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Septième édition des Journées scientifiques du Regroupement francophone pour la recherche et la formation sur le béton (RF) 2 B ____________________________________________________________________________________________________ Toulouse, France 19-20 juin 2006 113 COMPORTEMENT AU JEUNE ÂGE DES MATÉRIAUX CIMENTAIRES MODÉLISATION CHEMO-HYDRO-MECANIQUE DU RETRAIT A. Haouas A , V. Lamour A et M. Moranville A A Laboratoire Mécanique et Technologie, ENS Cachan, Cachan, France RÉSUMÉ : Le comportement au jeune âge des matériaux cimentaires est un phénomène complexe qui met en opposition une structure évolutive, mais encore faible mécaniquement et des sollicitations externes agressives. Il en résulte dans certains cas la fissuration par retrait gêné du matériau en cours de développement. Une approche couplée expérimentale-numérique a été développée afin de reproduire le phénomène de fissuration par retrait empêché, en laboratoire et sous conditions contrôlées. Cette approche identifie les paramètres clés nécessaires à la construction d’un modèle mésoscopique numérique prédictif qui prend en compte les effets des couplages chimio-hydro- mécaniques sur l’évolution des propriétés physico-mécaniques du matériau. 1. INTRODUCTION Le suivi du développement d’un matériau cimentaire depuis son gâchage jusqu’au durcissement final révèle l’existence de plusieurs phases pendant lesquelles le matériau se transforme d’une suspension liquide initiale jusqu’à un squelette solide résistant. Ces transformations s’accompagnent dans tous les cas de variations volumiques qui se trouvent accentuées par les conditions extérieures de température et d’humidité relative. L’introduction d’éléments fins (fumée de silice, fillers calcaires, cendres volantes...) dans la fabrication du matériau (BAP, BFUHP...) favorisent eux aussi le développement de ces variations jusqu’à un état critique au-delà duquel de la fissuration micro et éventuellement macroscopique se produit. Ce phénomène intervient généralement au jeune âge à un stade où le matériau n’est pas encore suffisamment rigide pour s’opposer aux contraintes de traction qui lui sont appliquées. Ce risque est encore plus important quand le béton est employé dans des structures minces à faible rapport volume/surface (voile, dalle, tablier, chape) où des gradients hydriques peuvent apparaître. Néanmoins, le nombre important des facteurs qui entrent en jeu (formulation, géométrie, conditions environnantes de fabrication et d’exploitation...), leurs interactions non-linéaires ou encore leur caractère aléatoire font que la seule mesure du retrait libre ne suffit pas à résoudre le problème. Pour cela, une approche innovante basée sur une double caractérisation expérimentale-numérique a été développée. La première partie a permis de recréer, en laboratoire et sous conditions contrôlées, le phénomène de fissuration et d’étudier l’effet de différents paramètres de composition des mortiers utilisés (type de ciment, ajouts minéraux, agent anti-retrait, renforcement par les fibres...). Cette étude est appuyée par la seconde partie relative à la construction d’un modèle numérique prédictif qui prend en compte les effets des couplages chimio-thermo-mécaniques sur l’évolution des propriétés physico- mécaniques du matériau. Étant donné que la première partie a déjà fait l’objet d’une publication dans une section précédente de cette même manifestation (Haouas et al., 2004), le dispositif expérimental mis en place et quelques résultats montrant l’influence de la formulation sur la fissuration seront brièvement rappelés. En seconde partie, les principaux modèles théoriques sur lesquels est fondé l’outil de modélisation sont présentés et les quelques résultats numériques sont rapportés.

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Septième édition des Journées scientifiques du Regroupement francophone pour la recherche et la formation sur le béton (RF)2B ____________________________________________________________________________________________________ Toulouse, France 19-20 juin 2006

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COMPORTEMENT AU JEUNE ÂGE DES MATÉRIAUX CIMENTAIRES – MODÉLISATION CHEMO-HYDRO-MECANIQUE DU RETRAIT A. HaouasA, V. LamourA et M. MoranvilleA A Laboratoire Mécanique et Technologie, ENS Cachan, Cachan, France RÉSUMÉ : Le comportement au jeune âge des matériaux cimentaires est un phénomène complexe qui met en opposition une structure évolutive, mais encore faible mécaniquement et des sollicitations externes agressives. Il en résulte dans certains cas la fissuration par retrait gêné du matériau en cours de développement. Une approche couplée expérimentale-numérique a été développée afin de reproduire le phénomène de fissuration par retrait empêché, en laboratoire et sous conditions contrôlées. Cette approche identifie les paramètres clés nécessaires à la construction d’un modèle mésoscopique numérique prédictif qui prend en compte les effets des couplages chimio-hydro-mécaniques sur l’évolution des propriétés physico-mécaniques du matériau.

