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Compte rendu 11 ème Congrès de l’AFSP bilan scientifique des sessions, usage des outils numériques Section Thématique Soirée au Pavillon Jospéhine Ouverture du Congrès Assemblée générale Conférence Plénière

Compte rendu 11ème Congrès de l’AFSP

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Page 1: Compte rendu 11ème Congrès de l’AFSP

Compte rendu 11ème Congrès

de l’AFSP

bilan scientifique des sessions, usage des outils numériques

Section ThématiqueSoirée au Pavillon Jospéhine

Ouverture du Congrès

Assemblée générale

Conférence Plénière

Page 2: Compte rendu 11ème Congrès de l’AFSP

Remise des prix AFSP/Dogan au Pavillon Joséphine

Conférence plénière au Parlement Européen

Déjeuner des congressistes

Espace Librairie

Dégustation et verre de l’amitié

Projection-débatau cinéma L’Odyssée

Page 3: Compte rendu 11ème Congrès de l’AFSP

Bilan du Congrès de Strasbourg...par Nonna Mayer, Présidente de l’AFSP

Quel bilan dresser de ce XIème Congrès, de ces trois jours de rencontres et de débats animés, facilités par l’organisation parfaite de Sciences Po Strasbourg et agrémentés par un soleil radieux malgré les prévisions pessimistes de la météo ? Nous attendons vos remarques, comme après chaque Congrès, pour éclairer les points forts et les points faibles. D’ores et déjà quelques enseignements se dégagent des premiers retours.

L’audience, presque comparable à celle du Congrès de Grenoble, qui marquait le 60ème anniversaire de notre Association, tout comme le poids important des juniors, doctorants, jeunes chercheurs et maîtres de conférence parmi les inscrits, indique la vitalité de notre discipline.

Les Sessions thématiques (ST) ont attiré du monde et globalement, la formule semble trouver sa place dans notre paysage académique. Une inquiétude cependant se fait jour, concernant leur nombre et leur spé-cialisation. Beaucoup ont le sentiment d’une fragmentation croissante de la discipline et souhaiteraient que le Congrès permette un dialogue élargi, dépassant les clivages liés aux sous disciplines ou aux écoles. Il va falloir imaginer une nouvelle formule, entre les nouvelles ST et les tables rondes d’antan, où l’on ait plus de temps pour confronter les points de vue.

Quant aux Modules professionnels et pédagogiques (MPP), ils ont été jugés excellents et très utiles, de l’avis général de celles et ceux qui les ont suivis, avec la seule frustration de ne pouvoir les suivre tous puisqu’ils étaient bloqués sur le même créneau horaire. On en retire l’impression d’une forte attente quant à un dé-bat au sein de la discipline sur l’enseignement de la science politique, comment et quoi enseigner ? Déjà, plusieurs volontaires se sont proposés pour y réfléchir. A cet égard, on pourrait s’inspirer de la conférence « Teaching and Learning » qui précède le congrès annuel de l’APSA, en février, dédiée à l’innovation dans les méthodes d’enseignement et les contenus de cours (http://www.apsanet.org/content_31632.cfm). Et plus que jamais le dialogue est nécessaire avec l’Association des Professeurs de Sciences Economiques et Sociales (APSES), pour chercher ensemble comment rendre attractive la science politique dès l’enseigne-ment secondaire (voir l’intervention au Congrès du représentant de l’APSES, Igor Martinache (http://www.congres-afsp.fr/evenements/texteapsescongres2011.pdf) et leur manuel de SES en ligne : http://sesame.apses.org/).

Une Charte d’éthique enfin a été adoptée et intégrée dans les statuts de l’AFSP, après un commencement de débat en Assemblée générale et un vote qui a révélé des inquiétudes à son sujet. Il faut absolument poursuivre ce débat, entamé il y a deux ans sur le site de l’AFSP, où un blog a été ouvert (http://forumethi-que-afsp.over-blog.fr/). Cette Charte, élaborée au sein d’un groupe de travail associant Loïc Blondiaux, Pierre Bréchon, Marie-Claire Lavabre, Yves Surel et moi-même, se contente de poser les grands principes (liberté, civilité, intégrité, impartialité, responsabilité) qui régissent les activités académiques. L’idée en est venue suite à un certain nombre de conflits dans notre discipline, et à une demande récurrente de la part de jeunes chercheur(e)s confronté(e)s à des affaires de plagiat, regrettant l’absence d’une instance de médiation. D’où la constitution, au prochain renouvellement du Conseil d’Administration de l’Association, en mai prochain, d’une Commission d’éthique consultative de l’AFSP.

Faites nous donc parvenir vos remarques, suggestions, critiques et encouragements, pour faire vivre l’AFSP et commencer à préparer le Congrès de 2013. Celui-ci aura lieu à Sciences Po Paris, selon le nouveau calendrier adopté (fin juin-début juillet) qui n’entre plus en conflit avec celui des autres organisations inter-nationales de la discipline (ECPR, APSA, IPSA… ).

Amicalement

Nonna MAYER

Vous trouverez successivement dans ce livret les bilans scientifiques des Sections Thématiqueset Modules Pédagogiques et Professionnels transmis par leurs organisateurs à l’AFSP au 13/12/11.

Page 4: Compte rendu 11ème Congrès de l’AFSP

ST2:Penserlechangementinternational

ResponsablesGuillaumeDevin(SciencesPoParis)

FranckPetiteville(SciencesPoGrenoble)

Autourdesanimateurs,lasectionthématique«Penserlechangementinternational»aréuni,aucoursdedeuxsessionsdetravail,dixparticipants1.Lesdifférentsexposésetlesrichesdébatsquilesontaccompagnésontpermisdesoulignerlecaractèreà la fois central et pluriel de l’objet « changement international» dans les études politiquesinternationales. Malgré la grande diversité des approches retenues, les participants de la sectionthématiquesesontaccordéspourdistinguertroisquestionsderecherchequiinfluentsensiblementsurcequ’ilconvientd’entendresouslevocable«changementinternational».Enpremierlieu, lechangementinternationalseprêteàdesniveauxd’analysedifférenciés.L’approche«micro» privilégie les processus incrémentaux et l’explication des changements «dans» certainesconfigurationsinternationalestellesquelesorganisationsinternationalesoulesrégimesinternationaux(M.LouisetL.Maertens,A.Guilbaud,J‐M.Chenou).Enrevanche, l’approche«macro»tentedesaisirles grands basculements de puissance ou de «forces profondes» (forces productives, migrations,démographie) qui redéfinissent les règles du jeu international (Ph.S. Golub, L. Jeanpierre). Entre cesdeuxpôles,certainsproposentuneinvestigation«meso»endéfinissantdesobjetsintermédiaires(unsecteur industriel, une politique étrangère, une configuration complexe de plusieurs organisationsinternationales)dont les tensionsprovoquent la redéfinitiondes institutions légitimeset l’émergencedenouvellespratiques (A. Smith,G.Bertrand, Y. Schemeil). Les niveauxd’analysepeuvent se croiserpourunmêmeobjet:selonl’approche,leschangementsconsidérésserontdenaturedifférente(pourla guerre, J‐V.Holeindre). Les trois niveaux d’analyse peuventmême cohabiter chez certains auteurscomme R. Aron qui mêle, dans sa conception du changement international, le cours général del’histoire, le poids des régimes politiques et l’influence des passions humaines (B. Brice). Il estnéanmoins apparu aux participants de la Section thématique qu’il convenait de distinguersoigneusement leniveaud’analyseprivilégiétantpour identifier lestypesdechangementsconsidérésquepourexaminerleurscomplémentaritésouleurscontradictions.Les modèles d’analyse du changement international ont constitué, en deuxième lieu, un aspectimportantdesdébats.Quelquesoitleniveaud’analyse,laconceptiondesdynamiquestransformatricestendàdifférencierlestravaux.Ilnes’agitplusicidesavoircequichange,maiscequifaitchanger:desprocessus de longue durée (Ph.S. Golub, L. Jeanpierre, Y. Schemeil, J‐V. Holeindre), des stratégiesd’acteurs (A. Smith, M. Louis et L. Maertens, A. Guilbaud, G. Bertrand, J‐M. Chenou), des effets decompétitionproduitspardes relationsd’interaction, (A.Smith,M.LouisetL.Maertens,Y.Schemeil),des effets d’agrégation engendrés par des relations d’interdépendance (M. Louis et L. Martens, A.Guilbaud,Y.Schemeil),deseffetsd’impositiongénéréspardessituationsdedomination(J‐M.Chenou,Ph.S. Golub, L. Jeanpierre), des effets de diffusion par des modes divers de communication (L.Jeanpierre,J‐M.Chenou).Pourautant,lalistedesdynamiquesduchangementnesemblepasextensibleà l’infini (B.Brice). Les travaux présentés ont bienmontré que les différences portaientmoins sur lenombredesdynamiquesàl’œuvrequesurl’accentportéàtelleoutelledynamique.Ilyalàunpointderecherche tout à fait fructueux et qui demande à être approfondi: quelle que soit la diversité desexemples,ilparaîtconvaincantdelasituerauseind’unrépertoirelimitédedynamiquesquinesontpasfondamentalementdifférentesdecellesobservéesparlasociologieàproposduchangementsocial.

1BenjaminBrice(EHSS,Paris),Jean‐VincentHoleindre(EHESS,Paris),PhilipS.G(AmericanuniversityofParis),AndySmith(SPIRIT‐SciencesPoBordeaux),YvesSchemeil(SciencesPoGrenoble),LaurentJean‐Pierre(UniversitéParis8),GillesBertrand(SciencesPoBordeaux),MariekeLouis(SciencesPoParis),LucileMaertens(SciencesPoParis),Jean‐MarieChenou(UniversitédeLausanne),AurianeGuilbaud(sciencesPoParis).

Page 5: Compte rendu 11ème Congrès de l’AFSP

La section thématique s’est interrogée, en troisième lieu, sur le sens que l’on pouvait donner à nosobservationsempiriquessur«le»changementinternationalousur«les»changementsinternationaux.Quelle(s) tendance(s) saisir, quelle(s) interprétation(s) privilégier? A bien des égards, la réponse asemblé étroitement dépendante des deux questions précédentes. Néanmoins, avec prudence ethésitation, quelques grands «paradigmes» ont émergé: modernisation (B.Brice), démocratisation(G.Bertrand), intégration (L. Jeanpierre), institutionnalisation (Y. Schemeil, A. Smith), notamment. Enretour,ceslecturesglobalespourraientpermettredecomprendredeschangementsetdesévolutionsquiparaissent,àpremièrevue,assezbrouillonnes(lestransformationsdelacoopérationinternationale,l’avènementd’un«messymultilateralism»,lesformesnouvellesdelaguerre).Surunobjetquelquepeudélaisséparlesthéoriesdesrelationsinternationalesouréduitàdesaspectstrop mécaniques, la Section thématique a tenu toutes ses promesses. Sans que les participants nes’engagentpour l’instantdans lapublicationcollectivede leursdélibérations, leurséchangesontparusuffisammentstimulantspourqu’ilsdécidentderesterenétroitcontactetqu’ilsprennentrendez‐vouspourreprendreleursdébatsàl’occasiond’uneprochaineréunionscientifique.

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ST3:Lasortiedesconflitsarméscontemporains:Quelrôlepourlesinstitutionsinternationales?

Responsables

BarbaraDelcourt(UniversitélibredeBruxelles)FrédéricRamel(UniversitéParisSud,

Institutderecherchestratégiquedel’Ecolemilitaire)

Penser le rôle des institutions internationales dans la sortie des conflits armés se heurte à troisobstacles. Le premier relève du paradoxe. Les Etats occidentaux déploient un débordementtechnologiquequin’aboutitpasàunevictoire stratégiquesusceptibledeseconvertirenvictoirepolitique.LesinstitutionsinternationalesimpliquéesenIrakouenAfghanistanàtitred’illustrationneparviennentpasàgarantirunesortiedurabledecesconflitsalorsqu’ellessont indispensablesdans la fabriquede la paix. Le secondobstacle correspond à un flouquant à l’objet «sortie desconflits armés». L’isolementde cettephasedans l’analysen’estpas choseaisée. Les institutionsinternationales tentent de la diluer dans le continuum relatif à la gestion des conflits armés. Laméthodeholistequientendappréhender l’ensembledesséquencestemporellesde lapréventiondes conflits à la consolidation de la paix ne facilite pas la tâche de l’observateur. Le troisièmeobstacle réside dans une production limitée de la littérature académique alors que nombred’expertslivrentrapportsetrecommandations,notammentauprèsdesNationsUnies.Malgré ces difficultés recensées au cours de la section thématique, trois séries d’idées ont étéformuléessurlabasedescinqétudesdecasprésentésenséance1.Expliquerlesfaiblessesdesinstitutionsinternationales.Deuxtypesdefacteursfragilisentl’actiondecesdernières:

‐ lecaractèrede laguerre(unepolymorphiequirenddifficile l’éradicationduconflitarmécommel’illustrelecasafghan),

‐ lefonctionnement internede l’organisation(laconcurrence institutionnelleoula logiqueintergouvernementalequifavoriselesoppositionsà l’actioncollective):casdelaRussieà l’OSCE,desEtatsmembresdel’UEàl’égarddelaBosnie.Aucontraire,unecohérenced’actionfacilitelesdécisions enmatière de sortie des conflits armés (par exemple la Commission européenne quigarde la haute main sur le processus décisionnel dans l’expérience des laboratoires de paix enColombie).Cesfaiblessespeuventalorsconduireàdesstratégiesdecontournementquivisentàgelerleconfitarméenquestion.Nuancer la portée du task‐sharing. Toutes les contributions insistèrent sur la coopération inter‐organisationnelle dans les terrains appréhendés. Toutefois, cet exercice imposé se heurte à descontraintes internes aux organisations (problème de consistance du task‐sharing «interne»). Deplus,untelexercicecomplexifieledéploiementvoire,exerceuneffetdeblocage.Identifierdesposturesderechercheenmatièredesortiedesconflitsarmés.Outrelanécessairedistanciationentrelesavantetlesintervenantsétudiés,unepisteasuscitéunediscussionentrelesmembresde laST.SelonChristopheWasinski, l’ensembledescontributionséquivautàunesorte

1Cescinqétudesfurentconsacréesà l’Otan, l’UEet l’OSCE.ChristopherGriffinaévoqué le rôlede l’OTANdans leconflitAfghan; Bastien Nivet s’est intéressé au rôle spécifique de l’Union européenne enmatièrede sortie de conflit ; NicolasLemay‐Héberta creusé laquestiondupositionnement sécuritaireoriginalde l’OSCEetDorlyCastanedaaabordé l’actioneuropéenneenColombie;RomualdCoussots’estconcentrésurl’UEenBosnie‐Herzégovine.

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d’instantané, ou un fragment, contemporain du champ transnational de la sécurité. Emprunté àBourdieu,ceconceptde«champsocial»estununiverssocial:

plusoumoinsbiendélimité;dotéderèglesdefonctionnementspécifiques;oùprévautunesériedeconvictionscommunes;dontlesacteurssontencompétition;quientretientderapportsavecd’autreschamps

Par ailleurs, comme cela a étémontré par plusieurs chercheurs, la notion de champne doit pasobligatoirement se restreindre à l’espace national. Il existe des champs transnationaux dans ledomainedelafinance,dudroit,despolicesoumêmedelasécuritéeuropéenne.Cettedimensiontransnationale est bien présente dans les travaux exposés. Les intervenants ontmontré que lesquestionsdesécuriténeconcernaientpasuniquementlesEtatsmaiségalementdesorganisationsinternationalesetdespopulationslocalesquiinteragissentpardelàlesfrontières.CepointestparexemplebienillustréparDorlyCastanedaàproposdelaplacedelasociétécivilecolombienneetparBastienNivetsurlaquestiondesrapportsentrelesorganisationsinternationales.Plusintéressant,cechampapparaîtàpartirdumomentoùilexisteununiverssocialplusoumoinsbien délimité, doté de règles spécifiques et où prévaut une conviction commune. Ce point estprésent en filigrane dans presque toutes les contributions mais on le retrouve de façon plussaillantedanslescontributionsdeNicolasLemay‐Hébert,deBastienNivetetdeChristoperGriffin.Nicolas Lemay‐Hebertmet en évidence le fait que l’évolution de l’OSCE en tant qu’institution sedéveloppeautourd’uneconceptionparticulièrede la sécurité,unevisionélargie,peumilitarisée,humaine. Bastien Nivet, de son côté, revient régulièrement sur les outils de gestion de conflit,l’existencedel’UEentantque«laboratoireconceptuel»etsurdesconceptstelque«l’approcheglobale»delasécurité.ChristopherGriffin,lui,faitréférenceausavoirstratégiqueliéàladéfinitionde la victoire. Si l’on envisage les choses sous l’angle du champ, il conviendrait cependantd’approfondir cette dimension dans ces contributions. Si les chercheurs sont d’accord deconsidérerquelesavoirestessentiel,ilseraitintéressantd’exposeravecplusdeforcecommentlessavoirsspécifiquesà leursanalysesseconstruisent.Defaçonpragmatique, il faudraits’interrogersur les réseaux d’entrepreneurs politiques et les communautés épistémiques qui peuvent êtreidentifiésdans la constructionde ces savoirs.On trouverad’intéressantes applications, je pense,chezRichardPrice,KeithKrauseetEmmanuelAdleràproposdelapolitisationdesproblématiquesdel’armscontrol,delasécuritéhumaine,desminesantipersonnelouencoredesarmeslégèresetdepetitscalibresauniveautransnational.J’enarrivemaintenantàlaquestiondesacteursmisencompétition.Enfait,lesacteursauseinduchampsontprisdansdesrapportsdecoopérationetdeconflit.Ils’agitd’unpointquiaégalementétébiensoulignéparBastienNivetquantàlaplacedel’Unioneuropéenneparrapportàd’autresinstitutions internationale. Il existe des luttes pour s’imposer dans un champ donné. Lacontribution de Bastien Nivet pourrait cependant pousser plus loin l’interrogation demanière às’interrogersur les liensentrecesprocessusdecompétition/coopérationet laconstructiond’uneculturestratégiqueetdesécuritéauseindesinstitutions.Cepointsetrouveensuiteévoquédansletexte de Christopher Griffin lorsqu’il évoque les attitudes nationales différentes au sujet desopérationsenAfghanistan.CetélémentestaussitrèsbiendécritdansletextedeDorlyCastaneda.Ellemontrecommentlesrapportsentrelegouvernementcolombienetlesprojetseuropéenssontfluctuantsetvontdel’allianceàl’instrumentalisationenpassantparuncertainrejet.

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ST4:Métier:pacificateur.Professionnelsinternationauxdelapaixetsortiesdeconflitsdepuisl’entre‐deux‐guerres

Responsables

DavidAmbrosetti(ISP,CNRS/UniversitédeParisOuest)SandrineLefranc(ISP,CNRS/UniversitédeParisOuest)

GuillaumeMouralis(ISP,CNRS/UniversitédeParisOuest)

Cette section thématique posait la question des sorties de conflits à partir de l’analyse desprofessionnels internationaux (militaires, diplomates, juristes, psychologues…) qui ont fait de lapacification un champ de connaissances, d’expertise et d’intervention. Les communications retenuesportaientsurdesacteurspromouvantdevéritablesingénieriesinternationalesdelapaix,c’est‐à‐diredesavoirs et de techniques formalisés, conçus commedesmodèles partiellement standardisés visant lapacificationdessociétésnationales"déchirées"parunconflitpolitiqueviolent.Troisquestionsnoussemblentsedégagerdel’ensembledescontributionsàlasectionthématique.

1) Quisontlesprofessionnelsinternationauxdelapaix?

Les textes et les communications ont d’abord permis d’aborder concrètement les univers desprofessionnelsdelapacification.Onvoitapparaîtreplusieurscaractéristiquespropresàcesunivers:onnoted’abordlemaniementd’unlangage faitdecatégoriesutiliséesetde labels revendiquéspar lesacteurs (réparationen faveurdesvictimes, justice transitionnelle, coopération civilo‐militaire, conflict resolution, et, plus incidemmentdans les communications, DDR…). Ces catégories et labels indigènes sont autant d’indices departicipation aux activités pacificatrices. Mais cela ne suffit pas car les acteurs locaux peuvent êtretentésde reformuler ces labelsdansdes termesplus traditionnels («réparation» interprétée comme«développement»auMaroc).Ensuite,lesacteurspartagentdespropriétésplusoumoinscommunes,dontilconviendraitd’affinerladescription: ilssontplusoumoinsmulti‐positionnésdansdessecteursd’activitédifférents,nationauxet internationaux; ils sont plus ou moins dotés d’un capital social (fongible), ce qui renvoie à laconstitutionde réseauxd’interconnaissance aux contoursdivers et à l’aptitudedes acteurs à circulerd’un secteur à l’autre dans l’espace et dans le temps (simultanément mais aussi au cours de leurcarrière).L’espace d’activité étudié renvoie enfin à des pratiques, à des dispositifs institutionnels, et auxdifférentes formes de leur circulation. A cet égard, les communications permettent de distinguerdifférentesconfigurations,oùs’articulentdiversementlesniveauxnationaletinternational:‐élaborationpardesacteursacadémiquesetdiplomatiquesdedispositifsexportablesderésolutiondeconflits et conditions sociales de cette élaboration (Tenenbaum : compétition dans le champacadémique,relationsaveclemilieudiplomatiqueetdécisionnel…),‐ enjeudepositionnementdans lechamp internationalisédesdéfenseursdesdroitsde l'homme,auxsièges(Dezalay),‐investissementmilitantlocal/nationalenfaveurdedispositifsinternationalisés,etseseffetssociauxetpolitiquesengénéraletsurlestrajectoiresdesacteurslocauxconcernésenparticulier(Jouhanneau,Lecombe,Vairel),‐ajustementsdedispositifsinstitutionnelsnationauxàdespratiquesinternationales,etleurseffetssurlestrajectoires(Daho,Jouhanneau,Lecombe,Vairel).

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Autresclivagesplusgénérauxquitraversentlestextes:‐acteurslocauxounationaux,expatriésouinternationaux;‐siège/terrain:acteurslocauximpliquésdanslesactivitésdeterraind'organisationsinternationalesoud'organisations locales internationalisées (Jouhanneau, Lecombe, Vairel), ou acteurs fondateurs oucadresdirigeantsd'organisationsinternationalesauxsiègesdeleursorganisations(Dezalay,Lecombe),ou enfin acteurs nationaux étudiés en cours d'ajustement à des modèles institutionnels élaborésailleurs,facilitantleur"entrée"futuredansdesterrainsd'opérations(Daho).

2) Dansquellemesureleuractivitéest‐elle«professionnelle»?‐Ladiscussionaensuitepermisdedégagerdesquestionsplusgénéralescommecelle,centrale,de laprofessionnalisation. Se définit‐elle par l’engagement (Howard Becker) ou plutôt par la constructiond’unethospartagé(MaxWeber)–questionposéeparN.Duclos?Lesdeuxdimensionsapparaissentenfiligranedansunepartiedescommunications,comptetenudel’originemilitantedebiendescarrièreset de l’effort déployé pour gommer cette origine. Ainsi les professionnels étudiés privilégientfréquemment des «formes dépolitisées d'accès au politique» (Vairel), évitant les registres de ladénonciation (Dezalay) et des luttes sociales, valorisant la recherche du «consensus». Cetteprofessionnalisationprendeneffetsouventlaformedeprestationsdeservicesetdelapromotionde«bonnespratiques»enlieuetplacedelogiquesmilitantesplustraditionnelles.‐Elles’opèreviadesprocessusdespécialisationdansdesdomainesapparaissantcommedes«niches»(Daho,Dezalay)carsesituantàlamargededomainesd’activitésétablis(danslechampdeladéfensedes droits de l’homme notamment), mais cette spécialisation, pour être reconnue comme légitime,requiertégalementunereconnaissanceacadémique(Tenenbaum).‐Lerapportentreprofessionnalisationetinternationalisationdesactivitésdepacificationapparaîtenfincomplexe:lesnormesetoutilsinternationaux(parexempleledroitinternational)apparaissantautantcommedesressourcesquedescontraintespourlesacteursdelapacificationauxniveaulocalcommeinternational (Jouhanneau, Vairel), l’internationalisation des pratiques peut très bien passer par unevalorisationdedispositifsnationauxhérités.‐Que fait cette professionnalisation non seulement aux groupes sociaux impliqués dans celle‐cimaisaussi, plus largement, aux sociétés sur lesquelles ils entendent agir? La question ne doit pas êtreconfondue avec celle de l’évaluation: on note simplement que les politiques promues et mises enœuvrespar lesprofessionnels internationauxde lapaixontdes implicationstrèsconcrètesentermesdedistributionetallocationderessourcesdiverses(notammentfinancières)àdesgroupesetacteurslocaux,produisantoureproduisantdesinégalitéssocialestoutenprétendantfairelecontraire.Celaesttrèsnetdanslecasdespolitiquesderéparation(Jouhanneau,Vairel).

3) Quelleméthodologiepourappréhenderlestrajectoiresprofessionnelles?Lasectionthématiqueaenfinétél’occasiond’aborderplusieursquestionsd’ordreméthodologique:‐ Commentpasser deportraits (fréquents dans les textes) à la basededonnéesprosopographique ?Commentnotammentdélimiterunepopulationpertinenteetsurquelscritères?‐ Quelles sont les sources permettant de reconstituer carrières et trajectoires des pacificateurs? Lerecoursà l’entretiencommesourceprincipaleposedenombreuxproblèmes,comptetenudes limitesdecetypedesourcesoulignéesparcertains(Vairel),maisausside la tendancedesacteurs lesmieuxdotésenressourcesscolairesàprésenterleuritinérairecommeleproduitdelibreschoixvoiredecalculsstratégiques(Dezalay).Ilpourraitêtreutilederéfléchircollectivementauxsourcesbiographiquesdisponibles,etàl’intérêtdecroiser des données d’origines différentes (archives d’organisations comme celles consultées par C.Jouhanneau,entretiens,noticesbiographiquesdansdesannuaires,etc.).

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ST7:Lapacificationpolitique:questionnementshistoriquesetanalysessymboliques

ResponsablesOlivierIhl(SciencesPoGrenoble)

ThomasLindemann(Universitéd'Artois/CERAPS)

Notre projet sur les «dimensions historiques» et symboliques de la pacification reposait sur deuxpostulats.

Selon lepremier, lapacificationseprésentepluscomme le fruitd’unprocessushistoriquesupposantdesmécanismesde«routinisation»etuncontrôleprogressifdupsychismequed’uncalculdesacteursréalisantquelaviolencenepaieplus.Cescepticismeenverslesthéoriesduchoixrationnelseconfirmedansnos contributions empiriques.Nous avons choisi d’ignorer les cloisonnements entre les sphèresinterne et internationale, ce qui nous a permis de nombreux rapprochements entre la sociologiepolitiqueetles«internationalistes».

Lesmécanismesdepacificationsedéclenchentsouventautermed’unapprentissagedesrèglesdujeuquiimpliquentl’adhésiondesacteursàunensemblecodifiédenormes.Cetteopérationestloind’êtremécanique mais suppose une certaine institutionnalisation de l’arbitrage des conflits. Plusspécifiquement,nousavonsconstatélerôledesinstancesjuridiquesdansceprocessusdepacification.Typiquement, la «judiciarisation» des conflits implique l’adhésion à une «dépersonnalisation» desconflits. Les contributions – notamment celles sur la pacification au Chili – démontrent à quel pointl’institutionnalisationdes règles formellesest crucialedans la régulationdes conflits. Aupréalable, ilexiste l’établissementd’une institutiondont lesdirigeants se légitimenten fonctiondes logiquesnonpartisanes en gommant volontairement les affiliations partisanes et en se présentant comme«technocrates». Tout se passe comme si les conflits doivent d’abord être émotionnellementdésinvestis.JaraRenéReyesdémontredanssacontribution«Pacifierlevote,pacifierlecontentieux:EtudedesformesdecontentieuxélectorauxdansleChilipost‐transitionnel»,ledispositifmisenplacepourcristalliserlescontestationsdansleprocessusélectoral.IlexaminelesdénonciationsdéposéesauTribunalCalificadordeElecciones(TCE)quirecouvrent lesprincipauxenjeuxducontentieuxélectoral.LeTCEse légitimepar lanormed’impartialitéà l’égarddetoutecouleurpolitiqueen insistantsursonindépendance dans ses jugements. L’objectif est de faire des contestations électorales des affairesd’ordre juridique.Uneanalogieavec les travaux menésen relations internationalesseraitpertinente.De nombreuses études comme celles d’inspiration constructiviste démontrent que les institutionsinternationalesfontplusquederefléterlesintérêtsdesEtats.Ellesontaussiuneffet«socialisateur»:lesacteursétatiquesprennentl’habitudedenégocier.Lesrèglesinstitutionnaliséesamènentlesacteursà désinvestir leur économie «pulsionnelle». On retrouve ici les thèses de Norbert Elias sur latransformationde l’économiepsychiquegrâceaux institutions.Cette institutionnalisationdesconflitspolitiquespeutaussiêtremoinsapparente.Uneperspectivecomparableestdéveloppéedansl’étuded’AntoineFauresur letraitementmédiatiquechiliende lagrèved'octobre1972.Cettecommunicationanalyseles«routines»médiatiquesde«visibilisation»(ou«d'invisibilisation»)duconflitpolitique.Elledémontrequelespratiquesdeproductiondel'informationneconnaissentpasderupturesignificativelorsdecettecrise.Ritualiséeetlégitiméesocialement,lespratiquesdudiscoursmédiatiqueprésententles informations de manière séquencée, récurrente et naturalisée. Cette stabilité des «pratiquesjournalistiques»limiteselonFaurelesaffrontementstraversantl'espacesocial.

Stéphanie Guyon estime, elle aussi, que la pacification repose sur un apprentissage des routines derégulation pacifique mais elle affirme que le temps d’une crise peut être suffisant pour acquérir lapolitisationallantdepairavecunedépersonnalisationdesconflits.Danssonétudesurunconflitdans

Page 11: Compte rendu 11ème Congrès de l’AFSP

une communauté villageoise en Guyenne de 2007/2008, elle affirme que cette crise a fourni auxvillageoisl’occasiond’intérioriserunmodèlepolitiquedélibératif,pluralisteetpacifique,danslequellesoptionsviolentesdeviennentfortementillégitimes.

Certains répertoires d’actions pacifiques s’enracinent dans la durée. Une condition historique depacificationconstituelavalorisationdel’intelligenceaudétrimentdelaforcebrute,dontnouspouvonsremonterlestracesjusqu’aumythed’Ulysse,privilégiantla«ruse»àl’usagedelaforceaveugle.Jean‐VincentHoleindreconsidèrequelaruseaétépenséeetmobiliséepourlimiter,voirepouréviterl’usagede la violence. C’estmême le cas dans la guerre: ainsi, pour le stratège chinois Sun Tzu, la ruse deguerre permet de vaincre sans «ensanglanter la lame», le summum de l’art de la guerre étant deremporterl’affrontementsansmêmeavoiràcombattre.

Notre deuxièmepostulat partait de la prémisse que le processus de pacification va de pair avec unetransformation symbolique. Plus spécifiquement, plus la violence armée est stigmatisée etnégativementconnotéeetplusilestdifficiled’envisagersonemploi.StéphanieGuyonseposedanssonétudesurlapacificationduvillageamérindiendeWanalaquestiondesavoirpourquoileconflitdejuin2007 à juin 2008 n’a pas débouché sur un affrontement armé. En dehors des mécanismesd’apprentissagedéjàcités,ellemetenavantl’actiondesentrepreneurs«moraux».Uncertainnombred’acteurs à l’intérieur et à l’extérieur du village se livrent en effet à une véritable entreprise demoralisationetdestigmatisationdelaviolence.Cesacteurs,quiprônentl’abstentiondelaviolenceetlerèglementduconflitpardesvoiespacifiques,onttousencommund’occuperdespositionssocialesprestigieuses et d’appartenir à des groupes sociaux «dominants». Une comparaison avec lesentrepreneursde lamoraleen«relations internationales»pourraitêtrestimulante.Danscedomaine,certainsacteursnon‐étatiques,commelesONG,parviennentparfois,grâceà leursressourcesmoralesetau«blamingandshaming»,à s’imposer faceàdesacteursétatiquespuissants.LacontributiondePhilippeRyfmanest très révélatriceàcetégard. Ildémontrecommentcertains typesd’armesontpuêtre stigmatisés grâce à l’action des ONG. Philippe Ryfman révèle par exemple comment HandicapInternationalestparvenuprogressivementàcréerunfrontcommunavecplusieursEtatsdits«pilotes»,leCanadaentête.Cepayspritalorsl’initiatived’unprocessusdestinéàaboutiràlamiseaupointetàlasignaturerapided’untraitéd’interdictioncomplètedesminesanti‐personnelles(1996).

Un autre aspect symbolique de la pacification consiste en l’existence ou l’absence de mémoiresvictimaires et traumatisantes. Ces mémoires sont souvent entretenues par une élite politique. Lacontribution de Gilles Bertrand montre que Rauf Denktash, officiellement n°2 du mouvementnationalisteturcchypriotedepuislesannées1950,adominélaviepolitiquede1975grâceàl’impositiond’unehistoireofficiellestrictementvictimaire.LerégimeDenktash imposaunevéritable loidusilencesurlescrimescommisparles«héros»miliciensnationalistes.GillesBertrandaffirmeaussiquel’actionde médiation de l’ONU permet aux dirigeants nationalistes de se construire une légitimitécharismatique. Le SecrétaireGénérale desNationsUnies légitime, par son action et sa présence, desdiscussionssouventstérileset renforce lapopularitédesdécideurspolitiquesqui se rendentdans lespalaisonusiensdeNewYorkoudeGenève.Faceauxintérêtsdel’élitepolitique,ElaAtakan(Universitéde Galatasaray) estime dans sa contribution sur«Les think tanks et la pacification politique : leprocessusdedémocratisationenTurquie»quelesacteursnon‐étatiquessontsusceptiblesde«briser»des tabous et depromouvoir des normespacifiques s’ils possèdent lesmoyensd’action susceptiblesd’atteindredesréseauxmultiples.

Un aspect crucial du processus symbolique est la question de la préservation de l’estime de soi – laquestion de la reconnaissance réciproque. Justin Cook estime, dans son étude sur le conflit entre laMoldavie et la Transnistrie, que la reconnaissance symbolique peut être un outil de paix dans unesituation de crise. Elle se définit comme le désir d'un acteur de valoriser son image ou son identitéauprès d’un autre acteur. La politique moldave en matière de résolution de 1994‐1997 a consisté àtransformerlesrapportsetlesperceptionsdesdirigeantspolitiquestransnistriensparlareconnaissancesymbolique. En outre, en 1994, le président Snegur renverse une loi exigeant de la part desfonctionnaires qu’ils réussissent une épreuve de langue en moldave, et dissout le département des

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langues. L’étude de Solène Soo sur «L’accord indo sri lankais (1987‐1990) : un élément clef pour leprocessus de pacification au Sri Lanka ?» révèle que c’est la question symbolique de la«reconnaissance» – comme volonté de projeter une image virile de soi – qui peut constituer unobstacle puissant pour le processus de pacification. Selon Soo, l’accord était en soi acceptablemaisc’est la «négation» symboliquedes acteurs sri‐lankais, exclusduprocessusdenégociation,qui a étédécisif. Si Jayewardene n’a pas réellement pu s’adapter aux exigences de l‟Accord, en raison de sadésapprobationsilencieuceenverslapolitiqued‟ingérenceindienne,ledirigeantduLTTE,Prabhakaranne pouvait pas accepter qu‟un tel accord puisse avoir été décidé sans se référer à lui. Il a perçu lasignaturedel‟accordindo‐sri‐lankaiscommeunehumiliation.

Enfin,unepacificationdurablesupposeque leprocessusdereconnaissancemutuelle estapprofondi.LacontributiondeLouisdeNouailleDegorcerévèleque leprocessusdepacification impliqueaussi laconstructiondesidentitéspartagées.L’inclusiondes«Irlandais»catholiquesdanslaforcedepolicedel’IrlandeduNordn’estpassuffisantepourentamer leprocessusderéconciliation.L’accorddeBelfastrepose sur l'idée que, dans un pays, tel que l'Irlande du Nord, où les divisions communautairesconstituent une summadivisio, reconnaître cesdifférences et leuroctroyer un statutpolitique àpartentièreconstituelemoyenleplussûrdegarantirleurexistencepacifique.

La«paritéd'estime»,reconnueparlesaccords,légitimel'institutionnalisationdeleurdifférencesurleplan politique. Toutefois, cette solution identitaire comporte la communautarisation des conflitspolitiques. Même si la violence est désormais délégitimée, les deux communautés ne sont pasréconciliées et la suspicion reste forte. Ces dernières années, les drapeaux – celui de l'Ulster ou duRoyaumepourlesloyalistes,celuidel'Irlandepourlesnationalistes–,insignes,hymnesetlanguessontréaffirmésetserventàmarquerladistinctionentresongroupeet«l'autre»communauté.

Ensomme,lesétudesouvrentdespistesnombreuses.Unpremierdéfiseraitla«standardisation»desvariables explicatives comme les «routines institutionnelles», «les entrepreneurs de lamorale», «lastigmatisation de la violence» ou encore la «reconnaissance mutuelle» afin de comparer dans unelogique cumulative des études de cas encore trop isolées et pas suffisamment généralisables. Undeuxième défi serait le décloisonnement des concepts «internationalistes» et ceux de la sociologiehistorique.Cettesectionthématiqueconstitueunpremierpetitpasdanscettedirection.

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ST8:Représentationsetlabellisationsdela«guerre»:pourunesociologieinterprétativistedessystèmesdeclassificationde

laconflictualitéinternationale

ResponsablesThomasLindemann(Universitéd'Artois/CERAPS)

ChristianOlsson(UniversitéLille2/Centred’étudessurlesconflits)Cettesectionthématiqueavaitpourfonctiondes’interrogersurlacatégorisationdesconflitsarmésàlafois dansuneperspectivediachroniqueet synchronique. La variétédes étudesde cas et des terrainsrend les conclusionsbien sûrquelquepeuprovisoires,maisnouspouvons rendrecomptedesdébatsainsiquedesidéesquisemblentavoirfaitconsensus.Touteslescontributionss’accordentsurlefaitquela guerre ne peut pas être dissociée de sa matrice normative. Elle est simultanément une réalitématérielleetuneréalitééthiqueouplusgénéralementsymbolique,laquestioncentraleétantcommentcesdeuxréalitéss’articulentets’agencentcommeJulieSaadaetChristianNadeau l’ontsouligné.Lesenjeuxnormatifssontmultiplesetpeuventêtrerépartisendeuxcatégories.Premièrement, lapossibilitémêmed’un recours à la forcearméedépenddematricesnormatives. Enprincipe, il existe deux registres susceptibles de légitimer le recours à la violence organisée par lesreprésentantsd’Etat.Lepremiermetl’accentsur«l’utilité»delaviolence;ledeuxièmemetenavantlesqualitésmoralesoulanécessitédel’engagement«militaire».Lerépertoire«techniciste»suggèrequelaguerreestunmoyen«normal»etefficacepourréaliserdesobjectifspolitiques.CeparadigmedelarationalitéinstrumentaleremonteàbienplusloinquelesécritsdeClausewitz.L’idéedelaguerre«rationnelle» est historiquement liée à l’époque de la Renaissance et accompagne l’étatisation dusystème international. La contribution de Christophe Wasinski démontre que cette perspective«techniciste», caractérisée par la conviction selon laquelle l’emploi de la violence afin de détruirephysiquement l’ennemi est rationnel, repose en partie sur la transition d’une «culture orale» à une«systématisation»de lapenséemilitaire auXV siècle avec lamise aupointdesnouvelles techniquesd'impression. Ces nouveaux dispositifs confèrent aux doctrines militaires une légitimité particulière,«celle capable, d’un point de vue générique, de dire des vérités». S’intéressant à l’époquecontemporaine,CyrilManon‐Pujorévèlelesstratégiesderequalificationdu«mercenariat».Eneffet,lesprofessionnels des «sociétés militaires et de sécurité privées» se présentent, conformément auxréférentiels néo‐libéraux, comme «managers» de la sécurité et des «Professional Military AdviserServices». Cette dé‐stigmatisation de ce qui au début des années 1990 était encore qualifié de«mercenariat» va de pair avec une euphémisation de leur violence désormais décrite en termes de«gestionderisques»,demenacesetdecrises.Dansunregistreplus«émotionnel»et«esthétique»,la«guerre a aussi été légitimée comme une activité «héroïque» ou le «le père de toute chose»(Héraclite). L’exploration de l’iconographie de la guerre au XIXème siècle au château de Versaillesreflèteenpartiecetétatdefait.Commel’amontréSylvainAntichan,l’ambitiondecesartistesestdefairedelapeintureunereprésentationduréelpermettantdefaire«revivre»subjectivementlabataille.Cefaisant,letableaupeutêtreinterprétécommeunrécitdonnantcorpsàunecertainereprésentationducombatarmélégitime.LestableauxdudébutduXIXesiècleenfontainsiuneactivitémenéeparun«chef»héroïquequijetteunregardsurplombantsurlechampdebataille.LestableauxdelafinduXIXesiècletémoignentaucontraired’unedé‐légitimationdecetteformedeguerre:lestableauxdépeignentdésormais souvent des cérémonies plutôt que des combats sanglants et, lorsque ces derniers sontévoqués,ilsdépeignentgénéralementl’horreurdelaguerrepourlespopulationscivilesoulesoldatdurang.Deuxièmement, la réalité matérielle du conflit armé est contrainte par les interdits qui entourent lanotiondeguerre,donnantainsilieuàdespratiquesderequalificationquilaissent,parfois,lespratiquescoercitives inchangées.Anne leHuérou insisteainsisur lefaitque la labellisationet laqualificationduconflit russo‐tchétchène depuis 1994 comme «Opération antiterroriste» permet demettre «hors la

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loi» des combattants tchétchènes et de légitimer des «opérations musclées» auprès de lacommunautéinternationale.JohannaGonzalesexaminedelamêmemanièrelesobjectifspolitiquesquisous‐tendent les enjeux définitionnels des descriptions multiples de la confrontation armée enColombie:guerrecivile,guerredeguérilla,luttecontrelesinsurgés,luttecontreleterrorisme,troubles.Cependant, comme l’a suggéré IlincaMathieu, ces pratiques de qualification et de requalification nesont pas uniquement liées à des stratégies discursives d’euphémisation. Elles peuvent parfoiségalement être imputées à la dissonance cognitive qu’éprouvent les chefs politiques et militaireslorsqu’ils tentent de lire une réalité internationale changeante au travers de catégories forgées àd’autres époques. En s’inspirant des théories de la reconnaissance,OkanGermiyanoglu a quant à luimontré que les acteurs français de la lutte antiterroriste abordent leurs missions au travers de«structures intersubjectives» qui ne sont ni purement instrumentales, ni liées à une quelconquedissonance cognitive. Elles sont davantage liées à une logique fondée sur l’estime de soi. Tout enconstruisant des discours sur le terrorisme qui se veulent rationnels, ces acteurs mobilisent dessystèmesdecroyanceetun«codeopérationnel»quiassimilentleterrorismeàlacriminalitéetlaluttecontre le terrorisme à la défense du droit. Ce faisant, le prestige associé à leur pratique est accru, ycomprisetsurtout«àleurspropresyeux».Certainsintervenantsontmontréquelesqualificationsduconflitarmé,siellesprocèdentsouventd’unestratégie discursive, n’en produisent pas moins des effets matériels sur les pratiques de violence.Gabriel Périès s’interroge ainsi sur la «guerre hors‐la‐loi», la guerre irrégulière justifiée par descirconstances exceptionnelles, y compris en interne. Ces cadrages linguistiques légitiment la violenced’Etat tout enplaçant ce dernier endehors de sa propre loi oude la légalité internationale.GrégoryDahoaquantà luimontrécomment lediscourssur le«désordre international»reconfigure lechampdesprofessionnelsde la sécuritéetdéstabilise ladistinctionentresécurité intérieureetextérieure, lafrontière entre les deux devenant malléable et poreuse. Comme le démontre Marine Guillaume, àtravers sonétude sur lesmobilisationsd’ONGautourde l’armeauphosphore,lapossibilitémêmedel’usage des armes est tributaire de stratégies de labellisation stigmatisant ou dé‐stigmatisant leuremploi.Malheureusement, aucune contribution ne s’est interrogée sur les normes qui sous‐tendent lessystèmesdeclassificationutiliséspar lesgrandsorganismesuniversitairescommeleCorrelatesofWarStudies de Michigan University ou le système du SIPRI (Stockholm International Peace ResearchInstitute)La discussion autour de ces communications a été animée et Julie Saada et Christian Nadau se sontnotammentposéslaquestionsilasciencepolitiquenetendpasàréduirel’influencedesnormesàdesusages «stratégiques» d’une élite dominante, cela par opposition aux philosophes qui insistentdavantage sur la dimension «constitutive» des normes. Il est vrai que presque toutes lescommunications ont supposé implicitement que les «dominés» sont facilement manipulables et les«dominants» conscients de leurs «intérêts». Les dynamiques psycho‐sociales qui sous‐tendent lesdisqualificationsdelaviolenceguerrière–notammentledésirdesacteursdeconserverleurestimedesoi – n’ont été que très peu effleurées, probablement parce qu’elles sont encore peu légitimes ensciencepolitique.Ensomme,despistestrèsstimulantesontétéexploréesetdoiventêtreapprofondiesparunelogiquecumulativeetdescadragesconceptuelsplusfermes.Ilestégalementànoterquelesdeuxsessionssurnotre thème ont rassemblé des chercheurs venant de disciplines différentes et qui, souvent, ne seconnaissaientpas.Decepointdevue,nousosonsespérerquelestravauxdelaST08aurontégalementpermisdenouerdepotentiellesfuturescollaborationsscientifiques.

