

aliments étaient défendus, ce n’est point qu’ils

fussent impurs par nature; car de même que

dans le langage le mot "insensé" signifie

quelque chose de mauvais, bien qu’en lui-

même ce mot soit bon, ainsi, dans les choses,

tel animal est bon selon sa nature, mais est

mauvais par sa signification : par exemple le

porc, qui signifie quelque chose d’impur. Et

l’usage de ces chairs fut interdit dans les

temps anciens, afin de signifier dans leur

abstention même qu’il fallait éviter toute

impureté995

. Toute la vie de cet ancien peuple

994

Lieux parallèles : Somme Théologique 1a-2ae, Q. 102, a. 6, sol. 1; 3a, Q. 40, a. 4, sol. 2. 995

Nous dirions aujourd’hui que saint Thomas nous invite à ne pas confondre le signe et son référent,

ou encore, d’une manière moins abstraite, les mots et les choses. Ce n’est pas parce qu’il désigne une

chose mauvaise qu’un mot est mauvais. La "bonté " d’un mot s’apprécie en fonction de critères

linguistiques " insensé " est un "bon " mot parce qu’il est construit selon les règles de la formation des

adjectifs è signification négative. De même, lorsque ce ne sont plus les mots qui signifient, mais les

choses elles-mêmes qui sont prises comme symboles d’autres réalités le symbolisant, considéré dans

sa nature propre, c’est-à-dire en tant précisément qu’il ne symbolise pas, ne participe pas

nécessairement de la qualité de ce qu’il symbolise par ailleurs : le porc n’est pas nécessairement impur

sous prétexte qu’il symbolise l’impureté dans certaines cultures. Cependant on ne doit pas forcer la

séparation entre la nature propre de la chose prise comme symbole et ce qu’elle symbolise, comme si

l’institution culturelle qui fait de cette chose un symbole agissait d’une manière purement arbitraire. Il

faut bien que la signification symbolique conférée à la chose y trouve un certain fondement. C’est le

cas, par exemple, pour les éléments sensibles utilisés dans les sacrements. D’une manière générale,

c’est toute la création qui, en elle-même, nous parle de Dieu parce qu’elle est porteuse de ses vestiges;

mais, sans la grâce du Christ, la création, sacrée en elle-même, ne peut nous sanctifier : "les créatures

sensibles signifient quelque chose de sacré, à savoir la sagesse et la bonté divines, en tant qu’elles sont

sacrées en elles-mêmes mais non en tant qu’elles servent à notre sanctification" (5. Th. V, Q. 60, a. 2,

sol. 1).

Paradiso transgressus fuerat, ut patet Gen.

III, T.; et propter hoc non erat ei similis

prohibitio iteranda. Sed cum legalia

cessaverunt in Christi passione, videtur

quod inconvenienter apostolus infirmis in

fide permittat quod a cibis prohibitis in lege

abstineant, quod nunc in Christianis non

sustinetur ab Ecclesia. Sed distinguendum

est triplex tempus, secundum Augustinum,

quantum ad legalia. Quorum primum est

tempus ante passionem Christi, in quo

legalia suum robur obtinebant quasi adhuc

viventia. Secundum autem tempus est post

passionem Christi ante divulgationem

Evangelii, in quo quidem tempore legalia

mortua erant, quia nullus ad ea tenebatur,

nec observata aliquid conferebant alicui,

nondum tamen erant mortifera, quia sine

peccato poterant Iudaei ad Christum

conversi legalia observare : et pro illo

tempore loquitur hic apostolus. Tertium

autem tempus est post divulgationem

Evangelii, in quo legalia non solum sunt

mortua sed mortifera, ut quisquis ea

observet, peccet mortaliter. Exponitur autem

et aliter in Glossa, ut dicatur infirmus qui est

ad lapsus vitiorum carnalium pronus, et huic

consulendum est quod comedat olus, id est,

tenues et aridos cibos qui non sunt

fomentum vitiorum, et abstineat ab illis

quibus excitatur libido. Sed alius qui est

fortior credit se absque periculo posse

omnia manducare. Et haec differentia

apparet inter discipulos Christi qui non

ieiunabant, tamquam confortati praesentia

Christi et discipulos Ioannis Baptistae qui

ieiunabant. Unde et poenitentiam agentes a

quibusdam cibis abstinent non propter

eorum immunditiam, sed ad libidinem

refrenandam. Deinde, cum dicit is qui

manducat, etc., exponit quomodo sunt

vitandae disceptationes cogitationum. Et

primo quantum ad perfectos, dicens is qui

manducat, scilicet cum secura conscientia

était en effet une figure, comme le remarque

Augustin dans son ouvrage Contre Faustus996

;

mais à l’avènement du Christ, lui qui est la

vérité, les figures cessèrent.

1086. — <L’Apôtre> ajoute pour celui qui est

faible tandis que le faible ne mange que des

légumes, autrement dit, qu’il fasse usage des

aliments dans lesquels ne se rencontre pas

quelque chose d’impur et de défendu par la

Loi. Car dans chaque sorte d’animaux, par

exemple chez ceux qui vivent sur la terre,

dans les airs et dans les eaux, certaines

espèces étaient permises et d’autres

défendues; mais dans les herbes et dans les

arbres rien n’était interdit, comme on le voit

au chapitre 11 du Lévitique. Il peut y avoir à

cela deux raisons :

1. La première, c’est que les plantes de la

terre furent dès le commencement permises à

l’homme pour s’en nourrir, selon ce passage

de la Genèse : "Voici que je vous donne toute

herbe portant de la semence sur la terre, et

tous les arbres ayant en eux-mêmes la

semence de leur espèce, pour être votre

nourriture." Mais on lit qu’après le déluge

l’usage <de manger> de la chair fut pour la

première fois permis à l’homme. D’où ce qui

est dit dans la Genèse : "De même que les

légumes verts, je vous ai donné toutes ces

choses ", à savoir <toutes> les espèces

d’animaux.

2. La seconde raison, c’est que la première

défense de s’abstenir de certaines plantes de

la terre ayant été transgressée par l’homme en

paradis, comme on le voit au chapitre 3 de la

Genèse, il n’y avait donc pas lieu de réitérer

une semblable défense.

1087. — Mais997

puisque les observances

légales cessèrent au moment de la passion du

Christ, il semble qu’il soit inconvenant de la

part de l’Apôtre de permettre aux faibles dans

la foi de s’abstenir des aliments défendus par

la Loi, étant donné que cette défense n’est

plus maintenue actuellement par l’Eglise pour

996

Voir SAINT AUGUSTIN, Contra Faustum 1V, 2 (PL 42, 217-220; CSEL 25/1, 268-271); VI, 2

(PL 42, 227-228; CSEL 25/1, 285-286); VI, 7 (PL 42, 233-234; CSEL 25/1, 294-296). 997

Lieu parallèle Somme Théologique 1a-2ae Q. 103, a. 4, sol. 1.

omnia vel etiam sine periculo libidinis, non

spernat non manducantem, scilicet

indifferenter omnia, tamquam infirmum in

fide, vel quasi pronum ad vitia. Is. XXXIII,

v. 1. — vae qui spernis, nonne et ipse

sperneris ? Lc. X, 16. — qui vos spernit, me

spernit. Secundo loquitur quantum ad

infirmos, dicens et qui non manducat,

scilicet indifferenter omnia, vel quia est

infirmus in fide, de quo loquitur apostolus,

vel etiam quia pronus est ad libidinem, non

iudicet manducantem, scilicet indifferenter

omnia, quasi transgressorem legis, vel quasi

in libidinem praecipitem. Matth. VII, 1. —

nolite iudicare, et non iudicabimini. Supra

II, 1. — inexcusabilis es, o homo omnis qui

iudicas. Deinde cum dicit Deus enim illum

assumpsit, etc., assignat tres rationes propter

quas debemus a falso iudicio abstinere.

Secunda ponitur, ibi suo domino, etc.; tertia,

ibi tu autem qui iudicas, et cetera. Prima

ratio sumitur ex auctoritate iudicantis. Unde

primo ostendit hanc charitatem Deo

competere; secundo concludit quod

les chrétiens. Touchant ces observances

légales, il faut distinguer, selon Augustin998

,

trois périodes. La première, c’est le temps qui

précède la passion du Christ, où ces

observances légales étaient en vigueur et

étaient alors encore vivantes. La deuxième

période est celle qui s’est écoulée après la

passion du Christ, avant la diffusion de

l’Evangile; pendant cette période les

observances légales étaient frappées de mort,

puisque personne n’y était tenu et qu’elles ne

profitaient à personne; cependant elles ne

causaient pas encore la mort, car les Juifs

convertis au Christ pouvaient observer ces

prescriptions sans <commettre de> péché.

C’est de cette période que parle ici l’Apôtre.

La troisième période est celle qui s’écoule

après la promulgation de J’Evangile, période

pendant laquelle les observances légales non

seulement sont mortes, mais causent la mort,

de telle sorte que les observer, c’est pécher

mortellement999

.

1088. — La Glose1000

donne une autre

explication à ce passage. Elle dit : Le faible,

998 Voir SAINT AUGUSTIN, Lettre LXXXII, ii, 14-15 (PL 33, 281-282; CSEL 34/2, 363-364).

999

Comme on sait, et comme l’a montré Max Seckier dans son étude déjà citée (Das Heu in der

Geschichte. Ceschichttheologisches Denken bei Thomas von Aquin, 1964, traduit sous le titre Le Salut

et l’Histoire), saint Thomas n’est nullement celui qui aurait substitué à la conception cyclique du

temps celle d’un " ordre linéaire", malgré ce que semble affirmer Etienne Gilson (L’Esprit de la

philosophie médiévale, p. 369). L’ordre du créé est entraîné dans un processus " circulaire " En effet,

c’est lorsqu’il fait retour à son principe qu’un effet est souverainement parfaït. Ainsi le cercle, parmi

toutes les figures, et le mouvement circulaire, parmi tous les mouvements, sont souverainement

parfaits parce que en eux se réalise le retour au principes (2 Contra Gentiles c. 46). Et encore "La fin

des choses correspond à leur principe. C’est Dieu, en effet, qui est le principe et la fin des choses. Et

donc, la sortie des choses hors du principe correspond à leur retour vers leur fin" (5. Th. P, Q. 90, a. 3,

obj. 2). Mais cette histoire de l’univers n’exclut pas l’histoire du salut dont le pivot est l’avènement du

Christ qui ordonne, au sein de ce processus circulaire, la succession linéaire des âges où le Fils et

l’Esprit accomplissent leur œuvre de réunification du genre humain au Père, activité qui retrace et

prolonge dans l’ordre du créé le mouvement éternel de la circumincession trinitaire (1 Sentences dist.

14, Q. 2, a. 2 in corpore). Quant à la succession des âges, saint Thomas reprend la doctrine paulinienne

des trois ou quatre âges (Rm 5, 14). Il distingue donc trois états : l’état de nature, l’état de grâce, l’état

de gloire. L’état de nature correspond au temps avant la Loi (tempus ante legem); l’état de grâce se

subdivise en deux temps le temps de la Loi (tempus sué lege qui va de Moïse au Christ); le temps de la

grâce (tempus sub gratia qui va du Christ du premier avènement à celui du second); enfin l’état de

gloire, qui est également le temps de la grâce triomphante (Somme Théologique 2a-2ae, Q. 176, a. 6).

Ici (n° 1087), la division des temps — qui ne contredit pas la précédente mais qui y introduit des

subdivisions complémentaires — est faite du point de vue des observances de la Loi ancienne, selon

qu’elles sont néces saires (de Moïse au Christ), inutiles mais permises (époque évangé lique), nuisibles

et interdites (époque postévangélique, entrée des païens dans la foi). 1000

Voir Glosa in Rom. XIV, 2 (GPL, col. 1512 B).

iudicium ad homines non pertinet, ibi tu

quis es, et cetera. Dicit ergo primo : recte

dictum est quod qui non manducat

manducantem non iudicet, Deus enim

assumpsit illum, scilicet in servum a se

iudicandum. Zac. XI, 7. — assumpsi mihi

duas virgas, id est duos populos. Ps. XVII,

17. — assumpsit me de aquis multis. Ille

autem qui assumitur ad superioris iudicium,

non debet ab inferiori iudicari. Et ideo

concludit tu quis es, id est, cuius auctoritatis

vel virtutis es, qui iudicas alienum servum ?

Id est proximum tuum, qui est servus Dei ?

Requiritur enim in iudicante auctoritas,

secundum illud Ex. II, v. 14. — quis

constituit te principem et iudicem super nos

? Et, Lc. XII, 14. — quis me constituit

iudicem aut divisorem super vos ? Sed ex

hac ratione sequi videtur hominis iudicium

de alio homine esse illicitum. Sed dicendum

est quod intantum hominis iudicium licitum

est, inquantum agitur auctoritate concessa

divinitus. Unde dicitur Deut. c. I, 16. —

audite illos, et quod iustum est iudicate, et

postea sequitur quia Dei est iudicium, id est

auctoritate divina agitur. Si quis vero velit

sibi usurpare iudicium super ea quae non

sunt ei divinitus concessa ad iudicandum,

est iudicium temerarium, sicut si quis iudex

delegatus a Papa vellet in iudicando

transgredi mandati fines. Deus autem soli

sibi reservavit iudicare occulta, quae

praecipue sunt cogitationes cordium et

futura. Et ideo si quis de his iudicare

praesumpserit, est temerarium iudicium.

Unde Augustinus dicit in libro de sermone

domini in monte : in his duobus temerarium

est iudicium, cum videlicet incertum sit quo

animo quid factum sit; vel incertum qualis

futurus sit qui nunc vel bonus vel malus

apparet. Deinde cum dicit suo domino stat,

aut cadit, etc., ponit secundam rationem,

quae quidem sumitur ex fine meriti vel

demeriti. Posset aliquis dicere quod licet

homo non habeat iudiciariam auctoritatem,

tamen intromittere se debet iudicio alterius

propter damnum vel fructum qui inde

provenit; sed apostolus ostendit hoc ad

Deum magis quam ad homines pertinere. Et

sic etiam propter hoc debemus Deo

c’est-à-dire celui qui est enclin à succomber

aux vices de la chair, à celui-là il faut

conseiller de manger des légumes, c’est-à-dire

des aliments légers et secs, qui ne stimulent

pas les vices, et de s’abstenir de ceux qui

excitent le désir charnel. Mais un autre, qui

est plus fort, croit qu’il peut manger de tout

sans danger. Cette différence apparaît entre

les disciples du Christ qui ne jeûnaient pas,

fortifiés qu’ils étaient par la présence du

Christ, et les disciples de Jean-Baptiste qui

jeûnaient. C’est ainsi que ceux qui font

pénitence s’abstiennent de certains aliments

non à cause de l’impureté de ces aliments,

mais pour réprimer le désir charnel.

1089. — B. En ajoutant : Que celui qui

mange, etc., <l’Apôtre> explique comment il

faut éviter les discussions d’opinions.

1. Et premièrement, quant aux parfaits, en

disant : Que celui qui mange, etc., toutes

choses avec une conscience tranquille, ou

encore sans danger <d’exciter> le désir

charnel, ne méprise pas celui qui ne mange

pas, à savoir indifféremment de toutes choses,

en tant que faible dans la foi ou enclin aux

vices : "Malheur à toi qui méprises, est-ce que

toi-même tu ne seras pas méprisé ?" Et encore

: "Qui vous méprise me méprise; mais qui me

méprise méprise celui qui m’a envoyé."

2. Et deuxièmement, il parle en s’adressant

aux faibles : et que celui qui ne mange pas,

etc., à savoir indifféremment de toutes choses,

soit parce qu’il est faible dans la foi, comme

celui dont parle l’Apôtre, soit aussi parce

qu’il est enclin au désir charnel, ne juge pas

celui qui mange, à savoir indifféremment de

toutes choses, comme transgressant la Loi et

donnant libre cours au désir de la chair : "Ne

jugez pas pour n’être pas jugés." Et : "Tu es

inexcusable, ô homme, qui que tu sois, toi qui

juges "

1090. — III. Lorsque <l’Apôtre> dit car Dieu

l’a accueilli, etc., il donne trois raisons pour

lesquelles nous devons nous abstenir de faire

un faux jugement

A) <La première raison se fonde sur l’autorité

de celui qui juge. >

B) La deuxième raison est exposée à ces mots

[n° 1094] : <cela regarde> son maître, etc.

C) La troisième, <à ces autres mots> [n°

proximorum iudicia relinquere, nisi

inquantum vice ipsius fungimur in

iudicando per auctoritatem nobis

commissam : circa hoc tria facit. Primo

proponit quod intendit; secundo

exemplificat, ibi nam alius iudicat, etc.;

tertio probat propositum, ibi qui sapit diem,

et cetera. Circa primum duo proponit. Primo

quod quidquid circa hominem accidit, ad

Deum pertinet, cum dicit suo domino stat,

scilicet recte agendo Ps. CXXI, 2. — stantes

erant pedes nostri in atriis tuis, Ierusalem;

aut cadit, scilicet peccando Amos V, 1. —

domus Israel cecidit, et non adiiciet ut

resurgat. Ponit autem sub disiunctione stat

aut cadit, propter incertitudinem, quia multi

videntur cadere qui stant, et e converso,

secundum illud Eccle. VIII, 10. — vidi

impios sepultos, qui cum adhuc viverent, in

loco sancto erant, et laudabantur in civitate

quasi iustorum operum. Loquitur autem hic

apostolus secundum similitudinem hominis

servi, ad cuius dominum pertinet omne quod

circa servum agitur. Nec intelligendum est

quod Deo aliquid proficiat vel noceat, si

homo stet aut cadat. Dicitur enim Iob

XXXV, 6. — si peccaveris, quid ei nocebis

? Porro si iuste egeris, quid ei donabis ?

Sed quantum ad homines, id quod iuste

agimus, ad gloriam Dei spectat. Matth. V,

16. — ut videant opera vestra bona, et

glorificent patrem vestrum qui in caelis est.

Quod autem cadimus peccando, est

hominibus occasio blasphemandi Deum.

Supra II, v. 24. — nomen Dei propter vos

blasphematur inter gentes. Vel quod dicit

suo domino stat, aut cadit, exponendum est

in iudicio domini sui. 1 Co c. IV, 4. — qui

iudicat me, dominus est. Secundo ostendit

quod hominis statum iudicare ad Deum

pertinet, dicens stabit autem. Quasi dicat : et

si aliquis nunc cadat per peccatum, tamen

potest esse quod iterum stabit. Et hoc

omnino implebitur, si est praedestinatus. Ps.

1105] : ‘° Mais toi, pourquoi juges-tu, etc.

A. La première raison se fonde sur l’autorité

de celui qui juge, aussi

1) <L’Apôtre> commence-t-il par montrer

que cette charité est due à Dieu.

2) Puis, il conclut que le jugement

n’appartient pas à l’homme [n° 1092] "Qui

es-tu, toi qui juges, etc.

1091. — 1. Il dit donc en premier lieu :

Il a été dit avec raison que celui qui ne mange

pas ne juge pas celui qui mange, car Dieu l’a

accueilli, comme un serviteur qu’il jugera lui-

même : "J’ai pris pour moi deux houlettes ",

c’est-à-dire deux peuples : "Il m’a retiré des

grandes eaux." Or celui qui est remis au

jugement d’un supérieur ne doit pas être jugé

par un inférieur.

1092. — 2. Voilà pourquoi <l’Apôtre>

conclut : 4 "Qui es-tu, c’est-à-dire de quelle

autorité ou de quelle puissance es-tu

<revêtu>, toi qui juges l’esclave d’autrui,

c’est-à-dire ton prochain qui est le serviteur

de Dieu ? Car dans celui qui juge est requise

l’autorité1001

, selon ces paroles de l’Exode :

"Qui t’a établi prince et juge sur nous." Et de

Luc : "Qui m’a établi juge sur vous, ou pour

faire vos partages ? "

1093. — Mais ne1002

semblerait-il pas

découler de cette raison que le jugement d’un

homme par un autre est illicite ?

Il faut répondre que le jugement de l’homme

est licite en tant qu’il est exercé en vertu de

l’autorité accordée par Dieu. D’où ce qui est

dit dans le Deutéronome : "Ecoutez-les et

jugez selon ce qui est juste." Et puis ce qui

suit : "Parce que c’est le jugement de Dieu ",

c’est-à-dire parce qu’il est exercé en vertu de

l’autorité divine. Si quelqu’un veut usurper le

jugement sur ce qui ne lui a pas été permis par

Dieu à cet effet, par exemple si un juge

délégué par le pape voulait dans son jugement

transgresser les limites de son mandat, c’est

un jugement téméraire. Or Dieu s’est réservé

à lui seul <le droit> de juger des choses

1001

Trois conditions sont requises pour qu’un jugement soit licite la première, qu’il procède d’un

sentiment de justice; la deuxième qu’il émane de l’autorité d’un supérieur; la troisième qu’il soit

proféré avec prudence. Voir Somme Théologique 2 Q. 60, a. 2; 3a, Q. 59, a. 1; Contra impugn. Dci

cuit. et reiig., c. 21; Ad Rom. 2, 1, lect. 1 (éd. Marietti, n° 174."); I Ad Cor. 4, 3-5, lect. 1 (éd. Marietti,

n° 190."). 1002

Lieux parallèles Somme Théologique 2a-2ae, Q. 60, a. 6; Q. 67, a. 1.

XL, 9. — numquid qui dormit non adiiciet

ut resurgat ? Mich. VII, 8. — ne laeteris,

inimica mea, quia cecidi, resurgam. Et

propter hoc si videmus aliquem manifeste

cadentem, non debemus eum despicere,

temerarie iudicando de eo quod numquam

resurget, sed magis debemus praesumere

quod iterum stabit, non ex consideratione

conditionis humanae, sed considerando

virtutem divinam. Unde cum dicit potens est

Deus statuere illum, propter eius bonitatem

praesumere debemus, quod iterum statuet

eum, Ez. III, 24. — ingressus est in me

spiritus, et statuit me supra pedes meos,

sicut et supra dictum est : si non

permanserint in incredulitate, inserentur;

potens enim est Deus iterum inserere illos.

Deinde, cum dicit nam alius iudicat, etc.,

exemplificat quod dictum est. Et, primo,

proponit diversitatem humanae sententiae,

dicens : ideo dico quod suo domino stat, aut

cadit, nam alius iudicat inter diem et diem,

id est iudicat inter unum diem et alium, ut

scilicet uno die abstineat et non alio. Quod

quidem videtur pertinere ad infirmum in

fide, qui reputat adhuc legalia esse

observanda. Dicitur enim Lev. c. XXIII, 27.

— decimo die mensis septimi dies

expiationum erit, affligetisque animas

vestras in eo. Et Iudith VIII, 6 dicitur quod

Iudith ieiunabat omnibus diebus vitae suae

praeter sabbata et Neomenias et festa domus

Israel. Alius autem iudicat omnem diem

indifferenter esse observandum quantum ad

caeremonialia legis, quae iam cessaverunt.

Unde hoc videtur pertinere ad eum qui est

perfectus in fide. Ps. CXLIV, 2. — per

singulos dies benedicam tibi. Potest hoc

etiam referri ad abstinentias quae fiunt

causa cohibendae libidinis, quibus omni die

aliqui vacant, puta qui perpetuo a carnibus

vel vino abstinent vel ieiunant, quidam

autem interpositis diebus abstinent et ab

abstinentia cessant, secundum illud Eccle. c.

III, 1. — omnia tempus habent. Secundo

ostendit haec omnia posse ad Dei gloriam

pertinere, dicens unusquisque in sensu suo

cachées, comme le sont en particulier les

pensées des cœurs et les choses futures. Et

c’est pourquoi si quelqu’un a la présomption

de juger de ces choses, <il fait> un jugement

téméraire. C’est ce qui fait dire à Augustin,

dans son ouvrage

Du sermon sur la montagne : "Un jugement

est téméraire sur deux points lorsqu’il y a une

incertitude sur l’intention avec laquelle une

action a été accomplie; ou bien lorsqu’il y a

une incertitude sur ce que sera l’action, qui

actuellement paraît bonne ou mauvaise1003

."

1094. — B. En disant Qu’il se tienne debout

ou qu’il tombe, <cela regarde> son maître,

etc., <l’Apôtre> expose la deuxième raison

qui se fonde sur la fin du mérite ou du

démérite. On pourrait dire que, bien que

l’homme n’ait pas l’autorité judiciaire,

cependant il se doit d’intervenir dans le

jugement d’autrui à cause du dommage ou du

fruit qui en résulte mais l’Apôtre montre que

cela appartient plutôt à Dieu qu’aux hommes.

Et c’est pourquoi nous devons laisser à Dieu

le jugement du prochain, à moins que nous ne

nous acquittions à sa place du jugement, par

l’autorité qu’il nous a conférée. Sur ce point,

<l’Apôtre> fait trois choses :

1) Il commence par exposer son intention.

2) Puis, il l’appuie par un exemple [n° 1097]

En effet, l’un juge, etc.

3) Enfin, il prouve sa proposition [n° 1099]

Celui qui a telle opinion sur les jours, etc.

1095. — 1. Sur le premier de ces points,

<l’Apôtre> expose deux choses :

D’abord, que tout ce qui arrive à l’homme est

du ressort de Dieu, lorsqu’il dit : <cela

regarde> son maître, qu’il se tienne debout,

c’est-à-dire en agissant avec droiture — "Nos

pieds se tenaient dans tes parvis, ô Jérusalem

" — ou qu’il tombe, c’est-à-dire en péchant :

"La maison d’Israël est tombée et il ne se

trouvera personne pour la relever."

<L’Apôtre> se sert d’une particule disjonctive

: Qu’il se tienne debout ou qu’il tombe, en

raison de l’incertitude car beaucoup semblent

tomber qui se tiennent debout, et vice versa,

selon cette parole de l’Ecclésiaste1004

: "J’ai

1003

SAINT AUGUSTIN, De sermone Domini in monte II, XVIII, 61 (CCL 35, 157). 1004

Voir Glosa in Rom. XIV, 4 (GPL, col. 1513 B).

abundet, id est suo sensui dimittatur.

Abundare enim in sensu suo est sensum

suum sequi. Eccli. XV, 14. — Deus ab

initio constituit hominem, et reliquit illum in

manu consilii sui. Vel in sensu suo, id est

secundum sensum suum studeat abundare

ad gloriam Dei, secundum illud 1 Co XIV,

12. — ad aedificationem Ecclesiae quaerite

ut abundetis. Sed hoc videtur locum habere

in his quae non sunt secundum se mala. In

his autem quae sunt secundum se mala, non

est homo suo sensui relinquendus. Quod

autem aliquis iudicet diem inter et diem,

videtur esse secundum se malum, secundum

primam expositionem. Dicitur enim Gal. IV,

10 s. : dies observatis, et menses, et

tempora, et annos, timeo ne sine causa

laboraverim in vobis. Et loquitur ibi ad

litteram de his qui dixerunt dies

observandos secundum caeremonias legis.

Sed dicendum, quod apostolus hic loquitur

secundum tempus illud in quo, Iudaeis ad

fidem conversis, licitum erat legalia

observare, ut dictum est. Sed quantum ad

secundam expositionem videtur esse

illicitum, quod dicit : alius iudicat omnem

diem. Sunt enim quidam dies in quibus non

est licitum ieiunare. Dicit enim Augustinus

in epistola ad Casulanum : quisquis diem

dominicum ieiunio decernendum esse

putarit, non parvo scandalo esset Ecclesiae,

nec immerito. Illis enim diebus quibus nihil

certi statuit Ecclesia vel Scriptura divina,

mos populi Dei et instituta maiorum, pro

lege tenenda sunt. Et in decretis dicitur D.

30. — si quis presbyter propter publicam

poenitentiam a sacerdote acceptam absque

alia necessitate die dominica pro quadam

religione ieiunaverit, sicut Manichaei,

anathema sit. Sed intelligendum est quod

hic apostolus loquitur quantum ad illas

abstinentias, quae quolibet die licite fieri

possunt absque dissonantia communis

consuetudinis, vel eorum quae sunt a

maioribus instituta. Deinde, cum dicit qui

sapit diem, etc., probat propositum, quod

vu des impies ensevelis, qui, lorsqu’ils

vivaient encore, étaient dans le lieu saint, et

qu’on louait dans la cité comme si leurs

œuvres eussent été justes." L’Apôtre emploie

ici la comparaison d’un esclave et d’un

maître, dont le pouvoir s’étend à tout ce qui

concerne son esclave. Il ne faut pas entendre

que, lorsque l’homme se tient debout ou qu’il

tombe, Dieu en tire quelque profit ou quelque

dommage; car il est dit au livre de Job "Si tu

pèches, en quoi lui nuiras-tu ? Et si tes

iniquités se multiplient, que feras-tu contre lui

? Mais si tu as agi justement, que lui

donneras-tu, ou que recevra-t-il de ta main ?"

Mais ce que nous faisons justement à l’égard

des hommes se rapporte à la gloire de Dieu

"Afin que <les hommes> voient vos bonnes

œuvres et qu’ils glorifient votre Père qui est

dans les cieux." Mais lorsque nous tombons

en péchant, <nous donnons> aux hommes

l’occasion de blasphémer Dieu "le Nom de

Dieu est blasphémé à cause de vous parmi les

nations." Ou bien1005

, ces paroles <de

l’Apôtre> : <cela concerne> son maître, qu’il

se tienne debout ou qu’il tombe, doivent se

référer au jugement de son Maître : "Celui qui

me juge, c’est le Seigneur "

1096. — Puis, <l’Apôtre> montre qu’il

appartient à Dieu de juger l’état de

l’homme1006

, en disant : mais il se tiendra

debout; comme s’il disait Si quelqu’un tombe

maintenant par le péché, il peut arriver

cependant qu’il tienne de nouveau debout. Ce

qui s’accomplira absolument s’il est

prédestiné1007

. — "Est-ce que celui qui dort ne

continuera pas à se relever ?"

Et encore : "Ne te réjouis pas sur moi, mon

ennemie, parce que je suis tombée; je me

relèverai lorsque je me serai assise dans les

ténèbres." Donc quand nous voyons

quelqu’un tomber manifestement, nous ne

devons pas le mépriser en jugeant

témérairement à son égard qu’il ne se relèvera

jamais, mais nous devons plutôt être sûrs qu’il

se tiendra de nouveau debout, non en

considérant la condition humaine mais bien la

1005

Voir Glosa in Rom. XIV, 4 (GPL, coI. 1513 B). 1006

Lieux parallèles Somme Théologique 2a-2a Q. 33, a. 2, sol. I; Q. 60, a. 4. 1007

Voir Glosa in Rom. XIV, 4 (GPL, col. 1513 C).

scilicet unusquisque suo domino stet aut

cadat : et hoc tripliciter. Primo per actum

fidelium; secundo per intentionem eorum,

ibi nemo enim vestrum, etc.; tertio per

eorum conditionem, ibi sive ergo vivimus,

sive morimur, et cetera. Probat ergo primo

quomodo unusquisque fidelium suo domino

stat aut cadit, per hoc quod de omnibus quae

fecit secundum suam conscientiam gratias

agit Deo. Unde dicit qui sapit diem, ut

scilicet uno die abstineat et alio die ab

abstinentia cesset, domino sapit, id est ad

reverentiam Dei cibos discernit, sicut etiam

nos discernimus vigilias festorum in quibus

ieiunamus, a diebus festis quibus ieiunium

solvimus propter reverentiam Dei. Eccli.

XXXIII, 7. — quare dies diem superat, et

iterum lux lucem. Deinde loquitur quantum

ad illos qui iudicant omnem diem, quorum

quidam omni die a ieiunio cessabant, sicut

dicitur Matth. c. IX, 14 quod discipuli

Christi non ieiunabant. Unde dicit et qui

manducat, scilicet omni die, domino

manducat, id est ad gloriam domini, quod

per hoc patet, gratias enim agit Deo, scilicet

de cibo assumpto. I Tim. IV, 3. — abstinere

a cibis quos Deus creavit ad percipiendum

cum gratiarum actione fidelibus. Ps. XXI,

27. — edent pauperes et saturabuntur, et

cetera. Ulterius quantum ad eum qui sic

iudicat omnem diem, ut scilicet omni die

abstineat, subdit et qui non manducat, id est

abstinet omni die, domino, id est, ad

honorem domini, non manducat. Et hoc

patet per hoc quod gratias agit Deo qui sibi

dedit voluntatem, et virtutem abstinendi. I

Thess. ult. : in omnibus gratias agite. Sed

quod hic dicit apostolus de his qui omni die

vel abstinebant vel ab abstinentia cessabant,

debet intelligi quantum ad illud tempus in

quo hoc non erat contrarium statutis

maiorum, nec communi consuetudini populi

Dei. Deinde cum dicit nemo enim vestrum

sibi vivit, etc., probat idem ex intentione

puissance divine. Aussi, lorsque <l’Apôtre>

dit : car Dieu est puissant pour le maintenir,

nous devons être sûrs que par sa bonté il le

rétablira : "Un esprit entra en moi et m’établit

sur mes pieds." Et selon ce qui a été dit plus

haut : "s’ils ne demeurent pas dans

l’incrédulité, ils seront entés; car Dieu est

puissant pour les enter de nouveau."

1097. — 2. En ajoutant : 5 En effet, l’un juge,

etc., <l’Apôtre> appuie par un exemple ce qui

a été dit.

Et d’abord, il expose la diversité de l’opinion

humaine, en disant : Je dis donc qu’il se

tienne debout ou qu’il tombe, <cela regarde>

son maître, [...], en effet, l’un juge entre jour

et jour, c’est-à-dire entre un jour et un autre

jour, à savoir pour s’abstenir tel jour et non

pas tel autre. Ce qui semble s’appliquer au

faible dans la foi, qui croit qu’il faut encore

observer les prescriptions légales. Car il est

dit dans le Lévitique : "Au dixième jour de ce

septième mois, sera le jour très solennel des

expiations et il sera appelé saint; or vous

affligerez vos âmes en ce jour et vous offrirez

un holocauste au Seigneur." Et dans le livre

de Judith que cette dernière "jeûnait tous les

jours de sa vie, excepté les sabbats, les

néoménies1008

et les fêtes de la maison

d’Israël." — Tandis que l’autre les juge tous

pareils, c’est-à-dire qu’il faut observer

indifféremment les cérémonies de la Loi,

lesquelles ont déjà cessé <d’obliger>. Cela

semble donc s’appliquer à celui qui est parfait

dans la foi : "Chaque jour je te bénirai, et je

louerai ton Nom dans les siècles et dans les

siècles des siècles." On peut aussi rapporter ce

passage aux abstinences qui se pratiquent

pour réprimer les désirs charnels, abstinences

auxquelles certains vaquent tous les jours, par

exemple ceux qui s’abstiennent ou jeûnent

perpétuellement de viande et de vin, tandis

que d’autres le font à certains intervalles, et

cessent <ensuite> leur abstinence, selon ce

passage de l’Ecclésiaste : "Toutes choses ont

1008

La néoménie est le premier jour du mois, marqué par l’appa rition du premier croissant lunaire et

célébré par des sacrifices et des oblations. On s’abstenait ce jour-là de tout travail (voir André-Marie

GERARD, Dictionnaire de la Bible, p. 992-993).

fidelium. Et, primo, excludit inordinatam

intentionem, dicens : recte dico quod

unusquisque domino suo stat aut cadit,

nemo nostrum sibi vivit vel naturali vita vel

spirituali, de qua dicitur Hab. II, 4. — iustus

autem meus ex fide vivit. Sibi, id est propter

seipsum, quia hoc esset frui seipso. 1 Co X,

33. — non quaerens quod mihi utile est. Ps.

CXIII, 9. — non nobis, domine, non nobis,

etc.; vel sibi, id est, secundum suam

regulam, sicut qui dicunt Sap. II, 11. — sit

fortitudo nostra lex iniustitiae; vel sibi, id

est suo iudicio, 1 Co c. IV, 3. — sed neque

meipsum iudico. Et nemo moritur, scilicet

morte corporali vel morte spirituali

peccando, vel etiam morte spirituali qua

quis moritur vitiis, puta in Baptismo,

secundum illud supra VI, 7. — qui mortuus

est iustificatus est a peccato; vel sibi, id est

suo iudicio, vel propter seipsum aut suo

exemplo; sed exemplo Christi moritur

aliquis a vitiis. Rom. VI, 10. — quod enim

mortuus est peccato, mortuus est semel; et

infra : ita et vos existimate vos mortuos esse

peccato. Secundo ostendit qualis sit recta

intentio fidelium, dicens sive enim vivimus,

vita corporali, domino vivimus, id est ad

gloriam domini; sive morimur, morte

corporali, domino morimur, id est ad

honorem domini. Phil. I, 20. —

magnificabitur Christus in corpore meo sive

per mortem sive per vitam. Vel sic

exponatur quod dicit vivimus et morimur de

vita et morte spirituali, exponendum est

quod dicit domino, id est iudicio domini qui

constitutus est a Deo iudex vivorum et

mortuorum, ut dicitur Act. X, 42. Deinde

cum dicit sive ergo vivimus, etc., ostendit

propositum ex conditione fidelium. Et,

primo, concludit ex praemissis conditionem

fidelium, scilicet quod non sunt sui, sed

alterius. Illi enim qui sui sunt, sicut liberi

homines, sibi vivunt et sibi moriuntur. Quia

ergo dictum est quod fideles non sibi vivunt

aut moriuntur sed domino, concludit sic sive

ergo vivimus, sive morimur, domini sumus,

quasi servi eius qui habet potestatem vitae et

leur temps."

1098. — <L’Apôtre>1009

montre ensuite que

toutes ces pratiques peuvent se rapporter à la

gloire de Dieu, en disant : Que chacun abonde

en son sens, c’est-à-dire soit laissé à son

propre sens. Car abonder en son sens, c’est

suivre son propre sens : "Dieu, dès le

commencement, a créé l’homme et il l’a

laissé dans la main de son propre conseil." Ou

bien : en son sens, c’est-à-dire que <chacun>

selon son sens propre s’applique à s’enrichir

pour la gloire de Dieu, suivant cette parole

<de Paul> aux Corinthiens : "Puisque vous

désirez si ardemment les dons spirituels, faites

que pour l’édification de l’Eglise vous en

abondiez." Cependant cette règle ne semble

valable que pour les choses qui ne sont pas

mauvaises en soi; en revanche, dans les

choses qui sont mauvaises en soi, l’homme ne

doit pas être laissé à son sens propre. Or juger

entre jour et jour semble mauvais en soi,

suivant la première explication; car il est dit

"Vous observez certains jours, certains mois,

certains temps et certaines années. Je crains

pour vous d’avoir en vain travaillé parmi

vous." Dans ce passage, <l’Apôtre> parle à la

lettre de ceux qui soutiennent que des jours

doivent être fixés pour <pratiquer> les

cérémonies de la Loi.

Mais il faut dire que l’Apôtre parle ici du

temps pendant lequel il était licite aux Juifs

convertis à la foi d’observer les prescriptions

légales, comme on l’a dit [n° 1087].

Cependant, quant à la seconde explication, il

semble que ce qu’il dit : l’autre les juge tous

pareils, soit illicite. En effet, il est certains

jours où il n’est pas licite de jeûner. C’est

ainsi qu’Augustin déclare dans sa Lettre à

Casulanus "Quiconque penserait devoir

prendre la résolution de jeûner le jour du

dimanche ne donnerait pas qu’un léger

scandale à l’Eglise, et ce n’est pas sans raison.

En effet, à l’égard de ces jours sur quoi

l’Eglise ou l’Ecriture sainte ne statue rien de

certain, la coutume du peuple de Dieu et les

institutions des anciens doivent tenir lieu de

loi1010

." Et il est écrit dans les Décrets <de

1009

Lieux paralléles : Somme Théologique 2 Q. 147, a. 4; 4 Sentences dist. 15, Q. 3, a. 2. 1010

SAINT AUGUSTIN, Lettre XXXVI, iI, 2 (PL 33, 136 CSEL 34/2, 32).

mortis. 1 Co VII, 23. — pretio empti estis,

nolite fieri servi. 1 Co VI, 20. — empti enim

estis pretio magno. I Par. XII, 18. — tui

sumus, o David, et tecum, fili Isai. Secundo

assignat causam huius conditionis, dicens in

hoc enim Christus mortuus est, et resurrexit,

id est hoc adeptus est sua morte et

resurrectione, ut vivorum dominaretur, quia

resurrexit, vitam novam et perpetuam

inchoando, et mortuorum, quia mortem

nostram moriendo destruxit. 2 Co c. V, 15.

— pro quibus mortuus est Christus, ut qui

vivunt, iam non sibi vivant, sed ei qui pro

eis mortuus est, et resurrexit. Sic igitur per

omnia praedicta apostolus probavit, quod

unusquisque domino suo stat aut cadit, per

hoc scilicet quod fideles gratias agunt Deo,

et quod domino vivunt et moriuntur, et quod

domini sunt et in morte et in vita. Deinde

cum dicit tu autem quid iudicas, etc., ponit

tertiam rationem quae sumitur ex futuro

iudicio. Et circa hoc tria facit. Primo

proponit superfluitatem praesentis iudicii,

dicens tu autem quid iudicas ? Id est qua

utilitate vel necessitate iudicas, fratrem

tuum, temere de occultis, quae tuo iudicio

non sunt commissa ? Aut tu, alius qui

iudicaris, quare spernis fratrem tuum, pro

nullo reputans ab eo iudicari ? Mal. II, 10.

— quare despicit unusquisque fratrem suum

? Secundo praenuntiat futurum Christi

iudicium, quasi dicat : recte dico cur

iudicas, quia non debes timere quod absque

iudicio remaneat, omnes enim stabimus ante

tribunal Christi. Dicitur enim tribunal

Christi eius iudiciaria potestas, sicut et

Matth. c. XXV, 21 dicitur : cum venerit

filius hominis in maiestate sua, tunc sedebit

super sedem maiestatis suae. Dicit autem

omnes stabimus, quasi iudicandi, tam boni

quam mali, quantum ad remunerationem vel

punitionem. 2 Co V, v. 10. — omnes nos

manifestari oportet ante tribunal Christi, ut

referat unusquisque propria corporis prout

gessit, sive bonum sive malum. Sed quantum

ad discussionem non omnes stabunt ut

iudicandi, sed quidam consedebunt, ut

iudices. Matth. XIX, 28. — sedebitis super

Gratien> "Si un prêtre, en raison d’une

pénitence publique imposée par un prêtre, a

sans autre nécessité jeûné le dimanche en vue

d’une pratique religieuse, comme le font les

manichéens, qu’il soit anathème1011

." Mais il

faut comprendre que l’Apôtre parle ici de ces

abstinences qui peuvent se pratiquer

licitement tous les jours et sans rompre avec

l’usage commun ou avec les institutions des

anciens.

1099. — 3. Lorsque <l’Apôtre> dit : 6

Celui qui a telle opinion, etc., il prouve sa

proposition, à savoir que chacun se tienne

debout ou tombe, <cela regarde> son maître.

Et il prouve cela de trois manières :

a) D’abord, par la conduite des fidèles.

b) Puis, par leur intention [n° 1101] : En effet,

nul d’entre nous, etc.

c) Enfin, par leur condition [n° 1103] : Soit

donc que nous vivions, etc.

1100. — a. <L’Apôtre> prouve donc en

premier lieu comment chaque fidèle se tient

debout ou tombe pour son Maître, par le fait

qu’il rend grâces à Dieu de tout ce qu’il a fait

selon sa conscience. Aussi <Paul> dit-il :

Celui qui a telle opinion sur les jours, c’est-à-

dire celui qui un jour s’abstient et un autre

jour cesse de s’abstenir, le fait pour le

Seigneur, c’est-à-dire par respect pour Dieu

distingue les aliments, comme nous-mêmes

nous distinguons les veilles des fêtes en y

pratiquant le jeûne, des jours de fête où nous

rompons le jeûne par respect pour Dieu

"Pourquoi un jour est-il préféré à un jour, une

lumière à une lumière, et une année à une

année, venant <tous> du soleil ?" <L’Apôtre>

parle ensuite de ceux qui jugent tous les jours

pareils, et parmi ceux-ci certains ne

réservaient aucun jour au jeûne; ainsi, comme

on le rapporte dans <l’évangile de> Matthieu,

les disciples du Christ ne jeûnaient-ils point.

Aussi <l’Apôtre> dit-il : Et celui qui mange, à

savoir chaque jour, mange pour le Seigneur,

c’est-à-dire pour la gloire du Seigneur; ce que

manifestent les mots <qui suivent> : et il rend

grâces à Dieu, à savoir pour la nourriture qu’il

a prise : "<Ils ordonneront> de s’abstenir des

1011

GRATIEN, Décrets, première partie, dist. xxx, can. XVII, col. 110.

sedes, iudicantes duodecim tribus Israel.

Tertio, ibi scriptum est enim, etc., probat

quod dixerat. Et primo inducit auctoritatem;

secundo infert conclusionem, ibi itaque

unusquisque, et cetera. Dicit ergo primo :

dictum est quod omnes stabimus ante

tribunal Christi, et hoc patet per

auctoritatem sacrae Scripturae. Scriptum est

enim, Is. XLV, 23, vivo ego, dicit dominus :

quoniam mihi flectetur omne genu, et omnis

lingua confitebitur Deo. Littera nostra sic

habet : in memetipso iuravi, quia mihi

curvabitur omne genu et iurabit omnis

lingua. Tria autem in his verbis ponuntur.

Primo quidem iuramentum, quod interdum

in verbis Dei ponitur ad ostendendum id,

quod dicitur, firmum esse immutabilitate

divini consilii, non autem esse mutabile

sicut ea quae praenuntiantur secundum

causas inferiores, ut prophetia

comminationis. Unde dicitur in Ps. CIX, 4.

— iuravit dominus, et non poenitebit eum.

Homines autem, ut apostolus dicit Hebr. VI,

16. — per maiorem sui iurant. Quia vero

Deus non habet maiorem in quo maior

firmitas consistat veritatis, per seipsum

iurat. Ipse autem est ipsa vita et fons vitae,

secundum illud Deut. XXX, 20. — ipse est

enim vita tua, et longitudo dierum tuorum,

etc., Ps. XXXV, 10. — apud te est fons

vitae, etc.; et ideo forma iuramenti domini

est vivo ego, quasi dicat : iuro per vitam qua

ego singulariter vivo. Secundo praenuntiatur

subiectio communis creaturae ad Christum,

cum dicitur quoniam mihi, scilicet Christo,

flectetur omne genu. In quo designatur

perfecta subiectio rationalis creaturae ad

Christum. Solent enim homines in signum

subiectionis maioribus flectere genua. Unde

Phil. II, 10 dicitur : in nomine Iesu omne

genu flectatur caelestium, terrestrium et

Infernorum. Tertio praenuntiat fidei

confessionem qua omnes gloriam Christi

confitebuntur. Unde sequitur et omnis

lingua confitebitur Deo, id est confitebitur

aliments que Dieu a créés pour être reçus avec

actions de grâces par les fidèles et par ceux

qui ont connu la vérité." Et : "Les pauvres

mangeront et seront rassasiés; et ils loueront

le Seigneur, ceux qui le recherchent; leurs

cœurs vivront dans les siècles des siècles."

Enfin, <l’Apôtre> parle de celui qui juge tous

les jours pareils, c’est-à-dire qui s’abstient

chaque jour, et il ajoute : et celui qui ne

mange pas, c’est-à-dire celui qui s’abstient

tous les jours, le fait pour le Seigneur, en

d’autres termes ne mange pas pour honorer le

Seigneur1012

. Ce qui est une évidence

puisqu’il rend grâces à Dieu, qui lui a donné

la volonté et la force de s’abstenir : "Rendez

grâces en toutes choses."

En réalité, ce que l’Apôtre dit ici de ceux qui

tous les jours, ou pratiquaient l’abstinence, ou

ne la pratiquaient pas, doit s’entendre quant

au temps pendant lequel cette conduite ne

s’opposait pas aux institutions des anciens et

aux usages communs du peuple de Dieu.

1101. — b. Lorsqu’il ajoute : 7 En effet, nul

d’entre nous ne vit pour soi-même, etc.,

<l’Apôtre> prouve la même chose par

l’intention des fidèles.

Il commence par rejeter l’intention qui est

désordonnée : Je dis à juste titre que chacun

de nous se tient debout ou tombe pour son

Seigneur, car nul d’entre nous ne vit pour soi-

même, ni de la vie naturelle ni de la vie

spirituelle, dont il est dit : "Mais le juste vit de

la foi1013

." — Pour soi-même, c’est-à-dire en

vue de lui-même, parce que ce serait jouir de

soi-même : "Ne cher chant pas ce qui m’est

utile, mais ce qui est au grand nombre, afin

qu’ils soient sauvés." Et encore : "Non pas à

nous, Seigneur, non pas à nous, mais à ton

Nom donne gloire1014

." Ou : pour soi-même,

c’est-à-dire selon sa propre règle, comme

ceux qui disent, au livre de la Sagesse : "Que

notre force soit la loi de la justice." Ou encore

: pour soi-même, c’est-à-dire selon son propre

jugement : "Je ne me juge pas moi-même." —

Nul ne meurt, c’est-à-dire de la mort

1012

Voir Glosa in Rom. XIV, 6 (GPL, 1514 A). 1013

He 2, 4. Sur la variante vivi, au lieu de vivet, voir DOM SABATIER, Bibl. sacr., t. II (Notae ad

versionem antiquam), p. 964. 1014

Ps 113, 9 (numérotation de la Vulgate).

Christum esse dominum, secundum illud

Phil. II, 11. — omnis lingua confiteatur,

quia dominus noster Iesus Christus in gloria

est Dei patris. Omnis enim lingua intelligi

potest expressio cognitionis sive hominum,

sive Angelorum, secundum illud 1 Co XIII,

1. — si linguis hominum loquar et

Angelorum, et cetera. Hoc autem impletur

nunc in hac vita, non quantum ad singulos

homines sed quantum ad genera

singulorum. De quolibet enim genere

hominum nunc aliqui Christo subiiciuntur et

ei confitentur per fidem, sed in futuro

iudicio omnes et singuli ei subiicientur :

boni quidem voluntarie, mali autem inviti.

Unde dicitur Hebr. II, 8. — in eo quod ei

omnia subiecit, nihil dimisit non subiectum

ei : nunc autem necdum videmus omnia

subiecta ei. Deinde, cum dicit itaque

unusquisque, etc., infert conclusionem ex

dictis. Et primo conclusionem intentam ex

eo quod immediate dixerat, dicens itaque,

ex quo Christo flectitur omne genu,

unusquisque nostrum per se reddet rationem

Deo, scilicet ante tribunal Christi. Matth.

XII, v. 36. — de omni verbo otioso quod

locuti fuerint homines, reddent Deo

rationem in die iudicii. Et XVIII, 23. —

assimilatum est regnum caelorum homini

regi qui voluit rationem ponere cum servis

suis. Sed videtur quod non quilibet per se

rationem reddet, sed unus pro alio. Hebr.

ult. : obedite praepositis vestris et subiacete

eis. Ipsi enim pervigilant quasi rationem

reddituri pro animabus vestris. Sed

dicendum quod in hoc ipso quod praelati

pro aliis rationem reddent, reddent rationem

pro suis actibus quos circa subditos agere

debuerunt. Si enim fecerunt quod

competebat eorum officio, non eis

imputabitur si subditi pereant. Imputaretur

autem eis si negligerent facere quod eorum

officium requirebat. Unde dicitur Ezech. III,

18 s. : si dicente me ad impium, morte

morieris, non annuntiaveris ei, ipse in

corporelle ou de la mort spirituelle qu’est le

péché, ou bien1015

encore de la mort

spirituelle par laquelle on meurt aux vices,

ainsi dans le baptême, selon ce qui a été dit

plus haut : "celui qui est mort est justifié du

péché." Pour soi-même, c’est-à-dire soit à son

jugement, soit à cause de lui-même ou à son

exemple; mais c’est à l’exemple du Christ que

chacun meurt à ses vices : "Car en tant qu’il

est mort au péché, il est mort une fois pour

toutes." Et plus loin : "Ainsi de vous, estimez-

vous comme morts au péché, mais <ne>

vivant <plus que> pour Dieu dans le Christ

Jésus Notre Seigneur."

1102. Puis il montre quelle est la droite

intention des fidèles, en disant : 8 Car si nous

vivons, de la vie corporelle, nous vivons pour

le Seigneur, c’est-à-dire pour la gloire du

Seigneur; si nous mourons, de la mort

corporelle, nous mourons pour le Seigneur,

c’est-à-dire pour l’honneur du Seigneur "Le

Christ sera glorifié en mon corps, soit par ma

mort, soit par ma vie1016

." Ou bien si l’on

expose ces paroles : nous vivons et nous

mourons, en les appliquant à la vie et à la

mort spirituelle, alors ces mots : pour le

Seigneur, signifient au jugement du Seigneur,

"qui a été établi par Dieu juge des vivants et

des morts", comme le dit le livre des Actes.

1103. — c. En disant : Soit donc que nous

vivions, etc., <l’Apôtre> prouve sa

proposition par la condition <dans laquelle se

trouvent> les fidèles.

Et pour commencer, il déduit de ce qui

précède que leur condition est telle qu’ils ne

sont plus à eux-mêmes, mais à un autre. Car

ceux qui sont à eux-mêmes, comme le sont les

hommes libres, vivent et meurent pour eux-

mêmes. Or après avoir établi que les fidèles

ne vivent pas ou ne meurent pas pour eux-

mêmes, mais pour le Seigneur, <l’Apôtre>

conclut ainsi : Soit donc que nous vivions,

soit que nous mourions, nous sommes au

Seigneur, comme les esclaves de celui qui a

1015

Voir Glosa in Rom. XIV, 7 (GPL, col. 1514 G). 1016 Ph 1, 20. Pour la version citée ici, voir la Vetus latina, Epistula ad Philippenses, éd. H. J. Frede, vol.

XXIV/2, I fasc. 1, p. 71

iniquitate sua morietur, sanguinem autem

eius de manu tua requiram. Si autem tu

annuntiaveris impio, et ille non fuerit

conversus, ipse quidem in iniquitate sua

morietur, tu autem animam tuam liberasti.

Secundo infert conclusionem principaliter

intentam in tota praecedenti parte, dicens

non ergo amplius invicem iudicemus,

scilicet temerario iudicio, quod includitur

rationibus supradictis. 1 Co IV, 5. — nolite

ante tempus iudicare, et cetera.

pouvoir de vie et de mort : "Vous avez été

achetés à prix, ne vous rendez pas esclaves

des hommes." Et : "Vous avez été achetés à

grand prix." Et encore : "Nous sommes à toi,

ô David, et avec toi, ô fils d’Isaïe."

1104. — Puis <l’Apôtre> indique la cause de

cette condition, en disant : 9 C’est pour cela

même que le Christ est mort et qu’il est

ressuscité, c’est-à-dire ce qu’il a acquis par sa

mort et par sa résurrection c’est d’être le

maître des vivants, parce qu’en ressuscitant il

a commencé une vie nouvelle et perpétuelle,

et des morts, parce que en mourant il a détruit

notre mort : "Le Christ est mort pour tous,

afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour

eux, mais pour Celui qui est mort pour eux et

est ressuscité." Ainsi donc, par tout ce qui

précède, l’Apôtre a prouvé que chacun se

tient debout ou tombe pour son Seigneur,

étant donné que les fidèles rendent grâces à

Dieu, qu’ils vivent ou qu’ils meurent pour le

Seigneur, et qu’ils sont au Seigneur soit dans

la mort, soit dans la vie.

1105. — C. Lorsqu’il ajoute : 10 Mais toi,

pourquoi juges-tu, etc., <l’Apôtre> donne la

troisième raison qui se fonde sur le jugement

à venir. Et à ce propos il fait trois choses

1. Il expose en premier lieu l’inutilité du

jugement présent, en disant : Mais toi,

pourquoi juges-tu ?, c’est-à-dire quelle utilité

ou quelle nécessité y a-t-il pour toi de juger

ton frère témérairement sur des choses

cachées, qui ne sont pas laissées à ton

jugement ? Ou bien toi, qui seras jugé,

pourquoi méprises-tu ton frère, regardant

comme rien le fait d’être jugé par lui ? —

"Pourquoi donc chacun de nous méprise-t-il

son frère ? "

1106. — 2. En deuxième lieu, il annonce le

futur jugement du Christ, comme s’il disait :

Je dis avec raison pourquoi juges-tu <ton

frère>, puisque tu n’as pas à craindre qu’il

reste sans jugement ? Tous, en effet, nous

nous trouverons devant le tribunal du Christ.

On appelle tribunal du Christ son pouvoir

judiciaire1017

, ainsi qu’il est dit <dans

l’évangile de> Matthieu "Quand le fils de

l’homme viendra dans sa majesté, et tous les

1017

Lieu parallèle Somme Théologique 3 Q. 59.

anges avec lui, alors il s’assiéra sur le trône de

sa majesté." Et <l’Apôtre> dit : Tous nous

nous trouverons, comme pour être jugés, aussi

bien les bons que les méchants, et recevoir la

récompense ou la punition : "Nous devons

tous comparaître devant le tribunal du Christ,

afin que chacun reçoive le prix de ce qu’il

aura fait durant sa vie corporelle, soit en bien,

soit en mal1018

."

Mais quant au jugement de discussion1019

,

tous n’y comparaîtront pas pour être jugés,

car certains siégeront comme juges1020

"Vous serez assis sur douze trônes, jugeant les

douze tribus d’Israël"

1107. — 3. En troisième lieu, par ces mots :

11 Car il est écrit, etc., <l’Apôtre> prouve ce

qu’il avait dit.

a) Et il cite d’abord une autorité.

b) Puis, il en déduit une conclusion [n° 1112]

: Ainsi chacun de nous, etc.

1108. — a. On a dit que tous nous nous

trouverons devant le tribunal du Christ, et cela

est manifeste par l’autorité de la sainte

Ecriture; car il est écrit "Je vis, moi, dit le

Seigneur : tout genou fléchira devant moi, et

toute langue confessera Dieu1021

." Notre

version porte : "Par moi-même j’ai juré que

devant moi tout genou fléchira, et toute

langue jurera1022

."

1109. — Trois choses sont mentionnées dans

ces paroles :

— Premièrement le serment,1023

qui est

parfois utilisé dans les paroles de Dieu, pour

montrer que ce qui est dit <ainsi> est assuré

par l’immutabilité du conseil divin et non pas

1018

2 Corinthiens 5, 10. — Lieu parallèle " II Ad Cor. 5, 10, lect. 2 (éd. Marietti, n° 170-172). 1019

Le jugement de discussion désigne, dans le Jugement final, le moment où sont discutés les mérites

ou les démérites de tous ceux qui ne sont pas morts parfaitement purifiés. Si donc tous tes hommes

seront soumis au jugement "de sanction" par la sentence duquel ils seront ou élus ou réprouvés, tous

ne seront pas soumis au jugement de discussion. Seuls le seront les élus non parfaitement purifiés et

les damnés, afin que, dans l’un et l’autre cas, soit mani festée la justice divine. — Lieux parallèles " 5.

Th., Suppi., Q. 89, a. 6 et 7; Compend. theol., c. 243; Super Psalmos, in Ps. 1, 5; 5, 1 lb; 42, 49, 7-16;

Super Ioan. 3, 17 et l8b, lect. 3 (éd. Marietti, n° 483 et 488); 5, 24, lect. 4 (éd. Marietti, n° 776); Super

Matth. 25, 32 (éd. Marietti, n° 2084); I Ad Cor. 5, 13, lect. 3 (éd. Marietti, n° 261); II ‘ Cor. 5, 10, lect.

2 (éd. Marietti, n° 171); Ad Hebr. 10, 30, lect. 3 (éd. Marietti, n° 533). 1020

Lieux parallèles S. Th., Suppi., Q. 89, a. 1; 4 Sentences dist. 47, Q. 1, a. 2, q 1." ; Compend. theol.,

c. 245; Super Psalmos, in Pc. 49; 1 Ad Cor. 6, 1-6, lect. 1 (éd. Marietti, n° 264-276). 1021

Is 45, 24. Pour la version citée ici, voir la Vetus latzna, Esaias; éd. Roger Gryson, vol. XII/2, fasc.

4, p. 1105. 1022

Is 45, 23-24 (selon la vulgate). 1023

Lieu parallèle : Ad Hebr. 3, 11, lect. 2 (éd. Marietti, n° 184).

sujet au changement, comme il en est pour la

prédiction de ce qui dépend des causes

inférieures, telle la prophétie de menace1024

.

Aussi est-il dit au psaume 109. — "Le

Seigneur a juré et il ne s’en repentira pas."

C’est que les hommes, comme le dit l’Apôtre,

"jurent par celui qui est plus grand qu’eux."

Mais Dieu, n’ayant rien de plus grand que lui

pour donner de la fermeté à la vérité, jure par

lui-même. Or il est la vie même et la source

de la vie, selon ces paroles du Deutéronome :

"Car c’est lui-même qui est ta vie et la

longueur de tes jours, afin que tu habites dans

la terre au sujet de laquelle le Seigneur a juré

à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob, qu’il la

leur donnerait" Et du psaume 35. — "Auprès

de toi est la source de la vie1025

." Voilà

pourquoi la forme du serment du Seigneur est

: Je vis, moi, autrement dit je jure par la vie,

dont moi je vis d’une manière unique.

1110. Deuxièmement l’annonce de la

soumission de toute créature au Christ devant

moi, à savoir le Christ, tout genou fléchira.

C’est la désignation de la soumission parfaite

de la créature raison nable au Christ; car les

hommes ont coutume de fléchir le genou

devant les grands, en signe de soumission.

D’où ces paroles <de l’Apôtre> aux

Philippiens : "Qu’au nom de Jésus, tout genou

fléchisse dans le ciel, sur la terre et dans les

enfers."