1. INTRODUCTION Le suivi du développement d’un matériau cimentaire depuis son gâchage jusqu’au durcissement final révèle l’existence de plusieurs phases pendant lesquelles le matériau se transforme d’une suspension liquide initiale jusqu’à un squelette solide résistant. Ces transformations s’accompagnent dans tous les cas de variations volumiques qui se trouvent accentuées par les conditions extérieures de température et d’humidité relative. L’introduction d’éléments fins (fumée de silice, fillers calcaires, cendres volantes...) dans la fabrication du matériau (BAP, BFUHP...) favorisent eux aussi le développement de ces variations jusqu’à un état critique au-delà duquel de la fissuration micro et éventuellement macroscopique se produit. Ce phénomène intervient généralement au jeune âge à un stade où le matériau n’est pas encore suffisamment rigide pour s’opposer aux contraintes de traction qui lui sont appliquées. Ce risque est encore plus important quand le béton est employé dans des structures minces à faible rapport volume/surface (voile, dalle, tablier, chape) où des gradients hydriques peuvent apparaître. Néanmoins, le nombre important des facteurs qui entrent en jeu (formulation, géométrie, conditions environnantes de fabrication et d’exploitation...), leurs interactions non-linéaires ou encore leur caractère aléatoire font que la seule mesure du retrait libre ne suffit pas à résoudre le problème. Pour cela, une approche innovante basée sur une double caractérisation expérimentale-numérique a été développée. La première partie a permis de recréer, en laboratoire et sous conditions contrôlées, le phénomène de fissuration et d’étudier l’effet de différents paramètres de composition des mortiers utilisés (type de ciment, ajouts minéraux, agent anti-retrait, renforcement par les fibres...). Cette étude est appuyée par la seconde partie relative à la construction d’un modèle numérique prédictif qui prend en compte les effets des couplages chimio-thermo-mécaniques sur l’évolution des propriétés physico-mécaniques du matériau. Étant donné que la première partie a déjà fait l’objet d’une publication dans une section précédente de cette même manifestation (Haouas et al., 2004), le dispositif expérimental mis en place et quelques résultats montrant l’influence de la formulation sur la fissuration seront brièvement rappelés. En seconde partie, les principaux modèles théoriques sur lesquels est fondé l’outil de modélisation sont présentés et les quelques résultats numériques sont rapportés.

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2. ÉTUDE EXPERIMENTALE Les propriétés physiques et mécaniques du béton varient dans le temps principalement sous l’effet de la maturation et les conditions extérieures. Les variations volumiques du matériau, intimement liées à ces dernières, peuvent être donc décomposées selon l’origine de la variation (retrait endogène, de dessiccation…). Nous avons alors cherché lors de notre étude expérimentale à caractériser ces différentes composantes en tenant compte des conditions mécaniques externes auxquelles peut être assujetti le matériau. Plusieurs types de mesures ont alors été effectués selon le degré de blocage mécanique du matériau : cas du retrait libre, cas du retrait semi-empêché et cas où le retrait est totalement bloqué. En ce qui concerne le cas du retrait empêché, plusieurs dispositifs expérimentaux (Tazawa, 1998, Altoubat et al. 2001) ont été mis en place afin de caractériser le comportement du matériau en retrait empêché. Ces dispositifs sont cependant assez complexes à utiliser à cause notamment du système d’application de l’effort pour empêcher le retrait au cours du durcissement. Dans notre cas, nous nous sommes basés sur l’essai à l’anneau qui a l’avantage de simplifier les procédures de mesure et d’asservissement en exploitant le caractère auto empêché du système axisymétrique (Swamy et al. 1979, Paillere et al. 1989, Weiss et al. 2002). Un dispositif adapté aux mortiers a alors été conçu dans notre laboratoire (Lamour et al. 2003). Le banc expérimental se compose ainsi de deux dispositifs de mesure du retrait empêché : l’anneau actif de retrait (figures 1-a, 2-a) et l’anneau passif de retrait (figures 1-b, 2-b). Le premier est composé d’un tube mince en laiton fermé à ses extrémités haute et basse. Autour de ce tube, nous venons couler un anneau de mortier (éventuellement de béton) qui représente l’éprouvette testée. Le tube intérieur et son fond fixe en laiton, et son couvercle amovible en acier constituent un ensemble fermé capable de résister à une pression interne maximale de 5 bars. Cette pression servira à bloquer les déformations de retrait au fur et à mesure de leur développement. Il est ainsi possible de contrôler l’état de déformations et de contraintes dans l’anneau en mortier en asservissant le système de pression au système de mesures des déformations. Les dimensions du dispositif ont été sélectionnées de manière à ce que l’échantillon soit essentiellement assujetti à une traction "uniaxiale" comme résultat du blocage issu du cylindre en laiton (Figure 1-a).