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ST10:Lanotiondemartyrensciencepolitique:descroyancesauxmobilisations

Responsables

MagaliBoumaza(UniversitédeGalatasaray,Istanbul/UniversitédeStrasbourgPRISME‐GspeUMRCNRS7012)

AurélieCampana(UniversitédeLaval,Québec)

Lors de la première session Aurélie Campana etMagali Boumaza sont revenues sur la genèse de lasection thématique. Lesdeuxorganisatrices avaient croisé la notiondemartyr dans leursdifférentesrecherches, à l’occasion de terrains difficiles (extrême droite française, kamikazes tchétchènes). Lesdifférenteslecturessurlaquestion,axéessurlesacrificedescorps,lesuicidepolitique,lesattentats,leterrorisme,laissaientunsentimentd’insatisfactiondel’usagequel’onpouvaitfaireensciencepolitiquedecettenotion,enclavantainsiletermedemartyr.Undétourparl’histoire,l’anthropologie,lasociologiedescroyances,indiquaitlesévolutionsdel’usagedu termedans la terminologie religieuse puis politique. Ce terme est également devenuun enjeu dequalificationjuridique.Aucoursdecettesectionthématique,nousavonsfaitlechoixdenepasposerdedéfinitionstrictedecequel’onentendparmartyr.Eneffet,lanotionestsujetteàenjeuxdelapartdesentrepreneursdesdifférentescausesetserapprochedecelledehéros,victime,sacrifice.Atoutlemoins,noussommespartisdugrecmartur–marturos,témoin–quiévoqueinitialement:1.lesChrétiensmisàmortoutorturésentémoignagedeleurfoiEtplusgénéralement2.Unepersonnequiaététorturéeoutuéepourunecauseàlaquelleelles'estsacrifiée:unecommémorationenl'honneurdesmartyrsdelaRésistance.Littéralementdonclemartyrestceluiquitémoignedesafoi.Ilestprochedenotionsvoisines:Persécuté,victimecequinousinviteànousinterrogersurl’usagedelasociologiedesmobilisationsdevictimesentreautres.Ce terme de martyr est situé historiquement, spatialement et l’on réfléchit sur des croyances, desémotions rationalisées postérieurement. Notons que la notion de «Shehid» renvoie également autémoignagemais qu’en arabe on dispose aussi du terme fedayin (combattant qui se sacrifie). Si laterminologie est, au départ, religieuse, malgré le long processus de sécularisation, nos sociétésconvoquenttoujoursdesréférencessacréesdans l’espacepolitique(renforcementdelaclôtureentreprofanesetprofessionnels)3questionstransversalesontdoncétéposéesparlesdeuxorganisatrices

- ne doit‐on pas ouvrir la notion de martyr au‐delà de son acception «sacrifice du corps,» etenvisager plus globalement d’autres formes de violences (contre‐soi, contre autrui)?L’interrogationdoitdoncporter,au‐delàducorpsenpolitique,bienaussisurlesévénements.

- Comment faire intervenir la variable temporelle dans la fabrique des martyrs? Quellestemporalités entourent la construction de la figure du martyr? Comment ces ressourcessymboliquespartisanes,politiques,nationalesintègrent‐ellesàunepériodedonnéelafiguredumartyr?Lanotiondegénérationfourniticiuneentréeintéressante.

- Enfinquelssontlesenjeuxmémoriels?Cettenotionestpourvoyeused’identités,parlebiaisdemises en récits. Au fond la martyrologie serait une manière de (ré‐)écrire l’histoire. Là aussil’enjeuspatialestd’importance,carlemartyrpeutconsacrerdeslieuxdecommémoration.

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Ce propos liminal prononcé, la parole est cédée aux différents intervenants qui présentent leurscommunicationsI.Repéragedesusages:desmythesetdesmartyrsCettesessions’estpenchéesurlacirculationdesréférencesreligieuses,savantesetmilitantesetlamiseen mythe et en récit d’une «martyrologie». Les différents intervenants se sont interrogés sur laconstruction idéologique, les logiques identitaires et les symboliques attachées à la figure dumartyrdansleurcontexted’apparition.BasakGürsoy, se référant àMauriceHalbwachs et aux cadres sociaux de lamémoire, a démontré, àtravers le mythe d’Atatürk présent dans les différents groupes kémalistes (qui usent de manièrevariablelafiguredufondateurdelaRépubliqueturque)commentdanslesannées1980s,cemytheestréactivé et permet aux kémalistes de se référer à un âge d’or pour critiquer le régime en place etdésignerlesennemisdel’intérieur.Elleamontréaussicombiencessymboles,cessignessontprésentsdans lespublicationskémalistes,comment lamémoiredeMustafaKemalest reconstruitedemanièrepartielle et partiale pour le faire apparaître en résistant de l’Europe, et ainsi se poser de manièrecontemporainecommesceptiquesfaceàl’entréedelaTurquiedansl’UnionEuropéenne.SümbülKaya,quantàelle,s’estinterrogéesurl’existenced’unemartyrologieproprementturque.Elleaévoqué la circulation des références religieuses, étatiques pour ériger enmartyrs les jeunes appelésmortsdanslesopérationsdeluttecontrelesterroristesauSud‐EstdelaTurquie.Ellearappeléquedansl’armée turque, l’abnégation de soi, le sens du sacrifice sont des vertus citoyennes. Les pratiquescommémoratives et funéraires organisées par l’armée, les pouvoirs publics, inscrivent ces jeunessoldatsdans lamythologieétatiqueetdans l’éternelleTurquie.Elleamorceunecomparaisonavec lesvictimes de l’arraisonnage duMaviMarmara enmai 2010,montrant comment le gouvernement AKPtented’inscrirelesmilitantsdelaflottilleaupanthéondesmartyrsdelanationturque.AgnèsdeVictors’estintéresséeàlaproductionducinémairanienpendantlaguerreIran‐Irak,doncentemps de guerre. Elle s’est posé la questionsuivante : comment rendre lemartyr désirableà l’écran,alorsmêmequelespectateurnevoitqueceenquoiilcroit?EllemontrequelesréalisateursutilisentlestorytellingdeKerbala(villemartyrdesshiites),lieu,oùen680,l’imamHosseyn(petitfilsduprophète)est décapité. Elle a insisté sur les codes chromiques (rouge, vert), sur les références au théâtre duTazieh. Elle a montré également comment on filme le présent pour évoquer le passé, et commentl’image du martyr, et non celle du mort, émerge de l’usage d’une symbolique qui appartient à unimaginairecollectif.EnfinAlexandraGoujonaexaminé,dansuneperspectivecomparée,laconstructionduvillage‐martyrenFranceetenBiélorussie.Ellemontrecommentunvillagedevientunvillagemartyrsuiteauxreprésaillesdes nazis en France. Elle revient sur l’emblématique Oradour‐sur‐Glane et mentionne que d’autresvillagesauraientpuprétendreà laqualificationdevillage‐martyr.Etc’est lecasen2008duvillagedeMailléenIndre‐et‐Loireaprèsunelonguemobilisationdesédileslocaux.LacomparaisonaveclevillagedeKhatyn (villagebrûlépar lesnazis) enBiélorussie, lui apermisdevoir lesusagespar lesEtatsdespolitiquesmémorielles,lesmisesenrécits,lesargumentairesetc.AurélieCampana,discutantede la session, revient sur la tensionentrediscours et images. Sa lecturetransversaledes4papiersapportedesinterrogations,desréflexions

- surlesmythificationsetlerôlejouéparlessymboles,lesimages,lesréférencesetlesmanièresdontilssontmisencontexte

- sur ce que l’on fait de l’usage de la notion, variable selon les contextes, spatialement,idéologiquement,politiquement, sur la façondemettre l’accent sur tel aspectpour rendre lemartyrplusnoble,

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- sur l’imbrication des récitsmémoriels/mythes/récits historiques et la capacité à délimiter unecommunautéd’appartenance.

La parole est donnée à la salle. Il est évoqué l’idée de revenir sur les régimes mémoriels entrevainqueurset vaincus (concurrencesmémorielles,discoursdissidents), sur ladistinctionentre régimemémoriel visant l’unité de la nation et régimemémoriel victimaire (cf. JohannMichel,Gouverner lesmémoires. Les politiquesmémorielles en France, PUF, 2010) sur les travaux deDidier Fassin (La raisonhumanitaire.Unehistoiremoraledu tempsprésent EHESS,Seuil/Gallimard, 2010), ceuxde JoëlCandausurlasouffrancepartagée(AnthropologiedelamémoireColin2006)etceconstatdel’intersectionentrelesymbolismepolitiqueetlereligieux.On rappelle que la dette auparti quepensent devoir lesmilitants dans la gauche radicale ou encoreenvers la famille, intergénérationnelle est déterminante dans l’action car le martyr est une figureexemplaire;c’estlesacrifice.II.Lesmartyrsenaction:sacrificedesoietentrepriseorganisationnelleLa littérature sur lesmobilisationsoscille entre lesparadigmesde l’émotionet ceuxde la rationalité.Comment situer la réflexion sur les martyrs au regard de ces acquis, alors même que le martyr estconsidérédanslecontextepost‐11septembrecommel’incarnation«duMal»etd’uneformedecombatillégitime?C’estdansuneperspectiveattentiveà ladimension individuelle, collectiveetprocessuellequel’onaquestionnélesmartyrs.Nous nous sommes attardés, dans cette deuxième session, sur les effets de socialisation et lesconversionsderessourcescognitivesenrépertoired’action.Lecorpsdevientaussiuneressource,uneformedepouvoirsymboliqueoudecapitalpolitiquepourl’organisationquirevendiquel’acte.Ainsi,ilaétéproposéauxparticipantsderéfléchirautravaildeconditionnementeffectuépar l’organisation,etporterl’attentionsurlessystèmesdiscursifsmobiliséspourjustifierledondesoietlaviolencefaiteauxautres, et le rôle donné à la pureté de la cause: le martyr est plus souvent qu’autrement présentécommeunactedepurification,quianoblitl’individuetmoraliseuneactionquiintègreunemythologiecollectiveconstammentréajustée.Au‐delàdel’action,l’entretiend’unemémoiredesmartyrsajouteàlacohésiondegroupesstigmatisés, renforceet redirige les logiques identitairesà l’œuvreetpermetdemobiliserlegroupe.BenjaminDucol,àpartirdedeuxétudes(lesmilitantsde l’extrêmedroiteaméricaineet les jihadistes)interrogelamobilisationd’unecommunautéimaginairevirtuelleetlafaçondontondiscutelestatutdemartyrenleursein.Lestatutdemartyrestainsinégocié,ré‐évalué,ladimensioninteractionnisteesticiimportante.Lemartyrpermetaussidedélimiterlacommunauté.Mathieu Petithomme montre comment l’ETA basque se réapproprie les martyrs de la guerre civileespagnolede 1936‐1939pourprésenter l’ETAdansune tramenarrativecohérenteoù legroupeseraitl’héritier des combattants anti‐franquistes. Ce détournement de l’histoire permet ainsi d’inscrire lesmartyrs de l’ETA dans une exemplarité reconnue par la population et viserait à légitimer la violence.MaislàaussilesmémoiressontenconcurrenceetleslogiquesdereproductionsocialedunationalismesoumisesàdestensionsentregroupesnationalistesetEtat.MagaliBoumazamontrecomment l’extrêmedroitefrançaise,depuis1945,tentederé‐écrire l’histoiredesvaincusenmobilisantlesmartyrsdedifférenteschapellesvisantnonseulementàcimenterl’entre‐soidecettenébuleusepolitiquemaisencoreàrendrevisibleleurcause.Différentsdispositifsmémorielssont mobilisés (commémorations, créations de cercles à la mémoire de tel martyr, écritured’hagiographiesetc…)EylemÖzkayaétudieles jeûnesdelamort introduitsenTurquieauxlendemainsdesgrèvesdelafaimdes nationalistes irlandais (Bobby Sand) par le jeu de la circulation internationale des expériencesmilitantes. Ces jeûnes ont été observés par les militants de la gauche radicale dans les prisons. Elle

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montrecombienl’universcarcéralestpropiceaucontrôletotaldesmilitantsparl’organisationetquelesacrificeestsouventsuggéré.Lemartyrestceluiquiadoncoffertsoncorpsàl’organisation,safamille(caronestdansuneinstitutiontotale).Letoutestentretenudansunesociabilitémêlantpromiscuitéetréférences musicales communes dont les paroles sont souvent chargées de cette nécessité de sedonneràl’organisation.OlivierGrojean,discutantdelasession2,nousinviteàrelirelestravauxdeChristopheTraïnisurlafaçondont on mobilise les émotions, comment on se mobilise quand on est touché (dispositif desensibilisation).Pourluilemartyrn’estpastoujoursabordédirectementmaisparlebiaisdedifférentsangles;ilproposeainsideréfléchiràlafabriquedesmartyrs,commentontransformeunepersonneenmartyr,commentonrécupèreunévénement.Comment lemartyrdevientunenormeidéaledansuneorganisation militante, comment se façonne la mobilisation? Le chercheur doit rester attentif auxniveauxmicro‐méso‐macro.Ilproposeaussipourdavantagedeclartédedistinguerlesdifférentstypesdemartyrs(institutionnels,partisans),inviteàtravaillersurleshagiographies(commentonproduitdel’exemplarité,commentcesfiguresévoluent(unmartyrpeutdevenirtraître),lesprésentationsofficielles/nonofficielles,lesmartyrslocaux(dansunvillagekurdeseulementetpasconnudansleresteduPKK)L’ensembledecesréflexionscommunessepoursuiventetferontl’objetd’unepublicationcollective.

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ST12:L’Etatetsesterritoires:nouvelleslogiques,nouvellesrelations?

Responsables

JérômeAust(CentredeSociologiedesOrganisations,SciencesPoetCNRS)CécileCrespy(UniversitéParisXIII‐CERAL,CentredeRecherchesurl’ActionLocale)

Lasectionthématique12aproposédequestionnerlesrelationsentrel’Etatetlesterritoiresenpensantconjointementlesrecompositionsdel’actiondel’État, lamultiplicationdeséchellesdegouvernementetlesconditionsdefabriquedel’actionpubliqueauniveaulocal.

Silesrelationsentrel’Etatetlesterritoiresconstituentunequestionclassiqueetancienneensciencessociales, l’objectifétaitd’yporteruneattentionparticulièrecomptetenu:d’aborddumouvementderenforcement des niveaux locaux de gouvernement, soit via la décentralisation de nouvellescompétences, soitavec l’appuide laCommissioneuropéenne;ensuite,de ladéclinaisondes recettesmanagériales qui permet aux centres étatiques de retrouver des moyens de contrôle sur l’actionpubliqueetsurlesautoritéslocales.

CetteSTavaitdoncunedoubleambition: travailler empiriquement cettequestionetquestionner lescadresd’analyselesplusfréquemmentproposés.Surles21communicationsreçues,10ontétéretenueset8communicationsontétéprésentées.Deuxséancesétaientorganisées: lapremière1discutéeparAndySmithétaitconsacréeauxeffetsdé‐centralisateurs ou re‐centralisateurs; la seconde2 discutée par Anne‐Cécile Douillet portait sur lesnouveauxacteursetlesnouvelleslogiques.Au‐delà de la richesse des communications et des discussions, on peut retenir une séried’enseignements, soit qu’ils apportent un éclairage sur les variables qui pèsent sur les relations Etat‐territoire,soitqu’ilscontribuentàlescaractériserplusprécisément:Si l’essentieldescommunicationsaportésur lecas français, laproblématiqueaétéabordéedansuncadre fédéral, avec l’exemple suisse et une comparaison France/Allemagne du FEADER. Le cas de

1 BENNINGHOFF Martin (OSPS‐Université de Lausanne) et LERESCHE Jean‐Philippe (OSPS et IEPI‐Université de Lausanne),L’Etat et les territorialisations de la politique d’enseignement supérieur en Suisse. Le cas de la coordination universitaire sur leBassinlémaniqueBUISSON‐FENETHélène,GARDONSébastienetVERDIEREric(LESTUMRCNRS6123,Aix‐en‐Provence),«L’Etatcontreouavecleterritoire?Lesecteurdel’éducationetdelaformationentensionentrelogiquescentralesetvolontésd’actiondesrégions»FOURNIERPierre(UniversitédeProvenceAix‐Marseille1,LaboratoireméditerranéendesociologieLAMES)etMATTINACesare(Université de Provence Aix‐Marseille 1, Laboratoire méditerranéen de sociologie LAMES), Le couple Etat/industrie face àl’aménagementduterritoire:étudecomparatived’undésengagementsurtroissitesmono‐industrielsàrisquesREVAUDMaryline,(CRAPE,RennesI,IEPdeRennes),Uneredéfinitiondesrôlesentrel’Europe,l’Etatetlesrégions:unerelationinteractionniste.Unecontributionaudébatduredéploiementactuelétatiqueàtraversl’étudedelamiseenœuvred’unepolitiqueeuropéenneintégréededéveloppementrural(FEADER)enAllemagneetenFrance2DUPUYClaire(Cérium,UniversitédeMontréal)etPOLLARDJulie(IEPI,UniversitédeLausanne),L’actionpubliquedel’Etatsursesterritoires:pilotageàdistanceoumyopiedel’Etat?Lespolitiquesdel’éducationetdulogementenFrance(1982‐2008)GERMAINSéverine,UniversitédeRouen,Lemaîtredujeupartenarial.LaPolicenationaledanslespolitiqueslocalesdesécuritéenFranceRALAY‐RANAIVOAudrey(PACTE,IEPdeGrenoble),Lesterritoirescommelaboratoiresdepolitiquespubliques.LecasdelamiseenœuvreduplanAlzheimerSERGENT Arnaud (Sciences Po Bordeaux, Laboratoire SPIRIT, CEMAGREF Bordeaux, Unité ADBX), La resynchronisationterritorialedelapolitiqueforestière:EnFrance,l’Etatfaitdelarésistance

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l’enseignement supérieur en Suisse a ainsi permis de montrer comment dans un cadre fédéral onassistaitàunedynamiquedere‐centralisation.La diversité des terrains d’enquêteabordés – éducation, industrie, développement rural, politiqueforestière, sécurité, logementou santé– apermisde rendre compted’évolutions similairesdansdesdomaines où les relations Etat‐territoires étaient historiquement assez contrastés. La plupart de cescontributions a conduit toutefois à questionner les relations dans des secteurs qui relevaient biensouvent du périmètre d’intervention privilégié de l’Etat (sécurité, éducation, santé, forêt) et pourlesquels les régulations internationales ou européennes n’étaient pas toujours prégnantes (politiqueforestière).Pourcequiestdesfacteursexplicatifs,onretrouvelepoidsdescontraintesbudgétairesentantqu’ellesautorisent ou contraignent les formes de l’action publiquemais aussi le poids des légitimitésprofessionnellesqu’illustrelaplacepriseparunepartiedelaprofessionpolicièredanslespartenariats.En prêtant attention aux acteurs, le travail de déconstruction de l’Etat et des territoires a permis desouligner le renouvellement des modes d’action des élus en tant que médiateurs historiques desrelationsEtatetterritoire;lesformesdecontrôleexercéesparlesservicesdéconcentrésdel’Etat,quiloindedisparaître,setransformentquandellesnesesonttoutsimplementpasmaintenues.Pourcequiestdesformesdel’actionpublique,ledéficitd’outilsdeconnaissanceconstruitsàl’échellerégionalecontribueaumaintiendeformesdecontrôlede lapartdesservicesde l’Etat.Demoyendegouvernement, l’expérimentation tend à devenir une fin en soi comme en atteste le cas de la luttecontreAlzheimer.

Autour de ces enseignements, la section thématique a permis de montrer que la relation

État/territoiresconnaitdesrestructurationsmajeures.Cesdernièresneprennentcependantnilaformed’un retrait de l’État, ni celle d’un évidement de la capacité d’influence des élus locaux sur l’actionpublique.

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ST13:L’entre‐soipolitiquelocal.Approchesethnographiques

Responsables

LucieBargel(UniversitédeNice/ERMES)StéphaneLatté(UniversitédeHauteAlsace/GSPE)

Lasectionthématiqueavaitpourbut,detirerprofitdel’acclimatation,récenteetsansdouteinachevée,del’approcheethnographiqueensciencepolitique(Auyero,2007)pourobserver,pardesenquêtesdelonguedurée,lesgroupesd’interconnaissancequitissentlatramedel’espacepolitiquelocal.Pourdesraisons qui tiennent sans doute à l’homologie entre la dignité desméthodes et celle des objets, lesespaces politiques «périphériques» s’offrent en effet comme l’un des lieux où la greffe entrel’ethnographie et la science politique a été la plus aboutie (cf. notamment Masclet, 2006; Trépied,2007;Girard,2009;Mishi,2008;Renahy,2008;Guyon2010).

Cettesectionthématiquesouhaitaitexplorerplusparticulièrementlanotiond’entre‐soipolitiquelocal,provisoirementdéfiniecommel’ensembledesformesdesociabilités–nonnécessairementpolitiques,souvent transpartisanes–quiproduit etqueproduit l’insertiondurabledans lemétierd’élu local. Eneffet,silesréseauxinformelsetlescerclesaffinitairesquinourrissent,enaval,lamobilisationpartisaneet la sollicitation électorale sont désormais bien renseignés (Sawicki, 1997; Briquet, 1997), ceux quistructurent, en amont, le fonctionnement ordinaire des espaces politiques locaux apparaissent enrevancheplusrarementétudiés.

Pour interroger l’entre‐soi politique local, notre intention était d’abord de revenir sur les outils àdispositiondeschercheurspourlecartographier:commentinvestiguerdessociabilitésdiffusesquinese réduisent pas aux seules amitiés partisanes et aux coopérations institutionnelles ‐ les «réseauxd’éligibilité» d’Abélès (1989), le «capital d’autochtonie» deRetière (1991, 2003) ?Apartir dequelleséchellesetdequellesentrées– territoriales, résidentielles, institutionnelles,organisationnelles, etc.–lesobserver?Parquelsconcepts‐«milieu»,«champ»,«réseau»,etc.‐lesidentifier?

Ils’agissaitensuited’envisagerl’entre‐soipolitiquelocalcommeunenjeudefrontières:quienestetquin’en est pas? Comment les acteurs le clôturent ou au contraire le fracturent? Nous ferons plusprécisémentl’hypothèsequelesfrontièresdel’entre‐soipolitiquelocalnesontjamaisaussivisiblesquelorsqu’onconsidère lesoutsidersquipeinentà les franchir.Or, la focalisationsur le«présidentialismemunicipal» et sur la figure du «notable» a braqué le projecteur sur les seuls édiles cumulant, audétrimentdesconseillers«debase»,des«petitsélus»etdescarrières localesàéclipse.Lecontexteparitaireetlesappelsàladiversificationdupersonnelpolitique(Cartieretal,2010)offrentdecepointdevueuneopportunitépour interroger lesconditionsd’entréedans l’espacenon institutionnelde lasociabilitépolitique,lesstratégiesetlesressourcesnécessairespourparticiperetsemaintenirdansdesjeuxlocauxencorelargementfondéssurl’amateurisme.

Entroisièmelieu,ons’interrogeaitsurlaspécificitéetsurl’autonomiedelasociabilitépolitiquelocale:existe‐t‐ilune«communautépolitique»distinctedanssesusetdansseslieuxdesréseauxsociauxquilacharpentent ? Les acteurs politiques locaux forment‐ils en ce sens une «population politique», ungroupe«quipossèdeenpropresescoutumesetsesrituelsetdontlesmembresentretiennent,malgrélesdifférencesaffichées,desrelationsdesociabilité»(Abélès,1989)?Aucontraire,l’entre‐soipolitiquelocal n’est‐il que le décalque ou le point de jonction des solidarités familiales, des connivencesassociatives,desaffinitésconfessionnelles,desententeséconomiques,desproximitésprofessionnelles,desliensdevoisinage,desancragesterritoriaux,desaffinitésélitairesetdessociabilitésracialiséesquile nourrissent ? Dans quelle mesure dès lors les élus locaux importent‐t‐ils dans le jeu politique desenjeuxpropresàcesallégeancesconstruitesparailleurs?

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Le choix des communications retenues entendait faire fonctionner à plein les ressorts de lacomparaison en privilégiant la variation des terrains ‐ français ou étrangers, ruraux ou citadins,métropolitains ou outre marins – et la diversification des configurations sociales et partisanesenvisagées.

Lapremièresession,présidéeparStéphaneLattéetdiscutéeparDelphineDulong,portaitsur«L’entre‐soipolitiquelocalauprismedesesfrontières.Outsidersetsociabilitépolitique.»

L’intervention de Stéphanie Dechezelles (Sciences Po Aix, CHERPA) interroge, à partir d’une étudequalitative extensive sur les dimensions clientélaires et les ressorts politiques d’une pratique ludiqueordinaire (le carnaval de Limoux dans l’Aude), les profits et difficultés méthodologiques d’un rôleconjoint d’enquêtrice et d’actrice (responsable associative dans le domaine environnemental)localementimmergée.Silaproximitérésidentiellediminuelescoûtsdurecueild’informations,lestatutd’observatricefaiblementpourvueencapitauxd’autochtonie,«étrangère»aulieuetauxrègleslocalesdecooptationcontraintàadopterdesstratégiesalternativesdeprésentationdesmotifsdel’enquête,àchoisir dans sa garde‐robe statutaire différents «costumes» méthodologiques en fonctiond’informateursdifféremmentsituésdansl’espacepolitiquelocal.Ces«changementsdepeau»,dontlamaîtrise n’est jamais totalement assurée, et l’objectivation de ces diverses situations d’inconfortscientifiquepermettentcertesdemettreaujourcertainsdesressortsdelaclôturesocialed’uneactivitéprésentée comme populaire (le carnaval), mais aussi et surtout d’éclairer les logiques sociales dedomination qui marquent l’entre‐soi politique local et dont les principaux acteurs s’attachent à enmasquer l’existencecomme l’efficace.Danscecadre, lesobstaclesméthodologiquesagissentcommedesrévélateurscognitifsdufonctionnementdusystèmepolitiquelocalétudié.

Basée sur une enquête ethnographique, la communication de Violaine Girard (Université de Rouen,GroupederechercheinnovationsetsociétésGRIS),interrogelanotiond’entre‐soipolitiquelocaldanslecasd’élusdecommunesrurales,noncumulantsetnonengagésauseindestructurespartisanes.Ils’agitde saisir les conditions d’accès aux mandats d’élus issus des classes populaires, en montrant quel’interconnaissance locale et les sociabilités non politiques favorisent l’émergence de formes delégitimation construites à distancedes compétences socialement jugéesnécessairespour l’accès auxfonctionspolitiques.Dansunpremiertemps,ellemontreainsiquelascènemunicipaled’unecommunemajoritairement ouvrière constitue un lieu d’investissement en politique pour des techniciens del’industrie, ayant connu des trajectoires d’ascension sociale « modestes ». Elle s’attache ensuite auxformes de domination qui se jouent, au sein du conseil municipal, entre techniciens, ouvriers etemployées, et qui se traduisent par des carrières municipales différenciées. L’analyse de formesd’engagementdéconnectéesdesréseauxpartisansousyndicauxviseainsiàdécloisonnerl’étudedelascènepolitiquelocaleenprenantencompteleseffetsderéputationliésaustatutsocio‐professionneletrésidentielinscritsdansl’espacelocalauseinduquelprennentsenslesengagementsmunicipaux.

DavidGouard(UniversitéMontpellierI,CEPEL)s’intéresseàlacitéYouriGagarined’Ivry‐sur‐Seine,quialongtemps fait figure de «bastion ouvriéro‐communiste» en banlieue parisienne. La légitimité desreprésentantscommunistessefondaitsuruneproximitésocialeetphysiqueauprèsde leurélectorat.Depuistrenteans,lesbouleversementsdémographiques,socio‐économiquesetpolitiquesontsapélesconditions d’autoreproduction de l’ancienne communauté politique. A partir d’une enquêteethnographique menée sur la période 2007‐2008, nous montrerons dans quelle mesure l’ancienneautorité politique est contestée par la jeune génération. Notre analyse mobilisera le cas d’un jeunehomme, enfant d’immigrés algériens. Son entreprise politique, finalement réussie, renseigne lesdifficultésrencontréesdanssavolontédepassagedustatutd’outsideraustatutd’acteurenpolitiqueàl’échelle locale. Tout au long de son parcours, ce jeune a revendiqué un droit à la représentationpolitique fondé sur les mêmes ressources que celles autrefois célébrées par le PCF: rapport defamiliarité et de confiance avec les populations résidentes, prise en charge de la sociabilité locale,revendicationd’unlocalisme,etc.Decefait,cen’estpasseulementdesstratesgénérationnellesquelePCFatardéàintégrer,c’estaussitoutsonappareildepolitisationdesmilieuxpopulairesqu’iladélaisséauprofitdemouvementsdepolitisationconcurrents.

StéphanieGuyon(UniversitéParis1)analysel’émergencedespartispolitiquesdanslesannées1970et1980 dans la petite ville de St‐Laurent duMaroni (5000 habitants) en Guyane française. A partir de

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matériaux ethnographiques (entretiens et usage ethnographique des archives), elle appréhendel’organisation sociale locale comme matrice de l’institutionnalisation partisane. Elle montre en effetcomment les processus de politisation et d’institutionnalisation partisane empruntent les voies dessociabilitésetréseauxlocauxtraditionnelsdumilieupopulairecréole(manifestationsfestivescommelecarnaval, réseaux familiaux, amicaux, catholiques et sportifs). Elle s’intéresse en particulier auxmobilisations électorales de 1977 et de 1983 qui furent très compétitives pourmontrer comment lessociabilités populaires créoles, mais aussi les relations de patronage entre Créoles et Amérindienshéritées de la période coloniale structurent la compétition politique locale. En effet la concurrencecroissanteentre leRPRet lePartiSocialisteGuyanais incite leséluscréolesàélargir leurclientèleetàsolliciter de nouveaux électeurs hors de leur groupe d’origine, en particulier les Amérindiens et lesNoirs‐marronsquiviennentd’accéderàlacitoyenneté.Enétudiantcescampagnesélectoralesdanslesactivités concrètesde sollicitationsdesvoixetdans lespratiquesde compositiondes listesdesdeuxcamps,ellemontredansquellemesurelesactivitéspolitiquesdemeurentencastréesdans lesréseauxdesociabilitéscréolesetdansleshiérarchiesracialesentreCréoles,AmérindiensetNoirs‐marrons.

EtiennePingaud(IEPdeStrasbourg,CESSP‐EHESS)étudieNanterre,villedelabanlieuerougeparisiennequeleParticommunisteadirigépendant75ans(1935‐2010).Laperted’empriseprogressivedupartisurla population a fait de la représentation des habitants des «quartiers» sensibles de la ville un enjeucentralde la viepolitique localedepuis les années 1980.De fait à chaqueélectionentrent auConseilmunicipaldesélusissusdesquartiers,élussurdeslistesdegauchecommededroite,quipourlaplupartne militaient pas jusque‐là dans les structures partisanes traditionnelles. Il se penche dans cettecommunicationsurlesliensdesociabilitéquetissentces«nouveauxentrants»aveclesautresmilitantspolitiqueslocaux.Au‐delàdesliensencadrésparlesorganisationspartisanes(réunions,manifestations,distributions,activitésdiverses),lesmilitantsdelavilleformenteneffetentreeuxuncertainnombrederéseauxdesociabilitélocale,plusoumoinssolidesetdurables,danslacréationdesquelsinterviennentdes critères divers et non‐exclusifs (politiques, idéologiques, générationnels, affectifs,géographiques,…). Comment les élus des quartiers s insèrent‐ilsdans ces réseaux ? Entre adhésionindividuelle totale, créationde réseauxparallèlesou rejet, les entretiens et observationsmontrent ladiversité des situations et des stratégies mises en œuvre par et pour ces nouveaux acteurs de lapolitique municipale.L’insertion des « élus des quartiers » dans les réseaux de sociabilité politique locale : l’exemple deNanterre

Benoît Trépied (EHESS / programme ERC SOGIP ‐ "Scales of governance and Indigenous Peoples")s’intéresseà laNouvelle‐Calédonie, où l’accessiondesanciens«sujets indigènes»à lacitoyennetéen1946abouleversélesrèglesdujeupolitiquelocal.DanslacommuneruraledeKoné(nord‐ouest)oùilamenéuneenquêteethnographiqueapprofondie,cettenouvelleconfigurationaeupourconséquencelaprise de contrôle de la mairie par une alliance d’«outsiders coloniaux» (descendants de bagnards,d’immigrés asiatiques et d’indigènes) et la marginalisation politique des colons issus des«vieillesfamillesblanches » anciennement au pouvoir. Son exposé s’est penché sur cet événement àpartird’undoublequestionnement.D’unpointdevueméthodologique,ils’interrogesurlaproductiondesmatériauxethnographiquesutiliséspouranalyser cetépisode. Il s’agitde restituer, àpartirdecetravaildeterrain,lesprincipauxenjeuxetconditionsd’uneethnographieàlafoishistoriqueetpolitique.D’unpointdevue théorique, il s’appuiesurcecaspourpenser lesdynamiquessocialesd’inclusionetd’exclusion à l’œuvre dans un espace politique local donné en situation coloniale, construit au cœurd’une articulation complexe entre race, classe, genre et statut. Dans le contexte particulier de cette«Francelointaine»transplantéeenterrekanak,ilréfléchitinfineàcequelafocalemicroetleprismedelapolitiquelocale,enréintroduisantdelacomplexitésocialegrâceàla«matièreethnographique»,peutdiredelaquestioncolonialeetpostcoloniale.

Ladeuxièmesessionintitulée«L’espacepolitiquelocalest‐ilsolubledanslesréseauxsociauxordinaires?Encastrementetdifférenciation»étaitprésidéeparLucieBargeletdiscutéeparJean‐LouisBriquet.

L’intervention d’Amin Allal (IEP d'Aix en Provence, CHERPA/IREMAM) porte sur Tanger où, depuis lemilieu des années 70, des familles ont fait fortune grâce au blanchiment d’argent du cannabis. C’estdanslesquartiersdeBénimakada,ancienbidonvillesurleshauteursdeTanger,quecesentrepreneurs

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politico‐économiques (souvent d’origine rifaine comme une grande partie des habitants deBénimakada)ontconstituédesclientèlesélectoralesetoccupédepuisunevingtained’annéeslesplacesimportantes de la représentation politique. Sa communication analyse les ressorts complexes dessociabilitéspolitiqueslocales,questionnel’entre‐soipolitiquelocal,lesfrontièresdecelui‐ci,enpartantde trois entrées: parenté et politique, la construction de l’autochtonie et les relations ethniques enpolitique.Celles‐cisontappréhendéesnonpascommedes«donnéesnaturelles»maiscommeàlafoisdes ressourcesmobilisables par les entrepreneurs de la compétition politique (qu’ils soient notableslocaux,candidatstêtesdeliste,militantsdebaseouintermédiaires«mercenaires»apartisans…)etdesscènes dramaturgiques, rhétoriques et pratiques qui fondent la relation politique. Les enquêtes surlesquelles s’appuie cette contribution sont un corpus d’une cinquantaine d’entretiens menés depuis2006 et des observations in situ avec des intermédiaires électoraux, desmilitants de base des partispolitiquesetlesprincipalesfiguresdelareprésentationpolitiqueenlissepourlesélectionslégislatives2007etmunicipales2009àTanger.Enfin,unefréquentationassidue,enamontdesélections,delieuxqui s’avéreront clés pour les mobilisations en campagne électorale: cafés, terrains de football, aconstitué un matériau riche pour cette analyse. Cette étude permet d’éclairer les fondements de lapérennitédesBigsmenrifainsdanslareprésentationpolitiquelocaleàTangeraudelàdesmécanismesde corruption et d’achat des voix en temps court de campagne, ordinairement soulignés par lesanalystes.

IvanBruneau(UniversitéLyon2)etRenahyNicolas(INRA)sedemandentcequ’estdevenuela«petitebourgeoisierurale»,catégorieutiliséecourammentdanslesannées1950‐1970?Ilss’intéressenticiàsestransformationsetleurseffetssurlacompétitionpolitiquelocale.Uneenquêteencoursdansunbourgde Bourgogne très éloigné des centres urbains indique en effet que depuis les années 1970, une «nouvelle»petitebourgeoisieaprisuneplacecentraledans le jeupolitiquelocaldufaitdesoncapitalcultureletdudéclindelapetitebourgeoisie«traditionnelle».Poursesmembres,lascènemunicipaleetintercommunaleoffreuneopportunitédedistinctiondansunmonderuralavanttoutcaractériséparlaforte permanence des classes populaires et la moindre centralité de l’agriculture. Une positiond’encadrement,unemêmeaspirationàdevenirvisibledansl’espacelocal,lemaintiend’unedistanceaupopulaire mêlé au développement d’un entre‐soi fondent l’appartenance au groupe des petit‐bourgeois. Pour autant, ce groupe est loin d’être homogène. Sur la période, une petite bourgeoisieculturelle se démarque de la petite bourgeoisie d’exécution, et notamment par lamanière dont ellechercheàinvestirlascènepolitiquelocale:plusgrandedistancepratiqueaupopulaire,abandond’unelecture«sociale»deschoixélectoraux,refusd’unpositionnementexplicitesurl’axedroite‐gauche,etstricteévaluationdesressourcespolitiquesentermesdecompétence.Maiscetteconflictualitéinternenefaitelle‐mêmequ’assurerlesdélimitationsdugroupe.

Alexandre Hobeika (EHESS et Université Paris 1, CMH) étudie les mondes ruraux, habituellementcaractérisésparlafaiblessedesstructurespartisanes.Sacommunicationquestionnelaplacequ’ytientlesyndicalismeagricole(FNSEA)danslastructurationdesréseauxpolitiques.Eneffet,silesagriculteurssontlargementdémunisdesressourcespolitiqueslespluslégitimes,ilsdisposentd’atoutsimportants,allant d’une bonne connaissance des réseaux familiaux et économiques locaux, aux formations etréseauxfournispar leurspuissantesorganisationsprofessionnelles.LaFNSEAestunacteurcentraldece jeu, et encourage ses membres à briguer des mandats municipaux. Il se base sur une enquêteethnographique dans deux sites de Basse‐Normandie, focalisée sur les réseaux politiques de droitemodérée.Ilmontrealorsquelesresponsablessyndicauxagricoleséprouventdesdifficultéscroissantesàs’insérersur lascènepolitique locale,pourdesraisonsprofessionnelles (désyndicalisationdesélitesagricoles, déclin numérique), institutionnelles (développement de l’intercommunalité) et sociales(concurrence de petite et moyenne bourgeoisie). Toutefois, si le syndicalisme décline, d’autresorganisationséconomiquesd’origine«agricole»(banque,centredegestion)désormaisdésectorisées,peuvent, par leur place dans l’économie locale et l’information qu’elles confèrent à leursadministrateursetemployés,offrirdemeilleureschancesd’éligibilité.