1111. — Troisièmement l’annonce de la

confession de la foi, par laquelle tous rendront

gloire au Christ. D’où la suite de ces paroles :

et toute langue confessera Dieu, c’est-à-dire

confessera que le Christ est Seigneur, selon

cette parole aux Philippiens : "Que toute

langue confesse que notre Seigneur Jésus-

Christ est dans la gloire de Dieu le Père1026

."

Quant aux mots "toute langue", ils peuvent

s’entendre de l’expression de la connaissance

soit des hommes, soit des anges, selon ce

passage de la première épître aux Corinthiens

: "Quand je parlerais les langues des hommes

1024

Lieux parallèles : Somme Théologique 1a Q. 19, a. 7, sol. 2; 2a-2 Q. 174, a. 1; 4 Sentences dist.

46, Q. 2, a. 3; 3 Contr. Gentiles c. 154; De veritate, Q. 12, a. 10; Ad Rom. 3, 4, lect. 1 (éd. Marietti,

n°258); Ad Hebr. 6, 17, lect. 4 (éd. Marietti, n°322). 1025

Ps 35, 10. — Lieu parallèle Super Psalmos, in Ps. 35, løa. 1026

Ph 2, 11. L’addition du mot notre (noster) figure dans le Vetus latina, voir Epistula ad

Philippenses, éd. H. J. Frede, vol. XXIV/2, fasc. 2, p. 151.

et des anges, si je n’ai pas la charité, je suis

comme un airain sonnant ou une cymbale

retentissante." Or cette soumission

s’accomplit maintenant en cette vie, non en

chaque individu particulier, mais en chaque

catégorie d’hommes en particulier. Car de

chaque catégorie d’hommes quelques-uns

sont maintenant soumis au Christ et le

confessent par la foi, mais lors du jugement à

venir, tous et chacun en particulier lui seront

soumis : les bons volontairement, les

méchants malgré eux. Aussi est-il dit dans

l’épître aux Hébreux : "Par le fait qu’il lui a

tout soumis, il n’a rien laissé qui lui demeure

insoumis. Actuellement, il est vrai, nous ne

voyons pas encore que tout lui soit soumis."

1112. — b. En ajoutant : 12 chacun de nous,

etc., il déduit sa conclusion de ce qui précède.

Et d’abord la conclusion qu’il projetait à

partir de ce qu’il vient de dire ainsi, puisque

tout genou fléchit devant le Christ, chacun de

nous rendra compte à Dieu pour soi, c’est-à-

dire devant le tribunal du Christ : "Je vous dis

que toute parole oiseuse que les hommes

auront dite ils en rendront compte" à Dieu "au

jour du jugement." Et encore : "Le Royaume

des cieux est comparé à un homme-roi qui

voulut régler ses comptes avec ses serviteurs."

1113. — Cependant il semble que chacun ne

rendra pas compte pour soi, mais l’un pour

l’autre : "Obéissez à vos préposés, et soyez-

leur soumis, car ce sont eux qui veillent,

comme devant rendre compte de vos âmes."

Il faut répondre que par le fait même que les

prélats rendront compte, ils rendront raison

des actes qu’ils ont dû remplir à l’égard de

leurs sujets. Car s’ils ont fait ce qui était dû à

leur ministère, la perte de leurs sujets ne leur

sera pas imputée. Au contraire, s’ils négligent

d’accomplir ce que leur ministère requiert,

elle leur sera imputée. D’où ces paroles

d’Ezéchiel : "Si moi je dis à l’impie : Tu

mourras de mort, et que tu ne le lui annonces

pas, et ne lui parles pas pour qu’il se détourne

de sa voie impie, et qu’il vive, l’impie lui-

même dans son iniquité mourra; mais je

redemanderai son sang à ta main. Mais si tu

l’annonces à l’impie, et qu’il ne se détourne

pas de son impiété et de sa voie impie, lui-

même, à la vérité, mourra dans son iniquité;

mais toi, tu auras libéré ton âme."

1114. — Puis <l’Apôtre> déduit la conclusion

qu’il s’était principalement proposée dans

toute cette partie, en disant : 13 Ne nous

jugeons donc plus les uns les autres, à savoir

avec un jugement téméraire, ce qui est inclus

dans les raisons mentionnées plus haut : "Ne

jugez pas avant le temps, jusqu’à ce que

vienne le Seigneur, qui éclairera ce qui est

caché dans les ténèbres, et manifestera les

pensées secrètes des cœurs; et alors chacun

recevra de Dieu sa louange.

Lectio 2 Leçon 2 [Versets 13b à 20a]

[n° 1115] 13b mais jugez plutôt qu’il ne faut

pas mettre devant votre frère un obstacle ou

<lui donner une occasion de> scandale.

[n° 1117] 14 sais et j’ai la certitude dans le

Seigneur Jésus que rien n’est profane en soi,

excepté pour celui qui estime une chose

profane; pour lui elle est profane.

[n° 1122] 15 En effet, si ton frère est contristé

pour un aliment, tu ne marches plus selon la

charité. Pour ton aliment veuille ne pas causer

la perte de celui pour lequel le Christ est mort.

[n° 1125] 16 Que notre bien ne soit donc pas

une occasion de blasphème.

[n° 1127] 16 Car le Règne de Dieu n’est pas

nourriture et boisson, mais il est justice, paix

et joie dans l’Esprit-Saint.

[n° 1129] 18 Or celui qui par là sert le Christ

est agréable à Dieu et approuvé des hommes.

[n° 1130] 19 Poursuivons donc ce qui

contribue à la paix et observons mutuellement

ce qui contribue à l’édification.

[n° 1131] : 20a Ne va pas pour un aliment

détruire l’œuvre de Dieu.

[86226] Super Rom., cap. 14 l. 2 Postquam

apostolus prohibuit humana iudicia, hic

prohibet scandalum proximorum, et circa

hoc duo facit. Primo proponit quod intendit;

secundo manifestat propositum, ibi si enim

propter cibum, et cetera. Circa primum

1115. — Après avoir interdit les jugements

humains [n° 1081], l’Apôtre interdit ici de

scandaliser Je prochain, et à cet égard il fait

deux choses

I) Il expose d’abord son intention.

II) Puis, il prouve sa proposition [n° 1122] :

proponit tria. Primo enim docet scandala

esse vitanda, dicens : dixi quod non

iudicetis invicem sed unusquisque de suis

actibus iudicare debet, ne sint in scandalum

aliorum. Et hoc est quod dicit sed hoc

iudicate magis ne ponatis fratribus

offendiculum, vel scandalum. Scandalum

autem, sicut dicit Hier. super Matthaeum,

notat offendiculum vel ruinam, quam

impactionem pedis possumus dicere. Unde

scandalum est factum vel dictum minus

rectum, praebens alicui occasionem ruinae,

ad similitudinem lapidis ad quem in via

positum homo impingit, et cadit. Maius

autem aliquid videtur esse scandalum quam

offendiculum. Nam offendiculum potest

esse quicquid retinet seu retardat motum

procedentis : scandalum autem, id est,

impactio, videtur esse cum aliquis

disponitur ad casum. Non ergo debemus

fratri ponere offendiculum ut aliquid

faciamus, unde impediatur proximus a via

iustitiae. Is. LVI, 14. — auferte

offendiculum de via populi mei. Neque

etiam debemus fratri ponere scandalum,

aliquid faciendo, unde ipse inclinetur ad

peccatum. Matth. XVIII, 7. — vae homini

illi per quem scandalum venit. Secundo

docet id ex quo scandalum putabatur esse,

secundum suam naturam, sive secundum se

licitum. Circa quod sciendum est quod, sicut

supra dictum est, apud Romanos erant

quidam ex Iudaeis ad fidem Christi

conversi, qui cibos secundum legem

discernebant; alii vero habentes fidem

perfectam indifferenter omnibus cibis

utebantur, quod quidem secundum se

15 En effet, si ton frère est contristé, etc.

1116. — I. <L’Apôtre> enseigne1027

d’abord

que l’on doit éviter les scandales, en disant :

J’ai dit que vous ne devez pas vous juger les

uns les autres, mais que chacun doit juger ses

propres actes, pour qu’ils ne tournent pas au

scandale des autres. Et c’est ce que dit

<l’Apôtre> : 13 Mais jugez plutôt qu’il ne

faut pas mettre devant votre frère un obstacle

ou <lui donner une occasion de> scandale. Or

le mot "scandale", comme le dit Jérôme dans

son Commentaire sur Matthieu, désigne un

obstacle ou une chute, que nous pourrions

traduire par "heurt du pied" (impactionem

pedis)1028

. Voilà pourquoi le scandale est une

action ou une parole d’une moindre rectitude,

fournissant à autrui une occasion de chute,

semblable à une pierre placée sur le chemin,

contre laquelle l’homme se heurte et tombe.

Toutefois le scandale semble quelque chose

de plus important qu’un obstacle. Car

l’obstacle peut être quelque chose qui retient

ou retarde le mouvement de celui qui marche;

tandis que le scandale, c’est-à-dire le heurt,

semble se produire lorsque quelqu’un est

amené à tomber. Nous ne devons donc pas

mettre d’obstacle devant notre frère, pour que

notre entrave ne détourne pas le prochain de

la voie de la justice "Otez <l’obstacle> de la

voie de mon peuple1029

."

Nous ne devons pas non plus donner <une

occasion de> scandale à notre frère en faisant

quelque chose qui l’incline au péché :

"Malheur à l’homme par qui le scandale

arrive1030

."

1117. — Puis <l’Apôtre> enseigne ce qui

faisait regarder le scandale comme licite de

1027

Lieux parallèles Somme Théologique 2a-2ae, Q. 43, a. 1; 4 Sentences dist. 38, Q. 2, a. 1; Ad Rom.

7, 8 lect. 2 (éd. Marietti, n° 543) Super Matth. 15, 12 (éd. Marietti, n° 1305). 1028

Voir SAINT JÉRÔME, Commentaire sur saint Matthieu 15, 12 (SC 242, 324-325). 1029

Littéralement "commun", en latin : communis. La Vulgate donne ici l’équivalent exact du mot grec

koinos de la basse grécité, lequel signifie en effet " commun * (Ac 2, 44; 4, 32). Dans un sens un peu

différent, il s’oppose " saint" (voir I M 1, 47). Ainsi, en Mc 7, 2. 5, les pharisiens se scandalisent de

voir certains disciples du Christ "manger les pains avec des mains souillées" (koinais, littéra lement :

"communes", "profanes"). La raison en est que "les pharisiens traitent de souillé tout ce qui est

commun " (Sœur Js D’ARC, Evangile selon Marc, p. 45, n. 2h). Le problème de traduction qui se pose

ici vient de ce que l’adjectif français " commun" a plutôt une nuance péjorative, celle de vulgarité, et

ne va pas jusqu’à celle de souillure. On pourrait ici le rendre également par " profane." Saint Thomas

va expliquer (n° 1117) qu’il signifie " impur " (immundus). 1030

Mt 18, 7 Lieu parallèle Super Matrh. 18, 6-9 (éd. Marietti, n° 1497-1502).

licitum erat. Unde dicit scio et confido in

domino Iesu, quia nihil est commune per

ipsum. Circa quod notandum est, sicut dicit

Hier. super Matth., quod populus Iudaeorum

partem Dei se esse iactans, communes cibos

vocat quibus omnes utuntur homines, verbi

gratia suillam carnem, lepores et huiusmodi;

et caeterae gentes, quae talibus utebantur

cibis, non erant de parte Dei, ideo talis cibus

immundus appellatur. Quod ergo dicit nihil

commune est, idem est ac si diceret : nihil

immundum est. Et hoc quidem apostolus,

primum, dicit se scire, quia ita est secundum

rerum naturam, secundum illud I Tim. IV, 4.

— omnis creatura Dei bona, et nihil

reiiciendum quod cum gratiarum actione

percipitur. Secundo dicit se confidere in

Christo Iesu, quia per seipsum nihil est

commune, quia scilicet cibi secundum suam

naturam nunquam fuerunt immundi,

vitabantur tamen aliquo tempore ut

immundi, secundum legis praeceptum

propter figuram, sed hoc Christus removit

implendo omnes figuras. Et ideo apostolus

per fiduciam quam habet in domino Iesu,

asserit nihil esse commune vel immundum

per ipsum, id est, ipso hoc faciente. Act. X,

v. 15. — quod Deus purificavit, tu ne

commune dixeris. Tertio ostendit quomodo

hoc posset esse per accidens illicitum,

inquantum scilicet est contra conscientiam

manducantis. Unde dicit : dictum est quod

nihil est commune, sed hoc intelligendum

est nisi ei qui, erronea conscientia, aestimat

quid, id est aliquid ciborum, commune esse,

par sa nature ou en soi. Sur ce point, comme

on l’a dit plus haut [n° 1082], il faut savoir

qu’il se trouvait parmi les Romains quelques

Juifs convertis à la foi du Christ, qui

discernaient les aliments selon la Loi; quant

aux autres, ayant une foi parfaite, ils usaient

indifféremment de tous les aliments, ce qui en

soi était licite. C’est ce qui fait dire <à

l’Apôtre> : 14 Je sais et j’ai la certitude dans

le Seigneur Jésus que rien n’est profane en

soi. A ce propos il faut noter que, selon ce que

dit Jérôme dans son Commentaire sur

Matthieu1031

, le peuple juif se vantant d’être

l’héritage de Dieu, appelle aliments profanes

ceux dont usent tous les hommes, par

exemple la chair de porc, de lièvre et autres

chairs semblables; et parce que les autres

nations, qui usaient de tels aliments ne

faisaient pas partie de l’héritage de Dieu, ces

aliments étaient appelés impurs. Donc ces

mots <de l’Apôtre> rien n’est profane,

équivalent à : rien n’est impur. L’Apôtre dit

d’abord qu’il le sait, parce qu’il en est ainsi

selon la nature des choses, selon ce passage :

"Toute créature de Dieu est bonne et on ne

doit rien rejeter de ce qui se prend avec action

de grâces." Il dit ensuite qu’il a la certitude

dans le Christ Jésus que rien n’est commun en

soi, car les aliments selon leur propre nature

n’ont jamais été impurs. Durant un certain

temps, cependant, on les avait évités comme

impurs, suivant ce que prescrivait la Loi à

cause de ce qu’ils figurent; mais le Christ a

supprimé ce précepte en accomplissant toutes

les figures1032

. Voilà pourquoi l’Apôtre, par la

1031

Voir SAINT JÉRÔME, Commentaire sur saint Matthieu 15, 11 (SC 242, 324-325). 1032

Le principe fondamental de l’exégèse chrétienne, c’est que le Christ accomplit les Ecritures, et

donc que le Nouveau Testament révèle la véritable signification de ce que contient l’Ancien

Testament, qu’il s’agisse de paroles, d’événements ou de pres criptions légales. C’est ce que déclare

saint Paul â propos du rocher de Nb 20, 8 qui, selon une tradition rabbinique, accompagnait Israël au

désert " Ces faits sont arrivés pour nous servir de figures " (1 Co 10, 6). Le terme grec est typos, "

type", " image", "symbole " annonciateur de ce que le Christ réalisera et qui, pour cette raison, est

nommé par saint Pierre " antitype " (antitypos) " Le baptême qui nous sauve aujourd’hui est

"l’antitype" de l’arche de Noé qui sauva jadis le reste du genre humains (I P 3, 21). L’arche est le type,

le baptême. La Vulgate a traduit typos par figura, et anntypos par une périphrase ("de forme

semblables, similis forma). Saint Thomas (avec toute la tradition chrétienne) a hérité de ce vocabulaire

qu’il rassemble en une formule souvent reprise e lex vetus est figura novae legis" ("l’ancienne Loi est

la figure de la Loi nouvelle " à quoi il ajoute, dans la ligne d’Origène, de saint Ambroise et de bien

d’autres (selon un enseignement de He 10, 1) que " nova lex est figura futurae gloriae " ("la Loi

nouvelle est la figure de la gloire future", Somme Théologique Ia, Q. 1, a. 10; 1a-2ae, Q. 102, a. 2; Ad

Gal. 4, 24, lect. 7 [éd. Marietti, n 254]). En ce sens, la figure est toujours une préfiguration lorsque

id est immundum, illi commune est, id est

ita est illicitum sibi, ac si esset secundum se

immundum. Tit. I, 15. — omnia munda

mundis, coinquinatis autem et infidelibus

nihil mundum est, sed inquinata est eorum

mens, et conscientia. Et sic apparet quod

aliquid, quod est secundum se licitum,

efficitur illicitum ei qui id contra suam

conscientiam agit, licet conscientia sua sit

erronea, quod rationabiliter accidit. Nam

actus iudicantur secundum voluntatem

agentium, voluntas autem movetur a re

apprehensa. Unde in id voluntas tendit quod

ei vis apprehensiva repraesentat, et

secundum hoc qualificatur, vel specificatur

actio. Si igitur ratio alicuius iudicet aliquid

esse peccatum et voluntas feratur in id

faciendum, manifestum est quod homo

habet voluntatem faciendi peccatum; et ita

actio eius exterior, quae informatur ex

voluntate, est peccatum. Et eadem ratione si

aliquis aestimet id quod est veniale

peccatum, esse mortale peccatum, si hac

conscientia durante illud faciat, manifestum

est quod elegit peccare mortaliter, et ita

actio eius propter suam electionem est

peccatum mortale. Si tamen aliquis post

factum habeat conscientiam erroneam, per

quam credat id quod est licitum a se factum

fuisse peccatum, vel quod est veniale fuisse

mortale, non propter hoc efficitur id quod

est prius, vel peccatum, vel mortale, quia

voluntas et actio non informantur ex

apprehensione sequenti, sed ex praecedenti.

Haec autem quae dicta sunt dubitationem

non habent, sed dubium potest esse, utrum

si aliquis habeat erroneam conscientiam ut

credat esse necessarium ad salutem quod est

peccatum mortale, puta si aliquis aestimet se

peccare mortaliter nisi furetur vel fornicetur,

utrum talis conscientia eum liget, ita scilicet

si contra conscientiam agat, mortaliter

peccet. Et videtur quod non. Primo quidem

quia lex Dei quae prohibet fornicationem et

furtum, fortius ligat, quam conscientia.

confiance qu’il a dans le Seigneur Jésus,

affirme qu’il n’y a rien de commun ou

d’impur en soi, c’est-à-dire que <Dieu> aurait

fait lui-même ainsi : "Ce que Dieu a purifié,

toi, ne l’appelle pas commun."

1118. — Enfin <l’Apôtre> montre comment

cela pourrait être illicite par accident, à savoir

en tant que cela s’oppose à la conscience de

celui qui mange. Aussi <l’Apôtre> dit-il : On

a dit qu’il n’y a rien de commun, mais il faut

entendre : excepté pour celui qui, par une

conscience erronée, estime une chose, c’est-à-

dire quelques aliments, profane, c’est-à-dire

impure; pour lui elle est profane, c’est-à-dire

illicite pour lui, comme si elle était impure en

soi : "Tout est pur pour ceux qui sont purs;

mais, pour les impurs et les infidèles, rien

n’est pur; leur esprit même et leur conscience

sont souillés."

1119. — On1033

voit ainsi qu’une chose, licite

en elle-même, devient illicite pour celui qui

agit contre sa conscience, bien que cette

dernière soit erronée : ce qui a lieu

accidentellement selon la raison; car les actes

sont jugés d’après la volonté de ceux qui les

commettent, et la volonté est mue par l’objet

appréhendé. C’est ainsi qu’elle tend vers ce

que la puissance d’appréhension lui

représente, et c’est selon cette règle qu’un

acte est qualifié ou spécifié. Par conséquent,

si la raison juge qu’un acte est peccamineux

et que la volonté se détermine à le commettre,

il est manifeste que l’homme a la volonté de

commettre le péché, et qu’ainsi l’acte

extérieur, qui est informé par la volonté, est

un péché. Pour la même raison si l’on estime

qu’un acte, qui est un péché véniel, est un

péché mortel, et que l’on commette cet acte

avec cette conscience, il est manifeste que

l’on a choisi de pécher mortellement et qu’en

conséquence, en raison de son propre choix,

cet acte est un péché mortel. Si en revanche,

une fois l’acte accompli, quelqu’un s’imagine,

par une conscience erronée, avoir commis un

péché en faisant quelque chose de licite, ou

advient ce qu’elle préfigure, elle disparaît en tant que telle. La valeur préfigurative de l’Ancien

Testament par rapport au Nouveau fonde ce que l’on appelle, dans les sciences de l’interpré tation

scripturaire (l’herméneutique) la typologie" (voir â ce propos Jean DANIÉL0u, Les Figures du Christ

dans l’Ancien Testament. "Sacramentum futuri"). 1033

Lieux parallèles Somme Théologique 1a-2ae Q. 19, a. 5 et a. 6.

Secundo quia hoc posito esset perplexus,

peccaret enim et fornicando et non

fornicando. Sed dicendum est quod etiam in

per se malis conscientia erronea ligat. In

tantum enim conscientia ligat, ut dictum est,

inquantum ex hoc quod aliquis contra

conscientiam agit, sequitur quod habeat

voluntatem peccandi; et ita si aliquis credat

non fornicari esse peccatum mortale, dum

eligit non fornicari, eligit peccare mortaliter,

et ita mortaliter peccat. Et ad hoc etiam facit

quod hic dicit apostolus. Manifestum est

enim quod discernere cibos quasi

necessarium ad salutem erat illicitum, quia

nec Iudaeis conversis etiam ante

divulgationem Evangelii licebat servare

legalia, spem ponendo in eis, quasi essent

necessaria ad salutem, ut Augustinus dicit.

Et tamen apostolus hic dicit quod si quis

habens conscientiam cogentem discernere

cibos, quod est aestimare aliquid esse

commune, et non discernit eos, scilicet

abstinendo ab eis, peccat ac si manducaret

immundum. Et ita etiam in per se illicitis

conscientia erronea ligat. Nec obstat quod

primo obiicitur de lege Dei, quia idem est

ligamen conscientiae etiam erroneae et legis

Dei. Non enim conscientia dictat aliquid

esse faciendum vel vitandum, nisi quia

credit hoc esse contra vel secundum legem

Dei. Non enim lex nostris actibus

applicatur, nisi mediante conscientia nostra.

Similiter etiam nec obstat quod secundo

obiicitur. Nihil enim prohibet aliquem esse

perplexum aliquo supposito, licet nullus sit

perplexus simpliciter, sicut sacerdos

fornicarius, sive celebret Missam, sive non

celebret quando debet ex officio, peccat

mortaliter; non tamen est perplexus

simpliciter, quia potest peccatum dimittere

et celebrare. Et similiter potest aliquis

conscientiam erroneam dimittere, et a

peccato abstinere. Est autem adhuc alia

dubitatio. Non enim dicitur scandalizare qui

facit opus rectum, licet etiam ex eo aliquis

sumat materiam scandali, legitur enim

Matth. XV, v. 12 quod Pharisaei audito

que ce qui est véniel fut mortel, une telle

croyance ne saurait faire que l’acte

auparavant accompli soit un péché, ni un

péché mortel, car ce qui donne leur forme à la

volonté et à l’action ce n’est pas

d’appréhender ce qui les suit mais ce qui les

précède.

1120. — Sur ce qui précède il n’y a aucune

difficulté, mais il peut s’en présenter une si la

conscience est erronée au point de croire

nécessaire au salut ce qui est péché mortel,

par exemple en estimant pécher mortellement

si l’on ne commet pas de vol ou si l’on ne

fornique pas. Une telle conscience oblige-t-

elle, en ce sens qu’en agissant contre elle on

pèche mortellement ?

Il semble que non. Tout d’abord, parce que la

Loi de Dieu, qui interdit la fornication et le

vol, oblige plus fortement que la conscience.

Puis, parce que cela étant établi, l’homme

serait perplexe et pécherait en commettant ou

en ne commettant pas la fornication.

Mais il faut répondre que, même à l’égard des

choses qui sont mauvaises en soi, la

conscience erronée oblige. Car, ainsi qu’on

l’a dit, la conscience oblige dans l’exacte

mesure où, si l’on agit contre sa conscience,

c’est qu’on a la volonté de pécher. Et donc si

l’on croit que ne pas forniquer est un péché

mortel, choisir de ne pas forniquer c’est

choisir de pécher mortellement, et de fait l’on

pèche mortellement. Et de plus on pratique

aussi ce que l’Apôtre dit ici. Car il est

manifeste qu’opérer un discernement entre les

aliments comme une chose nécessaire au salut

était illicite puisque, même pour les Juifs

convertis avant la diffusion de l’Evangile, il

n’était pas permis d’observer les prescriptions

légales, en mettant en elles son espérance,

comme si elles étaient nécessaires au salut,

ainsi que le dit Augustin1034

[n° 1087]. Et

cependant l’Apôtre dit que si quelqu’un force

sa conscience à opérer une distinction entre

les aliments, c’est-à-dire en estimant que tel

aliment est commun, et qu’il ne fait pas la

distinction entre eux, à savoir en s’en

abstenant, il pèche comme s’il mangeait

1034

Voir SAINT AUGUSTIN, Lettre LXXXII, II, 9 (PL 33 279; CSEL 34/2, 358-360); c. 2, 15 (PL

33, 281; CSEL 34/2, 364-366).

verbo Christi, scandalizati sunt. Sed non

discernere cibos est opus rectum : ergo non

est dimittendum propter scandalum eius qui

perversam conscientiam habet errans in

fide. Nam secundum hoc Catholici deberent

abstinere a carnibus et matrimonio, ne inde

haeretici scandalizarentur secundum

erroneam conscientiam. Sed dicendum est

quod aliquis scandalizare alium potest, non

solum faciendo aliquod malum, sed etiam

aliquid faciendo quod habet speciem mali,

secundum illud I Thess. c. ult. : ab omni

specie mali abstinete vos. Dicitur autem

aliquid habere speciem mali dupliciter.

Primo videlicet secundum opinionem eorum

qui sunt ab Ecclesia praecisi; secundo,

secundum opinionem eorum qui adhuc ab

Ecclesia tolerantur. Infirmi autem in fide,

aestimantes legalia esse observanda, adhuc

tolerabantur ab Ecclesia ante Evangelii

divulgationem. Et ideo non erat

comedendum cum eorum scandalo de cibis

in lege prohibitis. Haeretici autem non

tolerantur ab Ecclesia, et ideo de eis non est

quelque chose d’impur.

Donc, même pour les choses qui sont en soi

illicites, la conscience erronée oblige. On ne

peut opposer la première objection tirée de la

Loi de Dieu, parce que l’obligation de la

conscience, même erronée, et celle de la Loi

divine, sont la même obligation. En effet, si la

conscience prescrit de faire une chose ou de

l’éviter, c’est qu’elle croit que cet acte

s’oppose ou est conforme à la Loi de Dieu.

Car la Loi n’est appliquée à nos actes que par

l’intermédiaire de notre conscience1035

, On ne

peut pas davantage opposer la seconde

objection. En effet, rien n’interdit la

perplexité dans une supposition, bien que

personne ne soit perplexe absolument parlant

: par exemple un prêtre fornicateur, soit qu’il

célèbre la messe ou qu’il ne la célèbre pas,

quand il y est tenu par son ministère, pèche

mortellement; il n’est cependant pas perplexe

absolument parlant, étant donné qu’il peut

abandonner son péché et célébrer1036

.

Pareillement, on peut abandonner une

conscience erronée et s’abstenir du péché1037

.

1035

À propos du rôle de la conscience chez saint Thomas, voir J-P. TORISELL, Saint Thomas, maître

spirituel, p. 418." — Lieux parallèles : Somme Théologique 1a-2ae, Q. 19, a. 5; 2 Sentences dist. 39,

Q. 3, a. 2 et 3; Deveritate Q. 17, a. 4; De malo, Q. 2, a. 2, sol. 8; Dequodlibet 3, Q. 12, a. 2; 8, Q. 6, a.

3; Ad Rom. 9, 1, lect. 1 (éd. Marietti, n° 736); 14, 14-15, lect. 3 (éd. Marietti, n° 1119-1120); Ad Gal.

5, 3, lect. 1 (éd. Marietti, n° 282). 1036

Lieu parallèle Somme Théologique 3a, Q. 82, a. 10, sol. 2. 1037 Les textes qu’on vient de lire sont parmi les plus importants que saïnt Thomas ait consacrés au

problème de la " conscience erronée." Il montre à quelle hauteur il situe cette notion. Pour la bien

comprendre, il faut saisir le rapport qui unit la conscience à la syndérèse et la syndérèse à la raison.

La raison est une faculté (une puissance), la syndérèse un habitus, la conscience un acte. La raison

(qu’on ne distinguera pas ici de l’intelligence) est la faculté de la connaissance aussi bien théorétique

(connaissance des essences et des existences) que pratique (tout ce qui conceme l’agir, les fins et les

moyens de l’action). La raison pratique (Ou volonté raisonnable) obéissant à sa nature (que Dieu a

voulue) cherche le bien pour l’accomplir (Somme Théologique 1", Q. 79, a. 11). Or, de même que

l’intelligence spéculative (Ou raison théorétique), au contact des objets qu’elle appréhende (par les

sens), prend une conscience explicite des principes de la connaissance (dont elle acquiert ainsi la

possession

— c’est le sens du mot habitus " — en vue de leur application dans toute son activité cognitive), de

même l’intelligence (ou raison) pratique, au contact de l’expérience, entre en possession consciente

des principes de l’action bonne, principes qu’elle porte en elle et qui reflètent, inscrites dans notre

intelligence sous la forme de la loi naturelle, les exigences de la Loi ètemelle. C’est cette connaissance

des principes innés de l’action que saint Thomas appelle syndérèse on appelle la syndérèse, la loi de

notre intellect en tant qu’elle est un habitus contenant les préceptes de la loi naturelle, lesquels sont les

premiers principes des actes humains" (Somme Théologique 1a-2ae, Q. 94, a. 1, sol. 2). C’est donc un

similis ratio. Deinde cum dicit si enim

propter cibum, etc., manifestat quod dixerat.

Et primo primum, scilicet quod non sit

ponendum scandalum fratribus; secundo,

secundum et tertium, quomodo scilicet sit

aliquid commune, ibi omnia quidem munda

sunt, et cetera. Circa primum ponit quatuor

rationes quarum prima sumitur ex parte

charitatis, dicens si enim frater tuus

contristatur, de hoc quod reputat te peccare,

propter cibum quem tu comedis, quem ipse

reputat immundum, iam non secundum

1121. — Voici encore une autre difficulté : de

celui qui accomplit une œuvre honnête, on ne

dit pas qu’il scandalise, quoique le prochain

prenne de cette action matière à scandale. On

lit en effet dans <l’évangile de> Matthieu que

les pharisiens, ayant entendu la parole du

Christ, se sont scandalisés. Or ne pas opérer

de discernement entre les aliments est une

œuvre honnête; il ne faut donc pas y renoncer

à cause du scandale de celui qui a une

conscience perverse et qui s’égare dans la foi.

Car suivant ce principe, les catholiques

savoir moral que nous portons avec nous, de même que l’intelligence du logicien porte en elle le

savoir des règles du raisonnement vrai, qu’il fasse de la logique ou qu’il n’en fasse pas. En tant que tel,

ce savoir moral, c’est ce que les modemes (et beaucoup d’anciens) appellent la conscience. Le mot

syndérèsis (ou syntèrèsis), semble-t-il, n’existe pas en grec. II se lit pourtant dans un commentaire de

saint Jérôme sur Ezéchiel (c. 1, 7; PL 25, 22 CCL 75, 12), sous la forme syntêrèsis que saint Jérôme

traduit par étincelle de la consciences (scintilla conscientiae). Comme ce Père de l’Eglise savait

parfaitement le grec, on a supposé qu’il avait écrit syneid. èsis qui, lui, signifie effectivement

conscience", et qu’une erreur de copiste l’a transformé en syntàràsis. Quoi qu’il en soit, ce néologisme

est passé tel quel dans la lirtérature chrétienne (sAINT Ja DAMASCÈNE, De fide orthodoxa IV, 22

(PG 94, 1200 A; éd. Buytaert, p. 359); SAINT AUGUSTIN, Enarr. in Ps. 57, 1, 1 (CCL 39, 708), et,

sous la forme synderesis, dans le latin médiéval. Saint Thomas reçut très vraisemblablement cette

formule de saint Albert le Grand, qui la cite souvent dans sa Summa de creaturis, secunda pars, Quae

est de homme, Q. 71, De synderesi (éd. Borgnet, t. 35, 590-594). Saint Thomas doit donc lui faire une

place dans sa doctrine. Ce qu’il importe de souligner, c’est que, étant connais sance naturelle des

premiers principes de l’action, la syndérèse est infaillible et "ne comporte jamais d’erreurs (Somme

Théologique Ia, Q. 79, a. 12, sol. 3). Ce n’est donc pas elle qui peut être erronée. L’erreur ne peut

venir que d’une mauvaise application de ces principes aux cas parti culiers que nous présente l’action.

Or, l’acte par lequel nous appliquons les principes pratiques â une action déterminée, c’est cela que

saint Thomas appelle la conscience, parce qu’elle est la connaissance morale de ce que noua devons

faire ou de ce que nous avons fait. Mais c’est aussi pourquoi elle peut être trompée puisqu’elle n’est

rien d’autre que le jugement que la raison pratique porte sur telle ou telle action (à faire ou déjà faite);

la vérité de ce jugement dépend donc, non de la syndérèse (les principes sont ce qu’ils sont), mais du

discemement de la raison pratique, c’est-à-dire de sa capacité à appréhender le bien qui la meut

(comme dit saint Thomas) dans telle circonstance donnée or, cette raison peut se tromper (Somme

Théologique 1a-2ae, Q. 19, a. 6, sol. 2). Toutefois, nous n’avons aucun autre guide de nos actions que

notre volonté de faire ce qui nous paraît objectivement bien; et ne pas faire ce que noua croyons bien,

c’est vouloir faire le mal, et c’est un mal, même si notre discernement du bien se trompe. Ce qui peut

aller très loin "Croire en Jésus-Christ est de soi chose bonne et nécessaire au salut; mais la volonté n’y

est portée que selon que la raison la lui propose; si la raison lui présentait la chose comme un mal, la

volonté s’y porterait comme à un mal; non certes qu’elle soit un mal en soi, mais parce qu’elle est un

mal par accident à cause de l’appréhension <erronée> de la raison " (ibid., a. 5). Telle est la hauteur à

laquelle saint Thomas place la conscience. Comme il le dit ici-même " L’obli gation de la conscience,

même erronée, et celle de la loi divine, sont la même obligation [ Car la loi n’est appliquée à nos actes

que par l’intermédiaire de notre conscience, " Reste que, pour notre conscience, le devoir de

s’informer et de s’éclairer est d’autant plus nécessaire, et d’autant moins excusable toute négligence à

cet égard (ibid., â. 6). Enfin on ne saurait passer sous silence l’appui que trouve dans cette si ferme

doctrine thomasienne la déclaration du concile Vatican II sur la liberté religieuse : "qu’en matière

religieuse nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience ni empêché d’agsr, dans de justes limites, selon

sa conscience " (Déclaration sur la liberté reli gieuse, 2; Concile œcuménique Vatican II.

Constitutions, décrets, décla rations, Paris, Le Centurion, 1967, p. 673; Les Conciles œcuméniques, t.

II-2, Les Décrets. De Trente à Vatican II, Paris, Ed. du Cerf, 1994, p. 2032-2033).

charitatem ambulas, secundum quam

aliquis proximum suum diligit sicut

seipsum. Et ita vitat eius contristationem et

non praefert cibum quieti fratris, quia, ut

dicitur 1 Co c. XIII, 5. — charitas non

quaerit quae sua sunt. Secundam rationem

ponit, ibi noli cibo tuo, etc., quae sumitur ex

parte mortis Christi. Videtur enim parum

appretiare mortem Christi, qui pro cibo

fructum eius evacuare non recusat. Unde

dicit noli cibo tuo, quem tu scilicet

indifferenter comedis non discernendo

cibos, illum perdere, id est scandalizare, pro

quo, id est pro cuius salute, Christus

mortuus est. I Petr. III, 18. — Christus

semel mortuus est pro peccatis nostris,

iustus pro iniustis. Dicit autem illum perdi

qui scandalizatur, quia scandalum passivum

sine peccato scandalizati esse non potest.

Ille enim scandalizatur qui occasionem

sumit ruinae. 1 Co c. VIII, 11. — peribit

infirmus in tua conscientia frater, pro quo

Christus mortuus est. Tertiam rationem

ponit, ibi non ergo blasphemetur, et cetera.

Quae sumitur ex donis spiritualis gratiae. Et

primo ostendit inconveniens quod sequitur

contra huiusmodi dona ex eo quod alios

scandalizamus; secundo manifestat quod

dixerat, ibi non enim, etc.; tertio infert

conclusionem intentam, ibi itaque quae

pacis sunt sectemur, et cetera. Circa primum

considerandum est, quod ex hoc quod aliqui

indifferenter cibis utebantur in primitiva

Ecclesia cum scandalo infirmorum, hoc

inconveniens sequebatur, quod infirmi

fidem Christi blasphemabant, dicentes eam

voracitatem ciborum inducere contra legis

mandatum. Et ideo apostolus dicit : ex quo

per dominum Iesum factum est quod nihil

est commune, non ergo bonum nostrum, id

est fides vel gratia Christi, per quam

libertatem a caeremoniis consecuti estis,

blasphemetur ab infirmis dicentibus eam

gulae hominum indulgere. Iac. c. II, 7. —

ipsi blasphemant nomen bonum quod

invocatum est super vos; de hoc bono dicitur

in Ps. LXXII, 28. — mihi adhaerere Deo,

bonum est. Deinde cum dicit non enim, etc.,

devraient s’abstenir de viande et du mariage,

de crainte que les hérétiques, dont la

conscience est erronée, n’en soient

scandalisés.

Il faut répondre qu’on peut scandaliser autrui

non seulement en faisant quelque mal, mais

même en faisant quelque chose qui en a

l’apparence, selon cette parole <de l’Apôtre>

dans sa première épître aux Thessaloniciens :

"Abstenez-vous de toute apparence du mal."

Or une chose peut avoir l’apparence du mal

de deux manières : d’abord, selon l’opinion

de ceux qui sont séparés de l'Eglise; ensuite,

selon l’opinion de ceux qui sont encore

tolérés par l’Eglise. Mais les faibles dans la

foi, estimant que les prescriptions légales

devaient être, observées, étaient encore tolérés

par l’Eglise avant la diffusion de l’Evangile.

Et c’est pourquoi on ne devait pas, en les

scandalisant, manger des aliments interdits

par la Loi. Quant aux hérétiques, ils ne sont

pas tolérés par l’Eglise, et la même raison

n’existe donc pas à leur égard.

1122. — II. Quand <l’Apôtre> dit : 15 En

effet, si pour un aliment, etc., il prouve ce

qu’il avait dit. Et

— D’abord, la première proposition, c’est-à-

dire qu’il ne faut pas donner d’occasion de

scandale à ses frères.

Puis, la deuxième et la troisième proposition,

c’est-à-dire dans quel sens une chose est

commune [n° 1132] : 20b "Assurément,

toutes les choses sont pures, etc."

1123. — Sur le premier point, <l’Apôtre>

expose quatre raisons :

A. La première se fonde sur la charité : En

effet, si ton frère est contristé, en pensant que

toi tu pèches, pour un aliment que toi tu

manges et que lui regarde comme impur, tu ne

marches plus selon la charité, charité par

laquelle on aime son prochain comme soi-

même. Et ainsi il évite de contrister son frère

et préfère son repos à un aliment, puisque,

selon ces paroles de l’Apôtre aux Corinthiens

: "La charité ne cherche pas son propre

intérêt."

1124. — B. Il expose1038

la deuxième raison à

ces mots : Pour ton aliment veuille ne pas

1038

Lieu parallèle : Somme Théologique 2a-2ae, Q. 43, a. 1, sol. 4.

manifestat quod dixerat, scilicet in quo

bonum nostrum consistat. Et primo ostendit

in quo non consistat, dicens non enim est

regnum Dei esca et potus. Regnum autem

Dei dicitur hic id per quod Deus regnat in

nobis et per quod ad regnum ipsius

pervenimus; de quo dicitur Matth. VI, 10.

— adveniat regnum tuum; et Mich. IV, 7.

— regnabit dominus super omnes in monte

Sion. Deo autem coniungimur et subdimur

per interiorem intellectum, et affectum, ut

dicitur Io. IV, 24. — spiritus est Deus, et

eos qui adorant eum, in spiritu et veritate

adorare oportet. Et inde est quod regnum

Dei principaliter consideratur secundum

interiora hominis, non secundum exteriora.

Unde dicitur Lc. XVII, 21. — regnum Dei

intra vos est. Ea vero quae sunt exteriora ad

corpus pertinentia, intantum ad regnum Dei

pertinent, inquantum per ea ordinatur, vel

deordinatur interior affectus, secundum ea

in quibus principaliter consistit regnum Dei.

Et ideo cum esca et potus ad corpus

pertineant, ipsa secundum se non pertinent

ad regnum Dei, nisi secundum quod eis

utimur, vel ab eis abstinemus. Unde dicitur

1 Co VIII, 8. — esca autem nos non

commendat Deo. Neque enim si non

manducaverimus, deficiemus, neque si

manducaverimus, abundabimus. Pertinet

tamen usus, vel abstinentia escae et potus ad

regnum Dei, inquantum affectus hominis

circa hoc ordinatur, vel deordinatur. Unde

Augustinus dicit in libro de quaestionibus

Evangelii, et habetur hic in Glossa :

iustificatur sapientia a filiis suis qui

intelligunt non in abstinendo, nec in

manducando esse iustitiam, sed in

aequanimitate tolerandi inopiam, et in

temperantia non se corrumpendi per

abundantiam atque importunitatem

sumendi. Non enim interest quomodo, ut in

Glossa dicitur, quid alimentorum, vel

quantum quis accipiat, dummodo id faciat

pro congruentia hominum cum quibus vivit,

et personae suae et pro valetudinis suae

necessitate; sed quanta facultate et

severitate animi careat his, vel cum oportet

vel cum necesse est his carere. Secundo

ostendit in quo consistat bonum nostrum,

causer, etc., raison qui se fonde sur la mort du

Christ. Il semble, en effet, qu’il fasse peu de

cas de la mort du Christ, celui qui se refuse

d’en regarder le fruit. D’où ces paroles <de

l’Apôtre> : Pour ton aliment, c’est-à-dire pour

l’aliment que toi tu manges indifféremment,

sans opérer de discernement entre les

aliments, veuille ne pas causer la perte, c’est-

à-dire scandaliser, de celui pour lequel, à

savoir pour le salut duquel, le Christ est mort.

— "Le Christ lui-même est mort une fois pour

nos péchés, juste pour des injustes, afin de

nous offrir à Dieu, ayant été mis à mort selon

la chair, il a été vivifié selon l’Esprit." Or

l’Apôtre appelle perdu celui qui est

scandalisé, parce que le scandale passif ne

peut être sans péché du côté de celui qui est

scandalisé; car celui-là est scandalisé qui

prend occasion de chute : "Par ta science le

faible périra, ce frère pour qui le Christ est

mort."

1125. — C. Il expose la troisième raison à ces

mots : 16 Que notre bien ne soit donc pas une

occasion de blasphème. Cette raison se fonde

sur les dons de la grâce spirituelle. Et :

1) Il montre en premier lieu l’inconvénient

qui résulte pour ces dons de ce que nous

scandalisons les autres.

2) Puis, il explique ce qu’il a dit [n° 1127] :

17 Car le Règne de Dieu, etc.

3) Enfin, il déduit la conclusion qu’il s’est

proposée [n° 1130] : 19 Poursuivons donc ce

qui contribue à la paix, etc.

1126. — 1. Sur le premier point, il faut

considérer que dans l’Eglise primitive certains

usant indifféremment des aliments au

scandale des faibles, il en résultait cet

inconvénient que les faibles blasphémaient la

foi du Christ, en disant : que cette foi

favorisait la gloutonnerie contre le

commandement de la Loi. Et c’est pourquoi

l’Apôtre dit : Puisque depuis l’avènement du

Seigneur Jésus rien n’est commun, que notre

bien, c’est-à-dire la foi ou la grâce du Christ,

par laquelle vous avez obtenu d’être libérés

des cérémonies légales, ne soit donc pas une

occasion de blasphème pour les faibles, qui

prétendent qu’elle favorise la gourmandise

des hommes : "N’est-ce pas eux qui

quod regnum Dei vocat, dicens sed regnum

Dei est iustitia, et pax, et gaudium in spiritu

sancto. Ut iustitia referatur ad exteriora

opera, quibus homo unicuique reddit quod

suum est et ad voluntatem huiusmodi opera

faciendi, ut dicitur Matth. VI, 33. —

primum quaerite regnum Dei et iustitiam

eius. Pax autem referatur ad effectum

iustitiae. Per hoc enim pax maxime

perturbatur, quod unus homo non exhibet

alteri quod ei debet. Unde dicitur Is. c.

XXXII, 17. — opus iustitiae pax. Gaudium

autem referendum est ad modum quo sunt

iustitiae opera perficienda; ut enim dicit

philosophus in I Ethic. : non est iustus qui

non gaudet iusta operatione. Unde et in Ps.

XCIX, v. 2 dicitur : servite domino in

laetitia. Causam autem huius gaudii

exprimit dicens in spiritu sancto. Est enim

spiritus sanctus quo charitas Dei diffunditur

in nobis, ut dicitur supra V, 6. Illud enim est

gaudium in spiritu sancto, quod charitas

parit, puta cum aliquis gaudet de bonis Dei

et proximorum. Unde 1 Co XIII, 6 dicitur,

quod charitas non gaudet super iniquitate,

congaudet autem veritati. Et Gal. V, 22

dicitur : fructus autem spiritus est charitas,

gaudium, pax. Haec autem tria quae hic

tanguntur, imperfecte quidem in hac vita

habentur, perfecte autem quando sancti

possidebunt regnum Dei sibi paratum, ut

dicitur Matth. XXV, 34. Ibi erit perfecta

iustitia absque omni peccato. Is. LX, 21. —

populus tuus omnes iusti. Ibi erit pax absque

omni perturbatione timoris. Is. c. XXXII,

18. — sedebit populus meus in

pulchritudine pacis, in tabernaculis

fiduciae. Ibi erit gaudium. Is. XXXV, 10. —

gaudium et laetitiam obtinebunt, et fugiet

dolor et gemitus. Tertio probat quod dixerat,

scilicet quod in his regnum Dei consistit.

Ille enim homo videtur ad regnum Dei

pertinere, qui placet Deo et a sanctis

hominibus approbatur; sed hoc illi contingit

in quo invenitur iustitia, pax et gaudium :

blasphèment le beau (bonum) Nom qui a été

invoqué sur vous ?" A propos de ce bien il est

dit au psaume 72. — "Pour moi, mon bien est

d’adhérer à Dieu."

1127. — 2. Quand il ajoute : 17 Car le Règne

de Dieu, etc., il explique ce qu’il a dit, à

savoir en quoi consiste notre bien.

a. Et pour commencer1039

, il montre en quoi il

ne consiste pas, en disant : Car le Règne de

Dieu n'est pas nourriture et boisson. On

appelle ici Règne de Dieu ce par quoi Dieu

règne en nous et ce par quoi nous parvenons à

son Règne, dont il est dit "Que ton Règne

arrive." Et "Le Seigneur régnera sur <tous> à

la montagne de Sion1040

." Or nous sommes

unis et soumis à Dieu par l’intelligence

intérieure et par l’affection, ainsi qu’il est dit

dans <l’évangile de> Jean : "Dieu est esprit,

et ceux qui l’adorent doivent adorer en esprit

et en vérité." De là vient que le Règne de

Dieu consiste principalement dans les actes

intérieurs de l’homme et non dans des actes

extérieurs. Aussi est-il dit "Le Royaume

(regnum) de Dieu est au-dedans de vous."

Mais quant aux actes extérieurs relatifs au

corps, ils n’appartiennent au Règne de Dieu

que dans la mesure où par eux l’affection

intérieure se règle ou se dérègle à l’égard de

ce qui constitue principalement le Règne de

Dieu. Donc le boire et le manger appartenant

au corps, ils n’appartiennent pas en tant que

tel au Règne de Dieu, sinon en tant que nous

en usons ou que nous nous en abstenons.

D’où ces paroles <de l’Apôtre> dans sa

première épître aux Corinthiens "Ce n’est pas

la nourriture qui nous recommande devant

Dieu. Si nous n’en mangeons pas, nous

n’avons rien de moins; et si nous en

mangeons, nous n’avons rien de plus."

Toutefois l’usage ou l’abstinence de la

nourriture et de la boisson appartiennent au

Règne de Dieu, en tant que l’affection de

l’homme est ordonnée ou désordonnée sur ce

point. Aussi Augustin dit-il dans son livre Des

questions évangéliques1041

, et la Glose cite ce

1039 Lieu parallèle : Somme Théologique 1 Q. 108, a. 1, sol. I.

1040 Mi 4, 7. Omnes (tous) au lieu de eos (eux), probablement cité de mémoire.

1041 Voir sAINr AuousrlN, Quaesriones Evangeliorum II, 11 (PL 35, 1337-1338; CCL 44 B, 53-55).

ergo in his est regnum Dei. Dicit ergo :

dictum est quod regnum Dei est iustitia, pax

et gaudium in spiritu sancto, qui ergo in hoc

servit Christo, qui est rex huius regni,

secundum illud Col. I, 13. — transtulit nos

in regnum filii dilectionis suae, ut scilicet

vivat in iustitia, pace et spirituali gaudio,

placet Deo, qui est huius regni auctor, Sap.

IV, 10. — placens Deo factus dilectus et

probatus est hominibus, id est ab eis

approbatur, qui sunt huius regni participes.

Eccli. XXXI, 10. — qui probatus est in illo,

et perfectus inventus est. Deinde cum dicit

itaque, etc., infert admonitionem intentam,

dicens : ex quo regnum Dei consistit in

iustitia, pace et spirituali gaudio, itaque, ut

ad regnum Dei pervenire possimus,

sectemur ea quae pacis sunt, id est ea

studeamus adimplere per quae

Christianorum pacem conservemus, Hebr.

XII, v. 14. — pacem sequimini et

sanctimoniam, et cetera. Custodiamus

invicem ea quae sunt aedificationis, id est

ea per quae invicem nos aedificemus, id est

bonum conservemus, et in melius

provocemur. 1 Co XIV, 12. — ad

aedificationem Ecclesiae quaerite ut

abundetis. Quod quidem fiet si in iustitia et

spirituali gaudio vixerimus. Quartam

rationem ponit, ibi noli propter escam, et

cetera. Quae sumitur ex reverentia

divinorum operum, quibus hoc reverentiae

debemus, ut ea quae Deus operatur non

debeamus destruere propter aliquod

commodum corporale. Et hoc est quod dicit

noli propter escam, quae ad corporis

utilitatem pertinet, destruere opus Dei.

passage en cet endroit1042

. — < La sagesse est

justifiée par ses fils, qui comprennent que la

justice ne consiste ni dans l’abstinence ni dans

le manger, mais dans l’égalité d’âme avec

laquelle on supporte la privation, et dans la

tempérance qui fait qu’on ne se laisse pas

corrompre par l’abondance ou par

l’inopportunité de prendre la nourriture." En

effet, comme le dit la Glose1043

, <à la suite

d’Augustin, > "peu importe la manière dont

on use de la nature ou de la quantité des

aliments, pourvu qu’on le fasse à la

convenance des hommes avec qui l’on vit, et

à sa convenance personnelle, et selon la

nécessité de sa santé; mais ce qui importe,

c’est la facilité et l’égalité d’âme dont on est

capable, lorsque la nécessité s’impose de s’en

abstenir."

1128. — b. Puis, <l’Apôtre> montre en quoi

consiste notre bien, qu’il appelle Règne de

Dieu, en disant : mais le Règne de Dieu est

justice, paix et joie dans l’Esprit-Saint. — La

justice se rapporte aux œuvres extérieures, par

lesquelles l’homme rend à chacun ce qui lui

appartient, avec la volonté d’accomplir ces

œuvres, selon ces paroles de Matthieu :

"Avant tout, cherchez le Royaume (regnum)

de Dieu et sa justice1044

." Quant à la paix, elle

se rapporte à l’effet de la justice car la paix

est troublée surtout quand un homme ne rend

pas à autrui ce qu’il lui doit. D’où ces paroles

d’Isaïe : "La paix sera l’œuvre de la

justice1045

. La joie, elle, il faut la rapporter à

la manière avec laquelle les œuvres doivent

être accomplies; car, le Philosophe dit dans

l’Ethique à Nicomaque1046

: "Il n’est pas juste

celui qui n’éprouve pas de joie à pratiquer la

1042

Glosa in Rom. XIV, 17 (GPL, col. 1517 D). 1043

Glosa in Rom. XIV, 17 (GPL, col. 1517 C). 1044

Mt 6, 33. Voir n 196, n. 8, p. 136. 1045 Lieu parallèle Somme Théologique 2a-2 Q. 29, a. 3, sol. 3 "La paix est indirectement une œuvre

de la justice, c’est-à-dire en éloignant ce qui s’y oppose. Mais elle est directement une œuvre de la

charité, parce que cette dernière cause la paix selon sa nature propre. L’amour est en effet, selon la

parole de Denys (De div. nom. 4, 12), "une force unifiante", et la paix est l’union des inclinations appé

titives.

4. Is 32, 17. 1046

ARISTOTE, Ethique à Nicomaque I, 8 (1099 aJ; AL XXVI, fasc. 3, p. 153. Lieu parallèle Ethic. 1,

Iect. 13 (éd. Léonine, 1969, t. XLVII, vol. I, p. 47, col. 1(1099 a 17]).

Quod quidem non intelligitur de quocumque

Dei opere. Nam omnia quae in cibum

hominis veniunt, Dei opera sunt, sicut terrae

nascentia et animalium carnes, quae sunt

hominibus in cibum a Deo concessa, ut

patet Gen. c. I, 29 et IX, 3. Sed intelligitur

de opere gratiae, quod in nobis ipsis

specialiter operatur. Phil. II, 13. — Deus

enim est qui operatur in nobis velle et

perficere pro bona voluntate. Hoc igitur

opus Dei non debemus in proximo destruere

propter escam nostram, sicut facere

videbantur illi qui, turbatione et scandalo

proximorum, indifferentibus utebantur.

justice. " Et d’où ces paroles du Psalmiste :

"Servez le Seigneur avec joie."

<L’Apôtre> exprime la cause de cette joie, en

disant : dans l’Esprit-Saint. Car l’Esprit-Saint

est celui par qui "la charité a été répandue" en

nous, comme on l’a dit plus haut. Telle est, en

effet, la joie dans l’Esprit-Saint, que la charité

produit1047

, par exemple lorsqu’on se réjouit

du bien de Dieu et du prochain. Aussi

<l’Apôtre> dit-il dans la première épître aux

Corinthiens que "la charité ne se réjouit pas

de l’iniquité, mais [qu']elle met sa joie dans la

vérité." Et dans l’épître aux Galates que "les

fruits de l’Esprit sont : la charité, la joie, la

paix." Or ces trois fruits indiqués ici ne se

trouvent que d’une manière imparfaite en

cette vie, mais ils se trouveront parfaitement

quand les saints posséderont le Règne de Dieu

préparé pour eux, comme le dit Matthieu1048

.

Là se trouvera la justice parfaite exempte de

tout péché : "Quant à ton peuple, tous seront

justes." Là se trouvera la paix exempte de tout

trouble dû à la crainte : "Mon peuple se

reposera dans la beauté de la paix, dans des

tentes de confiance, et dans un repos opulent."

Là se trouvera la joie : "Ils obtiendront la joie

et l’allégresse, et la douleur fuira ainsi que le

gémissement."

1129. — c. Enfin, <l’Apôtre> prouve ce qu’il

avait dit, à savoir que le Règne de Dieu

consiste dans ces fruits. Car celui-là semble

faire partie du Règne de Dieu, qui plaît à Dieu

et reçoit l’approbation des saints; or cela se

réalise dans celui en qui se trouvent la justice,

la paix et la joie; donc le Règne de Dieu

consiste dans ces fruits. <L’Apôtre> dit donc :

On a établi que le Règne de Dieu est justice,

paix et joie dans l’Esprit-Saint, donc celui qui

par là sert k Christ, qui est le roi de ce Règne,

selon cette parole de Paul aux Colossiens :

"<Dieu> nous a transférés dans le Royaume

du Fils de sa dilection ", c’est-à-dire afin de

vivre dans la justice, la paix et la joie

spirituelles, est agréable à Dieu, qui est

l’auteur de ce Règne — "Plaisant à Dieu, il

est devenu <son> bien-aimé " — et est

1047

Lieux parallèles Somme Théologique 1 Q. 70, a. 3; 2a-2ae, Q. 28, a. 1; Q. 35, a. 2; ColI. in decem

praec., Prol. ; Ad Gal. 5, 22, lect. 6 (éd. Marietti, n° 330). 1048

Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite Venez les bénis de mon Père; possédez le Règne

préparé pour vous depuis la fondation du monde" (Mt 25, 34).

approuvé des hommes, c’est-à-dire ceux qui

font partie de son Règne reçoivent leur

approbation : <)Celui qui a été éprouvé par

l’or et trouvé parfait, à celui-là sera une gloire

éternelle."

1130. — 3. Lorsque <l’Apôtre> ajoute 19

Poursuivons donc ce qui contribue, etc., il

déduit par cette exhortation la conclusion

qu’il s’est proposée. Puisque, dit-il, le Règne

de Dieu consiste dans la justice, dans la paix

et dans la joie spirituelles, donc, pour que

nous puissions parvenir au Règne de Dieu,

poursuivons ce qui contribue à la paix, c’est-

à-dire appliquons-nous à accomplir ce qui

nous <permettra> de conserver la paix

chrétienne : "Recherchez la paix avec tous, et

la sainteté sans laquelle nul ne verra Dieu." —

Et observons mutuellement ce qui contribue à

l’édification, c’est-à-dire ce par quoi nous

pouvons nous édifier mutuellement; en

d’autres termes, conservons le bien et

excitons-nous <à faire> mieux "Puisque vous

désirez si ardemment les dons, spirituels,

faites que pour l’édification de l’Eglise vous

en abondiez." Or cela se réalisera si nous

vivons dans la justice et dans la joie

spirituelles.

1131. — D. <L’Apôtre> expose la quatrième

raison, en disant : 20 Ne va pas pour un

aliment, etc. Cette raison se fonde sur le

respect des œuvres divines; nous devons à

Dieu cette déférence de ne pas détruire, pour

quelque avantage corporel, ce qu’il a fait.

C’est bien ce que <l’Apôtre> dit Ne va pas

pour un aliment, qui profite au corps, détruire

l’œuvre de Dieu. Ce qu’il ne faut pas entendre

de toute œuvre de Dieu, car tout ce qui sert à

la nourriture de l’homme, comme les plantes

de la terre et la chair des animaux que Dieu

donne à l’homme pour nourriture, comme on

le voit dans la Genèse est l’œuvre de Dieu;

mais il faut l’entendre de l’œuvre de la grâce

qu’il opère spécialement en nous-mêmes :

"C’est Dieu qui opère en vous et le vouloir et

le faire, selon sa bonne volonté." Nous ne

devons donc pas détruire cette œuvre de Dieu

dans le prochain à cause de notre nourriture,

comme semblaient le faire ceux qui, en en

usant indifféremment, le troublaient et le

scandalisaient.

Lectio 3 Leçon 3 [Versets 20b à 23]

[n° 1132] 20b Assurément, toutes choses sont

pures, mais telle chose est mauvaise pour

l’homme qui mange en succombant au

scandale.

[n° 1134] 21 Il est bon de ne pas manger de

chair et de ne pas boire de vin, et de ne rien

faire qui offense, scandalise ou affaiblisse ton

frère.

[n° 1136] 22 Toi, as-tu la foi ? Garde-la pour

toi-même devant Dieu. Bienheureux celui qui

ne se juge pas lui-même dans ce qu’il éprouve

comme bon!

[n° 1139] 23 Mais celui qui fait une

distinction, s’il mange, est condamné, parce

que cela ne procède pas de la foi. Or tout ce

qui ne procède pas de la foi est péché.

[86227] Super Rom., cap. 14 l. 3 Postquam

apostolus posuit rationem ad ostendendum,

quod non debemus cum scandalo

proximorum indifferenter sumere omnia, hic

ostendit qualiter aliqui cibi possunt esse

mundi et immundi. Et circa hoc duo facit.

Primo proponit quae sunt munda ex sua

natura, dicens omnia quidem, quae scilicet

ad escam hominis pertinere possunt, munda

sunt, scilicet ex sui natura, quia ex sui

natura non habent quod animam hominis

inquinent, secundum illud Matth. XV, 11.

— non enim omne quod intrat in os inquinat

hominem. I Tim. IV, 4. — omnis creatura

Dei bona. Dicebantur autem in lege

quaedam immunda, non natura, sed

significatione, ut patet Lev. XI, 2 ss. Sed et

hanc immunditiam Christus removit,

implendo veteris legis figuras. Unde dictum

est Petro, Act. X, 15. — quod Deus

purificavit, tu ne commune dixeris, id est

immundum. Secundo, ibi sed malum est

homini, etc., ostendit qualiter aliquis cibus

homini possit fieri immundus, ut scilicet ex

eius esu secundum animam inquinetur, quod

quidem ostendit fieri dupliciter. Primo ex eo

1132. — Après1049

avoir exposé un

raisonnement qui démontre que nous ne

devons pas, au scandale du prochain, user

indifféremment de tous <les aliments> [n°

1122], l’Apôtre montre ici comment certains

aliments peuvent être purs et impurs. Et à cet

effet il fait deux choses

I. Il indique d’abord les choses qui sont pures

par leur nature, en disant : Assurément, toutes

choses, c’est-à-dire toutes les choses qui

peuvent servir à la nourriture de l’homme,

sont pures, c’est-à-dire par leur propre nature,

parce que par leur propre nature elles n’ont

rien qui puisse souiller l’âme de l’homme,

selon ce passage de Matthieu : "Ce n’est pas

tout ce qui entre dans la bouche qui souille

l’homme; mais ce qui sort de la bouche, voilà

ce qui souille l’homme1050

"; et de <Paul> à

Timothée "Toute créature de Dieu est bonne."

