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Complications somatiques
P. Perney
DESC Addictologie 14/05/2019
Introduction
• Consommation d’alcool
o Responsable d’une soixantaine de maladies somatiques et psychiques,
o Provoque, aggrave, complique ≈ 200 maladies
o Directement ou non
o Pas de lien avec ivresse ou dépendance
o Risque pour certaines complications à partir de 10 g/j
Introduction
• 4e cause de démence du sujet jeune
• 3e cause de mortalité
• 2e cause mortalité évitable
• 1e cause de mortalité prématurée
• 49 000 décès / an en France
Principales voies impliquées dans le métabolisme de l’alcool
ALDH
NADHNAD+
AcétateAcéthaldéhydeAcéthaldéhydeÉthanol
ADH
NADHNAD+
Principales voies impliquées dans le métabolisme de l’alcool
ALDH
NADHNAD+
AcétateAcéthaldéhydeAcéthaldéhydeÉthanol
ADH
NADHNAD+
Dérivésréactifsde l’O2
CYP2E1
O2
Principales voies impliquées dans le métabolisme de l’alcool
ALDH
NADHNAD+
AcétateAcéthaldéhydeAcéthaldéhydeÉthanol
ADH
NADHNAD+
Dérivésréactifsde l’O2
CYP2E1
O2
Altérations de l’ADN
Mécanismes généraux des complications
Alcool AcétateAcétaldéhyde
ADH ALDH
1 – 40
Nombreux variants(variabilité inter individuelle)
Distribution ADH / ALDH
• Foie
• Glandes salivaires
• Tube digestif (certaines bactéries de la flore)
• Variabilité de production d’acétaldéhyde
• Vulnérabilité pour certains cancers
Consommations importantes et chroniques
• Mobilisation intra hépatique
• Voie supplémentaire
• Système MEOS
(microsomal ethanol oxydation system)
• Fait intervenir CYP 2E1 (cyt P 450)
• Altération métabolisme glucides et lipides
Conséquences digestives
Œsophage / estomac
• Consommation aiguë favorise les reflux acides
• Prise aiguë importante • Érosions duodénales et jéjunales
• Saignements
• Altération du péristaltisme œsophagien
• Diminution tonus sphincter inférieur œsophage
• Nausées / vomissements matinaux (risque de Sd de Mallory Weiss)
Intestins
• Diminution de l’absorption intestinales de nutriments (zinc, sélénium, vitamines, AA, eau)
• Explique la diarrhée (fréquente dans OH chronique)
• Prolifération bactérienne duodéno-jéjunale
• Production d’endotoxines• Toxines pour les muqueuses
• À l’origine de l’hépato-toxicité
• Bactéries digestives ont de l’ADH, mais peu d’ALDH
Pancréatites
• Mécanismes de toxicité mal connus
• OH = FdR de pancréatite chronique (PC)
• OH première cause de PC
• PC survient après
• 15 - 20 ans de consommation chez l’homme
• 10 - 15 ans de consommation chez la femme
• Risque de PC augmenté par le tabac
Pancréatites alcooliques
• Maladie d’adultes jeunes (âge moyen proche de 30 ans)
• Mécanisme : auto-digestion de la glande
• Clinique parlante (douleurs très violentes, en barre, souvent transfixiantes, calmées par l’antéflexion)
• Biologie spécifique : CRP, hyperleucocytose, lipasémie augmentée
• Pronostic : insuffisance exocrine et endocrine
• Diarrhée graisseuse
• Amaigrissement, fonte musculaire
• Diabète insuilo-dépendant
Pancréatite aiguë nécrosante
Aspect de PC calcifiante
La consommation d’alcool est associée à plusieurs types de cancers
Convaincante Probable Possible
Bouche
Pharynx
Larynx
Œsophage
Foie
Sein
Côlon
Rectum
Poumon
Pancréas
Cancers des VADS
• 13000 décès en France chaque année, surtout
des hommes
• Pathologie émergeante chez les femmes
• Surtout Nord de France
• Bretagne, Normandie, alsace, Région Parisienne
Facteurs de risque
• Acétaldéhyde produit par les glandes salivaires
• Potentialisé par :
• Malnutrition
• Immunodépression
• Mauvaise hygiène buccale (= prolifération bactérienne)
• L’alcool potentialise l’effet du tabac
INCIDENCE DU CANCER DES VADS CHEZ LES HOMMES EN 2000
(NOMBRE DE NOUVEAUX CAS POUR 100000 PERSONNES)