PourJulianMischi(INRA)etRenahyNicolas(INRA),l’étudedesespacespolitiqueslocauxnepeutfairel’économie d’une sociologie des espaces professionnels et des groupes sociaux. Les luttes pour lepouvoir local exprimentdes rapportsde forcequidépassent les limites strictement «politiques»des

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conseils municipaux. Ces relations d’opposition, d’alliance ou d’évitement renvoient à des logiquessociales forgées en partie dans le cadre du travail, elles traduisent et transforment des rapports dedominationayantcourtdans lascèneprofessionnelle.Afind’analysercesemboîtementsentrescènesmunicipalesetespacesprofessionnels, ilsprésentent lespremièresrésultatsd’uneétudecomparativede deux petites communes ouvrières. Ils veulent surtout montrer tout l’intérêt qu’il peut y avoir àanalyser la formation d’espaces politiques locaux, en s’efforçant d’inscrire les rapports de forcepolitiquedansdeshistoiressocialeslocalisées.Enassociantexploitationd’archives,analysed’entretienset compte‐rendu d’observations d’élections, ils entendent répondre à une série de question: Quelimpact de la conjoncture économique sur le pouvoirmunicipal? Quelles traductionsmunicipales desconflits sociaux? A quelles conditions des positions de pouvoir dans les entreprises peuvent‐elles sereconvertir dans le métier d’élu? A quelles conditions certains groupes professionnels aux intérêtsopposésmaisensituationd’interconnaissancesont‐ilssusceptiblesdes’allier?

Enfin,PierreRenno(UniversitéParis1)étudielesrèglesdujeupolitiqueencontexted’entre‐soisocial.L’étude porte sur l’élection du président du Conseil Régional de Misgav, une collectivité territorialeisraélienne caractérisée par le haut degré d’homogénéité sociale de sa population. Dans un premiertemps,iltesteleshypothèsesdeJeanNoëlRetièresurle«capitald’autochtonie».DanssonétudesurLanester, ce dernier avait mis en avant le rôle que pouvait jouer cette ressource lorsque capitauxéconomiqueetculturelsontassezégalementrépartisauseindelapopulation.Danslecasdel’électiondu président du Conseil Régional de Misgav de 2007, cette opposition entre vétérans et nouveauxarrivantsfutunélémentclivant.Ellelefutd’autantplusqu’ellerecoupaituneoppositionsurlerapportau champ politique national. Lors de leur création, à la fin des années 1970, les nouveaux villagesgaliléenssesonteneffetconstruitsenruptureavecleclientélismepolitiquequirégnaitjusqu’alorsdansles implantations rurales israéliennes.L’affirmationdecette indépendancepolitiques’exprimeencoreaujourd’hui dans le rejet de toute affiliation partisane. En 2007, c’est le candidat le plus récemmentinstallé dans la régionqui fut le seul à revendiquer le soutiend’unparti – en l’occurrence le parti aupouvoirKadima.

Rassemblantunetrentainedeparticipantsàchaquesession,laST13aétélelieudediscussionsrichesetagréables.

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ST14:Retoursurl’Etatlocal

ResponsablesHélèneReigner(Inrets)

RenaudEpstein(UniversitédeNantes)

Objet de recherche historiquement très investi et à l’origine de travaux fondateurs sur le systèmepolitico‐administratif,l’Etatlocalaétéprogressivementdélaisséparleschercheursfrançaisdepuisunequinzained’années. L’hypothèsede cetteSTétaitque l’Etat localdemeurepourtantunobjet fécondpourlasciencepolitique,dontl’examenestnécessairepoursaisirleseffetsinfranationauxdesréformesinstitutionnelles récentes(Acte IIde ladécentralisation,LOLF,RGPP)qui transformentconjointementl’organisation de l’administration territoriale de l’Etat, les instruments au travers desquels l’Etatintervient localement et la distribution des ressources financières et d’autorité entre niveaux degouvernement.Danscecontexte, le retoursur l’Etat localproposévisaitàavancerdans l’analysedesmutations de l’action publique territoriale en alimentant et en articulant deux controversescontemporaines sur la gouvernance territoriale: celle relative à la place, à la forme et aux modesd’actionde l’Etatà l’échelle infranationaleetcelle renvoyantplusdirectementaucontenusubstantieldel’actionpubliqueterritoriale.

En introduction, Hélène Reigner et Renaud Epstein ont présenté une synthèse de cescontroverses,souslaformededeuxfigures,qu’ilsontproposéd’utilisercommegrilledelectureetdemiseendiscussiontransversaledescommunicationsdelasectionthématique.

Dansunepremièrefigure,l’Etatlocaln’aplusqu’unrôlerésidueldanslagestionterritoriale: lesressources qu’il maîtrisait se réduisent sous l’effet de l’approfondissement de la décentralisation;simultanément,laLOLFetlaREATEconduisentàuneformedere‐concentration,quiréduitlesmargesde manœuvre dont disposaient les services déconcentrés de l’Etat pour adapter les politiquesnationales en fonction des contextes territoriaux. Ces évolutions aboutissent à une réduction desinterdépendances entre l’Etat local et des collectivités territoriales qui s’autonomisent vis‐à‐vis desservices déconcentrés. Ces derniers tendent aussi à devenir résiduels pour le pouvoir central, qui atransféréauxcollectivitésl’entièreresponsabilitédelamiseenœuvreetdelamiseencohérenced’unnombrecroissantde sesprogrammes,maisquin’apas renoncéàpeser sur leuractionau traversdediversmécanismeset instrumentsdepilotageàdistance.Les réformesnéomanagériales récentesquirecomposent l’administration s’accompagnent d’une révision néolibérale du contenu des politiquesterritorialesde l’Etat: lespolitiques redistributivesvisantàniveler les inégalitésentre territoires sontremisesencauses,auprofitdenouvellespolitiquesdecompétitivitéfondéessurlamiseenconcurrencedesterritoiresparlepouvoircentral,quirécompenselesvillesetlesrégionsquifontlapreuvedeleurcapacitéentrepreneuriale.

Dansunesecondefigure,moinsradicalequelapremière,l’Etatlocalconserveunrôlespécifiquedans la gestion territoriale. Certes, les dynamiques de décentralisation et de re‐concentrationl’affaiblissent,mais la reconcentrationn’estquerelativeet ladécentralisationdemeure inachevée.Dece fait, les services déconcentrés de l’Etat sont toujours partie prenante de la fabrique de l’actionpublique locale: les interdépendances entre ces services et les collectivités locales demeurent, et lesadministrationscentralesonttoujoursbesoindecesservicespourorganiserlamiseenœuvredeleursprogrammes.L’Etatlocalassureunesériedefonctionsassezdiverses,quivarientfortementenfonctiondes secteurs et territoires: accompagnement des territoires démunis, production d’arrangementslocalisés dans les territoires institutionnellement et politiquement fragmentés, sécurisation juridique,organisation de lamédiation interterritoriale…. Dans cette figure, le virage néolibéral des politiquesterritoriales de l’Etat est plus limité: à l’échelon central, les politiques de compétitivité territoriales’ajoutentplusqu’ellesenremplacentlespolitiquesderedistributionaveuglesauterritoire;àl’échelon

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infranational, les collectivités localeset les servicesdéconcentrésde l’Etat continuentde faireprimerdesconceptionssingulièresdubiencommunterritorial.

Ontrouve,danslessixtextesdelaST,desélémentsquialimententchacunedecesdeuxfiguresàvocationheuristique.Leurexamenpermetd’avancerdanslacaractérisationdesrelationsentrecentreetpériphérie ‐pour reprendre les catégoriesdePierreGrémion‐encedébutdeXXIe siècle,enmêmetempsqu’il inviteàmieuxdistinguer tournantnéomanagérialetviragenéolibéral,pouranalyser leursliens.

Dans leur texte «Les Établissements publics d’aménagement entre intégration locale etgouvernementàdistance.Lecasde l’EPAdeSaint‐Etienne»,ChristelleMorel‐JourneletGillesPinsons’intéressentàcesinstrumentshistoriquementconçuscommedesbrasarmésdel’Etataménageur.Lescréations récentes d’EPA pouvant sembler anachronique, ils s’interrogent sur une éventuelle«revisitation» néomanagériale et néolibérale de cet instrument. L’EPA est en effet paré de vertuschèresauxpromoteursduNewPublicManagement:réductiondeschaîneshiérarchiques,simplificationdes systèmes de décision, émancipation des règles du droit public (en matière de gestion desressourceshumainesnotamment).LesEPApeuventaussiêtreregardéscommepartieprenanted’unenéolibéralisationdespolitiquesurbaines,encequ’ilssontexplicitementconçuscommedesinstrumentspermettant,grâceà lacautionapportépar l’Etat,d’activerdesprocessusdevalorisationdesmarchésfonciers et immobiliers, jugés nécessaires pour résoudre les problèmes de marginalisation socio‐économique de certains territoires urbains. Le cas stéphanois ne permet cependant pas de validerempiriquement cette double hypothèse d’une «revisitation» néomanagériale et néolibérale del’instrumentEPA.D’unepart,leurfloraisonrécentetémoignemoinsd’unerupturenéomanagérialequedelareconductiondelogiquesd’actionpropresauMinistèredel’Equipement:détachementd’équipesopérationnelles,légitimationparl’opérationnel,rémunérationsadaptées,etc.D’autrepart, lesauteursmontrentque l’EPAn’estpasunbrasarméutilisépar l’Etat centralpour imposer sonprojet.Bienaucontraire, il s’agit d’un instrumentmis à disposition des acteurs locauxpour les aider à constituer etréaliser un projet local. En cela, les créations d’EPA participent d’une recomposition différenciée del’Etatlocalenfonctiondesterritoires,permettantàcelui‐cideconserverouretrouverunrôledanslesvilles moyennes ou les territoires en crise, qui souffrent d’un déficit de ressources financières ettechniquespourfaireémergeretmettreenœuvreunprojetlocal.

Emmanuel Négrier et Philippe Teillet s’interrogent, dans leur texte, «L’Etat culturel local. Ladifférenciation territoriale à l’épreuve» sur l’évolution de la place des DRAC dans la gouvernanceculturelle des territoires: le renforcement des contrôles exercés par les administrations centrales etl’introductiondelogiquesdeperformancedanslagestionbudgétaireneconduisent‐ilspasàlaremiseen question d’une régionalisation de l’État qui semblait acquise? Les enquêtes conduites dans deuxrégionsmontrentquelemouvementdere‐concentrationestvécudefaçondifférenciéeparlesagentsdesDRAC,enfonctiondessous‐secteursdanslesquelsilsinterviennent(patrimoine,création/spectaclevivant, transmission). Pour expliquer ces différences, les auteurs avancent deux hypothèsescomplémentaires, relativesàprofessionnalitéetde lamatérialitédessous‐secteursenquestiond’unepart, à leur politisation différentielle d’autre part. Le secteur du patrimoine se caractérise par unecodification des métiers et savoirs faire, par des hiérarchies internes stabilisées, des valeurs, desprioritésetmodesd’actionpartagéspar tous lesprofessionnels,qu’ils se trouventenCentraleouenDRAC. En outre, la matérialité de ce secteur d’action publique, dont les réalisations sont aisémentmesurables, se prête à l’introduction de logiques de performance, qui ne viennent pas bouleverserl’ordonnancement des relations centre‐périphérie. Par ailleurs, le patrimoine est un sous‐secteurstructuréautourdevaleurs(conservation)etdegroupessociauxquifavorisentsasanctuarisationparlesgouvernementsdedroite; iln’estdoncpasdéstabilisépar l’introductionderèglesqu’il s’appliquedéjà,d’uneidéologiequ’ilporteenluietdontiltémoigneenactes.Enrevanche,danslesdeuxautresprogrammes étudiés (création et transmission), la professionnalité et lamatérialité des services sontmoins codifiées et enracinées que dans le patrimoine. Ainsi, les objectifs sont plus difficilementquantifiables dans le domaine du spectacle, et ils sont mis en œuvre par des agents aux parcoursprofessionnelsplusflous.Lareconcentrationyestd’autantplusdouloureusementvécueparlesacteursqu’unegrandeincertitudepèsesurlescritèresquimotiventlamiseenplaced’unordre«par‐le‐haut».

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Desurcroît,etsingulièrementpourlespectaclevivant,cessous‐secteursrenvoientàunmilieuetàunensemblediffusdevaleursplutôtorientéverslatransformationdel’ordrequesaconservation,animépar/pourdesacteursougroupesmoinsétablissocialement.Considérédepuislacrisedesintermittentsdu spectacle de 2003 comme un domaine sensible, le sous‐secteur du spectacle fait l’objet d’uneattention politique particulière. La reconcentration conduite sous des gouvernements de droite peutalors être interprétée comme un gouvernement des conduites d’un sous‐secteur trublion. Enfin, lesauteurs insistent sur le fait que ce retour sélectif, différencié de la Centrale dans les processusdécisionnelsdesDRACne s’accompagnepasde la formulationd’un véritableprojetpolitiquepour laCulture.Paradoxed’unepolitisationsanspolitique…

Dans son texte «Les transformations de l’État départemental saisies sous l’angle de la gestion despersonnels»,AnneDebarproposeuneplongéequasi‐ethnographiquedansl’administrationterritorialedel’Etat,centréesurlerôledesdirecteursdépartementauxdesterritoires(produitdelafusiondesDDEetdesDDAF)etleursmargesdemanœuvreenmatièredegestiondesressourceshumaines.Lepremierrésultat saillant est celui de la forte déstabilisation de ces cadres en première ligne pour mettre enœuvrelesréorganisationsdécidéesàl’écheloncentral.Ceux‐cidoiventfairefaceàdescontradictionsetde nouveaux problèmes non résolus en amont, mais disposent de ressources et de marges demanœuvreenconstanteréductionpour le faire.Lesprocessusd’allocationdeseffectifs,dedéfinitiondes priorités, et de management des agents les obligent à en référer à un nombre croissant decommanditairesdontleslogiquesseheurtentsouvent.Privéd’unelargepartdeleurautonomievis‐à‐visdesadministrationscentrales,ilssouffrentdenepluspouvoirajusterleurorganisationetlespolitiquespubliquesdontilsontlachargeaucontextelocal.Danscecontextedéstabilisant,qui lesprivedeleurautonomieetdeleursrepèresidentitaires,lesdirecteurssemblenthésiterentredesstratégiesdevoice(constitution d’un «club des directeurs» pour interpeller les administrations centrales) et d’exit faceauxcontradictionsaccompagnantlesréformes.

Le texte de Romain Pasquier, «Pouvoir régional et Etat local» met en relation le mouvement derecompositionde l’Etat et leprocessusd’institutionnalisationdupouvoir régional. Les troisdernièresdécenniesontétémarquéesparunprocessusderégionalisationde l’actionpubliquefrançaise,quivalargementau‐delàdesseulsblocsdecompétencestransférésauxrégions,aboutissantàlastructurationd’espaces d’action publique régionaux fortement différenciés. La régionalisation demeure cependantinachevée, le pouvoir régional demeurant faiblement autonome vis‐à‐vis d’un Etat qui conserve lepouvoirnormatif.Les recompositions récentesde l’administration territorialede l’Etat–qui tendentàfaire de son échelon régional un relais descendant– et les réformes des politiques contractuellestémoignentdelapersistanced’unEtatjacobin,quicherche–nonsansmal‐àmaitriserl’actionpubliqueterritoriale. Les relations entre l’Etat et les régions sont désormais marquées par une défianceréciproque qui semble appelée à se prolonger, alimentée par les transferts de compétences malcompensés financièrement, l’unilatéralisme contractuel de l’Etat et la politisation des relations entrepouvoircentraletpouvoirslocaux.

Le texte de Pierre‐Yves Baudot, «La départementalisation sous tension des politiques du handicap»,inviteà reconsidérer lediagnosticd’unemarginalisationde l’Etatdépartementaldans ledomainedespolitiquessociales.Certes,lamiseenœuvredecespolitiquesasouventététransféréepourl’essentielaux conseils généraux, sans que cette décentralisation ne s’accompagne d’une déconcentrationparallèle.Aucontraire,dansledomaineduhandicap,l’Etatcentralaaccompagnécettedécentralisationde la mis en place d’instruments de contrôle à distance (grilles d’évaluation, expertise, systèmesd’information) de l’action des acteurs locaux. Bien que juridiquement cantonnés dans une simplefonctiond’exécution,lesfonctionnairesdépartementauxdel’Etatconserventunrôleimportantdanslacoordination de la mise en œuvre de cette politique nationale, en organisant l’ajustement desdemandes éligibles à l’offre disponible et, ce faisant, en réduisant les possibilités de contentieuxadministratif. L’auteur montre aussi que les agents locaux de l’Etat participent largement à laproduction des grilles et indicateurs «nationaux», ce qui peut conduire à distendre le lien entrenéomanagérialisationdesinstrumentsetnéolibéralisationdel’action.Ilinsistesurl’ambivalencedecesinstruments de pilotage à distance, dont le sens n’est pas totalement déterminé nationalement. Ce

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constat plaide en faveur de travaux de recherche sensibles à la mise en oeuvre territorialisée deréformesmanagérialesimpulséesparlecentre.

LetextedePierre‐EdouardWeill,«Lamiseenœuvredudroitau logementopposable.Le rôlede l’Etatlocaldanslestransformationsdelapolitiquedulogementparlerecoursàlajustice»,souligneluiaussilapersistance–sinonlapermanence‐d’unEtatdépartementaldanslafabriquedel’actionpubliquelocale.Levotedelaloisurledroitaulogement(DALO)aorganisélepassaged’unelogiquedemoyensàunelogique de résultats, en même temps qu’elle a judiciarisé la régulation de son intervention. Cesévolutionsont faitperdrede l’autonomieà l’Etat local s’agissantde ladéfinitiondesprioritésde sonaction.Maisellesontcontribuéàunerestaurationdel’autoritépréfectorale,quiauneffetcoercitifsurles autres acteurs de la politique du logement des personnes défavorisées. C’est bien l’Etat local quidomine le processus de désignation des publics prioritaires du DALO. On peut y voir, comme le faitl’auteur, lapermanenced’unEtat localgarantde l’universalismequisous‐tend ladoctrineduDroitauLogement. Dans une vision plus pessimiste, débattue lors de la Section Thématique, on peut aussipenserquerevientàl’Etatlocallachargeingratedelagestiondelapénurie(delogementsociauxici)etdes surnuméraires du capitalisme post‐fordisme, bref des contradictions des politiques nationalesnéolibérales.

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ST15:L’«Etatrégulateur»enquestion:perspectivescomparées

ResponsablesAntoineMaillet(UniversidadCatólicadeSantiago‐Sciences‐Po/CERI)

Pierre‐LouisMayaux(Sciences‐Po/CERI)Rappeldesparticipants:Session1:pouruneclarificationconceptuelle

- Antoine Maillet: «Etat régulateur ou Etat faible? Analyse multisectorielle d'un cas‐paysparadigmatique»

- CélineSégalini:«PourunecompréhensiondelarégulationétatiqueenAfriquesubsaharienne»- PatrickHassenteufel (absent, communicationprésentéeparPierre‐LouisMayaux): «Expliquer

l’Étatrégulateurparlesacteurs»Discutant:Jean‐PierreGaudin(IEPd’Aix)Session2:regardscomparés

- AxelVillarealetSigfridoRamirezPerez:«LarégulationdesindustriesenEurope»- IsalineBergamaschi:«L’émergenced’un‘Etatrégulateur’enAfrique?Etatdeslieuxdel’action

publiquedanslesfilièrescotonnièresauBénin,BurkinaFasoetMali»- Pierre‐Louis Mayaux: «Le dilemme du contrôle: politiciens et régulateurs économiques au

Brésil».Discutant:GillesMassardier(CIRAD)Malgrélagrandediversitédescontributionsprésentéesdanscettesection(tantpourcequiconcernelesapprochesthéoriquesmobiliséesquelesobjetsd’étude),plusieursaxesderéflexionstransversauxsontnettementressortisdesinterventionsetdesdiscussionscollectives.Un premier enseignement transversal a porté sur la nécessité de distinguer plus soigneusementl’analyse de l’Etat régulateur de celle des usages politiques de la notion. Le terme désigne en effet,simultanément,uncertainnombred’évolutionsempiriques,etuneressourcediscursivemobiliséeparcertainsentrepreneursderéforme.Al’imagedelanotiondegouvernance,onestbienicienprésenced’une catégorie analytique autant que d’une catégorie indigène. Dans leur ensemble, et assezlogiquement, lescontributionsontadoptéunpointdevue«analytique».Maisplusieurs interventionsontégalementsouligné l’intérêtd’unesociologiedesusagesde lanotion.Jean‐PierreGaudin,danssadiscussion,arappelélesoriginespolitiquesdestravauxsurl’Etatrégulateureuropéen,enparticulierlerôlejouéparlaCommissionEuropéenne.CélineSégaliniasoulignél’intérêtqu’ilpouvaityavoir,danslescontextesafricains,àappréhender lanotioncommeune ressourcestratégiqueexploitéeparcertainsacteurs au sein de l’Etat. D’une manière générale, il a été rappelé que l’observateur devait resterconscient des connotations positives d’impartialité, d’équilibre et d’efficacité attachées à la notion:pour lesentrepreneursde réforme, l’Etat régulateurestbien,avant toutechose,unEtatquipourraitfaire«mieux»avec«moins».

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Surleplanplusstrictementanalytique,touteslescontributions,saufune,sontpartiesd’unedéfinitiongénérale relativement convergente.Demanièreplusoumoinsexplicite, la régulationaétéentenduecomme lepassaged’unfaireau«faire faire»,lamarqued’un«gouvernement indirect»d’unEtatquipréféreraitdésormaisorienterlesconduitespardesrègles(enformulantlesobjectifs,enspécifiantlesindicateurs d’évaluation et de résultats, en organisant la compétition) que de dépenser lui‐même.Cependant,lacontributiond’AxelVillarealetdeSigfridoRamirezPerez,inspiréeparl’Ecolefrançaisedela régulation, est venue rappeler la permanenced’acceptions extensives dans lesquelles la notionderégulation en vient à désigner quasiment toute forme d’intervention des autorités publiques sur lesmarchés.Ilsembletoutefoisquelespolitistes,s’ilssouhaitentavancerdansl’analyse(etdépasserainsila«perplexité»sémantiqueévoquéeparJean‐PierreGaudindanssonintroduction)gagnentàs’enteniràladéfinitionplusrestrictivedegouvernementparlesrègles,lesnormesetlesstandards.Decepointde vue, l’approche par les instruments, qui analyse en particulier la manière dont de nouveauxinstruments d’intervention viennent se combiner et se superposer aux anciens, peut apparaîtreparticulièrement heuristique. Antoine Maillet a par exemple montré sur le cas chilien que, dans denombreux secteurs, la mobilisation de nouveaux instruments (création d’agences indépendante parexemple)n’impliquaitaucunementladisparitiondesinstrumentsplusclassiques(subventionsetappuisurunopérateurpublic).Cela étant, on a pu repérer dans les contributions deux grandes perspectives d’analyse de l’Etatrégulateur,sansquecesperspectivessoientmutuellementexclusives:uneperspective«internaliste»davantage centrée sur les recompositions internes à l’administration publique; et une perspective«externaliste»davantagecentréesurlesnouvellesinteractionsentrel’Etatetlesopérateursprivés.Lescontributions de Patrick Hassenteufel et de Pierre‐LouisMayaux s’inscrivent essentiellement dans lapremière catégorie. Ellesmontrent comment, dans le premier cas, le dédoublement de l’Etat (entrefonctiondecontrôleetdemiseenoeuvre)aétéportépardescoalitionsd’acteursauseindel’Etat(lesélitesprogrammatiques),plusoumoinshomogènesselon lespays,etcomment,dans lesecond,ellesontcomplexifié les conflitsentre lesdifférentesadministrations, sansqu’aucun«gagnant»n’émergeencore clairement. Les contributions d’AntoineMaillet, de Céline Ségalini, d’Axel Villareal et SigfridoRamirez Perez, ainsi que celle d’Isaline Bergamashi, s’intéressent davantage aux recompositions desmodesd’interventiondesEtatssurlesmarchés,au‐delàdesthèsesdéjàbiencontestéesdu«retrait»etdeladérégulation.Surunplanplussubstantif,troisaxesderéflexiontransversauxpeuventégalementêtrenotés.Lepremierconcernela«politisation»del’Etatrégulateur,c’est‐à‐direlamanièredontcelui‐cifaçonne,etest façonné,par lesdynamiquesdeconflits,demobilisationsetdecompétitionpolitique.Eneffet,comme le souligne Jean‐Pierre Gaudin, ses partisans présentent l’Etat régulateur comme un Etatdépolitisé et dépolitisant, dans lequel le recours aux règles et aux experts favoriserait un «pilotageautomatique» de l’action publique. Pourtant, toutes les contributions soulignent combien l’Etat«régulateur»n’estenaucuncasunEtatpluspacifiéquelesautres.UneclarificationaétéproposéeparGillesMassardier,ens’inspirantdeladistinctiondeJeanLecaentre«politiqueélectorale»et«politiquedesproblèmes».L’Etat régulateur secaractériseraiteneffet,nonparunedépolitisation,maisparunéloignement des dynamiques politiques de la sphère électorale et de ses acteurs classiques (élus etpartis politiques). Il afficherait en revanche une politisation intense entre une multiplicité d’acteurs(administration «classique», régulateurs, représentants des intérêts régulés, cabinets ministériels,organes de contrôle intra‐étatiques, etc.), tous plus oumoins éloignés de la scène électorale. L’Etat

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régulateurmarqueraitdoncundéplacementdesarènespolitiques,sansquecedéplacementn’impliquenécessairement,d’ailleurs,unemarginalisationcomplètedesélus:ceux‐cipeuventbienintervenirdansl’activité régulatrice,mais ils ne le font alors guèredans l’arène électorale. Comme l’a souligné Jean‐Pierre Gaudin, le caractère technocratique de l’Etat régulateur ne signifie pas que seuls destechnocratesyparticipent: lamanièredont leséluss’yengagentdoitelle‐aussiêtreanalysée. Il resteque,commel’arelevéGillesMassardier,ceprocessus,quiaffaiblitl’imputabilitédesdécisionsetévideladémocratieélectorale,nefaitquerenforcerunetenancelourdedesdémocratiescontemporainesversladémonétisationdesbulletinsdevote.Ensuite,commel’arelevélàencoreGillesMassardier,touteslesanalysesontencommundedécriredesévolutions ambiguës, contrastées, incertaines. Patrick Hassenteufel met en évidence une doubledynamique de délégation et de renforcement du contrôle; Isaline Bergamaschi décrit les effetsinattendusdes réformesdemarché initiales (auBénin)oudesprocessus lentset incertains (auMali).Axel Villareal et SigfridoRamirezPerez relèvent les tentatives hésitantesdes Etats pour relancer despolitiquesindustrielles,etsoulignentladifficultéd’identifierunedirectionclairedesrecompositionsdufait des interactions complexes entre une multiplicité d’acteurs. Entre délégation et contrôle accru,intentions affichées et pratiques effectives, pilotage par les Etats et interventions d’une multiplicitéd’acteurs,lesrecompositionsapparaissentsouventparadoxalesetdépourvuesdeplansd’ensemble.Dès lors la convergence, si elle existe, se voit fortement tempérée par les jeux politiques et lesinstitutionsnationales.Pourreprendre ladistinctionutiliséeparPatrickHassenteufel,onestaumieuxen présence d’une sigma convergence(selon les termes de Heichel, Pape Sommerer, 2005): soit laréductiondelavarianceentredespolitiquespubliquesmaissansadoptiondepolitiquesidentiques,quisedistingued’unsimplerattrapagedecertainspayspard’autres(bêtaconvergence),oudelaréductiondel’écartparrapportàunmodèleunique(deltaconvergence).

Enfin, laquestiondesniveauxde l’Etat régulateurpeutêtreposée.Jean‐PierreGaudins’est interrogésur l’importance du niveau régional dans le domaine de la santé, Alex Villareal et Sergio RodriguezRamirez ont analysé une régulation multi‐niveaux, Isaline Bergamaschi a relevé les interactionspermanentes, et les instrumentalisations réciproques, entre les bailleurs internationaux et lesfonctionnairesministériels.L’Etatrégulateurneseréduitpasàl’Etatcentral.Au final, et à l’encontre des approches d’inspiration néoclassiques et fonctionnalistes, ces réflexionsposent les jalonsd’une sociologiede l’Etat régulateur,ouvrantainsi lespistesdenouveaux chantierspourlestravauxàvenir.

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ST17:Excellencescientifiqueetprisedeparoledansl’espacepublic.Lecasdel’analysedespolitiquespubliques

Responsables

CécileBlatrix(AgroParisTech/CESSP‐Sorbonne)PierreMuller(CEE‐SciencesPo)

La section thématique partait q'une question qui constitue un enjeu fondamental pour les sciencessociales en général et pour les spécialistes de l'action publique en particulier: assiste‐t‐on depuisquelquesdécenniesàunetransformationdesrelationsentrelesmodesdeconstructiondel'excellencescientifiqueetlesformesd'interventiondeschercheurs?Apartirdel'idéeselonlaquelleleconstatdedépart (ilyabienuneévolution)pouvaitêtrepartagésansgrandedifficulté,maisqu'enrevanche lesréponses concernant les causes, les modalités et les effets de ce changement était divergentes, lesparticipantsà la section thématiquesétaient invitésàconfronter leurpointsdevue,enparticulierenfonctiondeleurdisciplined'origine.Parmid'autresapportsdeladiscussion,plusieurspointspeuventêtreretenus.1) Plusieurs participants ont évoqué,même si c'était dans des termes différents, la disparition d'unesorte«d'âged'or»desrelationschercheurs‐praticiensenFrancequicorrespondàlal'apogéedurôled'organisationscommeleCommissariatgénéralduPlanou laDATAR.Cetteépoqueétaitcaractériséeparlefaitquel'essentieldeséchangessefaisaitentreuniversitairesethautsfonctionnaires«éclairés».2)Apartirdececonstat, il aétésoulignéàplusieurs reprisesque l'onassisteaujourd'huiàune fortediversification de la demande d'expertise, qui relève souvent d'organismes privés, associatifs oumilitants.Onnepeutdoncpasdirequ'ilyaitreculdel'implicationdeschercheursentermedeparolepubliquemaisplutôtmultiplicationdesformesdecetteimplication.3)Leconstataétéfaitdel'accroissementdunombredesintervenantssurce«marchédel'expertise»(sociétés de conseil, think tanks...) qui viennent mettre à mal le monopole relatif dont jouissaientjusqu'icilesacadémiques.4)Laquestionaétéposéedelarelationentrecesévolutionsetl'émergenced'unparadigmenéolibéralet lamiseenplacedemodalitésd'actionpublique liéesà la réformede l'Etatselondesprincipesnéomanagériaux.Cepointasuscité,auseindelasectionthématique,desinterprétationsdivergentes.5) Enfin a été abordée la question de l’émergence de nouvelles modalités et de nouveaux outilsd’intervention,liésenparticulieràlamultiplicationdesprocéduresd'évaluation.Au total, la section thématique a surtout mis en évidence le constat de la diversification, voire del'éclatementdesmodalitésetdesformesdeprisedeparolepubliquedesacteursacadémiquescequilaisseouvertelaquestiondel’évolutiondeleurpropreréférentielprofessionnel.

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ST18:Circulationinternationaledesidéesetdenouveauxinstrumentsdespolitiquesenvironnementales:

Transfertsdepolitiques?

ResponsablesGillesMassardieretDenisPesche(CIRAD,ART‐DevUMR5281,Montpellier)

PhilippeLePrestre(Directeurdel’InstitutEnvironnementDéveloppementetSociété,UniversitéLaval,Québec)

1. INTRODUCTION

Dans l’esprit des travaux pionniers de Pierre Lascoumes, nous considérons que les questionsenvironnementales ne doivent pas être considérées seulement comme un domaine d’interventionspécifiquemaisqu’ellespréfigurentdestransformationsplusglobalesdesformesdel’actionpubliquedansnossociétés:«cedomained’actioncollective, impliquantautant lasociétépolitiqueque lasociétécivile, constitueun révélateurdesdynamiquesgénérales à l’œuvredans toutes lespolitiquespubliques»(Lascoumes 1994). Pour l’auteur, la véritable originalité des interventions dans le domaine del’environnement, réside dans ses méthodes d’interventions et en particulier sur «des procédurescréatrices de nouveaux rapports démocratiques entre l’Etat et les différents groupes d’intérêts de lasociétécivile».Les politiques publiques (PP), notamment environnementales, sont aussi marquées par une autrecaractéristique, peu explorée par Pierre Lascoumes: l’internationalisation à la fois de l’agenda desgouvernementsetdecertainsacteursnationaux(Evans,2004)maisaussidedifférentscontenus(idéesouinstruments).Deplus,ledomainedel’environnementpossèdeuneautrespécificitéimportantequiestliéeaufaitqu’ilad’abordété«construit»,depuislafinduXIXesiècle,pardesacteursnonétatiques(sociétéssavantesliéesàlaprotectiondelanature,gestionnairesdesressources,…),puisàété«misentraité»pourenfin,àpartirdesannées 1970,donner lieuà la constructiondebureaucraties internationalesetensuitedeministères nationaux en charge des politiques environnementales (Meyer et al. 1997). A l’inverse debeaucoupdesecteur, l’internationalisationaenquelquesorteprécédé,ouaumoinsété relativementsimultanée,delaconstructiondesagendasnationaux.Face à ces spécificités, nous nous sommes demandé si la notion de «policy transfer » pouvait êtreheuristiquepoursaisirlesarticulationscomplexesentrenational,interettransnationaldansledomainede l’environnement. En effet, pour explorer une des facettes de l’internationalisation des politiquespubliques, la notion de «transfert de politique publique» ou Policy Transfer (PT) fait flores dans lalittérature des dernières années, à tel point que semble se constituer un sous‐domainede recherchespécifique,lesPolicyTransferStudies(PTS)1.LadéfinitiondesPTproposéeparDolowitzetMarsh(2000)faitréférencedansbeaucoupdepapiers:lesPTsontconsidéréscommedes«processusparlesquelsdesinformationsetdessavoirsconcernantlespolitiquespubliquespropresàunsystèmepolitique–passéouprésent–sontempruntéesetutiliséesdansle cadre du développement de politiques publiques dans un autre système politique ». Cette définition

1Lesarticlespionnierssurcettenotiondatentdumilieudesannées1990maisl’explosiondelalittératuresurlesTPPestplusrécente,àcompterdumilieudesannées2000(source:comptagebibliométriquesurWebofScience).UneexcellenterevuebibliographiqueaétépubliéeparDelpeuch,Thierry.2008."L'analysedestransfertsinternationauxdepolitiquespubliques:unétatdel'art."Pp.69inQuestionsderecherchen°27.Paris:CERISciencePo.

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générale laisseentendreque lamodalitéde l’internationalisationdespolitiquessecaractérisepardesfluxdemodèlesdePPdepointsémetteursAversdespoints récepteursB,un «A toB»enquelquesorte.Une telle définition suppose aussi «la présence d’un modèle de référence, d’acteurs engagés dansl’exportationet/oudansl’importationdecemodèle,d’unevariétédecanaux,mécanismesetstratégiesde transfert,deprocessuscomplexesde réceptionaboutissantà l’appropriationdumodèle sousuneformealtérée,avec, leplussouvent,desconséquences imprévues» (Delpeuch2008).Danssoncadreanalytique,MarcEvans(2004)introduitlanotionde«réseauxdetransfertsdepolitiques»pourinsistersurl’importancedeladimensionintentionnelledansleprocessusdetransfert.Card’unautrecôté,lestransferts peuvent aussi être analysés dans la littérature comme des contraintes pesant sur les paysimportateurs.

Schéman°1:processusetquestionsabordésparl’approcheentermesdePT

Cette section thématique n°18 du Congrès de l’AFSP de Strasbourg (2011) a cherché à discuter lapertinence et l’utilité de la notion de PT pour le cas des politiques environnementales. Lescommunicationsprésentéeslorsdelasectionthématiquenousincitentalors,au‐delàduparadigmedesPTS,àformulerleshypothèsesexploratoiressuivantes:1/L’internationalisationdesPPnes’arrêtepasauxseulsPTtelquedéfinisparDolowitzetMarsh,c’est‐à‐direà«l’exemplaritédel’étranger»(Frinault,LeBart,2009)niàlalégitimationparcertainesélitesnationalesdesmodèlesdePPimportés.Comprendrel’internationalisationdesPPsupposeégalementderegarderlafabricationde«modèles»,ouàtoutlemoinsdeprescriptions,deplusenplusfaçonnésdans des arènes inter ou transnationales plus ou moins autonomes sans référence obligatoire à unmodèlenational.Ils’agitalorsderépondreàtroisquestions:(1)danscecas,peut‐onencoreparlerdePT ? (2)Sioui,, cesarènessont‐ellesdes regroupementsd’acteursœuvrantentre lespointsAetBetdontilseraitpossibled’analyserlerôlegrâceàl’outildesanalysesmulti‐niveaux?(3)Oubiencesarènessont‐elles des espaces relativement autonomes, en formation, dont il convient de comprendre lesprocessusdialectiques (entrenationalet inter/transnational) de leur autonomisationd’unepart, et larelativitédecetteautonomieàtraverslesrelationsqu’ilsentretiennentavecAetBd’autrepart?

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2/La frontièrevoire laséparationanalytiqueentre interet transnationalestuneaporie : l’élaborationdes politiques environnementales serait le fruit de l’imbrication entre des dynamiquesintergouvernementales(interventionsdesEtats,négociationsintergouvernementalesdetraités)etdesdynamiquestransnationales(arènesexpertespeuinvestiesparlesEtats,mobilisationsdesacteursdesONG,militantismeenréseauxtransnationauxdedéfensedecauses,entreprisestransnationales,…).3/Si«régimeenvironnementalglobal»(Meyeretal.1997)ouglobalpublicpolicy(Stone2008)ilya,lesPTne sont qu’unedesmodalités de la fabricationdes PPqui sont aussi le sièged’autres processus(problématisation, mise sur agenda, fabrication et circulation de paradigmes,,…). PlusieurscommunicationsprésentéesinsistentnotammentsurlecaractèrecirculatoirepluscomplexequeleseultransfertévoquéparlesPTetmontrentdesprocessusdeco‐constructiondesidéesetinstrumentsdansdemultiples«arènes».4/Unedivisionpolitiquedutravailsemettraitenplaceentre,d’unepart,unniveauinternationaldontla «capacité politique» (Painter et Pierre, 2005) se restreindrait à l’élaboration (problématisation etmise sur agenda)despolitiquespubliqueset, d’autrepart, lesniveauxnationauxet territoriaux qui,non seulement, participeraient également à cette élaboration mais, de plus, auraient une capacitésupplémentaired’implémentation.L’enjeuquesoulèvecette section thématiqueà travers l’interrogationsur lavaliditéheuristiquede lanotion de transfert n’est donc pas secondaire: comment lire l’un des phénomènes marquant de larecompositiondespolitiquespubliquesqu’estleurinter/transnationalisation?

Serions‐nousfaceàunphénomènesupplémentairedepertede«capacitépolitique»desEtatsauprofitdeprocessusagençantdefaçoncompositedesrecettes,normeset instrumentsdepolitiquepubliquedevenantdeplusenplusdes«bienspublicsmondiaux»?

Serions‐nous alors devant des processus d’autonomisation de «régimes» internationaux quimarginaliseraientcettecapacité«domestique»?2

Ou bien serions‐nous plutôt devant des recompositions plus subtiles où des réseaux multi‐niveauxlaisseraientvoirl’enchevêtrement,lacoopérationet/oulaconcurrence,d’acteursdontlesressourcesetcapacitéspolitiquesseraientconstruitesàchaqueniveauetàleurjonction?

Danscedernierschéma,propiceàuneapprocheentermesde«configurationstransnationales»(Hassenteufel,2005;Dumoulin,2010),quelleseraitlaplaceetlerôledescourtiersoupasseursmulti‐niveaux?

Lecadred’analysedespolicy transfer studies apportentdesélémentsheuristiques importantspour lacompréhensiondel’internationalisationdesPP(2)maisiln’estpassanslimites(3)misesenlumièreparlescontributionsdelasectionthématique(4).

2. LESAPPORTSHEURISTIQUESDESPTS

PourM.Evans, lecadred’analysedesPTconstitueessentiellementunmodèleanalogiquequipermetd’articulerlesanalysesdomestiques,comparativesetinternationalesensciencepolitique(Evans2004).Ainsi, cette approche des transferts élargie celle en termes de mimétismes qui n’est qu’une desmodalités de transfert, reconnue par beaucoup d’auteurs comme la plus rare (Bennett and Howlett1992; Rose 1991). La notion de transfert serait donc un moyen empirique de comprendre lesphénomènes de transnationalisation des politiques publiques par une analyse sociologique desopérateurs de transferts et, d’autre part, de mettre à jour des «configuration d’interactionstransnationales»(Hassenteufel2005).

2Danstouslescas,ilestindéniablequ’ilexistedefortesdisparitésdanslescapacitésdesEtatsà«jouer»etagir(ousubir)danscesarchitecturescomplexes.