Or, dans la Loi, certaines choses étaient

appelées impures, non à cause de leur nature,

mais à cause de leur signification, comme on

le voit au chapitre 11 du Lévitique. Mais le

Christ, en accomplissant les figures de la Loi

ancienne, a supprimé cette impureté. Aussi

est-il dit à Pierre : "Ce que Dieu a purifié, toi

1049

Somme Théologique Ia-2ae Q. 102, a. 6 sol. 1. 1050

Mc 15, 11. Le mot omne (tout) figure dans certains manuscrits. Voir DOM SABATIER, Bibi.

sacr., t. III (Notae ad versionem antiquam), p. 90.

quod aliquis cibum quemcumque cum

scandalo proximorum manducat; secundo

ex eo quod contra conscientiam manducat,

ibi beatus qui non iudicat, et cetera. Circa

primum tria facit. Primo ostendit quid circa

esum ciborum sit malum, dicens : licet

omnia ex sui natura sint munda, sed tamen

malum est homini qui manducat,

quemcumque cibum, per offendiculum, id

est, cum confusione et scandalo

proximorum. Matth. XVIII, 7. — vae

homini illi per quem scandalum venit.

Secundo ostendit quid circa huiusmodi

usum ciborum sit bonum, dicens bonum est

non manducare carnem et non bibere

vinum; quorum primum praecipuum esse

videtur inter cibos, secundum inter potus. Et

ab his quidem abstinere ponit bonum esse,

vel propter carnis concupiscentiam

edomandam, secundum illud Eph. V, 18. —

nolite inebriari vino in quo est luxuria; vel

etiam ut homo reddatur habilior ad

spiritualia contemplanda, secundum illud

Eccle. II, 3. — cogitavi a vino abstrahere

carnem meam, ut animum meum

transferrem ad sapientiam. Sed hoc non

intendit hic apostolus dicere, sed quod

bonum est his non uti cum scandalo

proximorum, quod quidem apparet ex hoc

quod subditur neque in quo frater tuus

offenditur, et cetera. Quod dico, non solum

dico de vino et carnibus quod bonum est eis

non uti, sed quocumque alio cibo; frater

tuus offenditur, id est turbatur contra te,

quasi illicite agentem, per quod pax eius

perturbatur, aut scandalizatur, id est, ad

casum peccati provocatur, propter quod

laeditur eius iustitia, aut infirmatur, id est

saltem in dubitationem venit, utrum hoc

quod agitur sit licitum, per quod eius

spirituale gaudium diminuitur. Unde et ipse

apostolus dicit 1 Co VIII, 13. — si esca

scandalizat fratrem meum, non manducabo

carnem in aeternum, ne fratrem meum

scandalizem. Sed cum licitum sit his cibis

uti, si est ab his abstinendum propter hoc

quod vitetur scandalum proximorum,

videtur pari ratione quod ab omnibus licitis

quae non sunt necessaria ad salutem, sicut

sunt necessaria iustitia, pax et spirituale

ne l’appelle pas commun ", c’est-à-dire

impur.

II. Puis, [n° 1133] <en disant :> : mais telle

chose est mauvaise pour l’homme, etc.,

<l’Apôtre> montre comment un aliment peut

devenir impur pour l’homme, c’est-à-dire que

par l’usage qu’il en fait il souille son âme; ce

qui arrive manifestement de deux manières :

A) En premier lieu, lorsqu’on fait usage d’un

aliment quelconque au scandale du prochain.

B) En second lieu, lorsqu’on mange contre sa

conscience [n° 1138] : Bien heureux celui qui

ne se juge pas lui-même, etc.

1133. — A. Sur le premier point <l’Apôtre>

fait trois choses :

1. Il montre premièrement ce qui est mauvais

dans l’usage des aliments, en disant : Bien que

par nature toutes choses soient pures,

cependant telle chose est mauvaise pour

l’homme qui mange n’importe quel aliment

en succombant au scandale, c’est-à-dire pour

la confusion et le scandale du prochain

"Malheur à l’homme par qui le scandale

arrive."

1134. — 2. Il montre deuxièmement ce qui

est bon dans l’usage de ces aliments, en disant

: 21 Il est bon de ne pas manger de chair et de

ne pas boire de vin; la première mention

regarde principalement les aliments, la

seconde la boisson. Et <l’Apôtre> établit qu’il

est bon de s’en abstenir, soit pour dompter la

concupiscence de la chair, selon ces paroles

de Paul aux Ephésiens : "Ne vous enivrez pas

du vin qui renferme la luxure "; soit même

pour rendre l’homme plus capable de

contempler les réalités spirituelles, selon ce

passage de l’Ecclésiaste : "J’ai pensé dans

mon cœur à détourner ma chair du vin, afin de

porter mon esprit à la sagesse." Toutefois ce

sens n’est pas dans l’intention de l’Apôtre,

mais il veut dire qu’il est bon de ne pas user

de ces aliments <pour éviter> le scandale du

prochain. Et du reste, ce qui suit le montre

manifestement et de ne rien faire qui offense,

scandalise ou affaiblisse ton frère. Ce que je

dis, non seulement je le dis à propos du vin et

des chairs dont il est bon de s’abstenir, mais

de n’importe quel autre aliment qui offense

ton frère, c’est-à-dire qui le soulève dans son

gaudium, sit propter proximorum scandalum

abstinendum. Et ita videtur quod homini

non liceat sua repetere cum scandalo

proximi. Sed dicendum est quod si

scandalum ex infirmitate vel ex ignorantia

proveniat eorum qui propter hoc

scandalizantur, ad vitandum hoc scandalum,

debet homo a licitis abstinere, si non sunt

necessaria ad salutem. Hoc enim est

scandalum pusillorum, quod dominus vitari

iubet, Matth. XVIII, 10. — videte ne

contemnatis unum ex his pusillis. Si vero

huiusmodi scandalum ex malitia proveniat

eorum qui scandalizantur, tale scandalum

est quasi Pharisaeorum, quod dominus,

Matth. c. XV, 12 ss., docuit esse

contemnendum. Unde ad vitandum

huiusmodi scandalum non oportet a licitis

abstinere. Sed tamen circa scandalum

pusillorum attendendum est, quod propter

illud vitandum tenetur homo usum licitorum

differre, quousque reddita ratione hoc

scandalum amoveri possit. Si vero ratione

reddita, adhuc scandalum maneat, iam non

videtur ex ignorantia vel ex infirmitate

procedere sed ex malitia : et sic iam

pertinebit ad scandalum Pharisaeorum.

Tertio excludit quamdam excusationem.

Posset enim aliquis dicere : licet proximus

scandalizetur de hoc quod indifferenter ego

cibis utor, tamen ad ostensionem meae fidei,

per quam certum est hoc mihi licere, volo

indifferenter cibis uti. Sed hanc rationem

excludens apostolus dicit tu, qui scilicet

indifferenter cibis uteris, fidem habes,

rectam apud temetipsum, per quam constat

licitum esse his cibis uti. Bona quidem et

laudabilis est fides ista, sed habe eam in

occulto, coram Deo, cui talis fides placet,

Eccli. I, 34 s. : beneplacitum est Deo fides et

mansuetudo. Quasi dicat : non oportet quod

fidem istam manifestes per operis

executionem, ubi hoc fit cum scandalo

proximorum. Sed contra videtur esse quod

trouble contre toi, comme si tu agissais d’une

manière illicite, et par suite de quoi sa paix est

perturbée; ou qui le scandalise, c’est-à-dire

qui le provoque à tomber dans le péché et qui

en raison de cela lèse sa justice; ou qui

l’affaiblisse, c’est-à-dire qui le jette au moins

dans le doute en se demandant si ce qu’on a

fait est licite, ce qui diminue sa joie

spirituelle. Aussi l’Apôtre dit-il lui-même :

"Si un aliment scandalise mon frère, je ne

mangerai plus de chair, afin de ne pas

scandaliser mon frère."

1135. — Cependant1051

, puisqu’il est licite

d’user de ces aliments, si, pour éviter le

scandale du prochain, il faut s’en abstenir,

pour une raison analogue il semble qu’il faille

s’abstenir de toutes les choses licites, qui ne

sont pas nécessaires au salut, comme le sont

la justice, la paix et la joie spirituelles. Il

semble donc qu’il ne soit pas permis à

l’homme de réclamer ce qui lui appartient au

scandale du prochain.

Il faut dire que si le scandale vient de la

faiblesse ou de l’ignorance de ceux qui en

prennent occasion de se scandaliser, pour

éviter ce scandale, l’homme doit s’abstenir

des choses licites dans la mesure où elles ne

sont pas nécessaires au salut. Tel est, en effet,

le scandale des petits que le Seigneur ordonne

d’éviter : "Prenez garde de mépriser un seul

de ces petits; parce que, je vous le dis, leurs

anges voient sans cesse dans le ciel la face de

mon Père qui est dans les cieux." Mais si un

tel scandale provient de la malice de ceux qui

se scandalisent, ce scandale est semblable à

celui des pharisiens que le Seigneur nous a

enseigné à mépriser. Donc, pour éviter un tel

scandale il ne faut pas s’abstenir des choses

licites. Toutefois, à l’égard du scandale des

petits, il faut remarquer que, pour l’éviter, on

est tenu de différer l’usage des choses licites

jusqu’à ce que l’on puisse, après avoir donné

une explication, l’écarter. Mais si, après avoir

donné l’explication, le scandale demeure

1051 Lieux parallèles : 5. Th. 2a-2 Q. 43, a. 7 et 8; 3a, Q. 42, a. 2;

4 Sentences dist. 38, Q. 2, a. 4, Q. 1, 2, 3; Contra tmpugn. De, cuit, et relig., c. 15; Super Maul,. 15, 14

(éd. Marietti, n° 1308).

dicitur supra X, 10. — corde creditur ad

iustitiam, ore autem confessio fit ad

salutem. Non ergo videtur quod sufficiat

corde solum coram Deo fidem habere, sed

oportet huiusmodi fidem proximo

manifestare, confitendo. Dicendum est

autem quod eorum quae sunt fidei, quaedam

sunt quae non sunt perfecte per Ecclesiam

manifestata, sicut in primitiva Ecclesia

nondum erat perfecte declaratum apud

homines quod illi qui erant ex Iudaeis

conversi non tenerentur legalia observare, et

sicut tempore Augustini nondum erat per

Ecclesiam declaratum quod anima non esset

ex traduce. Unde in huiusmodi sufficit

homini quod fidem habeat coram Deo, nec

oportet quod fidem suam propalet cum

scandalo proximorum, nisi forte apud eos

qui habent de fide determinare. Quaedam

vero sunt ad fidem pertinentia iam per

Ecclesiam determinata, et in talibus non

sufficit fidem habere coram Deo, sed

oportet quod coram proximo fidem quis

confiteatur, quantumcumque ex hoc aliquis

scandalizetur, quia veritas doctrinae non est

dimittenda propter scandalum, sicut nec

Christus veritatem suae doctrinae propter

scandalum Pharisaeorum dimisit, ut habetur

Matth. c. XV, 12 ss. Sciendum etiam quod

licet circa talia oporteat quod homo fidem

suam manifestet confessione verborum, non

tamen oportet quod eam manifestet

executione operis, sicut si aliquis tenet fide

uti matrimonio esse licitum, non requiritur

ab eo quod matrimonio utatur ad fidei suae

manifestationem. Et sic etiam non

requirebatur ab eis, qui rectam fidem

habebant, quod fidem suam usu ciborum

manifestarent. Poterant enim manifestare

verbotenus confitendo. Deinde cum dicit

beatus qui non iudicat, etc., ostendit

encore, il semble qu’il ne vienne plus de

l’ignorance ou de la faiblesse, mais de la

malice, et qu’il appartienne alors au scandale

des pharisiens.

1136. — 3. En troisième lieu, <l’Apôtre>

écarte une excuse. En effet, on pourrait dire :

Bien que le prochain soit scandalisé de ce que

moi j’use indifféremment des aliments,

cependant pour montrer ma foi, d’après

laquelle il est certain que cela m’est permis, je

veux en user indifféremment. Mais l’Apôtre,

écartant ce prétexte, dit : 22 Toi, c’est-à-dire

toi qui uses indifféremment des aliments, as-

tu la foi droite en toi-même, cette foi par

laquelle il est certain qu’on peut licitement

user de ces aliments ? Cette foi est bonne et

louable, mais garde-la dans le secret devant

Dieu, à qui elle est agréable : "Ce qui est

agréable <à Dieu>, c’est la foi et la douceur."

Comme si <l’Apôtre> disait : Il ne faut pas

que tu manifestes cette foi par

l’accomplissement des œuvres, lorsque cela

se fait au scandale du prochain.

1137. — Mais1052

cela semble contredit par ce

verset du chapitre 10. — "on croit de cœur

pour la justice et on confesse de bouche pour

le salut." On voit donc qu’il ne suffit pas

seulement d’avoir la foi de cœur devant Dieu,

mais qu’il faut manifester cette foi au

prochain en la confessant.

On répondra en disant que, parmi les vérités

qui sont de foi, certaines ne sont pas

parfaitement manifestées par l’Eglise. Ainsi,

dans l’Eglise primitive, il n’était pas

parfaitement défini que ceux qui s’étaient

convertis parmi les Juifs n’étaient plus tenus

d’observer les prescriptions légales; et de

même, au temps d’Augustin1053

il n’était pas

encore défini par l’Église que l’âme ne se

transmettait pas1054

. Donc en ce domaine, il

1052

Lieux parallèles : Somme Théologique 3a, Q. 3, a. 2; 3 Sentences dist. 29, a. 8, Q. 2, sol. 3; De

quodlibet 9, Q. 7, a. 1; Ad Rom. 10, 10, lect. 2 (éd. Marietti, n° 831".). 1053

Voir SAINT AUGUSTIN, De libero arbitrés III, xxI, 59-62 (BA 6, 434-445); Lettre CLXVI (PL

33, 720-733; CSEL 44, 545-585). 1054 Il s’agit du difficile problème de l’origine de l’âme qui "est une question non résolue dans les

textes d’Augustin " (Edouard-Henri WÉBER, La Personne humaine au xiii’ siècle. L’avènement chez les

maîtres parisiens de l’acception moderne de l’homme, p. 32). Contrai rement à beaucoup de

médiévaux qui sollicitent les textes augus tiniens (et parfois les fabriquent) pour les accorder à la

quomodo ciborum usus efficitur aliquibus

immundus, ex eo quod est contra

conscientiam. Et circa hoc tria facit. Primo

ostendit quid circa hoc sit bonum, ut scilicet

de eo quod homo non facit non habeat

conscientiam remordentem. Unde dicit

beatus qui non iudicat semetipsum, id est

cuius conscientia eum non reprehendit vel

condemnat, in eo quod probat, id est

approbat esse faciendum. Sed hoc est

intelligendum, si recta fide approbet esse

aliquid faciendum. Si autem falsa opinione

approbat aliquid esse faciendum, puta si

arbitratur obsequium se praestare Deo, de eo

quod discipulos Christi interficit, ut dicitur

Io. XVI, 2, non excusatur ex eo quod circa

hoc non iudicat semetipsum; imo beatior

esset si circa hoc eum conscientia

reprehenderet, inquantum per hoc a peccato

magis prohiberetur. Sed in his quae sunt

licita, est intelligendum quod hic apostolus

dicit. Hoc enim ad gloriam hominis pertinet

quod eum sua conscientia non reprehendat.

2 Co I, 12. — gloria nostra haec est,

testimonium conscientiae nostrae. Iob

XXVII, 6. — neque enim reprehendit me

cor meum in omni vita mea. Secundo

ostendit quid circa hoc sit malum, ut scilicet

contra conscientiam agat. Unde dicit qui

autem discernit, id est, qui habet opinionem

falsam quod oportuit cibos discernere, si

manducaverit, scilicet cibos quos reputat

esse illicitos, damnatus est, ex hoc quod

quantum in ipso est, habet voluntatem

faciendi quod est illicitum, et sic delinquit

suffit à l’homme d’avoir la foi devant Dieu,

mais il ne faut pas la proclamer au scandale

du prochain, si ce n’est peut-être devant ceux

qui ont le pouvoir de définir ce qui est de foi.

En revanche, d’autres vérités appartiennent à

la foi et sont déjà définies par l’Eglise; à leur

égard il ne suffit pas d’avoir la foi devant

Dieu, mais il faut confesser sa foi devant le

prochain, quel que soit le scandale qu’il en

résulte, parce que la vérité de la doctrine ne

doit pas être délaissée à cause du scandale, à

l’exemple du Christ qui n’a pas délaissé la

vérité de sa doctrine à cause du scandale des

pharisiens, comme on le voit dans <l’évangile

de> Matthieu. Il faut savoir aussi que, bien

qu’à l’égard de ces vérités l’homme doit

manifester sa foi par la confession en paroles,

il ne doit cependant pas la manifester par

l’accomplissement des œuvres; ainsi ne

requiert-on pas de celui qui tient de foi qu’il

est licite d’user du mariage qu’il en use pour

la manifestation de sa foi. De même il n’était

pas requis de ceux qui avaient une foi droite

qu’ils manifestent leur foi en faisant usage des

aliments. Car ils pouvaient la manifester en la

confessant seulement en paroles.

1138. — B. En ajoutant1055

— Bienheureux

celui qui ne se juge pas, etc., <l’Apôtre>

montre comment l’usage des aliments devient

impur pour quelques-uns, du fait même que

cet usage s’oppose à la conscience. Sur ce

point il fait trois choses [n° 1139 et 1140].

1. Il montre premièrement ce qui est bien à ce

propos, à savoir que la conscience ne

doctrine de l’Eglise, saint Thomas, avec son habituelle lucidité critique, prend acte des hésitations du

grand Docteur de l’Occident. Dire que l’âme se transmet, signifie que l’âme est transmise par les

parents à l’embryon au moment de l’acte générateur. "Transmettre " se disant en latin traducere,

cette thèse a reçu le nom de traducianisme l’hypothèse inverse, qui affirme que l’âme est créée par

Dieu direc tement et infusée ensuite dans l’embryon, a reçu le nom de créatia nisme (c’est la

doctrine retenue par l’Eglise). Sans doute saint Augustin a-t-il commencé par combattre le

traducianisme quasi matérialiste de Tertullien (la matière ne peut pas produire de l’esprit), mais, tout

en déclarant sa perplexité, il n’écarte pas abso lument un traducianisme spiritualiste selon lequel

l’ême de l’enfant viendrait des parents, ce qui rendrait compte de la transmission du péché originel

(DTC, t. I, col. 2359-2361). — Voir aussi chap. 5, v. 12; leçon 3, n°408, n. 1, p. 219.

1055 Lieux parallèles Somme Théologique 1 Q. 19, a. 5; 2 Sentences dist. 39, Q. 3, a. 2 et 3; De

veritate, Q. 17, a. 4; De malo, Q. 2, a. 2, sol. 8; De quodlibet 3, Q. 12, a. 2; 8, Q. 6, a. 3.

proprio iudicio condemnatus, ut dicitur Tit.

III, 11. Tertio assignat causam eius quod

dixerat dicens quia non ex fide; ideo scilicet

condemnatus est. Potest autem hic fides

dupliciter accipi : uno modo de fide quae est

virtus, alio modo secundum quod fides

dicitur conscientia. Et hae duae acceptiones

non differunt nisi secundum differentiam

particularis et universalis. Id enim quod

universaliter fide tenemus, puta usum

ciborum esse licitum vel illicitum,

conscientia applicat ad opus quod est

factum vel faciendum. Dicitur ergo, ideo

eum qui manducat et discernit, esse

condemnatum, quia hoc non est ex fide, imo

est contra fidem, id est contra veritatem

fidei et contra conscientiam facientis. Hebr.

XI, 6. — sine fide impossibile est placere

Deo. Et quod haec sit sufficiens causa

condemnationis, ostendit subdens omne

autem quod non est ex fide peccatum est. Ex

quo videtur quod, sicut dicitur in Glossa

omnis vita infidelium peccatum sit, sicut

omnis vita fidelium est meritoria,

inquantum ad Dei gloriam ordinatur,

secundum illud 1 Co c. X, 31. — sive

manducatis, sive bibitis, sive aliquid aliud

facitis, omnia in gloriam Dei facite. Sed

dicendum est quod aliter se habet fidelis ad

bonum, et infidelis ad malum. Nam in

homine qui habet fidem formatam nihil est

damnationis, ut supra VIII, 1 dictum est.

Sed in homine infideli cum infidelitate est

bonum naturae. Et ideo cum aliquis infidelis

ex dictamine rationis aliquod bonum facit,

non referendo ad malum finem, non peccat.

Non tamen opus eius est meritorium, quia

non est gratia informatum. Et hoc est quod

in Glossa dicitur : nihil bonum est sine

summo bono, id est, nullum bonum

meritorium est sine gratia Dei, et ubi deest

agnitio vitae aeternae et incommutabilis

veritatis, quae scilicet est per fidem, falsa

virtus est in optimis moribus, inquantum

scilicet non refertur ad finem beatitudinis

aeternae. Cum vero homo infidelis aliquid

agit ex eo quod infidelis est, manifestum est

quod peccat. Unde in Glossa cum dicitur :

tourmente pas l’homme sur ce qu’il n’a pas

fait. Aussi dit-il : Bienheureux celui qui ne se

juge pas lui-même, c’est-à-dire que la

conscience ne reprend pas ou ne condamne

pas, dans ce qu’il éprouve comme bon, c’est-

à-dire dans ce qu’il approuve comme devant

être fait. Entendez : s’il approuve avec une foi

droite qu’une chose doit être faite. Mais si par

une opinion fausse il estime rendre un culte à

Dieu en mettant à mort les disciples du Christ,

comme on le dit dans <l’évangile de> Jean, il

est inexcusable pour ne s’être pas jugé lui-

même. Au contraire, il serait plus heureux si

sa conscience l’en reprenait, selon que ses

reproches l’éloigneraient davantage du péché.

Mais dans le domaine des choses qui sont

licites, il faut comprendre ce que dit ici

l’Apôtre : il appartient, en effet, à la gloire de

l’homme que sa conscience ne lui fasse pas de

reproche : "Ce qui fait notre gloire, c’est ce

témoignage de notre conscience : nous nous

sommes conduits dans ce monde, et plus

particulièrement envers vous, avec la

simplicité du cœur et la sincérité de Dieu, et

non point selon la sagesse charnelle, mais

selon la grâce de Dieu. "Et : "Mon cœur ne

me reproche rien dans toute ma vie."

1139. — 2. Deuxièmement, <l’Apôtre>

montre ce qui est mal à ce propos, à savoir

d’agir contre sa conscience. Aussi dit-il : 23

Mais celui qui fait une distinction, c’est-à-dire

celui qui a une opinion fausse d’après laquelle

il faut faire une distinction dans les aliments,

s’il mange, à savoir des aliments qu’il répute

illicites, est condamné, étant donné qu’il

dépend de lui d’avoir la volonté de faire ce

qui est illicite, et par conséquent "il pèche,

puisqu’il est condamné par son propre

jugement, comme le dit <Paul> dans son

épître à Tite.

1140. — 3. Troisièmement, <l’Apôtre> donne

la raison de ce qu’il avait avancé, en disant :

parce que cela ne procède pas de la foi, c’est-

à-dire voilà pourquoi il est condamné. Or ce

mot "foi" peut être pris ici de deux manières :

d’abord pour la foi qui est une vertu, ensuite

pour la foi selon qu’elle signifie la

conscience1056

. Et ces deux acceptions n’ont

1056

Voir Glosa in Rom. XIV, 23 (GPL, col. 1519G).

opus omne quod non est ex fide, peccatum

est, sic est intelligendum : omne quod est

contra fidem vel contra conscientiam,

peccatum est, et si ex genere suo bonum

esse videatur, puta si Paganus ad honorem

suorum deorum virginitatem servet, vel

eleemosynam det, hoc ipso peccat. Tit. I,

15. — coinquinatis et infidelibus nihil

mundum est, sed inquinatae sunt eorum et

mens, et conscientia.

d’autre différence entre elles que celle du

particulier et du général. Car ce que nous

tenons en général par la foi, par exemple que

l’usage des aliments est licite ou illicite, la

conscience l’applique à l’œuvre qui a été

accomplie ou à accomplir1057

. <L’Apôtre> dit

donc que celui qui mange et fait une

distinction est pour cette raison condamné,

parce que cela n’est pas de foi, au contraire

cela est contre la foi, c’est-à-dire contre la

vérité de la foi et contre la conscience de celui

qui agit "Sans la foi il est impossible de plaire

à Dieu." Et que cette cause de condamnation

soit suffisante, il le montre en ajoutant : Or

tout ce qui ne procède pas de la foi est péché.

De là il est évident que, selon le commentaire

de la Glose1058

, "toute la vie des infidèles est

péché ", comme toute la vie des fidèles est

méritoire, en tant qu’elle est ordonnée à la

gloire de Dieu, suivant ce passage de la

première épître aux Corinthiens "Soit donc

que vous mangiez, soit que vous buviez, et

quoi que vous fassiez, faites tout pour la

gloire de Dieu."

1141. — Cependant1059

il faut dire que la

conduite du fidèle à l’égard du bien est

différente de celle de l’infidèle à l’égard du

mal. Car dans l’homme dont la foi est formée,

il n’y a aucune condamnation, comme

<l’Apôtre> l’a dit plus haut [n° 595]. Mais

dans l’homme infidèle le bien de la nature

demeure malgré son infidélité. Voilà pourquoi

quand un infidèle, sous la prescription

(dictamen) de la raison, accomplit quelque

bien sans le rapporter à une fin mauvaise, il

ne pèche pas. Cependant son œuvre est sans

mérite, parce qu’elle n’est pas informée par la

grâce. C’est ce que dit la Glose : "Il n’est pas

de bien sans le bien souverain t>, c’est-â-dire

il n’est pas de bien méritoire sans la grâce de

Dieu, "et là où manque la connaissance de la

vie éternelle et de l’immuable vérité", à savoir

1057

Un rapport analogue existe en français : l’expression " de bonne foi signifie à peu près " en

conscience." La foi, comme vertu, est du côté des vérités générales; la foi, comme conscience, est du

côté des réalités particulières. 1058 Glosa in Rom. XIV, 23 (GPL, col. 1520 A; GOS, t. IV, p. 303b).

1059 Lieux parallèles Somme Théologique 2a-2ae, Q. 10, a. 4; Q. 23, a. 7, sol. 1; 2 Sentences dist. 41,

Q. 1, a. 2; 4 Sentences dist. 39, Q. 1, a. 2, sol. 5; De mais, Q. 2, a. 5, sol. 7; Ad Tit. 1, 15, lect. 4 (éd.

Marietti, n° 39."

celle qui procède de la foi, "on y trouve la

fausse vertu même dans les mœurs les

meilleures1060

", en ce sens qu’elle ne se

rapporte pas à la fin de la béatitude éternelle.

Mais quand l’homme infidèle fait quelque

chose en tant qu’infidèle, il est évident qu’il

pèche. Aussi, lorsque la Glose1061

dit : "Toute

œuvre qui ne procède pas de la foi est un

péché ", il faut comprendre cela de la manière

suivante : toute œuvre qui est contre la foi ou

contre la conscience est un péché, bien que de

par sa nature elle semble bonne. Par exemple,

si un païen, en l’honneur de ses dieux, garde

la virginité ou donne l’aumône, en cela même

il pèche "Pour les impurs et les infidèles, rien

n’est pur; leur esprit même et leur conscience

sont souillés."

Caput 15 CHAPITRE 15

Lectio 1 Leçon 1 [Versets 1 à 13]

[n° 1142] 1 Or nous devons, nous qui sommes

plus forts, supporter les faiblesses des faibles,

et ne point <rechercher ce qui> nous plaît.

[n° 1143] 2 Que chacun de vous plaise à son

prochain en vue du bien, pour l’édification.

[n° 1145] 3 Car le Christ ne s’est pas complu

en lui-même mais, ainsi qu’il est écrit : "Les

outrages de ceux qui t’outragent sont tombés

sur moi."

[n° 1148] 4 Car tout ce qui a été écrit a été

écrit pour notre instruction, afin que, par la

patience et par la consolation des Ecritures,

nous ayons l’espérance.

[n° 1149] 5 Et que le Dieu de la patience et de

la consolation vous donne d’être unis de

sentiment les uns avec les autres selon Jésus-

Christ,

6 afin que, d’un cœur unanime et d’une même

bouche, vous honoriez Dieu, le Père de Notre

Seigneur Jésus-Christ.

[n° 1150] 7 C’est pourquoi accueillez-vous

les uns les autres, comme le Christ vous a

accueillis pour l’honneur de Dieu.

[n° 1153] 8 Car je dis que le Christ Jésus a été

1060 Glosa in Rom. XIV, 23 (GPL, col. 1520 A; GOS, t. IV, p. 303b).

1061 Glosa in Rom. XIV, 23 (GPL, col. 1520 A).

le ministre de la circoncision pour <montrer>

la véracité de Dieu, pour confirmer les

promesses <faites> aux pères;

[n° 1155] 9 et les nations honorent Dieu pour

sa miséricorde, comme il est écrit : "C’est

pourquoi je te confesserai parmi les nations,

Seigneur, et je chanterai ton nom."

[n° 1159] : 10 Et <l’Ecriture> dit encore

"Réjouissez-vous, nations, avec son peuple."

[n° 1160] 11 Et ailleurs : "Louez le Seigneur

toutes les nations, et magnifiez-le tous les

peuples."

[n° 11161] 12 Et Isaïe dit de son côté : "Elle

paraîtra la racine de Jessé, et celui qui se

lèvera pour régir les nations, c’est en lui que

les nations espéreront."

[n° 1162] 13 Que le Dieu de l’espérance vous

remplisse de toute joie et de paix dans votre

acte de foi, afin que vous abondiez dans

l’espérance et dans la vertu de l’Esprit-Saint.

[86228] Super Rom., cap. 15 l. 1 Supra

apostolus docuit quod maiores debent

scandala infirmorum vitare, hic docet quod

maiores debent etiam infirmitates minorum

sustinere. Et circa hoc duo facit. Primo

proponit admonitionem; secundo manifestat

eam, ibi unusquisque vestrum, et cetera. Ista

admonitio duo continet, quorum primum

pertinet ad exteriorem exhibitionem. Unde

dicit : non solum debemus scandala

infirmorum vitare, sed etiam nos qui sumus

firmiores in fide, debemus sustinere

imbecillitates infirmorum. Sicut enim in

materiali aedificio eliguntur aliqua firmiora

ad sustinendum totum aedificii pondus quod

ex fragiliori materia superponitur, sicut sunt

fundamenta et columnae; ita etiam in

spirituali Ecclesiae aedificio, non solum

eliguntur, sed efficiuntur aliqui firmiores, ut

sustineant pondus aliorum. Unde in Ps.

LXXVI, 4 dicitur : ego confirmavi columnas

eius. Et Gal. VI, 2. — alter alterius onera

portate. Sustinent autem firmiores

imbecillitates infirmorum, dum eorum

defectus patienter ferunt, et pro posse

1142. — Après1062

avoir enseigné [n° 1081]

que les plus forts doivent éviter de scandaliser

les faibles, l’Apôtre enseigne ici que les plus

forts doivent aussi supporter les faiblesses des

plus petits. Et à cet effet il fait deux choses

I) Il commence par donner un avertissement.

II) Puis, il l’explique [n° 1143] : 2 Que

chacun de vous plaise, etc.

I. Cet avertissement comprend deux parties,

dont la première regarde sa manifestation

extérieure. Aussi <l’Apôtre> dit-il : Non

seulement nous devons éviter de scandaliser

les faibles, mais1063

nous aussi, qui sommes

plus forts dans la foi, nous devons supporter

les faiblesses des faibles. Car de même que

dans un édifice matériel on choisit des

matériaux plus solides pour soutenir tout le

poids de l’édifice, sur lequel reposent des

matériaux plus fragiles, telles sont les

fondations et les colonnes; de même dans

l’édifice spirituel de l’Eglise, non seulement

certains sont choisis, mais ils sont rendus plus

forts pour supporter le poids des autres. D’où

ce qui est écrit dans un psaume : "C’est moi

qui ai affermi ses colonnes." Et <dans l’épître

1062 Lieux parallèles 1 Ad Cor. 3, 10, lece. 2 (éd. Marietti, n° 148). Somme Théologique 2 Q. 4, a. 7, sol.

4.

1063 Lieu parallèle Somme Théologique 3a, Q. 42, a. 1.

sublevare nituntur. Secundum autem

pertinet ad interiorem intentionem. Unde

dicitur : et non debemus nobis placere, ita

scilicet ut semper illud velimus impleri

quod nobis placet, sed debemus

condescendere voluntatibus aliorum, ut

faciamus ea quae aliis placent et quae eis

sunt utilia. 1 Co X, 33. — sicut et ego per

omnia omnibus placeo. Deinde cum dicit

unusquisque vestrum, etc., manifestat

propositam admonitionem, et primo

quantum ad secundam partem; secundo

quantum ad primam, ibi propter quod

suscipite invicem, et cetera. Circa primum

duo facit. Primo exponit quod dixerat;

secundo rationem inducit, ibi etenim

Christus non sibi, et cetera. Dicit ergo primo

: ita dictum est quod nos non debemus nobis

placere, et hoc quidem est, quia

unusquisque nostrum, qui sumus firmiores,

debet placere proximo suo infirmo, id est,

condescendere ei in his quae ei placent, non

tamen in his quae mala sunt, sicut Is. XXX,

10 quidam requirunt : loquimini nobis

placentia, et cetera. Et ideo subdit in

bonum. Similiter etiam non debemus

intendere ut hominibus placeamus propter

humanum favorem vel gloriam, cum in Ps.

LII, 6 dicatur : Deus dissipavit ossa eorum

qui hominibus placent, sed ad honorem Dei,

et utilitatem proximorum. Unde subdit ad

aedificationem, id est propter hoc quod

aliorum voluntati condescendentes, ipsi

aedificentur in fide et dilectione Christi.

Supra XIV, 19. — quae aedificationis sunt,

invicem custodiamus. Deinde, cum dicit

etenim Christus, assignat rationem eius

quod dixerat exemplo Christi. Et primo

proponit exemplum Christi; secundo

ostendit eius exemplum esse a nobis

imitandum, ibi quaecumque scripta sunt;

tertio subiungit rationem, ut id implere

possimus, ibi Deus autem pacis et cetera.

Circa primum duo facit. Primo proponit

exemplum, dicens : dictum est quod non

debemus nobis placere, scilicet secundum

nostram privatam voluntatem, etenim

Christus, qui est caput nostrum, non sibi

placuit, dum elegit pati pro nostra salute, et

ea quae suae propriae voluntati erant

aux> Galates : "Portez les fardeaux les uns

des autres." Or les plus forts supportent les

faiblesses des faibles, lorsqu’ils portent

patiemment leurs défauts et s’efforcent de les

soutenir selon leur pouvoir.

La seconde partie regarde l’intention

intérieure, aussi est-il dit : Et nous ne devons

point <rechercher ce qui> nous plaît, c’est-â-

dire vouloir que s’accomplisse toujours ce qui

nous plaît, mais nous devons condescendre

aux volontés des autres pour faire ce qui leur

plaît et ce qui leur est utile : "Tout comme

moi je cherche à plaire à tous en tout."

1143. — II. Puis, lorsqu’il dit : 2 Que chacun

de vous, etc., il explique l’avertissement

exposé, et

A) Premièrement, quant à la seconde partie.

B) Deuxièmement, quant à la première partie

[n° 1150] : C’est pourquoi accueillez-vous les

uns les autres, etc.

A. Sur le premier point il fait deux choses

1) Il expose ce qu’il avait dit.

2) Il en donne la raison [n° 1145] : Car le

Christ ne s‘est pas complu en lui-même, etc.

1144. — 1. <L’Apôtre> commence donc par

dire : Il a été dit que nous, nous ne devons

point <rechercher ce qui> nous plaît pour

cette raison que chacun de nous, qui sommes

les plus forts, doit plaire à son prochain qui

est faible, c’est-à-dire doit condescendre â <sa

faiblesse> en ce qui lui plaît, non cependant

en ce qui est mal, à la manière de ceux qui,

dans <le livre d’> Isaïe, demandent : "Dites-

nous des choses qui nous plaisent, voyez pour

nous des erreurs." Voilà pourquoi <l’Apôtre>

ajoute : en vue du bien. De même aussi, nous

ne devons pas chercher à plaire aux hommes

en vue d’une faveur ou d’une gloire humaine,

puisqu’il est dit au psaume 52. — "Dieu a

dispersé les os de ceux qui plaisent aux

hommes; ils ont été confondus, parce que le

Seigneur les a méprisés ", mais pour

l’honneur de Dieu et l’utilité du prochain.

Aussi <l’Apôtre> ajoute-t-il : pour

l’édification, c’est-à-dire pour que,

condescendant à la volonté des autres, ils

soient eux-mêmes édifiés dans la foi et dans

la charité du Christ : "Observons

mutuellement ce qui contribue à

l’édification."

contraria, scilicet naturali voluntati

humanae, ut impleret divinam, quae sibi et

patri erat communis, secundum illud Matth.

XXVI, 42. — non mea voluntas, sed tua

fiat. Secundo ad hoc auctoritatem inducit,

dicens sed sicut scriptum est in Psalmo ex

persona Christi dicentis ad patrem : o pater,

improperia Iudaeorum improperantium tibi,

id est, te blasphemantium per sua mala

opera et per hoc quod veritati tuae doctrinae

contradicunt, ceciderunt super me, quia

videlicet opprimere me voluerunt, quia

voluntatem tuam eis proponebam, et eorum

mala opera redarguebam. Io. XV, 24. — sed

oderunt me et patrem meum. Potest et hoc

referri ad peccata totius humani generis,

quia omnia peccata quodammodo sunt

improperia Dei, inquantum per ea lex Dei

contemnitur. Is. I, 4. — dereliquerunt

dominum, blasphemaverunt sanctum Israel.

Sic ergo improperia improperantium Deo

ceciderunt super Christum, inquantum ipse

pro peccatis omnium mortuus est. Is. c. LIII,

6. — Deus posuit in eo iniquitates omnium

nostrum. I Petr. II, 24. — peccata nostra

pertulit in corpore suo super lignum.

Deinde, cum dicit quaecumque enim scripta

sunt, etc., ostendit quod hoc exemplum

Christi sit nobis imitandum, dicens

quaecumque enim scripta sunt in sacra

Scriptura, vel de Christo vel de membris

eius, scripta sunt ad nostram doctrinam.

Nulla enim necessitas fuit haec scribere, nisi

propter nos, ut ex his instruamur. II Tim. III,

v. 16. — omnis Scriptura divinitus

inspirata, utilis est ad docendum et

erudiendum, et cetera. Quid autem in

Scripturis ad nostram doctrinam contineatur,

ostendit subdens ut per patientiam et

consolationem Scripturarum, id est quas

Scripturae continent. Continetur enim in

sacra Scriptura patientia sanctorum in malis

sustinendis. Iac. ult. : patientiam Iob

audistis. Continetur etiam in eis consolatio,

quam Deus eis exhibuit, secundum illud Ps.

XCIII, 19. — secundum multitudinem

dolorum meorum in corde meo,

1145. — 2. Quand <l’Apôtre> dit : Car le

Christ ne s’est pas complu, etc., il donne la

raison de ce qu’il avait dit, par l’exemple du

Christ. Et :

a) Il commence par proposer l’exemple du

Christ.

b) Puis, il montre que nous devons imiter son

exemple [n° 1148] : 4 Car tout ce qui a été

écrit, etc.

c) Enfin, il y ajoute une raison pour que nous

puissions l’accomplir [n° 1149] : Et que le

Dieu de la patience, etc.

1146. — a. Sur le premier point, <l’Apôtre>

fait deux choses :

— Il commence par proposer l’exemple <du

Christ>, en disant : On a dit que nous ne

devons pas nous complaire en nous-mêmes,

c’est-à-dire selon notre volonté particulière,

car le Christ, qui est notre Tête, ne s’est pas

complu en lui-même, quand il a choisi de

souffrir pour notre salut et ce qui était

contraire à sa volonté propre, c’est-à-dire à sa

volonté humaine naturelle, afin d’accomplir la

volonté divine, qui lui était commune avec le

Père, selon ce verset de Luc : "Que ce ne soit

pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne."

1147. — Puis il cite l’autorité de l’Ecriture,

en disant : mais, ainsi qu’il est écrit dans un

psaume à propos de la personne du Christ

s’adressant au Père : O Père, les outrages des

Juifs qui t’outragent, c’est-à-dire qui

blasphèment contre toi par leurs mauvaises

œuvres et par leur opposition à la vérité de ta

doctrine, sont tombés sur moi, à savoir parce

qu’ils ont voulu m’opprimer quand je leur

proposais ta volonté et quand je blâmais leurs

œuvres mauvaises : "Ils ont haï et moi et mon

Père." Ce passage peut aussi se rapporter aux

péchés de tout le genre humain, parce que

tous les péchés sont en quelque sorte des

outrages envers Dieu, en tant que par eux la

Loi de Dieu est méprisée : "Ils ont abandonné

le Seigneur, ils ont blasphémé le Saint

d’Israël." Ainsi donc les outrages de ceux qui

outragent Dieu sont tombés sur le Christ, en

tant que lui-même est mort pour les péchés de

tous : "<Dieu> a mis sur lui <les iniquités> de

consolationes tuae laetificaverunt animam

meam. Unde et I Petr. I, 11 dicitur :

praenuntians eas, quae in Christo sunt,

passiones, quod pertinet ad patientiam, et

posteriores glorias, quod pertinet ad

consolationem. Quem autem fructum ex hac

doctrina suscipiamus, ostendit subdens spem

habeamus. Per hoc enim quod ex sacra

Scriptura instruimur eos, qui patienter

propter Deum tribulationes sustinuerunt,

divinitus consolatos fuisse, spem accipimus,

ut et ipsi consolemur, si in ipsis fuerimus

patientes. Iob XIII, 15. — et si occiderit me,

in ipso sperabo. Deinde cum dicit Deus

autem patientiae, etc., quia videbatur nimis

arduum ut purus homo possit exemplum

Christi imitari, secundum illud Eccle. II, 12.

— quid est homo ut sequi possit regem,

factorem suum ? Ideo adhibet orationis

suffragium, dicens Deus autem patientiae,

scilicet dator, Ps. LXX, v. 5. — tu es

patientia mea, et solatii, idest qui

spiritualem consolationem largitur, 2 Co c.

I, 3. — pater misericordiarum et Deus

totius consolationis, det vobis, a quo est

omne datum optimum, ut dicitur Iac. I, 17,

idipsum sapere in alterutrum, idest ut

invicem idem sapiatis, 2 Co ult. : idem

sapite, pacem habete, non quidem

secundum consensum in peccatum, sed

secundum Iesum Christum, de quo dicitur

Eph. II, 14. — ipse est pax nostra, qui fecit

utraque unum. Ut, per hoc quod idem

sapiatis, unanimes, existentes per fidem et

charitatis consensum, secundum illud Ps.

secundum aliam litteram : qui habitare facit

unanimes in domo, uno ore, idest una oris

confessione, quae ex unitate fidei procedit,

1 Co I, 10. — idipsum dicatis omnes; ut, pro

conformitate cordis, honorificetis Deum,

omnium creatorem, idipsum etiam

existentem patrem domini nostri Iesu

Christi, per quem nos sibi in filios

adoptavit. I Reg. II, 30. — qui

honorificaverit me, honorificabo eum. Mal.

nous tous." — "Il a porté nos péchés dans son

propre corps sur le bois1064

."

1148. — b. Puis, lorsqu’il dit : 4 Car tout ce

qui a été écrit, etc., <l’Apôtre> montre que

nous devons imiter cet exemple du Christ. Car

tout ce qui a été écrit, dit-il, dans la sainte

Ecriture, soit à propos du Christ, soit à propos

de ses membres, a été écrit pour notre

instruction. Car il n’y eut aucune nécessité

d’écrire cela, si ce n’est pour nous, afin que

nous en soyons instruits : "Toute Ecriture

divinement inspirée est utile pour enseigner,

pour reprendre, pour corriger, pour former à

la justice, afin que l’homme de Dieu soit

parfait et préparé à toute bonne œuvre."

<L’Apôtre> montre ce qui est contenu dans

les Ecritures pour notre instruction, en

ajoutant : afin que, par la patience et la

consolation des Ecritures, c’est-à-dire qui sont

contenues dans les Ecritures. Car dans la

sainte Ecriture est contenue la patience des

saints à supporter les maux : "Vous avez

appris la patience de Job " En elles est aussi

contenue la consolation que Dieu leur a

donnée, selon ce verset du psaume "Selon la

multitude de mes douleurs <qui étaient> dans

mon cœur tes consolations ont réjoui mon

âme." C’est de là qu’il est dit aussi : "En

prédisant les souffrances du Christ", ce qui

concerne la patience, "et les gloires qui

devaient les suivre ", ce qui regarde la

consolation.

<L’Apôtre> montre quel fruit nous recevons

de cette doctrine, en ajoutant nous ayons

l’espérance. Car, en apprenant par la sainte

Ecriture que ceux qui ont supporté avec

patience des tribulations pour Dieu ont été

divinement consolés, nous concevons

l’espérance d’être consolés nous-mêmes dans

la mesure où nous avons été patients dans les

mêmes tribulations : "Quand il me tuerait,

c’est en lui que j’espérerais."

1149. — c. <L’Apôtre> ajoute ensuite : 5 Et

que le Dieu de la patience, etc. Parce qu’il

semblait extrêmement difficile que l’homme

1064

Ps 67, 7. Il s’agit quasiment de la version du Psautier romain, à l’exception de la graphie du mot

unanimes, lequel figure notamment dans le texte du Psautier mozarabe. Voir dans l’apparat cntlque en

marge et en bas du texte du Psautier romain, éd. Dom Robert Weber, p. 148. Cette version est utilisée

dans l’antienne de l’Introït Deus in loco suo du Gommun du Graduel romain (XI’ dimanche après la

Pentecôte, actuellement XVII’ dimanche du temps per annum).

I, 6. — si ego pater, ubi est honor meus ?

Deinde, cum dicit propter quod suscipite

invicem, manifestat primam partem

admonitionis, in qua dixerat quod firmiores

debent imbecillitatem infirmorum sustinere.

Et circa hoc duo facit. Primo resumit

admonitionem; secundo inducit rationem

exemplo Christi, ibi sicut et Christus, etc.;

tertio subiungit rationem, ibi Deus autem

spei, et cetera. Dicit ergo primo propter

quod, id est, quia ea quae scripta sunt ad

nostram doctrinam ordinantur, scilicet

exempla Christi et aliorum sanctorum,

consequenter, suscipite invicem, secundum

charitatis affectum, ut scilicet unus sustineat

ea quae sunt alterius, sicut vult se sustineri

quantum charitas permittit : et unus alium

etiam suscipiat ad adiuvandum et

promovendum. Supra c. XIV, 1. —

infirmum in fide suscipite. Deinde, cum dicit

sicut et Christus suscepit vos, etc., assignat

rationem exemplo Christi. Et, primo, ponit

eius exemplum, dicens sicut et Christus

suscepit vos, scilicet in sua protectione et

cura. Is. XLII, 1. — ecce servus meus,

suscipiam eum. Lc. I, 54. — suscepit Israel

puerum suum, recordatus misericordiae

suae. Et hoc in honorem Dei, in quem

omnia referebat. Io. VIII, 49. — honorifico

patrem meum, et vos inhonorastis me. Ex

quo datur intelligi, quod nos invicem

debemus suscipere in his quae pertinent ad

honorem Dei. Secundo, ibi dico enim

Christum, etc., manifestat quod dixerat. Et

primo quidem quantum ad Iudaeos;

secundo, quantum ad gentiles, ibi gentes

autem, et cetera. Dicit ergo primo : dictum

est quod Christus vos suscepit, qui estis

congregati in unitate fidei ex Iudaeis et

gentibus. Et hoc patet quantum ad utrosque.

Dico, ergo, Christum ministrum fuisse

circumcisionis. Est enim ipse auctor fidei

quantum ad omnes, secundum illud Hebr.

XII, 2. — aspicientes in auctorem fidei, et

cetera. Sed in propria persona non exhibuit

seipsum nisi Iudaeis, secundum illud Matth.

XV, 24. — non sum missus nisi ad oves

quae perierunt domus Israel. Is. XLII, 2. —

non audietur vox eius foris. Et hoc quidem

propter veritatem Dei, ut scilicet veritas Dei

en tant que tel puisse imiter l’exemple du

Christ, selon ce verset de l’Ecclésiaste :

"Qu’est-ce que l’homme pour pouvoir suivre

le roi son créateur ?" <L’Apôtre> recourt au

suffrage de la prière, en disant : Et que le

Dieu de la patience — c’est-à-dire celui qui la

donne, selon ce verset du psaume 70. —

"C’est toi qui es ma patience, Seigneur " — et

de la consolation, c’est-à-dire celui qui

accorde la consolation spirituelle — que "le

Père des miséricordes et le Dieu de toute

consolation ", "de qui vient tout don excellent

", — vous donne d’être unis de sentiment les

uns avec les autres, c’est-à-dire d’avoir

mutuellement les mêmes sentiments : "N’ayez

qu’un sentiment, conservez la paix ", non à la

vérité en consentant au péché, mais selon

Jésus-Christ — dont il est dit : "C’est lui qui

est notre paix, lui qui des deux choses en a

fait une seule " — afin que, en ayant les

mêmes sentiments, d’un cœur unanime,

vivant en accord par la foi et la charité —

selon ce verset du psaume, <cité> d’après une

autre version : "Lui qui fait habiter dans sa

maison ceux qui ont le cœur unanime " — et

d’une même bouche, c’est-à-dire par la même

confession de bouche qui procède de l’unité

de la foi : "Je vous en conjure donc, frères,

par le Nom de Notre Seigneur Jésus-Christ,

de n’avoir tous qu’un même langage "; afin

que, par la conformité du cœur, vous honoriez

Dieu, le Créateur de toutes choses, et qui est

en même temps le Père de Notre Seigneur

Jésus-Christ, par lequel il a fait de nous ses

fils adoptifs : "Quiconque m’aura honoré, je

l’honorerai, " Et encore : "Si donc moi je suis

votre père, où est mon honneur

1150. — B. En disant ensuite : C’est pourquoi

accueillez-vous les uns les autres, <l’Apôtre>

développe la première partie de son

avertissement, dans laquelle il avait dit que

les plus forts doivent supporter la faiblesse

des faibles. A cet égard, il fait trois choses :

1) Il commence par reprendre son exhortation.

2) Puis, il en donne la raison par l’exemple du

Christ [n° 1152] : comme le Christ vous a

accueillis, etc.

3) Enfin, il y ajoute une prière [n° 1162] :

Que le Dieu de l’espérance, etc.

1151. — 1. Il commence donc par dire : C’est

promittentis comprobaretur. Supra III, 4. —

est autem Deus verax. Unde subdit ad

confirmandas promissiones patrum, id est,

ut per hoc implerentur promissiones

patribus factae. Lc. I, v. 69. — erexit cornu

salutis nobis in domo David pueri sui; sicut

locutus est per os sanctorum. 2 Co I, 20. —

quotquot sunt promissiones Dei, in illo est.

Deinde, cum dicit gentes autem, etc.,

ostendit etiam gentes susceptas a Christo. Et

primo proponit quod intendit; secundo

confirmat per auctoritatem, ibi sicut

scriptum est, et cetera. Dicit ergo : ita

dictum est quod Christus suscepit Iudaeos

propter veritatem Dei, ut promissiones

patrum implerentur, gentibus autem non

erant promissiones factae. Unde hoc non

habet locum quantum ad gentiles, sed sunt

propter misericordiam suscepti. Et hoc est

quod dicit gentes autem debent honorare

Deum super misericordia eis exhibita per

Christum, quia licet eis personaliter non

praedicaverit, ad eos tamen discipulos suos

misit, qui in gentibus ministerium

exercuerunt, sicut ipse exercuerat in Iudaeis,

secundum illud Matth. ult. : euntes docete

omnes gentes. Et de hac misericordia dicitur

in Ps. XXXII, 5. — misericordia domini

plena est terra. Lc. I, 50. — misericordia

eius a progenie in progenies timentibus

eum, et cetera. Sic ergo apostolus

conversionem Iudaeorum attribuit veritati

divinae, conversionem gentilium divinae

misericordiae. Contra quod videtur esse

quod dicitur in Ps. XXIV, 10. — universae

viae domini misericordia et veritas. Sed

dicendum est quod per hoc quod ascribit

vocationem Iudaeorum divinae veritati, non

excludit misericordiam, quia et apostolus ex

Iudaeis natus dicit I Tim. I, 13. —

misericordiam consecutus sum. Et hoc

ipsum misericordiae fuit quod Deus patribus

pourquoi, c’est-à-dire parce que ce qui a été

écrit a été ordonné en vue de notre instruction,

à savoir les exemples du Christ et des saints,

conséquemment accueillez-vous les uns les

autres par l’affection de la charité; autrement

dit, que l’un supporte ce qui vient de l’autre,

comme il veut lui-même être supporté, autant

que la charité le permet, et que l’un accueille

l’autre aussi pour l’aider et le faire progresser

: "Accueillez celui qui est faible dans la foi."

1152. — 2. En disant : comme le Christ vous

a accueillis (suscepit), <l’Apôtre> donne la

raison <de son avertissement> par l’exemple

du Christ.

Et il commence par citer son exemple, en

disant : comme le Christ vous a accueillis,

c’est-à-dire par sa protection et par sa

sollicitude : "Voici mon serviteur, je le

soutiendrai (suscipiam)." Et encore : "Il a

secouru (suscepit) Israël son serviteur, se

souvenant de sa miséricorde " Et cela pour

l’honneur de Dieu, auquel il rapportait toutes

choses : "J’honore mon Père, et vous, vous

me déshonorez."

Il nous est ainsi donné de comprendre que

nous devons nous accueillir les uns les autres

dans tout ce qui se rapporte à l’honneur de

Dieu.

1153. — Puis, par ces mots : 8 Car je dis que

le Christ, etc., <l’Apôtre> développe ce qu’il

avait dit. Et

a) Premièrement, à l’égard des Juifs.

b) Deuxièmement, quant aux Gentils [n°

1155] : Et les nations, etc.

1154. — a. <L’Apôtre> commence donc par

dire : On a dit que le Christ vous a accueillis,

vous, Juifs et nations païennes, qui êtes

rassemblés dans l’unité de la foi. Et cela est

évident quant aux uns et aux autres. Je dis

donc que le Christ a été le ministre de la

circoncision1065

, car il est lui-même pour tous

1065

Ministre de la "circoncision" : saint Thomas interprète cette affirmation comme s’appliquant (mais

pas de la même manière) en même temps aux Juifs et aux païens convertis. Ce qui suppose que le

terme "circoncision" doit être entendu au sens large de foi au vrai Dieu; et non au sens strict. Le Christ

est alors ministre de l’Alliance dont la circoncision fut le signe. La plupart des exégètes modernes

pensent que cette expression ne s’applique qu’aux Juifs (voir la Bible de Jérusalem qui traduit

"Ministre des circoncis") elle signifie que le Christ "s’est mis pendant sa vie sur terre au service des

Juifs, leur consacré son ministère (voir HUBY, Epître aux Romains, Beauchesne, 1957, p. 470-471).

promissiones facit de posterorum salute.

Similiter etiam per hoc quod vocationem

gentium ascribit divinae misericordiae, non

excludit totaliter divinam veritatem, quia

hoc ipsum ad divinam veritatem pertinebat,

quod propositum suum de salvatione

gentium implevit, quod dicit apostolus ad

Eph. III, 9 esse sacramentum absconditum a

saeculis in Deo. Sed aliquis modus veritatis,

scilicet pro impletione promissorum,

consideratur in vocatione Iudaeorum, qui

non consideratur in vocatione gentium,

quibus promissiones non sunt factae.

Deinde, cum dicit sicut scriptum est, etc.,

confirmat quod dixerat de conversione

gentium, per auctoritatem. Licet enim

gentibus non fuerit repromissa vocatio ad

fidem Christi, non tamen ex improviso

accidit, sed fuit praenuntiata vaticiniis

prophetarum. Inducit autem quatuor

auctoritates, quarum prima continet

gratiarum actiones Christi ad patrem, pro

conversione gentium per ipsum facta. Unde

dicit sicut scriptum est, in Ps. XVII, 50 ex

persona Christi : constitues me in caput

gentium, et ab insurgentibus in me Iudaeis

exaltabis me. O Deus pater, ego Christus

confitebor tibi, confessione gratiarum

actionis, in gentibus, id est pro gentium

conversione per me facta, et cantabo nova

quadam mentis exultatione nomini tuo, quod

eis manifestum est, secundum illud Io.

XVII, v. 6. — manifestavi nomen tuum

hominibus quos dedisti mihi. Vel aliter :

confitebor tibi in gentibus, id est, faciam

quod tibi gentes confiteantur confessione

fidei, Ps. LXVI, 4. — confiteantur tibi

populi, Deus, confiteantur tibi populi

omnes, et nomini tuo cantabo, id est faciam

quod gentes cantent tibi canticum quod

consistit in exultatione spiritus renovati. Ps.

XCV, 1. — cantate domino canticum

novum, cantate domino, omnis terra.

Secunda auctoritas continet adunationem

gentium et Iudaeorum. Unde subdit et

iterum dicit, Scriptura, o gentes quae eratis

l’auteur de la foi1066

, selon ce verset de

l’épître aux Hébreux : "Contemplant l’auteur

et le consommateur de la foi, Jésus qui, au

lieu de la joie qui lui était proposée, endura

une croix, méprisant la honte, et qui est

désormais assis à la droite du trône de Dieu."

Mais selon sa propre personne il ne s’est

manifesté qu’aux Juifs, selon ce verset de

Matthieu : "Je n’ai été envoyé qu’aux brebis

perdues de la maison d’Israël." Et encore :

"Sa voix ne sera pas entendue au dehors." Et

cela pour <montrer> la véracité de Dieu,

c’est-à-dire afin que la véracité de Dieu qui

promet soit confirmée : "Au contraire Dieu

est véridique." Aussi <l’Apôtre> ajoute-t-il :

pour confirmer les promesses <faites> aux

pères, c’est-à-dire afin que par ce ministère

les promesses faites aux pères soient

accomplies : "<Le Dieu d’Israël> nous a

suscité une corne de salut dans la maison de

son serviteur David, comme il l’a promis par

la bouche de ses saints prophètes des temps

anciens." Et : "Toutes les promesses de Dieu

ont en effet leur oui en lui."

1155. — b. En ajoutant : Et les nations, etc.,

<l’Apôtre> montre que les nations païennes

ont été accueillies par le Christ. Et :

— Il commence par exposer son intention.

— Puis, il la confirme par l’autorité

<scripturaire> [n° 1158] : comme il est écrit,

etc.

1156. — Il dit donc : On a dit que le Christ a

accueilli les Juifs pour <montrer> la véracité

de Dieu, afin que les promesses des pères

soient accomplies, mais les promesses

n’avaient pas été faites aux nations païennes.

Elles ne concernent donc pas ces nations,

mais ces dernières ont été accueillies pour

<montrer> la miséricorde <divine>. Et c’est

ce que dit <l’Apôtre> et les nations doivent

honorer Dieu pour sa miséricorde qui leur a

été manifestée par le Christ; car, bien qu’il ne

leur ait pas prêché en personne, il leur a

cependant envoyé ses disciples, qui ont exercé

leur ministère dans ces nations, comme lui-

même l’avait exercé chez les Juifs, selon cette

Saint Thomas n’ignore évidemment pas cette signification — à laquelle il fait droit — mais il la situe â

sa place dans une interprétation plus large. 1066

Lieux parallèles 4 Sentences dist. 46, Q. 2, a. 2, Q. 2; De veritate, Q. 28, a. 1, sol. 8; Super Ptalm.,

in Ps. 24.

alienae, a conversatione Israel, ut dicitur

Eph. II, 12, laetamini, gentes, cum plebe

eius, idest simul communem exultationem

assumatis cum Iudaeis, qui olim erant plebs

eius. Is. IX, 3. — laetabuntur coram te,

sicut qui laetantur in messe. Io. X, 16. —

fiet unum ovile et unus pastor. Nostra autem

littera habet : laetamini cum Ierusalem et

exultate in ea, omnis qui diligitis eam.

Tertia autem auctoritas continet devotionem

gentium ad Deum. Unde subdit et iterum

scriptum est in Psalmis laudate, omnes

gentes, dominum, scilicet eius bonitatem

confitentes, Ps. : a solis ortu usque ad

occasum laudabile nomen domini; et omnes

populi, non solum populus Iudaeorum,

magnificate eum, id est credite esse

magnum, id est quod sua magnitudine

omnem laudem excedat. Eccli. XLIII, v. 33.

— benedicentes dominum, exaltate illum

quantum potestis : maior enim est omni

laude. Matth. I, 11. — ab ortu solis usque

ad occasum magnum est nomen meum in

gentibus. Quarta auctoritas continet

reverentiam gentium ad Christum. Unde

subditur et rursus Isaias ait erit radix Iesse.

In quo praenuntiat Christi originem, ex

David semine nasciturum. Iesse namque fuit

pater David. Dicit ergo erit radix Iesse, ex

cuius semine Christus nascetur. Is. XI, 10.

— egredietur virga de radice Iesse, et flos,

et cetera. Vel Christus erit radix Iesse, quia

licet ex Iesse processerit secundum carnis

originem, tamen sua virtute Iesse sustentavit

et gratiam ei influxit. Supra XI, 18. — non

tu radicem portas, sed radix te. Deinde

parole de Matthieu : "Allez donc, enseignez

toutes les nations les baptisant au nom du

Père, et du Fils, et du Saint-Esprit" Et il est dit

de cette miséricorde au psaume 32. — "La

terre est pleine de la miséricorde <du

Seigneur>." Et <dans l’évangile de Luc> "Sa

miséricorde se répand d’âge en âge sur ceux

qui le craignent."