Figure 1. Schémas de principe du dispositif expérimental : Anneau actif de retrait (a) et anneau passif de retrait (b). Cependant, dans certains cas, il arrive que la pression de compensation ne soit plus suffisante pour accompagner l’échantillon jusqu’à fissuration. L’essai est alors arrêté malgré l’éventuelle progression du retrait. Dans ce cas, l’utilisation d’un anneau rigide élastique en laiton permet de suivre le retrait empêché à plus long terme (Figure 1-b). L’éprouvette en mortier produit des déformations orthoradiales de retrait qui sont transmises à travers l’anneau en laiton vers les jauges extensométriques. L’épaisseur et le diamètre extérieur de l’anneau ont été optimisés afin d’exercer un blocage partiel du retrait tout en ayant un état de contraintes orthoradiales quasi uniforme sur l’épaisseur de l’échantillon (épaisseur de 8 mm et diamètre extérieur égal à 300 mm). La réponse globale du matériau en termes de déformations et de contraintes de retrait empêché est ainsi enregistrée en continu par un système d’acquisition relié aux trois jauges collées sur la face interne de l’anneau en laiton. Le banc expérimental comprenant les anneaux est placé dans une enceinte climatique qui permet de contrôler et d’imposer des conditions précises de température (20°C) et d’humidité relative (50% HR avec ventilation imposée). Le décoffrage des éprouvettes à 24h donne le départ des conditions

(a) (b)

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extrêmes de séchage sur les surfaces libres. En complément, des mesures de retrait libre sont effectuées en parallèle sur des éprouvettes linéiques de même section que l’anneau principal. D’autres données mécaniques et hygroscopiques comme la perte en masse, le module d’élasticité dynamique (obtenu par mesure ultrasonique), les résistances à la compression et à la flexion sont aussi mesurées à différentes échéances (1, 2, 3, 7, 14 et 28 jours).

Figure 2. Vue d’ensemble du dispositif expérimental : Anneau actif de retrait (a) et Anneau passif de retrait (b). À partir des valeurs expérimentales de retrait empêché mesuré à l’intérieur de l’anneau en laiton, on peut calculer la contrainte orthoradiale maximale dans le mortier à l’interface avec cet anneau. L’évolution de ces contraintes au cours du durcissement et du séchage du matériau et les échéances éventuelles des macrofissures de rupture pour quelques formulations de mortiers sont données dans la figure 3. Ces résultats font partie d’une large compagne expérimentale effectuée au cours du travail de thèse de Haouas (Haouas, 2006). Le mortier ‘Mreference’ est utilisé ici comme matériau de référence avec une composition de base commune à tous les mortiers et formée de ciment CEM I 52,5, de sable gradé 0-4mm et de superplastifiant (Glenium B201). Le rapport massique eau/liant (égal à 0,5), le volume de pâte ainsi que la rhéologie (mortiers autonivelants avec étalement de 25 cm au cône) sont maintenus constants pour toutes les formules (avec ajustement en superplastifiant). Le ’Mcendres’ correspond à mortier où une partie du ciment a été substituée par des cendres volantes et le troisième mortier utilisé ’Mair’ fait référence à l’emploi de l’air entraîné dans la formulation.