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Certainstravauxontouvert lavoieàune priseencomptefinedes«récepteurs»desmodèlesetdesmodalitésd’intégrationd’éléments«exogènes»dans lesprocessusdePPpar lebiaisdemécanismesd’apprentissage(Rose1991;ShipanandVolden2008;WolmanandPage2002).Enmettantlafocalesurcette étape de la réception, ces recherches permettent de nuancer la vision trop binaire (Etatsforts/faibles,dominants/dominés,…)ensoulignantl’autonomierelativedesadministrationsetrégimesdes pays du Sud dans leurs interactions avec la communauté internationale de l’aide publique audéveloppement (cf. les communications de Rozenn Diallo pour le cas du Mozambique, de PhilippeMéraletJean‐FrançoisLeCoq,deCécileBidaudpourleCostaRicaetMadagascarquiconfirmentcettevisionpluscomplexed’Etatsauxcapacitésdifférenciéesmaistoujourseffectives).Ens’accordantdoncpourdireque le transfertn’estque très rarementcopiemaisplutôthybridation,traduction,adaptation,empruntpartiel,siègedelogiquesd’apprentissage, lesanalysesdesPToffrentégalementlapossibilitédedépasserlescatégoriesdualesnational/internationalsanstomberforcémentdans l’indéfinition parfois idéalisée du transnational et de ses avatars (société civile internationale,gouvernance mondiale,…). Il ne s’agit pas ici de nier l’émergence de processus et d’espacestransnationaux(Saunier2004),phénomènesbienréels,maisdechercheràbiensaisir lesarticulations,circulationset transfertsentre cesespaces transnationauxen formationet lesdifférentsniveauxdesarchitecturesterritoriales/nationales/internationales.LesEtatssetrouventaujourd’hui«concurrencés»par les ONG, le secteur privé, l’autonomisation des OIG (Hawkins, Hall, Nielson, Tierney, 2009) quiétendentleursmandatsfaceauxEtats.L’extensiondesbureaucratiesdesOIGdiffusentuneculturedumultilatéralisme (Schemeil, 2011). Dans cette concurrence, de nombreux acteurs interagissent et lesnotions d’entrepreneurs et de réseaux de transferts (Stone, 2000; Evans, 2004) sont utiles pouridentifierlesacteursdecesrecompositions.Onsouligneraquelalittératuresurlestransfertss’estdéveloppéeessentiellementsurdesexemplesdepaysduNordetdetransfertsgénéralementNord‐Nord.Certainsauteursestimentquelalittératuresurlespolitiquesdedéveloppement,depuis lesannées1950,nousrenseignentaussisurcesprocessusdetransfertsetgagneraientàêtreprisencomptedans lesanalyses faisant l’étatdes travaux sur lesPT(Darbon2009).Forceestdeconstateraussiquepeudetravauxexistentaujourd’huisurdestransfertsSud‐Sud,voireSud‐Nord.Lescommunicationsàlasectionthématiquen°18apportentdesélémentsencesens.

3. LIMITESDEL’APPROCHEENTERMESDEPT

Lapremièrelimiteestl’insistancesurlavariablecontrainte/volontarismeetlanotiondemodèlequienrésulte.Lalittératureévoqueeneffetunegradationentredelacopieàl’inspiration(Roseproposetroisétapes entre ces deux extrêmes, Rose, 1991. Beaucoup de travaux insistent sur la variablevolontarisme/coercition dans le processus de transfert (Dolowitz and Marsh 2000). Ces auteursconstruisent une typologie des modalités de transferts selon un curseur se déplaçant à partir de lavariablecoercitive:

• LetransfertpeutêtrevolontaireàpartirdecequeRoseappellelelessondrawing.Unmodèleest importé pour pallier à un échec de politique domestique. L’exemplarité extérieure entrealorssurl’agendapolitiquenationaletdevientunenjeupolitiquenational.

• Letransfertpeutêtrenégociéparunpaysoudesorganisationsinternationalespour«ajuster»une politique nationale en contrepartie de fonds, d’accès à des marchés… Entre égalementdanscettecatégoriele«bandwagoning»,c’est‐à‐direunphénomèned’imitationdespolitiquesdespaysvoisins.

• Enfin, le transfert peut être coercitif lorsque des politiques sont imposées depuis l’extérieurcontre la volonté des gouvernements et des populations (cas de nombreuses politiques«inspirées»parlaBanquemondialeouleFMIdanslesPED).

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De sorte que lamétaphore du «modèle» devient centrale dans l’approche par les transferts. D’unemanière plus générale, l’approche PTS raisonne en termes de «modèle» transférés, notion trèsdiscutée(Darbon2009).D.Darbonparexempleestimequeceserait la répétitiondutransfertetsonpouvoiràêtreunbon«produitd’appel»pourl’idéologiedumomentquiconsacreraitlemodèleetnonlesqualitésintrinsèquesdel’objettransféré.Ducoup,unesecondelimiteapparait,liéeàladiversitédesprocessusquerecouvrelanotiondetransfert.Cequiesttransféréestgénéralementcatégoriséentrois«objets»:desprocessus/design,desinstrumentsetdesidées(BennettandHowlett1992).Deplus,cequiesttransféréestpresquetoujourstransforméàtraversleprocessusdetransfert/adoption.Lefloudecequiesttransféré,oudumoinsdesoncaractère«plastique»estaussirenforcéeparl’idéequeleprofil des entrepreneurs de transfert est déterminant pour comprendre ce qui va circuler (Delpeuch2008;DolowitzandMarsh1996)(reprisparM.Hrabanskidanssaprésentation).Dansuntelparadigme,ildevientdifficiledecomprendrelesphénomènesdeco‐constructiondesidéesetinstrumentsquicirculent.

La troisième limite résidedans le fait que, dansuneperspective séquentielle, la littérature segmenteschématiquement et analytiquement le processus de transfert en trois «moments»: (1)construction/émergencedumodèle (engénéralpeuanalysée), (2) circulation/exportationdumodèle,(3)réception/importationdumodèle.Selonlafocalemiseparlestravauxsurcestrois«moments»dutransfert, ils porteront une attention particulière à la sociogenèse desmodèles de PP (construction,émergence,processusfinalementpeuabordésparlesPTS),àlasociologiedespasseurs(circulation)ouauxmécanismesd’apprentissages (réceptiondumodèle). Il est toutefoisutilede soulignerquecettesegmentation, comme l’analyse séquentielle des PP, peut constituer un obstacle à la compréhensiondes processus en cours du fait de l’étroite imbrication de ces trois «moments» et, parfois, de leursimultanéité: par exemple, un fonctionnaire national participant à l’élaboration de normes dans desarènes internationales, enamontd’un transfert, estdéjà,dansunecertainemesure,en trainde fairedesapprentissagesquiserontauprincipedel’éventuelleadoptiondecettenormedanslalégislationdesonproprepays.Laquatrièmelimiteest lafaiblehistoricisationdel’approchePTS.Cettecritiqueévoquéeparplusieursauteurs(DumoulinandSaurugger2010;Saunier2004)semesureaufaitque la littératureTPPqualifieaisément lesprocessusdetransfertcomme«nouveaux»à l’exempledudébutderésuméd’articledeDianeStone:«Publicpolicyhasbeenaprisoneroftheword“state.”Yet,thestateisreconfiguredbyglobalization»(2008).Pourtant, laglobalisationdesformesde l’Etatn’ariendenouvelle.Ladiffusionde l’Etat durant la période postcoloniale en est un exemple (Badie 1992; Bayart 1989). La«modernisation de l’Etat» dans les années 1960 est issue de transferts transatlantiques, via desfondations (Rockfeller, Ford…) finalement assezproches des analyses récentes sur les PTS (Guiader,2008).L’idée d’hybridation/adaptation/traductionest utile pour comprendre le «bricolage» permanent desacteurslorsdesprocessuspolitiques.Maiscesnotionsvéhiculentimplicitementl’idéedel’existencededeux modèles idéal‐typique (national/domestique vs inter/transnational, endogène vs exogène) etpermetdifficilementde comprendreenquoi lesprocessuspolitiquesnationauxont aussi leurproprehistoricitéquiexpliquepourpartieleurnaturecomposite(LaborierandTrom2003).D’autrespolitiquesontmontréquecequiapparaîtcommeun«modèlenational»peutêtre le résultatd’empruntsetdesynthèses bricolées à partir de plusieurs «traditions nationales» comme c’est le cas des théories degestion US construite à partir d’emprunts de diverses expériences européennes (Saunier 2003). Cesconsidérationsrenforcentlesargumentsenfaveurdel’utilisationdelanotiondecirculation,pluslargeque celle de transfert, tant les emprunts mutuels et les mélanges peuvent s’enchaîner dans desprocessusdedéployantparfoissurplusieursdécennies.Par ailleurs, si l’expansion des circulations internationales est peu discutable, dans quellemesure lesanalysesentermesdePTapportentunenouveautéthéoriqueouméthodologique?L’analysedesPTse

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caractérise‐t‐elleparunobjetparticulieroucorrespond‐elleàuneévolutionsignificativedans la façondepenserlepolitique?Enfin,pourcertainsauteurs,lecourantdesPTSrecouvredesapprochesavecdescadresthéoriquesetméthodologiquesdifférentsetparfoiscontradictoires,obscurcissantlesanalysesplutôtqu’ellesneleséclaircissent (James and Lodge 2003). Ces auteurs estiment que la notion de PT aide difficilement àdémêlerd’autresprocessusintervenantdanslepolicymaking.Lamiseenexerguedesatoutsetlimitesde l’approche des PTS résulte parfois du jeu de la construction des distinctions dans le champacadémique. A travers lamobilisation de travaux empiriques diversifiés, la section thématique n°18 acherché à explorer plus avant cette examen sans tomber pour autant dans le rejet ou l’adoptionenthousiaste d’un cadre d’analyse que tous s’accordent à dire qu’il a stimulé et stimule encore lesdébatsscientifiques.

4. APPORTDESCOMMUNICATIONSETDESDÉBATSLORSDELAST18

En reprenant les variables généralement retenues pour analyser à grands traits la diversité desprocessus de PT, on peut rapidement situer les contributions de la section thématique n°18 dans untableausynthétique.Ils’agitderepérer,enpremieraperçu,ledomainespécifiquedupapierconcerné,l’objet qui circule ou est transféré, le moment spécifiquement analyse(production/circulation/importation)etlamodalitédutransfert.

Tableaun°1.LescontributionsdelaSTselonlescatégoriesdelittératuresurlesPT

Contribution Objet Ce quicircule

Temporalité/moment

Modalité

C.Bidaud Madagascar, servicesenvironnementaux

Instruments réception Négociée,imposée

P.MéralJ.F.LeCoq

Servicesenvironnementaux,Madagascar, CostaRica

Instruments Production/Réception

Négociée

R.Diallo Plan de conservation,Mozambique

Instruments Réception Négociée

D.Dumoulin Aires protégées deconservation,professionnelssectoriels mexicains«enchassés» dans uneconfigurationtransnationale

Instruments,idées

(Co‐construction)/Circulation/exportation

Négociée

S.Louafi Banques de donnéesde gènes, scientifiqueset fonctionnairesinternationaux(courtiers), arènestransnationales

Idées,instruments

(Co‐construction)/circulation/exportation

Négociée

M.Hrabanski

Biodiversité, firmesmultinationales,servicesécosystémqiues

Idées (Co‐construction) Négociée

G.Bouleau Scientifiques,«idéologie de la

Idées (Co‐construction)/circula

Négociée

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modernisationécologique»

tion

Les limitessoulignéesdans lespagesprécédentesnousencouragentcependantàsoulignerdes traitscommunsàplusieurscontributionsetquivontdanslesensd’unediscussiondumodèleanalogiquedesPT.La confirmation du caractère circulatoire des processus d’internationalisation et du rôle descourtiers/passeursLa critique du caractère linéaire que véhicule la notion de transfert (A to B) est portée par deschercheursdéfendantplutôtdesanalysesentermedecirculation(desidées,desélites)(Saunier2004)etdetransnationalisationdesprocessuspolitiques(Stone2000;Stone2008)L’undesintérêtsdestextesdelasectionthématiqueestbienderenforcercettevisioncirculatoiredesidéesetinstrumentsdePPdansdesarènesetconfigurationstransetinternationalesquijouentunrôlefondamentaldansletransport, ladiffusionmaisaussietpeut‐êtresurtout,enamont,danslafabriquedesidéesetinstrumentsobjetsd’éventuelstransferts.Les contributions insistent sur les acteurs de ces circulations. Dans le domaine des politiquesenvironnementales, et plus particulièrement les processus décrits par les contributions cette sectionthématique, c’est la sociologie des passeurs qui est le plus souventmobilisée : le cas des «servicesenvironnementaux»àMadagascar(plutôt imposé,contributionsdeC.BidaudetdeP.MéraletJF.LeCoq) et au Costa Rica (plutôt accueilli, voire construits et traduits, contribution de JF. Le Coq et P.Méral),celuidesplansdeconservationsetdesélitesadministrativesmozambicaines(contributiondeR.Diallo) et celui des professionnels mexicains de la conservation (contribution de D. Dumoulin)s’intègrentaisémentdanslalittératuresurlesTPP.Des normes, idées et instruments qui émergent dans des espaces hybrides (inter/transnationaux;politiquesetscientifiques;présencesd’acteursétatiquesetnonétatique…)Plusieurs communicationsportant sur lesarènes transnationales,dans lesquelles s’insèrent les firmesmultinationales (services écosystémiques, contribution de M. Hrabanski), ou construites par lesscientifiques(banquesdegènes,contributiondeS.Louafi),oucellesoùcirculentdesreprésentationsdumonde(circulationsdela«modernisationécologique»,contributiondeG.Bouleau)renvoientplutôtàl’émergenceéventuelledemodèles,denormesetparaissentdecefaitpluséloignéesdelalittératuresurlesPTstrictosensu.Decepointdevue,ellessontutilespourmettrel’accentsurlalimited’unevisionlinéaire et unidimensionnelle de transferts de modèles en montrant que l’émergence d’idées ou demodes de coordination stabilisés résultent d’interactions complexes entre acteurs évoluant dans lesespacesnationaux,interettransnationaux.C’esticiquelanotionde«configurationtransnationale»(contributiondeD.Dumoulin)adosséeàunemicrosociologie interactionniste (aspects méthodologiques de la contribution de M. Hrabanski), estd’un grand secours. La diffusion des idées et des instruments de PP s’opère dans des arènesinter/transnationalesplusoumoins formelles etplusoumoins liées entre ellespar l’intermédiairedecourtiers(S.Louafi)quifont«configurationtransnationales».

Schéman°2:Arènesinternationalesfragmentées,circulationsetproductiondespolitiques

environnementales.

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Danscecontexte,l’intentionnalitévéhiculéeparlanotiondetransfertdevientviterelative.Eneffet,sientrepreneurs de causes et courtiers transnationaux développent des stratégies d’enrôlement denouveaux acteurs dans leur cause, beaucoup de choses se négocient dans ces «configurationstransnationales»,cequisembled’ailleursêtrelegagedeleursuccès.Etreenrôlésanssecompromettreavecunecauseetaucontrairepouvoirnégocieruneposturededéfensedeses intérêts, tellesembleêtrelaposturedesnouveauxenrôlés.Lecasdesfirmesmultinationalesquiintègrentlesdiscussionssurle contenu des «services écosystémiques» semble alimenter cette hypothèse (contributions de M.Hrabanski). Ces processus de co‐constructions négociées de causes entre acteurs «associés‐rivaux»dansdes«configurations transnationales» instablesplaidentalorspluspour la construction/diffusionaléatoirequepourleprocessusdetransfertvolontaire.Danscertainessituationsempiriques,plusquedetransferts,faudrait‐ilplutôtrevenirà laproblématiquediffusionniste,ouàcelleplusdynamiquedecirculations.L’aspectvolontairedelarecherchedesolutionseretrouvepeudanslescasmozambicainoumalgache.Cettedimension volontairede l’importationdemodèle extérieur ne semblepasheuristiquedans cesdeuxcas,cecipourdesraisonsdifférentes.

• Au Mozambique (contribution de R. Diallo), les élites internationalisées contribuent àl’importationentantqu’agentsdetransfertmaissous l’emprisedesbailleursdefondsdans lamesureoùlemodèlen’estguèrel’objetd’unchoixvolontairedeleurpart.

• AMadagascar (contributiondeC.Bidaud), l’aspect coercitifduprocessusauxmainsdesONGsemblemarginaliserlesvolontésétatiquesdemaîtriserlestransferts.Lelessonsdrawing(Rose,1991)n’est‐ilpasfinalementqu’unedesmodalitésdeproblématisationdesPPquicorrespondàdes circonstances trèsparticulières?Enmême temps, ce casde figureestambivalentdans lamesure où la structure du champ politique et la «crise» que vit ce régime retourne lacontrainte: les OI sont, si ce n’est contrainte, mais en tous les cas dépendantes dans leursintentions.

LecasduCostaRica(contributiondeJ.F.LeCoqetP.Méral),lesélitessemblentavoirchoisilemodèledesservicesenvironnementaux,voirecontribuéàleconstruire,toutenétantdesagentstrèsactifsdesontripletransfert:versledomestique,verslesarènestransnationalesetversd’autrespays.

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Inter/transnationalisationdespolitiquespubliquesqui nemarginalisentpas les capacitésdes acteursdesespacesnationaux(segmentsdel’Etat,groupesd’intérêts,…)La plupart des contributionsmontrent également que les logiques nationales (champs scientifiques,politiques) restent prégnantes (contribution de R. Diallo, S. Louafi, D. Dumoulin notamment). LescontributionsdeR.Diallo,P.MéraletJ.FLeCoqmontrentque,sicirculationtransnationaledemodèlesilya,celle‐civients’encastrerdanslesstructuressocialesetpolitiquesnationales(champspolitiquesetbureaucratiques, institutions étatiques, enjeux nationaux…) qui n’ont de cesse de les traduire «auquotidien». Comme le souligne la littérature sur la variété des capitalismes (Hall, Soskice, 2001), les«avantagesinstitutionnels»faceauxchocsexternesquesontcespolitiquesvenuesd’ailleurssontdesressourcespourlesEtatsafindes’adapteràceschocs,chacunselonsatrajectoirehistorique,forgeantainsi des types très variés de PP. Homogénéisation et convergence des PP, malgré l’accélérationindéniabledeleurinternationalisation,seraientdoncàrelativiser.LesreconfigurationsdesEtatsparlaglobalisationsupposentdesanalysesnationalesdetrajectoiresdesEtatspourhistoricisercesprocessusetévitertoutedictaturedel’immédiat.La «communauté» scientifique est souvent perçue comme relativement internationalisée, du fait ducaractère universel revendiqué par la connaissance scientifique et ses modalités de production.Comment lirepourautant lespratiquesd’échangedesavoirsscientifiquesentre lesscientifiquesdanslesarènestransnationales?Sont‐cedespratiquesparallèlesoubientotalementdéconnectéesdecellesdes échanges disciplinaires propre aux champs scientifiques nationalement structurés? Commentcomprendrelescoalitionsdesavoirssavantsdansl’internationalisationdesPP(Weible,Sabatier,2009)?Ne sont‐elles pas finalement que des parties prenantes supplémentaires du processus plus large deproblématisation des PP nationalespar des coalitions déjà existantes? L’international n’est‐il pas àanalysercommeuneressourcepourcertainsacteursdecoalitionsnationales?Sansminimiser les apports des PTS, comment replacer cette littérature foisonnante par rapport auxtravaux sur l’intergouvernementalisme libéral (Moravcsik 1999) ? Ces analyses auraient‐elles perdutoute pertinence face au développement des arènes transnationales? Sont‐ce des processusparallèlesou enchâssés? On voit bien comment les PTS apportent des contributions, soulèvent desquestionsdeportéeplusgénérale.Faut‐il voirpourautant lesPTScommeundomainehomogènedetravauxouplutôtcomme l’explorationsystématiquedeprocessusdiversifiésquiposentoureposent,parfoissousunnouveaujour,desquestionnementsanciens.Uneinternationalisationdesprocessusclassiquesdepolicymaking?Ne faut‐ilpasvoir lesPTcommedesprocessusparticuliers,enchâssésdans lesprocessusaujourd’huibien connus du policy‐making (problématisation, mise sur agenda…), dans ceux des mobilisationssociales transnationales, advocacy networks, et de jeux aux frontières des Etats (Keck, Sikkink,1998)aveclescapacitésàmettresurl’agendapolitiquenationalde«nouvelles»questions,parlejeudel’«effet boomerang».L’inter et le transnational sont à l’évidence de «nouvelles» ressources pourcertains entrepreneurs de politique publique «domestiques». Faut‐il différencier, théoriquement etméthodologiquement, les analyses des courtiers inter/transnationaux de celles déjà fournies enlittératuresurles«courtiers»ou«passeurs»despolitiquespubliques?Lalittératuresurlestransferts,commebeaucoupde thématique émergente, véhicule parfois des logiques performatives: puisqu’onparledes transferts, c’estqu’ilsexistent,etqu’ils constituentunnouveauchampde rechercheàpartentière3:ils’agiraitalorsdecomprendrelesrelationsentrelestransfertsetcesautresprocessus.

3Etsesinvétablescritiquescontestantlapertinenceetlalégitimitédecesuccèsrapidemaiscontribuantaussil’autonomisationdecenouveauchampderecherches(James,Oliver,andMartinLodge.2003."TheLimitationsof‘PolicyTransfer’and‘LessonDrawing’forPublicPolicyResearch."PoliticalStudiesReview1:179‐193.

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L’approchedesPTne serait‐elle finalementpasunemanièreempiriquede repenser les classiquesdel’analyse des PP en ajoutant un niveau supplémentaire, l’international, dans le policy making? Lalittérature classique d’obédience stratégiste et constructiviste sur les «entrepreneurs de politiquespubliques»,la«misesuragenda»,les«fenêtresd’opportunité»(Cobb,Elder,1975;Kingdon,2010)nesevoit‐ellepasoffrirunesecondejeunesseaveclesprocessusrécentsd’internationalisationdesPP?Undescourantsd’étudedesPTSestcentrésurlesprocessusententantdelessituerdanslesprocessusdécisionnelsnationaux(Evans,2005).C’estaussilechoixdelacontributiondeR.Diallodeliersociologiedes élites bureaucratiques nationales, processus décisionnels et contraintes extérieures. Ce courantd’analysesepenchesur les«agents»detransferts,enpositionde«doubleallégeance»,nationaleetinternationale,pourlecasmozambicain.Cettecontributionmontrequecettedoublepostureautorisecesélitesbureaucratiquesàaligner(nonsansluttespolitiquesetbureaucratiquespropresauxchampsnationaux)lesagendasdesdeuxniveauxetainsiàre‐problématiserlesPPnationales.R.Diallomontreque lesélitesbureaucratiquesnégocient«auquotidien» l’agendade leuradministrationnationaleenlesbricolantavecceuxdesbailleursdefondsquifinancent laréorganisationde laPPdeconservationaussibiensur le fondde lapolitiqueelle‐mêmequesursagouvernance.Finalement, lanouveautéduprocessusserait l’amplificationde«l’éxogénéisationdessommetsde l’Etat»(anglemortdespapiers,misàpart lacontributiondeR.Diallo).Certainesélitesde l’Etat«jouent lacarte»de l’extérieurpourrenforcer leur «capacité politique» nationale et leur position personnelle (y compris les subsidespersonnels, ce n’est pas négligeable) dans les jeux et luttes nationales. Cette situation évoque lesanalysesdeSaskiaSassenquicritiquelavisiondesEtatsquis’adapteraientauxpressionsextérieures:c’est vrai pour certains segments de l’Etatmais il existe des transformations profondes de l’Etat quisontaucœurdesprocessusdeglobalisation:«Lenationalestunsitedelapolitiqueglobale»et«descomposantesparticulièresde l’Etatcommencentà fonctionnercomme centred’accueil institutionnelpour le fonctionnement de puissantes dynamiques constitutives du ‘capital global’ ou qui lui sontessentielles.Cefaisant,ces institutionsétatiquesréorientent leuractionpolitiqueparticulièreou leursagendas étatiques plus larges en fonction des exigences de l’économie globale, alorsmême qu’ellescontinuentd’êtrecodéescommenationales»(Sassen2009).Comme le montre la littérature importante de l’analyse des PP, la construction des «problèmes»échappedeplusenplusàcequiauraitétéunquasimonopoledesEtats.La«démographiegalopante»des acteurs qui entrent en PP (experts et consultants, autorités administratives indépendantes etagences, lobbies, mouvements sociaux, ONG…) amène à parler aujourd’hui moins de politiquespubliquesqued’actionpublique(Massardier,2008).Danscecontexte,lephénomènedefragmentationdes lieuxde fabricationdesPP amplifie ceprocessus (arènesparticipatives, réseaux…). Ladéfinitiondesproblèmespublicsn’endevientquepluscomplexecarpluscontroversée,concurrentielle,longueetincertaine.Les techniciensde l’Etatsortentde leurseul rôled’administrateurdePPcalibréespar leurseul «dogmes sectoriels» (Papadopoulos, 1995) pour négocier la définition des problèmes et dessolutionsapplicablesavecd’autresrationalitéset«dogmes».Restequedanscefatras,J.Kingdonavaitrepéré la «capacitépolitique » de certains acteurs stratèges, les «entrepreneurs de politiquespubliques», à imposer leurs problématisation et solutions: en se saisissant de «fenêtresd’opportunité» (stratégie dans la temporalité) d’une part, et en alignant les «courants» politiques(stratégiesurlecontenu).Lepolicy‐making repose sur les «ressources» de certains acteurs (légitimité politique et/ou experteset/ousociale–pouvoirpolitiquedel’économique…‐,mobilisationdunombreet/oudelaforce,pouvoirfinancier, capital social – centralité dans des réseaux…)qui leur permet de s’octroyer une «capacitépolitique»définiecomme«lafacultédemobiliser lesressourcesnécessairespoureffectuerdeschoixcollectifspertinentsetdefixerdesorientationsstratégiquespourl’allocationderessourcesraresàdesfinspubliques»(PainteretPierre,2005).Au‐delàdeslimitesdecetteapproche,savaleurheuristiqueestréelle.CumuléeàuneapprocheentermesderéseauxoucoalitiondePP,l’approchedeKingdonpermetd’expliquer pourquoi, à un moment donné, une définition d’un problème public et des solutionsémergent comme le «possible» ayant écarté d’autres «possibles». Dans cette optique, les acteurs

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inter/transnationauxetinternationalisésneferaientqu’ajouteràlalistedes«entrepreneurs»stratègesayantune«capacitépolitique»àdéfinirproblèmesetsolutions.Mais,àcestade,troisquestionss’imposent:

1. L’internationalneserait‐ilalorsqu’uneressourcesupplémentairepourrenforcer lacapacitédecertainsacteurs?

2. Leniveau international acquière‐t‐il une autonomiedeproblématisationdesPPou l’approchemulti‐niveauxdemeure‐t‐elleheuristique?

3. Comment penser le constat de la concomitance entre normes «globales» et PP«nationales»danslecasdespolitiquesenvironnementales(alorsquedansd’autresdomaines,les politiques et traditions nationales ont largement précédé la construction d’agendas et denormesinternationales)?

5. PISTESD’APPROFONDISSEMENTS

Enguisedeconclusiontrèsprovisoire,voiciquelquespistesd’approfondissementquenousaimerionsmettreendiscussioncommeautantdedirectionsderecherches,plusoumoinsarticulées.SurlafragmentationdeslieuxprocessusdefabricationdespolitiquesenvironnementalesIlestadmisquelesarènesinternationalessontfragmentéesetqu’ellessontparfoisarticuléesdansdesarchitectures complexes (Biermann et al. 2009). Quelles sont les logiques de ces fragmentationsetcloisonnements ? Comment s’articulent‐elles parfois entre elles? Y aurait‐il des dynamiques dehiérarchisation à l’œuvre? (prééminence croissante de l’agenda climatique sur d’autres agendasglobaux,articulationcommerceetdéveloppement,…).Lacompréhensionplusfinedecesdynamiqueset une meilleure représentation des architectures internationales permettrait de mieux comprendrel’élaboration de modèles, de normes, la sélection d’instruments dans les interactions articulant cesarènesfragmentées.Surladiversitédesprocessusd’internationalisationdespolitiquesenvironnementalesetleurarticulationIlestaussiadmisquelespolitiquesnationalesenvironnementalessontfabriquéesetmisesenœuvreenpartiesousdesimpulsionsinternationales(traitésetconventions,droitinternationale,…).N’ya‐t‐ilpasdes situations diversifiées dans ce domaine selon le type de politique environnementales (eau,carbone,…)? Quelles sont les modalités pratiques par lesquelles s’exercent ces empruntsinternationaux?Transfertset/ouautresprocessus?Unedes conclusions de la ST est que les PT ne sont qu’undes processus à l’œuvre.Quelles sont lesmodalitésdifférentesdel’internationalisationdesPP:Transformationsdesélites(modesdesélection,socialisations,…), différentesmodalités de circulation (coalitions ouvertes, coalitions d’experts,miseentraité,contraintedetransferts,travailpolitiquesdepasseurs…?Comments’articulent‐elles?Il est admis qu’une des spécificités des politiques environnementales est leur technicité liée auxincertitudesscientifiquesquientourelesgrandsdébats(changementclimatique,standardsdepollutiondes eaux…).Deplus, les débats scientifiques, économiques et sociologiques se sont emparés et ontconstruit le développement durable, le capitalisme vert, la modernisation écologique, devenus desgrandsréférentielsconvergents,denouvellesidéologiesetregistresdejustificationd’unecompatibilitéentrecroissancecapitalistiqueetprotectiondel’environnement.Commentseconstruisentcesregistreset idéologies? (ContributiondeG.Bouleau).Quels rôles y jouent les scientifiques?Avecquels autresacteurs?Quelest lerapportentreproductiondesciencedans lesstructuresdeschampsscientifiquesconcernésetlesprocessuspolitiquesnationauxetinternationaux?Quelestlerôledusavoirsavant,desenjeuxetlogiquedelaproductionconcurrentielledescienceetdecesproducteursdanslaproduction

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et la circulationde ces registres ? Quels sont les scientifiques qui entre en «problématisation»internationalesdespolitiquesenvironnementales?(ContributiondeS.Louafi).Il est admis que la circulation internationale des prescriptions, normes et instruments de politiquesenvironnementales reposent sur la «capacité politique» de «courtiers» ou passeurs entre niveaux,Etatsetarènesou lestroisenmêmetemps.Mais lescontributionsde laST insistentégalementsur lerôled’acteursnonhumainsquesontlesécritsetrapportsinternationauxdanscettecirculation.Quellessont les stratégies à l’œuvre pour accéder à cette capacité politique de dicter le monde: stratégiesd’accèsauxbaordsquilesrédigent;quellesstratégiesdesélectionetdecooptationdesrédacteursdesrapports? Quels rôles jouent ces écrits dans la production d’irréversibilité dans le processusinternational de problématisation de l’environnement? Quel rôle jouent‐ils dans la classificationinternationaledumonde?Commentcomprendrelessuccessstoriesdecertainsrapportsinternationauxqui deviennent des marqueurs incontournables des politiques environnementales et par là mêmecontribuentàlacirculationrapided’idéesetinstrumentsdepolitiques?SurlaposturedesEtatsdanslesprocessusd’internationalisationdespolitiquesdel’environnementOnaévoquél’idéeque,danscertainessituations(fréquentes?),lesEtats«reprenaientlamain»?Maisquels Etats, ou quels segments de l’Etat? Cette affirmation va à l’encontre d’une vision où laglobalisation effacerait le rôle des Etats.Assiste‐t‐on à la fin dupolitique comme centré autour de lalogiquedesEtats‐Nations,deleursintérêtsetbureaucraties(commel’exprimelesécritsdeB.Badieparexemple)ouplutôtàdesrecompositionsdesmodesd’actiondesEtats(Bayart2004)quisontaussidesacteursactifsdanslesprocessusdeglobalisation(Sassen2009)?Ces premiers échanges autour de la notiondepolicy transfer, de circulation internationale des idées,instruments et recettes de politiques publiques dans le domaine de l’environnement ouvrentrésolumentdespistesde travail diversifiéesquedes travauxde rechercheactuels et futurspourrontcreuser.

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ST21:Politiquesdel’Immigration:entrejusticeetdémocratie

ResponsablesSperantaDumitru(UniversitéParisDescartes)

RaulMagniBerton(IEPGrenoble) Lasectionaréuni14travauxautourdelaquestiondespolitiquesdel’immigrationjugéeentermesdelégitimitédémocratiqueetdejusticesociale.Avecdeschercheur(e)svenu(e)sdesEtats‐Unis,duCanada,deSuède,d’Espagne,d’Italie,deFrancelasectionaréussisonouvertureinternationale.L’ouverture internationale s’est traduite par une convergence des thématiques abordées, plusieurscontributions se répondant l’une à l’autre demanière assez inattendue. Cette convergence est signed’unestandardisationdudébatenthéoriepolitiquedel’immigration.Troisquestionsonteneffetététraitéesparplusieursinterventions,malgréleurdiversitéthématique.

1. Frontièresouvertesoufrontièresfermées?Laplupartdes interventionsontmis l’accentsur l’ouverturedesfrontièresdont lesavantagesétaientjugésaussibienàl’aunedesplusrécentesétudeséconomiques,sociologiquesouphilosophiques,quepar lesprincipalesorganisations internationales, tellesque l’ONU.Parexemple,AntoninaLevatino etAntoine Pécoud, à travers une analyse longitudinale des textes des organisations internationales,constatentunoptimismecroissantfaceàl’ouverturedesfrontières,incarnédansl’idéede«triplewin»delamigrationqualifiée.Dès lors, laquestionqui émergedans ladiscussionestpourquoi les frontières restent fermées. Troisréponse ont semblé émerger. Dans son analyse, Christophe Bouillaud propose indirectement uneexplicationdelafermetureentermesdecraintedel’opinionpubliquequelesdémocratiesoccidentalesn’empirent leursituationquin’est jugéeavantageusequecomparéeàcelledesautres.CetteaversionaurisqueestappeléeparBouillaudutilitarismealéatoireetnégatif.Uneréponsealternativeestdonnéeparl’approcherépublicainequisoulignel’importancedesdroitsdescommunautéspolitiquesdechoisirleursmembres. Sophie Guérard de Latour et Alex Sager, qui discutent cette approche, y voient unesource de tension avec les droits des travailleurs migrants et concluent – la première en termesd’interdépendance et la seconde en termes de non‐domination – à la nécessité d’une relaxation desconditionsdurépiblicanisme.Uneautreexplicationdelafermetureest liéeautrade‐offentrefermetureetcompensationpar l’aideaudéveloppement.SperantaDumitruconsidèreque l’aideaudéveloppementnepeutpascompenserl’inégalité des chances pourtant combattue dans toutes les démocraties occidentales. L’idée de“separatebutequalopportunities”estincohérente,toutcommel’idéed’undroitdesEtatssouverainsd’exclurelesmigrantstoutenaugmentantleursopportunités.

2. Qu’est‐cequ’unepolitiqued’immigrationjusteetquidoitendécider?L’unedes thèses les plus discutées actuellement est celle de la légitimité de restreindre le choix despolitiques d’immigration aux seuls citoyens du pays d’accueil. Certains soutiennent que les immigréspotentielsontdroitàprendrepartauxdécisionsdespaysconcernantleurpolitiqued’intégration,danslamesureoùilsensontaumoinsautantconcernésquelescitoyensdespaysd’accueil.LacontributiondeSolangeChavels’appuiesuruncertainnombred’étudessociologiquespourmontrerque,dans lesfaits,lesdécisionsd’admissionnesontpasprisesdanslesparlementsetqueplusieursacteurs–dontles

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fonctionnaires des guichets, à la préfecture – participent à la décision de savoir qui peut être admis.SonnyPerseilconcourtàcetteinterprétationenarguantquelaloilaisseunemarged’interprétationquitransformelesjugesendécideursdespolitiquesd’immigration.MartinProvencher,quantà lui,acontesté la légitimitédescitoyenscommedécideursd’unepolitiqued’admission,enarguantqu’encasderefus,l’Etatdoitcompenserfinancièrementlaviolationdudroitàla libre circulation des individus. Ce système équivaut à une amende que l’Etat devrait payer, selonSperantaDumitru.De soncoté, JohanRochel s’estplutôt concentré sur l’exigenced’une justificationpubliqueque lesEtatsdoiventfournir lorsqu’ilsdécidentderefuser l’accueilàdespopulationsoudesindividus.D’unefaçonplusspécifique,ElinPalmconstateuneforteaugmentationdanslestechnologiesquipermettentdecontrôlerlesdéplacementsauseinetentrelesétats,etlesdécritdefaçondétaillée.Ellemontrequeces techniquesdesurveillance, imposéesaux immigrésmaisnonauxnatifs,peuventavoir des effets positifs, comme celui de protéger le bien‐être des immigrés irréguliers, et des effetsnégatifs, comme les risques accrus encourus si l’on veut échapper à ces contrôles. En outre, desconsidérationspurementéthiquesseposentconcernantlerespectdelavieprivéedesmigrants.

3. Qu’est‐cequ’unecohabitationjusteentregroupesethniquesdifférents? Cette question, étudiée traditionnellement du point de vue des politiques d’intégration, prendaujourd’huideplusenplusunedimensionéthique,nourriedesthéoriesdelajustice.FedericoZuolo,quireprésentaitunprogrammeeuropéenRESPECT,analyselespolitiquesquiportentsurlesmusulmansetlesRroms,ensoulignantlanécessitéd’abandonneruneintégrationfondéesurlatolérance,pourluienremplacerunefondéesurlerespect.LecasdesRomaestégalementétudié,dansuneperspectiveplusempirique,parMagaliBessone.Cettequestionseraaussiabordée,defaçonindirecte,parCristelCournilquidécritlesrégimesenvisagésencasdemigrationclimatiqueetlesconséquencesquis’ensuivent.La section thématique a ouvert des chantiers tant sur le plan théorique que sur le plan descollaborations institutionnelles. Une publication internationale devrait compléter cette premièrerencontre.

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ST22:Despolitiquesd’égalitéauxpolitiquesdel’identité:parité,diversité,intersectionnalité

ResponsablesMaximeForest(UniversitéComplutensedeMadrid)

RéjaneSénac‐Slawinski(CNRS/CentreMauriceHalbwachsEHESS‐ENS

Présentationscientifique

Dans un contexte de promotion d’une politique antidiscriminatoire globale par l’Union européenne,nombreux sont les travaux (Rees, 1999, Rubery, 2002 ; Squires, 2005 ;Woodward, 2005 ; Stratigaki,2008)qui questionnent les enjeuxde l’intégration– voire, la dilution ‐ de l’égalité des sexes (gendermainstreaming)dansl’égalitépourtous(diversitymainstreaming).L’inclusionen2006du«sexe»parmiles motifs de discrimination énoncés par l’article 13 du traité d’Amsterdam (1997) et le choix de laCommissioneuropéennedefairede l’année2007« l’Annéeeuropéennede l'égalitédeschancespourtous»ontpueneffetêtreanalyséscomme lepassageàuneconception«additionnelle»de la luttecontre lesdiscriminations(Shaw,2004;Lombardo,Verloo,2009).Or laquestionseposedesavoirenparticuliersi lesdifférentessourcesd’inégalitéssontconsidéréesdemanièreséparée,sous leregistrede l’identité, ou si elles sont abordées au prisme de leurs intersections, dans une perspectivetransversale(Squires,2008).

Le terme d’intersectionnalité, traduction française de l’intersectionnality introduite dès lesannées1980pardesuniversitairesaméricain‐e‐s(cf.Crenshaw,1990),faitcependantencorefiguredenéologisme et les expressions discriminations croisées ou multiples (Falquet, Hirata, Lautier, 2006 ;Lanquetin, 2009), consubstantialité ou articulation des rapports sociaux (Kergoat, 2007) lui sontpréférées.Toutefois,commelesoulignelajuristeMarie‐ThérèseLanquetin,«lesdistinctionsfaitespourcaractériserladiscriminationmultiple,oumulticritères,appellentdesréponsesdifférentes.Cen’estpaslamêmechosedeparlerd’unesuccessiondediscriminations,d’uncumuldecritèresdiscriminatoiresoud’une interactionde critères. (Auniveaueuropéen) lemodede traitement actuel ne cherchepas, entoutcas,àanalyserlesinteractions.Ilpermetseulementdetraiterdesdossiersencherchantlemotifàl’origine de la mesure ou le motif qui apparaît le plus facile à démontrer » (2009, 103‐104). Cettedistinction s’impose également du point de vue analytique, et les travaux récents sur le conceptd’intersectionnalité proposent de nombreuses pistes pour appréhender les effets croisés desdiscriminationsmultiples(Lombardo,Meier,2009;Squires,Skeje,2011).

C’estàl’aunedecesdébatsmenésàlafoissurleterraindesétudesjuridiquesetdel’analysedespolitiquespubliques,etquitrouvent leurtraductiondans lespolitiquesd’égalitéetde luttecontre lesdiscriminations menées au sein de l’UE, qu’il nous semble pertinent d’appréhender la diffusion duvocable de la diversité dans le champ français de l’action publique, Un nombre croissant de travauxsoulignenteneffetleglissementdelaluttecontrelesdiscriminationsverslapromotiondel’égalitédeschances puis de la diversité (Doycheva, Hachimi Alaoui, 2008 ; Hüet, 2008 ; Geisser, Soum, 2008 ;Michaels, 2009 ;Travail,genreet sociétés, 2009 ;Wievorka,2009 ;Bereni, Jaunait, 2009).Danscetteperspective, le vocable diversité est utilisé alternativement, voire conjointement, pour désigner lapromotion des personnes discriminées sans préciser le critère de discrimination (sexe, âge, origine,orientationsexuelle,handicap…)etprioritairement,voireexclusivement, lespersonnesdites« issuesdeladiversité»etégalementdésignéessousl’expression«minoritésvisibles».