1157. — L’Apôtre attribue donc la conversion

des Juifs à la vérité divine1067

, la conversion

des Gentils à la miséricorde divine1068

.

En sens contraire, il semble qu’il soit dit au

psaume 24. — "Toutes les voies du Seigneur

sont miséricorde et vérité."

Il faut répondre qu’en attribuant la vocation

des Juifs à la vérité divine, <l’Apôtre>

n’exclut pas la miséricorde, puisque lui-

même, étant né de parents juifs, dit : "J’ai

obtenu miséricorde de Dieu." Et ce fut par la

même miséricorde que Dieu a fait aux pères

des promesses de salut pour leur postérité. De

même aussi, quand il attribue la vocation des

nations païennes à la miséricorde divine, il

n’exclut pas totalement la vérité divine, parce

qu’il appartenait aussi à cette dernière

d’accomplir son dessein de salut à l’égard des

nations païennes1069

; ce que <l’Apôtre>

appelle "un mystère caché, dès l’origine des

siècles, en Dieu qui a créé toutes choses."

Cependant, dans la vocation des Juifs on

considère un mode particulier de la vérité,

c’est-à-dire en vue de l’accomplissement des

promesses, ce qui n’est pas pris en

considération dans la vocation des nations

païennes, à qui les promesses n’ont pas été

faites.

1067

Dt 32, 43 cité d’après la Septante. Voir A. Rahlfs, vol. I, p. 350. — euphranthête, ethnê, meta tou

laou autou ("nations, réjouissez-vous avec son peuple"). 1068

Voir Glosa in Rom. XV, 9 (GPL, col. 1522 B). 1069 On voit ici se confirmer la cohérence et l’ampleur de l’interpré tation thomasienne et combien

elle s’accorde avec les vues de saint Paul sur les relations mystérieuses qui unissent le destin d’Israel

à la révélation du Christ. En Jésus-Christ s’est accomplie la vérité des promesses de Dieu, dans le salut

apporté aux nations se révèle sa miséricorde. Mais la vérité n’exclut pas l’amour, ni l’amour la vérité

les promesses données aux patriarches (les " pères") sont œuvre de miséricorde, et le salut donné

aux nations est œuvre de vérité. L’extension à l’humanité entière de la grâce christique est inscrite

dans la vérité du mystère salvifique depuis l’origine des siècles." En ce sens, Jésus-Christ est bien

l’unique ministre de l’unique circoncision.

tangit Christi officium, subdens et qui

exurget in tantam gratiae excellentiam, ut

possit regere gentes, eos divino cultui

subiugando, quod nullus ante eum facere

potuit. Ps. II, 8. — dabo tibi gentes

haereditatem tuam. Reges eos in virga

ferrea. Ultimo ponit devotionem gentium ad

Christum, dicens in eum gentes sperabunt,

ut scilicet per eum haereditatem caelestis

gloriae consequantur. I Petr. I, 3. —

regeneravit nos in spem vivam per

resurrectionem Iesu Christi ex mortuis.

Deinde, cum dicit Deus autem spei, etc.,

subiungit orationem, dicens : dictum est

quod in Christum gentes sperabunt. Deus

autem spei, id est, qui nobis hanc spem

infundit, secundum illud Ps. LXX, 5. —

spes mea, domine. Vel Deus spei, i. e., in

quo sperandum est, repleat vos omni

gaudio, scilicet spirituali, quod est de Deo,

Nehem. c. VIII, 10. — gaudium enim

domini est fortitudo vestra, et pace per

quam homo in seipso et ad Deum et

proximum est pacatus, Ps. CXVIII, 165. —

pax multa diligentibus legem tuam, domine;

in credendo, quasi dicat : ut cum hoc quod

creditis, etiam pacem et gaudium habeatis,

quae quidem sunt charitatis effectus,

secundum illud Gal. V, 22. — fructus autem

spiritus sunt charitas, gaudium, pax. Unde

patet quod a Deo, qui est dator spei, optat

eis ut cum fide habeant charitatem, per

quam fides operatur, ut habetur Gal. V, 6,

ne fides eorum sit informis et mortua : quia

fides sine operibus mortua est, ut dicitur Iac.

II, 26. Et ut sic per plenitudinem harum

virtutum abundetis, proficiendo de bono in

melius, non solum in spe, sed etiam in

virtute spiritus sancti, id est in charitate,

quae in cordibus nostris diffunditur per

spiritum sanctum, ut supra V, 5 dictum est.

2 Co IX, 8. — potens est autem Deus

omnem gratiam abundare facere in nobis.

1158. — Lorsque <l’Apôtre> dit en suite :

comme il est écrit "C’est pourquoi je te

confesserai parmi les nations, Seigneur, et je

confesserai ton nom1070

", il confirme ce qu’il

avait dit à propos de la conversion des nations

païennes, par l’autorité <scripturaire>. Car,

bien que la promesse de la vocation à la foi du

Christ n’ait pas été faite aux nations païennes,

toutefois cette vocation n’est pas arrivée à

l’improviste, mais elle fut annoncée par les

oracles des prophètes.

L’Apôtre cite quatre autorités scripturaires,

dont la première contient les actions de grâces

du Christ à son Père pour la conversion des

nations païennes opérée par lui-même. Aussi

dit-il comme il est écrit au psaume 17 à

propos de la personne du Christ : "Tu

m’établiras à la tête des nations ", "et tu

m’élèveras au-dessus de ceux", c’est-à-dire

des Juifs, "qui s’insurgent contre moi." O

Dieu, mon Père, moi le Christ je te

confesserai, par la confession de l’action de

grâces, parmi les nations, c’est-à-dire pour la

conversion des nations opérée par moi, et je

chanterai avec une nouvelle exultation de

l’âme ton nom, qui leur a été manifesté, selon

ce passage de <l’évangile de> Jean : "J’ai

manifesté ton nom aux hommes que tu m’as

donnés." Ou encore1071

. — Je te confesserai

parmi les nations, c’est-à-dire je ferai en sorte

que les nations te confessent par la confession

de la foi : "Que les peuples te confessent, ô

Dieu, que tous les peuples te confessent." —

Et je chanterai ton nom, c’est-à-dire je ferai

en sorte que les nations te chantent un

cantique qui soit une exultation de l’âme

régénérée1072

. — "Chantez au Seigneur un

cantique nouveau, chantez au Seigneur, toute

la terre."

1159. — La deuxième autorité <scripturaire>

contient l’union des nations païennes et des

Juifs. Aussi <l’Apôtre> ajoute-t-il : 10 Et

<l’Ecriture> dit encore "Ô nations, vous

[qui] étiez en ce temps-là sans Christ, séparés

de la cité d’Israël t>, ainsi que le dit <Paul>

aux Ephésiens réjouissez-vous avec son

1070

2 R (2") 22, 50; voir Ps 17, 50. 1071

Voir Glosa in Rom. XV, 9 (GPL, col. 1522 C). 1072

Lieux parallèles : Super Psalmos, in Prol. ; Ps 4, 1; Ps 32, 3.

peuple, prenez part à l’exultation commune

avec les Juifs, qui étaient autrefois son peuple

"Ils se réjouiront devant toi, comme ceux qui

se réjouissent dans la moisson." Et : "Il y aura

un seul troupeau et un seul pasteur." <Enfin il

est écrit dans <le livre d’Isaïe>, selon notre

<Vulgate> : "Réjouissez-vous avec

Jérusalem, exultez en elle, vous tous qui

l’aimez."

1160. — La troisième autorité <scripturaire>

contient la dévotion des nations envers

Dieu1073

. Aussi <l’Apôtre> ajoute-t-il : 11 Et

il est écrit ailleurs dans les psaumes 8 —

"Louez le Seigneur toutes les nations — à

savoir en confessant sa bonté "Du lever du

soleil jusqu’à son coucher, louable est le nom

du Seigneur " — et tous les peuples, non

seulement le peuple des Juifs, magnifiez-le,

c’est-à-dire croyez qu’il est grand, que par sa

grandeur il dépasse toute louange : "En

bénissant le Seigneur, exaltez-le autant que

vous pouvez, car il est au-dessus de toute

louange." Et encore "Depuis le lever du soleil

jusqu’à son coucher, grand est mon nom

parmi les nations."

1161. — La quatrième autorité <scripturaire>

contient la révérence des nations à l’égard du

Christ. Aussi <l’Apôtre> ajoute-t-il : 12 Et

Isaïe dit de son côté : Elle paraîtra la racine

de Jessé1074

. Par ces mots <le prophète>

annonce l’origine du Christ, qui doit naître de

la semence de David, car Jessé fut le père de

David. <Isaïe> dit donc : Elle paraîtra la

racine de Jessé, de la semence duquel naîtra le

Christ : "Il sortira un rejeton de la racine de

Jessé et une fleur s’élèvera de sa racine " Ou

bien, le Christ sera la racine de Jessé, parce

que, bien qu’il procède de Jessé par son

origine chamelle, cependant il a soutenu Jessé

par sa puissance et a déversé sur lui sa grâce :

"Ce n’est pas toi qui portes la racine, mais la

racine qui te porte."

Puis, <l’Apôtre> traite du ministère du Christ,

en ajoutant : et celui qui se lèvera, avec une

telle excellence de grâce qu’il pourra régir les

nations, en les soumettant au culte divin; ce

que nul n’a pu faire avant lui : "Je te donnerai

1073

Lieu parallèle Somme Théologique 2 Q. 82. 1074

Is 11, 10 cité d’après la Septante. Voir A. Rahlfs, vol. II, p. 581 "estai hê rhiza tou lessai.

les nations en héritage. […] Tu les régiras

avec un sceptre de fer."

Enfin, il expose la dévotion des nations

envers le Christ, en disant : c’est en lui que les

nations espéreront, à savoir afin d’obtenir par

lui l’héritage de la gloire céleste : "Il nous a

régénérés pour une vive espérance, par la

résurrection de Jésus-Christ d’entre les

morts."

1162. — 3. Après avoir dit que les nations

espéreront dans le Christ, <l’Apôtre> y ajoute

une prière, en disant : 13 Que le Dieu de

l’espérance, c’est-à-dire celui qui a répandu

en nous cette espérance, selon ce verset du

psaume 70 — "C’est toi mon espérance,

Seigneur." Ou bien1075

— Que le Dieu de

l’espérance, c’est— à-dire en qui il faut

espérer, vous remplisse de toute joie, à savoir

<de la joie> spirituelle qui vient de Dieu :

"Car la joie du Seigneur est notre force." — et

de paix, par laquelle l’homme est apaisé en

lui-même à l’égard et de Dieu et du prochain :

"Une paix abondante est pour ceux qui aiment

ta Loi", Seigneur. — dans votre acte de foi,

autrement dit afin qu’en croyant vous ayez

aussi la paix1076

et la joie1077

qui sont les effets

de la charité, selon ce passage de l’épître aux

Galates : "Les fruits de l’esprit sont : la

charité, la joie, la paix." Il est évident par là

que c’est de Dieu, le donateur de l’espérance,

qu’il leur souhaite d’obtenir avec la foi la

charité, par laquelle la foi opère1078

, ainsi qu’il

est écrit dans les Galates, de peur que leur foi

ne soit informe et morte, car "la foi sans les

œuvres est morte", dit Jacques. — afin

qu’aussi, par la plénitude de ces vertus, vous

abondiez, en progressant du bien vers le

mieux, non seulement dans l’espérance, mais

encore dans la vertu de l’Esprit-Saint, c’est-à-

dire dans la charité, qui est répandue dans nos

cœurs par l’Esprit-Saint, comme on l’a dit

plus haut. Et <l’Apôtre écrit dans sa seconde

épître> aux Corinthiens : "Et Dieu est

1075

Voir Glosa in Rom. XV, 13 (GPL, coI. 1522 D). 1076

Lieux parallèles : Somme Théologique 1a-2ae Q. 70, a. 3; 2 Q. 29, a. 3; Coll. in decem praec.,

Prol. 1077

Lieux parallèles Somme Théologique Ia-2 Q. 70, a. 3; 2 Q. 28, a. 1 Q. 35, a. 2; Cou, in decem

praec., Prol. ; Ad Gal. 5, 22, lect. 6 (éd. Marietti, n 330). 1078

Lieux parallèles Somme Théologique 2 Q. 4, a. 3; Q. 23, a. 8; 3 Sentences dist. 23, Q. 3, a. 1; De

veritate, Q. 14, a. 5; De virtut., Q. 2, a. 3.

puissant pour faire abonder toute grâce en

vous"

Lectio 2 Leçon 2 [Versets 14 à 21]

[n° 1164] 14 Je suis bien persuadé, mes

frères, moi-même, en ce qui vous concerne,

que vous êtes vous-mêmes pleins de charité,

remplis de toute science, et qu’ainsi vous

pouvez vous avertir les uns les autres.

[n° 1165] 15 Cependant je vous ai écrit, mes

frères, assez audacieusement en partie,

comme pour raviver vos souvenirs, selon la

grâce qui m’a été donnée par Dieu,

[n° 1167] 16 pour être le ministre du Christ

Jésus auprès des nations païennes, sanctifiant

l’Evangile de Dieu, afin que l’oblation des

nations païennes soit acceptée, et sanctifiée

par l’Esprit-Saint.

[n° 1168] 17 donc sujet de me glorifier dans

le Christ Jésus pour Dieu.

[n° 1169] 18 Car je n’oserais parler de choses

que le Christ n’aurait pas faites par moi pour

<amener> les nations païennes à l’obéissance,

par la parole et par les œuvres,

[n° 1171] 19 par la vertu des signes et des

prodiges, par la vertu de l’Esprit-Saint; ainsi,

depuis Jérusalem en rayonnant jusqu’à

l’Illyrie, j’ai répandu l’Evangile du Christ.

[n° 1173] 20 Ainsi donc j’ai prêché cet

Evangile là où le Christ n’avait pas été

nommé, pour ne pas édifier sur le fondement

d’autrui, mais selon qu’il est écrit :

[n° 1175] 21 "Ceux à qui on ne l’avait pas

annoncé verront, et ceux qui n’en avaient pas

entendu parler comprendront."

[86229] Super Rom., cap. 15 l. 2 Postquam

apostolus generalibus admonitionibus

Romanos instruxerat, hic incipit eis

quaedam familiaria scribere. Et primo

quaedam pertinentia ad seipsum; secundo,

quaedam pertinentia ad alios ibi cap. XVI

commendo autem vobis Phoeben, et cetera.

Circa primum tria facit. Primo excusat

1163. — Après avoir donné aux Romains des

avertissements généraux, l’Apôtre leur

adresse maintenant des avertissements

familiers. Et :

— D’abord, en ce qui le concerne lui-même.

— Puis, en ce qui concerne les autres, et cela

au chapitre 16 [n° 1193] : "Je vous

recommande Phoébé, etc."

praesumptionem de hoc quod eos

instruxerat et reprehenderat; secundo

excusat suam tarditatem circa visitationem

eorum, ibi propter quod plurimum

impediar; tertio petit suffragia orationum

ipsorum, ibi obsecro autem vos, fratres, et

cetera. Et circa primum duo facit. Primo

excludit oppositam causam instruendi et

arguendi eos; secundo assignat veram

causam, ibi audacius enim scripsi vobis,

fratres, ex parte, et cetera. Circa primum

considerandum est, quod aliquis posset

credere apostolum ideo scripsisse Romanis,

quia aestimaret illum esse apud Romanos

qui posset instruere et corrigere. Sed hoc

ipse excludit, dicens certus sum enim,

fratres mei, per ea quae de vobis audivi,

quoniam idonei estis ad admonendum eos

qui inter vos admonitione indigent. Ad hoc

autem ut aliquis recte admoneat duo

requiruntur, quorum primum est ut non ex

odio vel ira, sed ex dilectione moneat

secundum illud Ps. CXL, 6. — corripiet me

iustus in misericordia. Et Gal. VI, 1. — vos

qui spirituales estis, instruite huiusmodi in

spiritu lenitatis. Et quantum ad hoc dicit

quoniam et ipsi pleni estis dilectione. Ez. X,

2. — imple manum tuam prunis ignis quae

sunt inter Cherubim, qui est ignis charitatis.

Secundo requiritur scientia veritatis, eo

quod quidam habent zelum Dei in

corrigendo, sed non secundum scientiam, ut

supra c. X, 2 dictum est. Et ideo subdit

repleti omni scientia, scilicet humana et

divina : et veteris et novae legis. 1 Co I, 5.

— in omnibus divites facti estis in illo, in

omni verbo et in omni scientia. Et ex hoc

concludit sic ita ut possitis convenienter

propter dilectionem et scientiam alterutrum

monere. Quia enim in multis offendimus

omnes, ut dicitur Iac. III, 2, oportet ut

invicem moneamus; quia, ut dicitur Eccli.

XVII, 12, unicuique mandavit Deus de

proximo suo. Deinde, cum dicit audacius,

etc., assignat veram causam quare eos

admonuerat et correxerat. Et circa hoc duo

En ce qui le concerne il fait trois choses :

— Il commence par s’excuser de sa

présomption1079

à les avertir et à les

reprendre.

— Puis, il s’excuse de sa lenteur à leur rendre

visite [n° 1178] : 22 "C’est pourquoi à

plusieurs reprises."

— Enfin, il demande le suffrage de leurs

prières [n° 1188] : 30 "Je vous demande donc

avec obsécration, frères, etc."

Sur le premier de ces points :

I) Il rejette d’abord la raison qu’on oppose à

ses instructions et à ses blâmes <adressés aux

Romains>.

II) Puis, il en donne la véritable raison [n°

1165] Cependant je vous ai écrit, mes frères,

assez audacieusement, etc.

1164. — I. Sur le premier point1080

, il faut

considérer le fait qu’on pouvait croire que

l’Apôtre avait écrit aux Romains en estimant

que lui seul, parmi les Romains1081

, pouvait

les instruire et les corriger. Mais lui-même

écarte cette <supposition> en disant : 14 Je

suis bien persuadé, mes frères, par ce que j’ai

appris de vous, que vous êtes aptes à avertir

ceux qui parmi vous ont besoin

d’avertissement. Or, pour avertir avec

rectitude, deux choses sont requises :

A. La première est que l’avertissement ne

vienne ni de la haine ni de la colère, mais de

la charité, selon ce verset du psaume 140. —

"Le juste me corrigera dans sa miséricorde. >

Et <selon ce passage de l’épître> aux Galates

: "Vous qui êtes spirituels, instruisez-le en

esprit de douceur." Quant à cette disposition,

<l’Apôtre> dit : que vous êtes vous-mêmes

pleins de charité. — "Remplis tes mains de

charbons ardents de feu qui sont entre les

chérubins ", ce qui signifie le feu de la

charité.

B. La seconde chose requise pour avertir,

c’est la science de la vérité. Car il en est qui

ont le zèle de Dieu en corrigeant, mais <ils ne

le font> pas selon la science, comme on l’a dit

plus haut. Et c’est pourquoi <l’Apôtre> ajoute

: remplis de toute science, c’est-à-dire de la

1079

Lieu parallèle : Somme Théologique 2 Q. 21. 1080

Lieux parallèles Somme Théologique 2 Q. 33, a. 1; 4 Sentences dist. 19, Q. 2, a. 1, sol. 6. 1081

N’oublions pas qu’en effet Paul est citoyen romain (Ac 22, 27).

facit. Primo ostendit quod hoc pertinebat ad

auctoritatem apostolatus sibi commissam;

secundo ostendit qualiter hac potestate usus

fuerit, ibi habeo igitur gloriam, et cetera.

Dicit ergo audacius autem, id est securius,

scripsi vobis, errores et defectus vestros

arguendo, quod quidem ad audaciae

praesumptionem posset ascribi propter hoc

quod offensionem vestram non timui. Iob

XXXIX, 21. — audacter in occursum pergit

armatis. Sed haec praesumptio excusatur ex

tribus. Primo quidem ex conditione eorum

quibus scribebat, quia etsi inter Romanos

essent aliqui respectu quorum talis

reprehensio audax et praesumptuosa

videretur, erant tamen aliqui, qui indigebant

dura reprehensione propter contentionum

insolentiam. Tit. I, 13. — increpa illos dure.

Et hoc est quod dicit ex parte, quasi dicat :

non videtur mea Scriptura esse audax

quantum ad omnes vos, sed quantum ad

partem aliquam vestrum. Vel potest intelligi

ex parte epistolae, in qua eos reprehendit.

Potest intelligi etiam ex parte Ecclesiae,

quae, scilicet, mecum est. Secundo

excusatur praedicta audacia ex intentione

apostoli. Non enim scripsit eis tamquam

reputans eos ignorantes, sed in memoriam

eos reducens cognitorum. Et hoc est quod

subdit tamquam in memoriam vos reducens,

quasi oblitos eorum quae sciebatis, sicut et

Phil. IV, 10 dicitur : occupati autem eratis.

Hebr. X, 32. — rememoramini pristinos

dies, in quibus illuminati magnum certamen

sustinuistis passionum. Tertio excusatur ex

auctoritate apostoli, quae hoc requirebat.

Unde subdit per gratiam, scilicet

apostolatus mihi commissi. 1 Co XV, 10. —

gratia Dei sum id quod sum. Huius autem

gratiae, primo, describit auctoritatem, cum

dicit quae data est mihi a Deo, quasi diceret

: non ab hominibus. Ad Gal. I, 1. — Paulus

apostolus non ab hominibus, neque per

hominem. Secundo specificat istam gratiam,

cum dicit ut sim minister Christi Iesu in

science humaine et de la science divine, de la

Loi ancienne et de la nouvelle1082

— "Vous

avez été comblés de toutes les richesses en

lui, toutes celles de la parole et toutes celles

de la science."

<L’Apôtre> conclut de la manière suivante :

et qu’ainsi vous pouvez, comme il convient

en raison de votre charité et de votre science,

vous avertir les uns les autres. Car, comme

<gnous faisons tous beaucoup de fautes",

selon Jacques, il faut que nous nous

avertissions réciproquement, étant donné, dit

l’Ecclésiastique, que Dieu "a ordonné à

chacun d’eux <de veiller sur> son prochain."

1165. — II. Ensuite, lorsqu’il dit : 15 assez

audacieusement, etc., <l’Apôtre> donne la

vraie raison pour laquelle il les avait avertis et

corrigés. A cet égard il montre deux choses :

A) Premièrement, que ce droit appartenait à

l’autorité apostolique qui lui a été confiée.

B) Deuxièmement, comment il a usé de ce

pouvoir [n° 1168] : 17 donc sujet de me

glorifier, etc.

1166. — A. <L’Apôtre>1083

dit donc assez

audacieusement, c’est-à-dire avec assez

d’assurance, je vous ai écrit, en reprenant vos

erreurs et vos défauts; ce qu’on pourrait

attribuer à une audace présomptueuse, étant

donné que je n’ai pas craint de vous offenser :

"Il s’élance avec audace, il court au-devant

des hommes armés." Mais cette présomption

est excusable pour trois raisons :

1. En premier lieu, en raison de la condition

de ceux à qui il écrivait, car, si parmi les

Romains il y en avait quelques-uns pour qui

un tel blâme semblait audacieux et

présomptueux, cependant il en était d’autres

qui avaient besoin d’un blâme sévère à cause

de leurs disputes insolentes : "Réprimande-les

durement." C’est ce que <l’Apôtre> dit en

partie, autrement dit, ce que je vous écris ne

semble pas audacieux pour vous tous, mais

pour une partie d’entre vous. Ou bien en

partie peut s’entendre de la partie de l’épître

dans laquelle il les réprimande1084

; ou encore

1082

Voir Glosa in Rom. XV, 14 (GPL, col. 1523 B). 1083

Lieu parallèle Somme Théologique lj-2ae, Q 45, a. 1. 1084

C’est le sens retenu par les exégètes modernes qui traduisent "Je vous ai écrit assez

audacieusement par endroits.

gentibus, id est ut serviam Christo in

gentium conversione. 1 Co IV, 1. — sic nos

existimet homo ut ministros Christi. Supra

XI, 3. — quamdiu sum gentium apostolus,

ministerium meum honorificabo. Tertio

ostendit huius gratiae actum, cum dicit

sanctificans Evangelium Dei, id est sanctum

esse ostendens et verbo veritatis et opere

bonae conversationis et miraculorum. Col. I,

5 s. : in verbo veritatis Evangelii quod

pervenit ad vos, sicut et in universo mundo

est, et fructificat, et crescit. Prov. VIII, 8. —

recti sunt sermones mei. Quarto ponit finem

huius gratiae, cum dicit ut fiat oblatio

gentium, id est, gentes per meum

ministerium conversae. In quo quasi

quoddam sacrificium et oblationem Deo

obtuli, secundum illud Phil. II, 17. — et si

immolor super sacrificium et obsequium

fidei vestrae, gaudeo et congratulor

omnibus vobis. Fiat accepta, scilicet Deo

per rectitudinem intentionis. Ps. l, 20. —

tunc acceptabis sacrificium iustitiae,

oblationes et holocausta; et sanctificata in

spiritu sancto, id est per charitatem et alia

spiritus sancti dona. 1 Co VI, 11. —

sanctificati estis in nomine domini nostri

Iesu Christi, et in spiritu Dei nostri. Deinde,

cum dicit habeo igitur gloriam, etc.,

ostendit quomodo auctoritate apostolica

fuerat usus. Et primo ponit fructum quem

fecit; secundo ostendit huius fructus

magnitudinem, ibi ita ut, et cetera. Tertio

ostendit difficultatem, ibi sic autem

praedicavi, et cetera. Circa primum tria

facit. Primo dat gloriam Deo de fructu quem

fecit, dicens igitur, quia talem gratiam

accepi et diligenter executus sum id ad quod

mihi haec gratia data est, habeo gloriam, id

est meritum dignum gloriae, sicut fidelis

minister. 1 Co IX, 15. — melius est mihi

mori, quam ut gloriam meam quis evacuet.

Sed hanc gloriam non mihi principaliter

attribuo sed eam habeo in Christo Iesu, id

est per Iesum Christum, cuius virtute

fructificare potui. Io. XV, v. 5. — sine me

de la part de L’Eglise1085

c’est-à-dire de celle

qui est avec moi1086

.

2. En deuxième lieu, cette audace est

excusable en raison de l’intention de l’Apôtre.

Car il ne leur a pas écrit comme si il les tenait

pour ignorants, mais pour leur rappeler des

choses connues. Aussi ajoute-t-il : comme

pour raviver vos souvenirs, comme si vous

aviez oublié les choses que vous saviez :

"Mais vous étiez occupés." Et encore :

"Souvenez-vous des anciens jours, où après

avoir été éclairés, vous avez soutenu le grand

combat des souffrances."

3. En troisième lieu, cette audace est

excusable en raison de l’autorité de l’Apôtre

qui exigeait cette réprimande. Aussi ajoute-t-

il : selon la grâce, c’est-à-dire de l’apostolat

qui m’a été confié : "C’est par la grâce de

Dieu que je suis ce que je suis."

1167. — a. L’Apôtre commence par indiquer

l’autorité de cette grâce, lorsqu’il dit : qui m’a

été donnée par Dieu; comme s’il disait : Non

par des hommes : "Paul, apôtre, non par des

hommes, ni par un homme, mais par Jésus-

Christ et Dieu le Père, qui l’a ressuscité

d’entre les morts."

b. Puis, il spécifie cette grâce, en disant : 16

pour être le ministre du Christ Jésus auprès

des nations païennes, c’est-à-dire pour que je

serve le Christ dans la conversion des nations

païennes "Qu’on nous regarde donc comme

des ministres du Christ." Et encore : "dans la

mesure où je suis, moi, l’apôtre des nations,

j’honorerai mon ministère."

c. Ensuite, il montre l’action de cette grâce, en

disant : sanctifiant l’Evangile de Dieu, c’est-

à-dire montrant qu’il est saint, et par la parole

de vérité, et par les œuvres d’une vie sainte, et

par les miracles1087

. — "Par la parole de vérité

de l’Evangile, qui vous est parvenu, comme il

est aussi répandu dans le monde entier, où il

fructifie et croît, ainsi qu’en vous, depuis le

jour où vous l’avez entendu, et où vous avez

connu la grâce de Dieu dans la vérité." —

"<Toutes> mes paroles sont droites "

d. Enfin, il expose la fin de cette grâce,

1085 En latin, ex parte peut en effet signifier de la part " (de l’Eglise).

1086 Voir Glosa in Rom. XV, 15 (GPL, col. 1523 D).

1087 Voir Glosa in Rom. XV, 16 (GPL, col. 1524 A).

nihil potestis facere. Et quia ipsi omnia

tradita sunt a patre, ut dicitur Matth. XI, 27,

et pater in eo manens, ipse facit opera, Io.

XIV, 10, ideo ulterius hanc gloriam refert ad

patrem, dicens ad Deum, scilicet patrem. Ps.

CXIII, 9. — non nobis, domine, non nobis,

sed nomini tuo da gloriam. Assignat autem

rationem eius quod dixerat, subdens non

enim audeo loqui aliquid eorum quae per

me non effecit Christus, quasi dicat : nihil

referam de fructu per me facto, quod per me

factum non sit. Alioquin gloriam non

haberem apud Deum, et si apud homines.

Quae quidem refero non tamquam per me

principaliter facta, sed sicut quae per me

Christus fecit. Et ideo hanc gloriam dixi me

habere in Christo Iesu. Is. c. XXVI, 12. —

omnia opera nostra operatus es in nobis.

Secundo ponit ipsum fructum, dicens in

obedientiam gentium, quasi dicat : gloria

mea haec est pro eo quod feci gentes fidei

obedire. Supra I, 5. — ad obediendum fidei

in omnibus gentibus. Ps. XVII, 44. — in

auditu auris obedivit mihi. Tertio ostendit

quomodo gentes ad hanc obedientiam

adduxerit. Quia autem supra X, 17 dictum

est fides ex auditu, auditus autem per

verbum Christi, ideo dicit in verbo, id est

per verbum praedicationis fidei. Argumenta

autem fidei praedicatae sunt bona

conversatio praedicantis, et quantum ad hoc

subdit et factis, quasi scilicet per recta opera

vos ad fidem allexi, Matth. V, 16. —

videant opera vestra, etc., et opera

miraculorum, quibus Deus dat testimonium

doctrinae praedicatae, secundum illud Mc.

ult. : domino cooperante et sermonem

confirmante sequentibus signis. Unde subdit

in virtute signorum, id est miraculorum

minorum, puta sanationes aegritudinum; et

prodigiorum, id est maiorum miraculorum,

quae ex sua magnitudine aliquid magni

portendunt, id est ostendunt. Sed hoc totum

non sufficeret nisi spiritus sanctus intus

corda audientium ad fidem commoveret.

Unde dicitur Act. X, 44 quod, loquente

Petro verba fidei, cecidit spiritus sanctus

super omnes qui audiebant verbum. Et ideo

lorsqu’il dit : afin que l’oblation des nations

païennes, c’est-à-dire les nations converties

par mon ministère, dans lequel j’ai offert

comme un sacrifice et une oblation à Dieu,

selon ces paroles de l’épître aux Philippiens :

"Et si je suis immolé sur le sacrifice et

l’oblation de votre foi, je m’en réjouis et m’en

félicite avec vous tous."

— soit acceptée, c’est-à-dire par Dieu à cause

de la rectitude de l’intention : "Alors tu

accepteras un sacrifice de justice, des

oblations et des holocaustes " — et sanctifiée

par l’Esprit-Saint, c’est-à-dire par la charité et

les autres dons de l’Esprit-V Saint : "Mais

vous avez été sanctifiés, mais vous avez été

justifiés au nom de notre Seigneur Jésus-

Christ, et par l’Esprit de notre Dieu "

1168. — B. Lorsqu’il dit ensuite : 17 J'ai donc

sujet de me glorifier, etc., <l’Apôtre> montre

comment il a usé de son autorité apostolique.

Et

1) Il expose d’abord le fruit qu’il a obtenu.

2) Puis, il montre la grandeur de ce fruit [n°

1172] : ainsi, depuis Jérusalem, etc.

3) Enfin, sa difficulté [n° 1173] : 20 donc j’ai

prêché, etc.

1169. — 1. Sur le premier de ces points,

<l’Apôtre> fait trois choses :

a. 1l commence par rendre gloire à Dieu pour

le fruit qu’il a obtenu, en disant : Donc, parce

que j’ai reçu une telle grâce et que j’ai

accompli avec soin ce ministère pour lequel

cette grâce m’a été donnée, j’ai sujet de me

glorifier, c’est-à-dire j’ai un mérite digne de

gloire1088

, comme ministre fidèle : "Mieux

vaut pour moi mourir que de laisser quelqu’un

m’enlever cette gloire." Mais je n’attribue pas

cette gloire principalement à moi-même, je la

tiens dans le Christ Jésus, c’est-à-dire par

Jésus-Christ, par la puissance duquel j’ai pu

produire du fruit : "Sans moi vous ne pouvez

rien faire." Et puisque < toutes choses <lui>

ont été données par <le> Père", comme il est

dit dans <l’évangile de> Matthieu, et que

"<le> Père demeurant en moi fait lui-même

les œuvres ", <l’Apôtre> rapporte en dernier

lieu cette gloire au Père, en disant : pour

Dieu, â savoir le Père : "Non pas à nous,

1088

Voir Glosa in Rom. XV, 17 (GPL, col. 1524 B).

subdit in virtute spiritus sancti. Hebr. II, 4.

— contestante Deo signis et prodigiis et

variis spiritus sancti distributionibus.

Deinde, cum dicit ita ut ab Ierusalem,

ostendit magnitudinem fructus ex

multitudine locorum, in quibus praedicavit,

dicens ita ut incipiens ab Ierusalem, ubi in

principio suae conversionis praedicavit in

synagogis Iudaeorum, ut dicitur Act. IX, 28.

Ut sic impleret quod dicitur Is. II, 4. — de

Sion exibit lex, et verbum domini de

Ierusalem. Usque ad Illyricum, quod est

mare Adriaticum ex parte opposita Italiae,

repleverim Evangelium Christi, id est omnia

illa loca replevi praedicatione Evangelii. Et

ne aliquis intelligat quod solum vadens per

rectam viam ab Ierusalem in Illyricum

praedicaverit Evangelium, addit per

circuitum, quia scilicet gentibus

circumquaque praedicavit et eas ad fidem

convertit. Unde sibi potest competere quod

dicitur Iob c. XXXVIII, 25. — quis dedit

vehementissimo imbri cursum ? Deinde,

cum dicit sic autem praedicavi, etc.,

ostendit difficultatem hunc fructum faciendi

: difficile enim est omnino ignaros ad fidem

convertere. Primo igitur difficultatem se

passum ostendit, dicens sic autem

praedicavi Evangelium, non quidem ubi

nominatus est Christus, idest non apud illos

qui nomen Christi audiverant. Ps. XVII, 44.

— populus, quem non cognovi, servivit

mihi. Is. LV, 5. — ecce gentes, quas

nesciebas, vocabis, et gentes, quae te non

cognoverunt, ad te current. Subdit autem

rationem, dicens : ne super alienum

fundamentum aedificarem. Potest autem

alienum fundamentum dupliciter intelligi.

Uno modo doctrina haeretica, quae est

aliena a verae fidei fundamento : et sic, hoc

quod dicit ne, ponitur causaliter. Ea enim

intentione apostolus voluit praedicare illis,

qui nomen Christi non audierant, ne si

praeventi essent a doctrina

pseudoapostolorum, difficilius esset eos ad

veritatem reducere. Unde Matth. VII, 27

dicitur stultus est qui aedificat domum suam

super arenam, cui comparatur falsa

doctrina. Alio modo per alienum

fundamentum potest intelligi doctrina verae

Seigneur, non pas à nous, mais à ton Nom

donne gloire." Il donne ensuite la raison de ce

qu’il avait dit, en ajoutant : 18 Car je n'oserais

parler de choses que le Christ n'aurait pas

faites par moi; autrement dit : Je ne ferai pas

mention du fruit obtenu par moi, puisqu’il n’a

pas été produit par moi autrement je n’aurais

pas sujet de me glorifier auprès de Dieu, mais

bien auprès des hommes. Ce que je rapporte,

ce n’est même pas en tant que produit

principalement par moi, mais <je le rapporte>

en tant que le Christ l’a produit par moi. Et

j’ai dit que je tiens cette gloire dans le Christ

Jésus. — "Tu as opéré toutes nos œuvres pour

nous."

1170. — b. Puis il mentionne ce fruit, en

disant : pour <amener> les nations païennes

à l’obéissance, autrement dit, ma gloire la

voici : c’est d’avoir fait obéir les nations à la

foi : < <prêcher> l’obéissance à la foi à toutes

les nations." Et encore : "Dès que son oreille a

entendu, il m’a obéi."

1171. — c. Enfin il montre comment il a

amené les nations à cette obéissance. Etant

donné ce qui a été dit plus haut : "la foi

provient de l’audition, et on entend par la

Parole du Christ ", <l’Apôtre> dit <ici> : par

la parole, c’est-à-dire par la parole de la

prédication de la foi. Mais la preuve de la foi

prêchée, c’est la vie sainte de celui qui

prêche; aussi <l’Apôtre> ajoute-t-il : et par

les œuvres; autrement dit Je vous ai attirés à

la foi par mes œuvres saintes : "Qu’ils voient

vos bonnes œuvres et qu’ils glorifient votre

Père qui est dans les cieux ", et par les œuvres

miraculeuses, par lesquelles Dieu rend

témoignage à la doctrine qui est prêchée,

selon ces paroles de Marc : "Le Seigneur

coopérant avec eux, et confirmant leur parole

par les signes qui l’accompagnaient " Aussi

ajoute-t-il : la vertu des signes, à savoir par la

vertu des miracles moins éclatants, par

exemple les guérisons des maladies, et des

prodiges, c’est-à-dire des miracles plus

éclatants, qui par leur grandeur présagent,

c’est-à-dire montrent quelque chose de grand.

Mais tout cela ne suffirait pas si l’Esprit-Saint

ne touchait pas intérieurement les cœurs des

auditeurs <pour les disposer> à la foi.

D’où ce passage des Actes où il est dit que

fidei ab aliis praedicata : et sic potest sumi

ne, consecutive. Non enim vitavit apostolus

praedicare illis quibus ante fuerat ab aliis

praedicatum, sicut ipsis Romanis specialiter

praedicavit, quos prius Petrus instruxerat,

sed, eo praedicante illis qui nihil de Christo

audierant, consecutum est, ut non aedificaret

super alienum fundamentum, sed ipse

iaceret prima fidei fundamenta, secundum

illud 1 Co III, 10. — ut sapiens architectus

fundamentum posui. Secundo, ad hoc quod

dixerat, auctoritatem inducit dicens sicut

scriptum est, Is. LII, 15, quoniam quibus

non est annuntiatum de eo, videbunt, et qui

non audierunt, contemplati sunt. In quibus

verbis propheta videtur praedicere, quoniam

gentiles excellentiori modo ad cognitionem

Dei essent perventuri quam Iudaei, qui ante

cognoverant. Ostendit ergo, primo,

excellentiam quantum ad causam

cognitionis, quae scilicet duplex est : scilicet

verba audita et res visae. Hi enim duo

sensus sunt disciplinabiles. Iudaei ergo in

notitiam mysteriorum Christi pervenerunt

per verba annuntiata eis a prophetis. I Petr.

I, 10 s. : prophetae, quae de futura in vobis

gratia prophetaverunt, scrutantes in quod

vel quale tempus significaret in eis spiritus

Christi, praenuntians eas, quae in Christo

sunt, passiones et posteriores glorias. Sed

gentiles huiusmodi Christi mysteria iam

realiter impleta vident, ideo dicitur quoniam

gentes, quibus non est annuntiatum per

prophetas de eo, id est de Christo, sicut fuit

annuntiatum Iudaeis, videbunt res iam

impletas. Lc. X, 24. — multi reges et

prophetae voluerunt videre quae vos videtis,

et non viderunt. Secundo ostendit

excellentiam quantum ad modum

cognoscendi, quia Iudaei ex Annuntiatione

prophetarum solum auditum habebant. Abd.

v. 1. — auditum audivimus a domino, et

legatos ad gentes misit. Sed gentiles ex

visione intellectum perceperunt. Unde

dicitur et, gentes scilicet, qui, ante, non

"tandis que Pierre provoquait encore ces

paroles" de foi, "l’Esprit-Saint descendit sur

tous ceux qui écoutaient la parole." Et c’est

pourquoi <l’Apôtre> ajoute : par la vertu de

l’Esprit-Saint. Il est écrit dans l’épître aux

Hébreux : "Dieu attestant leur témoignage par

des signes, par des prodiges, par différents

effets de sa puissance, et par les dons de

l’Esprit-Saint, qu’il a distribués selon sa

volonté."

1172. — 2. Ensuite, lorsqu’il dit : ainsi,

depuis Jérusalem, <l’Apôtre> montre la

grandeur du fruit dû à la multitude des lieux

dans lesquels il a prêché. Il dit : ainsi, en

commençant depuis Jérusalem, où au début de

sa conversion il a prêché dans les synagogues

des Juifs, comme le disent les Actes, afin

d’accomplir ce que dit Isaïe "De Sion sortira

la Loi, et la Parole du Seigneur de Jérusalem"

— Jusqu’à l’Illyrie, située au bord de la mer

Adriatique1089

, du côté opposé à l’Italie, j’ai

répandu l’Evangile du Christ, c’est-à-dire j’ai

répandu en tous ces lieux la prédication de

l’Evangile. Et de crainte que l’on comprenne

qu’il n’a prêché l’Evangile qu’en parcourant

seulement le chemin qui va directement de

Jérusalem à l’Illyrie, il ajoute : en rayonnant,

c’est-à-dire parce qu’il a prêché aux nations

tout à l’entour et qu’il les a converties à la foi

C’est ainsi qu’on peut lui appliquer cette

parole de Job : "Qui a donné cours à l’ondée

la plus impétueuse."

1173. — 3. En ajoutant : 20 donc j’ai prêché,

etc., <l’Apôtre> montre la difficulté de

produire ce fruit. Il est en effet

particulièrement difficile de convertir à la foi

les ignorants.

a. 1l montre donc en premier lieu qu’il a

éprouvé cette difficulté, en disant : Ainsi donc

j’ai prêché cet Evangile là où en vérité le

Christ n’avait pas été nommé, c’est-à-dire non

auprès de ceux qui avaient entendu nommer le

Christ : "Un peuple que je ne connaissais pas

m’a servi." Et : "Voici que tu appelleras une

nation que tu ne connaissais pas; et des

1089

La formule "en rayonnant" (per circulum) a été diversement interprétée il s’agit, pour certains, des

environs de Jérusalem. L’exégése de saint Thomas est celle de beaucoup d’interprétes actuels : Paul

n’a pas suivi un itinéraire rectiligne, mais il a circulé, allant et venant entre les points extrêmes de son

apostolat, de Jéru salem à l’lllyrie, terme qui désigne alors la nve onentale de la mer Adriatique, "du

côté opposé", c’est-à-dire " qui fait face " à la nve italienne (la Bosnie actuelle).

audierunt, praenuntiari Christum per

prophetas, intelligent, scilicet fidei

veritatem. Ps. II, 10. — et nunc, reges,

intelligite, et cetera.

nations, qui ne t’ont pas connu, accourront

vers toi à cause du Seigneur ton Dieu, et du

Saint d’Israël qui t’a glorifié."

1174. — <L’Apôtre> en donne la raison, en

disant : pour ne pas édifier sur le fondement

d’autrui. Or cette expression : "sur le

fondement d’autrui" peut s’entendre de deux

manières1090

— selon une première manière,

de la doctrine hérétique, qui est étrangère au

fondement de la véritable foi; et ainsi en

disant : pour ne pas on indique la cause. Avec

cette intention, en effet, l’Apôtre a voulu

prêcher à ceux qui n’avaient pas entendu

nommer le Christ, de crainte que s’ils eussent

été prévenus par les doctrines des faux

apôtres, il n’eût été plus difficile de les

ramener à la vérité. D’où ce qui est écrit dans

<l’évangile de> Matthieu : "<Celui-là est>

insensé qui <bâtit> sa maison sur le sable ",

auquel on compare la fausse doctrine. Selon

une autre manière, par sur le fondement

d’autrui on peut entendre la doctrine de la foi

véritable prêchée par d’autres; et dans ce sens,

l’expression pour ne pas peut être prise

comme indiquant la conséquence. Car

l’Apôtre n’a pas évité de prêcher à ceux à qui

d’autres avaient prêché d’abord, par exemple

il prêcha spécialement aux Romains eux-

mêmes que Pierre avait déjà instruits

auparavant. Mais par sa prédication à ceux

qui n’avaient pas entendu parler du Christ, il

s’en est suivi qu’il n’a pas édifié sur le

fondement d’autrui, mais que lui-même a jeté

les premiers fondements de la foi1091

, selon ce

1090 Voir Glosa in Rom. XV, 20 (GPL, col. 1524 C-D).

1091 Sur le fondement d’autrui" (en latin super alienum funda mensum), peut se traduire également "sur

un fondement étranger." L’interprétation de saint Thomas joue sur ces deux sens : un " fondement

étranger " à la vraie foi, c’est le premier sens, un "fondement étranger" à moi, Paul, c’est-à-dire le

"fondement d’autrui", second sens. Le premier sens est clair : l’extrême difliculté de ramener des

fidèles imbus d’une doctrine hérétique à la vraie foi, telle est l’intention qui a déterminé causalement

(causaliter) la volonté de saint Paul de ne pas prêcher à ceux qui avaient déjà entendu parler du Christ.

Mais le second sens pose un problème. Si l’on interprète super alienumfundamentum comme

signifiant non plus sur un fondement étranger " à la vraie foi, mais "sur le fondement d’autrui", c’est-

à-dire "posé par un prédicateur de la vraie foi autre que moi-même", on ne peut comprendre qu’il

s’agit là de la raison qui a determine le choix des lieux de l’évangélisation paulinienne, puisque saint

Paul a effectivement prêché là où d’autres apôtres (saint Pierre à Rome) avaient déjà parlé du Chnst. Il

faut donc mter préter la conjonction " ne" qui introduit la proposition (ne super fundamentum alienum

aedificarem) comme signifiant non plus la cause mentale (l’intention, ce que traduit "de crainte que"),

mais la conséquence qui a résulté de sa pratique évangélisatrice : j’ai prêché "de telle sorte que je n’ai

pas édifié sur le fondement d’autrui"; cette construction est grammaticalement possible en latin.

passage de la première épître aux Corinthiens

: "Comme un sage architecte j’ai posé le

fondement."

1175. — b. En second lieu, pour appuyer ce

qu’il avait dit, il cite l’autorité <scripturaire>,

en disant : selon qu’il est écrit : 21 "Ceux à

qui on ne l’avait pas annoncé verront, et ceux

qui n‘en avaient pas entendu parler

comprendront." Dans ces paroles, le Prophète

semble annoncer que les Gentils

parviendraient à la connaissance de Dieu

d’une manière plus excellente que les Juifs

qui l’avaient connu auparavant.

1176. — <L’Apôtre> montre donc d’abord

cette excellence quant à la cause de la

connaissance, laquelle est double : ce qu’on a

entendu et ce qu’on a vu. Or ces deux sens

sont susceptibles de se laisser former. Les

Juifs donc sont parvenus à la connaissance

des mystères du Christ par les paroles

annoncées par les prophètes : "C’est ce salut

qu’ont recherché et scruté les prophètes qui

ont prédit la grâce que vous deviez recevoir;

et comme ils cherchaient quel temps et

quelles circonstances l’Esprit du Christ qui

était en eux indiquait, en prédisant les

souffrances du Christ et les gloires qui

devaient les suivre, il leur fut révélé que ce

n’était pas pour eux-mêmes, mais pour vous,

qu’ils étaient dispensateurs des choses qui

vous sont annoncées maintenant par ceux qui

vous ont évangélisés par l’Esprit-Saint envoyé

du ciel, et que les anges désirent contempler"

Mais les Gentils virent ces mystères du Christ

déjà réellement accomplis, voilà pourquoi il

est dit que les nations auxquelles les

prophètes ne l’avaient pas annoncé, c’est-à-

dire <n’avaient pas annoncé> le Christ,

comme il l’avait été aux Juifs, verront les

mystères déjà accomplis : "Beaucoup de

prophètes et de rois ont désiré voir ce que

vous voyez, et ne l’ont point vu."

1177. — Puis, il montre l’excellence de la

connaissance de Dieu quant à son moyen d’y

parvenir, parce que les Juifs n’en avaient

Notons que le grec contient une précision qui fait défaut dans la Vulgate; saint Paul déclare, non pas

"je n’ai pas prêché", mais "tenant à honneur (philotimotmenon) de ne pas prêcher." Cette précision

indique, chez l’Apôtre, une intention ferme, un "programme d’apostolat", et présuppose qu’il ne

considère pas Rome comme relevant de son propre domaine d’évangélisation, même s’il y séjourne : il

n’est pas le fondateur de l’Eglise de Rome.

entendu parler que par l’annonce des

prophètes "Nous avons entendu une nouvelle

venant du Seigneur, et il a envoyé <des

messagers> vers les nations " Mais les Gentils

en ont pris connaissance visuellement1092

.

Aussi est-il dit : et ceux, c’est-à-dire les

nations, qui, auparavant, n’avaient pas

entendu les prophètes annoncer le Christ,

comprendront, à savoir la vérité de la foi "Et

maintenant, rois, comprenez, laissez-vous

enseigner, vous qui jugez la terre."

Lectio 3 Leçon 3 [Versets 22 à 33]

[n° 1178] 22 C’est pourquoi j’ai été empêché

à plusieurs reprises de venir vers vous, et j’ai

été retenu jusqu’à présent.

[n° 1180] 23 Mais maintenant puisqu’il n’y a

pas lieu de rester davantage dans ces régions,

et que j’éprouve un vif désir de venir vers

vous depuis bien des années déjà;

[n° 1181] 24 lorsque je me mettrai en route

pour l’Espagne, j’espère vous voir en passant

et que vous m’y conduirez, une fois que

j’aurai un peu joui de vous.

[n° 1183] 25 Mais maintenant je m’en vais à

Jérusalem pour le service des saints.

[n° 1184] 26 Car la Macédoine et l’Achaïe

ont jugé bon de faire une mise en commun

pour les pauvres d’entre les saints qui sont à

Jérusalem.

[n° 1185] 27 Or il leur a plu aussi, et elles leur

sont redevables. Car si les Gentils ont eu part

à leurs biens spirituels, ils doivent aussi les

servir de leurs biens temporels.

[n° 1186] 28 Lors donc que j’aurai terminé

cette affaire et que je leur aurai remis ce fruit,

je partirai pour l’Espagne <en passant> par

chez vous.

[n° 1187] 29 Or je sais qu’en venant à vous,

c’est dans l’abondance de la bénédiction de

l’Evangile du Christ que j’y viendrai.

[n° 1188] 30 vous demande donc avec

obsécration, frères, par Notre Seigneur Jésus-

Christ et par la charité de l’Esprit-Saint, de

1092 Cela ne veut pas dire qu’ils ont eu des visions du Christ, mais qu’ils ont pu voir, de leurs yeux,

l’édification et le développement de ce Corps du Christ qu’est l’Eglise répandue par toute la terre, ce

que les Juifs n’avaient connu que par la voix des prophètes.

m’aider dans les prières <que vous

adresserez> à Dieu pour moi,

[n° 1191] 31 afin que je sois libéré des

infidèles qui sont en Judée et que l’offrande

que je me fais un devoir de porter à Jérusalem

soit agréée des saints;

32 en sorte que je vienne vers vous avec joie

par la volonté de Dieu et que je me repose

avec vous.

[n° 1192] 33 Que le Dieu de la paix soit avec

vous tous! Amen.

[86230] Super Rom., cap. 15 l. 3 Postquam

apostolus se excusavit de praesumptione

quae ei potuisset adscribi, ex hoc quod

Romanos instruxerat et correxerat, hic se

excusat de eo quod eos visitare distulerat. Et

circa hoc tria facit. Primo ponit

impedimentum visitationis praeteritum;

secundo ponit visitandi propositum, ibi nunc

vero ulterius, etc.; tertio promittit

visitationis fructum, ibi scio autem, et

cetera. Dicit ergo primo : dictum est :

praedicavi Evangelium per multa loca, in

quibus Christus non fuerat nominatus,

propter quod, hactenus, impediebar

plurimum, ex huiusmodi occupatione,

venire ad vos. Et istud impedimentum usque

nunc duravit, unde subdit et prohibitus sum

usque adhuc. Quod quidem potest referri ad

multitudinem occupationum quas in aliis

locis habuerat, vel etiam ad divinam

providentiam per quam apostoli

impediebantur ne pervenirent ad quosdam et

dirigebantur in salutem aliorum, secundum

illud Act. XVI, 6. — transeuntes Phrygiam

et Galatiae regionem, vetati sumus a spiritu

sancto loqui verbum in Asia. Unde et supra

I, 13 dictum est : saepe proposui venire ad

vos, et prohibitus sum usque adhuc. Et hoc

est quod dicitur Iob XXXVII, 12 de

nubibus, per quas praedicatores intelliguntur

: lustrant cuncta per circuitum quocumque

eos voluntas gubernantis duxerit. Deinde

cum dicit nunc vero ulterius, etc., manifestat

propositum suum de eorum visitatione. Et

primo promittit eis suam visitationem;

secundo assignat causam quare oporteat

1178. — I. Après s’être excusé de la

présomption qu’on pouvait lui imputer pour

avoir instruit et corrigé les Romains [n°

1163], l’Apôtre s’excuse à présent de son

retard à les visiter.

Et sur ce point il fait trois choses :

A) Il expose en premier lieu l’empêchement

qu’il a eu.

B) En deuxième lieu, son propos de les visiter

[n° 1180] : 23 Mais maintenant, etc.

C) En troisième lieu, le fruit de sa visite [n°

1187] : 29 Or je sais, etc.

1179. — A. Il est dit : j’ai prêché l’Evangile

en beaucoup de lieux où le nom du Christ

n’avait pas été proclamé, c’est pourquoi, pour

le moment, j’ai été empêché à plusieurs

reprises, à cause de cette occupation, de venir

vers vous. Et cet empêchement a duré jusqu’à

maintenant, aussi <l’Apôtre> ajoute-t-il : et

j’ai été retenu jusqu’à présent. Paroles qui

peuvent s’appliquer à la multitude des

occupations qu’il avait eues en d’autres lieux,

ou même à la divine Providence qui

empêchait les Apôtres de parvenir chez

certains et qui les dirigeait en vue du salut des

autres, selon ce passage des Actes : < Comme

ils traversaient la Phrygie et le pays de

Galatie, il leur fut défendu par l’Esprit-Saint

d’annoncer la Parole de Dieu en Asie." Et

d’où ce qui a été dit plus haut <par l’Apôtre>

: "Je me suis souvent proposé de venir chez

vous, mais j’en ai été empêché jusqu’à

maintenant." Il est écrit au livre de Job à

propos des nuées, qui signifient les

prédicateurs1093

— "Elles répandent leur

lumière; elles éclairent de toutes parts, partout

1093

Voir Glosa ordinaria in Job XXXVII, 1 lb (GOS, t. II, p. 44 lb). — Lieux parallèles Ad Rom. 1,

13; Lect. 5 (éd. Marietti, n°91); Super Psalmos, in Ps. 17, 16.

eam differre, ibi nunc igitur proficiscar,

etc.; tertio assignat eis visitationis

terminum, ibi hoc igitur cum

consummavero, et cetera. Dicit ergo primo

ita : usque modo sum prohibitus, nunc vero,

iam peragratis omnibus his locis, ulterius

non habens locum, id est necessitatem

permanendi in his regionibus, in quibus iam

per me fundata est fides, cupiditatem habens

veniendi ad vos ex multis iam

praecedentibus annis secundum illud supra

I, 11. — desidero enim videre vos, ut

aliquid impartiar vobis gratiae spiritualis,

cum in Hispaniam proficisci coepero, quo

scilicet ire intendebat ut etiam in extremis

terrae fundamenta fidei collocaret,

secundum illud Is. XLIX, 6. — dedi te in

lucem gentium, ut sis salus mea usque ad

extremum terrae, spero quod praeteriens

videbo vos. Per quod dat intelligere quod

non intendebat ad eos principaliter ire, quia

reputabat eis sufficere doctrinam Petri, qui

primus inter apostolos Romanis fidem

praedicavit. Et quia tunc Romani

dominabantur in toto occidente, eorum

auxilio et ducatu se sperabat in Hispaniam

proficisci, unde subdit et a vobis deducar

illuc. Intendebat tamen aliquam moram

apud eos contrahere; unde subdit si vobis

fruitus fuero, id est consolatus secundum

illud quod supra I, 12 dictum est : simul

consolari in vobis. Et hoc ex parte, scilicet

temporis, quia per aliquod tempus

intendebat cum eis consolari. Sed contra est

quod Augustinus dicit in libro de doctrina

Christiana, quod illis solis rebus fruendum

est, quae nos beatos faciunt, scilicet patre,

filio et spiritu sancto. Inconvenienter ergo

dicit, se fruiturum esse Romanis. Sed

dicendum est quod sicut Augustinus dicit

ibidem, hominem in se non esse fruendum,

sed in Deo, secundum illud ad Philemonem,

20. — ita, frater, ego te fruar in domino,

quod est delectari in homine propter Deum.

Et sic intelligendum est quod dicit si fuero

fruitus vobis, scilicet in Deo. Vel quod dicit

ex parte, potest referri ad bonos, quibus

où les conduit la volonté de celui qui les

gouverne."

1180. — B. Lorsqu’il dit : 23 Mais

maintenant, etc., <l’Apôtre> manifeste son

propos de les visiter. Et

1) Il leur promet d’abord sa visite.

2) Puis, il donne la raison pour laquelle il

fallait qu’il la retarde [n° 1183] : 25 Mais

maintenant je m ‘en vais, etc.

3) Enfin, il leur fixe le moment de sa visite

[n° 1186] : 28 Lors donc que j’aurai terminé,

etc.

1181. — 1. Il dit donc : J’ai été ainsi empêché

jusqu’à ce jour, mais maintenant, ayant

parcouru toutes ces contrées, puisqu’il n’y a

pas lieu, c’est-à-dire puisqu’il n’y a pas de

nécessité de rester dans ces régions, où la foi

a été implantée par <mon ministère>, et que

j’éprouve un v désir de venir vers vous depuis

bien des années déjà — <l’Apôtre le disait

déjà au début de son épître> : "Car je désire

vous voir, pour vous faire part de quelque

grâce spirituelle " —, 24 lorsque je me mettrai

en route pour l’Espagne, c’est-à-dire où il se

proposait d’aller afin d’établir, même aux

extrémités de la terre, les fondements de la foi

— selon cette parole d’Isaïe : "Voici que je

t’ai donné comme lumière des nations, afin

que tu sois mon salut jusqu’à l’extrémité de la

terre " —, j’espère vous voir en passant.

<L’Apôtre> donne à entendre par là qu’il

n’avait pas l’intention d’aller principalement

chez eux, parce qu’il estimait que la doctrine

de Pierre, lui qui fut le premier des Apôtres à

avoir prêché aux Romains, leur suffisait. Et,

parce que les Romains dominaient alors sur

tout l’Occident, il espérait que grâce à leur

concours et sous leur conduite, il partirait

pour l’Espagne, aussi ajoute-t-il : et que vous

m’y conduirez. Il avait cependant l’intention

de s’arrêter quelque temps chez eux, aussi

ajoute-t-il une fois que j’aurai joui de vous,

c’est-à-dire après avoir été consolé — selon

ce qui a été dit plus haut : "de nous consoler

mutuellement chez vous " — un peu (ex

parte), c’est-à-dire quant au temps, parce qu’il

avait l’intention <de s’arrêter> quelque temps

poterat frui in Deo. Nam alia parte, scilicet

malis, non poterat frui, sed magis de eis

dolere, sicut dicitur 2 Co XII, v. 21. — ne

cum venero, humiliet me Deus apud vos, et

lugeam multos ex his qui ante peccaverunt.

Deinde cum dicit nunc igitur proficiscar,

assignat rationem quare differebat

visitationem. Et circa hoc tria facit. Primo

ponit causam, dicens nunc igitur

proficiscar, id est ideo non statim venio ad

vos, quia proficiscor Ierusalem ministrare

sanctis. Circa quod sciendum est quod

legitur Act. c. IV, 34 s., illi qui ex Iudaeis a

principio convertebantur ad fidem, venditis

possessionibus suis, de pretio communiter

vivebant, quod cum defecisset, maxime

quadam magna fame imminente, ut legitur

Act. XI, 27 ss., discipuli, scilicet Christiani,

ex diversis partibus mundi, prout quisque

habebat, proposuerunt singuli in

ministerium mittere habitantibus in Iudaea

fratribus, quod et fecerunt, mittentes ad

seniores per manus Barnabae et Sauli.

Ministerium igitur sanctorum hic dicit

eleemosynam, quam fidelibus Christi attulit

in Ierusalem, secundum illud 1 Co ult. :

quos probaveritis, hos mittam perferre

gratiam vestram in Ierusalem, quod si

dignum fuerit, ut et ego eam, mecum ibunt.

Secundo exponit quod dixerat de ministerio

sanctorum, dicens probaverunt enim, id est

approbaverunt, Macedonia et Achaia, id est

fideles utriusque regionis, per eum conversi,

collectionem aliquam facere, id est aliquam

collectam, in pauperes Christi, id est ad

usum pauperum, qui sunt de numero

sanctorum, secundum illud Eccli. c. XII, 4.

— da iusto, et non recipias peccatorem. Qui

sunt in Ierusalem, in paupertate viventes. 2

Co IX, 1. — de ministerio quod fit in

sanctos ex abundanti est mihi scribere

vobis. Scio enim promptum animum

vestrum, pro quo de vobis glorior apud

Macedones. Tertio assignat rationes

dictorum, quarum prima est beneplacitum.

pour se consoler avec eux.