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Figure 3. Contraintes de retrait de séchage obtenues avec l’anneau actif (fort) et l’anneau passif (fin)

3. MODÉLISATION DU COMPORTEMENT CHEMO-HYDRO-MÉCANIQUE AU JEUNE ÂGE Les résultats expérimentaux obtenus représentent une seule réponse globale du matériau vis-à-vis des changements volumiques qu’il subit pendant les premiers jours. Ainsi, cette réponse englobe à la fois : – Les déformations liées à la contraction Le Chatelier lors de l’hydratation. – Les déformations du retrait d’auto-dessiccation (conséquence directe du changement phasique du matériau). – Les déformations d’origine thermique. – Les déformations du retrait séchage (liées aux gradients d’humidité relative dans l’élément). – Les déformations visco-élastiques (conséquence de l’évolution des propriétés mécaniques du

matériau au fur et à mesure du durcissement : fluage, relaxation…). Devant la complexité de la réponse mesurée, une analyse numérique par la méthode des éléments finis nous a paru nécessaire afin de pouvoir isoler et identifier l’action de chaque composante. Cette analyse repose sur la description, à un instant donné, de l’état hydrique du matériau, qui se trouve être le point commun à toutes ces composantes. Ainsi, on peut s’attendre par exemple à une compétition interne entre la perte d’eau par séchage, et sa consommation lors de la formation des nouveaux hydrates. L’affinité chimique du ciment peut être utilisée afin de représenter la force thermodynamique motrice du processus d’hydratation (Atkins, 1990). On peut alors exprimer avec efficacité l’effet de consommation d’eau (teneur en eau initiale w0, teneur en eau libre actuelle wlib et facteur d’hygro-activation N) et du dégagement de chaleur (loi d’Arrhenius) sur les cinétiques de réaction (Équation 1) représentées par le degré d’avancement total ξ et l’affinité chimique normalisée A :

��

���

� −×��

����

�×=

RTE

ww

At

a

N

o

lib exp)(ξ∂∂ξ

(1)

Cette affinité peut être déterminée expérimentalement en se basant sur des essais calorimétriques adiabatiques. D’autre part, la structuration progressive du matériau en solide poreux laisse envisager un important phénomène de transport de l’eau sous différents types (transport diffusif, darcique…) qui n’est pas sans relation avec l’épuisement de l’eau par la réaction d’hydratation (séchage interne) (Équation 2).

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( ) ( )( )t

wwgradwDdiv

tw puits

libliblib

∂∂

ξ∂

∂−×= , (2)

wlib : corresponds à la teneur en eau libre de se mouvoir par unité de volume du matériau. Il s’agit dans ce cas de l’eau présente dans les capillaires sous ses deux formes liquide et gazeuse et de l’eau adsorbée sur la surface de ces pores. D : représente le coefficient de diffusion équivalent de l’eau qui dépend directement de la teneur en eau libre [m2·s−1]. Il prend en compte les mouvements de l’eau à la fois sous sa forme liquide et vapeur. Il est à noter que la plupart des paramètres qui affectent la microstructure (rapport E/C, type du ciment Ct, temps de cure...) ont un effet significatif sur ce coefficient. Ce coefficient est déterminé en se basant sur le rapport E/C et l’humidité relative interne à instant donné du matériau (modèle de Xi et al., 1994) . wpuits : Terme puits en eau qui traduit la quantité d’eau consommée dans l’hydratation. Ce terme regroupe à la fois la quantité d’eau liée chimiquement et celle adsorbée physiquement dans la porosité des hydrates. À partir de ces deux équations, nous sommes en mesure de remonter aux déformations et aux contraintes internes dans le matériau en nous basant sur l’évolution de la porosité microscopique (porosité inter-hydrates) et mésoscopique (porosité capillaire). Cette porosité, initialement remplie d’eau, laisse apparaître des vides remplis d’air et de vapeur au fur et à mesure que l’hydratation (�ghyd.) et la dessiccation (�gdess.) ont lieu (Figure 4). Nous pouvons alors écrire la porosité totale sous la forme suivante :

( )( ) ( )( ) ( )( ) ( )( )tttt gdessghydwlib ξϕξϕξϕξϕ ++= (3)

