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5 I NTRODUCTION GÉNÉRALE Pourquoi un ouvrage spécifiquement consacré à la comptabilité financière des groupes ? Le juriste pourrait objecter qu’un groupe n’est rien d’autre qu’une somme d’entreprises, le plus souvent des sociétés, et que dans un État de droit il suffit d’appliquer des règles bien codifiées (en France par le Code de commerce et son sous-ensemble le Code des sociétés) à chacune des composantes, ce principe général devant naturellement se transposer à leurs opérations finan- cières et à leur comptabilité. Cette réponse n’est pas fausse, pourtant la réalité est plus complexe. Pour simplifier en ayant recours à une image, on peut dire que si le Code civil français est fondé sur l’individu (la personne physique) il intègre aussi, et de plus en plus, le concept de famille. Ce parallélisme permet déjà de poser des questions essentielles : quelles sont les limites de la famille ? Où commence-t-elle ? Où finit-elle ? (le chapitre 3 traite cette question au niveau des groupes) ; par ailleurs l’existence d’une famille va générer des opérations spécifiques entre ses membres et de chacun d’entre eux avec l’extérieur (communication : 1 re partie, financement : 3 e partie, élargissement : 4 e partie). Un groupe est donc autre chose qu’une grande entreprise. Sans anticiper sur les développements de cet ouvrage retenons, à ce stade, qu’un groupe est un ensemble d’entreprises liées entre elles par des détentions de capital.

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

Pourquoi un ouvrage spécifiquement consacré à la comptabilité financièredes groupes ?

Le juriste pourrait objecter qu’un groupe n’est rien d’autre qu’une sommed’entreprises, le plus souvent des sociétés, et que dans un État de droit ilsuffit d’appliquer des règles bien codifiées (en France par le Code de commerceet son sous-ensemble le Code des sociétés) à chacune des composantes, ceprincipe général devant naturellement se transposer à leurs opérations finan-cières et à leur comptabilité. Cette réponse n’est pas fausse, pourtant la réalitéest plus complexe. Pour simplifier en ayant recours à une image, on peut direque si le Code civil français est fondé sur l’individu (la personne physique) ilintègre aussi, et de plus en plus, le concept de famille. Ce parallélisme permetdéjà de poser des questions essentielles : quelles sont les limites de lafamille ? Où commence-t-elle ? Où finit-elle ? (le chapitre 3 traite cette questionau niveau des groupes) ; par ailleurs l’existence d’une famille va générer desopérations spécifiques entre ses membres et de chacun d’entre eux avecl’extérieur (communication : 1re partie, financement : 3e partie, élargissement :4e partie). Un groupe est donc autre chose qu’une grande entreprise.

Sans anticiper sur les développements de cet ouvrage retenons, à ce stade,qu’un groupe est un ensemble d’entreprises liées entre elles par desdétentions de capital.

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La première caractéristique qui fonde l’intérêt d’un groupe est que, à l’instard’une famille, il peut « respirer » indépendamment de chacune de ses compo-santes. Nous entendons par là qu’il peut facilement s’adjoindre de nouvellesentités (les fusions acquisitions : 4e partie) ou en céder, ce qui est évidem-ment plus difficile pour une famille. En effet, pour procéder à l’acquisitiond’une société il suffit, dans un premier temps, d’acquérir la totalité de sestitres, opération juridiquement et financièrement simple. Il en est de mêmepour la cession. En utilisant habilement le droit des sociétés (celui despersonnes morales « individuelles ») le groupe peut ainsi mettre en œuvreune stratégie permettant un remodelage permanent de ses activités, cellequ’Henry Mintzberg baptise du nom de « stratégie du potier »1.

Le second avantage de la structure de groupe est que celle-ci permet à lafois de prendre en compte, d’utiliser et de dépasser les frontières natio-nales. En effet, pour s’implanter dans un pays en respectant, voire en utili-sant, le droit local il suffit d’y implanter une filiale intégralement détenuepar la société mère. Dès lors, les divergences des droits ne sont plus desobstacles mais parfois, au contraire, des opportunités (fiscales, juridiques,économiques).

Le troisième avantage est que le groupe constitue, par construction, un moded’organisation et de gestion qui permet à la fois une intégration mais aussiune décentralisation. Les directeurs généraux des filiales sont ainsi simul-tanément des cadres supérieurs aux ordres de leur actionnaire, la maisonmère, mais aussi des mandataires sociaux (juridiquement et financièrementresponsables) ; on passe ainsi d’une gestion par les moyens (humains,matériels) à une gestion par les résultats, exprimés en termes financiers.