RR pour la combinaison alcool-tabac
Cancer bouche et pharynxeffet conjoint alcool-tabac
0
4
8
12
16
4 U/j 4 U/j + 40 cig /j
RR
Cancer de l’œsophage
Cancer œsophageeffet synergique alcool-tabac
0
10
20
30
40
50
< 40 g < 9 cig > 20 cig > 80 g > 80 g > 20 cig
Cancers des VADS
• Bouche, pharynx, larynx, œsophage : risque multiplié par 2 à 6
• Effet synergique avec la consommation de tabac
• Pas d’effet plus délétère d’un type de boisson par rapport à un autre : c’est la quantité qui compte
• Risque de l’importance de la consommation plus que de la durée
• Augmentation des risques avec des consommations entre les repas / pendant les repas
Cancers de la cavité buccale et effet dose-réponse (OH)
0
2
4
6
8
10
12
14
16
10 g 50 g > 110 g
Castellesague et al., Int J Cancer 2004
Alcool plus polymorphisme génétique
• Association entre prévalence de l’allèle ALDH2*2 et cancer chez les consommateurs d’alcool (quelque soit la
consommation)
• Cancer bucco-pharyngé
• Larynx
• Œsophage
(Activité enzymatique résiduelle de 6 % si ALDH2*2 /
ALDH2*1)
Cancers des VADS
• Risque de cancer décroît après arrêt de la consommation d’alcool (disparaît après 14 ans)
• Poursuite de la consommation : augmentation du risque de
• Second cancer primaire des VADS
• Deuxième cancer alcoolo-tabacco induit
Cancer colon rectum
• Troisième rang chez l’homme et deuxième chez la femme en France
• 15000 DC par an
• Risque significatif de l’alcool
• RR dose dépendant
• de 1,4 à 5,4
La dépendance
• Pas de relation entre • degré de dépendance • et risque tumoral
• Ce ne sont pas seulement les malades les plus visibles qui sont à risque
• Risque commence avec des consommations socialement admises
• Le repérage est fondamental
Fréquence des poly-consommations
• Effets cancérigènes de l’alcool et du tabac(synergiques, multiplicatif)
• Il faut connaître l’ensemble des produits consommés
• Alcool et tabac pour les risques • ORL, œsophage, hépatiques et pancréas
• Cannabis• Association fréquente avec tabac et alcool • Pas de démonstration qu’il soit cancérigène
Recommandations INCaAlcool et risque de cancer (2007)
• Absence de dose sans effet en matière de cancer : pas effet de seuil
• Consommation régulière d’alcool n’est pas recommandée
• Risque d’autant plus élevé que consommation élevée
• Rappelé récemment par Santé Publique France et INCa
Risque vasculaire
Définition du « French Paradox »
• Association entre consommation d’alcool et mortalité globale => courbe en J
• Concept largement admis
• Mais importance de l’effet reste discuté
• Description de la consommation est parfois discutable
• De plus variabilité selon le sexe
Courbe en J : consommation et mortalité totale
Limites méthodologiques
• Inclusions années différentes / données anciennes
• Causes de décès différent selon les pays
• Intervalles de confiance très larges
• Études anciennes avec un groupe témoin de qualité
Effet positif d’une faible consommation d’alcool
Suspecté pour :
• Cardio-vasculaire
• Neuro-vasculaire
• NAFLD
• NASH
• Diabète de type 2
Etude suédoise
67 706 personnes (âge moyen et âge mûr)
Hommes et Femmes
Suivi de 15 ans
13 323 décès
Résultats
• Relation non linéaire entre consommation et décès
• Effet maximum
• Femme : 6 g /j
• Homme 15 g/j
• Gain moyen de survie = 17 mois
Survie sur 15 ans en fonction de la consommation d’alcool
Survie sur 15 ans en fonction de la consommation d’alcool
Effet au long cours : adultes (âge moyen et âgés)
• 490 000 sujets des 2 sexes suivis pendant 9 ans
• 46 000 décès pendant le suivi
• Risque de décès de consommateurs modérés vs non consommateurs (à l’entrée dans l’étude)
RR 95% CI
Hommes 0,7 0,7 – 0,8
Femmes 0,6 0,6 – 0,7
Thun et al., N Engl J Med 1997