1182. — Objection.1094

Augustin dit, dans son

ouvrage De la doctrine chrétienne, qu’il ne

faut jouir seulement que de ce qui nous rend

bienheureux, à savoir du Père, du Fils et de

l’Esprit-Saint1095

. <L’Apôtre> parle donc mal

à propos <en exprimant son intention> de

jouir des Romains.

Réponse. Comme Augustin le dit dans ce

même ouvrage1096

, l’homme ne doit pas

mettre sa jouissance en lui-même, mais en

Dieu, selon cette parole : "Oui, mon frère, que

moi j’obtienne cette jouissance de toi dans le

Seigneur ", ce qui veut dire mettre sa

jouissance dans l’homme à cause de Dieu.

Ainsi faut-il entendre ce qu’il dit ici : quand

j’aurai un peu joui de vous, c’est-à-dire en

Dieu.

Ou bien ces mots : en partie (ex parte)

peuvent s’appliquer aux bons, qui pouvaient

lui donner de la jouissance en Dieu.

Car de l’autre côté, c’est-à-dire du côté des

méchants, il ne pouvait pas jouir, mais plutôt

s’affliger à leur égard, selon ce qui est dit :

"Que venant de nouveau, Dieu ne m’humilie

parmi vous, et que je n’aie à pleurer beaucoup

de ceux qui, ayant déjà péché, n’ont point fait

pénitence des impuretés, des fornications et

des impudicités qu’ils ont commises."

1183. — 2. En disant : 25 main tenant je m’en

vais, etc., <l’Apôtre> donne la raison pour

laquelle il différait sa visite. Et à ce propos

a. 1l commence par en exposer la raison, en

disant : Mais maintenant je m’en vais, c’est-à-

dire la raison pour laquelle je ne viens pas

aussitôt vers vous, c’est que je m’en vais à

Jérusalem pour le service des saints. La

lecture des Actes nous enseigne ici que ceux

d’entre les Juifs qui s’étaient convertis à la foi

dès le début, ayant vendu leurs possessions,

vivaient en commun avec le prix <de leurs

ventes>; mais cette ressource venant à

manquer, surtout à cause d’une grande famine

qui menaçait, lit-on aussi dans les Actes, "les

disciples", c’est-à-dire les chrétiens des

1094

Lieux parallèles : Somme Théologique 1a-2ae Q. 11, a. 3, obi. 1 et sol. 1; Ad Philem. 1, 20, lect. 2

(éd. Marietti, n° 28). 1095

Voir SAINT AUGUSTIN, De doctrina christiana I, V, 5 (BA 11, 184-185; HA 11/2, 82-83). 1096

Voir ibid., xxii, 20-21 (BA 11, 202-207; BA 11/2, 100-103); xxxii 36-37 (HA 11, 224-227; HA

11/2, 122-125).

Unde dicit placuit enim illis, 2 Co IX, 7. —

unusquisque prout destinavit in corde suo,

non ex tristitia aut necessitate. Secunda

causa est debitum. Unde subdit et debitores

sunt eorum. Supra XIII, 7. — reddite

omnibus debita. Rationem autem debiti

assignat, dicens nam si gentiles facti sunt

participes bonorum spiritualium, quae erant

specialiter eorum, id est Iudaeorum, scilicet

notitiae divinae, et promissionum et gratiae,

secundum illud supra IX, 4. — quorum

adoptio est filiorum et gloria, etc.; et supra

XI, 17. — socius radicis et pinguedinis

olivae factus es. Sunt etiam facti participes

spiritualium eorum, per hoc quod illi

praedicatores eis miserunt. Debent et in

carnalibus ministrare illis, secundum illud

Eccli. c. XIV, 15. — in divisione sortis da et

accipe. Et Ps. sumite Psalmum, id est

spiritualia, et date tympanum, id est

temporalia. Et ex hoc sumitur argumentum

quod debentur sumptus non solum illis qui

praedicant, sed etiam qui praedicatores

mittunt. Deinde cum dicit hoc igitur cum,

etc., praefigit terminum quo ad eos sit

venturus, dicens hoc igitur cum

consummavero, scilicet ministerium

sanctorum, et assignavero eis fructum hunc,

id est eleemosynam gentilium, quae est

quidam fructus conversionis eorum, Os. X,

1. — vitis frondosa Israel fructus est ei

adaequatus; proficiscar per vos in

Hispaniam. Sed videtur hic apostolus

falsum dicere : nunquam enim in Hispania

fuisse legitur. In Ierusalem enim captus fuit,

et exinde Romam perlatus est in vinculis, ut

habetur Act. ult., ubi est occisus simul cum

Petro. Dicunt ergo quidam quod, sicut

dicitur Act. ult., cum venisset Romam

Paulus, permissum est ei manere sibimet

cum custodiente se milite; et postea dicitur,

quod mansit biennio toto in suo conductu, et

in illo spatio dicunt eum in Hispaniam

ivisse. Sed quia hoc certum non est, potest

melius dici, quod apostolus falsum non

dixit, quia proponebat se facturum quod

diverses parties du monde, "chacun selon ses

moyens, décidèrent d’envoyer des secours

aux frères qui habitaient en Judée; ce qu’ils

firent, en les envoyant aux anciens par les

mains de Barnabé et de Saul." <L’Apôtre>

appelle donc ici service des saints l’aumône

qu’il a apportée à Jérusalem aux fidèles du

Christ, selon ce passage de la première épître

aux Corinthiens : "Ceux que vous aurez jugés

dignes, je les enverrai avec des lettres, pour

porter votre charité à Jérusalem. Que si la

chose mérite que j’y aille moi-même, ils iront

avec moi "

1184. — b. <L’Apôtre> développe ensuite

ce qu’il avait dit du service des saints, en

disant : 26 Car la Macédoine et l’Achaïe,

c’est-à-dire les fidèles de ces deux régions,

converties par <l’Apôtre> lui-même, ont jugé

bon, c’est-à-dire ont approuvé, de faire une

mise en commun, c’est-à-dire une collecte,

pour les pauvres du Christ, c’est-à-dire pour

l’usage des pauvres qui sont au nombre des

saints — selon ce passage de l’Ecclésiastique

: "Donne à celui qui est juste et n’accueille

point le pécheur1097

" — qui sont à Jérusalem,

vivant dans la pauvreté : "Quant à ce service

en faveur des saints, il est superflu pour moi

de vous en écrire. Je sais en effet votre bonne

volonté, pour laquelle je me glorifie de vous

auprès des Macédoniens."

1185. — c. Il donne enfin les raisons de ce

qu’il a dit :

— La première1098

de ces raisons est le bon

plaisir. Aussi <l’Apôtre> dit-il : 27 Or il leur

a plu ainsi. — "Que chacun donne comme il

l’a résolu en son cœur, non avec tristesse ou

par nécessité; car Dieu aime celui qui donne

avec joie."

— La seconde raison est la dette. Aussi

ajoute-t-il : et elles leur sont redevables.

— "Rendez à tous ce qui leur est dû." Et

<l’Apôtre> donne le motif de cette dette, en

disant : Car si les Gentils ont eu part à leurs

biens spirituels, qui leur appartenaient

spécialement, c’est-à-dire aux Juifs, à savoir

la connaissance de Dieu, de ses promesses et

1097

Eccli (Si) 12, 4. Pour la version citée Ici, voir Vetus latina, Sirach (Ecciesiasticus) 2, 8, éd. W.

Thiele, vol. X112, fasc. 6, p. 404-405. 1098

Lieux parallèles : Contra impugn. Dei cuit, et reiig., c. VII Somme Théologique 2 Q. 187, a. 4 sol.

2; II Ad Cor. 11, 12, lect. 3 (éd. Marietti, n 401); II Ad TIses. 3, 8-9, lect. 1 (éd. Marietti, n° 73-74).

dicebat. Et sic verba eius erant intelligenda

quasi insinuantia eius propositum, non

autem futurum eventum qui ei erat incertus;

unde non poterat hoc praedicere, nisi forte

sub conditione quam Iacobus dicit

apponendam Iac. c. IV, 15. — pro eo ut

dicatis : si dominus voluerit, et : si

vixerimus, faciemus hoc aut illud. Et sic

etiam apostolus se excusat 2 Co c. I, 17, de

hoc quod ad eos non iverat, sicut

promiserat; dicens : cum ergo volui,

numquid levitate usus sum ? Aut quae

cogito, secundum carnem cogito, ut sit apud

me est et non ? Et sic ex hoc quod ex iusta

causa praetermisit facere quod promiserat,

se immunem dicit a levitate, carnalitate et

falsitate. Et sic etiam solvit hoc Gelasius

Papa, et habetur in decretis : beatus, inquit,

Paulus apostolus non ideo, quod absit,

fefellisse credendus est, aut sibi extitisse

contrarius, quoniam cum ad Hispaniam se

promisisset iturum, dispositione divina,

maioribus occupatus causis, implere non

potuit quod promisit. Quantum enim ipsius

voluntatis interfuit, hoc pronuntiavit quod

re vera voluisset efficere. Quantum vero ad

divini secreta consilii (quae ut homo non

potuit, licet spiritu Dei plenus, agnoscere)

superna praetermisit dispositione

praeventus. Licet enim propheticum

spiritum habuerit, tamen prophetis non

omnia revelantur, ut patet IV Reg. IV, 27,

ubi Eliseus dixit : anima eius in amaritudine

est, et dominus celavit a me, et non indicavit

mihi. Deinde cum dicit scio autem, etc.,

praenuntiat eis fructum suae visitationis,

dicens scio autem, scilicet ex fiducia divinae

gratiae, quoniam veniens ad vos, in

abundantia benedictionis Christi veniam, id

est, Christus abundantius suam

benedictionem dabit vobis in meo adventu,

de qua dicitur in Ps. LXXXIII, 7. — etenim

de sa grâce, selon ce qui est écrit plus haut :

"à qui appartiennent l’adoption des fils, et la

gloire, et l’alliance, et la législation, et le culte

et les promesses." Et encore : "Tu as été fait

participant à la racine et à la grasse sève de

l’olivier." Ils ont aussi eu part à leurs biens

spirituels, parce qu’ils leur ont envoyé des

prédicateurs. — Ils doivent aussi les servir de

leurs biens temporels, selon ces paroles de

l’Ecclésiastique : "Dans le partage du sort,

donne et reçois " et du psaume 80. —

"Recevez un psaume", c’est-à-dire <recevez>

les choses spirituelles, "et donnez du

tambourin ", c’est-à-dire <donnez> les choses

temporelles1099

. Et c’est sur cela que repose la

preuve que l’on doit une rétribution non

seulement à ceux qui prêchent, mais aussi à

ceux qui envoient les prédicateurs.

1186. — B. Lorsqu’il dit : 28 Lors donc que

j’aurai terminé cette affaire, <l’Apôtre> fixe

le moment où il viendra vers eux. Lors donc,

dit-il, que j’aurai terminé cette affaire, c’est-à-

dire le service des saints, et que je leur aurai

remis ce fruit, c’est-à-dire l’aumône des

Gentils, qui est en quelque sorte un fruit de

leur conversion — "Israël était une vigne

couverte de feuilles, le fruit l’égalait " —, je

partirai pour l’Espagne <en passant> par chez

vous.

Mais l’Apôtre semble s’exprimer ici de

manière erronée, car on ne lit nulle part qu’il

ait été en Espagne. En effet, il fut pris à

Jérusalem, et de là, enchaîné, il fut transporté

jusqu’à Rome, comme le rapportent les Actes,

et c’est en ce lieu qu’il fut mis à mort en

même temps que Pierre.

En se fondant sur ces mêmes Actes, à savoir

que Paul étant venu "à Rome, on lui permit de

demeurer seul avec le soldat qui le gardait ";

et plus loin, qu’" il demeura deux ans entiers

dans le logis qu’il avait loué ", d’aucuns1100

prétendent que ce serait pendant ce laps de

1099

Voir SAINT AUGUSTIN, Enarr. in Ps. 80, 3, 4 (CCL 39, 1122). 1100

Il s’agit principalement de saint Clément de Rome, pape vers 90-100. Dans sa Lettre aux

Corinthiens (vers 95), il affirme que saint Paul a enseigné la justice au monde " jusqu’aux bornes du

couchant", ce qui signifie effectivement, pour un Romain, " jusqu’en Espagne " (V, 7; voir dans Les

Ecrits des Pères apostoliques, p. 64; SC 167, 109). De même " l’auteur du fragment de Muratori

rapporte (vers 180) que Paul y est allé " (1. 39; voir dans l’Enchi ridionfontium historiae ecclesiasticae

antiquae, B. Herder, 1914, p. 90). On ne sait rien de certain sur ce voyage, comme le dit saint Thomas,

mais il n’est pas impossible que l’Apôtre l’ait accompli.

benedictionem dabit legislator, ibunt de

virtute in virtutem. Et sic Laban dixit ad

Iacob, Gen. III, v. 27. — experimento didici

quod benedixerit mihi Deus propter te.

Deinde cum dicit obsecro, ergo, etc., petit

ab eis orationis suffragia, et primo petit

eorum orationes, secundo ipse pro eis rogat,

ibi Deus pacis, et cetera. Circa primum tria

facit. Primo inducit eos ad orandum pro se

ex tribus. Primo quidem ex superna

charitate, cum dicit obsecro ergo vos,

fratres. Ad Philemonem propter charitatem

autem magis obsecro. Secundo ex

reverentia Christi, cuius ipse erat minister,

dicens per dominum nostrum Iesum

Christum; in quo omnes unum sumus, ut

supra XII, 5 dictum est. Tertio ex dono

spiritus sancti, quod eius ministerio

tradebatur, unde subdit per charitatem

spiritus sancti, quam spiritus sanctus in

cordibus nostris diffundit, ut supra c. V, 5

dictum est. Secundo petit auxilium orationis

eorum, dicens ut adiuvetis me in orationibus

vestris pro me ad Deum, scilicet pro me

fusis. Prov. XVIII, 19. — frater qui iuvatur

a fratre, quasi civitas firma. Hoc autem, ut

Glossa dicit, non ideo dicit apostolus quia

ipse minus mereatur quam alii minores, sed

ordinem sequitur. Primo quidem ut ab

Ecclesia pro rectore suo fiat oratio,

secundum illud I Tim. II, 1 s. : obsecro

igitur primum omnium fieri obsecrationes,

orationes, postulationes, gratiarum actiones

pro omnibus hominibus, pro regibus et

omnibus qui sunt in sublimitate constituti, et

cetera. Secundo, quia multi minimi dum

congregantur unanimes, magis merentur. Et

ideo impossibile est, ut multorum preces

non impetrent. Matth. XVIII, v. 19. — si

duo ex vobis consenserint super terram, de

omni re quamcumque petierint, fiet illis a

patre meo qui est in caelis. Tertio, ut dum

multi orant, multi etiam gratias agant

exauditi, secundum illud 2 Co I, 11. —

adiuvantibus vobis in oratione pro nobis, ut

per multos gratiae agantur Deo. Tertio

temps qu’il alla en Espagne. Mais parce que

cela n’est pas certain, il vaut peut-être mieux

dire que l’Apôtre ne s’est pas exprimé de

manière erronée, parce qu’il se proposait de

faire ce qu’il disait; et dans ce sens ses paroles

doivent être comprises comme une

insinuation de son propos, mais non <comme

se rapportant à> un événement futur, qui pour

lui était incertain; aussi ne pouvait-il prévoir

cela autrement que sous la condition que

<l’Apôtre> Jacques <nous> enseigne à

appliquer : "Que ne dites-vous au contraire

"Si le Seigneur le veut", et "Si nous vivons

nous ferons ceci ou cela"." Et c’est encore

ainsi que l’Apôtre <Paul> s’excuse de ce qu’il

n’était pas allé chez eux, comme il l’avait

promis, en disant : "Ayant donc eu ce dessein,

aurais-je fait preuve de légèreté ? ou bien, ce

que je projette, le projetai-je selon la chair, de

sorte qu’en moi il y ait le oui et le non ?" Et

ainsi du fait qu’il a omis, pour une juste

cause, de faire ce qu’il avait promis, il se dit

exempt de légèreté, de vues selon la chair et

de fausseté. C’est aussi de cette manière que

le pape Gélase résout cette difficulté, et on lit

dans ses Décrets "Doit-on croire, dit-il, que

Dieu nous en préserve!, que le bienheureux

Apôtre Paul ait voulu tromper, ou qu’il ait été

en contradiction avec lui-même, parce que,

bien qu’il ait promis d’aller en Espagne,

occupé à des affaires plus importantes par une

disposition divine, il ne put accomplir ce qu’il

avait promis. Pour autant que cela dépendait

de sa propre volonté, il a exprimé ce qu’il

aurait, en réalité, voulu accomplir. Mais quant

aux secrets du divin conseil (que l’homme n’a

pu connaître, bien qu’il ait été rempli de

l’Esprit de Dieu), il les négligea après avoir

été prévenu par une disposition divine1101

."

Car, bien qu’il ait eu l’esprit prophétique,

cependant toutes choses ne sont pas révélées

aux prophètes1102

, comme on le voit au

quatrième livre des Rois, où Elisée dit : "Son

âme est dans l’amertume, et le Seigneur me

l’a caché et ne me l’a point fait connaître."

1187. — C. Lorsqu’il dit ensuite : 29 Or je

1101

PSEUDO-GÉLASE, Décrets II, cause 22, Q. 2, can. 5 (PL 59, 154 C) voir aussi GRATIEN,

Décrets, deuxième partie, cause XXII, Q. II, can. V, éd. E. Friedberg, coI. 868. 1102

Lieux parallèles Somme Théologique 2 Q. 171, a. 4; De veritate, Q. 12, a. 1, sol. 5 et 6.

ponit ea quae vult sibi impetrari, quorum

primum pertinet ad hostes quos habebat in

Iudaea. Unde dicit ut liberer ab infidelibus

qui sunt in Iudaea, qui praecipue Paulum

impugnabant et odiebant, quia fiducialiter

praedicabat cessationem legalium. Act.

XXI, 21. — audierunt de te quod

discessionem doces a Moyse, et cetera.

Secundum pertinebat ad eos in quorum

ministerium ibat. Et hoc est quod subdit et

oblatio obsequii mei, id est Ecclesia in qua

eis ministro, fiat accepta sanctis qui sunt in

Ierusalem, scilicet ut ex hac provocentur ad

gratias agendum Deo et ad orandum pro

ipsis gentibus a quibus recipiunt. Eccli.

XXXI, v. 28. — splendidum in panibus

benedicent labia multorum. Tertium pertinet

ad ipsos quibus scribebat. Unde subdit ut

veniam ad vos in gaudio, et hoc per

voluntatem Dei, contra quam nihil agere

volebat. Supra I, 10. — obsecrans si

quomodo prosperum iter habeam in

voluntate Dei veniendi ad vos. Et refrigerer

vobiscum, id est ut ex vestra praesentia

refrigerium tribulationum mearum

accipiam. Deinde cum dicit Deus autem

pacis, etc., ostendit quod pro eis orat, dicens

: Deus autem, dator pacis, sit cum omnibus

vobis, per hoc scilicet quod vos ad invicem

pacem habeatis. 2 Co ult. v. 11. — idipsum

sapite, et Deus pacis et dilectionis erit

vobiscum. Subdit amen, id est fiat. Psalmista

: et dicet omnis populus, fiat, fiat.

sais, etc., <l’Apôtre> leur annonce le fruit de

sa visite. Or je sais, à savoir par la confiance

dans la grâce divine, qu’en venant à vous,

c’est dans l’abondance de la bénédiction du

Christ que j’y viendrai, c’est-à-dire que le

Christ vous donnera plus abondamment, à

mon arrivée, sa bénédiction, dont il est dit au

psaume 83. — "Car le législateur donnera sa

bénédiction, ils iront de vertu en vertu." Et

c’est dans ce sens que Laban dit à Jacob :

"J’ai connu par mon expérience que le Dieu

m’a béni à cause de toi."

1188. — III. Lorsqu’il dit : 30 vous demande

donc avec obsécration, etc., <l’Apôtre>

demande le suffrage de leurs prières. Et

A) Il commence par demander leurs prières.

B) Puis, il prie lui-même pour eux [n° 1192].

— Que le Dieu de la paix, etc.

1189. — A. Sur le premier point il procède de

trois manières

1. Il les engage premièrement à prier pour lui

pour trois raisons

a. D’abord en raison de la charité céleste,

lorsqu’il dit : Je vous demande donc avec

obsécration, frères. <Et l’Apôtre écrit> à

Philémon : "Cependant j’aime mieux te

demander avec obsécration par charité."

b. Ensuite par respect pour le Christ, dont il

était lui-même le ministre, en disant : par

Notre Seigneur Jésus-Christ, en qui nous

sommes tous un <seul corps>, comme on l’a

dit plus haut.

c. Enfin en raison du don de l’Esprit-Saint,

qui était transmis par son ministère, aussi

<l’Apôtre> ajoute-t-il : par la charité de

l’Esprit-Saint, charité que l’Esprit-Saint

répand dans nos cœurs, comme on l’a dit plus

haut.

1190. — 2. Puis il demande le secours de leur

prière, en disant : de m’aider dans les prières

<que vous adresserez> à Dieu pour moi,

c’est-à-dire répandues à mon intention : "Un

frère qui est aidé par son frère est comme une

cité forte." Or, remarque la Glose1103

"si

l’Apôtre parle ainsi, ce n’est pas qu’il mérite

moins que ceux qui lui sont inférieurs, mais il

se conforme à un ordre" :

a. En premier lieu, "que la prière soit faite par

1103

Glosa in Rom. XV, 30 (GPL, col. 1526 D).

l’Eglise pour celui qui dirige", selon ces

paroles de <l’Apôtre> à Timothée "Je

demande donc instamment, avant tout, qu’on

fasse des obsécrations, des prières, des

demandes, des actions de grâces pour tous les

hommes, pour les rois et tous ceux qui sont

élevés en dignité, afin que nous menions une

vie paisible et tranquille, en toute piété et

chasteté1104

."

b. En deuxième lieu, parce qu’"une multitude

de simples fidèles, quand ils se rassemblent

d’un cœur unanime" méritent davantage, et

voilà pourquoi "il est impossible que les

prières d’une multitude ne soient pas

exaucées1105

." <Il est écrit dans l’évangile de>

Matthieu : "Que si deux d’entre vous

s’accordent sur la terre pour demander quoi

que ce soit, cela leur sera accordé par mon

Père qui est aux cieux."

c. En troisième lieu, quand une multitude prie,

plusieurs, ayant été exaucés, rendent grâces,

selon ce passage de la seconde épître aux

Corinthiens : "Vous-mêmes nous aiderez par

la prière, afin que ce bienfait, qu’un grand

nombre de personnes nous auront obtenu, soit

pour un grand nombre un motif d’action de

grâces" à Dieu "pour nous1106

."

1191. — 3. Enfin, <l’Apôtre> expose ce qu’il

veut qu’on demande pour lui.

a. La première de ces demandes concerne les

ennemis qu’il avait en Judée, aussi dit-il : 31

afin que je sois libéré des infidèles qui sont en

Judée, lesquels combattaient principalement

Paul et le haïssaient, parce qu’il prêchait avec

hardiesse la suppression des observances

légales : "Ils ont entendu dire de toi que tu

enseignes aux Juifs, qui sont parmi les

Gentils, d’abandonner Moïse, disant qu’ils ne

doivent point circoncire leur fils, ni marcher

selon les coutumes."

b. La deuxième demande concernait ceux

auxquels il allait porter des aumônes, d’où ce

qu’il ajoute : et que l’offrande de mon service,

c’est-à-dire que l’Eglise dans laquelle je sers

pour eux, soit agréée des saints qui sont à

Jérusalem, en sorte que par là ils soient

1104

1 Tm 2, 1-2. — Lieu parallèle 1 Ad Tim. 2, 1-2, lect. 1 (éd. Marietti, n° 55-59). 1105

Voir Glosa in Rom. XV, 30 (GPL, col. 1526 D; GOS, t. IV, p. 305a). 1106

2 Co 1, 11 Lieu parallèle IIAd Cor. 1. 11, lect. 3 (éd. Marietti, n 28).

provoqués à rendre grâces à Dieu et à prier

pour les nations elles-mêmes, dont ils

reçoivent ces aumônes : "Des lèvres de la

multitude béniront celui qui est splendide

dans les repas <qu’il donne>."

c. La troisième demande concerne ceux-là

mêmes auxquels il écrivait, aussi ajoute-t-il :

32 en sorte que je vienne vers vous dans la

joie, et cela par la volonté de Dieu, contre

laquelle il ne voulait rien faire "demandant

avec obsécration, si en quelque manière c’est

la volonté de Dieu, de m’accorder enfin un

heureux voyage pour venir jusqu’à vous " —

Et que je me repose avec vous, c’est-à-dire

que par votre présence je reçoive un

soulagement à mes tribulations.

1192. — B. Lorsque <l’Apôtre> dit : 33 Que

le Dieu de la paix soit avec vous tous, etc., il

montre qu’il prie pour eux. Que le Dieu de la

paix, le donateur de la paix, soit avec vous

tous, c’est-à-dire pour que vous, vous ayez la

paix mutuellement "N’ayez qu’un sentiment,

conservez la paix, et le Dieu de paix et de

dilection sera avec vous." Il ajoute : Amen,

c’est-à-dire fiat, ainsi soit-il1107

. <Comme> le

psalmiste <l’écrit> au psaume 105. — "Et

tout le peuple dira : "Ainsi soit-il, ainsi soit-

il."

Caput 16 CHAPITRE 16

Lectio 1 Leçon 1 [Versets 1 à 16]

[n° 1194] 1 Je vous recommande Phoebé,

notre sœur, attachée au ministère de l’Eglise

qui est à Cenchrées,

[1195] 2 afin que vous la receviez dans le

Seigneur d’une manière digne des saints, et

que vous l’assistiez en toute affaire où elle

aurait besoin de vous; car elle en a elle-même

assisté un grand nombre, et moi en particulier.

[n° 1198] 3 Saluez Prisca et Aquilas, mes

coopérateurs dans le Christ Jésus,

[n° 1199] 4 qui ont exposé leurs têtes pour ma

vie; à qui je rends grâces, non pas moi

seulement, mais aussi toutes les Eglises des

nations païennes,

1107 Lieux parallèles Super Psalmos, in Prol. (in fine); in Ps. 40, 14.

5 et <saluez> aussi l’Eglise qui est dans leur

maison. [n° 1200] Saluez Epénète, mon bien-

aimé, qui est les prémices de l’Asie pour le

Christ.

[n° 1201] 6 Saluez Marie, qui a beaucoup

travaillé pour vous.

[n° 1202] 7 Saluez Andronicus et Junie, mes

parents et compagnons de captivité, qui sont

illustres parmi les Apôtres, qui même ont été

avant moi dans le Christ.

[n° 1203] 8 Saluez Ampliatus, qui m’est très

cher dans le Seigneur.

[n° 1204] 9 Saluez Urbain, notre coopérateur

dans le Christ Jésus, et Stachys, mon bien-

aimé.

[n° 1205] 10 Saluez Apelle, qui a fait ses

preuves dans le Christ.

[n° 1206] 11 ceux de la maison d’Ans tobule.

Saluez Hérodion, mon parent. Saluez ceux de

la maison de Narcisse, qui sont au Seigneur.

[n° 1207] 12 Saluez Tryphène et Tryphose,

qui ont travaillé dans le Seigneur. Saluez ma

très chère Persis, qui a beaucoup travaillé

dans le Seigneur.

[n° 1208] 13 Saluez Rufus, l’élu dans le

Seigneur, et sa mère, qui est aussi la mienne.

[n° 1209] 14 Saluez Asyncrite, Phiégon,

Hermès, Patrobas, Hermas, et les frères qui

sont avec eux.

[n° 1210] 15 Saluez Philologue et Julie, Nérée

et sa sœur, et Olympas et tous les saints qui

sont avec eux.

[n° 1211] 16 Saluez-vous mutuellement d’un

saint baiser. Toutes les Eglises du Christ vous

saluent.

[86231] Super Rom., cap. 16 l. 1 Postquam

apostolus proposuit fidelibus Romanis

quibus scribebat quaedam familiaria

pertinentia ad suam personam, hic ponit

quaedam familiaria pertinentia ad alios. Et

circa hoc tria facit. Primo monet quid ad

alios debeant facere; secundo ostendit quid

alii ad eos agant, ibi salutat vos, etc.; tertio

epistolam finit in gratiarum actione, ibi ei

autem qui potens, et cetera. Circa primum

duo facit. Primo ostendit quos debeant

salutare; secundo ostendit quos debeant

vitare, ibi rogo autem vos, fratres. Circa

primum mandat quasdam personas salutari

in speciali; secundo ponit in generali

1193. — L’Apôtre, après avoir exposé aux

fidèles Romains, auxquels il écrivait,

quelques détails familiers concernant sa

propre personne [n° 1163], donne à présent

quelques détails familiers concernant d’autres

personnes. A cet effet

— Il commence par donner une exhortation

aux fidèles sur ce qu’ils doivent faire pour

autrui.

— Puis, il montre ce que les autres font pour

eux [n° 1221] : 21 "Timothée, mon

coopérateur, vous salue, etc."

— Enfin, il termine son épître par une action

de grâces [n° 1223] : 25 "Et à Celui qui est

puissant, etc."

modum salutationis, ibi salutate invicem, et

cetera. Tertio salutat eos in communi ex

parte fidelium, ibi salutant vos, et cetera.

Circa primum loquitur de quadam muliere

Corinthia quae Romam ibat, quam eis

recommendat, describens eam, primo, ex

nomine, dicens commendo autem vobis

Phoeben, quae licet esset Deo devota, non

tamen erat tantae auctoritatis ut

commendatitiis litteris non egeret, sicut ipse

de se dicit 2 Co III, 1. — aut numquid

egemus, sicut quidam, commendatitiis

litteris ? Secundo describit eam ex fidei

religione, dicens sororem nostram. Omnes

enim mulieres fideles, sorores vocantur,

sicut et omnes viri fratres. Matth. XXIII, 8.

— omnes vos fratres estis. Tertio ex officio

pietatis, cum dicit quae est in ministerio

Ecclesiae, quae est in Cenchris, portu

Corinthiorum, ubi aliqui Christiani erant

congregati, quibus dicta mulier serviebat,

sicut et de ipso Christo Lc. c. VIII, 3 dicitur

quod quaedam mulieres ministrabant ei de

facultatibus suis. Et de vidua eligenda

dicitur I Tim. V, 10. — si hospitio recepit,

si pedes sanctorum lavit. Deinde dicit duo

in quibus vult eam commendatam haberi,

quorum primum est ut honeste recipiatur. Et

hoc est quod dicit ut suscipiatis eam in

domino, id est propter amorem Dei. Digne

sanctis, id est secundum quod dignum est

recipi sanctos, secundum illud Matth. X, 11.

— qui recipit iustum in nomine iusti,

mercedem iusti recipiet. Quidam libri

habent, digne satis, id est, convenienter;

tamen littera non concordat cum Graeco.

Secundum est ut eam sollicite adiuvent.

Unde subdit ut assistatis ei, scilicet

consilium et auxilium ferendo in

quocumque negotio vestri indiguerit.

Habebat enim forte aliquid expedire in curia

Caesaris. Sed contra hoc videtur esse quod

dicitur I Thess. IV, 11. — vestrum negotium

agatis, quasi dicat : non intromittatis vos de

negotiis alienis. Sed dicendum est quod

assistere negotiis alienis contingit dupliciter.

Uno modo saeculariter, id est propter

favorem hominum vel lucra, et hoc non

Sur le premier point, <l’Apôtre> montre deux

choses :

— D’abord, ceux que <les fidèles> doivent

saluer.

— Puis, ceux qu’ils doivent éviter [n° 1213] :

17 "Mais je vous prie, frères, etc."

I) Il recommande donc premièrement de

saluer quelques personnes en particulier.

II) II indique deuxièmement d’une manière

générale le mode de salutation [n° 1211] : 16

Saluez-vous mutuellement, etc.

III) Troisièmement, il les salue en général de,

la part des fidèles [n° 1212]

Toutes les Eglises du Christ vous saluent.

1194. — I. <Parmi les personnes qu’il salue

spécialement, l’Apôtre> mentionne une

femme de Corinthe qui allait à Rome. Il la

leur recommande, en la désignant d’abord par

son nom, en disant : 1 Je vous recommande

Phoebé1108

qui, bien que consacrée à Dieu,

n’avait cependant pas une autorité telle

qu’elle puisse se passer de lettres de

recommandation, comme <l’Apôtre> le dit de

lui-même : "Commencerons-nous de nouveau

à nous recommander nous-mêmes ? ou,

comme certains, avons-nous besoin de lettres

de recommandation auprès de vous, ou même

de vous ?"

Puis, il la décrit par sa foi et sa religion, en

disant : notre sœur. Car toutes les femmes

croyantes sont appelées sœurs, comme tous

les hommes sont aussi appelés frères : "Vous

êtes tous frères."

Enfin, <il la décrit> par son ministère de

piété, lorsqu’il dit : attachée au ministère de

l’Eglise qui est à Cenchrées, port de Corinthe,

où quelques chrétiens s’étaient rassemblés; et

cette femme les servait, comme il est dit du

Christ lui-même, que quelques femmes

"l’assistaient de leurs biens." Et sur le choix

des veuves il est dit : "Elle devra produire le

témoignage de ses bonnes œuvres : si elle a

élevé des enfants, si elle a exercé l’hospitalité,

si elle a lavé les pieds des saints, si elle a

secouru les affligés, si elle a pratiqué toutes

les formes de la bien aisance

1195. — Ensuite <l’Apôtre> mentionne deux

1108

Beaucoup d’exégètes modernes voient dans Phœbé la porteuse de la lettre de saint Paul.

convenit servis Dei. II Tim. c. II, 4. — nemo

militans Deo implicat se negotiis

saecularibus. Alio modo assistit aliquis

negotiis alienis ex pietate, puta in auxilium

indigentium et miserorum et hoc est

religiosum, secundum illud Iac. I, 27. —

religio munda et immaculata apud Deum et

patrem haec est : visitare pupillos et viduas

in tribulatione eorum. Et hoc modo

apostolus hic loquitur. Ultimo autem

ostendit apostolus meritum eius, quare hoc

sibi debeatur, dicens etenim ipsa quoque

multis astitit et mihi ipsi. Is. III, 10. — dicite

iusto quoniam bene, retributio enim

manuum eius fiet ei. Matth. V, 7. — beati

misericordes, quoniam ipsi misericordiam

consequentur. Deinde mandat salutari

quasdam alias personas sibi coniunctas,

dicens salutate Priscam et aquilam, qui erat

vir Priscae, sed mulierem praeponit, forte

propter maiorem fidei devotionem,

adiutores meos in Christo Iesu, id est in fide

Christi praedicanda. Apud enim eos

Corinthi hospitabatur, ut habetur Act.

XVIII, 2 s. Qui pro anima mea suas

cervices supposuerunt, id est seipsos mortis

periculo exposuerunt pro vita mea

conservanda, quod est indicium maximae

charitatis. Io. XV, 13. — maiorem hac

dilectionem nemo habet, ut animam suam

ponat quis pro amicis suis. Hoc autem

videtur factum fuisse Corinthi, ubi Paulus

persecutionem est passus, sicut habetur Act.

XVIII, 6. Vel forte melius dicendum est

quod alii se periculo pro apostolo

exposuerunt. Nam illud quod legitur Act.

XVIII, 2, factum fuit quando Prisca et

aquila de Roma recedentes Corinthum

venerunt, ut ibidem dicitur. Sed hoc

scribebat apostolus quando adhuc

aestimabat eos esse Romae. Vita autem

apostoli, non tam sibi quam aliis necessaria

erat, secundum illud Phil. I, v. 24. —

permanere autem in carne necessarium

propter vos. Et ideo subdit quibus non

solum ego gratias ago, sed et cunctae

choses sur lesquelles il veut que cette

recommandation soit prise en considération :

La première, c’est qu’on la reçoive avec

honneur; aussi dit-il : 2 afin que vous la

receviez dans le Seigneur, c’est-à-dire pour

l’amour de Dieu. D’une manière digne des

saints, c’est-à-dire ainsi qu’il convient de

recevoir les saints, selon cette parole de

Matthieu : "Qui reçoit un juste en tant que

juste recevra une récompense de juste "

Quelques manuscrits1109

lisent : "assez

dignement", c’est-à-dire convenablement,

mais cette version ne concorde pas avec le

grec. La seconde, c’est de l’aider avec

sollicitude; aussi <l’Apôtre> ajoute-t-il : et

que vous l’assistiez, c’est-à-dire en lui

apportant votre conseil et votre secours en

toute affaire où elle aurait besoin de vous. Car

peut-être avait-elle quelque affaire à traiter à

la cour de César <Néron>.

1196. — Objection. Il semble que <l’Apôtre>

dit dans sa première épître aux

Thessaloniciens : "Nous vous exhortons à

vous occuper de ce qui vous est propre ",

autrement dit : Ne vous immiscez pas dans les

affaires d’autrui.

Réponse. On peut prêter assistance à autrui

dans ses affaires de deux manières

A. D’abord, à la manière du siècle, c’est-à-

dire en vue de la faveur des hommes ou du

profit, et cette assistance ne convient pas aux

serviteurs de Dieu : "Quiconque est enrôlé au

service de Dieu ne s’embarrasse point dans

les affaires du siècle, afin de satisfaire celui à

qui il s’est donné."

B. Puis, on prête assistance à autrui dans ses

affaires par piété, par exemple en secourant

les indigents et les malheureux; ce qui est un

acte religieux1110

, selon ces paroles de Jacques

"La religion pure et sans tache devant Dieu le

Père, la voici Visiter les orphelins et les

veuves dans leurs tribulations, et se garder

sans tache à l’écart de ce siècle." Et c’est dans

ce sens que <l’Apôtre> parle ici.

1197. — Enfin, <l’Apôtre> montre le mérite

<de Phoebé>, qui lui donne droit à cette

1109

Voir notamment dans le codex Fuldensis; dans Glosa in Rom. XVI, 2 (GPL, 1527 D-1528 A), sous

le nom d’Haymon, Expo sitio in epistolam ad Romanos XVI, 2 (PL 117, 503 D). 1110

Lieux parallèles : Somme Théologique 2a-2ae, Q. 187, a. 2; Q. 188, a. 2, sol. 2.

Ecclesiae gentium : quarum sum apostolus

et doctor I Tim. II, 7. — doctor gentium in

fide et veritate. Et etiam salutate

domesticam eorum Ecclesiam. Habebant

enim in domo sua multos fideles

congregatos. Deinde vult alium salutari sibi

dilectione coniunctum, dicens salutate

Ephenetum dilectum mihi, qui est primitivus

Asiae in Christo. Primus enim in tota Asia

fuit ad fidem Christi conversus, quod erat ei

ad magnam dignitatem, Hebr. XII, 22 s. :

accessistis ad Ecclesiam primitivorum, qui

conscripti sunt in caelis. Tunc autem erat

Romae. Deinde dicit salutate Mariam, quae

multum laboravit in vobis, ad hoc ut eos ad

concordiam revocaret, quae cum hoc facere

non posset, significavit apostolo. Sap. c. III,

15. — bonorum laborum gloriosus est

fructus. Deinde dicit salutate Andronicum et

Iuniam, quos, primo, describit ex genere,

cum dicit cognatos meos. In quo ostendit

eos fuisse Iudaeos, de quibus supra c. IX, 3.

— qui sunt cognati mei secundum carnem.

Secundo ex passione pro Christo suscepta,

dicens et concaptivos meos. Fuerant enim

aliquando cum apostolo Christi incarcerati.

2 Co XI, 23. — in carceribus abundantius.

Tertio ex auctoritate, cum dicit qui sunt

nobiles in apostolis, id est nobiles inter

praedicatores, secundum illud Prov. ult. :

nobilis in portis vir eius. Quarto ex tempore,

cum dicit et ante me fuerunt in Christo Iesu.

Prius enim fuerunt conversi quam ipse

apostolus et ex hoc eis maior reverentia

debebatur. I Tim. V, 1. — seniorem te ne

increpaveris, sed obsecra ut patrem. Deinde

dicit salutate ampliatum dilectum meum in

domino, scilicet dilectione charitatis, quae

est in Christo. Phil. I, 8. — testis est mihi

Deus, quomodo cupiam omnes vos esse in

visceribus Christi. Deinde dicit salutate

Urbanum adiutorem nostrum in Christo,

scilicet in praedicatione fidei, Prov. XVIII,

19. — frater qui adiuvatur a fratre, et

cetera. Et Stachyn dilectum meum, quos

coniungit, quia forte simul habitabant, vel

aliqua alia necessitudine erant coniuncti.

Deinde dicit salutate Apellen, probum in

assistance, en disant : car elle en a elle-même

assisté un grand nombre, et moi en

particulier. — Il est écrit dans <le livre

d’>Isaïe "Dites au juste qu’il est heureux, car

il recevra le salaire de ses mains1111

." Et dans

<l’évangile de> Matthieu "Bien heureux les

miséricordieux, parce qu’ils obtiendront eux-

mêmes miséricorde."

1198. — <L’Apôtre> recommande ensuite de

saluer quelques autres personnes qui lui sont

unies, en disant : Saluez Prisca et Aquilas, qui

était l’époux de Prisca; mais il nomme

d’abord l’épouse, sans doute à cause de la

plus grande ferveur de sa foi; mes

coopérateurs dans le Christ Jésus, c’est-à-dire

dans la prédication de la foi du Christ. C’était

en effet chez eux qu’il recevait l’hospitalité à

Corinthe, comme on le lit dans les Actes.

1199. — 4 Qui ont exposé leurs têtes pour ma

vie, c’est-à-dire qui se sont exposés eux-

mêmes au péril de leur mort pour me sauver

la vie, ce qui est une preuve de très grande

charité : "Personne n’a de plus grand amour

que celui qui donne sa vie pour ses amis "

Cela semble avoir eu lieu à Corinthe, où Paul

a souffert la persécution, comme on le voit

dans les Actes. Ou bien, il vaut mieux peut-

être dire que d’autres s’exposèrent au danger

pour l’Apôtre, car ce qu’on lit au chapitre 18

des Actes se passa lorsque Prisca et Aquilas

s’éloignèrent de Rome pour venir à Corinthe,

ainsi qu’on le rapporte au même endroit. Mais

l’Apôtre écrivait cela quand il croyait encore

qu’ils étaient à Rome. Or la vie de l’Apôtre

n’était pas aussi nécessaire à lui-même qu’aux

autres, selon ce passage de l’épître aux

Philippiens : "Demeurer dans la chair <est>

chose nécessaire pour vous." Et c’est

pourquoi <l’Apôtre> ajoute : à qui je rends

grâces, non pas moi seulement, mais aussi

toutes les Eglises des nations païennes, dont

je suis l’Apôtre et le docteur : "J’ai été établi

moi-même prédicateur et Apôtre (je dis la

vérité, je ne mens point), docteur des nations

dans la foi et la vérité." — Et <saluez> aussi

l’Eglise qui est dans leur maison. Ils avaient,

en effet, dans leur maison plusieurs fidèles

qui se réunissaient.

1111

Is 3, 10 a et 11 b. Le verset I lb s’applique, selon Isaïe, à l’impie et non au juste.

Christo, id est approbatum in Christo forte

per aliquas tribulationes. Iob c. XXIII, 10.

— probavit me quasi aurum quod per ignem

transit. Deinde dicit salutate omnes qui sunt

ex domo, id est ex familia Aristoboli, in

cuius domo multi fideles erant congregati,

quem non salutat, quia forte ex aliqua causa

erat absens. Deinde dicit salutate

Herodionem cognatum meum, qui ex hoc

ipso dicitur fuisse Iudaeus. Deinde dicit

salutate omnes qui sunt ex domo Narcissi,

qui dicitur fuisse presbyter et peregrinabatur

per deserta loca ut fideles Christi

confortaret. Unde quia tunc eum absentem

noverat esse apostolus non mandat eum

salutari, sed familiam eius. Erant tamen in

eius familia aliqui infideles, et ideo ad

discretionem subdit qui sunt in domino, quia

solos fideles salutari mandat. II Io. V, 10. —

si quis venit ad vos, et hanc doctrinam non

affert, nolite recipere eum in domum, nec

ave dixeritis ei. Deinde dicit salutate

Tryphaenam et Tryphosam quae

laboraverunt in domino, id est in ministerio

sanctorum, quod dominus sibi reputat fieri,

secundum illud Matth. XXV, 40. — quod

uni ex minimis meis fecistis, mihi fecistis.

Deinde dicit salutate Persidem charissimam

meam, quam scilicet apostolus propter eius

devotionem specialiter diligebat. Unde

subdit quae multum laboravit in domino,

scilicet exhortando alios et ministrando

sanctis, et etiam in paupertate et aliis

spiritualibus laboribus. 2 Co XI, 27. — in

laboribus, in ieiuniis, in vigiliis, et cetera.

Deinde dicit salutate Rufum electum in

domino, id est, in gratia Christi, Eph. I, 4. —

elegit nos in ipso ante mundi

constitutionem, et matrem eius, scilicet

carne, et meam, quia fuit eius mater

beneficio. Aliquando enim servierat

apostolo, licet tunc Romae non esset. I Tim.

V, 2. — anus ut matres, iuvenculas ut

sorores in omni castitate. Deinde dicit

salutate Asyncritum, Hermem, Patrobam,

Hermam et qui cum eis sunt fratres, quos

simul salutat, quia simul concorditer

habitabant. Ps. LXVII, v. 6. — qui habitare

1200. — Il veut ensuite qu’on salue un autre

<fidèle> qui lui est uni par l’affection, en

disant : Saluez Epénète, mon bien-aimé, qui

est les prémices de l’Asie pour le Christ, car il

fut le premier dans toute l’Asie à se convertir

à la foi du Christ, ce qui était pour lui un

grand titre d’honneur : "Vous vous êtes

approchés de la montagne de Sion, de la cité

du Dieu vivant, de la Jérusalem céleste,,

d’une réunion de myriades d’anges, de

l’Eglise des premiers-nés qui sont inscrits

dans les cieux, d’un Dieu juge de tous, et des

esprits des justes qui ont été rendus parfaits, et

de Jésus médiateur d’une Alliance nouvelle,

et d’une aspersion de sang plus éloquente que

celle d’Abel." <Epénète> était alors à Rome.

1201. — <L’Apôtre> ajoute : 6 Saluez Marie,

qui a beaucoup travaillé pour vous, c’est-à-

dire afin de les ramener à la concorde, et ne

pouvant y parvenir, elle le fit savoir à

l’Apôtre : "Le fruit des bons travaux est

glorieux."

1202. — Puis il dit : Saluez Andronicus et

Junie, qu’il décrit :

1. En premier lieu par leur naissance, lorsqu’il

dit : mes parents. Il montre par là qu’ils

étaient Juifs, et <de la race> de ceux dont il a

parlé plus haut : "qui sont mes parents selon

la chair."

2. En deuxième lieu, <il les décrit> par les

souffrances qu’ils ont endurées pour le Christ,

en disant : et compagnons de captivité, car ils

avaient été autrefois en prison avec l’Apôtre

du Christ : "Ayant enduré plus de prisons."

3. En troisième lieu, <il les décrit> par leur

autorité, lorsqu’il dit : qui sont illustres parmi

les Apôtres, c’est-à-dire illustres parmi les

prédicateurs1112

, selon cette parole des

Proverbes : "Illustre sera son époux aux

portes de la ville, quand il siégera avec les

sénateurs de la terre."

4. En quatrième lieu, <il les décrit> par

l’époque <de leur conversion>, lorsqu’il dit :

qui même ont été avant moi dans le Christ

Jésus. Car ils se convertirent avant l’Apôtre

lui-même, et pour cette raison on leur devait

un plus grand respect : "Ne réprimande pas un

1112

Voir Glosa in Rom. XVI, 7 (GPL, coI. 1528 C).

facit unius moris in domo. Deinde dicit

salutate Philologum et Iuliam, Nereum et

sororem eius Olympiadem, et omnes qui

cum eis sunt sanctos, id est in fide Christi

sanctificatos. 1 Co VI, 11. — abluti estis et

sanctificati estis. Deinde ostendit modum

quo se generaliter salutent, dicens salutate

invicem in osculo sancto, quod dicitur ad

differentiam osculi libidinosi, de quo dicitur

Prov. c. VII, 13. — apprehensum

deosculatur iuvenem. Et etiam dolosi, de

quo dicitur Prov. c. XXVII, 6. — meliora

sunt vulnera diligentis, quam fraudulenta

oscula inimici. Osculum autem sanctum est

quod in signum sanctae Trinitatis datur.

Cant. I, 1. — osculetur me osculo oris sui.

Exinde autem mos in Ecclesia inolevit ut

fideles inter Missarum solemnia invicem

dent oscula pacis. Deinde salutat eos ex

parte aliarum Ecclesiarum, dicens salutant

vos omnes Ecclesiae Christi, id est, in

nomine et fide Christi congregatae quia

omnes vestram salutem optant et pro vobis

orant. Iac. ult. : orate pro invicem ut

salvemini.

vieillard, mais demande-lui avec obsécration

comme <à ton> père."

1203. — Il dit ensuite : 8 Saluez Ampliatus,

qui m’est très cher dans le Seigneur, c’est-à-

dire par l’affection de la charité qui est dans le

Christ : "Dieu m’est témoin combien je

soupire après vous tous dans les entrailles du

Christ."

1204. — <L’Apôtre> ajoute : Saluez Urbain,

notre coopérateur dans le Christ, c’est-à-dire

<notre coopérateur> dans la prédication de la

foi : "Un frère qui est aidé par son frère est

comme une cité forte." — Et Stachys, mon

bien-aimé. <L’Apôtre> l’associe à Urbain,

<soit> parce qu’ils habitaient peut-être

ensemble, soit parce qu’ils étaient unis pour

quelque autre nécessité.

1205. — <L’Apôtre> continue : 10 Saluez

Apelle, qui a fait ses preuves dans le Christ,

c’est-à-dire qui a été éprouvé dans le <service

du> Christ, peut-être par quelques tribulations

: "Il m’a éprouvé1113

comme l’or qui passe par

le feu."

1206. — <L’Apôtre> poursuit : Saluez tous

ceux de la maison, c’est-à-dire de la famille

d’Aristobule, dans la maison duquel étaient

réunis un grand nombre de fidèles. Il ne le

salue pas, parce que peut-être était-il absent

pour quelque motif. Il dit ensuite : Saluez

Hérodion, mon parent, indiquant par là qu’il

était Juif. Saluez tous ceux qui sont de la

maison de Narcisse, qui, dit-on, était prêtre et

parcourait les lieux écartés pour affermir les

fidèles du Christ Aussi l’Apôtre, le sachant

absent, ne le fait pas saluer, mais sa famille.

Cependant, il y avait dans sa famille quelques

infidèles, aussi l’Apôtre ajoute-t-il par

discrétion : qui sont au Seigneur, car il ne fait

saluer que les fidèles : "Si quelqu’un vient à

vous et n’apporte point cette doctrine, ne le

recevez pas dans votre maison et abstenez-

vous de le saluer."

1207. — Il dit ensuite : 12 Saluez Tryphène et

Tryphose, qui ont travaillé dans le Seigneur,

c’est-à-dire au service des saints, service que

le Seigneur regarde comme étant rendu à lui-

même, selon cette parole de Matthieu : "Ce

1113

Voir Glosa in Rom. XVI, 10 (GPL, col. 1528 C).

que vous avez fait à l’un de mes plus petits,

c’est à moi que vous l’avez fait1114

." —

Saluez ma très chère Persis, à savoir celle que

l’Apôtre affectionnait spécialement à cause de

sa dévotion1115

aussi ajoute-t-il : qui a

beaucoup travaillé dans le Seigneur, à savoir

en exhortant les autres et en servant les saints,

même dans la pauvreté et les autres travaux

spirituels." Dans les travaux, dans les jeûnes,

dans les veilles, etc.1116

"

1208. — Saluez Rufus, l’élu dans le Seigneur,

c’est-à-dire dans la grâce du Christ — "Il

nous a élus en lui avant la fondation du

monde, afin que nous soyons saints et

immaculés en sa présence, dans la charité " —

et sa mère, c’est-à-dire selon la chair, qui est

aussi la mienne, parce qu’elle fut sa mère par

ses bienfaits. En effet, elle avait autrefois

servi l’Apôtre, bien qu’alors elle ne fût pas à

Rome : "Exhorte les jeunes hommes, comme

tes frères, les femmes âgées, comme tes

mères, les jeunes, comme tes sœurs, en toute

chasteté."

1209. — Il ajoute : 14 Saluez Asyncrite,

Phiégon, Hermès, Patrobas, Hermas, et les

frères qui sont avec eux; il les salue ensemble,

parce qu’ils habitaient ensemble et en bon

accord : "Lui qui fait habiter d’un seul cœur

dans sa maison."

1210. — Il ajoute : 15 Saluez Philologue et

Julie, Nérée et sa sœur, et Olympas, et tous

les saints qui sont avec eux, c’est-à-dire qui

ont été sanctifiés dans la foi du Christ "Mais

vous avez été lavés, mais vous avez été

sanctifiés."

1211. — <L’Apôtre>1117

montre ensuite le

mode par lequel ils se saluent d’une manière

générale, en disant : 16 Saluez-vous

mutuellement d’un saint baiser, à la

différence du baiser libidineux, dont il est dit

au livre des Proverbes : "Et se jetant sur le

jeune homme, elle l’embrasse." Et aussi du

1114

Mt 25, 40. Ce texte abrégé par rapport à la Vulgate semble emprunté à une antienne du commun

du Graduel romain (lundi après le premier dimanche de carême), qui vers le xr siècle a remplacé

l’antienne psalmique (Ps 3). Voir M. -Ph. SCHUERMANS, Parole de Dieu et rite sacramentel. Etude

critique des antiennes de communion nêotestamentaires, p. 42, n. 1. 1115

Lieu parallèle Somme Théologique 2a-2 Q. 82. 1116

2 Co 11, 27 (citation non littérale, plus proche de 2 Co 6, 5). 1117

Lieux parallèles II Ad Cor. 13, 12, lect. 3 (éd. Marietti, n 1 Ad Thes. 5, 26, lect. 2 (éd. Marietti, n

139).

baiser trompeur : "Les baisers que fait celui

qui aime valent mieux que les baisers

trompeurs de l’ennemi " Mais le saint baiser

est celui qu’on donne en signe de la sainte

Trinité : "Qu’il me baise d’un baiser de sa

bouche." De là cette coutume implantée dans

l’Eglise, que les fidèles se donnent

mutuellement le baiser de paix, au cours de la

sainte messe.

1212. — III. Enfin <l’Apôtre> les salue de la

part, des autres Eglises, en disant : Toutes les

Eglises du Christ vous saluent, c’est-à-dire les

Eglises rassemblées au nom et dans la foi du

Christ, parce que toutes souhaitent votre salut

et prient pour vous "Priez les uns pour les

autres, afin que vous soyez sauvés."

Lectio 2 Leçon 2 [Versets 17 à 27]

[n° 1214] 17 Mais je vous prie, frères,

d’observer ceux qui causent des dissensions et

des occasions de chute contre la doctrine que

vous avez apprise, et détournez-vous d’eux.

[n° 1218] 18 Car ces sortes de gens ne servent

pas le Christ Notre Seigneur, mais leur ventre,

et par de douces paroles et des bénédictions

ils séduisent les cœurs des innocents.

[n° 1219] 19 Votre obéissance s’est fait

connaître en tout lieu. Je me réjouis donc à

votre sujet, mais je veux que vous soyez sages

dans le bien et simples dans le mal.

[n° 1220] 20 Le Dieu de la paix écrasera

Satan sous vos pieds rapidement. Que la grâce

de Notre Seigneur Jésus-Christ soit avec

vous!

[n° 1221] 21 Timothée, mon coopérateur,

vous salue, ainsi que Lucius, Jason et Sosi

patros, mes parents.

22 Je vous salue dans le Seigneur, moi

Tertius, qui ai écrit cette lettre,

23 Caïus, mon hôte, et toute l’Eglise, vous

saluent. Eraste, le trésorier de la ville, vous

salue, ainsi que Quartus, <notre> frère.

[n° 1222] 24 Que la grâce de Notre Seigneur

Jésus-Christ soit avec vous tous. Amen.

[n° 1223] 25 Et à celui q est puissant pour

vous affermir selon mon Evangile et la

prédication de Jésus-Christ, selon la

révélation du mystère tu aux temps éternels,

[n° 1226] 26 qui maintenant est révélé par les

écrits prophétiques, selon l’ordre du Dieu

éternel, en vue de l’obéissance de la foi, <et

qui est> connu parmi toutes les nations;

[n° 1227] 27 à Dieu <qui> seul <est> sage,

par Jésus-Christ, (à qui) <reviennent>

honneur et gloire dans les siècles des siècles.

Amen.

[86232] Super Rom., cap. 16 l. 2 Postquam

apostolus mandavit quos salutarent hic

ostendit eis quos debeant vitare. Et circa hoc

tria facit. Primo docet quos debeant vitare;

secundo rationem assignat, ibi huiusmodi

enim, etc.; tertio promittit eis divinum

auxilium ad hoc implendum, ibi Deus autem

pacis, et cetera. Et quia illi quos vitari

volebat fraudulenter incedebant decipientes

sub specie pietatis, secundum illud Matth.

VII, 15. — veniunt ad vos in vestimentis

ovium, intrinsecus autem sunt lupi rapaces;

ideo, primo, inducit eos ad cautelam

habendam, dicens rogo autem vos, fratres,

ut observetis eos qui dissensiones et

offendicula praeter doctrinam quam vos

didicistis, faciunt. Ubi, primo,

considerandum est quod observare, nihil

aliud est quam diligenter considerare, quod

quidem quandoque in bono sumitur,

quandoque in malo. In malo quidem

sumitur, quando aliquis diligenter considerat

conditionem et processum alicuius ad

nocendum, secundum illud Ps. XXXVI, 12.

— observabit peccator iustum et stridebit

super eum dentibus suis. Et Lc. XIV, v. 1

dicitur : et ipsi observabant eum. In bono

autem accipitur, uno modo, quando quis

considerat praecepta Dei ad faciendum. Ex.

XXIII, 21. — observa igitur et audi vocem

eius. Alio modo quando diligenter

considerat bonos ad imitandum, secundum

illud Phil. III, 17. — imitatores mei estote,

fratres, et observate eos qui ita ambulant,

sicut habetis formam nostram. Tertio

observantur mali ad cavendum, et ita

accipitur hic. Erant enim quidam ad fidem

conversi ex Iudaeis, qui praedicabant legalia

esse observanda, et ex hoc, primo, quidem

in Ecclesia sequebantur dissensiones et

sectae, dum quidam eorum errori

1213. — I. Après avoir recommandé ceux

qu’ils devaient saluer [n° 1193], l’Apôtre leur

montre ceux qu’ils doivent éviter. Et dans ce

dessein il fait trois choses

A) Il montre d’abord qui ils doivent éviter.

B) Puis, il en donne la raison [n° 1218] Car

ces sortes de gens, etc.

C) Enfin, il leur promet le secours divin pour

accomplir cette recommandation [n° 1220] :

20 Le Dieu de la paix, etc.

1214. — A. Et, parce que ceux qu’il voulait

éviter s’avançaient frauduleusement,

séduisant sous une apparence de piété, selon

ces paroles de Matthieu : "Gardez-vous des

faux prophètes qui viennent à vous sous des

vêtements de brebis, tandis qu’au-dedans ce

sont des loups rapaces ", <l’Apôtre> les

exhorte tout d’abord à avoir de la prudence,

en disant : 17 Mais je vous prie, frères,

d’observer ceux qui causent des dissensions

et des occasions de chute contre la doctrine

que vous avez apprise.

1215. — Il faut d’abord remarquer ici

qu’observer, ce n’est pas autre chose que

considérer avec attention, ce qui est pris

parfois <dans le sens du> bien, parfois <dans

le sens du> mal.

On le prend <dans le sens du> mal, quand on

considère avec attention la condition et le

progrès d’autrui afin de lui nuire, selon cette

parole <du psalmiste> : "Le pécheur

observera le juste et grincera des dents contre

lui " Et il est dit dans <l’évangile de> Luc : "Il

arriva que comme Jésus était entré un jour de

sabbat dans la maison d’un chef des

pharisiens pour y manger du pain, ceux-ci

l’observaient"

On le prend <dans le sens du> bien, soit

quand on considère les préceptes de Dieu en

vue de les accomplir : "Observe et écoute sa

voix "; soit quand on considère attentivement

adhaererent, alii vero in vera fide

persisterent. Gal. V, 20. — dissensiones,

sectae, et cetera. Secundo sequebantur

offendicula et scandala, de quibus supra

XIV actum est, dum quidam alios

iudicarent, et alii alios spernerent, qui

dissensiones et offendicula faciunt. Is. c.

LVII, 14. — auferte offendicula de medio

populi mei. Dicit autem praeter doctrinam

quam vos didicistis a veris Christi apostolis,

ut ostendat quod huiusmodi dissensiones et

scandala ex falsitate doctrinae proveniebant.

Gal. I, 9. — si quis vobis evangelizaverit

praeter id quod accepistis, anathema sit.

Secundo, monet ut cogniti vitentur, dicens

et declinate ab illis, id est eorum doctrinam

et consortia fugiatis. Ps. CXVIII, v. 115. —

declinate a me, maligni, et scrutabor

mandata Dei mei. Deinde cum dicit

huiusmodi enim, etc., assignat eius quod

dixerat duas rationes, quarum prima sumitur

ex parte eorum quos vult vitari. Et primo

describit eorum intentionem, dicens

huiusmodi enim homines non serviunt

Christo domino, sed suo ventri. Non enim

praedicabant propter gloriam Christi, sed

propter quaestum, ut suum ventrem

implerent. Phil. III, 18. — multi ambulant

quos saepe dicebam vobis, nunc autem et

flens dico, inimicos crucis Christi, quorum

Deus venter est. Secundo describit eorum

deceptionem, dicens et per dulces sermones

seducunt corda innocentium, id est,

simplicium et imperitorum. Prov. XIV, 15.