En écho aux travaux faisant « apparaître la diversité comme un discours fondamentalementdépolitisant:soninstitutionnalisationcondui(san)tgénéralementàrefoulerlerépertoireconflictueldel’anti‐discrimination,àocculterendernièreinstancelaquestionethno‐raciale,etàgommerlesrapportsdepouvoirentrelesgroupesmajoritairesetminoritaires»(Bereni,Jaunait,2009,10),leproposdecettesection était doncdepolitiser le dépolitisant. Pour cela, il s’agissait d’interroger le contraste entre lastabilité de la catégorie juridique et politique d’égalité, en particulier appliquée à l’égalité entre les

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femmesetleshommes,etl’émergencedansledébatpolitiqueetéconomiquedutermedediversitéquis’imposedans l’ambiance relativement consensuelled’une «novlangue » appliquée à la fois à l’actionpubliqueetàlagestiondesressourceshumaines(Barth,Falcoz,2007;Cornet,Laufer,Belghiti,2009),voireaumarketing(Andreanietalii.,2008).

Dans le prolongement des travaux sur la parité et en complémentarité avec les travaux surl’émergence du terme de diversité, ses usages sociaux et les polémiques concernant sa mesure, ils’agissait donc d’interroger l’affirmation selon laquelle la diversité n’est une catégorie ni juridique nipolitiquepouranalyser sesenjeuxdans le champdumanagementpublic,dès lorsque la refontedespolitiques anti‐discriminatoires est susceptible d’affecter l’ensemble des instruments de l’actionpublique. A l’instar de la parité, la reconnaissance de la diversité dans l’espace public, pose‐t‐elle ledilemmedelareconnaissanced’identitésetd’unecitoyenneté«différenciées»(Kymlicka,1999,2001;Young, 1990, 2000), oubien constitue‐ t‐elle une stratégiediscursivepermettantde traduiredansunregistrenationallesenjeuxposésàl’ensembledessociétéseuropéennescontemporaines?

S’inscrivant dans le prolongement de groupes de travail organisés dans le cadre de l’ECPR(Belfast, Janvier 2009, Lisbonne, avril 2009 et Budapest, janvier 2011), et du congrès de l’Associationespagnoledesciencepolitique(Malaga,septembre2009),cettesectionentendaitainsiclarifier le liendesmutationscontemporainesdel’actionpubliqueenFrance,avecledéveloppementd’untraitementconjointdes«discriminationsmultiples»auniveaucommunautaire.Afindedéclinercesenjeuxrelevantà la fois des catégories discursives et des instruments mis en œuvre dans le traitement desdiscriminations, et des concepts activés par la littérature pour ses saisir de ces évolutions, il étaitessentieldecontribueràdépasser«laconfusionconceptuelleentrelescausesetlesconséquencesdesinégalités, les principes (égalité) et outils (mixité, parité), les champs de la décision politique etéconomique, le discours sur les valeurs et celui sur lesméthodes (actionspositives). » (Junter, 2004,199‐200) Pour cela, ont notamment été encouragées les contributions recourant aux vertus del’approche comparéeoudiscutant lesdifférentesarticulationsposéespar la littérature internationaleentre ces concepts charnières, ainsi que le recours aux approches sociologiques et cognitives del’européanisationdespolitiquespubliques(Forest,Lombardo,2011).

Cesquestionnementsontétéabordésdanslecadrededeuxsessions.‐Lapremière,intitulée«Discriminationmulticritère,intersectionnalité,articulationdesrapportssociaux:au‐delàdesenjeuxsémantiques»visaitenparticulieràéclairerlesdéfisposéstantàl’actionpubliqueen faveurde l’égalitéetde la lutte contre lesdiscriminations,qu’aux travaux sur l’actionpubliqueetl’action collective autour de ces questions.‐Laseconde,sousletitre«Parité,diversité:entrepolicyetpolity»,proposaitd’éclairerlesglissementssuccessifsdespolitiquesd’égalitéversdespolitiquesdel’identité,notammentàlalumièredestravauxles plus récents sur la parité. Ils seront analysés à travers des programmes d’action (policy) dont lesobjectifsetlesmoyenssontl'expressionàlafoisdeconfigurationspolitiquesetdecombatsélectoraux(politics),etdelaconceptionglobale,du«référentiel»qu’ilincarne(polity).

Compte‐renduscientifique

Lescontributionsprésentéesdanslecadredecettesectionthématiqueontdansl’ensemblepermisderépondreauparti‐prisméthodologiquequiétait lenôtre,à savoir celuid’une réflexioncroiséesur lesconcepts, les catégories discursives et les pratiques associés ces dernières années aux politiquesantidiscriminatoiresenEurope.

Ceciaétérendupossibleenpremier lieupar ladiversitédespointsdevuedisciplinairesreprésentés:juristes, politistes et sociologues ont ainsi apporté différents éclairages sur la mise en œuvre dedispositifsantidiscriminatoiresoud’actionpositived’ordresjuridique,institutionneloubienrelevantdespratiques instauréesdans l’enseignement supérieur (IEPetécolesde journalisme). Enparticulier, nosdébatsontpermisd’effectuerunva‐et‐vientconstantentretravauxetdonnéesempiriques,d’unepart,et démarches théoriques ou bien relevant de l’analyse discursive de l’action publique. Ce processus

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itératif s’est notamment révélé éclairant pour dissocier les différentes catégories dans lesquelless’inscriventlespolitiquesd’égalitédessexesetdeluttecontrelesdiscriminations:concepts‐méthodes,tels que la parité ou la transversalité de genre; catégories opératoires, telle que la discriminationmulticritères; catégorie discursive fonctionnant également comme principe de justification despolitiquesdeluttecontrelesdiscriminations,àl’instarduvocabledeladiversité;conceptsanalytiquestels que l’intersectionnalité. En particulier, la multiplication des points de vue disciplinaires tend àconfrontercescatégoriesplusoumoinsdirectementassociéesàl’actionpublique,àd’autrescatégoriesplus anciennes ou plus fermement établies dans chacune de nos disciplines, telles que les rapportssociaux(desexe)ensociologieouleprinciped’égalitéenDroit.

Grâceàsoncaractèrepluridisciplinaire,cettesectionthématiqueaainsioffertderichesdébatsautourdes deux notions les plus récemment introduites dans le contexte français et présentement les plusdiscutées à l’échelle européenne, que sont les discriminations multiples (ou multicritères) etl’intersectiondugenreavecd’autresfacteursdediscriminations.Cesdébats,ànotreconnaissance lesplus détaillés menés à ce jour en France sur le terrain académique des sciences politiques, ont nonseulement permis de défricher un certain nombre de notions et d’objets encore peu investis par larecherche en France, mais également d’en proposer des définitions actualisées, éclairées par lesavancées les plus récentes de la littérature internationale. Il est du reste notable que parmi lesparticipants,leconceptd’intersectionnalitéaitdéjàfaitl’objetd’uneréflexionapprofondie,endépitdesonfaiblenombred’occurrencedanslespublicationsacadémiquesfrancophones.

On regrettera néanmoins qu’en se faisant excuser, David Risse et Alexandre Tandé aient privé noséchangesd’apportsempiriquesissusdeterrains–laBelgiqueetleQuébec–oùlapriseencomptedesdiscriminationsmultiples et de l’intersectiondedifférents facteurs dediscriminations fait déjà l’objetd’uneréflexionplusavancée,tantdelapartdesanalystesquedesresponsablesdel’actionpublique.

Ildemeurequ’ainsiquelesoulignelebrefcompte‐rendudechacunedessessionsproposéci‐après,leséchangesnoués lorsde cette section thématiqueaurontétéparticulièrement richeset fructueux,del’avisunanimedesparticipant‐e‐s.

Axe1:Discriminationmulticritère,intersectionnalité,articulationdesrapportssociaux

Discutant:MaximeForest(ProjetQUING/6ePCRD)

• RolandPfefferkorn(UniversitédeStrasbourg,LaboratoireCulturesetSociétésenEurope)Articulerlesrapportssociaux.Rapportsdeclasse,desexe,deracisation

• FrédéricEdel(ENA,Strasbourg)Identité,parité,diversité…etégalité.Lestatutdeladifférencedanslesécritsdedroitpublicportantsurl’interdictiondeladiscrimination

• OlivierPhilippe(IEPdeToulouse)Inégalitéssocialesetdiscriminations.Lesenjeuxdelaréactivationdelafiguredu«boursierméritant»

Excusée:HoriaKebabza(UniversitédeToulouseLeMirail,groupeSAGESSE)EXCUSEE

Cette première session s’est révélée particulièrement stimulante pour poser les contours de notreréflexion,puisqu’elleassociaitdeuxcontributionsaucontenuessentiellementthéoriqueconfrontantleregardd’unsociologueàceluid’unjuriste,àunecontributionfondéesuruneenquêteempiriquemenéeauprèsdesétudiantsboursiersdel’IEPdeToulouse.

Critiquant lanotion«molle»de liensocialdiffuséecesdernièresannées,RolandPfefferkornaproposé un retour sur celle de rapports sociaux, porteuse à la fois de cohésion et de conflits et

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renvoyant au caractère fondamentalement dynamique des interactions sociales. Cette notion, a‐t‐ilinsisté, n’a cependant pas vocation à dissimuler l’existence de «systèmes totaux de catégorisation»concurrents (rapportsdeclasse, rapportssociauxdesexe,voire rapportsde race),maisaucontraire,ainsique le soulignedepuisdenombreusesannées la sociologueDanièleKergoat, àendémontrer lecaractèreconsubstantiel–àl’imagedulienquiexisteentrerapportsdesexeetrapportsdeclasse.Acetitre,lestravauxréalisésautourdecelienpermettentdesoulignerquelaréflexionsurlecroisementdedifférentsmarqueursd’inégalité,desubordinationoudediscriminationnedatepasde«l’importation»des débats sur l’intersectionnalité en France. Toutefois, les discussions ont notamment permisd’interroger,à l’instardes travauxsur l’intersectionnalité, ladifficultédepenserdes rapports sociauxconstruits autour de systèmes de domination et d’inégalités structurés de manières différentes etprésentant différents degrés de transversalité, ainsi que la nécessité d’historiciser l’approche de cesrapportssociauxspécifiquesenfonctionducontextedanslequelilss’inscrivent.

FrédéricEdelaquantàluiillustréladifficultéparticulièreposéeauDroitparlapriseencomptede l’interactionentredifférentssystèmesd’inégalité.A traversunesavante revuedescatégorisationsproposéespardiscipline,ilmontrecependantquelamiseenœuvred’unDroitdelanon‐discriminationlargementd’originecommunautaire,neconstituepastantunedérogationauprinciped’égalitéqu’unemiseenœuvre«radicale»decedernier,dèslorsquelaloiobligeàtraiterdifféremmentdessituationsdissemblables.Cefaisant,ilsoulignel’absenced’undébatrationnellementorganiséautourduprincipemême d’égalité au sein de la discipline juridique et la prégnance toujours forte, dans le contextefrançais,dumodèlerestrictifénoncéparKelsen.Cettecontributionaégalementpermisderéfléchir ladichotomieintervenuedepuislesannées2000,entrel’applicationduprinciped’égalitéetceluidenon‐discrimination,vuessentiellementcommeun«perfectionnement»dupremier(Pelloux),làoùl’analysede l’actionpubliquetendàvoirunglissementparadigmatique,d’oùles interrogationssur lecaractèrehasardeuxd’unethéorisationd’untelglissementàpartird’unpostulatdecontinuité(ou,cequirevientaumême,dedérogationàunprincipeantérieur).Enfin,OlivierPhilippeaabordécesobjetsàpartird’uneenquêtedeterrainmenéeà l’IEPdeToulouseautourd’undispositifdeboursesàlamiseenplaceduquellui‐mêmeacontribué,etdelaréactivation,àl’issuedesémeutesde2005,de la figure tombéeendésuétudedu«boursiermilitant».De fait, cettedernière, qui constitue une dérogation ancienne à la tradition juridique française permettant unediscriminationpositivesur labasedecritèressociaux,offreuneentrée intéressantepourmieuxsaisirlesdifficultésparticulièresposéesenFranceparlamiseenœuvrededispositifsantidiscriminatoires.Eneffet, l’association de critères de zonage géographiques liés aux politiques de la ville aux critèressociaux traditionnels pour l’octroi de bourses, montre la désignation d’un public «par contours».L’analysedecedispositifsouligne lesanglesmortsd’unetelledémarche(telsqueceux laissésparunzonage urbain peu adapté à un département comptant, hors Toulouse, très peu d’agglomérationsimportantes),maisaussileseffetsdeperceptioninduitsparlafigureduboursierauprèsd’unepartdupublicvisé,telquesonappréhensioncommeundispositifdestiné«auxfilles».

Axe2:Parité,diversité:entrepolicyetpolity

Discutante:RéjaneSénac‐Slawinski(CentreMauriceHalbwachs(CNRS‐EHESS‐ENS)‐EquipedeRecherchesurlesInégalitésSociales)

• AudeSoubiron(UniversitéParisDauphine,IRISSO)Del’égalitédeschancesàladiversité?Lapolitiqued’égalitédansl’enseignementsupérieurfrançais

• FérielKachoukh(CentreOPALE/Observer,Penser,AgiraveclesLoispourl'Egalité)Lesdiscriminationsmulticritèresàl’encontredesfemmesimmigréesouissuesdel’immigrationsurlemarchédutravail

• MarionRabier(CentreMauriceHalbwachs(CNRS–EHESS–ENS),ETT)La « parité économique » au détriment de l’égalité professionnelle ? Les mobilisations desdirigeantes économiques en faveurdesquotasde femmesdans les conseils d’administrationdesgrandesentreprisesfrançaises

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• IvanChupin(UniversitédeLille2–CERAPS),AudeSoubiron(UniversitéParisDauphine,IRISSO)L’ethnicisationdumarchédesentreprisesdemédias:la«diversité»commenouvellecontraintedesécolesdejournalisme

Excusés:AlexandreTandé(UniversitéLibredeBruxelles–UniversitédeLille2),DavidRisse(UniversitédeLaval/Québec)

Lacontributiond’AudeSoubironestvenueélargir laperspectiveouverteparOlivierPhilippelorsdelapremière session, en abordant les politiques d’égalité mises en œuvre par différentes catégoriesd’établissementsd’enseignementsupérieurfrançais:IEP,écolesdecommercesetécolesd’ingénieurs.Celle‐ci, qui illustre bien les questionnements couverts par les interventions plus théoriques de lapremière session,montre notamment comment la reconstructionduproblèmedes inégalités opéréeces dernières années dans l’enseignement supérieur, articule une logique procédurale d’égalité deschancesàunenorme(managériale)derésultatformuléeentermedediversité.Atraversl’analysedelagrande variété de dispositifs mis en place notamment à l’IEP de Paris (voie d’accès dérogatoire auconcoursd’entrée)ouàl’ESSEC(tutorat), l’auteureadonnéàvoircommentlecaractèrelabileetfloudu vocable de diversité opère dans la pratique. A défaut d’une compréhension commune de ce querecouvrel’objectifdediversité,cesexemplesémergentcommedeuxmodèlesquivontêtrereprispardifférentsétablissementsenFrance, lesuniversitésn’y souscrivant toutefoisquede façonmarginale.Or,cesontcesexpériencesqui,enmatièredediversitéetded’inégalitésdansl’accèsàl’enseignementsupérieur,vontlargementnourrirlesdiscoursdesresponsablespublics.L’auteureaenoutrecomplétéce panorama par un regard sur la manière dont les chargés de mission égalité ou diversité de cesétablissements, ont construit un nouveau public, celui des «lycéens de milieu modeste à fortpotentiel», alternative à celle de l’élève en difficulté, caractéristique des politiques de lutte contrel’échecscolaire,maisaussiàcelledel’élèvebrillantdeslycéesdecentre‐ville.

Quant à la contribution co‐signée par Aude Soubiron et Ivan Chupin, elle se saisit d’un objetdifférent,égalementétroitementliéàladiffusionduvocabledeladiversité,queconstituel’émergencedel’exigencedediversitédanslesecteurdesmédias.Remontantégalementà2005,cephénomènesedéveloppe,ainsi que l’ont souligné les auteurs, sous l’action du CSA et des pouvoirs publics, maiségalementdesacteursmajeursdusecteurquesont leschaînesde télévisionpubliquesetprivées,auseindesquelless’estdiffusél’usageduthèmedeladiversitéparlarhétoriquemanagériale,insistantsurdes notions de performance. Or, ces différentes injonctions, auxquelles participent également desassociations,vontfavoriserlamiseenœuvre,parlesEcolesdejournalisme,dedispositifsexpérimentésdans d’autres types d’établissement. C’est en particulier pour la compréhension de ce processus decirculation de l’objectif de diversité entre des acteurs très différents, que cette contribution s’estrévéléeéclairante.D’autrepart, faceaucaractère labileduvocablede ladiversité, cette contributionmontreunedéfinitionessentiellementethno‐racialedeladiversitédanslesmédiaset ladilutionàsonprofitducritèresociale.Maiselleillustreégalementlastratégiede«niches»auxquellessouscriventlesformations en journalisme au sein d’un secteur rendu plus concurrentiel par l’intervention de filièrescommecellesproposéeàSciencesPo,ainsiquel’effetdesdemandesdesgrandsgroupesmédiatiquessurlesstratégiesd’établissementdesformationsaumétierdejournalisme.

Marion Rabier a quant à elle élargi notre perspective au cas de la parité économique,réintroduisant dans nos débat le référentiel paritaire et soulignant combien sa déclinaison dans lasphèrede l’entreprise constituait un glissement vers unenormemanagériale de la performance, auxdépensdel’objectifd’égalité.L’auteureaainsirappelélecontextefavorabledanslequels’étaitopéréela mobilisation de femmes occupant des fonctions managériales au sein de grands groupes: uncontextemarquéparlacrisede2009etlaquestiondelagouvernancedesentreprisesetdesprisesderisquesconsentiesparcertainsopérateurs.Aprèsavoiranalyséleprocessusd’adoptiondela loiCopé‐Zimmerman(2011),elleestensuiterevenuesurl’autonomisationdelacausedecesfemmesdirigeantesvis‐à‐visdelacausedesfemmesauprismed’unargumentaireéconomiqueetdeperformance.

Enfin,lacontributiondeFerielKachoukh,sefondaitsuruneétudeconduiteàlademandedelaHALDEetduServicedesDroitsdes femmesetde l’Egalité, consistantdansuneétudedesdispositifsinstitutionnelsexistantsetdelalittératurerelativeàlapriseencomptedesdiscriminationsmulticritèressur le marché du travail, en particulier au niveau de l’accès au premier emploi. Menée également à

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l’appuid’entretiensconduitsauprèsd’acteursdecespolitiquesenIledeFranceetenrégionProvence‐Alpes‐Côte d’Azur, cette étude confirme le caractère très récent de la prise en compte de cettethématique dans le contexte français. Ainsi, l’auteure souligne l’influence décisive du Droitcommunautaire,peuprésentedanslesautrescontributionsalorsqu’elleconstituel’undesmoteursduglissement opérés du traitement des inégalités vers celui des discriminations. Cette contributionsouligneenoutrelafaiblessedestransfertsinstitutionnelsopérésjusqu’àprésentdanscesecteur,sousformed’organestraitantdemanièreintégréedifférentsfacteursdediscrimination,ouassociantdanslecadre d’organes consultatifs, les acteurs issus de la société civile agissant autour de ces différentsfacteurs(desdispositifsprévusourecommandésparleniveaucommunautaire).

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ST23:Lescrisesdesantépublique:unequestionpolitique?

ResponsablesClaudeGilbert(PACTE)EmmanuelHenry(GSPE)

L’objectif de cette section thématique était d’interroger la dimension politique des

«crisesdesantépublique».Dansuneperspectivedesciencepolitique,l’objectifétaitdouble:tout d’abord déterminer la part des facteurs exogènes et des facteurs endogènes dans cescrises,enconsidérantcomme«facteursexogènes»lesremisesencausesdansl’espacepublic(suiteàdesmobilisationsetpublicisations)etcomme«facteursendogènes» lastructurationorganisationnelle spécifique du domaine de la «santé publique». Il s’agissait ensuite des’interrogersurdescrisesqui,bienqu’ayantuncaractère«politique»,deseffets«politiques»,apparaissent plutôt «apolitiques», avec une conversion incertaine des enjeux en termespoliticiens.Ilestdefaitrarequelesacteursdesarènespolitiquessesaisissentvolontairementdesquestionsde«santépublique»et les intègrentdansleursluttes.Lorsquec’est lecas, lestensionsetconflitsnerecoupentpastoujourslesclivagespartisans.Elles’estdérouléeendeuxsessions organisées sur le même modèle. Après une brève présentation de son article parl’auteur,letexteétaitdiscutéparunautreintervenantàcettesectionthématique.S’ensuivaitun débat‐discussion avec la salle. Les deux sessions ont permis d’explorer différentesinterrogationsautourdesrapportsentreévénementscritiquesetdimensionspolitiques.

Axe1:Cequelescrisesdesantépubliquefontàl’EtatLapremièresériedecommunicationsvisaitàmettreenévidencecommentlescrisesde

santépubliqueontconduit l’Etatetdifférentes institutionsnationaleset internationalesà setransformeretcommentellesmettentenlumièredenouvellesmodalitésdegouvernement.Enprivilégiantlecomparatisme,ledécalagehistoriqueetentraitantdecriseslesplusdiverses,lesdifférentescommunicationsontpermisdemieuxcomprendrepourquoic’estautourd’enjeuxde santé que se redessinent certaines sciences de gouvernement et certaines modalitésd’interventiondel’Etat.

Lepremiertexte«Entreenvironnementetsanté:lapolitisationdel’épidémiologieetdelatoxicologieàl’èredelasécuritésanitaire»présentéparHenriBergeronetJean‐NoëlJouzel(Centre de Sociologie des Organisations, SciencesPo/CNRS) s’est particulièrement intéresséauxdéterminationsinstitutionnellesdel’appropriationpolitiquededeuxsavoirsacadémiques(l’épidémiologieetlatoxicologie)àtraverslecasdel’obésitéetdesmaladiesliéesàl’utilisationde toxiques professionnels. Il souligne notamment que si ces savoirs servent les intérêtsd’acteurs dominants, ceux‐ci pourraient cependant aussi rendre possible d’autresappropriations(par lescitoyens, lestravailleurs).Lesecondtexte«Lacrisequinevientpas :essaidecomparaisondedeuxréponsessanitairesauxmenaces»présentéparFrançoisButon(CNRS / CEPEL‐Université Montpellier 1) et Frédéric Pierru (CNRS / IRISSO‐Université ParisDauphine)correspondàlacomparaisondedeuxréponsessanitairesauxmenacesdepandémiegrippalesurvenuesauxEtats‐Unisen1976etenFranceen2009.Ilviseàcomprendrequelrôle,danslesdeuxcas,ontjouélesépidémiologistesaussibiendanslamobilisationdelacrisequedans la légitimation de l’après‐crise. L’hypothèse centrale est que, compte tenu de leurposition, les épidémiologistes sont naturellement conduits à être des lanceurs d’alerte et àprivilégier les scénarios du pire. Le troisième texte «De l’urgentisation des routines à laroutinisation des urgences : Rage et IIM des crises sanitaires apprivoisées?» présenté par

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Franck Foures (INRA‐RITME/Centre de sociologie des organisations ‐ Sciences‐po Paris)s’attache,à traversdeuxexemples– la rageet les infections invasivesàméningocoques–,àmontrer comment, au‐delà des apparences et des discours habituels, les acteurs etorganisations en charge de ces questions tirent de véritables leçons de ces expériences,notammentenintégrantdeplusenplusdesélémentsdecontexte.Unegestionpluspolitiquede ces questions semble donc s’engager. Le quatrième texte « L’emprise politique desinstruments : l’administration des crises sanitaires. Le cas des contre‐indications au don desang» présenté par Renaud Crespin (Centre de Recherche sur l’Action Politique en Europe(CRAPE),CNRS,IEPdeRennes)viseàenrichir,àpartirdelaconstructiondesnormesdecontre‐indicationsaudondusangenFrance, l’analysedes instrumentsdans lechampd’analysedespolitiquespubliques. Est notamment soulignée la nécessitéd’une approcheplusdynamique,prenantnotammenten compte les tensionsentre lesdifférents acteurs impliquésautourdecet outil (cliniciens et épidémiologistes dans ce cas). Le cinquième texte «Tempêtesmicrobiennes.Lemondetransatlantiqueetlesscénariosépidémiques(1998‐2006)»,présentépar Patrick Zylberman (EHESP School of Public Health (Rennes & Paris) CERMES 3 / CNRSUMR8211, INSERM U750 ; EHESS) met en évidence l’importance du rôle joué par lascénarisationdesituationsexceptionnellesdansl’approchefaitedediversesmenacespardesresponsablespolitiquesnord‐américains. Ilestnotamment indiquécommentaétépromue lalogiquedupire,commentaussiBillClinton,grandlecteurdefictions,adevancéGeorgesBushdans son exploration. Enfin, un sixième texte «Du SRAS à la grippe aviaire : quel rôle pourl’OMSdanslagouvernanceinternationaledesrisquesdepandémies?»,présentéparNathalieBrender(HES,HauteécoledegestiondeGenève/HEG),amontrécommentl’OMSasusesaisirdes opportunités offertes par diverses crises sanitaires ayant un caractère global pourprogressivements’imposercommeleprincipalacteurdelagestiondecesrisques(notammentdanslecadrede«OneWorld;OneHealth»).

Axe2:CommentlescrisesdesantépubliquefontjouerlesfrontièresdupolitiqueDanscettedeuxièmesession, la focales’élargissaitversune interrogationquisortedes

frontièresde l’Etatetde lagestionpubliquepours’interrogersurcellesdupolitique.Undesparadoxesdescrisesdesantépubliqueesteneffetd’occuperuneplacepolitiquecentralesanspour autant entrer dans les catégories politiques classiques. Si les crises de santé publiquecontribuentàmodifierlesfrontièresetlecontenudupolitiqueaujourd’hui,ellesserventaussi,dans le cadre de certaines luttes, de fer de lance aux effets paradoxaux. Là encore lamultiplication des cas et des espaces géographiques a permis de chercher à affiner notrecompréhension des formes de politisation spécifique portées par les questions de santépublique. Le premier texte «La crise de la vache folle fut‐elle politique ? La « politisationapolitique»d’unenjeutransversal»présentéparThomasAlam(Ceraps,UMRCNRS8026,Lille2)etJérémieNollet(Ceraps,UMRCNRS8026,Lille2)visait,àtraverslaprésentationdetroismoments différents de cette crise, à montrer les formes différentes de politisation que ceproblèmeaconnu.Ce texteapermisdemettreenévidence lacomplexitédesprocessusdepolitisation et leurs liens parfois très lointain avec l’espace de la compétition politique. Ledeuxième texte «Quand une crise de santé publique survient sans ses experts. Le cas de ladrogue au volant» présenté par Henri Bergeron (SciencesPo, Centre de Sociologie desOrganisations/CSO,CNRS),PatrickCastel(SciencesPo,CentredeSociologiedesOrganisations/ CSO), CNRS) et Renaud Crespin (Centre de Recherche sur l’Action Politique en Europe(CRAPE),CNRS,IEPdeRennes)abordaitàtraversl’exempledel’usagededrogueauvolant,lesrapports entre expertise, décision publique et groupes de pression de différents horizons

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(scientifiques et économiques). Le troisième texte «De quelles crises chlordécone est‐il lenom?» présentéparMatthieu Fintz (AgenceNationale de Sécurité Sanitaire –Alimentation,Environnement,TravailetIrist(InstitutdeRecherchesInterdisciplinairessur lesScienceset laTechnologie) – EA 3424,Universitéde Strasbourg) revenait sur la crisedu chlordéconepourmontrer là encore la nécessité demettre en perspective les représentations d’un problèmesansselimiteràcellesémanantdesacteurslespluscentrauxdansleprocessusdedécision.Lequatrièmetexte«Unecrisesingulièreetapolitique?Lacontroversesurlavaccinationanti‐VHBenFrance»présentéparClémentPaule(CentreEuropéendeSociologieetdeSciencePolitique‐CentredeRecherchesPolitiquesde laSorbonne,UniversitéParis I) évoquaitnotamment lafaçon dont les parlementaires s’approprient les questions de santé publique en essayant decomprendrecommentles logiquespartisaness’articulentavecd’autreslogiquesdanslapriseen charge de ces questions. Enfin le cinquième texte ««Licenciement écologique» : laconversion d'une usine chimique suite à une crise de santé publique» présenté par PascalMarichalar (CentreMauriceHalbwachs /CNRS‐EHESS‐ENS,UMR8097) revenait sur leseffetsd’unecontroversedesantéenvironnementalesur les rapportssociauxdansuneentrepriseàtraversleregarddedifférentsmédecinsdutravailétantintervenusdansl’entreprise.

Cette section thématique s’est révélée être particulièrement riche. Le dispositif de

discussion adopté a permis d’organiser une véritable confrontation scientifique autour detextesqui,pourunbonnombred’entreeux,correspondaientàdesprojetsdepublicationsdéjàtrèsavancés.Surlefond,detrèsnombreuxpointsetaspectsontétéabordés.Onenretiendraici principalement deux. En premier lieu, la plupart des auteurs sont revenus sur une desinterrogationsintroduitesparlesresponsablesdecettesectionconcernantlecaractèreàfoispolitiqueetapolitiquedesproblèmessanitaires.Ceconstatayantété largementvalidé,aussibienàtraverslestextesquelesdiscussions,onestainsiconduitàouvrirou,plutôt,àréouvrirlaréflexion sur la configuration du politique aujourd’hui. Quel sens convient‐il de donner àl’émergenceetàlaproliférationdeproblèmesqui,bienquequalifiésdepolitiques,échappentaux clivages partisans? En second lieu, il est apparu que plusieurs contributions tournaientautour de la logique du pire, telle qu’elle semblemarquer l’analyse de diversesmenaces etl’engagementd’actionspubliques.Làencore,unchampderéflexionintéressantsembledevoirêtreexplorépuisquesi cette logiquedupirepeutêtre référéeà l’influencedesanticipationsfaitesencesens(notammentàtraversdesscénarios),elleapparaîtaussiétroitementliéeauxnécessités dans lesquelles se trouvent des acteurs (notamment des acteurs scientifiques,politico‐administratifs) àpromouvoir cette logique.Autrementdit: nedoit‐on s’attacher auxraisons ordinaires expliquant le goût actuel pour l’extraordinaire tel qu’il se développe àl’occasion des risques et des crises, desmenaces de tout type? Ce ne sont là que quelquespistes dégagées lors de cette section, mais elles semblent être en soi très stimulantes etparticulièrementprometteuses.

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ST25:Lesadministrationspubliquesenréforme(s):

unecomparaisonAllemagne‐France

ResponsablesJean‐MichelEymeri‐Douzans(IEPdeToulouse‐LaSSP

SabineKuhlmann(DHVSpeyer)

Poursuivant sur sa lancéedepuis sa création au9e Congrès à Toulouse, leGroupede Travail«SPCA» a souhaité cette année, à Strasbourg, cette ville‐symbole, «porte et pont» entreAllemagneetFrance,menerunecomparaisonapprofondielimitéeàl’étudeducasdecesdeuxpays.Pourcefaire, leGroupeSPCAs’estassociéauProf.Dr.SabineKuhlmann,titulairede laChaire de Sciences administratives européennes à la prestigieuse Hochschule de Speyer,spécialistedelacomparaisonfranco‐allemande.Surlefond,unecomparaisonfranco‐allemandeenmatièredesciencepolitiquecomparéedesadministrationspubliquess’imposaitàplusd’untitre.Toutd’abord,FranceetAllemagnesontdes pays de haute et ancienne tradition administrative, où les administrations occupent uneplace considérable, tant au concret que sur un plan symbolique, dans nos sociétés: ellesméritentparconséquentuneattentionparticulière.Enoutre, l’Allemagneet laFrancefaisantpartiedupetitnombredevieuxEtatsoccidentauxoùs’estinventéepresqueenmêmetempsla«bureaucratie rationnelle‐légale», ces deux pays continuent à être considérés comme des«modèles»oudes«types»danslestravauxinternationauxd’administrationscomparées:ilyadoncuneplus‐valuespécifiqueàresserrerlafocalesureux.C’estd’autantpluslecasdanslecadred’uneproductionscientifiqueinternationalequi,depuisl’apparitiondanslesannées1980de cette forme de libéralisme appliqué aux réformes administratives qu’est le «New PublicManagement», n’a cessédediscuterduplusoumoinsgranddegréde réceptivitédesdiversmodèles administratifs nationaux à ce néo‐managérialisme public. La tendance semble fortedanscesécritsàranger l’Allemagneet laFranceparmi lespaysréticentsvoirerésistantsàceZeitgeistanglophone,etàenconclurequelesadministrationspubliquesennosdeuxpaysseseraientdoncpeuréforméesdepuisvingtoutrenteansencomparaisonduRoyaume‐Unioud’autresEtatsdel’UEetdel’OCDE.Orcediscoursvabientropviteenbesogne.Aurebours,cetteST25entendaitconcouriràmontrerquelaréalitéestbienpluscomplexeetnuancée,endonnantl’occasiond’échangeràdeschercheursvenusdesdeuxcôtésduRhin.Carles «trajectoires» que connaissent les administrations nationales sont diverses (Pollitt &Bouckaert, 2004) et la «diffusion» transnationale des préceptes et recettes néo‐managérialistes n’a rien de mécanique: elle fait l’objet d’«acclimatations» localisées etd’usages stratégiques différenciés dans chaque configuration nationale considérée (Eymeri‐Douzans&Pierre,2011).Quiplusest,nospaysconnaissentaussidesréformesinstitutionnellesaux logiques pour l’essentiel endogènes: les réformes depuis 1982 de l’administrationterritorialeenFrance,pardécentralisationetdéconcentration,ensontunbonexemple.Contre l’idée reçue de «l’impossible réforme» française et, symétriquement, de la «forced’inertie de l’administration publique allemande (qui) a toujours été considérable (et) estparfois effrayante» (Thomas Ellwein, 1997), les diverses communications présentée à cetteST25ontmisenregard l’évolutionconcrète‐réelledes institutionsadministrativesallemandes

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etfrançaisesdanslesdécenniesrécentes.Pourcefaire,etcomptetenuàlafoisdelastructurefédéraledel’Allemagne(dans laquelle leniveaufédérald’administrationesttrès limité)etdel’imbrication et hybridation croissante (évidente en France sous la récente RGPP) entreréformes des administrations d’Etat, centrales et déconcentrées, et réformes dedécentralisation,notreattentionaportésurlesdifférentsniveauxdegouvernement:leniveaucentralaniméparlemouvementde«réformedel’Etat»oudeNeuesSteuerungsmodelletlesniveauxterritoriauxeuxaussienréforme(s)desdeuxcôtésduRhin.L’onaainsipusoulignerles permanences et/mais pris aussi l’exacte mesure des nombreuses innovations et deschangements majeurs intervenus dans la structuration de nos institutions administratives,parfoisàgrandscoupsd’«effetsd’annonce»maisaussi«àbasbruit».Au total, cette ST25, mettant en commun les résultats précis de recherches de terrain, acontribuéàinterrogerlefaitquedeuxpaysaprioripeuouvertsàlarhétoriqueduréformismeadministratifd’inspirationanglo‐saxonneont,«selonleurgéniepropre»pourparaphraserlesRomantiquesallemandsoufrançaisduXIXesiècle,misenbranleleursappareilsadministratifset,mêlant hybridations, syncrétisme, adaptations instrumentales autant que discursives, faitmontred’unecapacitéauchangementenfaitassezremarquable–quoiquevariableselonleséchelons territoriaux et les branches de l’administration. C’est ainsi que les administrationspubliquesallemandeetfrançaise,àl’instardecellesdemaintsautrespaysmaispasdelamêmefaçon,sontentréesdansl’èreduréformismeinstitutionnelpermanent:«laréforme»acesséd’êtrecetemps limitédeconjonctureexceptionnelleet labiledechangementaprèsquoi l’on«reviendraitàlanormale»,pourdevenirunedesconstantesdufonctionnementordinairedenos institutionspubliquesetde lavieordinairedeceuxqui lespeuplent,avectous leseffetsinduits de recalcification et de néo‐bureaucratisation progressives qu’ilest passionnant deporteraujour.Dans le cadre de cette problématique générale, se sont déroulées deux séances au coursdesquellesontétéprésentéeslescommunicationsdontlesabstractssontreprisci‐après:1èreséance:Leniveaunationald’administrationenréformes:BundetEtatcentralPrésidentdeséance:AlistairCole,CardiffUniversityDiscutante:PascaleLaborier,Universitéd’AmiensJean‐Michel Eymeri‐Douzans, IEP de Toulouse‐LaSSP, et Sabine Kuhlmann, DHV Speyer:L’AllemagneetlaFrancesont‐ellesdes«NPMlaggards»?Observationscritiquessurunstéréotypeinternational.Dans les comparaisons du mouvement international de réformes administratives, l’Europecontinentale (à l’exception des Pays‐Bas et de quelques autres pays) est considérée commeune terre de «trainards» (laggards), tard venus au néo‐management public, au rebours despays anglo‐saxons toujours décrits comme des précurseurs. L’Allemagne et la France enparticulier,probablementparcequ’ellessontles«mèrespatries»delabureaucratiemoderne,sont souventpriseenexemplede résistanceà ceZeitgeist anglo‐saxon.Enconséquence, lesadministrationsdenosdeuxpaysauraientétémoinsréforméesquecellesduRoyaume‐Unioud’autrespaysde l’UEet de l’OCDE.Or cette communicationentendmettre enquestionunetelleassertion,certesprédominantemaisquivatropviteenbesogne.Durantlesdernièresdécennies,laFranceetl’Allemagneontconnudeprofondschangementsde leurs structures, culturesetpratiquesadministratives, certainsde ces changementsétantpourpartieinspirésparlespréceptesetrecettesnéo‐managériauxquandd’autresétaientplus

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endogènes.Cepapiersouhaitesoulignerl’ampleurdecestrajectoiresnationalesderéformeetlescomparer,auxfinsdedémontrerquelesadministrationsallemandeetfrançaisesontellesaussi, comme celles des autres pays développés mais à leur façon, entrées dans l’ère duréformismeinstitutionnelpermanent.FranceandGermanyas“NPMlaggards”?Criticalanalysesofaninternationalstereotype.Whilecomparingtheinternationalreformmovementwithinpublicadministration,ContinentalEurope(withtheexceptionofTheNetherlandsandafewothercountries)isregardedasalandof “laggards” and “latecomers” as regards NPM, whereas the Anglo‐Saxon countries arealwaysdescribedas“forerunners”.GermanyandFrance inparticular,probablybecause theyareboth“motherlands”ofmodernbureaucracy,areoftendescribedasresistingtosuchAnglo‐SaxonZeitgeist.Asaresult,publicadministrations inourtwocountrieswouldhavebeenlessreformed than theonesof theUKorotherEU/OECDcountries.Ourcontribution isaimedatchallengingsuchaprominentyetoversimplifiedassumption.Over the recent decades, France and Germany have undergone profound changes in theiradministrativestructures,culturesandpractices,someofthembeingpartly inspiredbyNPMpreceptsandrecipeswhilesomeothersweremoreendogenouschanges.Inthispaperwewishtounderlinetheimportanceofthesenationaltrajectoriesofreform,andtocomparethem,soas to demonstrate that French andGermanpublic administrations have also entered, as theonesofotherdevelopedcountriesbutintheirownway,intotheeraofpermanentinstitutionalreformism.Olivier Quéré, IEP de Lyon‐Triangle: Légitimer les réformes de l’administration française enformantdes«fonctionnaires‐managers».Etudedel’intériorisationdesnormesmanagérialesdanslesIRA.Unemanièredeprendrelamesuredel’évolutionconcrètedesadministrationspubliqueestdeles appréhender à travers le mode de façonnage de leurs professionnels. Cela est rendupossibleparl’étudedel’intériorisationdesnormesmanagérialesparlesagentsdel’Etatlorsdeleurformationscolaire.ApartirducasfrançaisdesInstitutsrégionauxd’administration(IRA),écolesquiformentdesfonctionnairesdecatégorieA,ilnousestpossibled’analysercommentdes normes nouvelles se diffusent «par le bas» au sein d’une configuration spécifique deréforme. Nous proposerons ainsi, dans une double perspective analytique, d’une part dequestionner les réformes de la formation proposée en IRA qui s’insèrent dans une logiquemanagériale de manière progressive, plus ou moins explicite et adaptée à un contextefortement institutionnalisé;etd’autrepartd’étudier leseffetsdecesréformessur lesélèvesquisetrouventaucentred’unnouveaudispositifquitendàfavoriserl’acquisitiondesprincipesetdesoutilsmanagériaux.Ainsi,ensepenchantsurlestransformationsdelascolarité,ils’agitdecomprendrecommentsontintérioriséesdesnormesmanagérialesspécifiquesparlesfutursagentsdel’administrationfrançaise,quiincarnentainsi,parlalégitimitéquileurestconférée,saréforme.

Training “civil‐servant‐managers” to legitimate the French administration reorganisation. ThecaseoftheNPMnormsinternalisationintheIRA.

Concreteevolutionsofcontemporarypublicadministrationscanbeseizedthroughtheshapingoftheirprofessionals.AwaytodosoistostudyhowhighlyqualifiedStateagentsinternalisemanagerial norms during their professional training. The five French IRAs are scholar

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institutionsrecruitingandtrainingfuturehighqualifiedcivilservants.Lookingcloselytowhatthose“students”aretaughtleadsustoquestionhownewnormsarespread,inabottomupperspective, within a specific re‐organisational frame. Thus, we will suggest two types ofanalysis.Ontheonehand, itseemsrelevanttohavea lookatthechangesinsyllabi,changesthatcouldbeseenasanon‐explicit,gradualandinstitutionalNPMframing.Ontheotherhand,it is important to examine how future civil servants are affected by NPM evolutions, whichentailnewtools,newnormsandnewprinciples.TransformationsinthescholarshipshowhowinternalizationofspecificNPMnormsoccursforfutureStateservants,whowillbelegitimatetoembody,atlast,thereorganisationoftheState.