Figure 4. Représentation simplifiée de la pâte de ciment à un instant d’hydratation et de dessiccation donné. Cette porosité totale peut être reliée, à un instant donné d’hydratation et/ou dessiccation, au rayon de pore rempli d’eau rp par un modèle d’évolution décrit par l’équation 4 :

( )( ) ( ) ( ) ( ) ( )[ ]ξξξξϕ 210

0 log mrmfmt p +⋅⋅= (4)

Où m0 : représente la diminution de la porosité totale au fur et à mesure que l’hydratation a lieu. m1 : décrit le caractère multi-échelle de la porosité dans le sens de coexistence de plusieurs classes de pores dans la matrice. m2 : réfère au remplissage de la porosité par les hydrates et au cours du processus d’hydratation. Ceci revient à décrire la diminution du rayon des pores avec la formation de ces produits. f0 : fonction d’évolution de la porosité initiale. En nous basant par la suite sur le modèle de Laplace-Young pour la détermination des pressions capillaires générées dans ces pores, et en établissant l’équilibre des forces dans un volume élémentaire représentatif de la microstructure du matériau, nous pouvons écrire les contraintes effectives (dans le sens de la mécanique des milieux continus (Coussy, 1995)) appliquées au squelette solide (dPsol) selon l’équation 5 :

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( ) ( ) ( ) ( ) ( )��

��

�⋅⋅⋅=⋅=

ξσξξξξ

plvlcaplsol r

dSdPSdP1

2 , (5)

Pcap : la pression capillaire dans le pore. Sl : le degré de saturation total de la phase liquide. Il est égal au rapport du volume de l’eau percolé dans le réseau poreux sur le volume total des pores. �v,l : la tension superficielle de l’eau mise en jeu entre le liquide et la phase gazeuse. En tenant compte de la compressibilité du squelette solide Ks dans l’équation 5, nous obtenons au final l’évolution des déformations de retrait linéique en fonction du degré d’avancement :

( ) ( )( ) ( )�

��

�⋅⋅⋅⋅−=

ξσ

ξξξε

plv

s

l

rd

KS

d1

231

, (6)

Un exemple de résultat de simulation effectuée avec le code de calcul en éléments finis ’CAST3M’ sur un quart d’une section d’éprouvette 40x40x160mm est présenté dans les figures suivantes. La dessiccation est autorisée sur les faces supérieure et latérale droite de la section sous une température extérieure égale à 20 °C et une teneur en eau extérieure équivalente égale à 0 [l/m3] (correspond à une humidité relative ≈ 40%). Ces conditions sont montrées dans le schéma suivant :

Le modèle construit précédemment a été appliqué à un béton ordinaire de formulation ’classique’ (BO) et de rapport E/C = 0, 48 et à la pâte de ciment correspondante (CO) (rapport E/C = 0,348 adapté pour avoir des maniabilités équivalentes). Les compositions massiques par mètre cube de béton/pâte de ciment de ces matériaux ainsi que les principaux paramètres de simulations sont données dans le tableau 1.

Dosage Constituants Béton Pâte de ciment Gravillon calcaire du Boulonnais 12,5/20 777 Gravillon calcaire du Boulonnais 4/12,5 415 Sable du Boulonnais 0/5 372 Sable de seine 0/4 372 Ciment CEM I 52,5 N CE PM-ES-CP2 353 1501,7 Eau 172 523,2 Rapport E/C 0,487 0,348 Rapport E/Solide 0,075 0,348 Quantité de liant (E+C) 525 2025 Ea/R [K] 4000 4000 Température extérieure [°C] 20 20 facteur d’hygro-activation N 1 1 Tension superficielle �v,l [N.m-1] 0,073 0,073 Degré d’hydratation à l’infini αinf 0,92 0,76 Module d’élasticité à l’infini Einf [GPa] 48 20

Tableau 1. Composition massique par mètre cube de béton/pâte de ciment des matériaux de simulation.

160mm

20mm Directions principales de dessiccation - T=20°C et

W0 ext. eqv.=0 l/m3

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La figure 5 montre l’évolution des degrés d’avancement totaux des réactions d’hydratation du BO et CO au jeune âge (b) et à plus long terme (a) jusqu’à stabilisation. Arrivée à ce stade, la dessiccation est alors activée (à 210 j). En appliquant un grand coefficient de diffusion, nous arrivons à accélérer le processus de dessiccation ce qui nous permet d’obtenir plus rapidement les valeurs finales des entités cherchées tout en assurant un état D’uniformité dans la section étudiée. Nous avons tracé dans la figure 6 l’évolution de la teneur en eau libre au cours du temps (a) et la distribution des tailles de pores à maturation pour les deux matériaux en question.