— innocens credit omni verbo. Per dulces

sermones in quibus sanctitatem praetendunt,

secundum illud Ps. XXVII, v. 3. — qui

loquuntur pacem cum proximo suo, mala

autem in cordibus eorum. Et benedictiones,

quibus scilicet benedicunt et adulantur illis

qui eos sequuntur. Is. III, v. 12. — popule

meus, qui beatum te dicunt, ipsi te

decipiunt. Mal. II, 2. — maledicam

benedictionibus vestris. Secundam rationem

assignat ex conditione Romanorum, qui

faciles se exhibebant ad sequendum bonum

et malum. Unde primo commendat eos de

facilitate ad bonum, dicens vestra enim

obedientia, qua de facili fidei obedistis, in

omni loco divulgata est, propter dominium

les bons en vue de les imiter, selon cette

parole <de l’Apôtre> aux Philippiens : "Mes

frères, soyez mes imitateurs, et observez ceux

qui marchent selon le modèle que vous avez

en nous " Enfin on observe les méchants pour

s’en garder, et c’est dans ce sens que <le mot

"observer"> est pris ici.

1216. — Car il y avait quelques Juifs

convertis qui affirmaient qu’on était tenu aux

observances légales; ce qui entraînait

premièrement dans l’Eglise des dissensions et

des sectes, certains d’entre eux adhérant à leur

erreur, d’autres persistant dans la vraie foi :

"Or on connaît aisément les œuvres de la

chair, qui sont : la fornication, l’impureté,

l’impudicité, la luxure, les contestations, les

jalousies, les colères, les rixes, les

dissensions, les sectes, les envies, les

homicides, les ivrogneries, les débauches de

table, et autres choses semblables. Je vous le

dis, comme je l’ai déjà dit, ceux qui font de

telles choses n’obtiendront point le Royaume

de Dieu." Deuxièmement, cette affirmation

entraînait des occasions de chute et des

scandales, ce qui a déjà fait l’objet d’un

développement plus haut, au chapitre 14 [n°

1081 et 1131], les uns jugeant les autres, et les

autres méprisant ceux qui causent des

occasions de chute et des scandales : "Otez les

occasions de chute du milieu de mon peuple."

Et <l’Apôtre> ajoute : contre la doctrine que

vous avez apprise des véritables apôtres du

Christ, pour montrer que ces dissensions et

ces scandales provenaient de la fausseté de la

doctrine : "Si quelqu’un vous annonce un

évangile différent de celui que vous avez

reçu, qu’il soit anathème ! "

1217. — Puis, <l’Apôtre> avertit qu’après les

avoir reconnus on les évite, en disant : et

détournez-vous d’eux, c’est-à-dire fuyez leur

doctrine et leur compagnie "Détournez-vous

de moi, méchants, et je scruterai les

commandements de mon Dieu."

1218. — B. Lorsqu’il ajoute : 18 Car ces

sortes de gens, etc., <l’Apôtre> donne deux

raisons à ce qu’il a dit

1. La première d’entre elles est prise du côté

de ceux qu’il veut qu’on évite [n° 1219].

Il commence par exposer leur intention, en

disant : Car ces sortes de gens ne servent pas

quod tunc Romani obtinebant super alias

nationes. Unde quod a Romanis fiebat, de

facili divulgabatur ad alios. Supra I, 8. —

fides vestra in universo mundo annuntiatur.

Gaudeo igitur in vobis, quia scilicet fidei

obedistis, et hoc in charitate, de qua dicitur

1 Co XIII, 6 quod non gaudet super

iniquitate, congaudet autem veritati.

Secundo reddit eos cautos contra malum,

dicens sed volo vos esse sapientes in bono,

ut scilicet ei quod bonum est inhaereatis, I

Thess. ult. : quod bonum est tenete; et

simplices in malo, ne scilicet per aliquam

simplicitatem declinetis ad malum, ut talis

sit vobis simplicitas, quod nullum decipiatis

in malum. Matth. X, 16. — estote prudentes

sicut serpentes, et simplices sicut columbae.

E converso de quibusdam dicitur Ier. IV, 22.

— sapientes sunt ut faciant mala, bene

autem facere nesciunt. Deinde cum dicit

Deus autem pacis, etc., promittit eis

divinum auxilium contra huiusmodi

deceptores. Et primo ponitur promissio, cum

dicit Deus autem pacis, scilicet auctor, qui

dissensiones odit quas isti faciunt, conteret

Satanam, id est, Diabolum qui per istos

pseudoapostolos vos decipere conatur, sub

pedibus vestris, quia scilicet per vestram

sapientiam eum vincetis. Et hoc fiet

velociter, scilicet in adventu meo. Lc. X, 19.

— ecce dedi vobis potestatem calcandi

supra serpentes et scorpiones et omnem

virtutem inimici. Mal. ult. : calcabitis

impios, cum fuerint sicut cinis sub planta

pedum vestrorum. Secundo ponitur oratio ad

hoc obtinendum, cum dicit gratia domini

nostri Iesu Christi sit vobiscum, quae

scilicet sufficit ad vos tuendos. 2 Co XII, 9.

— sufficit tibi gratia mea. Deinde cum dicit

salutat vos, etc., salutat eos ex parte

aliorum, dicens salutat vos Timotheus

adiutor meus, scilicet in praedicatione

Evangelii. 1 Co IV, 17. — misi ad vos

Timotheum, qui est filius meus charissimus

et fidelis, et cetera. Addit autem et Lucius et

Iason et Sosipater, cognati mei, qui Iudaei

erant, scilicet vos salutant. Erat autem

quidam notarius Pauli nomine tertius, cui

Paulus concessit ut ex sua persona Romanos

salutaret. Unde subditur ego tertius qui

le Christ notre Seigneur, mais leur ventre. En

effet, ils ne prêchaient pas pour la gloire du

Christ, mais pour leur profit, afin de satisfaire

leur ventre : "Il y en a beaucoup dont je vous

ai souvent parlé (et je vous en parle encore

avec larmes), qui marchent en ennemis de la

croix du Christ, dont la fin sera la perdition,

dont Dieu est le ventre, qui mettent leur gloire

dans leur ignominie et qui n’ont de goût que

pour les choses de la terre."

Puis, il expose leur tromperie, en disant : et

par de douces paroles et des bénédictions ils

séduisent les cœurs des innocents, c’est-à-dire

des simples et des inexpérimentés :

"L’innocent croit à toute parole." — par de

douces paroles, par lesquelles ils affichent

leur sainteté, selon ces paroles du <psalmiste>

: "<Ces pécheurs> qui parlent de paix avec

leur prochain et qui ont le mal dans leurs

cœurs." — et des bénédictions, c’est-à-dire

par lesquelles ils bénissent et flattent ceux qui

les suivent : "Mon peuple, ceux qui te disent

heureux, ceux-là mêmes te trompent." Et

encore "Je maudirai vos bénédictions."

1219. — 2. Il donne la seconde raison en se

fondant sur la disposition des Romains, qui se

montraient enclins à suivre le bien et le mal.

Aussi commence-t-il par les louer pour leur

inclination au bien, en disant : 19 Votre

obéissance, par laquelle vous obéissez

facilement à la foi, s'est fait connaître en tout

lieu, à cause du pouvoir que les Romains

avaient alors sur toutes les autres nations, en

sorte que ce qui se faisait par eux parvenait

facilement à la connaissance de tous : "Votre

foi est annoncée dans le monde entier." — Je

me réjouis donc à votre sujet, à savoir parce

que vous obéissez à la foi, et cela dans la

charité, dont il est dit qu’"elle ne se réjouit

pas de l’iniquité, mais [qu'] elle met sa joie

dans la vérité."

Ensuite il les rend prudents contre le mal, en

disant : mais je veux que vous soyez sages

dans le bien, c’est-à-dire que vous adhériez à

ce qui est bien : "Retenez ce qui est bon " —

et simples dans le mal, c’est-à-dire que par

une certaine simplicité vous ne vous tourniez

pas vers le mal, en sorte que votre simplicité

soit telle que vous ne trompiez personne pour

le mal : "Soyez prudents comme des serpents

scripsi hanc epistolam, saluto vos in

domino. Deinde dicit salutat vos Caius

hospes, cui scribitur Ioannis tertia canonica,

in qua commendatur de charitate, quam

exhibebat sanctis. Et universa Ecclesia,

scilicet quae erat in domo eius congregata,

vel quae erat in illa provincia. Deinde dicit

salutat vos Erastus, arcarius civitatis, qui

scilicet custodiebat arcam communem, id

est communes redditus civitatis, et quidam

frater, id est, fidelis, nomine quartus.

Deinde salutat eos ex parte sua, dicens

gratia domini nostri Iesu Christi sit cum

omnibus vobis. Amen. Et finit epistolam

cum gratiarum actione, dicens ei autem,

scilicet Deo qui est Trinitas, qui potens est

vos confirmare, I Petr. ult. : modicum

passos ipse perficiet, confirmabit

solidabitque. Et hoc in fide quae est iuxta

Evangelium meum id est secundum

Evangelium quod ego praedico. 1 Co c. XV,

11. — sive ego, sive illi sic praedicavimus

et sic credidistis. Et etiam secundum

praedicationem Iesu Christi, qui primo

Evangelium praedicavit, secundum illud

Hebr. c. II, 3. — quae cum initium

accepisset enarrari per dominum. Unde

Matth. IV, 23 dicitur, quod circuibat Iesus

praedicans Evangelium regni. Subditur

autem, in revelatione mysterii, id est,

secreti, quod quidem potest referri ad id

quod dixerat iuxta Evangelium meum; vel

quia in ipso Evangelio revelatur secretum

incarnationis divinae, secundum illud supra

I, 17. — iustitia Dei revelatur in eo; vel

quia ipsi apostolo est Evangelium

revelatum. 1 Co II, 10. — nobis autem

revelavit Deus per spiritum suum. De hoc

autem secreto dicitur Is. XXIV, 16. —

secretum meum mihi. Vel potest melius hoc

referri ad hoc quod dixerat confirmare,

quasi dicat : Deus potest vos confirmare in

Evangelio meo et praedicatione, et hoc

secundum revelationem mysterii, id est,

secreti, scilicet de conversione gentium,

sicut habetur Eph. III, 8 s. : mihi autem

omnium sanctorum minimo data est gratia

et simples comme des colombes1118

."

Inversement il est dit de certains qu’"ils sont

sages pour faire le mal, mais ne savent pas

faire le bien."

1220. — C. En disant : 20 Dieu de la paix,

etc., <l’Apôtre> leur promet le secours divin

contre de tels trompeurs.

Et il expose premièrement sa promesse,

lorsqu’il dit : Le Dieu de la paix, c’est-à-dire

son auteur, qui hait les dissensions que ceux-

ci causent, écrasera Satan, c’est-à-dire le

diable, qui s’efforce de vous tromper par ces

faux apôtres, sous vos pieds, à savoir, parce

vous le vaincrez par votre sagesse. Et cela ce

fera rapidement, c’est-à-dire à mon arrivée

"Voilà que je vous ai donné le pouvoir de

fouler aux pieds les serpents et les scorpions,

et toute la puissance de l’ennemi." Et encore :

"Vous foulerez aux pieds les impies,

lorsqu’ils seront comme de la cendre sous la

plante de vos pieds."

Puis il fait une prière pour obtenir cela,

lorsqu’il dit : Que la grâce de Notre Seigneur

Jésus-Christ soit avec vous, c’est-à-dire celle

qui suffit à vous protéger : "Ma grâce te suffit,

car ma puissance se déploie dans la faiblesse."

1221. — II. Lorsque <l’Apôtre> dit ensuite :

21 vous salue, il les salue de la part des

autres. Timothée, dit-il, mon coopérateur dans

la prédication de l’Evangile, vous salue. <Et

dans sa première épître aux Corinthiens,

l’Apôtre écrit> "C’est pourquoi je vous ai

envoyé Timothée, qui est mon fils bien-aimé,

et fidèle dans le Seigneur; il vous rappellera

mes voies en Jésus-Christ, selon ce, que

j’enseigne partout dans toutes les Eglises." Et

il ajoute ainsi que Lucius, Jason et Sosipatros,

mes parents, qui étaient Juifs, <lesquels> vous

saluent également. Il y avait encore un

secrétaire de Paul, appelé Tertius, auquel il

permit de saluer en son propre nom1119

les

Romains; aussi ajoute-t-il : 22 moi Tertius,

qui ai écrit cette lettre, je vous salue dans le

seigneur. Il continue en disant : 23 Caïus,

mon hôte vous salue, celui à qui s’adresse la

rédaction de la troisième épître canonique de

Jean, dans laquelle <ce Caïus> est loué pour

1118

Mt 10, 16. Lieu parallèle : SuperMatth. 10, 16 (éd. Marietti, n 839-841). 1119

Voir Glosa in Rom. XVI, 22 (GPL, col. 1530 B).

haec in gentibus, illuminare omnes quae sit

dispensatio sacramenti, et cetera. Unde et

ipse subdit temporibus aeternis, quia

videlicet occultum erat apud homines quod

gentes essent convertendae ad fidem. Vocat

autem haec tempora aeterna quasi diu

durantia, quia a principio mundi hoc fuit

occultum, sicut et in Ps. LXXV, 4 dicitur :

illuminans tu mirabiliter a montibus

aeternis. Et potest dici quod tempora

aeterna dicuntur ipsa aeternitas, de qua

dicitur Is. LVII, v. 15. — excelsus et

sublimis habitans aeternitatem, ut sicut

simplex Dei essentia per quamdam

similitudinem dimensionibus corporalibus

describitur, secundum illud Iob c. XI, 9. —

longior terra mensura eius et latior mari, ita

et simplex eius aeternitas per tempora

aeterna designatur, inquantum omnia

tempora continet. Subdit autem quod,

scilicet mysterium, nunc patefactum est, de

conversione gentium, per Scripturas

prophetarum, id est, secundum quod

prophetae praedixerunt, ut patuit supra XV.

Unde ad Eph. c. III, 5 s. dicitur : aliis

generationibus non est agnitum filiis

hominum, sicut nunc manifestum est sanctis

apostolis eius et prophetis in spiritu esse

gentes cohaeredes, et cetera. Est autem

patefactum per operis impletionem ex

praecepto Dei. Unde secundum praeceptum

aeterni Dei, qui scilicet aeterno proposito ea

quae vult temporaliter facit, quod quidem

praeceptum Dei ad obeditionem fidei est in

cunctis gentibus, id est, ut omnes gentes

obediant fidei. Supra I, 5. — ad

obedientiam fidei in omnibus gentibus. Si

autem loquamur de mysterio incarnationis,

sic construenda est littera : mysterii,

inquam, temporibus aeternis taciti, quia

antea non erat ita manifestum. Quod,

inquam, mysterium nunc patefactum est per

Scripturas prophetarum, qui hoc

praedixerunt secundum praeceptum aeterni

Dei, qui voluit mysterium incarnationis

patefieri, et hoc ad obedientiam fidei in

cunctis gentibus. Mysterii, inquam, licet

taciti apud homines, tamen cogniti soli Deo

la charité envers les saints, et toute l’Église,

c’est-à-dire celle qui était rassemblée dans sa

maison, ou qui était dans cette province.

Eraste, le trésorier de la ville, c’est-à-dire

celui qui gardait la caisse commune, ou les

revenus communs de la ville, vous salue, ainsi

qu’un frère, c’est-à-dire un fidèle, appelé

Quartus.

1222. — Puis <l’Apôtre> les salue lui-même,

en disant : 24 Que la grâce de notre Seigneur

Jésus-Christ soit avec vous tous. Amen.

1223. — III. Enfui, <l’Apôtre> finit sa lettre

par l’action de grâces, en disant : 25 Et à

celui, c’est-à-dire à Dieu, lequel est Trinité,

qui est puissant pour vous affermir. <Il est

écrit> dans la première épître de Pierre :

"Mais le Dieu de toute grâce, qui nous a

appelés par le Christ Jésus à son éternelle

gloire, après que vous aurez souffert un peu

de temps, vous perfectionnera lui-même, vous

fortifiera et vous affermira." Et cela dans la

foi qui est selon mon Evangile, c’est-à-dire

selon l’Evangile que moi je prêche : "Soit

moi, soit eux, voilà ce que nous prêchons et

voilà ce que vous avez cru." Et aussi selon la

prédication de Jésus-Christ, qui le premier a

prêché l'Evangile, suivant cette parole de

l’épître aux Hébreux : "<Ce salut>, ayant été

annoncé par le Seigneur, <avec qui> il

commença d’être, nous a été garanti par ceux

qui l’ont entendu." Aussi est-il dit dans

<l’évangile de> Matthieu que "Jésus

parcourait toute la Galilée, enseignant dans

leurs synagogues, prêchant l'Evangile du

Royaume, et guérissant toute langueur et toute

infirmité parmi le peuple ".

1224. — <L’Apôtre> ajoute : selon la

révélation du mystère, c’est-à-dire du secret.

Ce mot peut se rapporter à ce qu’il vient de

dire : selon mon Evangile, soit1120

parce que

le secret de l’Incarnation divine est révélé

dans l’Evangile lui-même, selon ces paroles

dites plus haut : "la justice de Dieu se révèle,

<dans cet Evangile> "; soit parce que

l’Evangile a été révélé à l’Apôtre lui-même :

"C’est aussi ce que Dieu nous a révélé par son

Esprit." A propos de ce secret, il est dit dans

<le livre d’>Isaïe : "Et j’ai dit : mon secret est

1120

Sur les deux interprétations données, voir Gloni sn Rom. XVI, 25 (GPL, col. 1531 A).

sapienti, quia ipse solus hoc cognovit et

quibus hoc voluit revelare, quia, ut dicitur 1

Co II, 11. — quae sunt Dei, nemo novit nisi

spiritus Dei. Vel potest intelligi de eo qui

solus est sapiens, scilicet per essentiam,

sicut dicitur Matth. c. XIX, 17, et Mc. X,

18. — nemo bonus, nisi solus Deus. Nec

excluditur per hoc filius, quia eadem est

perfectio totius Trinitatis, sicut e converso

dicitur : nemo novit patrem nisi filius,

Matth. XI, 27. Non excluditur pater a notitia

sui ipsius. Subdit autem per Iesum

Christum; quod non sic intelligendum, quod

Deus pater sit sapiens per Iesum Christum;

quia cum Deo sit idem sapere quod esse,

sequeretur quod pater esset per filium, quod

est inconveniens; sed hoc referendum est ad

hoc quod supra dixerat : nunc patefactum

est, scilicet per Iesum Christum. Cui, Iesu

Christo, est honor et gloria, per reverentiam

totius creaturae, secundum illud Phil. II, 10.

— in nomine Iesu omne genu flectatur. Et

gloria, scilicet quantum ad plenam

divinitatem, sicut ibi subditur : et omnis

lingua confiteatur quia dominus Iesus

Christus in gloria est Dei patris. Et hoc non

ad tempus, sed in saecula saeculorum.

Hebr. c. ult. : Iesus Christus heri et hodie,

ipse in saecula. Addit autem ad

confirmationem veritatis : amen. Vel potest

sic construi : cogniti soli sapienti Deo, cui

per Iesum Christum est gloria, qui Deum

glorificavit, secundum illud Io. XVII, 4. —

ego clarificavi te super terram. Est autem

advertendum quod haec constructio est

defectiva, et est sic supplenda : ei qui potest,

etc., sit honor et gloria per Iesum Christum,

cui est honor et gloria. Si autem non sit ibi

ly cui, erit constructio plana.

pour moi, mon secret est pour moi, malheur à

moi." Ou bien, mieux vaut rapporter ce mot à

ce que l’Apôtre avait dit : affermir, comme

s’il disait : Dieu peut vous affermir selon mon

Evangile et ma prédication, et cela selon la

révélation du mystère, c’est-à-dire du secret

touchant la conversion des nations païennes,

comme on le lit dans son épître aux Ephésiens

: "A moi, le moindre des saints, a été donnée

cette grâce d’annoncer parmi les nations les

richesses incompréhensibles du Christ, et

d’éclairer tous les hommes touchant la

dispensation du mystère caché depuis les

siècles en Dieu qui a créé toutes choses, pour

que les Principautés et les Puissances célestes

aient maintenant connaissance, par le moyen

de l'Eglise, de la sagesse multiforme de Dieu,

selon le dessein éternel qu’il a accompli dans

le Christ Jésus Notre Seigneur, en qui nous

avons la hardiesse d’approcher avec confiance

par la foi en lui."

1225. — <L’Apôtre> ajoute : aux temps

éternels, à savoir parce qu’il était caché aux

yeux des hommes que les nations païennes se

convertiraient à la foi. Et il appelle ces temps

éternels, comme ayant duré long temps, parce

que cela fut caché depuis la création du

monde, comme le dit aussi ce verset du

psaume 75. — "Toi, tu illumines d’une façon

merveilleuse du haut des montagnes

éternelles." On peut dire que les temps

éternels sont l’éternité même, dont il est dit :

"Le Très-Haut, le sublime, celui qui habite

l’éternité " car de même que la simple1121

essence de Dieu est décrite en recourant à une

similitude prise dans les dimensions

matérielles, selon ce passage de Job : "Sa

mesure est plus longue que la terre et plus

large que la mer ", ainsi sa simple éternité1122

est également désignée par les temps éternels,

en tant qu’elle renferme tous les temps.

1226. — <L’Apôtre> dit ensuite qui, c’est-à-

dire le mystère, est maintenant révélé,

touchant la conversion des nations, par les

écrits prophétiques, c’est-à-dire comme les

prophètes l’ont annoncé, ainsi qu’on l’a

expliqué plus haut [n° 1158s]. D’où ce qui est

1121

Lieu parallèle Somme Théologique Ia, Q. 3. 1122

Lieu parallèle Somme Théologique Ia, Q. 10.

dit aux Ephésiens : "Mystère qui, dans les

autres générations n’a pas été découvert aux

enfants des hommes, comme il est maintenant

révélé par l’Esprit aux saints Apôtres et aux

prophètes, que les nations païennes sont

cohéritières, membres d’un même corps, et

participantes avec eux de sa promesse en

Jésus-Christ par l’Evangile, dont j’ai été fait

le ministre, en vertu du don de la grâce de

Dieu, qui m’a été donnée par l’opération de sa

vertu." Or il est révélé par l’accomplissement

de l’œuvre selon l’ordre de Dieu. Aussi

<l’Apôtre dit-il> selon l’ordre du Dieu

éternel, qui selon son dessein éternel fait ce

qu’il veut dans le temps. Cet ordre de Dieu est

donné pour amener à l’obéissance de la foi

toutes les nations, c’est-à-dire pour que toutes

les nations obéissent à la foi, <comme

l’Apôtre l’a dit> plus haut "Pour <prêcher>

l’obéissance à la foi à toutes les nations."

1227. — Mais si nous parlons du mystère de

l’Incarnation, la construction du sens littéral

se fera comme suit du mystère, dis-je, tu aux

temps éternels, parce que auparavant il n’était

pas alors manifesté, mystère, dis-je, qui

maintenant est révélé par les écrits

prophétiques, les quels l’ont annoncé selon

l’ordre du Dieu éternel, qui a voulu que le

mystère de l’Incarnation soit révélé, et cela

pour <amener> à l’obéissance de la foi toutes

les nations. Ce mystère, dis-je, bien qu’il fût

tu aux hommes, a cependant été connu de

Dieu seul sage, parce que lui seul l’a connu et

ceux à qui il a voulu le révéler; car, selon ces

paroles de <l’Apôtre dans> la première épître

aux Corinthiens, "ce qui est en Dieu, personne

ne le connaît, sinon l’Esprit de Dieu." Ou

bien, on peut l’entendre de celui qui seul est

sage, c’est-à-dire par essence, comme on le

dit dans <l’évangile de> Matthieu "Pourquoi

m’interroges-tu sur ce qui est bon ? Dieu seul

est bon ", et dans <celui de> Marc : "Pourquoi

m’appelles-tu bon ? Nul n’est bon, que Dieu

seul " Ce qui n’exclut point le Fils1123

parce

que cette même perfection appartient à la

Trinité tout entière, comme lorsqu’il est dit

inversement : "Nul ne connaît le Père, si ce

n’est le Fils ", le Père n’est point exclu de sa

1123

Lieux parallèles Somme Théologique Ia, Q. 39, a. 8; Ad Rom. 11, 36, lect. 5 (éd. Marietti, n 949).

propre connaissance.

1228. — <L’Apôtre> ajoute : par Jésus-

Christ; ce qu’il ne faut pas comprendre dans

le sens où Dieu le Père est le seul sage par

Jésus-Christ1124

, parce que, comme en Dieu

être sage c’est être, il s’ensuivrait que le Père

serait par le Fils, ce qui ne convient pas1125

mais il faut rapporter cette expression à ce

que <l’Apôtre> avait dit plus haut : est

maintenant révélé1126

, à savoir par Jésus-

Christ, à qui soit honneur et gloire, par la

vénération de toute créature, selon ce verset

<de l’épître> aux Philippiens : "Afin qu’au

nom de Jésus, tout genou fléchisse dans le

ciel, sur la terre et dans les enfers1127

," — et

gloire, c’est-à-dire quant à la plénitude de la

1124

Voir SA AUGUSTIN, Contra Maximinum haereticum aria norum episcopum II, XIII, I (PL 42,

769); voir aussi Glosa in Rom. XVI, 27 (GPL, col. 1532 D). 1125 Le rapport que Dieu soutient avec les qualités que nous lui attribuons ne peut être conçu sur le

modèle du rapport qu’une créature soutient avec les qualités et les déterminations qu’on lui

attribue. Si je dis : le coquelicot est rouge, je constate que la couleur rouge attribuée au coquelicot

n’existe pas toute seule (en elle-même et par elle-même), mais de l’existence du coquelicot qui, lui,

est un être individuel existant par lui-même. On dit que le coquelicot a un exister substantiel (c’est

une substance, un sujet réel) et que le rouge a un exister accidentel (c’est un accident, qui, pour être,

doit être inhérent à un sujet). Il y a donc une distinction réelle entre l’être substantiel et l’être

accidentel. Et d’ailleurs les accidents peuvent changer (la couleur d’un arbre, par exemple) alors que

la substance demeure. Mais en Dieu, tout est Dieu. Les attributs divins ne sont pas des accidents de

la substance divine et ne forment pas avec elle un tout composé, car Dieu est entièrement simple et

il est tout ce qu’il est, absolument (Somme Théologique Ia, Q. 3, a. 6 et 7). D’une certaine manière,

on ne peut distinguer en lui la substance et les attributs et, à rigoureusement parler, on ne peut pas

même le ranger dans le genre "substance, (ibid., a. 5, sol. 1). Ainsi donc, quand on attribue la sagesse

à Dieu, puisque Dieu est sa sagesse, on désigne aussi bien l’être même de Dieu, Dieu dans sa pure

réalité " Pour Dieu, dit saint Augustin cité par saint Thomas [saint Thomas, Ia, Q. 13, a. 2].

[cependant] c’est tout un d’être et d’êtrefort ou d’être sage ou quoi que ce soit que l’on dise de cette

simplicité de sa substance ainsi signifiée" (De Trinitate, I. VI, iv, 6; BA 15, 480-483). Si alors on dit que

Dieu le Père est sage " par le Fils", c’est comme si on disait que l’être de Dieu le Père dépend du Fils,

ce qui est impossible. La sagesse est un attribut essentiel (qui convient à toute l’essence divine).

Cependant, la sagesse est parfois spécialement attribuée au Fils ("le Christ, force de Dieu et sagesse

de Dieu", I Co 1, 24). Cette attribution est possible parce que la sagesse a un rapport étroit avec

l’intelligence et que le Fils procède du Père par mode intel lectuel; cette analogie est éclairante.

Toutefois "le Père n’est point sage de la sagesse qu’il engendre — comme si le Fils seul était la

sagesse." Mais le Père et le Fils sont sages d’une sagesse unique qui est l’essence divine elle-même

(Somme Théologique Ia, Q. 39, a. 7, toI. 2). — Lieux parallèles Ad Rom. 2, 5, lect. 1 (éd. Marietti, n°

187); 11, 36, lect. 5 (éd. Marietti, n° 949).

1126 Rm 16, 26.

1127 Ph 2, 10.

divinité, comme la suite <du texte des

Philippiens> le dit "Et que toute langue

confesse que le Seigneur Jésus-Christ est dans

la gloire de Dieu le Père1128

." Et cette

vénération n’est pas pour un temps, mais dans

les siècles des siècles. — "Jésus-Christ est le

même hier et aujourd’hui, il le sera dans les

siècles1129

." Et pour confirmer cette vérité,

<l’Apôtre> ajoute : Amen.

1229. — Ou bien, on peut construire la phrase

de la manière suivante : connu de Dieu, seul

sage, à qui est la gloire par Jésus-Christ, qui

<en effet> a glorifié Dieu1130

, selon ce verset

de Jean : "Moi, je t’ai glorifié sur la terre1131

,

" Mais il faut remarquer que cette

construction est défectueuse et qu’il faudrait

alors compléter à Celui qui est puissant, etc.,

par "que soit l’honneur et la gloire" par Jésus-

Christ à qui <reviennent> honneur et gloire.

Mais s’il n’y avait pas ce pronom à qui (cui),

la construction serait claire1132

.

1128

Ph2, 11. 1129

He 13, 8. 1130

Voir SAINT AUGUSTIN, Contra Maximinum haereticum arianorum episcopum II, xm, 2 (PL 42,

769-770); Glosa in Rom. XVI, 27 (GPL, col. 1532 C). 1131

Jn 17, 4. 1132

On peut comprendre ce paragraphe assez elliptique de la manière suivante. La deuxième

construction envisagée rapporte l’adjectif cogniti ("qui est connu"), non plus à ‘parmi les nations",

mais aux mots qui le suivent immédiatement "soli sapienti Deo" ("du seul sage, Dieu"). Si l’on adopte

cette construction, le groupe" honor et gloria" ("à qui est honneur et gloire") ne peut plus être rapporté

au groupe ""oh sapienti Deo ("seul sage, Dieu"), puisque ce groupe est déjà rattaché à cogni ("qui est

connu"). "A qui reviennent honneur et gloire" ne peut être rattaché qu’au mot qui le précède

immédiatement, "Jésus-Christ." On aura "qui est connu du seul sage, Dieu, par Jésus-Christ à qui

reviennent honneur et gloire." Mais alors surgit une nouvelle difficulté. Puisque " honneur et gloires se

rapporte à Jésus-Christ et non à Dieu le Père, il ne peut non plus se rapporter au premier mot de la

doxologie ei ("à Celui qui est puissant"), qui annonce pourtant que quelque chose va lui être attribué;

mais quoi ? la phrase ne le dit plus. On est alors contraint de suppléer ce manque, dit saint Thomas, et

d’ajouter le groupe de mots suivants "que reviennent honneur et gloire." On aura donc, "à Celui qui est

puissant […] que reviennent honneur et gloire", et le texte se continuera ainsi" par Jésus-Christ à qui

reviennent honneur et gloire." Mais ce sens n’est pas satisfaisant puisqu’il répète la même formule,

une fois pour le Père et une fois pour le Fils. Il y aurait cependant une solution, c’est que le texte ne

contienne pas le pronom cui (à qui), car alors "honneur et gloire" pourrait se rapporter à ei (à celui),

c’est-à dire au premier mot de la doxologie; et l’on aurait " à Celui qui est puissant […] par Jésus-

Christ, honneur et gloire." Cette ultime remarque de saint Thomas est confirmée par la philologie. La

doxologie de saint Paul présente, en grec, une anomalie syntaxique, signalée par les meilleurs hellé

nistes il s’agit d’une anacoluthe, c’est-â-dire d’une rupture dans la construction normale de la phrase.

Certains y ont vu un hébraïsme (CORNELIUS A LAPIDE, Commentaria in Scripturam Sacram, t. 18,

In Epistulas Divi Pauli, p. 245). Comme l’a compris saint Thomaa, cette anacoluthe est constituée par

la présence insolïte du pronom relatif "à qui", en grec : hô, et que le latin a fidèlement rendu par cui

(ce sont les formes du datif, en grec comme en latin); pronom relatif inutile puisque celui â qui

honneur et gloire sont attribués " été déjà mentionné à Celui qui, etc. La traduction Ici donnée du texte

de taint Paul a respecté cette anomalie "à Celui qui est puissant […] â Dieu seul sage, par Jésus-Christ,

Table analytique

Abraham.

Il est le père non seulement de ceux qui ont été circoncis, mais aussi des croyants en l’état

d’incirconcision (chap. 4, 11; leçon 2, ° 344)

Il a été justifié de telle sorte qu’il a sujet de se glorifier devant Dieu (chap. 4, 3; leçon 1, n°

327).

Acception des personnes.

Il y a acception des personnes quand on donne à quelqu’un plus ou moins sans égard à sa

dignité (chap. 2, 11; leçon 2, n° 205).

Action.

L’action est toujours attribuée à l’agent principal, de préférence à l’agent secondaire (chap. 9,

16; leçon 3, n° 777).

Action de grâces.

Avant toutes choses nous devons commencer par rendre grâces (chap. 1, 8; leçon 5, n° 75).

L’action de grâces doit remonter à Dieu dans le même ordre que les grâces descendent de

Dieu vers nous, c’est-à-dire par Jésus-Christ (chap. 1, 8; leçon 5, n° 76).

Adam.

Voir aussi : PÉCHÉ.

Ressemblances entre Adam et le Christ.

De même que par Adam le péché et la mort sont entrés dans le monde, ainsi par le Christ sont

entrées la justice et la vie. De même que le corps d’Adam fut formé sans union charnelle,

ainsi le corps du Christ fut-il formé pareillement de la Vierge. De même que du côté d’Adam

qui dormait la femme a été tirée, ainsi du côté du Christ dormant sur la croix coulèrent le sang

et l’eau, comme le dit Jean, signifiant les sacrements par lesquels l’Eglise a été formée (chap.

5, 14; leçon 4, n° 429).

Adoption.

Celui qui est adopté comme fils de Dieu, devient conforme à son véritable Fils d’abord par le

droit de participer à l’héritage; ensuite par la participation à sa splendeur, etc. (chap. 8, 29;

leçon 6, n° 704).

Âme.

Elle vit de Dieu par la vie de la grâce (chap. 1, 17; leçon 6, n° 108).

Elle donne son assentiment à la raison contre le péché, mais uniquement par la grâce du Christ

(chap. 7, 25; leçon 4, n° 592).

Elle n’est seulement libérée de la vanité que lorsqu’elle s’appuie sur Dieu (chap. 1, 21; leçon

7, n° 129).

Ami.

Voir : COMPASSION.

Amour, aimer.

Voir aussi : DILECTION et PROCHAIN.

Aimer c’est vouloir du bien à celui que l’on aime (chap. 1, 7; leçon 4, n° 67; chap. 8, 28;

leçon 6, n° 699).

[à qui]< reviennent> honneur et gloire. — Voir SAINT AUGUSTIN, Contra Maximinum haereeicum

arianorum episcopum II, xiiI, 2 (PL 42, 769-770).

Nous devons aimer notre prochain comme nous-mêmes de trois manières : d’abord, quant à la

fin de l’amour, c’est-à-dire que nous nous aimions nous-mêmes et le prochain pour Dieu.

Puis, quant à la forme de l’amour, c’est-à-dire que comme chacun s’aime soi-même en se

voulant du bien, ainsi doit-on aimer le prochain en lui voulant du bien. Enfin, quant à l’effet

de l’amour, c’est-à-dire qu’on doit subvenir aux nécessités du prochain comme aux siennes

propres (chap. 13, 9; leçon 2, n° 1057).

L’amour du prochain est renfermé dans l’amour de Dieu, comme l’effet dans la cause (chap.

13, 8; leçon 2, n° 1049).

Anathème.

Mot grec composé de anà, qui veut dire "sur", et de thésis, qui veut dire "position", en sorte

qu’on appelle anathème ce qui est comme superposé; car lorsque dans un pillage on prenait

quelque chose qu’on ne voulait pas laisser à l’usage des hommes, on le suspendait dans le

temple. On a coutume de donner le nom d’anathème" à ce qui est séparé de l’usage commun

des hommes (chap. 9, 3; leçon 1, n° 739).

Ange

Voir aussi : DÉMON et DIABLE.

Ils sont <les esprits> inférieurs qui sont préposés à la garde de chaque homme en particulier

(chap. 8, 38; leçon 7, n° 728).

L’ange connaît Dieu par sa propre essence (chap. 1, 20; leçon 6, n° 120).

Ils nous ont apporté les lumières divines, étant donné que nous nous sommes éloignés de Dieu

(Prol., n° 4).

Les saints anges exercent à notre égard la miséricorde (chap. 13, 9, leçon 2, n° 1056).

Les saints anges et tous les hommes sont notre prochain, soit parce qu’ils possèdent déjà la

béatitude vers laquelle nous tendons, soit parce qu’ils y tendent avec nous (chap. 13, 9, leçon

2, n° 1056).

Péché de l’ange.

Par son péché, selon Jean Damascène, l’ange s’est détourné de ce qui est conforme à sa

nature, pour aller vers ce qui est contre elle (chap. 1, 26; leçon 7, n° 149).

Angoisse.

L’angoisse se dit du resserrement de l’âme de l’homme incapable de trouver le remède contre

les maux qu’il craint, ou dont il souffre déjà (chap. 2, 9; leçon 2, n° 200).

Apollinaire.

Il prétendit que le Christ n’avait pas eu d’âme, mais que le Verbe lui en tenait lieu (chap. 1, 3;

leçon 2, n° 38).

Apostolat.

Il ne peut être reçu dignement qu’en présupposant la grâce sanctifiante (chap. 1, 5 leçon 4, n°

61).

Nous sommes envoyés pour faire obéir les hommes à la foi (chap. 1, 5; leçon 4, n° 62); pour

étendre le nom du Christ, et non pour nous procurer un avantage temporel (chap. 1, 5; leçon 4,

n° 64).

Apôtre (s).

Le mot "apôtre" signifie la même chose qu’envoyé (chap. 1, 5; leçon 4, n° 61).

Ils ont été choisis en vue d’une dignité plus grande, c’est-à-dire pour recevoir immédiatement

le Christ lui-même et transmettre aux autres ce qui concerne le salut (chap. 8, 23; leçon 5, n°

678).

Ils ont eu l’Esprit-Saint les premiers dans l’ordre du temps, et plus abondamment que tous les

autres (chap. 8, 23; leçon 5, n° 676).

Ils ont été envoyés par le Christ comme investis de son autorité et de sa fonction (chap. 1, 5;

leçon 4, n° 61); sont venus au nom du Christ et comme dans sa personne (chap. 1, 5 leçon 4,

n° 64).

Ils ont été envoyés non point uniquement pour l’instruction de la nation juive seule, mais pour

<l’instruction> de toutes les nations (chap. 1, 5; leçon 4, n° 63).

Ils nous ont apporté la doctrine évangélique (Prol., n° 4).

Appropriations.

La puissance, qui a le caractère de principe, est appropriée au Père, qui est le principe de toute

divinité; la sagesse est appropriée au Fils, qui procède en tant que Verbe, parce qu’il n’est

autre chose que la Sagesse engendrée; la bonté est appropriée à l’Esprit-Saint, qui procède en

tant qu’amour, dont l’objet est la bonté. Et c’est pourquoi nous pouvons dire par appropriation

: de lui; c’est-à-dire du Père, par lui, c’est-à-dire par le Fils, en lui, c’est-à-dire en l’Esprit-

Saint, sont toutes choses (chap. 11, 36; leçon 5, n° 949).

Arche.

L’arche signifie l’Église (Prol., n° 6).

Arius.

Il prétendit que la filiation <du Christ> était créée, en sorte qu’il serait une créature très

excellente, mais qu’elle fut tirée du néant, après un temps où elle n’avait pas existé (chap. 1,

3; leçon 2, n° 32. — Ch. 9, 5; leçon 1, n° 747).

Prétendit que l’Esprit-Saint était une créature et qu’il était inférieur au Père et au Fils (chap. 8,

26; leçon 5, n° 692).

Assistance.

On peut prêter assistance à autrui dans ses affaires de deux manières d’abord, à la manière du

siècle, c’est-à-dire en vue de la faveur des hommes ou du profit, et cette assistance ne

convient pas aux serviteurs de Dieu; puis on prête assistance à autrui dans ses affaires par

piété, par exemple en secourant les indigents et les malheureux (chap. 16, 2; leçon 1, n°

1196).

Auditions.

Il y a deux sortes d’audition : l’une intérieure, par laquelle on entend Dieu qui révèle. Cette

dernière n’appartient pas communément à tous, mais relève à proprement parler de la grâce de

prophétie; l’autre, par laquelle on entend une personne qui parle extérieurement (chap. 10, 14;

leçon 2, n° 837).

Avarice.

Elle est un appétit immodéré de posséder (chap. 1, 29; leçon 8, n° 158).

Avertissement.

Pour avertir avec rectitude, deux choses sont requises la première est que l’avertissement ne

vienne ni de la haine ni de la colère, mais de la charité; la seconde chose requise pour avertir,

c’est la science de la vérité (chap. 15, 14; leçon 2, n° 1164).

Baiser.

Il y a trois sortes de baiser : le baiser libidineux, le baiser trompeur et le saint baiser (chap. 16,

16; leçon 1, n° 1211).

Baptême.

Il est appelé le sacrement de la foi (chap. 8, 1; leçon 1, n° 596).

La triple immersion dans le baptême se fait non seulement à cause de la foi en la Trinité, mais

aussi pour représenter les trois jours de la sépulture du Christ (chap. 6, 4; leçon 1, n° 474).

Les baptisés sont marqués du signe de la croix avec l’onction du saint chrême sur le front, qui

est le siège de la honte, afin qu’ils ne rougissent pas de l’Evangile (chap. 1, 15 leçon 5, n° 96.

— Chap. 10, 10; leçon 2, n° 832).

Par le baptême l’homme est libéré non seulement de la faute, mais aussi de toute la peine, par

la vertu de la passion du Christ, qui a satisfait pour les péchés de tous (chap. 11, 29; leçon 4,

n° 927).

Par le baptême l’homme est libéré du péché originel quant à l’Esprit, mais l’infection <du

foyer> du péché demeure quant à la chair (chap. 5, 12; leçon 3, n° 420).

Le baptême solennel se célèbre dans l’Eglise le samedi saint, où l’on fait mémoire de la

sépulture du Christ, et à la vigile de la Pentecôte, où l’on célèbre la solennité du Saint-Esprit,

dont la vertu communique à l’eau du baptême sa puissance de purifier (chap. 6, 4; leçon 1, n°

474).

Dans le baptême rien ne se fait par l’action de l’homme (chap. 2, 16; leçon 3, n° 223).

Baptême de Jean.

Le baptême de Jean était un baptême de péni tence, parce que en le recevant on s’enga geait

en quelque sorte à faire pénitence de ses péchés (chap. 11, 29; leçon 4, n° 929).

Béatitude.

La béatitude de l’homme vient de Dieu (chap. 4, 6; leçon 1, n° 333).

L’état de la béatitude future est comparé au jour à cause de la clarté divine dont sont illuminés

les saints (chap. 13, 12; leçon 3, n° 1066).

Bénir, c’est dire du bien (chap. 12, 14; leçon 3, n° 997).

Bénir ou dire du bien se fait de trois manières d’abord en l’énonçant, par exemple lorsqu’on

loue le bien d’autrui. Puis en commandant. Bénir ainsi par autorité est le propre de Dieu, dont

le commandement fait dériver le bien sur ses créatures. Or ce ministère appartient aux prêtres

qui invoquent sur le peuple le nom du Seigneur. Enfin on bénit en exprimant des souhaits.

Dans ce sens, bénir c’est vouloir du bien à quelqu’un, et pour ainsi dire demander du bien

pour lui (chap. 12, 14; leçon 3, n° 997).

Nous bénissons Dieu en tant que nous reconnaissons de cœur sa bonté et que nous la

célébrons de bouche (chap. 1, 25; leçon 7, n° 144).

Bien(s).

Le bien, selon Denys, implique une diffusion (chap. 2, 1; leçon 1, n° 182).

Bien de la grâce.

Le bien de la grâce n’habite pas mais dans l’Esprit (chap. 7, n° 573).

Bien divin.

On appelle bien divin le bien commun auquel tous participent (chap. 1, 20; leçon 6, n° 117).

Biens spirituels.

Ils peuvent être possédés en même temps par plusieurs (chap. 8, 17; leçon 3, n° 648).

Biens temporels.

Ils ne peuvent être possédés en même temps par plusieurs (chap. 8, 17; leçon 3, n° 648). dans

la chair, 18; leçon 3,

Bienfaisance.

Elle est un acte de la charité, elle consiste à faire du bien à celui qu’on aime sans jamais le

blesser (chap. 12, 1; leçon 3, n° 996).

Bienveillance.

Elle est un acte qui se rapporte à la charité, elle consiste à vouloir du bien à autrui sans jamais

lui vouloir du mal (chap. 12, 1; leçon 3, n° 996).

Charité.

La charité de Dieu peut se prendre en deux sens : soit de la charité par laquelle Dieu nous

aime, soit de la charité par laquelle nous l’aimons (chap. 5, 5; leçon 1, n° 392).

La charité de Dieu est dite être répandue dans nos cœurs, en ce sens qu’elle s’étend à toutes

les habitudes et à tous les actes de l’âme pour les parfaire (chap. 5, 5; leçon 1, n° 392).

La charité a deux actes : l’amour de Dieu et l’amour du prochain (chap. 13, 8; leçon 2, n°

1049).

La charité ne s’épuise pas en aimant, mais elle progresse (chap. 13, 8; leçon 2, n° 1047). la

charité de l’homme ne vient pas de lui, mais de la grâce de Dieu, qui est donnée à chacun

selon la mesure du don du Christ (chap. 8, 23; leçon 5, n° 678).

Chrême (saint).

Les baptisés sont marqués du signe de la croix avec l’onction du saint chrême sur le front, qui

est le siège de la honte, afin qu’ils ne rougissent pas de l’Evangile (chap. 1, 15 leçon 5, n° 96.

— Chap. 10, 10; leçon 2, n° 832).

Christ, Jésus-Christ.

Son nom signifie la miséricorde (Prol., n° 6).

Jésus signifie Sauveur, Christ signifie Oint (chap. 1, 1; leçon 1, n° 20).

Il sera la racine de Jessé, parce que, bien qu’il procède de Jessé par son origine charnelle,

cependant il a soutenu Jessé par sa puissance et a déversé sur lui sa grâce (chap. 15, 12 leçon

1, n° 1161).

Il est appelé apôtre (chap. 1, 5; leçon 4, n° 61).

Il est la vérité sans mensonge (chap. 9, 1 leçon 1, n° 736. — Chap. 14, 2; leçon 1, n° 1085).

Il est l’héritier principal de la gloire et il y est parvenu par ses souffrances (chap. 8, 17 leçon

3, n° 651).

Il est lui-même pour tous l’auteur de la foi (chap. 15, 8; leçon 1, n° 1154).

En lui se trouve toute la plénitude des grâces (chap. 5, 15; leçon 5, n° 433).

En lui se trouvèrent très abondamment toutes les vertus (chap. 13, 14; leçon 3, n° 1079).

Il a été choisi pour que sa nature <humaine> soit assumée dans l’unité de sa personne divine

(chap. 8, 23; leçon 5, n° 678).

Il est donateur de la grâce et même de la justice (chap. 5, 21; leçon 6, n° 467).

Il est la voie de la paix (chap. 3, 17; leçon 2, n° 289).

Il a été établi par décret divin comme le fondement de l’Eglise (chap. 9, 32; leçon 5, n°811).

Il est exempt de péché (chap. 3, 4; leçon 1, n° 261. — Chap. 3, 24; leçon 3, n° 307).

Il n’a pas contracté le péché originel, parce qu’il a pris chair de la femme seule, sans le

concours de la semence virile (chap. 5, 12; leçon 3, n° 414).

Il nous a pour frères, soit parce qu’il nous a communiqué la ressemblance de sa filiation, soit

parce qu’il a assumé une nature semblable à la nôtre (chap. 8, 29; leçon 6, n° 706).

Baptême du Christ.

Le baptême du Christ est le baptême de la rémission de tous les péchés, en sorte qu’il ne reste

à acquitter chez le baptisé aucune satisfaction pour les péchés passés (chap. 11, 29; leçon 4, n°

929).

Chair du Christ.

Il n’a pas eu la chair du péché, c’est-à-dire la chair conçue avec le péché, puisque sa chair fut

conçue par l’Esprit-Saint qui ôte le péché, mais il eut une chair semblable à celle du péché,

c’est-à-dire une chair semblable à la chair pécheresse, en tant qu’elle était passible (chap. 8, 3;

leçon 1, n° 608).

Esprit du Christ.

L’Esprit du Christ et l’Esprit de Dieu le Père sont un même Esprit; mais on dit l’Esprit de

Dieu le Père en tant qu’il procède du Père, et l’Esprit du Christ en tant qu’il procède du Fils

(chap. 8, 9; leçon 2, n° 627).

Filiation du Christ.

Diverses erreurs sur sa filiation : Pour Photin, il avait une filiation adoptive. Pour Sabellius,

cette filiation n’était que nominale. Pour Anus, cette filiation était créée (chap. 1, 3; leçon 2,

n° 30-33).

Réfutation de ces erreurs (chap. 1, 3; leçon 2, n° 34-41).

Il est, selon saint Hilaire, son vrai et propre Fils par origine et non par adoption, en vérité et

non au figuré, par naissance et non par création; car il procède du Père comme le verbe

procède du cœur" (chap. 1, 3; leçon 2, n° 33).

Grâce du Christ.

Au Christ homme a été donné la plus excellente des grâces (chap. 8, 23; leçon 5, n° 678).

La grâce du Christ n’habite pas dans la chair, mais dans l’Esprit (chap. 7, 18; leçon 3, n 573).

Humanité du Christ.

L’Apôtre énumère quatre bienfaits venant de l’humanité du Christ : premièrement sa mort

pour notre salut, lorsqu’il dit : qui est mort; deuxièmement, sa résurrection par laquelle il nous

vivifie, maintenant par la vie spirituelle, et enfin par la vie corporelle, lorsqu’il dit : qui est

aussi ressuscité; troisièmement, la confession même du Père, en disant : qu’il est à la droite

de Dieu, c’est-à-dire égal à Dieu le Père selon la nature divine; quatrièmement son

intercession, en disant : et qui même intercède pour nous, en étant comme notre avocat (chap.

8, 34; leçon 7, n° 719).

Incarnation du Christ.

La nécessité, le mode et le fruit de l’Incarnation du Christ (chap. 8, 3-4; leçon 1, nos 611, 607

et 609).

Le secret de l’Incarnation du Christ, de la race d’Abraham, était caché sous le sceau de la

circoncision (chap. 4, 11; leçon 2, n° 343).

Le secret de l’Incarnation divine est révélé dans l’Evangile lui-même (chap. 16, 25; leçon 2,

n° 1224).

L’Incarnation a un double effet : le premier est la suppression du péché; le second l’accom

plissement de la justification de la Loi en nous (chap. 8, 3; leçon 1, n° 609).

Intercession du Christ.

Le Christ intercède pour nous de deux manières : d’abord, en priant pour nous. Son

intercession en notre faveur consiste en sa volonté de nous sauver. Ensuite, il intercède pour

nous en mettant sous le regard de son Père l’humanité qu’il a assumée pour nous et les

mystères célébrés en elle (chap. 8, 34 leçon 7, n° 720).

Justification du Christ.

La justification du Christ passe à tous les hommes quant à la satisfaction, toutefois quant à

l’efficacité elle ne s’étend qu’aux fidèles seulement (chap. 5, 18; leçon 5, n° 443).

Mort du Christ.

Elle peut être envisagée selon trois points de vue : selon le point de vue de la raison même de

la mort, selon l’acte de ceux qui tuent le Christ, selon qu’elle procède de la volonté du Christ

souffrant, volonté qui fut disposée à endurer la mort par son obéissance au Père et par sa

charité envers les hommes. Selon ce dernier point de vue sa mort fut méritoire pour nos

péchés, et elle fut acceptée par Dieu à tel point qu’elle a suffi à la réconciliation de tous les

hommes, même de ceux qui ont tué le Christ, certains d’entre eux ayant été sauvés par sa

prière (chap. 5, 10; leçon 2, n° 403).

Elle nous fut salutaire, non seulement par mode de mérite, puisqu’il nous a mérité la

destruction des péchés, mais aussi par mode d’efficience; en effet, comme l’humanité du

Christ était en quelque sorte l’instrument de sa divinité, toutes les souffrances et les actions de

l’humanité du Christ nous furent salutaires, en tant qu’elles procédaient de la vertu de sa

divinité (chap. 4, 25; leçon 3, n° 360).

Elle nous est appliquée au moyen de la foi, par laquelle nous croyons que par sa mort il a

racheté le monde (chap. 3, 25; leçon 3, n° 309).

La mort même du Christ pour nous montre la charité de Dieu, puisque Dieu a donné son Fils,

afin de satisfaire pour nous en mourant (chap. 5, 8; leçon 2, n° 399).

Obéissance du Christ.

L’obéissance du Christ procède de l’amour de charité qu’il eut pour son Père et pour nous

(chap. 5, 19; leçon 5, n° 446).

Origine ou naissance du Christ.

Elle est éternelle (chap. 1, 3; leçon 2, nos 29.") et temporelle (chap. 1, 3; leçon 2, n° 34).

Il a été conçu dans le sein virginal par le Saint-Esprit (chap. 1, 4; leçon 3, n° 59).

Selon l’ordre naturel sous quelque rapport, c’est-à-dire en tant que conçu d’une femme et dans

l’espace de neuf mois, on dit que le Christ est né; en revanche sous un autre rapport, en tant

que le Christ est sorti <de la Vierge> non selon l’ordre naturel, sans semence d’homme, mais

par la vertu divine, on dit qu’il a été fait (chap. 1, 3; leçon 2, n° 39).

Passion du Christ.

— Vertu de la Passion.

Dans le baptême la vertu de la passion du Christ opère par mode de régénération, ce qui

requiert de l’homme qu’il meure tota lement à la première vie pour recevoir la vie nouvelle.

Dans les autres sacrements la vertu de la passion du Christ opère par mode de guérison,

comme dans la pénitence (chap. 11, 29; leçon 4, n°928).

Prédestination du Christ.

La prédestination du Christ, qui a été prédestiné pour être Fils de Dieu par nature, est la

mesure et la règle de la vie, et par conséquent de notre prédestination (chap. 1, 4; leçon 3, n°

48).

Il a été prédestiné, pour être le Fils de Dieu par nature, non à cause de ses mérites anté

cédents, mais par la grâce seule (chap. 1, 4; leçon 3, n° 48).

Elle n’implique pas ici l’antériorité qu’elle suppose (chap. 1, 4; leçon 3, n° 49).

Elle est attribuée nécessairement à la personne du Christ (chap. 1, 4; leçon 3, n° 51).

Prédication du Christ.

Le Christ a prêché l’Évangile le premier (chap. 16, 25; leçon 2, n° 1223).

Puissance du Christ.

Il a la puissance divine, puisqu’il donne lui-même l’Esprit-Saint (chap. 1, 4; leçon 3, n° 58).

La puissance du Fils et celle du Père sont la même (chap. 8, 11; leçon 2, n° 630).

Les deux signes de la puissance divine du Christ sont sa conception dans le sein virginal par le

Saint-Esprit et la résurrection des morts (chap. 1, 4; leçon 3, n° 59).

Résurrection du Christ.

Le Christ lui-même est ressuscité par sa propre puissance, parce que la puissance du Père et la

puissance du Fils sont la même (chap. 8, 11; leçon 2, n° 630).

La vie que le Christ a acquise en ressuscitant est conforme à celle de Dieu (chap. 6, 10; leçon

3, n° 490).

Sang du Christ.

Seul le sang du Christ a pu remettre les péchés, non seulement présents, mais passés, parce

que la vertu de son sang opère par la foi de l’homme, foi qu’eurent ceux qui ont vécu avant la

passion du Christ (chap. 3, 25 leçon 3, n° 310).

Satisfaction, rachat ou rédemption du Christ.

Nul autre ne pouvait satisfaire pour le péché du genre humain tout entier, si ce n’est le Christ

seul qui était exempt de péché (chap. 3, 24; leçon 3, n° 307).

La satisfaction du Christ obtint son efficacité pour justifier et pour racheter, de ce que Dieu

l’avait ordonné selon son propos (chap. 3, 25; leçon 3, n° 308).

Tribunal du Christ.

On appelle tribunal du Christ son pouvoir judi ciaire (chap. 14, 10; leçon 1, n° 1106).

Volonté du Christ.

Sa volonté divine lui était commune avec le Père (chap. 15, 1; leçon 1, n° 1146).

Le Christ a choisi de souffrir pour notre salut et ce qui était contraire à sa volonté propre,

c’est-â-dire à sa volonté humaine naturelle, afin d’accomplir la volonté divine (chap. 15, 3;

leçon 1, n° 1146).

Circoncision.

Elle était une sorte de profession obligeant les hommes à l’observance de la Loi (chap. 2, 25;

leçon 4, n° 238).

Elle a une similitude expresse avec la foi d’Abraham, d’abord quant à l’objet de la foi, car

Abraham crut à la multiplication de la postérité, puis quant à l’effet de cette foi, qui consiste

en l’éloignement de la faute, ce qui est désigné par le retranchement d’une membrane

superflue (chap. 4, 11; leçon 2, n° 343).

La circoncision corporelle signifie la circon cision spirituelle, qui devait avoir lieu par le

Christ (chap. 4, 12; leçon 2, n° 348).

Efficacité de la circoncision.

La circoncision n’avait de vertu efficace par l’œuvre elle-même accomplie (ex opere operato),

ni quant à l’éloignement de la faute, ni quant à l’opération de la justice. Elle était seulement le

signe de la justice, par la foi du Christ dont la circoncision était le signe, que le péché originel

était remis et que le secours de la grâce était conféré pour agir avec rectitude (chap. 4, 12;

leçon 2, n° 349).

Sans l’observance de la Loi la circoncision est inutile (chap. 2, 25; leçon 4, n° 237).

Institution de la circoncision.

Elle a été instituée pour deux raisons : en raison du culte divin, auquel les hommes étaient

portés par ces sortes de cérémonies, et pour signifier la circoncision spirituelle, qui devait

avoir lieu par le Christ dans l’âme et dans le corps (chap. 4, 12; leçon 2, nos 347-348).

Nécessité de changer la circoncision.

La circoncision était le signe de ce qui devait s’accomplir. Or le même signe ne convient

pas à une chose présente, passée ou future; aussi le baptême est-il le signe de la grâce présente

qui produit un effet plus abondant et plus efficace (chap. 4, 12; leçon 2, n° 350).

Pratique de la circoncision.

La circoncision se pratiquait le huitième jour, parce qu’elle signifie le huitième âge de ceux

qui sont ressuscités; et elle était pratiquée avec des couteaux de pierre, afin de signifier que la

circoncision spirituelle devait se faire avec la pierre, qui est le Christ (chap. 4, 12; leçon 2, n°

348).

Compassion.

La compassion d’un ami qui s’afflige avec nous apporte de la consolation dans les tristesses

de deux manières : premièrement, parce qu’on y recueille une preuve efficace d’amitié;

deuxièmement, par cela même qu’un ami s’afflige avec nous, il semble s’offrir à porter sa part

du fardeau de l’adversité qui cause la tristesse (chap. 12, 15; leçon 3, n° 1004).

Componction.

La componction implique une piqûre ou une douleur du cœur. Il y a une bonne componction,

celle par laquelle on éprouve de la douleur pour ses propres péchés, et une mauvaise

componction, à savoir l’envie, par laquelle on éprouve de la douleur pour le bien d’autrui

(chap. 11, 8; leçon 1, n° 874).

Concorde.

Elle est un acte qui se rapporte à la charité, et elle consiste en un accord entre amis dans leurs

vouloirs et leurs refus (chap. 12, 14 leçon 3, n° 996).

Obstacles à la concorde.

Il y en a deux : le premier est l’orgueil, qui fait qu’en recherchant d’une manière immo dérée

sa propre excellence et en fuyant la soumission, on veut se soumettre autrui et empêcher son

excellence. Le second obstacle à la concorde est de se présumer sage ou même prudent; ce qui

fait qu’on ne croit pas à l’opinion des autres (chap. 12, 16; leçon 3, n° 1006).

Concupiscence.

Elle est un péché général en tant que prise pour la convoitise d’une chose illicite, ce qui

appartient à l’essence du péché (chap. 7, 7; leçon 2, n° 538).

La concupiscence dépravée est généralement à l’origine de tous les péchés (chap. 7, 7 leçon 2,

n° 537).

Elle pervertit le jugement de la raison dans chaque œuvre à accomplir (chap. 3, 20 leçon 2, n°

298).

Confession.

Une triple confession est nécessaire au salut la première confession est celle de sa propre

iniquité. Cette confession est celle du pénitent; la deuxième est celle par laquelle l’homme

confesse la bonté de Dieu qui accorde miséricordieusement ses bienfaits. Cette confession est

celle de celui qui rend grâces; la troisième est la confession de la vérité divine. Cette

confession est celle de celui qui croit (chap. 10, 10; leçon 2, n° 832).

Connaissance.

La connaissance de l’homme commence par ce qui lui est connaturel, à savoir par les

créatures sensibles, lesquelles n’ont pas d’analogie pour représenter l’essence divine (chap. 1,

19; leçon 6, n° 114).

L’homme peut connaître Dieu par la raison de trois manières : premièrement par (la voie de)

la causalité, deuxièmement par voie d’excel lence, troisièmement par voie de négation. Les

Gentils ont eu cette <dernière> connais sance par la lumière innée de la raison (chap. 1, 19;

leçon 6, n° 114-115).