Renate Reiter, FernUniversität in Hagen, Institut für Politikwissenschaft, LehrgebietPolitikfeldanalyse: Trajectoires différentes pour problèmes comparables? Les réformes desservicesd’assistanceauxchômeursenFranceetenAllemagne.Depuisledébutdesannées2000,laFranceetl’Allemagneontrestructuréleursservicespublicsdel’emploi.Enadoptantunestratégieplutôtradicaleaudépartmaisquiaétéenpartieréviséeensuite,lesdeuxEtatsontréforméladistributiondecompétencesentrelesacteursduniveaucentral‐national et local‐communal: la France a opté pour une territorialisation partielle etl’Allemagnepourunerecentralisationetuneétatisation.La communication compare les processus de réforme et re‐réforme des services publics del’emploienFranceetenAllemagnedepuis2002etsedemandecommentexpliquer leschoixradicaux(etinversesdesdeuxcôtésduRhin)audébutdesannées2000(2002et2004)puisladouble marche arrière partielle qui s’en est suivie. L’hypothèse de départ est la suivante :partantd’undiagnosticpartagé(inefficacitédesservicespublicsdel’emploinotammentdansle champdu placement des chômeurs de longue durée et nécessité d’une réformeorientéevers “l’activation”), les acteurs centraux et locaux se sont mis d’accord sur des mesuresradicalesde restructuration.Pourtant,desdeuxcôtésduRhin, les réformessesont inscritesmoins dans une logique fonctionnelle que dans une logique d’arbitrage politique entre desacteurs ayant d’autres buts que ceux de la politique de l’emploi, et orientés plutôt vers lamaîtrise des budgets publics. Mais étant donné que ni les attentes des acteurs centraux nicelles des acteurs locaux ne se sont réalisées, le besoin de nouvelles mesures derestructuration s’est vite fait sentir, lesquelles ont fait apparaître de nouveaux problèmes(coordination non maîtrisée, institutionnalisation d’une dualisation de la population dechômeurs,etc.).Differentpathstocomparableproblems?PublicadministrationreformsintheemploymentsectorinGermanyandFranceFacinghighpressureforreformduetonewsocialrisks,highratesofunemploymentandtheEUs’ external influence, both France andGermany started to rebuild their systems of publicemployment services at the beginning of the 2000s. Both states first radically recast thedivisionof policy competenciesbetween the central state and local actors in this field (withFrancechoosing todecentralizeandpartlycommunalize itsplacementsystemandGermany,onthecontrary,choosingtorecentralizeandnationalize it)andthenrevisedthereforms(of2002and2004)afterawhile.The article compares the processes of reform and re‐reform of the systems of publicemploymentservices inFranceandGermany thesince2002andasks forhowtoexplain theradical (yet adversely directed reforms in both cases) and their recent partial draw‐back. Itstarts from the following thesis: On both sides of the Rhine inefficiency and ineffectiveness

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especiallyoftheplacementsystemsforlong‐termunemployedwereseenasmajordeficitsofemploymentpolicy. Ina sharedvisionof theneed foractivation‐oriented reformcentralandlocal policy‐makers both in France and in Germany designed radical steps to a de‐ orrecentralize their public employment services during the first half of the 2000s. Yet, as thecompromises found between both levels of governance, had aswell in France aswell as inGermany, first beendrivenby the hope for public cost containment and as this expectationcould not be met by the reforms, another restructuring soon became necessary, whichgenerated new problems (coordination deficits, institutionalization of a dualized job‐seekerpopulation,etc.).EloïseGirault,IEPdeLyon‐Triangle:Quandlaroutinedevientimpossible.L’administrationdelaProtectionjudiciairedelajeunessefaceàlabanalisationdel’injonctionàlaréforme.Danscettecommunication,nousnousintéressonsàlaDirectiondelaprotectionjudiciairedelajeunesse(D.P.J.J.),administrationduMinistèredelajusticeenchargedesquestionsrelativesàlajusticedesmineurs.Nousmontronstoutd’abordl’ampleurdesréformesquiaffectentcetteadministration,notammentdepuis2002.Dansunsecondtemps,nousmontronsquel’ampleurdecemouvementderéformes’expliqueparlaconjonctiondeplusieursphénomènes:extrêmepolitisationdesquestionsdesécurité,constructiondela‘maladministration’delaP.J.J.commeproblème public,action d’entrepreneurs politiques qui ont profité de plusieurs fenêtresd’opportunité.Isroutineworkstillpossible?Thecaseofanadministrationconfrontedwithaprocessof‘injunctiontoreform’:the‘Directiondelaprotectionjudiciairedelajeunesse’

Thistextfocusesonthe“Directiondelaprotectionjudiciairedelajeunesse”(D.P.J.J.),aFrenchministerialdepartmentinchargeofjudicialprotectionofyouth.First,weshowthattheD.P.J.J.is the targetofmanypublicprograms: theaimof thesepolicies is to reformcompletely theadministrativeorganization. Secondly,we show that this reformismcanbeexplainedby theconjunctionofseveralfactors:contextofpoliticizationofjuvenilejustice,“maladministration”of the D.P.J.J. considered as a public problem, strategies of policy entrepreneurs who takeadvantageofpolicywindows.

Seconde séance: Les territoires d’administration en réformes : Länder, régions etmunicipalités.Présidentdeséance:Jean‐MichelEymeri‐Douzans,IEPdeToulouse‐LaSSPDiscutante:PascaleLaborier

Sabine Kuhlmann, DHV Speyer: Reformer les administrations aux niveaux de gouvernementinfranationauxenAllemagne:lesstratégiesetleurimpactdanslesLänderetlesgouvernementslocaux.Cettecommunicationanalyselestrajectoiresderéformeadministrative,ainsiqueleurimpact,auxniveauxdesLänderetmunicipalitésallemandes.L’onyobservetroismodalitésprincipales

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deréformequionttouchéleniveauinfranationald’administrationpubliquedepuisledébutdesannées 1990: la décentralisation fonctionnelle, la réforme territoriale et la privatisation desservices publics. L’objectif est double: d’une part, on cherchera à mettre en lumière lesprincipaux changements institutionnels intervenus à ces niveaux de gouvernementinfranationauxenAllemagne.D’autrepart, leseffetset l’impactdeces transformations sontappréhendés selon une perspective plus évaluative: Jusqu’à quel point ces changementsinstitutionnels ont‐ils contribué à accroître les performances, les capacités de pilotage etl’imputabilitépolitiquedesgouvernements locaux?Enfin, laquestionseraposéedesavoir sicesréformesontmarquéuneruptureavec lesstructuresadministrativestraditionnellesousiperdurentcertainstraitsfondamentauxdemodèleshistoriqueshérités.ReformingPublicAdministrationatsub‐nationallevelsofgovernmentinGermany:StrategiesandimpactsintheStates(Länder)andlocalgovernments.This contribution analyses trajectories and impacts of administrative reforms in Germany atstate(Länder)andlocallevelsofgovernment.Itscrutinisesthreemajorapproachesofreformthat have affected the sub‐national public administration since the beginning of the 1990s:functionalreforms/decentralisation,territorialreformsandprivatisationofpublicservices.Theobjectiveistwofold:ontheonehandIwillseektorevealmajorinstitutionalchangesregardingpublicadministrationatthesub‐nationallevelinGermany.Ontheotherhand,theeffectsandimpactsof these transformations are assessed fromamoreevaluativeperspective. Towhatextenthavetheinstitutionalchangescontributedtoenhancelocalgovernments’performance,steeringcapacities,andpoliticalaccountability?Finally,thequestionistakenupastowhetherthereformshavemarkedarupturewithtraditionaladministrativestructuresorwhethersomebasicfeaturesofhistoricallyinheritedinstitutionalpatternshavebeenretained.AlistairCole,CardiffUniversity:L’administrationterritorialedelaRépublique,entreActeIIIdeladécentralisationetRGPPII:leréformismepermanent?Cette communication se focalise sur le ‘réformisme permanente’ de l’Etat territoriale sousSarkozy.Commentcoordonnerl’actionpublique,toutenrenforçantlacapacitéétatiqueetenreformantlescollectivitésterritoriales?Cesdilemmessontloind’êtrelimitésàlaFrance,mêmesi l’architecture de l’Etat napoléonien leur donne une traduction particulière. Cettecommunication se concentre tout particulièrement sur les deux grands reformes de laprésidence Sarkozy: la Réforme de l’Etat territoriale (2008‐2010) et la Réforme territoriale(2009), lesdeuxparfoisprésentéescommefaisantpartie d’uneplusvasteRévisiongénéraledespolitiquespubliques.Cescasdémontrentunetentativedecréerundiscourscentrésurlaproductivité de l’Etat et la puissance publique. En ce qui concerne la Réforme de l’Etatterritoriale, la communication s’interroge par rapport au sens contemporain de l’institutionpréfectorale.Un cadred’analyseest proposé qui s’inspiredunéo‐institutionalisme, toutenrappelantl’héritagedel’écolefrançaisedelasociologiedesorganisations.TheterritorialadministrationoftheFrenchRepublic,betweenActIIIofdecentralizationandRGPPII:apermanentreformism?

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ThispaperfocusesupontheterritorialchallengestotheFrenchState.Thereisagenuinepolicypuzzle in terms of how to join up separate agencies of the State that is far fromunique toFrance. Introducingnewevidencebasedon interviewswithhighrankingofficials,politiciansand representatives of territorial policy communities in 2010, the main body of the paperfocusesupon the twomain territorial reformsof theSarkozypresidency, theReformof theTerritorialState,andtheLocalGovernmentReform.Thesecasesrevealanoriginalattempttocraftapoliticaldiscoursebasedonpublicsectorproductivityandstatepuissance.Inrelationtothe territorial administrationof the State, thepaper specifically interrogates themeaningofthe prefectoral institution in France in the light of the 2008‐2010 reforms. A framework ofanalysis is developed that draws its inspiration from combining the rich (but internallyinconsistent)literaturesonnewinstitutionalismandFrenchorganisationalsociology.Stephan Grohs, Universität Konstanz: L'administration de l'Etat‐providence allemand ‐ entremodernisationetfragmentationL'administration de l'État‐providence allemand se caractérise par une grande autonomie parrapportaucontrôledirectde l'Étatetuneséparationfonctionnelle.D’unepart, les fonctionsessentielles d’État social sont administrées par des organes administratifs autonomes(funktionaleSelbstverwaltung)avecdesagences localesdécentralisées.D'autrepart,d’autresfonctionsdebased’unÉtat‐providencesontdécentraliséesaugouvernement local, couvrantl’aidesociale,lesécolesmaternellesetl’assistanceàlajeunesse.Lesdeuxbranchesd'administrationdel’État‐providence,lesorganesd'assurancesocialeainsique les gouvernements locaux, ont fait montre d’un grand effort pour intégrer la nouvellegestionpubliquedepuislesannées1990.Deplus,d’autresproblèmesontgagnéenimportance: la fragmentation et le manque de coordination entre les fonctions sociales et les niveauxadministratifs.Cesdifficultésapparaissentenparticulieràl’intersectiondescompétencesentreorganesadministratifsautonomes(single‐purpose)etgouvernementslocaux(multi‐purpose).Cetexposéexamineralescontradictionsimplicitesdecestrajetsderéforme.L'hypothèseestque poursuivre des réformes de nouvelle gestion publique amène une segmentation de laprestation des services et une externalisation croissante de problèmes sociaux. Orl'architecture administrative actuelle n'est pas en mesure de résoudre ces problèmes demanièreadéquate, cequi conduità laproliférationde«politiquesexpérimentales»visant leniveaulocal.BetweenModernizationandFragmentation–ChallengesfortheAdministrationoftheGermanWelfareStateTheadministrationofSocialPolicyinGermanyischaracterizedbyahighdegreeofautonomyfromdirectstatecontrolandfunctionalseparation.ThecorefunctionsoftheGermanWelfareState are administered on the one hand by central autonomous administrative bodies withlocalagencies(funktionaleSelbstverwaltung)Ontheotherhand,basicfunctionsoftheWelfareState are decentralized to the local governments, coveringminimumbenefits, childcare andyouthwelfareservices.Despite the reform reluctanceof the state levels, theWelfareadministrations,both the self‐administeredsocialinsurancebodiesaswellasthelocalgovernment,haveshownstrongNPM‐orientedreformeffortssincethe1990s.Additionally,anotherproblemgrewinimportance:thefragmentationandlackofcoordinationbetweentheWelfarefunctionsandtheadministrative

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levels. These deficits appeared especially at the intersections of the domains of the single‐purposebodiesandthe(multi‐purpose)localgovernments.Thepresentationwillexaminethe implicitcontradictionsof thesereformdevelopments.Theassumption is that NPM‐styled reforms lead to a segmentation of service delivery and agrowing externalization of social problems. The existing architecture ofWelfare functions isnotable toaddress theseproblemsadequately,which leads toan increaseof“experimentalpolicies”addressedtothelocallevel.Camille Lancelevée, IRIS‐EHESS Paris & Centre Marc Bloch Berlin: La réforme de l’interfaceprison‐hôpital dans la prise en charge psychiatrique des personnes détenues en France et enAllemagne:enjeuxetpratiquesInspiréedestravauxd’ethnographiedel’Etatparlebasetdesréflexionsméthodologiquessur la comparaison internationale de données qualitatives, notre communications’intéressera au fonctionnement de l’interface prison‐hôpital en France et en Allemagnedans la prise en charge des personnes détenues présentant des «troublesmentaux». Ils’agira dans un premier temps d’observer la convergence que semblent dessiner lesdernières réformes de ce complexe institutionnel (prison, hôpital psychiatrique, UnitéHospitalières Spécialement Aménagées, rétention de sûreté, Massregelvollzug,Sicherungsverwahrung)entredeuxmodèlesfrançaisetallemandpourtantinscritsdansunehistoire différente.On remarque cependant que si les réformes législatives sont inscritesdans des débats d’opinion virulents sur la dangerosité, sur l’enfermement des personnesmalades,lapratiqueestelleplussouventfaitedebricolage.Unedoubleenquêtedeterrainde plusieurs mois dans une prison berlinoise et une prison française nous permettra derendre compte de la mise en place locale de ces réformes et des enjeux auxquels sontconfrontés les acteurs locaux. Dans quelle mesure deux lignes d’actions opérationnellesdistinctes, le «soin» et la «peine» s’intriquent‐elles dans la pratique? En centrant notreanalysesur lesdifférentsendroitsoùsedécide l’affectationdespersonnesprésentantun«troublemental»,nousmettronsenévidence lebricolage institutionnelauquelse livrentlesacteursdeterrainpourgérercescasproblématiques.

Prison‐hospitalinterfaceatstakeinthepsychiatriccareofinmatesinFranceandGermanyInspired by «street‐level bureaucracy» studies and by methodological reflections oninternational comparisonofqualitativedata, thispresentation focuseson theprison‐hospitalinterfaceandthepsychiatriccareofinmatessufferingfrom«mentaldisorders»inFranceandin Germany. A certain convergence can be observedat the institutional level (prison,psychiatric hospital, Unité Hospitalières Spécialement Aménagées, rétention de sûreté,Massregelvollzug,Sicherungsverwahrung).Thisconvergence isaresulttherecentreformsandappears to to reconcile the French and the German models, that are rooted in two verydifferenthistories.Although these legislative reformsareanoutcomeofvirulentdebatesonthedangerousnessandtheincapacitationofpsychiatricdisabledpeople,thecommonpracticeis rather based on local and diverse strategies. A fieldwork of several months in a German(Berlin) and a French (Lille) prison allows us to describe the local implementation of thesereforms. What is at stake for prison workers and medical staff in the psychiatric care ofinmates?Howarecareandsentencearticulatedinpractice?Wewillfocushereonthedifferentplaceswheretheallocationofinmateswithmentalhealthproblemsisdecided,tobringtolightthemeaningandsenseoftheobservedstrategiesofprisonagents.

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Hellmut Wollmann, Humboldt‐Universität zu Berlin: Les oscillations du discours sur lamodernisationdusecteurpublicdelagestionenrégieàlagestionprivéeetretour.Cette communication se concentrera sur les basculements de discours, observés dans lesarènes di gouvernement local, concernant les formes institutionnelles de fourniture desservices publics. Dans une telle analyse de discours, l’on fait l’hypothèse que la formationdesdits discours est influencée de façon significative par des discours pertinents, et lescoalitions de cause qui les soutiennent, dominant les arènes nationales and internationalesafférentes,ainsiqueparlescroyancespolitiquesetculturellespartagéesparlesconstellationsd’acteurslocauxencause.Troispériodessuccessivesserontétudiées.Al’èredel’Etat‐Providencesocial‐démocrate(1960‐1970),lacroyancesous‐jacenteétaitquelesservices publics en expansion étaient de meilleure qualité si et quand leur fourniture étaitassurée par les unités et le personnel propres à l’administration. L’on considérait que cettesituationassuraitunemiseenoeuvreprofessionnelleetcompétentedel’Etat‐Providencedanslerespectducadrelégaletsouslecontrôlepolitiquedesélus.Depuis lesannées1980, lediscoursnéo‐libéralduNPM,favorableà lafournituredesservicespublicssousuneformeprivée,adominé lesprocessusdemodernisation,autantauxniveauxinternational, européen que national. Par conséquent, sont apparues au niveau local denouvelles orientations stratégiques vers l’«entreprisation» (création d’entreprises ouopérateurs municipaux comme variante organisationnelle et financière plus flexible defournituredesservicesmunicipaux)etlaprivatisation«matérielle»(consistantàlesconfier,entoutoupartie,àdescompagniesprivées).Dans les années récentes, le pendule a fait retour vers la fourniture en régie publique oumunicipal,pourdiversesraisonsàanalyserdansletexte(pertedecrédibilitédudiscoursnéo‐liberalsuiteàlacrisedesmarchésglobalisés,constatd’évidencequelaprivatisationneproduitpasdesservicesdemeilleurequalitéàmoindrecoût,redécouverteparlesautoritéslocalesdesméritesdeconserverourétablirunegestionpublique/municipaledirectedesservices...).Pendulum swings in the discourse on public sector modernization from public sector‐based toprivatesector‐basedserviceprovisionandreverse.This paper will focus on the discourse shifts, in local government arenas, as regards theinstitutionalformsofprovisionofpublicservices.Insuch“discourseanalysis”,weassumethatthe formation of these discourses is significantly shaped by pertinent discourses and theirsupportiveadvocacycoalitionsdominatingtherelatednationalandinternationalarenasaswellas by the political and cultural beliefs shared by relevant local actor constellations. Threesuccessiveperiodswillbestudied.IntheageoftheSocial‐Democraticwelfarestate(1960s‐1970s),theunderlyingbeliefwasthatthe expanded public services were rendered best if and when provided by the publicadministration’s own units and staff. It was assumed that this situation would ensure theprofessionally competent implementation of the welfare state in compliance with the legalframeandinpoliticalaccountabilitytotheelectedbodies.Sincethe1980s, the“Neo‐liberal”andNPMdiscourse, favouringprivatesector‐basedserviceprovisionhasdominatedthemodernizationprocesses,atboth international,EUandnationallevels. Consequently on the local level, new policy lines have appeared, oriented towards“corporatization”(creationofmunicipalcorporationsasanorganisationalandfinanciallymoreflexible variant of municipal service provision) and “material” privatization (entrusting it,entirelyorpartially,toprivatecompanies).

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In recent years, the pendulum has swung back to public/municipal sector provision, for anumberof reasonsanalysed inthepaper(lossofcredibilityof theneo‐liberaldiscourseaftertheglobal “market failure”, empirical evidence thatprivatizationhasnotproduced less costandbetterqualityservices,rediscoverybylocalauthoritiesofmeritsofretainingandregainingpublic/municipalserviceprovision...).

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ST26:AGIRPARRESEAUX.Lesréseauxensciencepolitique:méthodesetobjets

Responsables

CamiloArgibay(UniversitéLyonII,LaboratoireTriangle)AnoukFlamant(UniversitéLyonII,LaboratoireTriangle)RenaudPayre(UniversitéLyonII,LaboratoireTriangle)

Dans le cadre de cette section thématique Agir par réseaux, nous nous sommes proposés derevenirsurlaplacedesréseauxdansl’analysedespolitiquespubliques.Ils’agissaitderouvrirundossier déjà fort ancien. Dès les années 1970 cette notion s’impose outre Atlantique maiségalement en France avec des usages forts différents (si on pense aux travaux de JeanneBecquart Leclercq). Notre première ambition a été de reprendre le débat particulièrementprésentdanslesannées1990surl’apportheuristiqued’uneapprochecentréesurlesréseaux,undébatquis’interrogeaitsur lesusagesdesréseaux–simplesmétaphoresouvéritablesmodèlesanalytiques?‐De fait, la policy network analysis est un bon révélateur des ambigüités de la sous discipline«analyse des politiques publiques». Au risque d’être un peu schématique, derrière le termeréseauutiliséparlesnombreuxtravauxd’analysedespolitiquespubliques,nousdégageonscinqusagesdistincts(sansêtreforcémentexclusifs)

- D’abordleréseaucommemétaphore.Cetusagedomineunpremierâgedel’analysedespolitiques publiques (jusqu’aux années 1970). Le terme réseau n’apparaît queponctuellement. Il est concurrencé par de nombreux synonymes. Reste que nousinsistons sur le faitquecetusagemétaphoriqueaprobablement contribuéàune réellerupturescientifique.

- Leréseaucommecatégorieanalytique.Ils’agitderepérerlesefforts–notammentmenésparHughHeclo–pourlivrerunedéfinitionplusprécise–autourdesissuenetworks‐.Unetelle définition a ouvert la voie à toute une série de travaux renouvelant biens souventl’approchepluraliste.

- Le réseau comme théorie. Comme souvent en analyse des politiques publiques, lacatégorie analytique se confond bien souvent avec une catégorie historique voire unethéorie. Autrement dit, une partie des travaux sur les réseauxmobilisent et produisentunethéoriedel’Etat.L’actionpubliquecontemporaineverraitsemultiplierlesréseauxquipermet à l’Etat d’agir à distance, à mobiliser sans intervenir directement. Reste à sedemandersicetyped’actionestvraimentnouveau

- Leréseaucommeobjet.Précisément,destravauxcontemporains–notammentausujetdes collectivités locales – se sont attardés sur des réseaux formalisés. En matièred’éducation,enmatièredepolitiquesalimentaires,depolitiquedelaville, lesréseauxsemultiplient au niveau national ou encore européen. Se pose la question du typed’approche méthodologique pour étudier ce type d’objet. Nous y consacrerons lasecondeséance.

- Enfinleréseaucommeméthode.Lasociologiedesréseauxsociauxs’estdéployéedepuisunequinzained’années.Peudetravauxd’analysedespolitiquespubliquesenfaitusage.Nousreviendronssurlesdifférentesméthodesutiliséesetsesapports.

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Lapremièresessionapermisderevenirsurlelienentreanalysedespolitiquespubliques(policynetwork)etanalysedesréseauxsociaux.Ledialoguepeineàs’installerentreunedémarcheenanalysedespolitiquespubliques (quiresteconceptueletsurtoutdéductif)etunedémarcheensociologiedesréseauxsociauxplusempiriqueetplusinductive.Onapulevoiraucoursdeladiscussion,àbiendeségards,l’analysedesréseauxsociauxpermetdecreusercertainspointsquasiaveuglesdel’approchenéoinstitutionnalistesnotammentdunéoinstitutionnalisme historique avec la question des frontières de l’Etat, de la porosité de l’Etat.L’approcheparleréseau–mêmesionenresteàuneutilisationdescriptive–permetdedégagerl’existencedegroupesréformateurs(quipeuventmêmeconstituerdescliques), lacentralitédecertainsacteurs.Lasecondesessionaconsidérélesréseauxcommeobjet.Lescoopérationsentreacteurslocauxàtraversdesréseauxformaliséset institutionnalisésontconnuunessorconsidérableàpartirdesdécennies 1980 et 1990, bien que ceux‐ci existent largement auparavant. Au cours de notresession,nousavonsmisenévidencequecesréseaux,généralistesouspécialisés,sontaussibienlefaitdeprofessionnels,d’éluslocauxet/ounationaux,ouplusdesdeuxréunis.Cetteapprochepar les réseaux permet de se concentrer sur les acteurs de l’action publique en se focalisantnotamment sur les propriétés sociales et les trajectoires de ceux‐ci. Revenir sur leurscaractéristiques nous donne des clés de lecture essentielles pour identifier les ressources, lessavoirs dont ils peuvent se saisir ainsi que les contraintes qui pèsent Ceci a permis d’ouvrir unquestionnementsurlesusagesmultiplesdecesréseauxpourlaconduitel’actionpubliqueetsurlesoutilsetméthodespourlesidentifier.

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ST28:Milieuxpolitiquesetmilieuxd’affaires:pourunesociologiecomparéeeuropéenne

Responsables

MagdalenaHadjiisky(UniversitédeStrasbourg,GSPE‐PRISME)HélèneMichel(UniversitédeStrasbourg,GSPE‐PRISME)

Conformémentàl’objectifdecettesessionthématique,lesseptcommunicationssesontattachées à rendre compte des relations entre acteurs politiques et milieux d’affairessous l’angle de la sociologie des élites en étudiant les configurations d’échange et depouvoirdanslesquellescesdernièress’insèrent.La première demi‐journée s’est davantage centrée sur les trajectoires des hommespolitiques et cequi, dans leurs caractéristiques sociales leurs permettaient de jouer unrôle en politique. Qu’il s’agisse des membres de la Conférence Constitutionnelle de laFédération de Russie de 1993, des militants de l’AKP (Parti de la justice et dudéveloppement, fondé en 2001) ou encore de Silvio Berlusconi, tous présentent descapitauxsocioéconomiquesleurpermettantdefairecarrièreenpolitique.Lasecondedemi‐journéeaplusparticulièrementétudiélesconfigurationstemporellesetspatiales dans lesquelles hommes politiques et hommes d’affaires se rencontraient etparticipaient aux deux univers. Ont ainsi été analysées les conditions du passagesd’anciens hommes politiques au Barreau de Paris, des échanges entre hautsfonctionnairesetconsultantsenréformedel’Etat,lesmodalitésdesengagementslocauxde petits patrons ou encore la difficile mise en œuvre par Silvio Berlusconi deprogrammespolitiquesréputésfavorablesauxaffaires.Ensemble, ces contributions ont rappelé combien les ressources des uns et des autresdépendaient des espaces politiques dans lesquels ces ressources pouvaient êtrevalorisées. Elles ont aussi montré la perméabilité des deux champs politiques etéconomiques, sans remettre en cause l’autonomie qui les caractérise. Enfin, elles ontmontré combien ce champ de recherche restait vaste et peu exploré, du moins sousl’angledelasociologiedesélitesetdansuneperspectivecomparée.

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ST29:Partispolitiquesetpolitiquespubliques

ResponsablesSimonPersico(Centred’EtudesEuropéennes,Sciences‐PoParis)

IsabelleGuinaudeau(SPIRIT,Sciences‐PoBordeaux)IntroductionLasectionthématique29,quis’esttenuelesmercredis31aoûtetjeudi1erseptembre,avaitpourobjectifde regrouper les chercheurs s’intéressant à l’étude du lien entre partis politiques et politiquespubliques. Cet objet de recherche, bien qu’au cœur des théories de la démocratie, est un champrelativement inexploré par la science politique française. Les quelques travaux traitant de cettequestionsouffrentparailleursd’uneforteséparationentrespécialistesdespolitiquespubliquesd’unepart,etspécialistesdespartisetdesélections,d’autrepart.Cecloisonnements’expliqueparlefaitquelefaisceauderecherched’unpolitisteestlimité.Quandilchoisitdeportersonattentionsurunobjet,ilcourtlerisquedepasseràcôtéd’objetsproches,parfoismêmeliés.Ainsi,lesspécialistesdespolitiquespubliques, ou de l’action publique, s’intéressent plus à la boîte noire de l’Etat, à lamanière dont lespolitiquespubliquessontélaboréesetmisesenœuvre.Ducoup,leurattentionseporteenprioritésurlesbureaucrates et les décideurs, et non sur les acteurspartisans.Au contraire, les spécialistesde lasociologieélectoraleobserventlesélectionsetlespartispolitiques,etoublientparfoisdetravaillersurlecontenudelacompétitionélectorale,ousurladestinéedesoptionsdepolitiquespubliquessoumisesparlespartisauvotedescitoyens.L’organisation de la ST a étémotivée par la conviction que ces deux courants posent de bonnesquestions et qu'il est fructueux de confronter leurs résultats. Au regard de cet objectif, lesprésentations et les débats qui ont eu lieu à Strasbourg furent couronnés de succès.Que ce soit dupointdevuedesuniversitésd’origine,desméthodesemployées,desprincipesépistémiques,ouencoredes objets de recherche, ces deux séances de travail ont été marquées du sceau de la diversité.Représentéespardesspécialistesde lapolitiquecomparée(CaterinaFroio),de lasociologiepolitique(Raphaël Cos, Régis Dandoy, Ismaïl Ferhat et Vanessa Jérôme), des études européennes (AmandineCrespy)etdespolitiquespubliques(AurélienEvrardetClémenceLedoux),lesdiversesapprochesmisesen lumière au cours de ces deux demi‐journées ont permis de dresser un tableau assez large desmanièresd’envisager le lienentrepartispolitiquesetpolitiquespubliques.Malgré l’absenced’IsabelleGuinaudeau (co‐organisatrice de la section thématique), deMuriel Sacco et de Joseph Keutcheu, lesarguments développés ainsi que les discussions croisées ont rendu cette Section Thématiqueparticulièrementenrichissante.Séance1.LespolitiquespubliquescommeressourcesetobjetsdelacompétitionpartisaneLapremièreséanceportaitplusparticulièrementsur lespolitiquespubliquescommeressourcesde lacompétitionentrelespartis.Eneffet,lamiseenplacedepolitiquespubliquesn’estpasl’uniqueobjectifdespartispolitiques,maisledébatsurlespolitiquespubliquesfaitpartieintégrantedelacompétitioninterpartisane.Ainsi,lesenjeuxdepolitiquespubliques(policyissues)encadrentledébatetsimplifientle choix des électeurs. La compréhension d'un système politique donné passe donc notamment parl’analysedel’usagequefontlespartispolitiquesdecesenjeux.Cettepremièreséances’attachaitdoncà répondre aux questions suivantes: constate‐t‐on une évolution des dimensions de conflit dessystèmespartisansetdesenjeuxmisenavant?Certainsenjeuxsont‐ilsl'apanageexclusifd'unpartioud'untypedeparti?Quellestratégielespartismettent‐ilsenœuvrepourpolitisercesenjeux?Comments’organisent‐ilspourélaborerleurposition?Quellesapprochesméthodologiquessont‐ellesappropriéespourabordercesquestions?Lapremièrecommunication,réaliséeparRégisDandoy,del’UniversitéLibredeBruxellesportaitsurles

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dynamiques de politisation d’un enjeu particulier et relativement nouveau. Ce travail cherchait àcomprendrelamanièredontlesenjeuxliésàl’immigrationétaienttraitésdanslacompétitionpartisaneenBelgique–en s’intéressantauxdeux systèmespartisans– francophoneet flamand. L’auteur s’estappuyésurlacomparaisondesprogrammesdespartisdecesdeuxsystèmespartisans,appliquantdesmodèles statistiques aux données quantitatives issues du Comparative Agendas Project. Le travaildémontre que ces enjeux sont de moins en moins «possédés» par les partis d’extrême droite – leVlaamsBelanget leFrontNational.Celaétant,que les résultatsélectorauxdecespartispoussent lesautrespartisdusystèmeàpolitiser lesenjeuxmigratoires. Ilestdoncprimordial,pourcomprendre lamanièredontl’immigrationsediffusedansunsystèmepartisan,deprendreencomptel’idéologiedesautrespartisdusystème,ainsiquecertainsfacteurs«objectifs»–termelargementsoumisàdébatlorsde la discussion— tels que le nombre demigrants. Cette communication a donc offert une analysenouvelle et synthétique des rapports entre enjeux, partis politiques, et des dynamiques despécialisation/diffusiondanslapolitisationd’unenjeu.Lasecondecommunication,présentéepar IsmaïlFerhat,historienàSciences‐Po,plaçait la focalenonplus sur le sort d’un enjeu dans la compétition interpartisane, mais sur la manière dont un partis’organise pour élaborer des propositions programmatique, consulter, décider et conseiller desMinistreslecaséchéant,àproposd’unenjeuquiestaucœurdesonprogramme:l’éducation.L’auteurmontreclairementquele«secteur»éducationduPartiSocialisteaprofondémentévolué,quecesoiten termes de statut, de dirigeants, que de principes de fonctionnement. Cette évolution a étélargementmarquéeparlespériodesdegouvernementsdegauche,etcorrespondàuneévolutionduPSverslaformedesemi‐publicparty,danslequelchamppartidaireetchampgouvernementalconnaissentunecirculationconstanteentreélitespolitiquesetadministratives.LesévolutionsdusecteuréducationduPSaucontactdupouvoirviennentainsi remettreencause les réseaux (policynetwork)decelui‐ciavant 1981, reliant le parti, le champ enseignant et son syndicalisme. Radicalement différente de lapremière communication, la méthode utilisée par Ismaïl Fehrat s’appuyait sur la consultation desarchivesinéditesdusecteuréducationduPSde1971à1993,ainsiquesuruneséried’entretiensavecdesresponsablessocialistesdurantcettepériode.Cedétourparl’histoire(etsaméthode)s’avèreefficaceafind’ouvrirlaboîtenoired’unpartipolitique,notammentdanssafonctiond’élaborationdespolitiquespubliques.La troisième communication de la journée a été réalisée par Caterina Froio, doctorante à l’InstitutUniversitaire Européen de Florence. Cette communication faisait parfaitement le lien entre les deuxséances de cette Section Thématique, à savoir l’utilisation stratégique des enjeux par les partispolitiques dans leur conquête du pouvoir, et l’impact des partis – et notamment des programmespartisans – sur lespolitiquespubliques. Sepositionnant au cœurdes théoriesde lamise sur agenda,l’auteure tente en effet de rendre comptede la place des préférences partisanes dans les politiquespubliques, à travers une comparaison entre des partis idéologiquement hétérogènes et des secteursdespolitiquespubliquesquiontunesaillancedifférente.D’autrepart,elletentedemettreenévidencele fait que l’importance des préférences partisanes dans l’action gouvernementale peut changer(s’affaiblir, voire se renforcer) sous l’effet de la routine du policy‐making et de la configurationinstitutionnelledessystèmespolitiquesdanslesquelsilsagissent.Aprèsundétourcirconstanciéparlalittératureportantsur lesujet,CaterinaFroiodéveloppeunmodèletoutàfaitnovateurquiconsisteàdistinguer, au sein de l’agenda gouvernemental, ce qui relève de la routine, comme la rentrée desclassesoù le votede la loi de finances, cequi relèvedes évènements extérieurs (le nucléaire suite àFukushimaparexemple)etcequirelèveduchoixstratégiquedupartiaupouvoir(parexemple,laluttecontrel’immigrationpourl’UMPdepuis2002).Ceprojettrèsambitieuxàétélonguementdiscutéparlasalle, entre propositions relatives aux méthodes (Caterina travaille sur les données issues duComparativeAgendasProject,auquelelleacontribué),à lasélectiondescas,ouà laspécificationdeshypothèses. Au‐delà de ces débats, les participants se sont accordés à reconnaître que la distinctionconceptuelledéveloppéepar l’auteurecontribueàunemeilleurecompréhensiondesconditionsdanslesquellesunpartiinfluencelespolitiquespubliques.Séance2.L'impactdespartispolitiquessurlespolitiquespubliques

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La quatrième communication a été donnée lors de la deuxième séance, qui portait sur l’impact despartispolitiquessurlespolitiquespubliques.Lestravauxmesurantl’existencedeceliensontmultiples,maisconduisentsouventànuancerl’impactpotentieldespartis.Ilsemblaitpourautantintéressantdereposercettequestionà l'auned'unaffinementdeshypothèses relativesà l'impactdespartis sur lespolitiquespubliquesetd'unrenouvellementméthodologique:àquelleétapedupolicyprocesslespartispeuvent‐ils avoir un impact ? Quelles sont les variables à prendre en compte pour mesurer l'impactpartisan, tant au niveau des variables dépendantes (variations budgétaires, choix d’instruments…)qu'indépendantes (stratégiespartisanes, cyclesélectoraux, imminencedesélections...) ?Quelles sontlesinteractionsdespartisavecd'autresacteursdespolitiquespubliques?Commentlesidéescirculent‐ellesentrelesdifférentesarènes?Lepersonneldespartispolitiquesdevient‐ilspécialisted’unenjeudepolitiquespubliques?C’est justement à cette dernière question que la communication de Vanessa Jérôme, de l’UniversitéParis I, tentait de répondre, grâce à une analyse très fine des carrières politiques des élus Verts àl’économiesocialeetsolidaire(ESS).L’auteuremontrequel’ESSreprésentepourlesmilitantsvertsuneressourceàdeuxniveaux:danslecadredelacompétitioninternepourl’occupationdepositionsdansle parti ou aumoment de la sélection des candidats aux élections; dans les collectivités locales où,transforméeenpolitiquepublique, l’ESS sertde ressourceauxélus vertspourenvisagerunecarrièrepolitiqueélective.LetravaildeVanessaJérômeréussitbienàmontrerquelaprisederesponsabilitéenmatière d’ESS est le produit de la rencontre entre le discours de démarcation politique du parti etl’engagement politique de ses militants. D’autre part, si la conversion de ressources – notammentprofessionnelles–autoriseetfacilite laprisederesponsabilitéenmatièred’ESS,ellen’estaprioripassuffisantepourenvisageruneprofessionnalisationpolitiquedurabledesélusquienont lacharge.Eneffet,cesderniersneparviennentsouventpasàdemeurerausommetde l’organisationpartisane,oupolitiqueetontdescarrièresen«feud’artifice».Enétudiantcettespécialisationdesélusetlesraisonsexpliquant l’attachement des Verts à cette stratégie de démarcation, le travail de Vanessa, bien quefondé sur une approche sociologique inductive, répond parfaitement, et complète les travaux sur lacompétition électorale. Ce passage par les individus permet aussi de mettre en lumière la chair dupotentiel impact partisan: la question de l’impact des partis se doit d’étudier les individus quireprésententcespartisunefoisaupouvoir.Lacinquièmecontributionàcettesectionthématique,réaliséeparRaphaëlCos,del’UniversitédeLille,s’attachait très précisément à expliquer les raisons de la distance entre les promesses faites par lescandidats socialistes lors de la campagnepour les élections législatives de 1997 et les réalisations dugouvernementJospin.Ils’appuiepourcelasurlecasdesprivatisations,queLionelJospins’étaitengagéànepasréaliser,etparleainside«désengagementélectoral».Aprèsunetrèsbonnedescriptiondespromessessocialistesduprintemps1997,quisecaractérisentparuncertainflou,etdel’ampleurinéditedes privatisations, l’auteur apporte trois pistes d’explications à la distance entre programmes etpolitiquesmisesenplace.Cesfacteurssontliésàtroisvariables:lapositiondupartidansl’espacedelacompétition électorale – le PS ayant connu un mouvement vers le centre au cours de la décennieprécédente, la fin du consensus de la doctrine partisane sur le sujet – les ambigüités du discoursélectoraltenudurantlacampagnedoiventégalementbeaucoupàcequecediscoursn’estpasadosséàunedoctrineclaireetconsensuelle,etlesressourcesdelacoalitionpolitico‐administrativeresponsabledes politiques engagées. Raphaël Cos met ainsi en évidence l’existence d’une communauté libéral‐bureaucratique regroupée autour de trois principes générateurs liés entre eux : l’attachement auxvertus (souplesse, innovation, création de valeur) du secteur privé, la conviction de devoir « faireévoluer» lesecteurpublicdans lesensd’unresserrementdesonpérimètre,enfinunepréoccupationtrès marquée pour la compétitivité internationale de la France. Cette analyse du Parti socialiste autournantdusièclecomplèteparfaitementlestravauxplusquantitatifsaussiprésentsdanscettesectionetapporteaussiune lectureassezclairedesmécanismesà travers lesquels lavariablepartisanepeutintervenir.Lesixièmearticleprésentéetdiscutélorsdecettesectionthématiqueaobtenuleprixdelameilleure

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communication comparative écrite par un jeune chercheur lors de ce Congrès de l’AFSP. Rédigé parAurélienEvrard,MaîtredeConférencesàl’UniversitéParisIII,etchercheurassociéauCentred’EtudesEuropéennes, il cherche à mesurer l’impact des partis écologistes sur les politiques énergétiquesfrançaises et allemandes. L’article vient confirmer l’hypothèse partisane dans l’explication duchangementdans lespolitiquespubliques,toutenenprécisant lesmodalités.Eneffet, l’influencedespartis Verts (partenaire de coalition minoritaire) reflète les institutions dans lesquelles ces partisévoluent. Les institutionspolitiquesnationales– et enpremier lieu lemodede scrutin –ont favorisél’émergence d’un parti plus professionnalisé enAllemagne qu’en France et, en ce sens, influencé lescapacités d’action de ces jeunes partis politiques. En outre, même si les institutions du secteurénergétiqueonttendanceàrésisteràl’influencedesacteurspolitiquesetdesformationspartisanes,lecas allemandmontre qu’elles ne sont pas figées et qu’elles peuvent progressivement s’ouvrir. C’estdonc en s’insérant dans les réseaux d’acteurs des énergies renouvelables, en accordant à l’enjeuénergétique une place importante dans les négociations au sein de la coalition, quitte à sacrifierd’autresenjeux,quelepartivertallemands’estcréédesconditionsd’influenceplusimportantequelesverts français. Après la présentation d’Aurélien Evrard, les discussions ont beaucoup portées sur lapossibilité de distinguer, parmi les institutions, celles sur lesquelles des petits partis ont un possibleimpact,etcellesoùilsn’ontaucunechance.Malgrécela,letestdel’hypothèsepartisaneàpartirducas,rare,despartisdeniche,petitsentaille,maisspécialiséssurunenjeu,estparticulièrementéclairant.Cette présentation a été suivie de la communication de Clémence Ledoux, du Centre d’EtudesEuropéennesdeSciencesPo. Sonarticleporte sur l’impact comparéde la variable religieuseetde lavariablepartisanesurlespolitiquesdel’aideàlapersonne.Cetravails’inscritdoncdepleinpieddanslalittérature sur les Etats‐Providence, tout en croisant les travaux fondamentaux sur les clivages et lessystèmespartisans.FondéesurunecomparaisondansletempsdelaFranceetdel’Allemagne,letravaildeClémenceLedouxmèneànuancer l’idée,répanduedans la littérature,selon laquelle l’impactde lavariable religieuse doit s’étudier à l’aune de la présence des partis chrétiens‐démocrates dans lessystèmespartisansnationaux.Aucontraire,lacomparaisonducasallemandetducasfrançaismontrequelesclivagesreligieuxnesontpasrestésstatiquesentreledébutduvingtièmesiècleet lesannées1980;lesconflitsqu’ilsontengendrén’ontpasétéreprisdanslesstructurationspartisanesdemanièresystématique, comme le prouve l’exemple français et la disparition d’un parti chrétien‐démocratedominantdèslesdébutsdelaCinquièmeRépublique.Celanesignifiepasquelavariablereligieusen’apasd’impact.Lecas français inviteaucontraireàprendreenconsidération laporositédespartisauxgroupes d’intérêts religieux, notamment lorsqu’ils sont au gouvernement et dans une situationd’évitementdublâme.LetravaildeClémenceLedouxesttrèsintéressantdanslamesureoùilplacelafocalesurlenœudderelationstisséparunpartipolitiqueavecd’autresorganisationsancréesdanslasociété. L’impact d’un parti politique dépend ainsi fortement de ces relations, et de leur éventuellecomplémentaritéaveclastructuredelacompétitionpolitique.Le travail d’Amandine Crespy, Professeur à L’Université Libre deBruxelles, présenté à la fin de cetteSection Thématique, vient encore élargir le champ d’étude, en testant l’hypothèse de l’influencepartisane au niveau européen. Certes, les caractéristiques de ce que l’on peut appeler le «régimeeuropéen»,sontéminemmentdistinctesdescaractéristiquesd’unrégimenational,notammentdeparl’absenced’unsystèmepartisanperse. Celaétant, le travaild’AmandineCrespyestvenumettreenlumière les dynamiques de collaboration/compétition entre les partis au Parlement européen – etnotammentdespartissociaux‐démocrates.Cesdynamiquesexpliquentleuréchecàimposerlamiseenœuvred’unedirectivecadreexemptantlesservicesd’intérêtgénéral(SIG)delaconcurrence.Eneffet,les voiesd’expressiondespréférencesnationales sont fortesetprennent ledessus faceaux clivagespartisans.Danscecas,êtreallemand–etdoncpourl’autonomielocaleenmatièredeSIG–compteplusqu’êtresocial‐démocrate–potentiellementpourunedirectivecadre.Deuxièmement,lasectoralisationdelamanièredetraiterlespolitiquespubliquesauniveaueuropéenlimitefortementlespartisdanslecapacitéàparleraunomdel’intérêtgénéral,pourunedirectivequiseraittrans‐sectorielle,auprofitdelobbiessectoriels.Enfin,lesdynamiquesdiscursivesentreacteurspartisansontaussicontribuéàl’échecdes sociaux‐démocrates. Ces derniers ont été incapables de produire un discours – un cadrage –efficace et cohérent sur la question, ce qui explique leur échec. Le travail d’Amandine Crespy, en

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s’intéressantauxeffetsdudiscours,ducadrage,etdelapositiondesacteurspartisans,maisaussiàleurfonction dans un système donné – en l’espèce, l’Union européenne, apporte aussi une pierre trèsintéressanteàl’édificedel’hypothèsepartisanedanslechangementdespolitiquespubliques.ConclusionsCesdeuxdemi‐journéesontdoncétél’occasiondediscussionsvivesetconstructives.Laconfrontationcollaborativedesapproches,deschampsd’étudesetdesméthodologiesemployéesa fait la forcedecettesectionthématique.Elleapermisdediscuterdeschoixépistémologiques (comparerounepascomparer?; se concentrer sur un enjeu ou un parti, ou chercher à maximiser le nombre de cas? ;s’intéresseràl’attention(agenda)ous’intéresseràlaposition(direction)danslesidéespolitiquesetlespolitiques publiques?…).Autant d’alternatives qui restent ouvertes, qu’il convient surtout de nepasfermer,mêmesichaquechercheurestconfrontéàlanécessitédefairedeschoix.Elleasurtoutpermisdecombinercesdifférentesapprochespourtesterlelienexistantentrepartisetpolitiquespubliques,permettantparlàmêmedetirercertainesconclusions.D’abord, les partis politiques semblent jouer un rôle limité dans le choix et la mise en œuvre despolitiquespubliques.Lesdifférencesidéologiquesquisontmisesàjourlorsdesélections,lespromessesélectorales,ne se traduisentpasnécessairementpasdesactionsune fois leparti aupouvoir (onvoitapparaîtreclairementcette rupturedepromessedans lecasdesprivatisationssous legouvernementJospin).Lespolitiquespubliquessontmarquéesparuneforteinertiequel’alternancepartisanenesuffitpas à combattre. Les gouvernants sont confrontés à de nombreuses contraintes externes qui lesempêchentdetraiterenprioritécequ’ilssouhaitent,d’autantquelesystèmeinstitutionneldanslequelces partis évoluent peut leur laisser une place limitée. C’est le cas en particulier au sein de l’Unioneuropéenne,cequiexpliquel’incapacitédessociaux‐démocratesd’imposerleursvues.Celaétant,lesdifférentesprésentationsontaussipermisdemettreenlumièredesformesderésistancedespartisfaceauxcontraintesobservées. Ilestdoncapparuà lafoispassionnantetnécessairedesepencher sur les conditions très spécifiques dans lesquelles l’influence peut s’exercer. Les travauxprésentésontpermisdemettreenévidenceunesériedequatretypesdevariablesaffectantlacapacitédespartispolitiquesàmarquerdeleursceaulespolitiquespubliques.