Effets du binge-drinking
• Calcification des artères coronaires des adultes jeunes
• Troubles du rythme
� Indépendant des troubles ioniques (hypokaliémie) ou métaboliques associés
� Après consommation massive
� Fibrillation auriculaire
� Peut se compliquer d'ischémie cardiaque ou cérébrale, et de mort subite
� Même en l’absence d’ATCD cardiaque
Alcool et pathologies cardiovasculaires
• Facteur de risque d’ HTA
• 1/3 des cardiomyopathies dilatées non ischémiques
• Cause fréquente de fibrillation auriculaire
• Augmentation du risque d’AVC (hémorragiques et ischémiques)
O’Keefe et al., Mayo Clin Proc 2014
Accidents vasculaires cérébraux
• Courbe en J
• Effet protecteur jusqu’à 20-25 g/j
• Effet délétère à partir de 40-60 g/j
• Risque pourrait être doublé 1 h après une prise d’alcool
• AVC hémorragiques : le risque augmente à partir de 12 g/j
Mécanismes en cause
• hypertension artérielle
• cardiomyopathie
• fibrillation auriculaire
• troubles de la coagulation
• Hyper-homocystéinémie
• hypertriglycéridémie
• diabète
Chez les jeunes
• Consommation épisodique massive semble être un facteur de risque important d'AVC des jeunes
• Similaire atteinte coronaire
• 20% des accidents ischémiques chez les moins de 40 ans sont associés à l’alcool
Vincent Guiraud, Mejdi Ben Amor, Jean-Louis Mas and Emmanuel TouzéTriggers of Ischemic Stroke: A Systematic Review
• 26 études qui ont identifié 12 facteurs déclenchant potentiels
• La plupart des études ont confirmé 2 FdR significatifs
• Infection
• Consommation d’alcool
> 40-60 g durant les dernières 24 h
> 150 g la semaine précédente
AVC
• American Stroke Association guidelines
• Les gros consommateurs avec un AVC ou AIT doivent diminuer ou stopper leur consommation
• Consommation « raisonnable » : pas plus de 2 verres / jour chez l’homme et de 1 verre chez la femme (Furie et al., Stroke 2011)
• Courbe en J
Sacco et al., JAMA 1999
Risque infarctus myocarde
Mukamal et al., Arch Intern Med 2006
Insuffisance cardiaque
• douleurs thoraciques
• palpitations
• arythmies
• fatigabilité anormale
• toux nocturnes
• dyspnée
• arrêt cardiaque
Myocardiopathie
• Survient après une consommation chronique élevée
• > 90 g/j pendant plus de 5 ans
• Représente 30% des myocardiopathies dilatées non-ischémiques
• Asymptomatique initialement
• Évolue vers insuffisance cardiaque
• Mortalité à 4 ans = 50 %
Cardio-toxicité de l’alcool
• Acétaldéhyde
• stress radicalaire, peroxydation lipidique, dépôts de TG
• dysfonction myocytaire
• fibrose myocardique
• Déterminisme génétique (nombreux variants ADH et ALDH)
• Carence en thiamine (béribéri)
• Âge (population vieillissante)
Hypertension artérielle
Études épidémiologiques nombreuses
Augmentation du risque d’HTA avec la consommation d’alcool
(impact des faibles consommations ne semble pas délétère)
Facteurs confondants possibles (alimentation, tabagisme, exercices physiques, conditions socioéconomiques
De plus interrogatoires alcool parfois difficiles
Marmot et al., INTERSALT study. BMJ 1994
HTA
• 5 à 7% des sujets hypertendus ont une consommation alcoolique élevée
• Relation linéaire dose-effet
• Au delà de 30 g : H
• Au delà de 20 g : F
• Élève les pressions systoliques et diastoliques
• Meta-analyse d’études ayant évalué les effets de la réduction d’alcool sur la TA
• 15 études : 2234 patients
• La réduction d’alcool était la seule intervention sur la TA dans ces études
• Durée d’intervention variable
WheltonXue Xin, Jiang He, Maria G. Frontini, Lorraine G. Ogden, Oaitse I. Motsamai and Paul K.
Controlled TrialsEffects of Alcohol Reduction on Blood Pressure: A Meta-Analysis of Randomized
doi: 10.1161/hy1101.0934242001;38:1112-1117Hypertension.