Depuis la création du monde les hommes ont commencé à connaître Dieu par ses œuvres

(chap. 1, 20; leçon 6, n° 121).

L’homme peut connaître Dieu par l’intelli gence, mais non par les sens ou l’imagination, qui

ne transcendent pas les choses corporelles (chap. 1, 20; leçon 6, n° 119).

L’homme connaît véritablement Dieu par la lumière de la sagesse (chap. 1, 21; leçon 7, n°

130).

La vraie connaissance de Dieu, en tant que telle, porte les hommes au bien, mais elle est liée,

comme détenue en captivité, par la passion de l’injustice (chap. 1, 18; leçon 6, n° 112).

Conscience.

Elle n’est rien d’autre que l’application de la connaissance reçue pour juger si une action est

bien ou mal faite (chap. 2, 15; leçon 3, n° 219).

Par le fait même que la conscience rend témoi gnage du bien ou du mal, c’est un signe évident

que l’œuvre de la Loi est inscrite dans le cœur de l’homme (chap. 2, 15; leçon 3, n° 219).

Même pour les choses qui sont en soi illicites, la conscience erronée oblige (chap. 14, 14;

leçon 2, n° 1120).

L’obligation de la conscience, même erronée, et celle de la Loi divine, sont la même obli

gation. Si la conscience prescrit de faire une chose ou de l’éviter, c’est qu’elle croit que cet

acte s’oppose ou est conforme à la Loi de Dieu. Car la Loi n’est appliquée à nos actes que par

l’intermédiaire de notre conscience (chap. 14, 14; leçon 2, n° 1120).

Nos corps ont été revêtus de dignité en devenant des réceptacles de l’Esprit-Saint (chap. 8, 11;

leçon 2, n° 630).

Corps mystique.

L’unité du Corps mystique, qui est l’Église, est spirituelle, et cette unité nous unit les uns et

les autres à Dieu par la foi et la dilection (chap. 12, 5; leçon 2, n° 974).

Il y a quatre sortes de crainte : la crainte humaine ou mondaine qui ne vient pas de l’Esprit-

Saint; la crainte de la peine ou la crainte servile, qui fait agir l’homme servi lement; la crainte

initiale, ainsi appelée parce qu’elle se trouve habituellement chez les hommes au début de leur

conversion; enfin la crainte sainte, qui est causée par la charité parfaite (chap. 8, 15; leçon 3,

n° 638-641).

Création, créature(s).

Triple acception du mot "création."

Selon un premier sens, les hommes justes sont appelés spécialement créatures de Dieu, soit

parce qu’ils persévèrent dans le bien dans lequel ils ont été créés, soit à cause de leur

excellence, parce que toute la création, dans un certain sens, est à leur service. Selon un

deuxième sens, le mot "création" peut être appelé la nature humaine elle-même, qui est

dépendante des biens de la grâce et qui chez les hommes injustes n’a pas encore été justifiée,

mais est informe. Selon un troi sième sens, le mot <4 création" peut s’entendre de la créature

sensible elle-même, comme le sont les éléments du monde (chap. 8, 19; leçon 4, nos 658-

660).

Aucune créature ne peut, par ses propres forces naturelles, voir l’essence de Dieu elle-même

(chap. 1, 20; leçon 6, n° 120).

Culte.

L’homme doit intérieurement à Dieu un culte fondé sur un sentiment de piété; extérieu rement

il lui doit un culte de latrie (chap. 1, 25; leçon 7, n° 142).

Coulpe.

Voir chap. 2, 8; leçon 2, n° 198.

Crainte.

Sortes de crainte.

Corps.

Culte de latrie.

Il consiste surtout dans les sacrifices et l’oblation, par lequel l’homme reconnaît que Dieu est

l’auteur de tous les biens (chap. 1, 25; leçon 7, n° 143).

II est dû à Dieu tout entier (chap. 1, 25 leçon 7, n° 144. — Chap. 12, 11; leçon 2, n° 989).

Cupidité.

Elle est le principe des péchés sous le rapport de la conversion au bien périssable (chap. 7, 7;

leçon 2, n° 538).

Démon (s).

Les démons sont totalement exclus de l’amour de Dieu et on ne doit pas les compter au

nombre de ceux qui sont notre prochain, mais au nombre de nos ennemis (chap. 13, 9; leçon

2, n° 1056).

Voir aussi : DIABLE.

Détraction.

La détraction consiste à amoindrir la réputation de quelqu’un en cachette, la personne

ignorant que l’on dit du mal d’elle (chap. 1, 30; leçon 8, n° 162).

Diable.

Il est le commencement du péché (chap. 7, 8; leçon 2, n° 541).

Il s’efforce d’empêcher la prédication, d’où procède le salut des hommes (chap. 1, 13 leçon 5,

n° 91).

Il s’efforce de tromper par les faux apôtres (chap. 16, 20; leçon 2, n° 1220).

Il produit dans l’homme toute concupiscence du péché (chap. 7, 8; leçon 2, n° 541).

Dieu.

Il est l’essence même de la bonté (chap. 8, 7; leçon 2, n° 622).

Il est immuable (chap. 1, 3; leçon 2, n° 38.

— Chap. 1, 21; leçon 7, n° 129. — Chap. 1, 23; leçon 7, n° 134).

Il est sublime (chap. 1, 23; leçon 7, n° 134).

Il est la vérité même (chap. 1, 25; leçon 7, n° 142).

Il est parfaitement incorruptible (chap. 1, 23; leçon 7, n° 134).

Il est riche par lui-même, et non par quelque autre trésor, car il n’a aucunement besoin de

biens étrangers (chap. 8, 17; leçon 3, n° 647).

Il est la vie même et la source de la vie (chap. 14, 11; leçon 1, n° 1109).

Il est le principe de l’être pour toutes choses (chap. 1, 25; leçon 7, n° 142).

Il est la cause suprême de toutes choses (chap. 8, 7; leçon 2, n° 621).

Il est cause de la connaissance, comme vérité première (chap. 1, 25; leçon 7, n° 142).

Il est Trinité (chap. 16, 25; leçon 2, n° 1223). Il est le Créateur de toutes choses (chap. 15, 5;

leçon 1, n° 1149).

Il était le Dieu des Hébreux seulement par le culte spécial qu’ils lui rendaient, toutefois il était

le Dieu de tous par son gouvernement universel (chap. 3, 29; leçon 4, n° 319).

Il est le Dieu de tous par sa création et son gouvernement, et spécialement le Dieu des justes à

cause du soin particulier qu’il en prend, par le culte spécial <que les justes lui rendent>, parce

qu’il est leur récompense (chap. 1, 7; leçon 5, n° 76).

Il habite dans l’âme par la foi (chap. 1, 17; leçon 6, n° 108).

Il scrute les cœurs, non parce qu’il cherche à connaître les secrets du cœur, mais parce qu’il

connaît manifestement ce qui est caché dans le cœur (chap. 8, 27; leçon 5, n° 694).

Il ne fait pas acception des personnes (chap. 2, 11-12; leçon 2, nos 206-207).

Action de Dieu.

Elle incline la volonté des hommes directement et par lui-même, en tant qu’acteur du bien;

mais en vue du mal, on dit que Dieu incline ou suscite les hommes occasionnellement, c’est-

à-dire en tant qu’il propose à l’homme, soit intérieurement, soit extérieurement, quelque chose

qui, dans la mesure où cela dépend de Dieu, le porte au bien; mais l’homme à cause de sa

malice en use avec perversité en vue du mal (chap. 9, 17 leçon 3, n° 781).

— A l’égard des bons.

Il ne les supporte pas seulement, comme si d’eux-mêmes ils étaient aptes pour le bien, mais il

les prépare et les dispose en les appelant à la gloire (chap. 9, 23; leçon 4, n° 794).

— A l’égard des méchants.

Il ne les dispose pas au mal, car ils ont d’eux-mêmes cette disposition par la corruption du

premier péché, mais il les laisse agir selon leurs convoitises (chap. 9, 23; leçon 4, n° 793).

— A l’égard des pécheurs.

Dieu appelle les pécheurs à la pénitence non en vertu d’une dette, mais gratuitement (chap. 2,

11; leçon 2, n° 206).

Amour de Dieu.

Il consiste en ce qu’il veut absolument le bien d’autrui (chap. 9, 13; leçon 2, n° 763).

Il n’est pas provoqué par le bien de la créature, comme l’amour humain, mais il cause au

contraire le bien même de la créature (chap. 1, 7; leçon 4, n° 67).

Bonté de Dieu.

La bonté de Dieu est d’une excellence telle qu’elle ne peut être suffisamment manifestée ni

d’une seule manière ni dans une seule créature. Elle se manifeste principalement dans les

créatures raisonnables (chap. 9, 22; leçon 4, n° 792).

Elle est sempiternelle (chap. 1, 25; leçon 7, n° 144).

Elle ne dépend de qui que ce soit (chap. 1, 25 leçon 7, n° 144).

Elle est principe de tout bien (chap. 1, 25 leçon 7, n° 144).

Causalité de Dieu.

Pour désigner la causalité de Dieu, <l’Apôtre> se sert de trois prépositions, qui sont "de" (ex),

"par" (per), et "en" (in). La prépo sition "de "(ex) indique le principe du mouvement, et cela

de trois manières d’abord en désignant le principe même de l’action ou du mouvement;

ensuite la matière même; enfin, dans l’opposition des termes contrairçs <de tout processus>,

le terme même à partir duquel se produit le mouvement. C’est à partir de Dieu, comme de leur

premier agent, que tous les êtres viennent à l’existence : et toutes choses viennent de (ex)

Dieu. La préposition "par" (per) désigne de deux manières la cause de l’opération : en tant que

l’opération vient de celui qui opère, en tant que l’opération est l’acte d’un agent supérieur, par

exemple lorsque nous disons que l’homme engendre "par" (per) la vertu du soleil, ou plutôt <

(per) celle de Dieu. Ainsi toutes choses sont dites être "par "(per) Dieu de deux manières

d’abord, comme par un premier agent, par la vertu duquel toutes les autres choses agissent;

ensuite, en tant que sa sagesse, qui est son essence, est la forme par laquelle Dieu a fait toutes

choses. La prépo sition "dans" (in) désigne aussi une triple relation causale : d’abord la

matière. Dans ce sens, on ne peut pas dire que toutes choses sont en Dieu, parce qu’il n’est

pas la cause matérielle des choses; ensuite cette prépo sition "dans" (in) désigne une relation

de cause efficiente. Dans ce sens on dit que toutes choses sont en Dieu, en tant qu’elles sont

sous sa puissance et à sa disposition; enfin cette préposition "dans "(in) désigne une relation

de cause finale. Dans ce sens on dit que toutes choses sont en Dieu, comme dans la bonté qui

conserve (chap. 11, 36; leçon 5, nos 943-947).

Colère de Dieu.

Elle n’est pas en lui comme le trouble de la passion, mais comme un effet de la justice qui

punit (chap. 9, 22; leçon 4, n° 793.

— Chap. 11, 29; leçon 4, n°925).

On dit que Dieu se venge ou se met en colère par similitude avec la colère humaine, mais il ne

verse pas dans la vengeance ou la colère à cause de sa tranquillité d’âme (chap. 1, 18; leçon 6,

n° 110).

Communication de Dieu.

Il a voulu communiquer à d’autres sa bonté naturelle, en les faisant participer à la simi litude

de sa bonté, pour que non seulement il soit bon, mais qu’il soit aussi l’auteur des bontés

(chap. 8, 29; leçon 6, n° 706).

Il est le donateur de l’espérance (chap. 15, 13; leçon 1, n° 1162).

Il est le donateur de la paix (chap. 15, 33; leçon 3, n° 1192).

Élection de Dieu.

Elle consiste en ce que par le bien qu’il veut à l’un, il le préfère à l’autre (chap. 9, 13 leçon 2,

n° 763).

Essence de Dieu.

Elle ne nous est pas connue <ici-bas> selon ce qu’elle est, c’est-à-dire en tant qu’elle est

unique en elle-même. Elle nous sera connue de cette manière dans la patrie. Cependant elle

nous est manifestée par quelques simi litudes prises dans les créatures, qui parti cipent de

multiples manières à ce qui est un en Dieu, et par cette participation notre intel ligence

considère l’unité de la divine essence sous le rapport de la bonté, de la sagesse, de la

puissance, et autres <perfections> du même genre qui sont en Dieu (chap. 1, 20; leçon 6, n°

117).

Éternité de Dieu.

Bien qu’elle soit une et simple, elle peut cependant s’exprimer au pluriel, à cause de la

multitude et de la diversité des siècles qu’elle contient (chap. 11, 36; leçon 5, n° 951).

Gloire de Dieu.

Elle est inhérente à lui, incompréhensible et infinie (chap. 1, 23; leçon 7, n° 134).

La gloire ou la clarté de Dieu est au principe de toute beauté et de toute forme (chap. 1, 23;

leçon 7, n° 135).

Image de Dieu.

Elle se reflète dans la raison naturelle (chap. 2, 14; leçon 3, n° 216).

Intelligence de Dieu.

L’intelligence divine est la cause et la mesure des choses, et voilà pourquoi, selon sa nature

propre, elle est indéfectiblement vraie, et chaque chose est vraie selon qu’elle se conforme à

lui (chap. 3, 4; leçon 1, n° 255).

Jugement de Dieu.

Dieu s’est réservé à lui seul le droit de juger des choses cachées, comme le sont en particulier

les pensées des cœurs et les choses futures (chap. 14, 4; leçon 1, n° 1093).

Le jugement de Dieu est selon la vérité (chap. 2, 2; leçon 1, n° 179).

Il se révèle être juste pour trois raisons : premiè rement, en raison de la dignité infinie de Dieu

contre lequel on pèche; deuxièmement, en raison de la volonté par laquelle on pèche;

troisièmement, en raison de l’effet du péché, qui est le retrait de la grâce (chap. 2, 6 leçon 2,

OS 192-194).

Les jugements de Dieu sont honorables, délec tables, utiles pour ne pas pécher (chap. 3, 2;

leçon 1, n° 250).

Justice de Dieu.

Dieu seul est juste et accomplit les promesses relatives à la justification des hommes (chap. 3,

21; leçon 3, n° 300).

De Dieu seul vient la justice (chap. 3, 10 leçon 2, n° 277).

La justice de Dieu a été manifestée main tenant, c’est-à-dire au temps de la grâce, soit par la

doctrine du Christ, soit par ses miracles, soit même par l’évidence du fait, étant donné qu’un

grand nombre d’hommes ont été justifiés (chap. 3, 21; leçon 3, n° 300).

Manifestation de Dieu.

Dieu s’est manifesté aux hommes soit en répandant sa lumière intérieurement, soit en

présentant à leur esprit les créatures visibles, dans lesquelles, comme dans une sorte de livre,

la connaissance de Dieu était lue (chap. 1, 19; leçon 6, n° 116).

Miséricorde de Dieu.

Elle peut être considérée sous trois rapports d’abord, relativement à la prédestination selon

laquelle de toute éternité Dieu s’est proposé de libérer les hommes; ensuite, rela tivementà la

vocation et à la justification, par lesquelles il sauve les hommes dans le temps; enfin, en

magnifiant par la gloire, quand il libère de toute misère (chap. 9, 15; leçon 3, n° 774).

— Extension de la miséricorde divine.

Elle ne s’étend pas aux démons, comme le soutenait Origène, ni même à tous les hommes en

particulier, mais à toutes les classes d’hommes (chap. 11, 32; leçon 4, n° 932).

— Raison du salut par la miséricorde divine.

La raison pour laquelle Dieu veut que tous soient sauvés par sa miséricorde, c’est afin que les

hommes trouvent en cela un sujet de s’humilier et qu’ils attribuent leur salut non à eux-

mêmes, mais à Dieu (chap. 11, 32; leçon 4, n° 932).

Mort de Dieu.

On peut dire que, pour nous, Dieu meurt en tant qu’il est en nous par la foi (chap. 8, 17; leçon

3, n° 648).

Parole de Dieu.

La parole de Dieu purifie notre cœur (chap. 10, 8; leçon 1, n° 828).

Puissance de Dieu.

C’est le propre de la puissance divine de sanc tifier les hommes par la communication de

l’Esprit-Saint (chap. 1, 4; leçon 3, n° 58).

Prédestination de Dieu.

Elle consiste en ce que Dieu dirige l’homme vers le bien qu’il lui veut, en l’aimant et en le

choisissant (chap. 9, 13; leçon 2, n° 763).

Elle est subséquente à l’amour (chap. 9, 13 leçon 2, n° 763).

Elle a prédestiné de toute éternité les bienfaits qu’il devait donner à ses saints (chap. 8, 29

leçon 6, n° 702).

Sa prédestination a pour objet les biens du salut (chap. 8, 29; leçon 6, n° 702).

Prescience de Dieu.

Dieu a la prescience même des péchés (chap. 8, 29; leçon 6, n° 702).

Règne de Dieu.

Il consiste principalement dans les actes inté rieurs de l’homme et non dans des actes exté

rieurs (chap. 14, 17; leçon 2, n° 1127).

Repentir de Dieu.

On dit parfois que Dieu se repent, non comme s’il y avait en lui un changement <dû au>

repentir, mais parce qu’il se comporte à la manière de celui qui se repent, quand il change ce

qu’il avait fait (chap. 11, 29 leçon 4, n° 925).

Sagesse de Dieu.

Lui seul est sage, c’est—à-dire par essence (chap. 16, 27; leçon 2, n° 1227).

Elle est manifestée à travers ses créatures (chap. 1, 20; leçon 6, n° 118).

Volonté de Dieu.

Elle est la cause des choses (chap. 1, 7; leçon 4, n° 67).

Pour Dieu, vouloir c’est faire (chap. 8, 28 leçon 6, n° 699).

Il a voulu que le mystère de l’Incarnation soit révélé (chap. 16, 27; leçon 2, n° 1227).

Dilection.

La dilection doit être vraie, pure et honnête J (chap. 12, 9; leçon 2, n° 984).

Discrétion.

Voir : SEL.

Dispute.

Elle est un assaut contre la vérité s’accompa gnant de clameurs effrontées (chap. 1, 29 leçon

8, n° 160. — Chap. 13, 13; leçon 3, n° 1078).

Elle est habituellement engendrée par l’envie (chap. 13, 13; leçon 3, n° 1078).

Ébriété.

Écriture sainte.

Est appelée < sainte", d’abord parce que les saints hommes de Dieu ont parlé sous l’inspi

ration de l’Esprit-Saint et que, divinement inspirée, elle est utile pour reprendre, corriger et

former à la justice; puis parce qu’elle contient des choses saintes; enfin parce qu’elle sanctifie

(chap. 1, 2; leçon 2, n° 27).

Sens de l’Écriture.

Le sens de l’Écriture se comprend par les actions des saints (chap. 1, 9; leçon 5, n° 80).

Contenu de l’Écriture.

Elle contient la patience des saints à supporter les maux et la consolation que Dieu leur a

donnée (chap. 15, 4; leçon 1, n° 1148).

Rôle de l’Écriture.

Elle convainc tous les hommes d’injustice pour deux raisons : d’abord pour réprimer leur

jactance, par laquelle ils se regardaient comme justes; ensuite, pour qu’en recon naissant leur

faute ils se soumettent à Dieu (chap. 3, 19; leçon 2, n° 294).

Église.

Elle est fondée sur le Christ, sur Marie et sur les Apôtres (chap. 8, 23; leçon 5, n° 678).

Elle est le Corps mystique du Christ (chap. 12, 4; leçon 2, n° 973).

Elle est signifiée par l’arche (chap. 3, 25 leçon 3, n° 308).

L’ébriété est de par sa nature un péché mortel, c’est-à-dire lorsqu’on s’enivre de propos

délibéré, mais elle est un péché véniel si l’on s’enivre accidentellement, c’est-à-dire contre

son intention (chap. 13, 13; leçon 3, n° 1075).

Édifice de l’Église.

Dans l’édifice spirituel de l’Église non seulement certains sont choisis, mais ils sont rendus

plus forts pour supporter le poids des autres (chap. 15, 1; leçon 1, n° 1142).

Élection.

Épreuve.

La fin de l’élection et de la miséricorde à l’égard des bons est de manifester en eux l’abon

dance de la bonté divine, en les retirant du mal, en les attirant à la justice et finalement en les

conduisant à la gloire (chap. 9, 23 leçon 4, n° 794).

Elle est une tristesse provoquée par le bien du prochain, tristesse qui incite à lui nuire (chap.

1, 29; leçon 8, n° 159).

Épîtres de saint Paul.

Contenu de ses épîtres.

Elles contiennent la quasi-totalité de la doctrine théologique (Prol., n° 6).

Finalité de ses épîtres.

Neuf sont écrites pour l’instruction de l’Église des nations païennes, quatre pour les prélats et

les princes de l’Eglise, ainsi que les rois, une pour le peuple d’Israël (Prol., n° 11).

Quatre causes de ses épîtres.

L’auteur, dans le vase <qu’est saint Paul>. La matière, dans le nom du Christ, qui est le

contenu du vase, parce que toute cette doctrine se rapporte à la doctrine du Christ. Le mode,

dans l’usage de porter; car cette doctrine est transmise par mode épistolaire. La distinction

<des parties> de l’œuvre, en fonction de l’utilité mentionnée (Prol., n° 10).

Sens du mot.

Il peut être entendu de deux manières : ou bien en tant qu’elle est dans celui qui est éprouvé,

ou bien au sens de ce qui est éprouvé (chap. 5, 3; leçon 1, n° 388).

Elle suppose une attente certaine d’un bien futur (chap. 4, 18; leçon 3, n° 368).

Elle rend l’homme joyeux en raison de la certitude, mais elle l’afflige cependant en raison du

délai (chap. 12, 12; leçon 2, n° 990).

Le signe de l’espérance véhémente que nous avons à cause du Christ, est que non seulement

nous nous glorifions de l’espérance de la gloire future, mais aussi des maux que nous

endurons pour elle (chap. 5, 3; leçon 1, n° 386).

Esprit-Saint.

Voir surtout chap. 8; leçons 1-7, nos 595-731).

Il est l’union et le lien du Père et du Fils (chap. 1, 7; leçon 4, n° 73).

Il est l’amour du Père et du Fils (chap. 5, 5; leçon 1, n° 392).

L’Esprit-Saint est la semence spirituelle qui procède du Père (chap. 8, 14; leçon 3, n° 636).

Il est la source dont les eaux, c’est-à-dire les effets, jaillissent en vie éternelle (chap. 8, 18;

leçon 4, n° 655).

Il habite dans l’âme (chap. 8, 2; leçon 1, n° 602).

Il est cause de la paix (chap. 8, 6; leçon 1, n° 618).

Action de l’Esprit-Saint.

Il dispose à l’accueil de la foi les cœurs de ceux qui écoutent la prédication de la doctrine, en

les touchant intérieurement (chap. 15, 19 leçon 2, n° 1171).

Endurcissement.

Voir : RÉPROBATION.

Espérance.

Envie.

Il enseigne non seulement ce qu’il faut faire, en illuminant l’intelligence sur ce qu’il faut

accomplir, mais incline aussi l’affection à agir avec droiture (chap. 8, 2 leçon 1, n° 602.

— Chap. 8, 14; leçon 3, n° 635).

Il cause dans les hommes spirituels le mouvement même de leur volonté et de leur libre

arbitre (chap. 8, 14; leçon 3, n° 635).

Il cause dans notre cœur des gémissements pareils à ceux de la colombe, c’est-à-dire en tant

qu’il nous fait désirer les réalités célestes qui sont différées pour notre âme (chap. 8, 26; leçon

5, n° 693).

C’est par l’Esprit-Saint que le péché est remis (chap. 8, 2; leçon 1, n° 605).

Il nous fait demander, en tant qu’il cause en nous de justes désirs (chap. 8, 26; leçon 5, n°

693).

Communication de l’Esprit-Saint.

À partir du moment où le Christ fut ressuscité, l’Esprit-Saint commence à être donné de

manière plus abondante et plus universelle (chap. 1, 4; leçon 3, n° 58).

Par le don du Saint-Esprit, qui est l’amour du Père et du Fils, nous entrons en partici pation de

son amour qui nous fait aimer Dieu (chap. 5, 5; leçon 1, n° 392).

Sa vertu communique à l’eau du baptême sa puissance de purifier (chap. 6, 4; leçon 1, n°474).

L’Esprit-Saint ne parvient à l’homme que s’il est uni au Christ Tête (chap. 8, 2; leçon 1, n°

605).

Eutychès.

Il a soutenu que même avant l’Incarnation il y eut deux natures <dans le Christ>, mais

qu’après il n’y en eut qu’une seule (chap. 1, 3; leçon 2, n° 37).

Évangile.

Le mot signifie la même chose que bonne annonce (chap. 1, 1; leçon 1, n° 23).

Il annonce une triple liaison de l’homme â Dieu : la première se fait par la grâce de l’union; la

deuxième par la grâce de l’adoption; la troisiâme par la gloire de la fruition (chap. 1, 1; leçon

1, n° 24).

Il opère le salut par la foi de trois manières par la prédication, par la confession, par l’Ecriture

(chap. 1, 16b; leçon 6, n° 100).

La matière de l’Evangile est le Christ (chap. 1, 2; leçon 2, n° 28.")

La parole de l’Evangile accomplit, c’est-à-dire perfectionne, et abrège les paroles de la Loi,

parce qu’elle renferme tous les sacrifices figu ratifs de la Loi en un seul sacrifice; parce

qu’elle renferme tous les préceptes moraux de la Loi dans les deux préceptes de la charité

(chap. 9, 28; leçon 5, n° 803).

Existence.

Toutes choses existent dans le Fils de Dieu, comme dans leur cause primordiale et "préo

pérative" (chap. 8, 32; leçon 6, n° 714).

Fils.

Voir aussi : CHRIST.

Il est consubstantiel et coéternel au Père (chap. 8, 3; leçon 1, n° 607).

Il est Fils du Père par nature (chap. 8, 32; leçon 6, n° 712).

Il est appelé Verbe et Sagesse engendrée (chap. 1, 3; leçon 2, n° 29).

Ayant la même puissance que son Père, il ressuscita par sa propre puissance (chap. 4, 24;

leçon 3, n° 379. — Chap. 11, 36; leçon 5, n° 946).

Il est la matière des saintes Ecritures qui exposent la divine sagesse (chap. 1, 3 leçon 2, n° 29).

Il apparaîtra au jugement aux bons et aux mauvais; mais aux bons selon la gloire de sa

divinité, au méchants selon la nature de son humanité (chap. 2, 16; leçon 3, n° 223).

Anéantissement du Fils.

On dit que le Fils de Dieu s’est anéanti ou amoindri, non en ce sens qu’on ait enlevé quelque

chose à la plénitude ou à la grandeur de sa divinité, mais parce qu’il a assumé notre pauvreté

et notre petitesse (chap. 9, 28 leçon 5, n° 805).

Communication du Fils.

Le Fils de Dieu a voulu communiquer aux autres la conformité à sa filiation, pour être non

seulement le Fils, mais encore le premier-né d’entre les fils (chap. 8, 29 leçon 6, n° 706).

La foi, qui est comme la première partie de la justice, nous vient de Dieu (chap. 3, 22; leçon 3,

n° 302. — Chap. 10, 1; leçon 1, n° 814).

Elle implique un certain assentiment, accom pagné de certitude, à ce que l’on ne voit point,

par la volonté (chap. 1, 17; leçon 6, n° 105).

Elle est le fondement de tous les biens spirituels (chap. 1, 8; leçon 5, n° 77).

Elle est intermédiaire entre la science et l’opinion (chap. 1, 17; leçon 6, n° 105).

La foi en la résurrection du Christ justifie (chap. 4, 24-25; leçon 3, n° 379-380).

La foi ne précède pas la grâce, elle est <infusée> par la grâce (chap. 5, 2; leçon 1, n° 383).

La foi n’est pas seulement spéculative, mais aussi pratique, en tant qu’elle opère par la

charité, c’est pourquoi être en désaccord avec la vraie foi c’est s’opposer à la charité (chap.

12, 16; leçon 3, n° 1005).

La foi du Christ confère le secours de la grâce pour accomplir les préceptes moraux de la Loi

(chap. 3, 31; leçon 4, n° 321).

Acte de foi.

L’acte de foi, qui consiste à croire, dépend de l’intelligence et la volonté mouvant

l’intelligence vers l’assentiment (chap. 1, 17; leçon 6, n° 106).

Triple est l’acte de foi, lequel consiste à croire Dieu (credere Deum), croire à Dieu (credere

Deo), et croire en Dieu (credere in Deum) (chap. 4, 3; leçon 1, n° 327).

La foi est-elle une vertu ?

Elle ne l’est pas, si on la prend pour l’objet de la foi, mais si on la prend pour l’habitus par

lequel nous croyons, elle est quelquefois une vertu, quelquefois non (chap. 1, 17; leçon 6, n°

106).

Elle est une vertu lorsqu’elle est formée par la charité (chap. 1, 17; leçon 6, n° 106).

Prédication de la foi.

La preuve de la foi prêchée, c’est la vie sainte de celui qui prêche (chap. 15, 18; leçon 2, n°

1171).

Au sens strict la fornication se commet avec des courtisanes, qui se prostituaient publique

ment près des voûtes, c’est-à-dire des arcs de triomphe. Mais dans ce contexte ce mot est pris

pour toute union illégitime (chap. 1, 29; leçon 8, n° 158).

Gentils.

Conversion des Gentils.

L’Apôtre attribue la conversion des Gentils à la miséricorce divine (chap. 15, 9; leçon 1, n°

1157).

Justification des Gentils.

Les Gentils sont justifiés par la foi elle-même immédiatement (chap. 3, 30; leçon 4, n° 320).

Fornication.

Théologie des Gentils.

Les Gentils avaient une triple théologie : la théologie civile, qui était observée par les pontifes

pour l’adoration des idoles dans les temples; celle de la fable, que les poètes exposaient dans

les théâtres; la théologie naturelle, que les philosophes observaient dans le monde, en

honorant les parties du monde (chap. 1, 25; leçon 7, n° 145).

Gloire, glorifier.

Voir aussi : SAINTS.

L’homme glorifie Dieu en lui rendant un culte de latrie (chap. 1, 23; leçon 7, n° 134).

Elle sera parfaite en nous dans la vie future mais, en attendant, elle est commencée en nous

dans l’état actuel par l’espérance (chap. 5, 2; leçon 1, n° 385).

Non seulement nous nous glorifions dans l’espé rance de la gloire, mais nous nous glorifions

même dans les tribulations, par lesquelles nous parvenons à la gloire (chap. 5, 3; leçon 1, n°

386).

Grâce.

Elle est le premier des dons de Dieu, parce que c’est par elle que l’impie est justifié (chap. 1,

7; leçon 4, n° 70).

Efficacité de la grâce.

Non seulement la grâce de Dieu s’est étendue vers des multitudes pour détruire le péché

introduit par Adam, mais aussi pour détruire les péchés actuels et procurer beaucoup d’autres

biens (chap. 5, 15; leçon 5, n° 433).

La grâce donnée par Jésus-Christ libère l’homme de ce corps de mort de deux manières :

premièrement, en faisant que la corruption du corps ne domine plus sur l’esprit, en

l’entraînant au péché; deuxiè mement, en détruisant totalement la corruption du corps (chap.

7, 25; leçon 4, n° 593).

État de grâce.

L’état de grâce est appelé jour à cause de la lumière de l’intelligence spirituelle que possèdent

les justes, mais qui manque aux impies (chap. 13, 12; leçon 3, n° 1067).

Origine de la grâce.

L’origine de la grâce est l’amour de Dieu (chap. 1, 7; leçon 4, n° 67).

Sortes de grâces.

— Grâce donnée gratuitement.

Lorsque par la grâce de la prophétie la précon

naissance des choses futures, qui n’est propre qu’à Dieu, est communiquée à l’homme, on

appelle cette sorte de grâce grâce donnée gratuitement (chap. 1, 4; leçon 3, n° 46).

Elle n’est pas directement ordonnée en vue de diriger vers sa fin ultime celui qui la reçoit,

mais <elle est donnée> pour que d’autres soient dirigés par elle (chap. 1, 4; leçon 3, n° 47).

— Grâce qui rend agréable.

Lorsque la créature raisonnable est unie à Dieu selon l’effet de la charité, cela se fait par la

grâce qui rend agréable, laquelle est une grâce d’adoption (chap. 1, 4; leçon 3, n° 46).

— Grâce d’union.

Cette grâce n’appartient qu’au Christ par l’union en son être personnel (chap. 1, 4 leçon 3, n°

46).

Hérésies.

Voir APOLLINAIRE, Arius, Eutychès, MACÉ DONIUS, MANICHÉENS, NESTORIUS,

ORIGÈNE, PÉLAGIENS, PLATONICIENS, PHOTIN, SABELLIUS, VALENTIN.

Hermès.

Les sectateurs d’Hermès croyaient que concernant les corps célestes, l’air et l’eau et d’autres

éléments semblables, il y avait dans leurs représentations quelque chose de divin (chap. 1, 25;

leçon 7, n° 143).

Homme (s).

Il est selon la raison (chap. 7, 17; leçon 3, n° 569).

Il occupe une place intermédiaire entre Dieu et les animaux sans raison, et est en relation avec

ces deux extrêmes : avec Dieu, par sa faculté de comprendre; avec les animaux sans raison,

par sa faculté de sentir (chap. 1, 24; leçon 7, n° 137).

Ils sont divinement remplis de grâces divines (Prol., n° 3).

Ils sont prédestinés à être des fils adoptifs par la grâce seule et non par leurs mérites (chap. 1,

4; leçon 3, n° 48).

Ils revêtent Jésus-Christ par la réception du sacrement de baptême et par son imitation (chap.

13, 14; leçon 3, n° 1079,).

Ils sont comparés dans la sainte Ecriture à un vase pour quatre raisons : à cause de leur

formation, de leur capacité, de leur usage, et de leur fruit (Prol., n° 1).

Les hommes spirituels agissent par leur volonté et leur libre arbitre, parce que l’Esprit-Saint

cause en eux le mouvement même de leur volonté et de leur libre arbitre (chap. 8, 14; leçon 3,

n° 635).

Il ne doit pas scruter la raison des jugements divins avec l’intention de les pénétrer, parce

qu’ils excèdent la raison humaine (chap. 9, 20; leçon 4, n° 789).

Aucun homme n’est juste de soi et en soi, mais de soi tout homme est pécheur (chap. 3, 10;

leçon 2, n° 277).

Ils sont des vases inutiles, soit à cause du péché, soit à cause de l’erreur (Prol., n° 9).

Ils se rendent inutiles lorsqu’ils se détournent de Dieu, pour lequel ils ont été créés (chap. 3,

12; leçon 2, n° 280).

Tout homme est menteur selon son intelligence, et il n’est vrai que dans la mesure où il

participe à la vérité divine (chap. 3, 4; leçon 1, n° 255).

Béatitude de l’homme.

La béatitude de l’homme vient de Dieu (chap. 4, 6; leçon 1, n° 333).

Bien(s) de l’homme.

Le bien de l’homme et sa justice consistent principalement dans les actes intérieurs, à savoir

ceux par lesquels l’homme croit, espère et aime (chap. 12, 1; leçon 1, n° 964).

Le souverain bien de l’homme réside dans la connaissance de Dieu, en ce qu’il adhère à lui et

est instruit par lui (chap. 3, 2; leçon 1, n° 249).

Il ne consiste pas seulement dans l’étendue de la charité, mais principalement dans sa

persévérance jusqu’à la mort (chap. 8, 28; leçon 6, n° 698).

L’homme a trois sortes de biens : le bien de l’âme, qu’il offre à Dieu par l’humilité de la

dévotion et de la contrition; les biens extérieurs, qu’il offre à Dieu par la largesse des

aumônes; le bien de son propre corps (chap. 12, 1; leçon 1, n° 958).

Chair de l’homme.

La chair de l’homme, avant le péché, n’était pas sujette à la souffrance (chap. 8, 3; leçon 1, n°

608).

Circoncision de l’homme.

Il est extérieurement circoncis dans sa chair, afin de pratiquer la circoncision dans son cœur

(chap. 2, 26; leçon 4, n° 240).

Connaissance de l’homme.

L’homme peut connaître Dieu par la raison de trois manières : premièrement par la causa lité,

deuxièmement par voie d’excellence, troisièmement par voie de négation (chap. 1, 19; leçon

6, nos 114-115).

La connaissance de l’homme commence par ce qui lui est connaturel, à savoir par les

créatures sensibles, lesquelles n’ont pas d’analogie pour représenter l’essence divine (chap. 1,

19; leçon 6, n° 114).

Depuis la création du monde les hommes ont commencé à connaître Dieu par ses œuvres

(chap. 1, 20; leçon 6, n° 121).

Devoir de l’homme.

L’homme doit intérieurement à Dieu un culte fondé sur un sentiment de piété; extérieurement

il lui doit un culte de latrie (chap. 1, 25; leçon 7, n° 142).

Dignité de l’homme.

Le suprême degré de dignité chez les hommes c’est de ne pas être porté au bien par les autres,

mais <d’y être porté> par eux-mêmes (chap. 2, 14; leçon 3, n° 217).

Gloire de l’homme.

Il appartient à la gloire de l’homme que sa conscience ne lui fasse pas de reproche (chap. 14,

22; leçon 3, n° 1138).

Héritage de l’homme.

) Il n’obtient pas l’héritage de la gloire d’une manière plus facile que le Christ, il lui faut

parvenir à cet héritage à travers des souffrances (chap. 8, 17; leçon 3, n° 651).

Ignorance de l’homme.

L’homme ignore totalement la Loi pour trois raisons par manque d’intelligence naturelle, par

défaut d’instruction, par défaut d’âge (chap. 2, 19-20; leçon 4, OS 229-230).

Inclination de l’homme.

L’inclination de l’homme, selon la raison, le porte à vouloir le bien et à fuir le mal (chap. 7,

16; leçon 3, n° 567).

Jugement de l’homme.

Le jugement de l’homme est licite en tant qu’il est exercé en vertu de l’autorité accordée par

Dieu (chap. 14, 4; leçon 1, n° 1093).

Le jugement de l’homme, alors même qu’il juge avec justice, n’est pas toujours selon la vérité

de l’objet, mais selon les dépositions des témoins, qui quelquefois ne s’accordent pas avec la

vérité (chap. 2, 2; leçon 1, n° 179).

Liberté de l’homme.

L’homme demeure toujours libre de contrainte quant à l’usage de sa raison, mais il n’est

cependant pas libre d’inclination (chap. 6, 20; leçon 4, n° 508).

Mensonge de l’homme.

Tout homme est menteur selon son intelligence, et il n’est vrai que dans la mesure où il

participe à la vérité divine (chap. 3, 4 leçon 1, n° 255).

Offrande de l’homme.

L’homme offre son corps à Dieu comme une hostie de trois manières : premièrement, quand il

expose son corps à la souffrance et à la mort pour Dieu; deuxièmement, quand l’homme

macère son corps par des jeûnes et des veilles pour servir Dieu; troisièmement, quand

l’homme offre son corps aux œuvres de la justice et au culte divin (chap. 12, 1; leçon 1, n°

959).

Œuvres des hommes.

Elles ne sont pas en mesure de produire l’habitude (habitus) de la justice divine, mais il est

nécessaire que le cœur de l’homme soit intérieurement justifié pour accomplir des œuvres

proportionnées à la gloire divine (chap. 4, 2; leçon 1, n° 325).

Il est réputé faire ce que la raison opère, parce que l’homme est selon la raison (chap. 7, 17;

leçon 3, n° 570).

Paix de l’homme.

Elle ne peut être parfaite aussi longtemps qu’il craint de perdre les biens qu’il possède, mais il

possède alors la véritable paix du cœur, quand il est en possession de tout ce qu’il désire et

qu’il ne craint pas de le perdre (chap. 2, 10; leçon 2, n° 204).

Plaisir de l’homme.

L’homme selon la raison trouve son plaisir dans la Loi de Dieu (chap. 7, 22; leçon 4, n° 585).

Prédestination de l’homme.

Il est prédestiné par filiation adoptive, laquelle est une participation et une image de la

filiation naturelle. Elle est due, comme pour le Christ, à la grâce seule et non à ses mérites

(chap. 1, 4; leçon 3, n° 48).

Prière de l’homme.

L’homme prie aussi longtemps qu’il ordonne toute sa vie en fonction de Dieu (chap. 1, 10;

leçon 5, n° 84).

Soumission et union de l’homme.

Nous sommes unis et soumis à Dieu par l’intelligence et par l’affection (chap. 14, 17 leçon 2,

n° 1127).

Vérité de l’homme.

Il n’a pas la vérité, parce que sa propre nature changeante tend vers le néant (chap. 3, 4 leçon

1, n° 255).

Vieillesse de l’homme.

La vieillesse de l’homme a été introduite par le péché, en tant que par le péché le bien de la

nature est corrompu. Or cette vieillesse domine dans l’homme aussi longtemps que l’homme

est soumis au péché. Et puisque ce qui domine dans l’homme est regardé comme l’homme

lui-même, dès lors dans celui qui est soumis au péché la vieillesse même du péché est appelée

le vieil homme (chap. 6, 6 leçon 2, n° 479).

Vocation de l’homme.

La vocation de l’homme est double : l’une est extérieure et se fait par la bouche du

prédicateur; l’autre est intérieure, elle n’est rien d’autre qu’un certain instinct de l’esprit, par

lequel le cœur de l’homme est mû par Dieu pour donner son assentiment à ce qui relève de la

foi ou de la vertu. Cette vocation est nécessaire, parce que notre cœur ne se tournerait pas vers

Dieu si Dieu lui-même ne nous attirait pas vers lui (chap. 8, 30 leçon 6, n° 707).

Homicide.

L’homicide ne consiste pas seulement en acte, mais aussi dans la volonté (chap. 1, 29 leçon 8,

n° 160).

Hospitalité.

L’hospitalité est une œuvre de miséricorde qui renferme toutes les autres œuvres de

miséricorde (chap. 12, 13; leçon 2, n° 995).

Ignorance.

Elle excuse la faute dès lors que celle-ci en procède et <que l’ignorance> la cause, à condition

toutefois qu’elle ne soit pas causée par une faute (chap. 1, 20b; leçon 7, n° 124).

Immolation.

Voir aussi : SAC

Immolation de l’hostie.

L’hostie qu’on immolait à Dieu réunissait quatre conditions : d’abord l’oblation elle-même

devait être entière et sans corruption; ensuite l’hostie offerte à Dieu était sanctifiée dans

l’immolation elle-même; puis quant à la destruction même du sacrifice, l’hostie était appelée

un sacrifice de suavité et agréable au Seigneur; enfin dans la préparation même du sacrifice on

y ajoutait du sel (chap. 12, 1; leçon 1, n° 960-963).

Impiété.

On qualifie d’impiété le péché qui est commis contre le culte de Dieu (chap. 1, 18; leçon 6,

n°111).

Interpellation.

Voir aussi : PROPHÈTES.

Invocation.

L’invocation se rapporte à la confession de la bouche qui procède de la foi du cœur (chap. 10,

14; leçon 2, n° 836).

Israélites.

Voir aussi : JUIFS.

Les véritables Israélites sont ceux qui sont droits et qui voient Dieu par la foi (chap. 9, 6;

leçon 2, n° 750).

Jouissance.

Il ne faut jouir seulement, écrit saint Augustin, que de ce qui nous rend bienheureux, à savoir

du Père, du Fils et de l’Esprit-Saint (chap. 15, 24; leçon 3, n° 1182).

Jugement.

Sortes de jugements.

Il y a trois sortes de jugements : le premier est juste, parce qu’il se fait selon la règle de la

justice; le deuxième est un jugement injuste, parce qu’il se fait contre la règle de la justice; le

troisième jugement est téméraire (chap. 2, 1; leçon 1, n° 174).

Jugement de discussion.

Tous ne comparaîtront pas au jugement de discussion pour être jugés, car certains siégeront

comme juges (chap. 14, 10 leçon 1, n° 1106).

Jugement téméraire.

Il se commet de deux manières d’abord, quand celui à qui un jugement a été confié procède

sans la connaissance exigée de la vérité; ensuite, quand on s’approprie le jugement des choses

secrètes, qui appartient à Dieu seul (chap. 2, 1; leçon 1, n° 174).

Juifs.

Ils sont comme nos préposés à la garde des livres d’où l’on rend témoignage à notre foi (chap.

9, 13; leçon 2, n° 761).

Conversion des Juifs.

L’Apôtre attribue la conversion des Juifs à la vérité divine (chap. 15, 9; leçon 1, n° 1157).

Faute des Juifs.

Ils pèchent en transgressant la Loi et contre le culte de Dieu (chap. 2, 21-23; leçon 4, nos

232.").

Justification des Juifs.

On dit que les Juifs sont justifiés par la foi, parce que la foi fut la cause première d’où

résultèrent la circoncision et les autres sacrements de la Loi; et ainsi la foi justifie les Juifs,

comme une cause première agissant par des causes intermédiaires (chap. 3, 30; leçon 4, n°

320).

Nom des Juifs

Ils ont pris leur nom du patriarche Juda (chap. 2, 17; leçon 4, n° 225).

Prérogative ou privilège des Juifs

Ils ont le privilège du culte de Dieu, et c’est pour cette raison qu’ils étaient appelés peuple de

Dieu, comme le servant et obéissant à ses préceptes; de l’amour d’élection, en ce que Dieu

leur accordait un grand nombre de bienfaits pour les conduire à une grâce spéciale; de

l’affranchissement du péché originel qui leur était accordé dans la circoncision (chap. 9, 25;

leçon 5, n° 799).

Ils ont un privilège dans la contemplation des choses divines, dans le partage des biens

temporels, dans leurs pères, dans les promesses et dans leur descendance (chap. 3, 2; leçon 1,

n° 249).

Par rapport à la nation à qui a été donnée la Loi; par rapport à la Loi elle-même; par rapport à

l’effet de la Loi (chap. 2, 17-18 leçon 4, n 225".).

Ils ont reçu en premier lieu l’adoption filiale (chap. 9, 13; leçon 2, n° 761).

Justice.

Justice de Dieu.

On appelle justice de Dieu celle par laquelle il justifie les hommes (chap. 1, 17; leçon 6, n°

102).

Justice des hommes.

On appelle justice des hommes celle par laquelle ils prétendent se justifier par leurs propres

forces (chap. 1, 17; leçon 6, n° 102).

Comparaison ou relation entre la justice et la Loi.

La justice, dit l’Apôtre, n’est pas causée par la Loi, mais elle n’est pas opposée à elle. La Loi

a attesté la justice du Christ par la prédiction et la préfiguration, et même par son effet, parce

que, ne pouvant justifier par elle-même, elle rendait témoignage qu’il fallait chercher ailleurs

la justice (chap. 3, 21; leçon 3, OS 300 et 301).

Justice distributive.

Elle a lieu quand on donne ce qui est dû (chap. 9, 15; leçon 3, n° 773).

Il appartient à la justice distributive de distribuer également à des égaux (chap. 9, 14; leçon 3,

n° 766).

Justice originelle.

Elle était une sorte de rectitude consistant en ce que l’âme de l’homme était soumise à Dieu,

les puissances inférieures à la raison, le corps à l’âme, et toutes les choses extérieures à

l’homme, c’est-à-dire de telle sorte que, aussi longtemps que l’âme était soumise à Dieu, les

puissances inférieures à la raison, dont il reçoit inlassablement la vie, tout lui servait et il n’en

éprouvait aucun dommage (chap. 5, 12; leçon 3, n° 416).

Elle avait été donnée divinement au premier homme, non seulement en tant qu’il était une

personne individuelle, mais aussi en tant qu’il était le principe de la nature humaine (chap. 5,

12; leçon 3, n° 410).

Justification, justifier.

Le mot peut être pris dans trois sens : dans le sens de réputer, en sorte que l’on peut être dit

justifié, quand on est réputé juste; dans le sens d’accomplir la justice, en tant que les œuvres

des observateurs de la Loi sont accomplies; au sens de cause de la justice, en sorte que l’on

qualifie de justifié celui qui reçoit de nouveau la justice (chap. 2, 13 leçon 3, n° 212).

Le premier acte de la justification que Dieu opère dans l’homme est le fait même de croire

(chap. 3, 22; leçon 3, n° 302.

— Chap. 4, 5; leçon 1, n° 331. — Chap. 3, 22; leçon 3, n° 302).

Nul n’est justifié si ce n’est par la justice du Christ, qui s’accomplit par la foi en lui (chap. 5,

18; leçon 5, n° 444).

Par la foi de l’Évangile les hommes sont justifiés selon un temps déterminé (chap. 1, 17 leçon

6, n° 102).

La foi de tous les articles <du Symbole> est requise pour la justification (chap. 1, 17 leçon 6,

n° 103).

Latrie.

Voir : CULTE.

Liberté.

La liberté accordée par le Christ, c’est la liberté de l’Esprit, par laquelle nous sommes libérés

du péché et de la mort (chap. 13, 1; leçon 1, n° 1017).

Libre arbitre.

Il porte au bien et au mal (chap. 11, 10; leçon 1, n° 877).

Limbes.

Les saints patriarches étaient retenus dans les limbes, sans souffrir à la vérité la peine du sens,

mais attendant d’entrer dans la gloire par la Passion du Christ (chap. 3, 26 leçon 3, n° 311).

Loi.

Elle est établie pour les injustes qui ont besoin d’être contraints extérieurement (chap. 2, 14;

leçon 3, n° 217).

Elle opère la colère de Dieu, c’est-à-dire sa vengeance, parce que par elle les hommes sont

devenus dignes de la vengeance de Dieu (chap. 4, 15; leçon 2, n° 357).

L’observance de la Loi sans la circoncision a sa valeur (chap. 2, 25; leçon 4, n° 237).

On peut être sous la Loi de deux manières selon une première manière, en tant que soumis

volontairement à son observance.

Selon une autre manière, on dit être sous la Loi lorsqu’on est comme contraint par la Loi; et

ainsi dit-on qu’est sous la loi celui qui est forcé de l’observer non volontairement par amour,

mais par crainte (chap. 6, 14 leçon 3, n° 497).

La Loi a attesté la justice du Christ par la prédiction et la préfiguration (chap. 3, 21; leçon 3,

n° 301).

Désignations diverses du mot "Loi."

Quelquefois le mot "Loi" désigne les cinq livres de Moïse, ou bien le décalogue des préceptes,

ou encore tout le contenu des préceptes cérémoniels, enfin quelque précepte cérémoniel

particulier (chap. 5, 20; leçon 6, n° 462).

Finalité de la Loi.

La Loi est donnée pour que l’homme connaisse ce qu’il doit faire, ce qu’il doit éviter (chap. 3,

20; leçon 2, n° 298).

Aux endurcis la Loi fut donnée comme un fouet, à ceux qui progressent comme un

pédagogue, aux parfaits, elle fut pour eux, dans ses préceptes cérémoniels, comme un signe, et

dans ses préceptes moraux, elle leur a été donnée comme une consolation (chap. 5, 20; leçon

6, n° 463).

justice de la Loi.

La justification de la Loi s’accomplit en nous qui non seulement sommes dans le Christ Jésus,

mais qui ne marchons pas non plus selon la chair, mais selon l’Esprit, c’est-à-dire qui ne

suivons pas les concupiscences de la chair, mais l’instinct de l’Esprit-Saint (chap. 8, 4; leçon

1, n° 613).

Loi de justice.

On appelle loi de justice la loi de l’Esprit de vie, par laquelle les hommes sont justifiés et à

laquelle le peuple juif n’est point parvenu; ou bien la Loi de Moïse, qui, bien comprise, est loi

de justice, parce qu’elle enseigne la justice; ou bien, on dit loi de justice, parce qu’elle rend

les hommes justes non véritablement, mais extérieurement, en leur faisant éviter le péché non

par amour, mais par la crainte de la peine que cette loi infligeait (chap. 9, 31; leçon 5, n° 809).

Loi de la foi.

L’Apôtre appelle loi de la foi, la Loi écrite intérieurement, qui règle non seulement les œuvres

extérieures, mais aussi les mouvements mêmes du cœur, parmi lesquels la foi est le premier

(chap. 3, 27; leçon 4, n° 316).

Loi des œuvres.

L’Apôtre appelle loi des œuvres la Loi extérieurement proposée et écrite, qui règle les œuvres

humaines extérieurement, prescrivant ce qu’on doit accomplir et indiquant par ses

prohibitions ce qu’on doit éviter (chap. 3, 27; leçon 4, n° 316).

Nom de Loi.

Parfois le nom de Loi est pris pour tout l’Ancien Testament, et non point pour les cinq livres

de Moïse seulement (chap. 3, 19; leçon 2, n° 292).

Œuvres de la Loi.

Il y a deux sortes d’œuvres de la Loi : les unes appartenant à la Loi de Moïse, comme

l’observance des préceptes cérémoniels; les autres appartenant à la loi de la nature, parce

qu’ils se rapportent à la loi naturelle (chap. 3, 20; leçon 2, n° 297).

Loi divine.

La Loi divine se réfère au jugement divin, qui a pour objet l’examen des mouvements

intérieurs du cœur. Sous le régime de la Loi divine les mauvaises convoitises, même

intérieures, sont imputées à péché, et elles abondent à cause de la Loi qui les interdit sans les

détruire (chap. 5, 20; leçon 6, n° 456).

Loi humaine.

La loi humaine se réfère au jugement humain, qui a pour objet les actes extérieurs. Elle atteint

sa fin, quand par sa défense et la menace du châtiment elle empêche la multiplication des

actes extérieurs du péché, bien que la convoitise intérieure augmente davantage (chap. 5, 20;

leçon 6, n° 456).

Loi naturelle.

Elle vit dans l’homme aussi longtemps que la raison naturelle exerce efficacement sa force en

lui, mais meurt dans l’homme quand la raison naturelle succombe aux passions (chap. 7, 1;

leçon 1, n° 520).

Macédonius.

Il prétendit que l’Esprit était une créature et qu’il était inférieur au Père et au Fils (chap. 8, 26;

leçon 5, n° 692).

Mal.

Le mal n’est rien si ce n’est la privation du bien (chap. 11, 36; leçon 5, n° 948).

Mal des pécheurs.

Même le mal des pécheurs tourne au bien des justes (chap. 8, 28; leçon 6, n° 697).

Mal de la peine.

Le mal de la peine est de deux espèces : le premier consiste dans l’acte d’infliger des maux, le

second dans l’acte de retirer des biens (chap. 8, 31; leçon 6, n° 711).

Malice.

Le mot "malice" indique une habitude vicieuse opposée à la vertu (chap. 1, 29; leçon 8, n°

158).

Malignité.

Mariage.

La malignité suppose un feu mauvais, c’est-à-dire une mauvaise affection dans le cœur (chap.

1, 29; leçon 8, n° 161).

Manichéens.

Ils affirment que le Dieu de l’Ancien Testament n’est pas le même que le Père de Notre

Seigneur Jésus-Christ (chap. 1, 3; leçon 2, n° 41).

Ils affirment que le Christ n’aurait pas eu une chair véritable, mais seulement la ressemblance

de la chair, une sorte <de chair> imaginaire (chap. 1, 3; leçon 2, n° 41.

— Chap. 8, 3; leçon 1, n° 608. — Chap. 9, 5; leçon 1, n° 747).

Ils condamnent les écrits de l’Ancien Testament. Il n’y eut pas d’autres saints écrits avant

l’Evangile (chap. 1, 3; leçon 2, n° 41).

Selon eux, la nature de la chair n’est pas l’œuvre de Dieu et ne peut lui être soumise (chap. 8,

7; leçon 2, n° 623).

Ils prétendent que la chair n’est naturellement pas bonne, et que par conséquent la créature de

Dieu ne l’est pas (chap. 7, 18; leçon 3, n 575).

Ils attribuent à la naissance la diversité des événements qui arrivent au cours de la vie des

hommes, de telle sorte que la vie et la mort de chacun seraient disposées d’après

l’emplacement de la constellation sous laquelle il est né (chap. 9, 11; leçon 2, n° 758).

Marie, bienheureuse Vierge.

Elle a reçu, à la suite du Christ, une très grande plénitude de grâces, elle qui a été choisie pour

être la mère du Christ (chap. 8, 23 leçon 5, n° 678).

Indissolubilité du mariage.

Elle est due principalement au fait qu’il est le sacrement de l’union indissoluble du Christ et

de l’Eglise, ou bien du Verbe dans la personne du Christ (chap. 7, 2; leçon 1, n° 522).

Martyre.

Selon saint Augustin, ce n’est pas la peine qui fait le martyre, mais la cause (chap. 8, 36 leçon

7, n° 724).

Maudire.

Maudire c’est dire du mal (chap. 12, 14 leçon 3, n° 1000).

Comme pour bénir, maudire se fait de trois manières : sous forme de déclaration, de

commandement et de souhait; et chacune de ces manières peut être bonne ou mauvaise (chap.

12, 14; leçon 3, nos 1000-1002).

Mérite.

Mérite des œuvres.

Si l’on considère nos œuvres dans leur nature et selon qu’elles procèdent du libre arbitre de

l’homme, elles ne méritent pas de plein droit (ex condigno), mais seulement en tant qu’elles

procèdent de la grâce de l’Esprit-Saint (chap. 6, 23; leçon 4, n° 517).

Ministre.

Il confère la grâce de plusieurs manières : soit par l’administration des sacrements de la grâce,

soit par l’exhortation de la parole (chap. 1, 11; leçon 5, n° 87).

Mission.

On est envoyé par le Seigneur de deux manières immédiatement par Dieu lui-même, par une

inspiration intérieure; médiatement, par l’autorité des chefs de I’Eglise, qui tiennent la place

de Dieu (chap. 10, 15; leçon 2, n° 838).

Signe de la mission immédiate.

Le signe de la mission immédiate est quelquefois l’autorité de la sainte Ecriture d’autres fois

la vérité des choses qu’on annonce; quelquefois encore l’opération des miracles (chap. 10, 15;

leçon 2, n° 838).

Elle est appelée solde du péché, c’est-à-dire la rétribution que le péché donne à ceux qui en

sont les esclaves (chap. 6, 23; leçon 4, n° 516).

Mort.

La mort est la preuve du péché originel (chap. 5, 15; leçon 5, n° 432).

Nestorius.

Il a soutenu que l’union du Verbe à cet homme s’est faite seulement selon l’inhabitation,

c’est-à dire selon que le Fils de Dieu a habité dans cet homme plus excellemment que dans les

autres (chap. 1, 3; leçon 2, n° 35).

Il a soutenu que la personne ou l’hypostase du Verbe était autre que celle de l’homme, en

sorte que le Fils de Dieu et le fils de l’homme différaient selon la personne (chap. 1, 3 leçon 2,

n° 35. — Chap. 9, 5; leçon 1, n° 747).

Obéissance.

L’obéissance a lieu dans tout ce que nous pouvons faire volontairement (chap. 1, 5; leçon 4,

n° 62).

Obsécration.

User de l’obsécration, c’est faire appel au témoignage des choses sacrées (chap. 12, 1; leçon

1, n° 955).

Observer.

Ce n’est pas autre chose que considérer avec attention, ce qui est pris parfois <dans le sens du

bien>, parfois <dans le sens du> mal. <Dans le sens du> mal, quand on considère avec

attention la condition et le progrès d’autrui afin de lui nuire; <dans le sens du> bien, soit

quand on considère les préceptes de Dieu en vue de les accomplir, soit quand on considère

attentivement les bons en vue de les imiter. Enfin on observe les méchants pour s’en garder

(chap. 16, 17; leçon 2, n° 1215).

Miséricorde.

Voir : DIEU.

Œuvre (s)

Œuvres divines. La paix parfaite aura lieu quand la volonté se reposera dans la plénitude

de tout bien, en obtenant l’immunité de tout mal (chap. 1, 7; leçon 4, n° 792).

La fin de toutes les œuvres divines est la manifestation de la divine bonté (chap. 9, 22; le on

4 n° 70

Œuvres humaines. Passion.

Elles peuvent être considérées de deux manières d’abord selon leur substance sous ce rapport

elles n’ont aucun mérite de stricte justice pour que le salaire de la gloire éternelle leur soit

attribué; ensuite selon leur principe, en tant que faites sous l’impulsion de Dieu, selon son

décret de prédestination, et sous ce rapport le salaire leur est destiné (chap. 1, 26; leçon 8, n°

147).

Patience.

La patience suppose la tolérance des ennemis comme un dû (chap. 4, 4; leçon 1, n 329).

On qualifie à proprement parler de passion accompagnée d’une égalité de cœur (chap. 2, 7;

leçon 2, n° 196).

Bonnes œuvres.

Une œuvre est qualifiée de bonne en raison de son orientation vers sa fin requise et sa

conformité à la règle requise, lesquelles sont la Loi de Dieu et la raison humaine (chap. 2, 7;

leçon 2, n° 196).

Principes des bonnes œuvres.

Les principes des bonnes œuvres sont au nombre de trois : le premier d’entre eux concerne la

rectitude de l’œuvre elle-même, et c’est la justice; le deuxième principe est le discernement de

la raison; le troisième principe est la rectitude de l’intention (chap. 3, 10-11; leçon 2, n° 277-

279).

Olivier.

L’olivier signifie la miséricorde (Prol., n° 6).

Patriarches.

Ils étaient supportés par Dieu, puisqu’ils étaient retenus dans les limbes, sans souffrir à la

vérité la peine du sens, mais attendant d’entrer dans la gloire par la passion du Christ (chap. 3,

26; leçon 3, n°311).

Orgueil.

C’est le commencement du péché sous le rapport de l’aversion (chap. 7, 7; leçon 2, n° 538).

Origène.

Est un remarquable amant du Christ (chap. 8, 38; leçon 7, n° 728).

Erreur d’Origène.

Il a soutenu que les âmes des hommes avaient été créées en même temps que les anges, et que

selon le mérite des œuvres bonnes ou mauvaises accomplies alors, elles obtiennent une

condition de vie différente (chap. 9, 11; leçon 2, n° 758).