• Lesvariablesexternesausystèmepolitique,liéesàdeschocsfaceauxquelslespartisaupouvoirsontobligésderéagir:accidentnucléaireàFukushima,criseéconomique,misesuragendad’unproblème par des acteurs non partisans, comme les syndicats d’enseignants ou les Eglises…Dans ces cas, les partis sont plus réactifs qu’actifs,mais il demeure intéressant d’analyser enquoilesréactionsdedeuxpartisdistinctspeuventdifférer.

• Lesvariablesinstitutionnelles,propresaupaysdanslesquelslespartisévoluent:modedescrutin,systèmedecoalition,présencedejoueursdeveto…Cesrèglesetnormesdefonctionnementdujeupolitiqueimpliqueuneplusoumoinsgrandemargedemanœuvredespartisaupouvoir,etdoncuneplusoumoinsgrandecapacitéàinfluerlecontenudespolitiquespubliques.

• Lesvariablesendogènesauxsystèmesdepartis:nombredepartis,structureinitialedesclivages,combinaison entre ces clivages structurant et les enjeuxmis en avant par les partis lors descampagnesélectorales,renouvellementéventueldesclivages.

• Lesvariablesliéesaufonctionnementetaucomportementdesacteurspartisans:allocationdesressources et de l’expertise à l’intérieur du parti, réseau, avec des organisations externes,leadership, ressources discursives…Les travaux portant sur les trois objectifs potentiels despartispolitiques:Policy,office,ouvote peuventêtreparticulièrementéclairanten lamatière.En fonction de ces objectifs, les stratégies partisanes de mise en œuvre des politiquespubliquespeuventdifférer.Celaexpliqueraitsansdoutepourquoiparexemple,lesVerts,dontla littérature atteste bien qu’ils sont plutôt un parti Policy‐oriented mettent tant de cœur àinfluencerlespolitiquesdansledomainequilesintéressent(énergierenouvelableetéconomiesocialeetsolidaire),plutôtquelespartistraditionnels.

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ST30:TerritorialisationdessystèmespolitiquesettransformationsorganisationnellesdespartisenEurope

Responsables

JuanJ.Torreiro(GSPE‐PRISME,IEPdeStrasbourgetCRPS‐CESSP,UniversitéParis1)GrégoryHû(GSPE‐PRISME,IEPdeStrasbourg)

Cettesectionthématiques’inscritdansleprolongementdunombrecroissantdetravauxpubliésaucoursdesdernièresannéessurlaterritorialisationdessystèmespolitiquesenEuropeetsurleseffetsdecetteterritorialisationsur lespartisd’envergurenationale, leurorganisation, lastructuredesrapportsintra‐partisans,etc.Laplupartdecestravauxontcependantsurtoutenvisagéleseffetsstructurelsdescontraintes institutionnellesetpolitiquessur lesformesderecompositionorganisationnelledespartis(répartition duale ou fonctionnelle et étendue des compétences, participation des partis augouvernementrégionalet/ounational,congruenceounondesmodesdescrutin,etc.)1,appréhendantlespartispolitiquesdavantagecommeagencementderèglesquecommeinstitutionsetmobilisantpeules analyses des structures de carrières politiques dans les contextes multi‐niveaux. L’objectif de lasectionétaitainsidouble:analyser lestransformationsterritorialesdes institutionspartisanesàpartirdes «coups» joués par les acteurs et des ressources qui en rendent compte, tout en s’efforçantd’articuleranalysedesstructuresdecarrièreetdesjeuxd’échelleintra‐partisans.

Un premier ensemble de communications a abordé la question des effets ambivalents del’institutionnalisation d’un échelon régional sur la reconfiguration des structures de carrière desentrepreneurs politiques.Malgré le développementde la capacitépolitiquedes régions françaises etl’acclimatation aux transferts de compétences, Catherine Achin montre à partir d'une analyse desressources électives des députés de l'assemblée nationale française (législature 2007‐2012) que lesnormes structurant le comportement des professionnels de la politique ont été peu modifiées, lemandatrégionalrestantuneressourceélectivesecondaireetalternativedanslecadredestratégiesdecumuldesmandatsdesdéputés,refletd’unehiérarchiedesindemnitésquiluiestencoredéfavorable.Ce n’est que dans le cas des «petits» partis que ces ressources apparaissent comme valorisées. LesdonnéesprésentéesparJuanRodriguezTerueletRégisDandoyconcernantlaFrancedanslecadredeleur comparaison de la longévité des présidents de région dans quatre pays européens sembleconfirmer cette analyse, l’accès à la présidence de région intervenant plus fréquemment en fin decarrière.Dans le casespagnolen revanche, l’institutionnalisationde l’EtatdesAutonomies sembleaucontrairerenforcerlespositionsrégionales,enparticulierdesprésidentsdecommunautésautonomes,comme lemontrentAstridBarrio,OscarBarberà et JuanRodriguezTeruel dans leur communicationsur les conseillers autonomiques espagnols depuis le début des années 1980. La professionnalisationdesélitesterritorialesseheurteeneffetàuneprésidentialisationdesexécutifsrégionauxquisetraduitpar une forte instabilité des conseillers autonomiques, soulignant la forte dépendance des carrièresministériellesrégionalesàl’égarddesprésidentsdecommunautésautonomesquicumulentcontrôledel’exécutifetdesfédérationsrégionales.Ilsconfirmentainsilesrésultatsdeleurstravauxantérieurssurl’émergence d’une filière d’accès à la présidence des communautés autonomes de plus en plusdépendantedel’accumulationderessourcesélectivesprincipalementlocalesetrégionales.Lastructuredescarrièresquiendécoulesedifférenciecependantducasallemand,dontCatherineAchinmontreàpartirde l’analysedesdéputésduBundestagde ladernière législature (2009‐2013) lapermanenceducaractère relativement segmenté entre carrières nationales et régionales. L’institutionnalisation del’EtatdesAutonomiess’esteneffetaccompagnéeàpartirdumilieudesannées1990d’unecroissancedelacirculationdesministresrégionauxverslegouvernementnational.

1Entreautres,lesapprochescomparativesdeJonathanHOPKIN,PietervanHOUTEN(eds.),“DecentralizationandState‐Wideparties”,Party Politics, 2009, vol. 15, n°2, p. 131‐240 et BartMADDENS,Wilfried SWENDEN (eds.),Territorial Party Politics inWesternEurope,Basingstoke,Palgrave,2009

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Lescommunicationsd’AurélieRogersurlesrecompositionsdeladroitemartiniquaiseetdeJean‐Marie Izquierdo sur les stratégies de coalition des socialistes basques et navarrais en Espagne ontpermisdemieuxcernerl’impactdecettetransformationrelativedesressourcesdesacteursterritoriauxsurlesrelationsentrefédérationslocalesetinstancesnationales.Ilsmettentenévidenceenparticulierladépendancedesdynamiquesd’autonomisationdesfédérationslocalesàl’égarddelastructuredelacompétition politique locale d’une part, des formes d’intégration des entrepreneurs politiquesrégionaux aux instances nationales d’autre part. Dans les deux cas en effet, les transformationsinstitutionnelles interagissent avec un clivage territorial susceptible d’être mobilisé par des acteurspolitiques ethno‐régionalistes, contribuant à l’affirmation de configurations politiques régionalesspécifiques, partiellement déconnectées des configurations nationales. Aurélie Roger met ainsi enévidence la dévaluation des ressources symboliques etmatérielles fournies par l’institution partisanequi en résulte lors des confrontations électorales. Elle analyse également les revendications d’uneautonomie accrue des fédérations locales que cette dévaluation suscite de la part de certainsentrepreneurs politiques territoriaux, qu’il s’agisse de la sélection des candidats aux électionsrégionales ou de la définition des programmes et du matériel électoral, de manière à autoriser un«démarquage»àl’égarddel’institutionpartisaneetunereformulationdelamarquepartisaneadaptéeauxconfigurationspolitiqueslocales.

Ces revendications d’autonomie restent fortement encadrées par les instances nationales, leursuccès relatif dépendant, comme l’indique Jean‐Marie Izquierdo, de la capacité des principauxentrepreneurspolitiqueslocauxàcumulerpositionspartisanesrégionalesetnationales.Danslescasoùlemaintiend’uneforteemprisedesentrepreneurspolitiquesnationauxvientcontrecarrerlesvelléitésd’autonomie locale, la spécificité des configurations politiques locales autorise cependant lesentrepreneurs politiques les moins dépendants à l’égard des ressources collectives délivrées parl’institution partisane à faire défection vers des marques partisanes proches ou à s’engager dans laconstitution d’entreprises politiques locales adoptant un label «régionaliste». Comme le montreAurélieRogeràpartird’uneanalysedestrajectoiresdespromoteursdecesentrepriseslocalesdanslecasmartiniquais, ces «coups» sonteneffetengagéspardesadhérentsdont leprofil s’apparenteaumodèle de l’entrepreneur individuel, disposant de ressources personnelles importantes, ou dontl’adhésionrécenten’apaspermisuneintériorisationdeladisciplinepartisaneetunemaîtrisedessavoir‐faireadaptésauxjeuxintra‐partisans.

La taille de cette section thématique à dimension programmatique (une session) n'a permis detraiterqued’unepartiedesquestionssoulevéespar laterritorialisationdespartispolitiques.Plusieurspoints restent encore en suspens comme Romain Pasquier a pu le souligner en nous invitantnotammentàpenser lanotiondeterritorialisationenrapportavec ladimensionréticulairedespartis.Celasupposedeporterunintérêttantauxpropriétéssocialesdesacteursdanslecadred’uneanalysedescarrièresqued'élargirl’analyseenprenantencomptel’inscriptiondel’entreprisepartisanedanslesréseaux structurant l’espace politique local (syndicats, groupes d’intérêt, réseaux familiaux et desociabilité, etc). Par ailleurs, d'autres configurations restent à explorer, en particulier celles où lestransformationsinstitutionnellesn'interagissentpasavecunclivageterritorial.Demême,l’analysedesdéterminants des stratégies de disciplinarisation menés par les entrepreneurs politiques nationauxpourraitêtredéveloppéeenprenantencompte lesconfigurationspolitiquesnationalesdans lesquelslesacteurspolitiquesterritoriauxs'insèrent(occupationdupouvoirnational,ousonanticipation)etdel'intérêt stratégique que peuvent alors avoir les entrepreneurs territoriaux à s'assurer un accès aunationalpourgarantirleurcarrièrelocale.

Cespointsserontprolongés lorsde l'organisationd'unatelierauprochaincongrèsde laSQSPenmai2012envued'unepublicationfuture.

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ST32:Faire,défairelesprogrammes.Coproductionsetréceptionsdes«programmespolitiques»

Responsables

KarimFertikh(GSPE–IEPdeStrasbourg)MathieuHauchecorne(CERAPS–UniversitédeLille2)

Lasectionthématique32étaitconsacréeauxprogrammespolitiques,objetrarementanalysépourlui‐même,sinondanslecadred’étudesquantitativespeuconnuesenFrance.Ellevisaitdoncàréfléchiràlapossibilitéd’unevéritablesociologiedesprogrammespolitiques.Commentlesprogrammespolitiquesont‐ils émergé historiquement comme «forme politique» ? Par qui et comment sont‐ils écrits?Commentenfinsont‐ils«reçus»?

Lasectionaréunihistoriensetpolitistesdediversesnationalitéspourabordercesquestionsdeméthodeetd’objet.Elleétaitorganiséeendeuxséances.Lapremièreétaitcentréesur la fabricationdesprogrammes(jeudi1erseptembre2011),lasecondesurleurréception(vendredi2septembre2011).L’ensemble de ces interventions ont permis d’interroger conjointement la spécificité de l’objet (àl’intérieurdel’offresymboliqueetdiscursivedesorganisationspartisanes)etdemontrerqu’àcôtédu«programme» officiellement endossé par le parti, la notion renvoyait couramment à un spectre detextessecondairesbeaucoupplus large(discoursetarticlesdescandidats,tractsetc.): leprogrammeseconstruitdansdesinteractionsauseinduchamppolitiquedontlestextesformellementadoptésneconstituent qu’unmoment. Ces analyses ont ainsi permis de souligner la porosité de la césure entreproduction et réception du programme: les significations diverses attachées au «programme» sontproduites de manière continue par les différents agents qui interviennent dans l’espace public(candidats,journalistes,sondeursetc.).Cetravaildedéconstructiondel’objet«programme»apermisaux communicans de substituer à une analyse strictement interne des programme l’étude de leursusages et à travers eux demettre en évidence les normes qui lui confèrent sa centralité au sein del’idéalrépublicain.

Dans le cadredes interventionsetdesdiscussionsde lapremière séance, sont apparusd’unepart la surestimation des effets de la conjoncture électorale dans l’explication ordinaire des textesprogrammatiques: les approches quantitatives et ethnographiques ont abouti sur ce point à desrésultatsconvergents.RégisDandoy,danssontravailsur lathématiqueenvironnementaleauseindesprogrammes politiques en Belgique, a montré que le rapport de force électoral ne suffisait pas àexpliquerlaplacefaiteauxproblèmesenvironnementauxdanslesprogrammesetlamanièredontellevarie. Grâce à une observation historique fine, Nicolas Azam a mois en évidence l’importance desrelations intrapartisanes institutionnalisées et desdispositions des acteurs occupant des positions enleurseinpourexpliquerletraitementdel’intégrationeuropéennedanslesprogrammescommunistes.Adoptant laperspectived’unehistoirecroisée, l’historienJean‐NumaDucangeacartographié l’espaceinternationaldeproductionprogrammatiquesocial‐démocrateautournantdusiècle.Atraversledébat«international»autourduprogrammedeViennedelasocial‐démocratieautrichienne, ilanotammentmontrécommentlesacteursfontcirculerleprogrammeetenquoisasignificationestinséparabledesagentsparticipantàsacirculation.Lecaractère«révisionniste»deceprogrammeauxyeuxdecertainsallemandsdisparaîtenFranceenraisondesconditionsdesonintroductionauseindudébatsocialistenational.

LetravaildeNicolasAzamaégalementmontrélafaibleobjectivationdecertainesmotsd’ordreprogrammatiques («euroconstructif»), indices d’une perte des capacités d’imposition des cadrageslégitimes par les élites communistes entre les années 1970 et les années 1990. Ces questions defabricationdesprogrammessont,eneffet,pourlesintervenantsaussidesquestionsdefabricationdesarènes de production programmatique et des capacités des acteurs à intervenir sur le programme.PaolaDiazetCarolinaGuttierezmontrentainsiàtraverslecasduprocessusdedémocratisationchilienl’importancedelieuxinformelsdanslaproductiond’unconsensussurlechangementd’élitesautourde

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programmes prévoyant l’organisation des pouvoirs dans l’Etat post‐Pinochet. Ce contexte deproductionoblige lespartis d’opposition àdéplacer leursprisesdeposition. JulienO’Miel etMélaniePauvrosmontentquantàeuxl’intricationdescontenusprogrammatiquesetdesoccupationsdepostesdanslecadredestractationsdesecondtourentrelePartisocialisteetlesVerts.Ilsmontrentégalementquelafabricationdestextes(notammentdesprofessionsdefoi)danscecadrerépondàdesimpératifsd’urgence et à des impératifs juridiques dont le respect est confié à un «personnel de renfort»technicien. Rafael Cos, dans le cadre de cette séance, accentue la déconstruction du texteprogrammatique qui était visible dans les communications précédentes: il montre que le«programme»duPartisocialisteen1997est,certes,untexteproduitpardesacteurscoalisésautourdelapropriétédeproblèmespublics,maiségalementetenmême temps,que leprogrammeseproduitdans des négociations au sein du champ politico‐journalistique et qu’il n’implique pas tant un textecommeproduitmatérielquedesacteursautorisésàparleraunomdupartietàproduireleprogrammedemanièrecontinue.Lecaschilienavaitluiaussimontrélacapacitéd’acteursassociatifsàdonnersensauprogrammeet à requalifier la «promesse» comme«trahison», en faisant un «performatif raté».Les questions se déplaçaient doncdu sens objectif desmots (les acteurs seraient des exégètes) à laconstructiondelaparolepubliqueetdel’écartàlaparoledonnée.Ce point nous a amené à considérer que le programme était une ressource dans le cadre de laconstructiondecetteparolepubliquepartisaneetà revoir lapositionde la sociologieclassiquede laréceptionquiprivilégielemodèled’unfaceàfaceentreunagentetunobjet(lelecteurfaceàsonlivre),alorsque,danslecadredesprogrammesc’estàtraversdesinteractionscontinuesentreproducteursetrécepteursduprogrammequelesensdecelui‐cis’établit.Lasecondeséanceaaussiétél’occasionderevenir sur la genèse historique de la forme programme et les significations que celle‐ci objecctive.Damien Boone montre dans son texte ethnographique sur les conseils municipaux des enfants lesnormes démocratiques implicites, héritage de la IIIe République, qui travaillent la productionprogramme(le«bonprogramme»)et fonctionnentcommeundiscoursauquel s’obligent lesacteursindépendamment, comme le souligne dans la discussion Nicolas Bué, de leur degré subjectifd’«adhésion»àcesnormes.DamienBoonerevientégalementsurledegrédifférenciépourlesenfantsde compréhension et d’appropriation de ses normes démocratiques (cens caché). Aude DontenvilleGerbaudentreenrésonnaceaveccelledeDamienBooneencequ’elleinterrogelemythiqueprogrammedeBellevilledeGambetta.Mêmesicelan’estpaslecœurdesaprésentation,sontainsiquestionnéeslesconceptionsindigènesduprogrammecommecontrat,etlerôled’institutionnonpartisanes(commelecomitéélectoral)danslaproductionduprogrammeàtraversparexemplel’endossementd’un«cahierde doléance» par un candidat. Prenant comme corpus l’ensemble des références au discours deGambetta dans la presse ou dans les réunions politiques dont il existe trace, Aude Gerbaud analysecetteformationdiscursivecommeuneproductiond’écartsréglésparrapportautexte initial.LetextedeMatthieuTracolpropose,surlabased’archivesetd’entretiens,unedescriptionimpressionnantedela manière dont la question des travailleurs, de l’autogestion, de la démocratie dans l’entreprise seconstruit au sein du Parti socialiste dans les années 1970 et se déplace lorsqu’elle entre dans lesministères.Cette«idée»politiquestabilisée(etconstruiteautourd’applicationsspécifiques)subitunetransformationsubstantielledanssaréfractiondanslabureaucratied’Etatenraisondeschangementsdes rapports de force qu’implique la transformation des compétences nécessaires pour dire avecautoritécequepeutêtreladémocratiedansl’entreprisesuivantquel’onestdansl’espacepartisanoudans l’espace bureaucratique‐gouvernemental. Vers là‐bas, c’est le même constat auquel parvientMartialCavatzenmontrant l’importancedessituationscontextuellespour l’appropriationpar lesélus(du Doubs) du programme économique du Parti socialiste. Les réseaux d’interaction locauxconstruisent leprogrammedanssesdéclinaisonsdans lesdiscourset lespolitiquespubliquesaulocal.Cela est également démontré par Clément Desrumeaux dans son analyse des appropriations desprogrammes partisans centraux par les candidats aux élections législatives en France et en Grande‐Bretagne.CequemontreClémentDesrumeauxn’estpasseulementqueleprogramme(conçucommeun signe identitaire du parti parmi d’autres) est interprété, mais qu’il est approprié en fonction desdispositionsdesacteursmaisaussidelaconfigurationdelacirconscriptionetquecetteappropriationpeut conduire à construire un autre programme et à voir les «écarts» mobilisés dans les luttesintrapartisanesauniveaulocal.

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ST33:Communicationpolitiqueetmobilisationélectorale.Bilanetperspectivesdesdispositifsd’enquête

Responsables

CeesvanderEijk(UniversitédeNottingham)AnneJadot(UniversitéNancy2/CEPEL)

Cette Section Thématique entendait prolonger des travaux autour des études électorales et de lacommunicationpolitiquemenésauseinde l’AFSPlorsdeprécédentsévénementsscientifiques:TableRonde au Congrès de 2007 sur «Les temporalités de la décision électorale», Section Thématique duGAELetduMODauCongrèsde 2009 sur «L’individuet le contexteenétudesélectorales», Journéed’EtudeduGAELen2010sur«Leseffetsdesmédiassurlesélecteurs».Il s’agissaitpournousdemontrer l’actualitédecequestionnement,mêmesi lepouvoirpersuasifdesmédias lorsdescampagnesélectoralesestdébattudepuis l’étudepionnièredirigéeparP.Lazarsfeld.Ces premiers résultats empiriques indiquant des effets faibles, la plupart des enquêtes de sociologieélectorale avaient ensuite minoré leur attention pour ces aspects (Graber 1980 ; Norris 2006).Cependant,depuislesannées1970,leshypothèsesde«désalignement»del’électorat,desavolatilitéet de sa sensibilité croissante à la conjoncture, aux enjeux saillants et aux candidats ont permis deréintroduire l’intérêtpour lacampagnecommecontextedechoix.Cet intérêtrenouvelépour lecourttermeetleseffetsdecampagneaétéopérédanslecadred’undéplacementduquestionnementquantàl’impactdelacommunicationpolitique:deseffetsdirectsdepersuasionversleseffetsindirects.Celaaconduitàuneapprocheparleseffetsd’agenda,decadrageetd’amorçage(Gerstlé1996,2004).Ontégalement été intégrées des perspectives de recherche s’attachant aux processus cognitifs detraitementde l’information(Ferejohn&Kuklinski1990)etaurôledesémotionspositivesetnégatives(Marcuset.al.2000).Parailleurs,étudierlesprocessusdesocialisationetlesdynamiquesdediscussion(Aldrin2003)permetd’intégrer lacommunication interpersonnelledans lesétudesderéceptionde lacommunicationetdesonpouvoir (dé)mobilisateur.Plusrécemment, lerôled’Internetetdesréseauxsociaux(cf.lescampagnesdeHowardDeanen2004etBarackObamaen2008)asoulignél’acuitéd’unquestionnement qui intéresse tout à la fois la sociologie électorale, la communication politique et lapsychologie politique. Tous ces questionnements peuvent être pertinents lors d’élections nationalesmaisaussilocalesoueuropéennes.Plusprécisément,parrapportàcesgrandsquestionnements,l’originalitédenotreSectionThématiqueétaitdetraitercesenjeuxavecunpointdevuerésolumentméthodologique:quelssontlesdispositifsdecollectedesdonnéesquipermettentdevalideroud’infirmerempiriquementleshypothèsessurleseffetsdelacommunicationpolitique?Selonlesmatériauxempiriquesréunis,quellessontlesméthodesd’analyse les plus pertinentes pour mesurer l’impact de la communication en termes de(dé)mobilisationet sur le vote ? Il s’agissaitde croiser les regardsdisciplinaireset lesméthodespourmontrer si, et sous quelles conditions, les dispositifs d’enquête étaient pertinents pour saisir lesdynamiques de communication pendant une campagne électorale susceptibles de mobiliser lesélecteursetd’affecterleurchoix.Notreappelàcommunicationsaétélargementdiffusé,nonseulementenFrance(vial’AFSPetlalisteANCMSP)maisaussienEurope,grâceauxréseauxdetravaildesdeuxco‐organisateurs.Entreautres,l’appel a été diffusé à nos collègues du projet européen «The True European Voter», à l’équipe desEuropean Election Studies, au réseau de formation de doctorants ELECDEM, au groupe EPOP de laPolitical StudiesAssociationet au standinggroupde l’ECPR «PublicOpinion andVotingBehaviour inComparativePerspective».Noussouhaitionseneffetparticiperà l’internationalisationduCongrèsdel’AFSPet inciterdescollègueseuropéensouaméricainsàparticiper.Nousavonsreçu19propositions,dont9internationales.Aprèscroisementdesévaluations(quiavaientétéréaliséesdefaçonséparéepar

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les co‐organisateurs), nous avons retenu 10 communications, dont 5 internationales. Les critères dechoixprincipauxontétél’adéquationdespropositionsauxattentesexplicitéesdansnotreappel,l’étatd’avancement du terrain empirique et des analyses, la capacité des communications à se ‘répondre’scientifiquementet,cefaisant,àsusciterundébatscientifiquedequalité.Laplupartdescommunicationsprésentéesreposaientsurdesrésultatsempiriquesfondéssurl’analysed’un cas national (France, Italie, Belgique, Autriche et Pays‐Bas) ou sur une comparaison à l’échelleeuropéenne (l’enquête électorale européenne de 2009). Certaines ont présenté des dispositifsd’enquête testés de façon expérimentale (diffusion d’un questionnaire au sein de ‘dyades’, testsprojectifssurdesaffichespolitiques ‘détournées’d’unpointdevuegraphique)etquipourraientêtreappelésàêtredéveloppéslorsdefuturesenquêtesélectorales.Danslesdeuxcas,l’ambitionétaitbiendeproposeruneréflexionsurlesstratégiesderechercheetsurleuradéquationauxhypothèses,enplusde fournir des résultats empirique nouveaux. Afin de mener un dialogue heuristique entre lesdifférentescommunicationsetdefaciliterleurdiscussion,deuxsessionsontétéprogrammées.(1)LesenquêtesparquestionnaireUne session complète a été dédiée aux seules enquêtes par questionnaire car elles sont une sourced’informationmajeureenrechercheélectorale,mêmesinonexclusivebiensûr.Lespapiersprésentésontpermisentreautresderéfléchiràlatemporalitéduterrain:combiendefoisetàquel(s)moment(s)faut‐il interroger les électeurs afin d’être enmesure de saisir d’éventuels effets de campagne sur laparticipationélectoraleetlechoix?Enfonctiondelaconfigurationdescandidatures,delacristallisationdesimagesdescandidatsetducadragedesenjeuxproposéparlesprincipauxmédias,faut‐ilenquêterplus ou moins longtemps avant l’élection ? Cela a des conséquences fortes sur le plan d’enquête :sondage pré‐ ou post‐électoral, dispositif panélisé avant/après l’élection qui permet de suivre laconstruction de la décision électorale ou encore «rolling‐cross section» avec assez d’interviewsquotidiennes pour mettre en regard les réponses et des événements précis de la campagne(communicationscollectivesprésentéesparB.CautrèsetH.Schaade).Outrecesquestionsrelativesàlastratégied’enquête,uneffortparticulieraétéconsacréàl’articulationentrecesdonnéesindividuelleset une analyse de contenu des médias, pour tester les hypothèses d’effet d’agenda, de cadrage etd’amorçage (communications collectives présentées par I. Hoeller, J. Lefevere et C. Piar). Différentsmédias où apparaissent les candidats ont été pris en compte, à la fois la presse écrite et lesmédiasaudiovisuels,enaccordantuneattentionàladiversitédel’offremédiatique.Touteslescommunicationsontmentionné l’importance que lesméthodes statistiques appliquées soient adéquates, en fonctiondesdonnéesdisponiblesetdeshypothèsessurladécisionélectoraleetsesdynamiques.Laplupartdescommunicationsontparailleurs souligné l’importancedebienprendreencompte,d’unpointdevuethéorique mais aussi empirique, l’hétérogénéité des électeurs: tous ne suivent pas la campagneélectoraleaveclamêmefréquence,niaveclesmêmesbuts,enfonctionnotammentdeleursensibilitépréalableauxenjeuxetauxcandidats.(2)LesdispositifsméthodologiquesmixtesetlacommunicationviaInternetD’autresdispositifsd’enquête,ycomprisqualitatifsouethnographiques,sontpertinentsenrechercheélectorale,ilconvenaitdoncdeleurconsacrerunepartiedelasecondesession,aveclamêmeambitionde présenter des résultats empiriques à partir de données collectées à propos de différents typesd’élection. Les communications ont montré comment une diversité, voire une combinaison, deméthodesqualitativesetexpérimentalespermettentd’étudierlaréceptiondelacampagneélectorale.L’accentétaitmisicisurlaréceptiondel’offrepolitiqueetlapriseencomptedesdiscussionspolitiquesetdeleurdynamique.Lesdonnéesempiriquesqualitativesetquantitativesavaienttoutesétérecueilliesen France grâce à des entretiens qualitatifs approfondis auprès d’individus et de leurs groupes deconnaissance (communication de J. Audemard), à des entretiens collectifs panélisés couplés à unequestion ouverte dans un sondage auprès d’un échantillon représentatif (communication de P.Lefébure),àdestestsprojectifsàpartird’affiches,àdesquestionnaireslocaliséssurleurréceptionetà

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desentretiensapprofondisetàdesexpérimentationssurleur"détournement"visuel(communicationd’A.Dezé).Parailleurs, Internetprenantde l’importancecommecanaldecommunicationpolitique,voireoutildemobilisationdesélecteursavecdesdispositifsenligne«d’informationetd’aideauvote»,unepartiedecettesecondesessionluiaétéconsacrée,pourétablirunpremierbilandesstratégiesd’enquêtequiluisontappliquées.D’unepart,lesstratégiesdecommunicationdescandidatsauxélectionseuropéennesde 2009 et leur efficacité a été évaluée grâce à des données quantitatives comparatives(communicationcollectiveprésentéeparL.Sudulich).D’autrepart, l’impactdesconseils reçuspar lesélecteurs néerlandais utilisateurs volontaires d’un outil de VAA a pu être testé grâce aux ‘traces’informatiquesdeleursvisitesenlignesetàdesquestionnairesremplisultérieurement,ycomprisaveclaconstruction d’un panel (communication collective présentée par M. Wall). Dans cette sessionégalement, le thème de l’hétérogénéité de l’électorat face à la campagne électorale et à sesdynamiquesestapparu:parexemple,lesutilisateursd’uneVAAsontd’autantplusenclinsàsesouvenircorrectement des informations et des conseils reçus, puis à voter en concordance avec ceux‐ci, quel’information à laquelle ils sont exposés est congruente avec leurs préférences préalables. Cettethématique commune de l’hétérogénéité de l’électorat vis‐à‐vis de la campagne et de ses pratiquesd’information,deréceptionetdediscussionspolitiques,estunepisteintéressantepourlesdébouchéséditoriauxenvisagés.BilandesdiscussionsetdébouchésdelaSectionThématiqueNousavionschoisiderépartirles10communicationsentreles2sessionsdefaçonàassurerlameilleurecohérencepossible entre elles.Nous avons d’ailleurs beaucoup apprécié quedeuxpapiers présentéslorsdelasession1pardescollèguesfrançais(B.CautrèsetC.Piar)soientdiffusésàl’avanceavecuneversionanglaise,afindepermettreauxautresparticipants,pastousfrancophones,de lesdiscuter.Lefaitquetouslespapierssaufdeuxavaientétédiffusésdèsfinjuilletavaitfacilitéleurlecturecroiséeparles participants. De fait, tous les auteurs avaient des commentaires les uns pour les autres et desquestionsàseposerlesunsauxautres,etlesdiscussionsontétériches.Dupublicexterneaassistéauxdeuxsessions,mêmesitouteslesdiscussionssesonttenuesenanglais,etilsontnaturellementaussipuposer des questions et faire des commentaires pendant le temps réservé aux débats. A plusieursreprises,conformémentànosattentes,dessuggestionsontétéémisessurlapertinencedesdispositifsd’enquêtepasséset leuréventuelleadaptationdans laperspectivedefutursscrutins,enparticulier laséquenceélectoralede2012.Pourlasuite,undébouchédirectdecetteSectionThématiqueestnotreprojetdepublierunn°spécialthématique dans une revue internationale de langue anglaise, qui sera co‐édité et introduit par lesorganisateurs de la ST. De premiers contacts pris sont positifs, même si les revues scientifiques onttendanceàvouloirlimiterlesn°thématiques.Unsynopsisplusprécisdecenumérospécialestencoursdepréparation,avecsansdoute5ou6communicationsquiserontretenuesetproposéesàlarevue,etquidevrontêtreretravailléespourencoreplusmontrerleurssynergiesentreelles(unoudeuxtextesdecollèguesquin’ontpaspuêtreprésentsàStrasbourgy serontpeut‐être joints,dans lamesureoù ilssontcohérentsd’unpointdevuethématiqueetméthodologique).Encasd’approbationdéfinitivedun°spécial par le comité de rédaction, les textes seront remis au printemps prochain puis soumis auprocessushabitueletanonymedepeer‐review,articlepararticle,pourespérerunepublicationenlignedèsl’automne2012.Parailleurs,undébouché indirectdecetteSTest lié à l’attentionportéeauxdispositifsde recherchepour enquêter sur les campagnes électorales. En effet, grâce à au Congrès, étaient présents àStrasbourgpourcetteSTplusieurscollèguesfrançaiseteuropéensdéjàimpliquésdansdesdiscussionsdepuisdelongsmoisàproposd’enquêtesàmenerconjointementsurlesélectionsfrançaisesde2012.LeCongrèsadoncpermisdesréunionsdetravailtrèsproductivesendehorsdessessionsdelaST(audétriment, toutefois, de la participation aux événements pléniers, ce qui est dommage). Quelquessemainesplustard,7participantsdelaSTetunmembreassidudupublicontainsifaitpartiedel’équipe

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quiadéposéunprojetàl’ANRdanslecadredel’appel«Corpus,DonnéesetOutilsdelarechercheenSHS».Ceprojetréunit4laboratoiresissusde3pays(France,Royaume‐UnietPays‐Bas),2spécialisésenscience politique, 2 en communication politique, ce qui valide l’intérêt pluridisciplinaire et l’accentméthodologiquedenotreST.Autitrede(petits)soucisrencontrésdansl’organisation,nousdéploronsqueles2collèguesquiavaientété invitéspourdiscuter lescommunications,enplusdes2co‐organisateurs,n’ontpaspuassisterauCongrès:AndreasWust (UniversitédeMannheim)avait entre‐tempsacceptéd’autres fonctionsparagouvernementales,horsdumondeacadémique;PierreBaudewyns(UniversitédeLouvain‐la‐Neuve)aappris que sa communication était acceptée pour la conférence annuelle de l’APSA. A ce propos, laconcomitance de la conférence annuelle de l’APSA avec le Congrès 2011 a également empêché troiscollèguesaméricainstrèsintéressésparnotreSTdevenir,dontA.LupiaetL.Vavreck,cequiestunpeudommage.Parailleurs,nousavonsrencontréunpetitsoucià lafinde la1èreséance:pourpermettreaux participants d’aller assister à une session plénière au Parlement européen, la durée de la 1èresessiondenotreSTavaitété raccourcie sansquecela soitnotédans le livretduCongrèsdistribué laveille, lors de l’arrivée des congressistes (et nous n’avions malheureusement pas vu avant decommencer lemot d’avertissement à ce sujet déposé sur la table !). Nous ignorions donc qu’il nousfaudrait terminer plus tôt et que, de surcroît, la salle attribuée à notre ST avait été réservée dans lafoulée de nos travaux, pour une réunion de l’IEP. Cela a créé un peu de confusion et quelque peuraccourcinosdébats, cequi fut légèrementdésagréableà la foispour lesparticipantsdenotreSTetpourlesmembresdel’IEPquivoulaient(légitimement!)commencerleurréunionà l’heure.Hormiscedétail,toutel’organisationduCongrèsaétéexcellenteetnousenfélicitonsl’équipedel’AFSPainsiquelecomitéd’organisationlocal.Surleplanscientifique,nousnousréjouissonsdel’organisationdecetteST,àlafoispourlaqualitédestextesprésentésetdesdiscussionstenues,etnousnemanqueronspasdetenirl’AFSPinforméedesdébouchéséditoriauxàvenir.Références/References‐ Aldrin P., 2003, « S’accommoder du politique : économie et pratiques de l’information politique ».Politix,n°64,p.177‐203.‐FerejohnJ.,J.Kuklinski(dir.),1990,Informationanddemocraticprocesses.Urbana/Chicago:UniversityofIllinoisPress.‐Gerstlé J., 1996,«L’informationet la sensibilitédesélecteursà laconjoncture».Revue françaisedesciencepolitique,vol.46,n°5,p.731‐752.‐GerstléJ.,2004,Lacommunicationpolitique.Paris:A.Colin.‐GraberD.,1980.MassmediaandAmericanpolitics.WashingtonDC,CongressionalQuarterly.‐IyengarS.,A.Simon.2000.“NewPerspectivesandEvidenceonPoliticalCommunicationandCampaignEffects”,AnnualReviewofPsychology51,pp.149‐169.‐MarcusG.,R.Neuman,M.MacKuen,2000.AffectiveIntelligenceandPoliticalJudgment.Chicago:TheUniversityofChicagoPress.‐ Norris P., 2006. “Did theMediaMatter? Agenda‐Setting, Persuasion andMobilization Effects in theBritishGeneralElectionCampaign”,BritishPolitics1,pp.195‐221.