Figure 5. Évolution du degré d’avancement global des réactions d’hydratation du BO et du CO au cours du temps. Les faibles cinétiques d’hydratation de la pâte de ciment relatives au moindre rapport E/C font qu’il y a plus d’eau qui s’évapore une fois le séchage activé. D’un autre coté, en regardant les distributions des tailles de pores qui relient la porosité totale � de la matrice cimentaire et aux rayons des pores rp (voir équation 4), nous remarquons que la porosité totale est plus faible et les pores plus fins dans la matrice cimentaire du béton que dans celle de la pâte de ciment. Ceci est dû aux réactions plus complètes de l’hydratation. En associant le degré de saturation total à la pression capillaire déterminée à partir du rayon des pores remplis d’eau à un instant donné, nous arrivons alors à la pression totale effective appliquée au solide Psol. La prise en compte du module de compressibilité nous permet au final d’avoir les évolutions du retrait endogène (�) et du retrait de dessiccation (�) représentées dans la figure 7. Le grand écart de déformation obtenu entre le BO et le CO au niveau de ces deux composantes n’est que la conséquence des différences discutées précédemment. Nous pouvons observer dans la figure 7-b l’effet du temps de prise sur le début des déformations étant donné qu’elles sont intiment liées au développement du squelette solide des matériaux.

(a (b

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Figure 6. Évolution de la teneur en eau libre au cours du temps et la distribution des tailles de pores dans la matrice cimentaire à maturation (t=210j) pour le BO et le CO. Figure 7. Évolutions des déformations de retrait endogène et de retrait de dessiccation au cours du temps pour le béton et la pâte de ciment. Il est à noter que le recours aux éléments finis pour la résolution de ce problème couplé n’est réellement avantageux qu’en cas de présence de gradients dans l’éprouvette. Ainsi, le comportement différentiel introduit par ces gradients (de dessiccation par exemple) créera des zones de concentration de déformations qui conduiront inévitablement à l’apparition de fissures si les contraintes induites sont supérieures à la résistance du matériau. D’autre part, l’analyse numérique construite nous procure une plus grande liberté dans le choix et l’application des conditions aux limites externes (de température, d’humidité relative, de blocages mécaniques…) ce qui peut être très utile lors de la conception et le dimensionnement des structures. 4. CONCLUSIONS Un outil expérimental mis au point au laboratoire mesure et interprète les mécanismes primaires générant la fissuration des mortiers industriels au jeune âge, et conduit à la mise en exergue des paramètres influents. Afin de pouvoir décomposer la réponse globale mesurée et l’associer aux

Activation de la dessiccation

(a) (b)

Activation de la dessiccation

(a) (b)

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processus internes mis en jeu, une analyse numérique basée sur la méthode des éléments finis a été réalisée. Ainsi, il est possible de prendre en compte les interactions entre les phénomènes physiques et chimiques et les gradients de séchage et d’hydratation sur l’évolution des propriétés mécaniques et physiques du matériau. Ce découplage de la réponse mesurée nous permettra en un temps futur de mieux affiner les formulations du matériau en testant numériquement l’influence de chaque paramètre sur le développement des déformations et des contraintes des retraits. La prédiction, de façon précise, du risque de fissuration passera dans un second temps par l’incorporant des modèles de comportement mécanique plus réalistes de types visco-élasto-fragile ou visco-élasto-endommageable. Le recours aux éléments finis nous a aussi permis de prendre en compte l’effet différentiel des gradients qui peuvent apparaître ou être appliqués à la structure testée. Ceci conduit alors à la localisation des contraintes générées par les retraits dans certaines zones qui sont susceptibles de fissurer à défaut de résistance suffisante du matériau. Un travail futur nous permettra d’étendre le modèle construit au cas du retrait empêché et en particulier à la géométrie annulaire du dispositif expérimental réalisé. 5. RÉFÉRENCES Altoubat S. A. et Lange D. A. (2001) Creep, shrinkage, an cracking of restrained concrete at early age.

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