Paix. (chap. 1, 5; leçon 4, n° 63).

Elle est causée par l’Esprit-Saint (chap. 8, 6; leçon 1, n° 618).

Paul.

Action de grâces de Paul.

Saint Paul rend grâces pour la foi, parce que c’est elle qui est le fondement de tous les biens

spirituels (chap. 1, 8; leçon 5, n° 77).

Apostolat ou mission de Paul.

Voir aussi : PRÉDICATEUR.

Il a reçu l’apostolat de toutes les nations Il a porté le Nom du Christ d’abord dans son corps,

en imitant sa vie et sa passion (Prol., n° 5); ensuite sur ses lèvres, car il est manifeste qu’il

nomme très souvent le Christ dans ses épîtres (Prol., n° 6).

Il a porté le Nom du Christ non seulement à ceux qui étaient présents, mais aussi aux absents

et à ceux qui devaient venir, en exposant le sens de l’Ecriture (Prol., n° 7).

Appellation de Paul.

Il est <l’évangile> du Fils de Dieu pour trois raisons : parce qu’il en est le sujet, parce qu’il l’a

prêché par lui-même, en vertu de son office propre, parce qu’il l’a enjoint lui-même (chap. 1,

9; leçon 5, n° 79).

Il est appelé vase d’élection (Prol., n° 1).

Il fut un vase d’élection utile, parce qu’il fut pur à l’égard du péché et de l’erreur (Prol., n° 9).

Il est un vase porteur du Nom divin (Prol., n° 4).

Excellence de Paul.

Elle est montrée sous trois aspects : par rapport à la grâce de son élection; par rapport à sa

fidélité; par rapport à son excellence singulière (Prol., n° 8).

Nom de Paul.

Sa signification en hébreu, en grec et en latin dans la langue hébraïque, <le nom de Paul>

aurait le même sens que <le mot> admirable ou "choisi"; dans la langue grecque il a le même

sens que "en repos", et dans la langue latine il a le même sens que "petit" (chap. 1, 1; leçon 1,

n° 17).

Moment de l’imposition de son nom (de Saul à Paul) : trois opinions sur ce point (chap. 1, 1;

leçon 1, n° 18).

Péché (s).

Est péché toute œuvre qui est contre la foi ou contre la conscience, bien que de par sa nature

elle semble bonne (chap. 14, 23 leçon 3, n° 1141).

Les péchés n’ont pas véritablement d’être, mais ils sont péchés par défaut d’être, étant donné

que le mal n’est rien si ce n’est la privation du bien (chap. 11, 36; leçon 5, n° 948).

Ce qu’il y a d’entité dans le péché, tout cela est de Dieu (chap. 11, 36; leçon 5, n°948).

On dit que le péché habite dans l’homme, non comme si le péché était un être réel, puisqu’il

n’est que la privation du bien, mais pour désigner la permanence de cette absence dans

l’homme (chap. 7, 17; leçon 3, n° 571).

Le premier péché de l’homme semble avoir été la désobéissance, non selon l’acte extérieur,

mais selon le mouvement intérieur de l’orgueil, par lequel< Adam> a voulu s’opposer au

précepte divin (chap. 5, 19 leçon 5, n° 446).

Il est une offense faite à Dieu (chap. 4, 8 leçon 1, n° 338).

Tous les péchés sont en quelque sorte des outrages envers Dieu (chap. 15, 3; leçon 1, n°

1147).

Il est une transgression de la Loi divine et la désobéissance aux préceptes célestes (chap. 5,

14; leçon 4, n° 427. — Chap. 6, 16; leçon 3, n° 501).

Tout péché est iniquité en tant qu’il est en désaccord avec l’équité de la Loi divine (chap. 6,

19; leçon 4, n° 506).

Il consiste en un éloignement de Dieu (chap. 1, 24; leçon 7, n° 139).

Tout péché est contre la nature de l’homme, en tant qu’il est contre la droite raison (chap. 1,

26; leçon 8, n° 149).

Sortes de péchés. — Contre l’Esprit-Saint.

Selon Athanase, Hilaire, Ambroise, Jérôme et Chrysostome, on appelle péché contre l’Esprit-

Saint le blasphème qui consiste à attribuer les œuvres de l’Esprit-Saint à l’esprit immonde

(chap. 2, 5; leçon 1, n° 187).

Selon Augustin, le péché contre l’Esprit-Saint est une parole ou un blasphème que l’on

profère contre l’Esprit-Saint, par qui s’opère la rémission des péchés (chap. 2, 5; leçon 1, n°

187).

Selon les maîtres qui ont suivi <Augustin>, le péché contre l’Esprit-Saint est celui que l’on

commet avec une malice déterminée, en opposition avec ce qui est attribué en propre à

l’Esprit-Saint, c’est-à-dire la bonté (chap. 2, 5; leçon 1, n° 187).

Ce péché est irrémissible (chap. 2, 5; leçon 1, n° 187). Six espèces lui Sont assignées : deux

du côté de Dieu, c’est-à-dire le désespoir et la présomption; deux du côté de l’homme, c’est-à-

dire l’endurcissement et l’impénitence; d’autres se prennent du côté des dons de Dieu, c’est-à-

dire contre la foi par l’attaque de la vérité reconnue, et contre la charité par l’envie de la grâce

<accordée> à nos frères (chap. 2, 5; leçon 1, n° 188).

— De commission.

Il y a trois grandes sortes de péchés de commission : de la bouche, par action et en pensée

(chap. 3, 13-15; leçon 2, OS 282-289).

— De la chair et contre nature.

Ils sont ordinairement plus blâmables, parce que par eux l’homme est ravalé à ce qui en lui est

animal (chap. 1, 26; leçon 8, n° 147).

Les vices contre nature sont les plus graves parmi les péchés de la chair (chap. 1, 27 leçon 8,

n° 151).

Par le péché contre nature l’homme déchoit même de sa nature animale (chap. 1, 26 leçon 8,

n° 147).

— D‘impitité.

On qualifie d’impiété le péché qui est commis contre le culte de Dieu (chap. 1, 18; leçon 6, n

111).

— D’omission.

Voir chap. 3, 10-12; leçon 2, nos 276-281.

— Mortel.

Aucun acte n’est péché mortel sans le consentement de la raison (chap. 5, 1; leçon 1, n° 598).

Quiconque pèche mortellement se détourne du bien immuable, et met sa fin dans un bien

périssable (chap. 2, 6; leçon 2, n° 193).

Celui qui pèche mortellement a la volonté de demeurer perpétuellement dans le péché, à

moins d’une cause accidentelle, par exemple lorsqu’il craint une peine ou quelque autre

empêchement (chap. 2, 6; leçon 2, n° 193).

La faute du péché mortel étant en quelque sorte infinie, il est nécessaire qu’une peine infinie y

corresponde (chap. 2, 6; leçon 2, n° 192).

— Originel.

C’est le péché de la nature, parce qu’il a été commis par la volonté du principe de la nature

humaine (chap. 5, 12; leçon 3, n° 409).

Il est appelé iniquité, parce qu’il est la privation de la justice originelle (chap. 4, 7; leçon 1, n°

335).

Il est indiqué au pluriel (iniquités) dans deux circonstances soit à cause de la pluralité des

hommes, dans lesquels le péché originel se multiplie, soit parce qu’il contient en quelque

sorte en puissance tous les autres péchés (chap. 4, 7; leçon 1, n° 335. — Chap. 5, 12; leçon 3,

n° 420. — Chap. 5, 13; leçon 4, n° 422).

Il est entré dans ce monde par Adam, non seulement par imitation, mais aussi par propagation

(chap. 5, 12; leçon 3, n° 407). Il se transmet à chaque homme par l’acte de la nature, qu’est la

génération. Par cette même génération se transmet aussi la déficience de la nature humaine,

déficience qui est la conséquence du péché de notre premier père. Elle consiste en la privation

de la justice originelle divinement donnée au premier homme, en tant que personne

individuelle et principe de la nature humaine (chap. 5, 12; leçon 3, n° 410).

Le péché originel est prouvé par la mort (chap. 5, 15; leçon 5, n° 432).

On dit que ce péché est remis, parce que sa tache disparaît avec la venue soudaine de la grâce;

mais il demeure en acte, car son foyer, ou concupiscence, n’est pas totalement détruit en cette

vie, mais <ce péché> est remis et adouci (chap. 4, 7; leçon 1, n° 335).

— Véniel.

Les péchés véniels, bien qu’ils soient légers, séparent et éloignent cependant l’homme de

Dieu à force d’être multipliés (chap. 4, 8 leçon 1, n° 337).

Connaissance du péché.

Au paradis, l’homme avait eu pleine connaissance du péché, bien que sans en avoir

l’expérience (chap. 7, 9; leçon 2, n° 547).

Effet du péché.

Il prive de la grâce et s’étend de la chair à l’esprit (chap. 2, 6; leçon 2, n° 194. — Chap. 7, 18;

leçon 3, n° 575).

Le péché brise l’ordre légitime des affections (chap. 5, 6; leçon 2, n° 395).

Il entraîne la condition d’esclavage (chap. 1, 1; leçon 1, n° 20).

Un seul péché peut être la cause d’un autre indirectement et directement (chap. 1, 24; leçon 7,

n° 139).

Les hommes encourent la vengeance de la damnation éternelle pour leurs péchés (chap. 5, 9;

leçon 2, n° 400).

Foyer du péché.

Le foyer est en quelque sorte la peine du péché, et il a une double cause l’une est le péché lui-

même, qui dans le pécheur a pris la domination et lui a imposé une loi; la seconde c’est Dieu

qui a infligé à l’homme pécheur cette peine dans l’insoumission des passions inférieures à sa

raison (chap. 7, 23; leçon 4, n° 587).

Gravité du péché.

L’homme pèche plus gravement après la Loi de Moïse qu’auparavant (chap. 2, 12; leçon 2, n°

207. — Chap. 4, 15; leçon 2, n° 358. — Chap. 5, 20; leçon 6, n° 458, etc.).

On pèche d’autant plus gravement que la dignité de la personne contre laquelle on pèche est

élevée (chap. 2, 6; leçon 2, n° 192).

La faute du péché mortel est en quelque sorte infinie (chap. 2, 6; leçon 2, n° 9).

Libération du péché.

Nous sommes libérés par Dieu non du foyer du péché, mais du règne du péché, et nous

devons faire des efforts pour que le péché ne récupère pas la domination qu’il a déjà perdue

dans notre corps (chap. 6, 12 leçon 3, n° 493).

Loi du péché.

La loi du péché captive l’homme de deux manières : d’abord l’homme pécheur par le

consentement et par l’acte; ensuite l’homme en état de grâce quant au mouvement de la

concupiscence (chap. 7, 23; leçon 4, n° 588).

Œuvres du péché.

Les œuvres du péché sont infructueuses, parce qu’elles n’aident pas l’homme à acquérir la

béatitude (chap. 6, 21, leçon 4, n° 510).

Règne du péché.

Le péché règne dans l’homme de deux manières selon une première manière, par le

consentement intérieur de la raison; selon une seconde manière, par l’exécution de l’œuvre

(chap. 6, 12; leçon 3, n° 494).

Rémission des péchés.

Les péchés, non seulement présents mais aussi passés, n’ont pu être remis que par le sang du

Christ (chap. 3, 25; leçon 3, n° 310).

C’est par l’Esprit-Saint que le péché est remis (chap. 8, 2; leçon 1, n° 605).

Par la rémission des péchés la justice de Dieu est manifestée, soit qu’on l’interprète de la

justice par laquelle Dieu lui-même est juste, soit de celle par laquelle il justifie les hommes

(chap. 3, 26; leçon 3, n° 311).

Transmission du péché.

Seul le premier péché du premier père se transmet aux autres hommes, parce que c’est

uniquement par ce premier péché qu’a été détruit le bien de la nature transmissible par

l’origine naturelle. Par les autres péchés est ôté le bien de la grâce personnelle, qui ne passe

pas à la postérité (chap. 5, 12; leçon 3, n°411).

Vieillesse du péché.

Par vieillesse du péché on peut entendre soit la culpabilité elle-même, soit la tache des péchés

actuels, ou aussi l’habitude de pécher qui pousse nécessairement au péché, ou encore le foyer

même du péché provenant du péché du premier père (chap. 6, 6; leçon 2, n° 480).

Pécher.

Le pouvoir de pécher vient-il de Dieu ? La puissance même par laquelle on pèche vient de

Dieu. Car cette puissance par laquelle on pèche et on agit avec droiture est une même

puissance. Mais quand elle est ordonnée au bien, elle vient de Dieu, en revanche lorsqu’elle

est ordonnée au péché, elle vient de l’imperfection de la créature, en tant qu’elle est issue du

néant (chap. 13, 1 leçon 1, n° 1023).

Pécheur(s).

Tout pécheur peut être appelé prévaricateur, en tant qu’il a transgressé la loi naturelle (chap.

4, 15; leçon 2, n° 358).

Ils sont comparés au sable, parce qu’ils sont comprimés par les flots du monde comme il en

est du sable de la mer (chap. 4, 18 leçon 3, n° 369).

Le pécheur se vend lui-même comme esclave du péché, au prix de la satisfaction de sa propre

volonté (chap. 7, 14; leçon 3, n° 561).

Peine.

Voir chap. 2, 8; leçon 2, n° 199-202.

Des réprouvés.

Elle est subie d’abord et principalement dans leur âme et ensuite dans leur corps (chap. 2, 9;

leçon 2, n° 202).

Du péché.

Les chrétiens, pour le même péché, par exemple pour l’adultère ou le vol, seront punis d’une

peine plus sévère que les infidèles (chap. 2, 9; leçon 2, n° 203).

Considérée dans la totalité la peine des infidèles est plus sévère à cause du péché d’infidélité,

lequel est le plus grave (chap. 2, 9; leçon 2, n° 203).

Du sens.

Les saints patriarches étaient retenus dans les limbes, sans souffrir à la vérité la peine du sens

(chap. 3, 26; leçon 3, n° 311).

Pélagiens.

Ils prétendaient que l’homme pouvait observer tous les préceptes de la Loi par ses propres

forces naturelles (chap. 2, 14; leçon 3, n° 216).

Ils prétendaient que le commencement de la bonne œuvre vient de nous-mêmes, en tant que

nous voulons le bien (chap. 7, 18 leçon 3, n° 579).

Ils niaient l’existence du péché originel dans les enfants (chap. 5, 12; leçon 3, n° 407).

Ils prétendaient que la grâce est donnée d’après les mérites antécédents (chap. 9, 11; leçon 2,

n° 758. — Chap. 9, 15; leçon 3, n° 771).

Pénitence.

Il y a une double pénitence : l’une intérieure, qui consiste dans la contrition du cœur et par

laquelle on s’afflige de ses péchés passés. Cette pénitence est requise chez le baptisé. L’autre

pénitence est extérieure et elle consiste dans la satisfaction extérieure qui n’est pas requise

chez le baptisé (chap. 11, 29; leçon 4, n° 927).

Père.

Il est appelé Père du Christ selon sa propriété) mais notre Père par appropriation (chap. 1, 7;

leçon 4, n° 72).

Charité du Père.

La charité de Dieu le Père pour nous s’est manifestée en ce qu’il nous a donné son Esprit

(chap. 5, 8; leçon 2, n° 399).

Puissance du Père.

Elle est la même que celle du Fils (chap. 4, 24; leçon 3, n° 379).

Photin.

Il exposa que le Christ eut un commencement par <sa conception> de la Vierge Marie,

comme un homme ordinaire, et qu’il parvint par le mérite de sa vie à une élévation telle qu’il

fut appelé Fils de Dieu de préférence aux autres saints (chap. 1, 3; leçon 2, n° 30).

Piété.

On appelle piété le culte que l’on rend à Dieu, comme au Père souverain (chap. 1, 18 leçon 6,

n 111).

Platoniciens.

Ils prétendirent qu’un culte divin est dû à toutes les substances douées de raison, qui sont au-

dessus de nous, par exemple aux démons, aux âmes des corps célestes, aux intelligences,

c’est-à-dire aux substances séparées (chap. 1, 25; leçon 7, n° 143).

602

Préceptes.

Préceptes affirmatifs.

Les préceptes affirmatifs obligent toujours, mais non pas à toujours (chap. 10, 10; leçon 2, n°

832).

Préceptes cérémoniels.

Ils règlent les hommes dans leur rapport au culte divin (chap. 7, 12; leçon 2, n° 551).

Ils ne conféraient pas la grâce sanctifiante, mais la figuraient seulement (chap. 2, 13; leçon 3,

n° 212. — Chap. 3, 20; leçon 2, n° 297. — Chap. 3, 28; leçon 4, n° 317).

Préceptes judiciaires.

Ils règlent légitimement l’homme dans son rapport avec le prochain (chap. 7, 12 leçon 2, n°

551).

Préceptes moraux.

Ils ne permettent pas l’acquisition de l’habitus de la justice (chap. 2, 13; leçon 3, n° 212).

Prédestination.

Ce nom vient du <mot> <4 destination." Car on dit prédestiné ce qui est comme destiné à

l’avance (chap. 1, 4; leçon 3, n° 43).

La prédestination est éternelle (chap. 8, 29 leçon 6, n° 702).

Elle est la préparation à la gloire (chap. 9, 13; leçon 2, n° 764).

Elle a parfois le sens de mission. On appelle destinés ceux qui sont envoyés à quelque fin.

Mais parfois "destiner" a le même sens que "se décider à" (chap. 1, 4; leçon 3, n° 43).

La prédestination suppose une préordination dans la disposition de ce qu’on doit accomplir,

ou une sorte de causalité par rapport aux choses futures (chap. 8, 29 leçon 6, n° 702).

Prédicateur, prédication.

Il est le témoin de la vérité (chap. 9, 1; leçon 1, n° 736).

Il annonce la parole de Dieu sans intention d’obtenir de la louange ou du profit, mais en vue

du salut de l’homme et de la gloire de Dieu (chap. 10, 15; leçon 2, n° 840).

Matière de la prédication.

Il prêche ce qui est utile à la vie présente en annonçant une triple paix : la paix que le Christ a

établie entre les hommes et Dieu, la paix qu’il faut garder avec tous les hommes, ce qui peut

donner la paix à l’homme en lui-même. Il prêche aussi ce que nous espérons posséder dans

l’autre vie (chap. 10, 15 leçon 2, n° 841).

Prescience.

Elle suppose seulement la connaissance des choses futures (chap. 8, 29; leçon 6, n° 702).

La prescience des mérites ne peut être un motif

de prédestination, car ces mérites connus à l’avance tombent sous la prédestination tandis que

la prescience des péchés peut être un motif de réprobation, sous le point de vue de la peine qui

est préparée aux réprouvés, à savoir en tant que Dieu se propose de punir les méchants à cause

des péchés qui viennent d’eux-mêmes et non de Dieu; tandis qu’il se propose de récompenser

les justes pour des mérites qui ne sont point d’eux-mêmes (chap. 9, 13; leçon 2, n° 764).

Prière.

Voir aussi : HOMME (Prière de l’homme).

Elle est l’élévation de notre intelligence vers Dieu (chap. 1, 10; leçon 5, n° 84).

C’est dans le secret que l’affaire de la prière se traite en présence de Dieu (chap. 1, 9 leçon 5,

n° 78).

Il faut prier pour les infidèles, afin qu’ils soient sauvés (chap. 10, 1; leçon 1, n° 814).

Par la prière s’éveille en nous la sollicitude, la ferveur s’enflamme, nous sommes stimulés au

service de Dieu, la joie de l’espérance augmente en nous, et nous obtenons le secours dans la

tribulation (chap. 12, 12 leçon 2, n° 992).

Princes.

Ils sont sous le gouvernement de Dieu, comme sous celui du Prince suprême, en tant que

ministres constitués (chap. 13, 4; leçon 1, n° 1034).

Les mauvais princes sont ministres de Dieu pour infliger selon l’ordre divin des peines, bien

que ce soit sans intention de leur part (chap. 13, 4; leçon 1, n° 1034).

Principautés.

Elles sont <les esprits> députés à la garde des nations (chap. 8, 38; leçon 7, n° 728).

Prochain.

Les saints anges et tous les hommes sont notre prochain, soit parce qu’ils possèdent déjà la

béatitude vers laquelle nous tendons, soit parce qu’ils y tendent avec nous (chap. 13, 9 leçon

2, n° 1056).

Prophète (s).

On appelle prophètes de Dieu ceux qui sont inspirés par l’Esprit divin (chap. 1, 2 leçon 2, n°

26).

Les prophètes interpellent contre un peuple de trois manières : premièrement, en conformant

sa volonté à la volonté divine qui lui est révélée; deuxièmement, en interpellant contre le

règne du péché, c’est-à-dire afin de détruire non les hommes mais les péchés des hommes;

troisièmement, en interpellant ou en priant sous forme d’avertissement (chap. 11, 2; leçon 1,

n° 866).

Les prophètes ont attesté la justice du Christ par leurs prédictions (chap. 3, 21; leçon 3, n°

301).

Prophétie.

On appelle prophétie une sorte d’apparition, par révélation divine, de choses qui sont

éloignées (chap. 12, 7; leçon 2, n° 978).

Prophétie de menace.

Ce qui est promis ou annoncé selon une prophétie de menace n’est pas prédit comme devant

s’accomplir quoi qu’il arrive, mais selon que l’exigent les mérites humains qui peuvent être

modifiés (chap. 3, 4; leçon 1, n° 258).

Prophétie de prédestination.

Ce qui est promis selon la prophétie de prédestination doit de toute manière s’accomplir

(chap. 3, 4; leçon 1, n° 258).

Prudence.

Elle est, selon Aristote, la rectitude de la raison dans les actes (chap. 8, 6; leçon 1, n° 617).

Prudence de la chair.

Elle est cause de mort (chap. 8, 7; leçon 2, n° 620).

Prudence de l’esprit.

On parle de prudence de l’esprit lorsque, présupposant la fin d’un bien spirituel, on conseille,

on juge et on prescrit ce qui est convenablement ordonné à cette fin. Voilà pourquoi une telle

prudence est vie, c’est-à-dire cause de la vie de la grâce et de la gloire. Elle est aussi paix,

c’est-à-dire cause de la paix, car la paix est causée par l’Esprit-Saint (chap. 8, 6; leçon 1, n°

618).

Psaumes.

Ils contiennent la quasi-totalité de la doctrine théologique (Prol., n° 6).

Puissance.

Puissance divine.

C’est le propre de la puissance divine de sanctifier les hommes par la communication de

l’Esprit-Saint (chap. 1, 4; leçon 3, n° 58).

L’expression "puissance de Dieu" peut se comprendre de deux manières : ou bien, parce que

la puissance de Dieu est manifestée dans l’Evangile; ou bien, parce que l’Evangile lui-même

contient la puissance de Dieu (chap. 1, 16b; leçon 6, n° 98).

Puissances.

Elles sont l’ordre suprême des ministres célestes (chap. 8, 38; leçon 7, n° 728).

Récompense.

Voir aussi : BÉATITUDE.

La récompense essentielle consiste dans la joie qu’on éprouve de la possession de Dieu (chap.

8, 23; leçon 5, n° 677).

Réprobation.

Voir aussi : PEINE (Peine des réprouvés).

La fin de la réprobation ou de l’endurcissement des méchants est la manifestation de la justice

divine et de sa puissance (chap. 9, 22; leçon 4, n° 793), la manifestation et l’exaltation de la

gloire des saints, qui sont libérés d’une semblable misère (chap. 9, 23; leçon 4, n° 794).

Rétribution, salaire.

Rétribution divine et éternelle.

Elle ne se fait pas selon un dû, mais selon la grâce (chap. 4, 5; leçon 1, n° 329).

Elle est en rapport avec la foi (chap. 4, 5 leçon 1, n° 330).

Ruse.

La ruse consiste à simuler une chose, tandis qu’on en fait une autre (chap. 1, 29; leçon 8, n°

161).

Sabellius.

Il soutint que le Père lui-même s’était incarné et qu’ainsi il était appelé Fils, en sorte que

c’était la même personne, mais qu’ils différaient seulement par leurs noms (chap. 1, 3; leçon

2, n° 31).

Sacrement (s).

Voir aussi : BAPTÊME, CHRÊME (SAINT), CIRCONNCISION, CONFESSION,

MARIAGE, PÉNITENCE.

Le sacrement de la Loi nouvelle rend efficace ce qu’il signifie (chap. 6, 4; leçon 1, n° 475).

Caractère des sacrements.

Le caractère qu’impriment certains sacrements est une sorte de consécration de l’âme

immortelle (chap. 7, 2; leçon 1, n° 524).

Sacrifice.

Selon Augustin, le sacrifice visible, que l’on offre extérieurement à Dieu, est le signe du

sacricrifice invisible, par lequel on s’offre soi-même et ce que l’on possède pour honorer Dieu

(chap. 12, 1; leçon 1, n° 956).

Sagesse.

Elle est tout simplement, selon saint Augustin, la connaissance des choses divines (chap. 8, 7;

leçon 2, n° 621).

Le propre de la sagesse est de disposer toutes choses avec ordre (chap. 13; leçon 1, n° 1024).

Saints.

Les saints ont dès à présent la gloire, mais elle est cachée dans leur conscience (chap. 8, 18;

leçon 4, n° 654).

Salut.

Obtention du salut.

Quant à la fin du salut à obtenir, il n’y a aucune distinction entre Juifs et Gentils, les uns et les

autres obtiendront une récompense égale, de même qu’à raison du travail de la vigne les

premiers et les derniers< ouvriers> reçurent le même denier (chap. 1, 16b leçon 6, n° 101).

Opération du salut.

Le salut du croyant s’opère de trois manières par la parole de l’Evangile qui remet les péchés,

par la parole de l’Evangile qui obtient la grâce sanctifiante, par la parole de l’Evangile qui

conduit à la vie éternelle (chap. 1, 16b; leçon 6, n° 99).

Ordre du salut.

Dans l’ordre du salut, les Juifs sont les premiers, parce que c’est à eux que les promesses ont

été faites (chap. 1, 16b; leçon 6, n° 101).

Scandale.

C’est une action ou une parole d’une moindre rectitude, fournissant à autrui une occasion de

chute, semblable à une pierre placée sur le chemin, contre laquelle l’homme se heurte et

tombe (chap. 14, 13b; leçon 2, n° 116).

La vérité de la doctrine ne doit pas être délaissée à cause du scandale, à l’exemple du Christ

qui n’a pas délaissé la vérité de sa doctrine à cause du scandale des pharisiens (chap. 14, 22;

leçon 3, n° 1137).

Scandale des petits.

Pour l’éviter, on est tenu de différer l’usage des choses licites jusqu’à ce que l’on puisse,

après avoir donné une explication, l’écarter (chap. 14, 21; leçon 3, n° 1135).

Sceau.

Le mot "sceau" est employé dans deux sens ou bien en tant qu’il exprime et porte la similitude

de ce qu’il désigne, ou bien on appelle sceau un signe qui cache une chose qu’on ne révèle

qu’à des amis (chap. 4, 11; leçon 2, n° 343).

Seigneur.

Le Nom du Seigneur.

Il est loin de nous à cause du péché et à cause de l’obscurité de l’intelligence (Prol., n° 4).

Sel.

Le sel signifie la discrétion de la sagesse (chap. 12, 1; leçon 1, n° 963).

Sens.

Sens réprouvé.

On appelle sens réprouvé celui par lequel l’homme a un jugement blâmable à l’égard de ce

qu’il doit faire (chap. 1, 28; leçon 8, n° 154).

Séraphins.

Nom des séraphins.

Il veut dire "ardent" et comme "embrasé" par le feu de l’Esprit-Saint (chap. 8, 15; leçon 3, n°

644).

Serment, jurer.

C’est une sorte de confirmation par le témoignage de la vérité infaillible (chap. 9, 1; leçon 1,

n° 736).

Il est parfois utilisé dans les paroles de Dieu, pour montrer que ce qu’on appelle ferme est

l’immutabilité du conseil divin, et non pas ce qui est sujet au changement (chap. 14, 11; leçon

1, n° 1109).

Est-il permis de faire un serment ?

L’homme doit s’efforcer, autant qu’il dépend de lui, de ne pas employer de serment, bien

qu’il soit un acte bon et désirable en soi; soit parce que le serment fréquent expose l’homme

au danger prochain de verser dans le parjure; soit parce qu’il semble irrespectueux à l’égard

de Dieu de l’invoquer comme témoin sans motif nécessaire (chap. 1, 9 leçon 5, n° 80).

Nécessité du serment.

Il est quelquefois nécessaire pour qu’on ajoute foi à la parole de celui qui parle (chap. 1, 9;

leçon 5, n° 81).

Manières de jurer.

Il y a deux manières de jurer : l’une par la simple attestation, l’autre par exécration (chap. 1,

9; leçon 5, n° 82).

Servitude.

Trinité.

Sortes de servitudes.

Il y a deux sortes de servitudes : l’une de crainte, l’autre d’humilité et d’amour (chap. 1, 1;

leçon 1, n° 21).

Société.

La société s’établit entre Dieu et les hommes par la charité (chap. 2, 6; leçon 2, n° 191).

Stoïciens.

Ils bannissaient absolument la tristesse de l’âme du sage (chap. 9, 2; leçon 1, n° 738).

Elle peut être essentiellement incluse sous le mot "Père", parce que les noms qui impliquent

une relation à la créature sont communs à toute la Trinité, comme <ceux> de "Créateur)> et

de "Seigneur" (chap. 1, 7 leçon 4, n° 72).

Union.

De l’homme à Dieu.

Cette union se fait de trois manières : par la grâce de l’union, par la grâce de l’adoption, par la

gloire de la jouissance (chap. 1, 1; leçon 1, n° 24).

Testament.

Ancien Testament.

Par Ancien Testament on e parfois la Loi, parfois la Loi, les Psaumes et les Prophètes, parfois

la Loi et les Prophètes (chap. 3, 19; leçon 2, n° 292).

Transgression.

Voir aussi : PÉCHÉ.

Il est plus grave de transgresser en même temps la loi naturelle et la Loi écrite, que la loi natu

relle seulement (chap. 4, 15; leçon 2, n° 358).

Tribulation.

Le mot "tribulation" vient de tribulus (tribule) et signifie une plante piquante; aussi dit-on de

quelqu’un qu’il est dans la tribulation lorsqu’il est blessé extérieurement (chap. 8, 35; leçon 7,

n° 723).

Elle est la matière et l’occasion d’exercer l’acte de patience (chap. 5, 3; leçon 1, n° 387).

Valentin.

Il prétendit que le Christ n’a pas pris un corps de la masse du genre humain, mais qu’il l’a

apporté du ciel (chap. 9, 5; leçon 1, n° 747).

Varron.

Il prétendit que tout l’univers est Dieu à cause de son âme, affirmant qu’on peut rendre â tout

cet univers et à chacune de ses parties un culte divin (chap. 1, 25; leçon 7, n° 143).

Vengeance.

Voir : DIEU (Colère de Dieu), LOI, PÉCHÉ (Effet du péché).

Vérité.

Elle implique une adéquation entre la chose et l’intelligence (chap. 3, 4; leçon 1, n° 255).

Vertus.

Les vertus sont appelées armes en tant qu’elles nous défendent. On les appelle armes de la

lumière, soit parce qu’elles sont embellies et perfectionnées par la lumière de la raison; soit

parce qu’elles requièrent le contrôle de la lumière; soit parce que les œuvres des vertus

brillent sur les autres (chap. 13, 12; leçon 3, n° 1072).

Vocation.

Sortes de vocations.

Il y a deux sortes de vocations l’une exténeure, selon laquelle< Jésus> a appelé Pierre et

André, mais l’autre est une vocation intérieure, laquelle se fait selon une inspiration intérieure

(chap. 1, 7; leçon 4, n° 68).

Table des références aux auteurs et aux ouvrages cités

Tous les nombres donnés à droite renvoient à la numérotation des paragraphes et non aux

pages, mais seuls les nombres en caractères italiques indiquent une référence textuelle

explicite. Les indications (1) et (2) signalent qu’il y a deux occurrences dans un même

paragraphe.

Albert le Grand (saint) : 120, 500.

Ambroise (saint) : 187.

Summa de creaturis. De paradiso.

Q. 71 — 1120. VIII, 39 —501.

De Spiritua Sancto.

Super Dionysium De divinis nominibus : 1024. ,, 53. — 187.

Super Ethica commentum et quaestiones. Expositio evangelii secundum Lucam.

L. VII, 93. — 557.

II, 4 — 617.

Ambrosiaster.

Alcuin.

Commentarza zn Epistolam ad Romanos.

I, 8 — 77.

Gommentarium in S. bannis Evangelium II, 15 — 220.

[ V, 13 — 426.

V, 15 — 434.

III, 19. — 6. VIII, 1 — 520.

VIII, 22. — 672.

IX, 17. — 780.

XII, 11 —989.

Alexandre de Halès : 120. XIII, 13. — 1078.

Summa theologica. Andia (Y. de).

ja : 73.

Henosis : 182.

Anselme de Cantorbéry (saint).

De concordia praescientiae et praedestinationis et gratiae Dei cum libero arbitrio.

III, 7 — 597.

Apoffinaire le Jeune : 38.

Aristote.

Catégories.

V, 4b9-11. — 255.

De l’âme : 408.

I, 10. — 571. III, 6 — 564.

De la génération des animaux.

II, 3 — 408, 408.

Éthique à Eudème.

VIII, 2 — 773.

Métaphysique.

I, 2 — 21; 569.

VIII, 3 — 773.

VIII, 8 — 773.

XI, 5 — 945.

Physique.

II, 3 — 10.

III : 266.

V-VIII : 266.

VIII, 1 — 668.

VIII, 4 — 21.

VIII, 5 — 773.

Premiers analytiques.

II, c. 23. — 1051.

Réfutations sophistiques : 53.

Rhétorique.

II, 4 — 67.

Anus : 32, 692.

Éthique à Nicomaque.

I, 8 — 1128.

II, 1 — 325, 456, 602, 819.

III, 5 — 124, 409, 616.

III, 10. — 138, 1074.

IV, 5 — 1077.

V, 2 — 447.

V, 3 447.

V, 6 — 1039.

V, 10. — 428.

VI, 4 — 617.

VI, 5 — 615.

VII, 5 — 1077.

VIII, 2 — 67.

VIII, 3 — 67.

VIII, 14. — 1046.

IX, 4 — 21, 67.

IX, 9 — 559.

X, 9, 12. — 217.

X, 10. — 457.

Athanase (saint).

Lettres à Sérapion.

III, 7 — 187.

IV, 8 — 187.

IV, 18. — 187.

IV, 23. — 187.

Augustin (saint) : 30, 216.

Confessionum libri.

I, 12, 19. — 140.

IV, 3, 4-6 — 758.

V, 3, 6 — 758.

VII, 19, 25. — 30.

VIII, 4, 9 19.

Contra Academicos. X, XXI : 143.

I, 6, 16. — 621. XI, XXI : 767.

XI, xxii : 767.

XI, XXIII, 1-2 767.

Contra duas Epistolas Pelagianorum. XI, xxv : 45.

XVIII, XXVII : 26.

I, 10, 17-22; 11, 23-24; 12, 25. — 558. xx, xlv :222.

IV, 4-7 — 418. xx, XXVI, 3 — 220.

V, III : 758. XXI, xI : 191.

XXI, xv : 932.

Contra Faustum.

IV, 2 — 1085. De consensu evangelistarum.

VI, 2 — 1085. ii, xx 85. — 557.

VI, 7 — 1085.

De correptione et gratia.

Contra Julianum opus imperfectum.

XIII, 39. — 705.

II, 148. — 434.

II, 177. — 418.

De diversis quaestionibus ad Simplicianum.

Contra lulianum Pelagianum. I, Q. I, 7 — 558.

II, III, 5-7 — 558.

VI, XXIII, 70-74. — 558. De diversis quaestionibus LXXXIII.

Q. LXVI : 548, 558.

Contra Maximinum haereticum arianorum epis

copum. De doctrina christiana.

II, XII, 2 — 668.

I, IV, 4 — 45.

II, XIII, 1 — 1228. I, V, 5 — 1182.

II, XIII, 2 — 1229. I, XXII, 20-21. — 1182.

I, XXX, 33. — 1056.

De catechizandis rudibus. I, XXXIII, 36-37. — 1182.

IV, 7 — 1014.

De Genesi ad litteram.

De Civitate Dei. III, xx, 30-32. — 419.

X, XIX, 34; XX, 35-36. — 419.

IV, X : 143. X, XXV, 41-43. — 585.

IV, XI : 143.

IV, XXVII : 145.

V, I-IX : 758. De gratia Christi et de peccato originali. VI, V, 1—3; VI, 1—3; VII, 1—3; VIII,

1—2

I, XXXII, 35, 36. — 407.

IX, 1-4; X, 1-3; XII : 145. I, XXXIX, 44. — 558.

VII, VI : 143.

VII, XXI : 143.

VIII, X, 11. — 13. De gratia et libero arbitrio.

VIII, XIII; XIV, 1—2; XVI : 143.

XXI, 43. — 781.

VIII, XXIII, 1-3 — 143.

X, V : 957.

De haeresibus.

XI : 747.

XLVI : 575, 608, 747.

XUX : 38, 692, 747.

LII : 692.

LV : 38.

LXXXVIII : 407, 579, 758, 771.

De libero arbitrio.

III, iii, 6-8 — 578. III, XXI, 59-62. — 1137.

De mendacio.

XV, 26. — 80.

XV, 26-27. — 1011.

XV, 28. — 80.

De moribus catholicae Ecclesiae.

XXVII, 52. — 585.

De nuptiis et concupiscentia.

I, X, 11 —523.

I, XXVIII, 31. — 570.

II, XI, 24. — 238.

II, XXVII, 44-47. — 421.

II, XXVIII, 47. — 415.

De peccatorum mentis et remissione.

I, Ix, 9-10; X, 11-12. — 407.

I, X, 11-12. — 418.

I, xI, 14. — 434.

De praedestinatione sanctonum.

III, 7 — 700.

VI, 11. — 700.

XVII, 34. — 700.

De sermone Domini in monte.

I, XVII, 51. — 80.

I, XXII, 75. — 187.

II, xv 61. — 175, 1093.

II, xix, 64. — 177.

De spinitu et littera.

I, Iv, 6 — 537.

I, VII, 12. — 19.

De Tninitate.

VI, Iv, 6 — 1228.

VI, V, 7 — 73.

X, X, 13. — 45.

XIV, i, 3 — 621.

XV, XVII, 30. — 292.

De vera religione.

XIV, 27-28. — 140.

Enarrationes in Psalmos.

IX, 9, 9 — 220.

XXXIV, 23, 13. — 724.

LVII, 1, 1 — 1120.

LXXII, 1, 4 — 19.

LXXX, 3, 4 — 1185.

CXXIII, 5, 9 — 698, 948.

Enchiridion.

III, 11. — 696, 879.

VIII, 26-27. — 424.

Epistulae.

XXXVI, I, 2 — 1098.

LXXVIII, VI : 253.

LXXXII, II, 9 — 1120.

LXXXII, ii, 14-15. — 1087, 1120.

LXXXIX, II : 724.

CVIII, V, 14. — 724.

CXXXVIII, n, 11 et 14. — 1011.

CLXVI : 1137.

CXCIX, XII, 46. — 848.

CXCIX, xi 49. — 848.

CXCIX, xii, 50. — 848.

CCIV, IV : 724.

Epistulae ad Romanos inchoata expositio : 187.

Expositio quarundam propositionum ex epistola ad Romanos.

Prop. III : 13.

Prop. XXVII : 421.

Prop. XXVIII : 421.

Prop. XLI : 558.

Prop. XLII : 558.

Prop. XLIX : 623.

Prop. LIII : 674.

Prop. LXXII : 1017.

Quaestiones in Heptateuchum.

I, Q. XXXV : 372.

Quaestiones Evangeliorum.

II, 11. — 1127.

Retractationes.

I, ix, 3 — 578.

I, XIII, 5 — 140.

I, XXIII, 1-3 — 558.

I, XXIV, 1-2 — 558.

I, XXVI, 2 — 558.

II, I, 1-2 — 558.

II, XXXIII : 407.

Sermones (PL).

LXXI, XII, 20. — 187.

CXLIV, II, 2 — 327.

CLIII, VIII, 10. — 548.

CLV, I, 1 — 537.

CLVI, XIII, 14. — 557.

CLXXX, vI, 6 — 80.

CLXXX, VIII, 9 — 81.

CCCLI, ii, 2 — 927.

Sermones (Dolbeau).

XIX, 2-6 (Mayence LI) : 327.

Tractatus in Evangelium bannis.

I, 13. — 698, 948.

VII, 12. — 100.

XXVI, 2 — 62, 105, 831.

XXIX, 6 — 327.

XXXVI, 9 — 33. XLVIII, 9 — 292.

Augustin (Pseudo-).

Sermon.

CIV, 2 — 1075.

Bardy (G.) : 14.

Barnabé : 100.

Basile (saint) : 36.

Septante.

Ex 33, 19. — 769.

Lv 18, 5 — 821.

Dt 32, 21. — 850.

Dt 32, 43. — 1159.

Jb 41, 2 — 938.

Pr 24, 21. — 1043.

Eccli (Si) : 812.

Os 2, 24. — 799.

Ha 2, 4b : 104.

Ha 3, 1 —711.

Is 10, 22. — 805.

Is 11, 10. — 1161.

Is 28, 16. — 833.

Lettres.

CCVII : 31.

Bède le Vénérable (saint).

Homélie pour la circoncision.

I, XI : 349.

Bibles.

1. Bible grecque.

Is 40, 13. — 938.

Is 59, 20. — 918.

Is 65, 1 — 853.

Is 65, 2 — 855.

2. Bible hébraïque. Biblia hebraica stuttgartensia.

Is 52, 7 — 839. Ha 2, 4b : 104.

3. Bibles latines.

— Editio princeps Adolph Rusch.

Vol. IV.

— Prime Ad Corin.

14, 40. — 963, 1073.

— J7etus latina.

• Bibliorum sacrorum latinae versiones antiquae, seu Vetus Italica (éd. Dom Sabatier).

Ex 20,

Lv 19,

Dt 32,

1R(1

Ps 67, 7 — 1149.

Jr 9, 1 — 738.

Ez 33, 11. — 208.

Mi 6, 8 — 987.

Ha 2, 4 — 1101.

Ml 3, 6 — 37, 129.

Mt 8, 22. — 474.

Mt 15, 11. — 1132.

Mt 16, 23. — 615.

Mt 22, 30. — 663.

Rm 2, 15. — 220.

Rm 4, 17. — 363.

Rm 7, 23. — 588.

Rm 9, 17. — 780.

Rm 12, 11. — 989.

1 Co 1, 23. — 844.

1 Corinthiens 7, 7 — 814, 869.

1 Corinthiens 14, 40. — 963, 1073.

1 Corinthiens 15, 50. — 625.

2 Corinthiens 13, 4 — 719, 829.

Vetus latina (éd. Beuron).

Sg 1, 15. — 416.

Sg 17, 10. — 269.

Si 2, 8 — 812.

Si 12, 4 — 1184.

Is 5, 6 — 91.

Is 45, 24. — 1108.

Ph 1, 20. — 1102.

Ph 2, 11. — 1111.

Col 1, 20. — 60.

He 3, 1 — 61.

2 P 3, 15. — 182.

1 Jn 2, 27. — 603.

— Vulgate.

• luxta vulgatam versionem.

Prologus Sancti Hieronymi in libro Regum :

865.

Prologus Sancti Hieronymi in Epistulis Pauli

Apostoli : 13.

Bonaventure (saint) : 120.

Borella (J.).

La Charité profanée : 559, 1056.

La Crise du symbolisme religieux : 672, 758.

Le Mystère du signe : 56.

Bouillard (H.).

Conversion et grâce chez saint Thomas d’Aquin

517, 773.

Boi

Dic

3

Br

Bri

Br

Les

17. — 538.

18. — 1055.

35. — 1014.

S) 16, 7 — 245, 324, 456, 539.

Ca

Ca

Bloch (O.) et Wartburg (W. von).

Dictionnaire étymologique de la langue française

Bouyer (L.). Cenchrées : 12.

Dictionnaire théologique : 35, 36, 41, 198, 216, Césaire d’Arles (saint).

311.

Sermones.

Bréhier (É.) : 758. 179, 2 — 1075.

Broglie (G. de) : 418. César-Auguste : 136.

Brun (J.). Chantraine (P.).

Les Stoïciens, textes choisis : 738. Dictionnaire étymologique de la langue grecque

200.

Calliste (pape) : 31. Chevalier (J.).

Camelot (Th.). Histoire de la pensée.

T. II : 1021.

"Credere Deo, credere Deum, credere in Deum."

Pour l’histoire d’une formule traditionnelle

327. Cicéron : 151, 738.

Clément (saint).

Carthage.

Voir : CONCILE. Lettre aux Corinthiens.

V, 7 — 1186.

Cassiodore.

Clément (Pseudo-).

Expositio psalmorum.

II, 2 — 230. Recognitionum liber.

I, 7 — 14.

Cathares : 623.

Concile.

Catholicisme. De Carthage : 216.

D’Orange : 216.

Voir : ENCYCLOPÉDIE. De Trente

— Session V : 418.

Vatican II :

Célestin ier (pape) : 216. — La liberté religieuse : 1120.

Cornelius a Lapide.

Epistula ad Romanos.

I, 1 — 19.

XVI, 27. — 1229.

Crouzel (H.).

Origàne : 776.

Cyrille d’Alexandrie (saint) : 35.

Epistulae.

XVII, 70. — 747.

Explanatio in epistulam ad Romanos.

V, 14. — 424.

Daniélou (J.).

Les Figures du Christ dans l’Ancien Testament. "Sacramentum futuri." Etudes sur les origines

de la typologie biblique : 429, 1117.

Les Origines du christianisme latin : 426.

Deman (Th.).

"Le Liber de Bona Fortuna dans la théologie de saint Thomas d’Aquin " : 773.

Denys IaAréopagite (Pseudo-).

Des noms divins.

IV, 1 — 408, 182.

VII, 3 — 115.

638

La Hiérarchie céleste.

III : 99.

XII, 2 — 408.

Denzingen-Schônmetzer (H.) :

Enchiridion symbolorum, definitionum et declara tionum : 106.

Descartes.

Correspondance.

CCLXII : 219.

Dictionnaires de la Bible.

Voir : GERARD (ANDRÉ-MARIE), SUPPLÉMENT

AU DICTIONNAIRE DE LA BIBLE, Vigouroux

(F.) ET COLLABORATEURS.

Dictionnaire de théologie catholique : 14,

37, 209, 238, 771, 1137.

Dolbeau (F.) : 327.

Dominique (saint) : 623.

Dorival (G.) : 739.

Dubois 0. -M.) : 418.

Dutripon (F. P.).

Vulgatae editionis Bibliorum sacrorum concor dantiae : 6.

Encyclopédie du catholicisme : 14, 30, 32, 37, 38, 143, 216.

Énée : 136.

Épiphane : 30.

Érasme.

Diatribe sur le libre arbitre : 508.

Eusèbe de Césarée.

Histoire ecclésiastique.

II, 14. — 14.

III, 1 — 14.

Eutychès : 37.

Gandhi : 1015.

Ganduiphe de Bologne.

Sententiarum libri quatuor.

IV, 10. — 349.

Gardeil (H. -D.) : 564.

Initiation à la philosophie de saint Thomas d’Aquin.

I. Introduction-logique : 1051.

II. Cosmologie : 945.

Gélase (Pseudo-).

Décrets.

II, cause 22, Q. 2, can. 5 — 1186.

Gerard (A. -M.).

Dictionnaire de la Bible : 11, 225, 764, 1097.

Gilson (É.).

L ‘Esprit de la philosophie médiévale : 1087.

Les Métamorphoses de la Cité de Dieu : 1021.

Le Thomisme : 115, 763, 772.

Gloses sur la Bible.

Glosa ordinaria (éd. "princeps "1480-148 1).

• Glosa interlinearis.

— In epistolam ad Romanos.

III, 30. — 320.

V, 20. — 450.

VIII, 23. — 676.

IX, 13. — 762.

— In Isaiam

IV, 1 — 1079.

• Glosa marginalis.

Argumentum in epistolam ad Romanos : 13, 14.

Gauthier (R. -A.).

Saint Thomas d’Aquin. Introduction à la "Somme contre les Gentils" : 585, 773, 1024.

Saint Thomas et l’ Éthique à Nicomaque" : 617.

Ernout (A.) et Meillet (A.).

Dictionnaire étymologique de la langue latine : 43,

147, 158, 200, 230.

Festugière (A. -J.).

La Révélation d’Hermès Trismégiste : 143.

I, 23. — 136.

II, 4 — 185 (1).

II, 12. — 208.

V, 12. — 413.

VII, 7 — 537.

XIV, 23. — 1140, 1141 (1).

XV, 30. — 1190.

— In lob

XXXVII, lib :91, 1179.

— In Isaiam

IV, 1 — 1079.

Glosa Petri Lombardi.

— In epistolam ad Romanos :

Prol. : 13, 14.

I, 1 — 16, 18, 19.

I, 2 — 26, 28.

I, 3 — 39, 40.

I, 4 — 50, 50, 53, 53, 54,

I, 8 — 77.

I, 17. — 102.

I, 20. — 120, 122.

I, 23. — 136.

I, 26. — 149.

I, 29. — 160.

II, 4 — 185 (1), 185 (2).

II, 5 — 187.

II, 12. — 208.

II, 14. — 216.

II, 15. — 220, 221, 222.

II, 17. — 225.

II, 24. — 236.

III, 3 — 253.

III, 4 — 256, 259.

III, 5 — 262.

III, 9 — 273.

III, 19. — 292.

III, 30. — 320.

IV, 4 — 328.

IV, 5 — 331.

IV, 7-8 — 338.

IV, 11. — 343, 347.

IV, 12. — 348, 349.

IV, 15. — 358.

IV, 17. — 365.

IV, 18. — 369.

V, 9 — 397.

V, 12

V, 14 —

V, 20 —

VI, 6 —

VI, 10

VI, 19

VI, 23

VII, 1 —

VII, 7

VII, 8

VII, 13

VII, 14

VII, 20

VIII, 3

VIII, 7

VIII, 11

VIII, 17

VIII, 19

VIII, 22

VIII, 23

VIII, 27

VIII, 28

VIII, 29

VIII, 30

VIII, 34

VIII, 38

IX, 4 — 742, 744.

IX, 12. — 760.

IX, 13. — 762.

IX, 15. — 770, 772.

IX, 17. — 781.

IX, 18. — 784.

IX, 19. — 787.

IX, 26. — 800.

IX, 31. — 809.

X, 7 — 825.

X, 8 — 828.

X, 21. — 856.

XI, 9 — 876.

XI, 11. — 882.

XI, 12. — 884.

XI, 17. — 896.

XI, 23. — 896.

XI, 25. — 916.

XI, 29. — 927.

XI, 36. — 949.

XII, 1 — 956.

XII, 2 — 967.

659.

(1), 674 (2).

(1), 698 (2).

413, 418.

425, 426.

450, 452, 459, 460, 462, 463, 822.

480.

489.

506.

516.

520.

537, 538.

541, 543.

555.

557.

570, 571.

608, 609.

623.

630.

648.

657, 658,

672, 674

676.

694.

697, 698

702.

707.

720.

728.

55, 56, 57, 59.

XII, 3 — 971.

XII, 19. — 1012.

XII, 20. — 1014.

XIII, 1 — 1019.

XIII, 11. — 1062.

XIII, 12. — 1066.

XIII, 13. — 1078.

XIV, 2 — 1088.

XIV, 4 — 1095 (1), 1095 (2), 1096.

XIV, 6 —1100.

XIV, 7 — 1101.

XIV, 17. — 1127 (1), 1127 (2).

XIV, 23. — 1140, 1140, 1141 (1), 1141 (2).

XV, 9 — 1157, 1158.

XV, 13. — 1162.

XV, 14. — 1164.

XV, 15. — 1166.

XV, 16. — 1167.

XV, 17. — 1169.

XV, 20. — 1174.

XV, 30. — 1190.

XVI, 2 — 1195.

XVI, 7 — 1202.

XVI, 10. — 1205.

XVI, 11. — 1206.

XVI, 22. — 1221.

XVI, 25. — 1224.

XVI, 27. — 1227, 1228, 1229.

Gratien.

Décret.

I, dist. XXX, can. XVII : 1098.

II, causa XXII, Q. II, can. V : 1186.

III, dist. V, cari. XXIV : 964.

Grégoire de Nazianze (saint) : 36.

Grégoire de Nysse (saint) : 36.

Grégoire le Grand (saint).

Moralium seu Expositio in librum Job.

VI, 16. — 120.

VI, 37. — 690.

XXXVI, 6 — 209 (1), 209 (2).

Grimai (P.).

Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine

136, 143.

Guillaume d’Auxerre.

Summa aurea.

II, Tractatus XIV, c. 1-2 — 187. IV, Tractatus II, c. V, Q. 2 — 349.

Guillaume Breton.

Summa sive Expositiones vocabulorum : 161.

Haymon d’Auxerre.

Expositio in divi Pauli epistolas Ad Romanos.

I, 4 — 51.

III, 3 — 253.

IV, 17. — 363.

V, 5 — 392.

VI, 23. — 516.

XIII, 1 — 1017.

XVI, 2 — 1195.

Hercule : 136.

Hermann l’Allemand : 67.

Hermès : 143.

Hilaire (saint) : 187.

De Trinitate.

III, 11 —33.

III, 24. — 844.

X : 844.

In Matthaeum.

XII, 17. — 187.

Tractatus super Psalmos.

LIII, 5 — 829.

LXVII, 8 — 474.

Hippolyte (saint).

Réfutation de toutes les hérésies.

IX, 12. — 31.

Huby (J.).

Saint Paul. Épître aux Romains : 418, 520, 1069, 1154.

Hugues de Saint-Victor. De amore sponsi ad sponsam : 187.

De sacramentis christianae fidei.

I, 2, 8 — 187.

Hugues de Saint-Victor (Pseudo-).

Quaestiones et decisiones in epistolas Pauli ad Philippenses.

2, 9, Q. IX : 50.

Hugutio (Ugutio, Huguccio).

Derivationes : 161.

Humbert de Romans. Prototype liturgique : 100.

Isidore de Séville (saint).

Étymologies.

X : 230.

Jamblique : 585.

Jason : 18.

Jean Chrysostome (saint).

Ad Demetrium de compunctione. Liber 1 — 728, 732, 733, 740.

In epistulam ad Romanos. Homilia 1 — 18.

In Matthaeum homiliae.

XU, 3 — 187.

LXXV, 2 — 848.

Trois catéchèses baptismales.

II, 2 — 81.

II, 8 — 81.

Jean Chrysostome (Pseudo-).

Opus imperfectum in Matthaeum.

32, 8 — 526.

Jean Damascène (saint).

De la foi orthodoxe.

II, 4 — 149.

II, 29. — 705.

III, 15. — 380.

III, 24. — 84.

IV, 22. — 1120.

Jeanne d’Arc (sœur). Évangile selon Marc : 1117.

Jérôme (saint) : 30, 187.

Commentarii in epistulam ad Galatas.

L. II, c. III : 77.

Commentarii in epistulam ad Philemonem : 18.

Commentarii in Evangelium Matthaei.

II, 12. — 187.

XV, 11. — 1117.

XV, 12. — 1116.

Gommentariorum in Hiezechielem libri XIV.

I, c. VII : 1120.

V, c. XVI : 220.

Divina Bibliotheca. Praefatio in libros Samuel et Malachim : 865.

Epistolae.

XV, 4 — 255.

Liber de nominibus hebraicis : 17.

Liber de vins illustribus : 18, 30.

Prologus in Epistolas Pauli Apostoli : 13.

Prologus in libro Regum : 865.

Jérôme (Pseudo-).

Commentanii in epistulam ad Romanos : 18.

Joachim de Flore : 1069.

Lanza del Vasto : 1015.

Leblanc (M.).

"Aspects du péché originel dans la pensée de saint Thomas d’Aquin" : 418.

Légasse (S.). Paul apôtre : 19.

Leibniz : 795.

Journet (C.).

L’Église du Verbe incarné.

T. I : 1021.

Jugie (M.) : 37.

Julien d’Éclane : 216.

Junon : 143.

Jupiter : 136.

Labourdette (M. -M.) : 418. Lagrange (M. -J.).. Épître aux Romains : 59, 500.

Laneau (L.).

De la déification des justes : 706.

Léon-Dufour (X.).

Dictionnaire du Nouveau Testament : 800.

Léon le Grand (saint).

Sermones.

Tin Nativ. : 52.

Liber de bona fortuna : 773.

Lubac (H. de).

Corpus mysticum : 972.

Exégàne médiévale : 803.

Luther : 103, 318, 335, 567. Traité du serf arbitre : 508.

Lyaeus : 143.

Lyonnet (S.) : 418.

Macrobe.

Commentaire du songe de Scipion. I, xIv : 122.

Maïmonide (M.).

Le Guide des égarés.

III, XVII : 110.

Ménélas : 18.

Mani (manichéens) : 41, 575, 758.

Marcel : 30.

Meillet (A.).

Voir : ERNOUT (A.).

Meyendorff (J.).

Le Mariage dans la perspective orthodoxe : 526.

Muratori.

Fragment.

L. 39. — 1186.

Nau (F.) : 14.

Némésius d’Émèse.

De natura hominis : 585.

Nestorius : 35.

Liber de causis : 408.

Litt (T.).

Les Corps célestes dans l’univers de saint Thomas 758.

Macédonius : 692. 644

Pierre Lombard.

Voir aussi : GLOSES.

Sententiae in IV libris distinctae.

I, dist. 41, c. 2 — 703.

II, dist. 20, c. 5 — 419.

II, dist. 43, c. 1 — 187.

IV, dist. 1, c. 9 — 349.

IV, dist. 47, c. 3 — 209.

Pinckaers (S.) : 778.

"L’instinct et l’Esprit au cœur de l’éthique chré tienne" : 613, 707.

Platon (platoniciens) : 143, 585.

Alcibiade.

I, 25. — 585.

La République.

II : 1069. IV : 1078.

Plotin.

Ennéades.

II, 3, 7 — 758.

Porphyre.

Isagoge.

II, 36. — 410.

Prat (F.).

La Théologie de saint Paul.

T. I : 418.

Orange.

Voir : CONCILE.

Origène.

Peri Archon.

II, 9, 6 — 758, 767.

II, 9, 8 — 771.

Super Epistolam ad Romanos.

I, 4 — 50.

II, 14s. : 214.

II, 16. — 222.

III, 3 — 253.

V, 5 — 392.

VI, 13. — 495.

VII, 13. — 555.

VIII, 22. — 674.

Osty (É.).

La Bible : 546.

Paul de Samosate : 30.

Pélage (pélagiens) : 216, 407, 579, 758.

Philippe (M. -D.) : 223.

Photin : 30.

Pierre de Poitiers.

Sententiarum libri quin que.

IV, 2 — 349.

Seckier (M.).

Le Salut et l’Histoire. La pensée de saint Thomas d’Aquin sur la théologie de l’histoire : 99,

1069, 1087.

Sénè que.

De Remediis fortuitorum.

II, 1 — 416.

Septante.

Voir : BIBLES (Bible grecque).

Sergius Paulus : 18.

Sertillanges (A. -D.) : 944.

Spicq (C.).

Lexique théologique du Nouveau Testament : 927.

Stroobant de Saint-Éloy (j. -É.) : 6, 157, 262, 280, 379, 531, 647.

Supplément au Dictionnaire de la Bible

100.

Symbole.

Quicumque : 106.

Tertullien : 1137.

Adoersus Marcionem.

I, 28. — 596.

Prouvost (G.).

Thomas d’Aquin et les thomismes : 72.

Psautier luxta Hebraeos : 952.

Psautier romain.

33, 10. — 714.

67, 7 — 1149.

94, 7 799.

Quasten (J.) : 14.

Rahifs (A.).

Voir : SEPTANTE.

Richard de Saint-Victor.

Tractatus de spiritus blasphemiae : 187.

Rousseau (J. -J.) : 1021, 1041. Sabellius : 31, 32.

Sainte-Marie (H. de).

Voir : PSAUTIER IUXTA HEBRAEOS.

Sartre (J. -P.) : 513.

Schuermans (M. -Ph.).

Parole de Dieu et rite sacramentel : 1207.

Scipion : 18, 122. 646

De anima.

I, 4 — 596.

V : 585.

XLIII, 10. — 429.

De baptismo.

XIII, 1 — 596.

De pudicitia.

XVIII, 16. — 596.

Thomas d’Aquin (Pseudo-).

De fallaciis.

VI : 53.

Tixeront.

Histoire des dogmes : 209.

Torreli (J. -P.).

"La causalité salvifique de la résurrection du Christ selon saint Thomas" : 380, 382.

Initiation à saint Thomas d’Aquin : 1021.

Saint Thomas d’Aquin, maître spirituel : 490, 613, 707, 1120.

Trente.

Voir : CONCILE.

Ugutio.

Voir : HUGUTIO.

Ulpien : 151.

Varron : 143.

Vatican II.

Voir : CONCILE.

Verbraken (P.).

Études critiques sur les sermons de saint Augustin.

Vetus latina.

Voir : BIBLES (Bibles latines).

Veysset (Ph.).

Situation de la politique dans la pensée de saint Thomas d’Aquin : 1041.

Vidal-Naquet (P.).

L ‘impossible Antisémitisme : 882.

Vigile de Thapse (Pseudo-) : 363.

Vigouroux (F.) et collaborateurs.

Dictionnaire de la Bible : 200.

Vulgate.

Voir : BIBLES (Bibles latines).

Valentin : 747.

Wartburg (W. von.).

Voir : BLocil (O.).

Wéber (E. -H.).

La Personne humaine au XIII° siècle : 120, 1137.

Weber (R.).

Voir : PSAUTIER ROMAIN.

Zénon de Cittium : 738. Zéphyrin (pape) : 31.