-3,31 (-2,52 -4,10) mmHg -2,04 (-1,49 -2,58) mmHg
Effets de l’arrêt de l’alcool
• Possibilité d’HTA transitoire au moment du sevrage
• Diminution rapide (en jours)
• 20% des sujets restent hypertendus
• Atteintes durables
• HTA indépendante de l'alcool
Étude de la fonction érectile
• Dysfonctions érectiles (DE) et le risque cardiovasculaire évoluent de façon comparable
• Relation DE-alcool suit une courbe en J (Cheng, Int J Imp Res 2007)
• Macbeth, Acte 2, scène 3 :
« it provokes, and unprovokes ;
it provokes the desire,
but it takes away the performance »
Complications neurologiques
• Aigues : ivresse pathologiques
• Trouble du comportement (agressivité)
• État délirant
• Convulsions
• Traumatisme cranio-cérébraux
• Hémorragies
Coma éthylique à partir de 4g/l, voire 3g/l si pas d’accoutumance
Altération cognitive chez l’adolescent (binge)
Attention à l’hypoglycémie associée
Syndrome de sevrage
• Syndrome de sevrage sévère
• Crises d’épilepsie
• Delirium tremens
• Symptomatologie d’autant plus sévère que répétition de sevrages non contrôlés
• Sevrages non médicalisés seraient un facteur de risque d’involution cognitive
Troubles chroniques
Déficits cognitifs
• Très fréquents : jusqu’à 70-80 % des patients hospitalisés
• 10 % des démences sont liées à l’alcool
• 4e cause de démences à début précoce
• Serait favorisée par les épisodes de binge drinking
• Causes multiples probables
Encéphalopathies carentielles
• Gayet-Wernicke • Vitamines du groupe B (surtout B1)
• Diag : 2 symptômes au moins parmi : carence nutritionnelle, atteintes oculomotrices, troubles cérébelleux, confusion ou trouble cognitif
• Risque évolutif : sd de Korsakoff
• Encéphalopathie pellagreuse • Rare
• Carence en B3 (vit PP)
• Dermatose, diarrhée, manifestations neuropsychologiques
Atrophies
• « Atrophies » cortico-sous corticales
• Dégénérescence cérébelleuse
• Continuum : lésions s’aggravent progressivement
Dégénérescence cérébelleuse
• Fréquente : 27-42%
• Syndrome cérébelleux statique
• Élargissement du polygone de substentation
• Démarche instable
• Impact aussi sur la fonctions cognitives
• Rarement syndrome cinétique
11 témoins
7 patients AD(abstinents)
Autres
• Névrite Optique alcoolique
• 10 %
• Baisse de la vision / dyschromatopsie +++
• Polynévrite alcoolique
• Commence par des troubles sensitifs / crampes douloureuses matinales
• Puis troubles moteurs
• Aréfléxie achillèenne
Myélinolyse centro-pontique
• Démyélinisation osmotique
• Généralement après correction trop rapide d’une hyponatrémie
• Para- ou tétrapérésie
• Syndrome pseudo bulbaire
• Risque vital majeur
• Traitement de l’hyponatrémie très lent et surveillance régulière
Encéphalopathie hépatique
• Signe d’insuffisance hépatique
• Très variable dans le temps
• Inversion du rythme nyctéméral �coma aréactif
• Hyper-amoniémie
• Traitement d’un facteur déclenchant ou traitement de la production d’ammoniac dans le tube digestif = lactulose / rifaximine
Myopathie alcoolique
• Forme aiguë rare, correspond à une rhabdomyolyse
• Forme chronique serait présente chez 2/3 des consommateurs chroniques
• Asymptomatique souvent
• Faiblesse musculaire proximale
Conséquences métaboliques
• OH favorise la survenue de diabète de type 2
• Courbe bi-phasique
• Doses modérées : � HDL et meilleure sensibilité à l’insuline
• Doses importantes : résistance à l’insuline
• Apport calorique : favorise le surpoids / obésité
• Hyper TG
Conséquences squelettiques
• Consommations plus précoces
• + Population vieillit ➜
• Risque osseux est augmenté
• Fractures
• Chutes
• 25 % des H et 4 % des F hospitalisés pour fractures d’un membre inférieur ont une consommation excessive d’alcool
Conséquences squelettiques
• Relation dose-effet entre
• Consommation d’alcool
• Ostéoporose
• Risque fracturaire
• Consommation chronique et ostéonécrose de la tête fémorale (et humérale) : complication classique
• À l'origine de 17 à 36 % des ostéoporoses masculines
• Effet aussi du Binge (avec impact possible sur taille)
Dermatologie
• Vieillissement cutané
• Télangiectasies
• Dermite séborrhéique et la rosacée
• Porphyrie cutanée tardive
• Psoriasis
• Maladie de Dupuytren
Conséquences buccales et odontologiques
• Déchaussement des dents par destruction des tissus de soutien
• Risque de parodontite • 18% pour 1 verre quotidien
• 27 % pour 3 verres
• > 50% chez le sujet alcoolo-dépendant
• Sialadénose parotidienne(tuméfaction parotidienne bilatérale et sécheresse buccale (xérostomie)
Conséquences hématologiques et immunologiques
• Plurifactorielles (toxicité directe, carences)
• 3 lignées peuvent être touchées, surtout• Anémie macrocytaire
• Thrombopénie
• Immunologiques • Inflammation chronique
• Modification des profils lymphocytaires
• Hyper-production cytokinique
• Cause de nombreuses complications somatiques
Conclusion
• Quasiment pas d’organe ou de système qui ne soit touché par l’alcool
• Repérer les complications somatiques fait partie des missions de l’addictologue
Dematteis M, Perney P. Complications somatiques de l’alcool. Alcoologie Addictologie 2014