Le développement des groupes a été accompagné par celui de la sphèrefinancière. L’emprise de celle-ci se manifeste à la fois au sein du groupe età l’égard de son actionnariat et plus généralement des investisseurs. Lesrelations internes font naître le besoin d’une langue commune : l’anglaisdes affaires ; mais aussi d’un métalangage économique commun : lereporting. Ce dernier doit permettre aux opérationnels de rendre des compteset aux décideurs ultimes de fonder leur jugement. Ce métalangage doit être

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C O M P T A B I L I T É F I N A N C I È R E D E S G R O U P E S

1. H. MINTZBERG, Le management voyage au centre des organisations, Les Éditions d’Organisation,1991, p. 47-72.

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partagé quelles que soient les activités (des filiales) et les localisations ; ildoit aussi être fondé davantage sur la logique de résultats que sur celle demoyens évoquée précédemment : celle de la finance.

Les indicateurs financiers (cash-flow, rentabilité...) prennent donc large-ment le pas sur les données quantitatives non financières (effectifs, produc-tion...). Encore faut-il les mesurer pour en rendre compte ou rendre descomptes. La comptabilité retrouve donc actuellement une légitimité qui luiavait été en partie contestée. Mais, ce faisant, elle change de nature.Certes, elle conserve sa fonction d’enregistrement des opérations quoti-diennes mais elle devient surtout un instrument de communication et doncde représentation du réel, au sens philosophique de ce terme. Elle ne doitplus se contenter de recenser ou de répertorier des flux monétaires ouphysiques mais se doit d’évaluer en permanence des performances finan-cières. De plus, l’internationalisation des groupes et des investisseursl’oblige à tenir compte de cette mondialisation. C’est dans ce contexte queprogressivement les normes comptables internationales dites IFRS(International financial reporting standards) sont élaborées par l’IASB(International Accounting Standards Board). Les solutions comptablesindiquées dans cet ouvrage seront conformes à ces normes et non à cellesdu Plan comptable général (PCG) français, les principales divergences étanttoutefois mentionnées. Les adeptes du Plan de comptes français serontpeut-être étonnés de ne pas trouver des indications de numéros de comptesprécis mais les normes IAS/IFRS laissent la liberté totale en ce domaine.Par ailleurs, les non-spécialistes y seront reconnaissants d’accéder à unecompréhension plus aisée de textes déjà assez difficiles à décrypter.

Face à la spécialisation croissante des acteurs, il ne s’agit pas d’un ouvragede référence pour le professionnel en quête d’une réponse précise au caspratique qui se pose à lui. En revanche, il s’agit d’initier non seulement aumétalangage que nous avons évoqué mais aussi à une véritable compré-hension des interactions entre les différents acteurs de la vie économique.À ce titre, nous visons les opérationnels (production, marketing...) et lesfinanciers, ce dernier terme étant entendu au sens large. En effet, la divisiondu travail entre les acteurs de la sphère finances est actuellement telle quelors d’une opération aussi complexe que la reprise d’une entreprise, juristes,fiscalistes, auditeurs, gérants de portefeuille, analystes financiers, et biend’autres encore, peinent souvent à se comprendre.

I N T R O D U C T I O N G É N É R A L E

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Ce livre est donc essentiellement destiné au public des grandes écoles decommerce, des universités, des écoles d’ingénieurs ou des instituts d’étudespolitiques que ce soit en formation initiale ou continue (MBA notamment).Sa structure obéit principalement à des préoccupations pédagogiques.

Supposant que le lecteur a déjà assimilé les rudiments de la techniquecomptable, la première partie, De la comptabilité à la communication finan-cière, lui permet de revoir rapidement la technique tout en la situant dansle contexte international et des groupes que nous avons évoqué plus haut.

La deuxième partie, Les états financiers des groupes, présente de façonpédagogique et illustrée par des exemples concrets, comment s’élaborentet donc se lisent, les comptes consolidés d’un groupe.

La troisième partie, Les opérations de haut de bilan, traite de façon trans-versale (économie, droit, comptabilité...) des principales opérations de finan-cement stable, les opérations de trésorerie courante ou à court terme enétant exclues.

La quatrième partie, Les fusions acquisitions, aborde les principales techniquesde la « respiration » des groupes évoquée plus haut.

Compte tenu notamment de la nécessaire transversalité (prise en comptedes dimensions managériales, juridiques, économiques, fiscales...) le champainsi couvert est vaste, trop pour pouvoir traiter chacun des sujets de façonexhaustive et aborder toutes les modalités possibles. Le parti pris initialétait de permettre au lecteur d’accéder à « l’intelligence » globale des sujetstraités pour qu’il puisse, au delà de leur apparente – et parfois rebutante –technicité, en comprendre la logique sous-jacente. Parodiant Boileau, nousconsidérons que « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et la techniquepour le faire arrive aisément ». Comme toutes les disciplines de gestion, lacomptabilité financière ne repose pas sur des mécanismes mais sur deslogiques profondes qu’il faut d’abord bien appréhender avant de décrypterou mettre en œuvre des montages ou autres opérations financières de plusen plus complexes.

Carole Bonnier et Claude SimonCoordinateurs de l’ouvrage

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