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ST34:Géographieetsociologieélectorales:duelouduo?Actualitéetavenird'uneconcurrence/collaborationscientifique

Responsables JoëlGombin(UniversitédePicardieJulesVerne,UMRCURAPP‐ESS6054CNRS)

JeanRivière(UniversitédeRouen,UMRIDEES6266CNRS)

LaST34aconfirméledynamismedesétudesélectoralesplaçantaucœurdeleurapprocheladimensionspatiale des comportements électoraux – dynamisme attesté notamment par la publication del’Habilitation à diriger des recherches de Céline Braconnier (Braconnier, 2010) ou celle dumanuel decomportementspolitiquesdeNonnaMayer(Mayer,2010),ainsiqueparuneproportionimportantedejeuneschercheursparmilescommunicantsàlaST.

LacommunicationdeMichelBussi,«Lanouvellecarteélectorale,vingt‐cinqansaprès»,apermisàunacteuretobservateurprivilégiédurenouvellementdelagéographieélectoralededresserunbilandesrelationsdelagéographieaveclesautres«sciencesélectorales»,pourconstaterdesconvergencesetdesrapprochementsprometteurs,mêmesidesdifférencesd’approchesubsistent,ycomprisauseindechacunedesdisciplinesconcernées.

LescommunicationsdeQuentinDavid,Jean‐BenoîtPiletetGillesvanHammed’uncôté,etdeGeoffreyPion d’un autre côté, ont montré l’intérêt de recourir à des analyses spatialisées du vote dans uncontexte comme celui de la Belgique, marqué par une forte territorialisation politique. De plus, lapremièrecommunicationenparticulier illustreconcrètement,en recourantà lapilarisation, commentarticuleruneanalyseportantàlafoissurlesattitudesetcomportementsindividuelsetsurlecontextesociopolitique.

Les communications de Jessica Sainty et Antoine Jardin ont permis de présenter deux recherchesdoctorales, issues de la science politique, et s’inscrivant pleinement dans le mouvement despatialisation de l’étude des attitudes et comportements électoraux. Jessica Sainty étudie ainsi laformationterritorialiséedujugementpolitique,s’inspirantdecadresthéoriquesissusdelagéographiesociale,tandisqu’AntoineJardinrechercheducôtédelasociologieurbainelesoutilsluipermettantderesituerlesvariableslourdesdelasociologieélectorale.

Le franchissement des frontières disciplinaires semble décidément à l’ordre du jour de la sectionthématique.EricAuburtinillustreainsicommentl’écolegéopolitiquedeParisVIIIpeutaborderl’étudeduphénomèneélectoral,demanièretransnationalequiplusest.EricSavareses’inscritquantàluidansla tradition électoraliste de la socio‐histoire, illustrée par exemple par (Déloye et Ihl, 2008), en yadjoignantuneanalysespatialiséeetcontextualisée.

LaST,enmarquantunjalonsupplémentairedansunprocessusdesolidificationd’unecommunautédechercheurs travaillantsuruneapprochespatialiséeetcontextualiséedesattitudesetcomportementsélectoraux, a enfin permis une riche discussion sur les perspectives futures de développement, autravers notamment de grands programmes de recherche, tels le projet CARTELEC, présenté dans lacommunicationdeBrunoCautrèsetAnneJadot.

Bibliographie

BRACONNIERCéline,2010,Uneautresociologieduvote:lesélecteursdansleurscontextes:bilancritiqueetperspectives,Paris,Lextenso/LEJEP.

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DELOYEYvesandIHLOlivier,2008,L’actedevote,Paris,PressesdeSciencesPo.

MAYERNonna,2010,Sociologiedescomportementspolitiques,Paris,ArmandColin.

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ST36:Ledécoupageélectoral:histoire,enjeuxetméthodes

ResponsablesHélèneBlais(UniversitéParis‐OuestNanterre)

ChristopheVoilliot(UniversitéParis‐OuestNanterre)

Cettesectionthématiqueétaitunpari :réunirdeschercheursdedisciplinesdifférentesautourd'unobjetdontladéfinitionresteimprobableouévanescente...Cesontd'abordlestermesdecepariqu'il est nécessaire d'expliciter avant même de parler de bilan scientifique. Trois disciplines étaientreprésentées au seinde cet atelier : la sciencepolitique, l'histoire et la géographie.Manquait donc àl'appel le droit public et plus précisément le droit constitutionnel dont la jurisprudence conditionneaujourd'huilesmodalitésdesdécoupagesélectorauxenFrance.Parmilescommunicationsproposées,trois sur quatre le furent par des doctorants ; la quatrième ‐ celle deMichel Bussi ‐ étant liée à uneéquipederechercheconstituéedanslecadred'unprogrammeANRsurlesbureauxdevotedontl'objetcroisait nos préoccupations. Toutes les communications concernaient la France, sans approchecomparative;deuxétaientcentréessurletempsprésent,unesurlaRestaurationetune,partiellement,surlaTroisièmeRépublique.

1. Questionsposéesetapportsdelarecherche Parmilestechnologiesd'ÉtatinstrumentaliséesdanslecadredescompétitionsélectoralesdelaRestauration, F. Jaulin amontré à partir d'un exemple précis que le découpage des circonscriptionslégislatives pouvait être envisagé comme unmoyen, parmi d'autres, de faire triompher un candidatgouvernemental.Cettepréoccupationseretrouvedansledécoupagede1927étudiéparT.Marthyquimontre,ausurplus,quedansbeaucoupdépartementsruraux,lescontraintesdémographiqueslimitentles ciseaux des spécialistes de la carte électorale. T. Ehrhard s'est intéressé aux modalités desdécoupagescontemporains,notammentauxexpertsmobilisés,cequiluipermetdeproposerquelqueshypothèsesconcernantledésintérêtacadémiquevis‐à‐visdudécoupageélectoral.M.Bussiaprésentéles premiers résultats d'une enquête sur les bureaux de vote, donnant ainsi à voir un découpagepolitico‐administratifd'ungenreparticulieretd'ungrandintérêtpourl'étudedespratiquesélectorales1.

2. Questionséludéesetrecherchesàenvisager L'appel à communications insistait sur les savoirs mobilisés dans le cadre des opérations dedécoupageélectoral.Cettequestionn'apasétéabordéedemanièresatisfaisante,notreconnaissancedes savoirs juridiquesoucartographiques inscritsdans lesdécoupagesélectoraux reste rudimentaire,surtoutparcomparaisonavecl'étatdessavoirssurlesdécoupagesauxÉtats‐unis.Ledébata,deplus,misenévidence l'effetde«mauvaiseréputation»dontsouffrent lesopérationsdedécoupage : ilestdifficile de se départir de l'idée que les professionnels de la politique n'ont comme objectif que desécuriserleurscirconscriptions.Cesenscommundudécoupageestparunconséquentunobstacleàlasélectiond'objetspertinentspourlarechercheensciencepolitique.Faceàunerelationsocialedontlesensapparaît évident,onest toujours tentédeprivilégier les résultats sur lesmodalitésobservables,l'objectivationprésuméedeseffetssurl'étudedespratiqueselles‐mêmes. Deux pistes apparaissent envisageables pour éviter les apories auxquelles conduisent l'étudeentendue («il s'agit d'un vilain instrument dont abusent les professionnels de la politique») dudécoupageélectoral: a) inscrire le découpage dans l'ensemble plus vaste des savoirs et des technologies d'Étatutilisésdanslecadredeladéfinitionvertueusedesopérationsélectorales; b) «banaliser» le découpage électoral en montrant qu'il n'est qu'une variante d'opérationsmultiples effectuées dans des contextes variés de construction d'espaces à des fins pratiques 1 Pourplusdeprécisions,nousrenvoyonsauxtextesdescommunicationsdisponiblessurlesitedel'AFSP.

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(commerciales,administratives,militaires,etc...) Dans le premier cas, le découpageélectoral s'inscrit enpriorité dans l'analysehistoriquementinforméedespratiquesélectorales,cequin'arienpoursurprendreunpolitistefrancophoneavertidestravaux menés depuis deux décennies en ce sens ; dans le second cas, il s'agit de formuler unprogrammepluridisciplinaire qui tienne compte à la fois des apports de la géographie politiquemaisaussideceuxd'unesociologiedes«artsdefaire»commecellequeproposeDelphineGardey2.

2 GARDEY(D.),Écrire,calculer,classer.Commentunerévolutiondepapieratransformélessociétéscontemporaines(1800‐1940),

Paris,LaDécouverte,2008.

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ST40:Letravailpolitique

ResponsablesDidierDemazière(CSO/CNRSetSciencesPo)PatrickLeLidec(CERSA/CNRSetParisII)

LaprésentationetladiscussiondestravauxdanslaST40ontdébouchésurlamiseaupointd’unprojetd’ouvrage, portant sur la notion de travail politique. Celui‐ci, entendu comme les activitésprofessionnellesdesacteursquicontribuentdirectementouindirectementàlaproductiondedécisionspolitiques, a fait l’objet de multiples analyses, en science politique. Mais les problématisationss’appuientplutôtsurlescatégoriesdemétieroudeprofessionnalisationpourdécrireetinterpréterlesévolutionsdesconditionsd’exercicedesmandats.L’accentpeutalorsêtreportésurunemultitudededimensions, concernant les statuts et rémunérations, les savoirs et expertises mobilisés, lesapprentissagesetlesexpériences,lesmanièresdefaireetlesengagementspersonnels,lessituationsetles contextes de la pratique, etc. Les multiples enquêtes conduites auprès des élus et de leursentouragessoulignentdesprocessusdespécialisationetcomplexificationdestâchesassignéesauxélusetpointentlepoidsdescontraintesderôlessurlespratiquesprofessionnellesdetravail.L’objectifdel’ouvrageestdecroiserlesperspectivesafindeproposerunpremierpanoramaassezvastesurletravailpolitique.Quatreanglesd’analysesontprivilégiés(correspondantàautantdepartiesdansl’ouvrage). Lepremier, focalisé sur les expériencesque lesélus fontde leur travail, rend comptedesmodalitésdegestiond’uneactivitédébordanteetpointelaporositédesfrontièresentreviepubliqueetvie privée. Le second, centré sur les modes d’organisation du travail, renseigne les processus despécialisation des activités et les modes de constitution et de gestion de collectifs de travail. Letroisième,axésurlesmarchésdutravail,analyselastructurationd’espacesdemobilitéprofessionnelleetmontrelesinteractionsentreprofilsdecarrièresetmanièresdetravailler.Lequatrième,centréversles formes d’appropriation du travail, retrace les épreuves et les arbitrages qui scandent lesapprentissagesetpointe lacomplexitédes logiquesdedifférenciationdespratiquesprofessionnelles.Pourrenseignercesenjeux,ce livrerassembledestravauxréaliséssurdesterrainsvariés,portantsurdes institutions politiques (partis, collectivités territoriales), des collectifs de travail (cabinetsministériels, entourages d’eurodéputés), des détenteurs de mandats (vice‐présidents de conseilsrégionaux,maires, élus cumulants),desentouragesd’élus (directeursgénérauxde service,personnelde confiance). Les enquêtes empiriques qui alimentent ces analyses s’appuient sur des méthodesdiversifiées (observation de longue durée, entretiens biographiques, étude longitudinale de cas,entretienscroisés,analysed’archives,exploitationdebasesdedonnées)etsouventsurl’articulationdeplusieursd’entreelles.Lapublicationestprévueaumoisdeseptembre2012.

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ST42:Lesenjeuxpolitiquesetacadémiquesdesréformesdel’enseignementdudroit:perspectivescomparées

Responsables

LioraIsraël(EHESS,CentreMauriceHalbwachs,Paris)RachelVanneuville(Triangle‐CNRS,Lyon)

LessessionsorganiséesparlaST42étaientcentréessurlaproblématiquedesenjeuxliésauxréformesdel’enseignementdudroit:commentl’observationdesréformesrenseigne‐t‐ellesurlerôledudroit,etses transformations,dans legouvernementdesorganisationsetdes conduites sociales? Lapremièresessionaportésurdesréformesinternesàdesinstitutionsd’enseignement,ladeuxièmesurlesdébatsautourdesréformes.Rassemblantdescommunicationsquitraitaientdepériodeshistoriques,depaysetde lieuxd’enseignementdifférents,ellesontpermisdemettreau jour lapermanencedestensionspolitiquesquitraversentl’enseignementdudroit.Parcequeledroitestunsavoirdegouvernement,sonenseignementestconstammentsoumisàdescontroversesrelativesàsafinalité.Arriméesàlaquestion:«qu’est‐cequ’unbonjuriste?»,cescontroversessedéclinentsouslaformed’uneoppositionbinaire,culturelibéraleversuscultureprofessionnelle,quiconnaîtdesvariationsmultiplesselonlesépoques,enFrancecommeàl’étranger.Laformepriseparlarésolutiondecetteoppositionestàrelieraurapportde forces entre trois acteurs permanents, eux aussi, dans le paysage de la formation juridique:universitairesetpraticiensdudroitainsiqu’acteursétatiquesrelevantdesministèresconcernésparlesréformes(celuidel’enseignementmaisaussidelafonctionpublique,del’économie…).Lastructurationdu système et des professions juridiques (rapports plus oumoins conflictuels entre universitaires etpraticiens, plus ou moins grande unité des professions) et le rôle de l’Etat (plus ou moins grandeintervention dans l’accréditation des formations notamment) des différences notables dans laconfiguration,et larésolution,decesluttesdedéfinitionautourdelafiguredu«bon» juriste.Malgréces différences, les communications ont mis en évidence une convergence des réformes etdébatscontemporains,dominéspardespréoccupationséconomiques.Le«bon»juristetendàprendrele visage de l’avocat d’affaires ou du juriste d’entreprise, et le «bon» droit est celui qui permetd’améliorer les performances des organisations, qu’elles soient publiques ou privées. Ce processusd’instrumentalisationdudroitauprofitd’impératifsquiluisontextérieursrestecependantàinterroger,lesintervenant‐e‐sayantpointédiversesformesderésistancequeluiopposentcertainsprofessionnelsdudroit,universitairescommepraticiens.

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ST43:Lerapportauxinstitutionsdesdescendantsd’immigrés

Responsables ArianeJossin(CentreMarcBlochBerlinetCRAPERennes)

IngridTucci(DIWBerlin)

Notre Section Thématique a subi une défection de dernière minute et ce sont donc quatrecommunicationsquiontétéprésentéeslevendredi2septembre2011.NousavonsretenuunformatdeST assez inhabituel en France et plus pratiqué dans le monde académique anglophone, celui desprésentationscroisées.Ainsi,aucun intervenantn’aprésentésonproprepapier,maisa,au lieudeça,présentéceluid’unautreauteur: 20minutesétaient laisséesà chacundeuxpour faireun résumédutexted’unparticipant,puisuncommentairecritiqueàmêmed’amorcerunediscussion.L’auteuravaitensuite10minutespourrépondreaucommentateur.Lesparticipantsontpuexprimerleurspréférencespour le choix des papiers en amont de la ST. Ce principe de fonctionnement a été très satisfaisant,puisquetouslesparticipantsavaientuneconnaissanceapprofondied’aumoinsdeuxtextes(le leuretceluidupapierdiscuté),cequiaentraînéunediscussioncollectivenourrieetvive.

Nousavionsparailleurstenuàcequ’ilyaitàlafoisdesétudesquantitativeetqualitativesurlaquestiondurapportaux institutionsdesdescendantsd’immigrés,ainsiqueplusieursapprochescomparatistes.Cette confrontation quanti‐/quali aurait pu être stérile, elle a au contraire été riche et a notammentprofitéd’unetriangulationquali/quantide l’étudedeC.PradetH.Peresquiontprésenté lesrésultatsinéditsd’uneétudepassionnantesurlesétudiants«d’origineimmigrée»faceauxconcoursd’accèsàlafonction publique. Cette étude a étémenée dans des centres de préparation aux concours (IPAG etCPAG).L’approchequantitativeétaitégalementproposéeparl’étuded’E.Comtatsurlaconfiancedansles institutions et dans le système démocratique des descendants demigrants (à partir des donnéesd’enquêteEVS2008)quiamalheureusementrenoncéàl’approchecomparatisteinitialementannoncéeet qui aurait permis demettre les résultats français en comparaison avec des données britanniques.Cette dernière étude a soulevé des questions méthodologiques intéressantes et a permis dequestionnerl’apportdecesrésultatsparrapportàdesétudespréexistantes,notammentl’enquêtedeBrouard et Tiberj, «Des Français comme les autres» (2005). N.Fuchs a, elle, proposé un texte surl’engagementmilitantdesdescendantsdemaghrébinsdanslescitésdanslesannées1990,surlabased’une enquête de terrain purement qualitative au niveaumicrosociologique. Les discussions qui ontsuiviontpermisdefaireunétatdeslieuxdel’évolutiondeceterraindepuislafindel’étude.Enfin,A.VoisinasoumisaugroupeuneanalysecomparéedurapportauxdiscriminationsetauxinstitutionsdesjeuneshabitantsdedeuxquartierspopulairesdelapériphériedeLondresetdeParis,etaainsimissurlabalance lemodèlemulticulturalismebritanniqueet lemodèle républicain français.H.PeresetC.Pradont commenté ce travail de thèse très prometteur en le mettant dans le contexte des événementsrécents qui ont secoué les quartiers londoniens. L’ample terrain d’A. Voisin a fait l’objet d’un grandintérêtauseinde laSTetdesquestionsd’ordreméthodologiqueontémergé (choixdes interviewés,méthodederecueildumatériau,pertinenceetparticularitésdesquartierssélectionnés,etc.).

Cette ST nous a donc donné entière satisfaction, tant du point de vue de l’interactivité qu’elle aengendrée que du point de vue de la qualité des interventions et la qualité des papiers reçus. Ladiscussion a autant porté sur des points méthodologiques que sur des questions analytiques. Lesdifférentesapproches(quali/quanti,comparatistes/nationales)n’ontpasétéunfreinàl’échange,maisontaucontrairenourriletravaildesunsetdesautres.

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ST44:ComparerlesParlements

ResponsablesAnne‐LaureBeaussier(CEPEL,UniversitédeMontpellier)

SelmaBendjaballah(CEE,SciencesPo)OlivierCosta(CNRS‐SPIRIT,SciencesPoBordeaux)

OlivierRozenberg(FNSP‐CEESciencesPo)Cettesectionthématique,organiséeaveclesoutienduGroupedeRecherchesurlesParlements

et les Parlementaires (GRPP) de l’AFSP, s’était donnée pour objectif de faire un tour d’horizon destravaux comparatifs récents sur les Parlements, à la fois d’un point de vue méthodologique etthéorique. La question transversale guidant les échanges avait trait aux apports des étudesparlementaires à la politique comparée et vice‐versa. Les interventions se sont organisées autour dedeuxmodulesdetravail.

Lepremier,assezlarge,étaitciblésur lacomparaisondesprocessusd’institutionnalisationdesassemblées. Les thèmes abordés étaient variés, allant de la comparaison des différents degrés decohésionpartisanedansdesassembléeseuropéennes,àdescomparaisonshistoriquesdeParlementsrécents d’Europe de l’Est, ou encore à l’étude des relations entre instances législatives et pouvoirexécutifdansdessecteurstelsquelespolitiqueséconomiquesetfiscales.

Lesecondmodules’estattachéàunobjetplusrestreint,àsavoirlaquestiondelacomparabilitéd’assemblées «exceptionnelles» comme le Congrès Américain et le Parlement européen. Lesinterventions présentées lors de cemodule ont été à la fois théoriques et empiriques, incluant unerevue des travaux relatifs à cette question, une analyse comparée de l’évolution des règlementsintérieursdans cesdeuxassemblées, uneétudedupoidsde ladimension religieuse lorsdes séancesplénières,ouencoreunecomparaisondurôledesgroupesinformelsdeparlementairesdanscesdeuxcas.

Au total, cette section thématique a attiré un nombre important de propositions decommunications à la fois empiriques et théoriques. Les organisateurs avaient souhaité ouvrir lesdiscussions à des recherches internationales et ont retenu plusieurs communications provenant dechercheursinternationaux(USA,Brésil,Suisse,Belgique,etc.).

Plusieurs éléments se sont dégagés lors de ces interventions et des échanges qu’elles ont

suscités.D’un point de vueméthodologique, de nouvelles approches apparues dans les années 1990,

permettentderenouveler lescomparaisonsdesassembléescontemporainessur labasedematériauxempiriquesoriginaux.Lescomparaisonsentre lesparlementsapparaissentaujourd’huiplus riches,envertu d’acquis empiriques, quantitatifs ou qualitatifs. Les données tendent à s’homogénéiser, lesquestionsderecherchesediversifient.Lescomparaisonsrécentessur lesparlements,toutcommelespapiers présentés dans la ST 44, prennent en compte des éléments liés à l’organisation interne desassemblées,auxacteursparlementairesetsedétachentdevariables institutionnelles lourdes(commelesarrangementsconstitutionnels,lessystèmesdepartis,lessystèmesélectoraux)pourconsidérerdesvariablesorganisationnellesouculturellesendogènes.

A cet égard, l’intégration dans un cadre comparatif d’assemblées considérées commeexceptionnelles d’un point de vue purement institutionnel, à l’image du Congrès américain et duParlementeuropéen, sembleêtreunaxede rechercheprometteur. Ladimensionplusmicroscopiquedes variables employées, s’intéressant aux comportements des acteurs parlementaires ou auxprocédures et structures internes aux assemblées, permet de dépasser les oppositions formelles oujuridiquesentrerégimespolitiques.Plusieursquestionscomparativesontainsiémergé,qu’ils’agissedulien entre les parlementaires et leur circonscription, de l’analyse de l’encadrement partisan, del’homogénéité idéologique des parlementaires au sein d’unmême parti, ou de l’activité des factionsplus informelles présentes à côté des groupes politiques des assemblées. L’analyse de l’organisation

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internedesassembléesestégalementapparuecommeunthème important: le rôledescommissionslégislatives tant dans l’agenda parlementaire que dans la fabrication de la loi, leur expertise,apparaissent comme autant de pistes à approfondir. De même, l’étude du processus législatif etl’analyseconcrètedurôledes législateursdansdéveloppementdespolitiquespubliquessontapparuscommed’autresaxesderechercheprometteurs.

Malgrélaqualitédesinterventions,ilfautnoterquelesréponsesàcetappelàcommunicationsont révélé un intérêt encore limité en France pour la question de la comparaison des parlements.Proportionnellement, les propositions venantde chercheurs internationauxétaientplus nombreuses.Surcettequestionprécise,ilsemblequelaFranceaituncertainretardsurlestravauxanglo‐saxons,quidont le diagnostic a déjà été établi lors de précédents ateliers de l’AFSP. Même si les étudesparlementaires en France tendent à renaître depuis quelques années, peu de travaux s’attachent àdévelopperuneapprochecomparative.

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ST46:L’européanisationetsescoinsd’ombre:versunenormalisationdesétudeseuropéennes?

Responsables

DenisDuez(FacultésuniversitairesSaint‐Louis,Bruxelles)SabineSaurugger(Institutd’EtudesPolitiquesdeGrenoble,IUF)

Dans cette section thématique qui se tenait pendant deux après‐midis (1er et 2 septembre 2011) aucongrès de l’AFSP à Strasbourg, il s’agissait de re‐interroger le concept de l’européanisation via leprisme de saméthode. Apparu dans le courant des années 1990, le concept d’européanisation s’estimposé commeun concept à succèsdans le champdes études européennes.Dans uneprofusionderecherches revendiquant bien souvent un regard nouveau ou un «nouvel agenda de recherche», lasection thématique se proposait d’examiner les coins obscurs et impensés de l’européanisation.L’objectifdecettesectionthématiqueétaitderéinscrirelesrecherchessurl’européanisationdansuneperspectivepluslarge.Cet effort de normalisation des études européennes supposait de rompre avec le nombrilismeeuropéen considérant l’Union européenne comme un phénomène unique, ou sui generis. Plusparticulièrement, il s’agissait de reconnecter le thème de l’européanisation aux travaux etméthodologiesclassiquesdelasciencepolitique.Autourde 11 intervenants etquatrediscutants (François Foret,RamonaComan,DorotaDakowskaetDenis Duez), les quatre séances portaient aussi bien sur «Les évolutions et pistes conceptuelles del’européanisation»(FabriceLarat,RamonaComanetTominiLuca),«Lesrésistancesàl’européanisationet au transfert» (Cécile Leconte, Clément Fontan et Sabine Saurugger, Bastien Nivet), «L’actionpolitiques et les zones d’ombre de l’européanisation» (Antoine Mégie, Thomas Kostera, MehdiArrignon),«Commentpensereuropéanisationettransfertfaceauxacteurs»StephanieNovak,BrunoCautrès,ThierryDelpeuch).Pendantcesquatreséances,lesauteursetleursdiscutantsontpumenerundébatd’unniveauremarquable.Laquestionméthodologiqueétaitainsiaucentredeladiscussion.Ledébatapermisdeconstater,unefoisdeplus,quelaconceptualisationdel’européanisationentraînedes problèmes importants d’opérationnalisation de la recherche. Ces biais sont ceux del’incommensurabilitédesconcepts,desbiaisméthodologiquesquientraînentunesurestimationdurôlede l’UEdans lesprocessussoumisà l’analyse,de la falsificationainsiquede ladifficultéàmaîtriser lapluralitédevariablesàprendreenconsidération.Cesdifficultésméthodologiquesontdesimplicationsimportantessur l’accumulationde laconnaissance. Ilaétésoulignéquecesdifficultésdevraientnousamener à engager une réflexion critique sur les effets de la «sophistication» comme solution auxdifficultésméthodologiques.Commentrésoudrelesproblèmesqueposelacorrélationquiimbriquelesdifférentsniveauxdedécisionetdenégociation?Toutaulongdecettesectionthématique,lesauteursontoffertdesillustrationstrèsprécises,partantd’étudesdecascomparatifs,àcettequestionméthodologique.Le public, bien quemoyennement nombreux (une quinzaine de participants enmoyenne) participaitactivement dans les débats. Lemélange entre participants appartenant à des universités françaises,belges et italiennes, européanistes aussi bien que politistes généralistes, jeunes chercheurs etchercheursconfirmésapermisàlasectionthématiqued’aboutiràunprojetdepublicationsoumisàunerevuefrancophonesurles«Problèmesméthodologiquesdesétudessurl’européanisation».

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ST48:Quefontlesterrainsautoritairesauxthéoriesdel’actioncollective?

Responsables

Marie‐LaureGeoffray(FreiUniversität,Berlin)TatyanaShukan(IEPdeParis)

Introduction(parMarie‐LaureGeoffrayetTatyanaShukan)

L'idée de consacrer une ST à l'action collective et les terrains autoritaires est issue d'une rencontre à labibliothèquederecherchedeSciencespoentrelesdeuxorganisatricesdelaST.Eneffet,chacunedenoustravaillesur lesproblématiquesdel'ACmaisàpartirdeterrainsdifférents.MarieLaureaanalysé,danssathèse, les collectifs d'artistes et d'intellectuels contestataires à Cuba, tandis que Tatyana étudie lesmouvementsde jeunesquisemobilisentdans larueenRussieetenBiélorussie.Aufildenosdiscussionsnous nous sommes rendus compte que malgré la différence d'objets et de pays étudiés, nosproblématiquesserejoignaientsurplusieurspoints,toutcommenosinterrogationsd'ordreconceptuelouméthodologique.

Comment, par exemple, interpréter la position des acteurs qui refusent de se référer à leurs activitéscomme«politiques»etdeseprésentercomme«militants».Doit‐onreprendrelescatégoriesindigènesouplutôt tenter d'interpréter ces pratiques de présentation de soi et de positionnement comme des jeuxégiques? Ou encore comment analyser la pluralité des formes de contestations dans les contextesautoritaires des outils théoriques existants, mais élaborés essentiellement à partir des contextespluralistes?C'estdoncdanscetespritdeconfrontationdesterrainsdifférentsautourdesproblématiquesdel'ACquenousavonsenvisagéd'organisercetteST.

L’objectifdenotreSTestdouble.

Premièrement, il nous semble important de questionner les catégories utilisées pour comprendre lesmodesdecontestationdansdescontextesautoritaires.

Il en existe une grande diversité: contestation/protestation; opposition/résistance qui sont souventutilisées demanière interchangeable.Mais est‐ce qu’elles sont vraiment interchangeables?Ou faudrait‐ileffectuer un vrai travail de définition de ces catégories pour voir si elles renvoient aux phénomènes etpratiquessimilaires?

Ces interrogations nous amènent ensuite à questionner la notionmêmede l’AC en contexte autoritaire.Qu’est‐cequ’onpeutqualifierd’ACdanscetypedecontextesilesmodesdecontestationnesemblentpastoujoursprendrelaformedeprotestationsdevenuesclassiquesendémocratie?(etcommentlesanalysersilaplupartdesoutilsthéoriquesontétéélaborésàpartirdescontextesdémocratiques?)

En effet, dans l’analyse des activités de contestation en contexte autoritaire deux approches ont étéessentiellement privilégiées. La première les envisage sous forme de résistances, de «récits cachés» ouencore«empiètementssilencieux»(travauxdeJamesScottetBayat).

Uneapprocheinverseconsisteàanalyserlesactivitésdecontestationentermesde«sociétécivile»oude«dissidence» contre un régime ou un gouvernement au détriment des autres modes de contestation,parfois moins visibles, d’autres manières de défier l’ordre politique et social. Or, les conditions debasculementdelarésistanceàlaprotestationouverterestentsoussilence/peuétudiées.Nousavonsdoncsouhaitédequestionnercespassagesentre résistanceetprotestationà traversune interrogationsur les

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pratiquesdel'actioncollectivecontestataireetpourpouvoirvoirplusclaireàpartirdequelmomentilestpossibledeparlerdel’ACencontexteautoritaires.

UnautreobjectifdecetteStestdeconfronterlesterrainstoutàfaitdifférents‐d'ailleursensélectionnantlespapiersnousavonscherchéetplutôtbienréussiàcouvriraumaximumlesairesgéographiquesaveclescontributions sur la Chine, l'Amérique Latine, leMaghreb, le ProcheOrient et les Etats postsoviétiques ‐pourvoircommentilestpossiblededélimiterlescontoursdelaspécificitédescontextesautoritaires.

Nous tenons à préciser que nous ne cherchons pas à postuler l'existence d'une dichotomie ontologiquesouventétablieentreautoritarismesetdémocraties,maisaucontraire,essayerdediscuteretd'affiner lesensetlesmanifestationsdecettespécificité.

Grâceàvoscommunications,nousavonsunetrèsgrandediversitédescasetdespaysétudiés–desartistessyriens, argentins ou biélorusses aux chômeurs marocains, en passant par les internautes chinois. Unevariété des terrains mais aussi une variété des approches et d’angles d’analyse adoptés. Cette pluralitépourrait ainsi non seulementenrichirnotrediscussionmais aussidonner lapossibilitédemonterplusengénéralitédansl’analysedel’ACencontexteautoritaire.Eneffet,noustenonstoutparticulièrementàceseffortsdegénéralisationdans la réflexion sur les spécificitésdes contextes autoritaires tout commedesformesdel’ACdanscetypedecontexte.

Expliciterlestermesdel’appeldelaST

• ParlerdeCONTEXTEplutôtquederégimeautoritaire.

Ce n’est pas anodin. Idée que la notion de régime est liée à des typologies qui réifient souvent troprapidement les contours de tel ou tel mode de gouvernement. Volonté de remettre en question ladichotomieentredémocratied’uncôtéetautoritarismedel’autre.

Parler de contexte: S’inscrit dans une approche compréhensive des mécanismes de domination quipermettent d’assurer une certaine pérennité des gouvernements autoritaires. Mettre en évidence leshybridités, les complexités, les ambiguïtéset surtout les arrangements,bricolageset enchevêtrements àl’œuvredanslaproductionetlareproductiondesmodesdedomination.Montrerqueladominationn’estpas produite depuis le haut, par la seule intention des élites gouvernantes, mais qu’elle repose sur desmécanismes qui imbriquent coercition et consentement, adaptation et résistance, allégeance etcontestation.

CfBéatriceHibouetsonouvragerécentAnatomiepolitiquedeladomination: leplusbelexemplerécentde la possibilité de production d’analyses qualitatives comparatives sur différents contextes autoritairessans recourir à des typologies réifiantes ou à des méthodes quantitatives qui simplifient à outrance lacompréhension,l’analyseetl’interprétationdesmodesdedominationdanscescontexteslà.

Plusparticulièrement,laquestionquinousintéresseiciestcelledelaspécificitédescontextesautoritaires.L’approche de la ST consiste à tenter demieux saisir lesmodes de gouvernement dans ces contextes àtraversl’analysedesmodesdecontestationquiexisteenleursein.Maiscetteapprocheconstitueaussiunehypothèsedetravail:peutêtrequ’iln’estpastoujourspossibledemieuxsaisirlesmodesdereproductiondesmodesautoritairesdegouvernementpar l’étudede leurcontestation,peutêtreque l’étuded’autresobjetséclaireraientplusfinementcesmodesdereproduction.C’estentouslescasunedesquestionsquenousposions.Ladeuxièmequestionportaitsurl’existencedecoûtsspécifiquesdel’actioncollectivedanscescontexteslà:est‐cequ’ilexistedescoûtsspécifiquesdel’engagementdufaitdesmodesderépressionetdimensionémotivedelapeur?Commentcelajoue‐t‐ilsurl’actioncollectiveetsurquellesdimensionsdecetteaction(stratégiesdesacteurs,formesd’action,dimensionindividuelledel’engagement)?

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• Deuxièmetermedel’appelsurlequelnoussouhaitionsrevenir:laquestiondel’AC.

ChoixdutermeplutôtqueMScarMSfortementassociéaucontextedémocratique.Laplupartdestravauxsur la question sont produits sur des démocraties. Par ailleurs MS: on a en tête un certain répertoired’actions (référence à Tilly évidemment) avec notamment la manifestation ou la grève, l’occupation delocaux,etc.Sicelapeutêtrelecasencontexteautoritaire,souventlespratiquesd’investissementdelaruesontplus ambiguës,moins explicites.D’où l’émergenced’unpb sur leplan analytique: comment rendrecomptedemodesd’actionpenséscollectivement,d’investissementsdelaruequidéfientl’ordrepublicetdeconstitutionderéseauxcritiquesdel’ordresocialetpolitiqueenvigueuralorsqueceux‐cineprennentpaslaformedesprotestationsclassiquesendémocratie?Commentpasserdeladescriptiondesactionsàune analyse permettant lamise en forme d’une généralisation et peut être la formulation de nouveauxconceptsmieuxàmêmed’appréhenderdessituationsspécifiques?

Les approches courantes de ces pratiques en contexte autoritaire sont conceptualisées en termes de«sociétécivile»oude«dissidence»,cequirevientàprivilégierleslogiquesoppositionnellesparrapportàd’autres modes de contestation, parfois moins visibles. Ou alors, ces approches se focalisent sur desactivités de «résistance», sous forme de «récits cachés» et d’«empiètement silencieux» (nous faisonsréférence bien sûr ici à Scott, à Certeau et à Bayat). Si dans le premier cas la politisation d’opposantsdéclarésàungouvernementapparaîtévidente,cen’estpastoujourslecasdesactivitésditesderésistance,dont la potentielle politisation nous paraît trop souvent surinterprétée, notamment quand ces«résistances» sont routinisées dans la vie quotidienne et deviennent unmodede survie naturalisé dansl’ordresocial.C’estpourquoinousavionsfaitréférencedansl’appelauxtravauxdeLüdtke,KottouencoreYurchakquimontrentquetoutepratiquealternativeoutoutelogiquedefuiten’estpasassimilableàdelarésistance,quetoutrésistancen’estpaspolitique,etenfinquelesrésistances,mêmesintentionnellementpolitiques, ne contribuent pas forcement à subvertir les logiques de reproduction de la domination encontexteautoritaire.

Nousavonsdoncchoisilanotiond’ACcar,pluslargesanspourtantporterdechargeconnotativetropforte,elle nous permettait d’envisager de nombreux types de contestation, des formes lesmoins visibles auxformeslesplusexplicites,demouvanceshétérogènesàlaconsistanceincertaineàdesregroupementslesplusorganisésenpassantpardesconvergencescoordonnéesdefaçonplusmimétiqueouspontanéequevéritablementintentionnelle

• Letroisièmetermedel’appel:laquestiondelapolitisation

Insistersur lesformesdepolitisationplutôtquesur lecaractèrepolitiquedetelleoutelleformed’actionpermet de porter l’attention sur les processus à l’œuvre, sur le faire et le défaire du politique dans lacontestation. Nous voulions questionner l’idée qu’une action serait politique parce que ses acteurs ladéfiniraient comme telle. Donc questionner l’idée que le politique serait compris dans l’intention desacteurs et plutôt déplacer le regard vers les effets des actions entreprises à la fois sur des publics, àdifférenteséchelles, locales,nationalesoutransnationales,etsur lesautorités.Doncd’observercequisejoue dans les interactions entre contestataires et autorités, sachant qu’il existe plusieurs niveauxd’autoritésetquelagestiondelacontestationn’estpastoujourslamêmeselonleséchellespolitiquesetlesespacessociaux.

D’oùnotreintérêt,quisemblepeutêtrepointilleux,pourlaconstructiondedéfinitionopératoiresfinesdescatégoriesutiliséespourdécrirel’actioncollectivedanscescontextes:oppositionoudissidence,résistanceou logiques de fuite, contestation ou protestation, transgression ou subversion, espace alternatif ou

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underground,etc., ilnoussemblequ’ilexistesouventdesconfusions,des indéfinitionsetdesambiguïtéssurlesnotionsutilisées,qu’ilnoussemblenécessairedemieuxconstruireetsurtoutdemieuxdélimiter.

• Laquestiondelaméthode

Intérêtduquantitatif,comparaisonstrèslarges,possibilitéderepérerdestendances,ambitioncomparativebien plus forte que la nôtre, je dis, la nôtre ici qui travaillons tous ou presque avec des méthodesqualitatives. MAIS importance d’expliciter les méthodes d’enquête. Au moins par un paragraphe et sipossibleplusavant,surtoutquandvolontédecomparaisond’objet.

Montrerque lechoixduqualitatifnesefaitpaspardéfautmaisconstitueunmoded’accèsautreà laviesociale dans ces contextes là. Mettre en avant pourquoi, comment. Distinguer le matériau recueilli desbanquesdedonnéesutiliséesparlesquantitativistes.Brefjustifiersaméthode.Sinonmicrocosmefranco‐françaisdel’ethnographiepolitiquemaisdifficilementcompréhensibleàl’extérieur.Etenmêmetemps,pasnonplusassimilableàl’anthropologiepolitiquequisefaitauxUSAparexemple:paslesmêmesréférences+parrapportàdesanthropologues,lesséjourssurleterraindespolitistesapparaissenttropcourtsetleurvolonté de montée en généralité irréaliste (ce n’est pas leur perspective). Donc ethnographie politiqueproduite par des politistes = une niche dans les sciences sociales très française (2 panels sur le sujet àl’ECPR, tous les papiers sauf un étaient écrits par des français!!). Pas être obnubilé par la légitimité àl’international mais si on veut pouvoir dialoguer avec des collègues étrangers, il faut pouvoir défendrenotreapproche.

Une de nos ambitions pour ce faire: arriver à proposer des comparaisons qualitatives pertinentes surdifférents terrains. Pour ne pas perdre en complexité et utiliser nos atouts (connaissance fine etapprofondie du terrain grâce à une immersion longue, connaissance de la langue, vaste réseau social,relations de confiance avec un certain nombre d’interlocuteurs, etc.), travail en équipe nécessaire,dimensioncollectivedutravailàmener.

OrganisationdelaST

La première session s’articulera autour des réflexions sur l’engagement et le contexte d’action. AvecMonserratEmperadoretFrançoiseDaucé,onsepencherasur lesdifférentesmanièresdecritiqueretdecontester. Se focaliser sur les interactions entre autorités et acteurs contestataires nous permettra deréfléchiràquelpointlescontextesconditionnent,voirefaçonnentlesstratégiesdesacteurscontestataires,leurmanièredeformuler lesrevendicationsetdesepositionnerparrapportauxautoritésetparrapportauxautresacteurs.

LacommunicationdeDanielaCuadros,va,d’unecertainemanière,danscesensenmontrantcommentlechangementdecontexte(dumomentdeladictatureàlapériodedetransitiondémocratique)peutaffecterlesacteurs.Cettevariétédessituationstraitéesdanslasessiond’aujourd’huipermettranousavancerdansladiscussionsur le senset lesmanifestationsde la spécificitédescontextesautoritaires.Decette façon,nous pourrons interroger la pertinence de la dichotomie, souvent établie entre autoritarismes etdémocraties.

La seconde session s’inscrira dans la continuité des interrogations sur les formes de l’AC en contexteautoritaire à partir d’enjeux émergents – commepar exemple Internet (SevrineArsene) et les nouvellespratiquesqu’ilgénère.Nousverronsdonccequecespratiquespeuventnousrenseignersurlesformesdecontestationetladéfinitionelle‐mêmedel’AC.

Cettesessionquestionnera,enfin,lesfrontièresdupolitiqueàpartirdesphénomènesd’intricationentreartetpolitique(CécileBoex+Yauhenie)oul’analyse–etpolitique.Elles’interrogerasurlesmodesdupassage

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au politique des acteurs mobilisés ainsi que sur leurs pratiques, tout en revenant sur les stratégies depositionnementdesacteurs(CécileBoexetMaria)

Discussion (je mêle ici les discussions des deux sessions afin d’aller à la synthèse et d’éviter lesredondances)

Ilenestressortiplusieurséléments:

‐Qu’est‐cequ’uneactioncollectiveencontexteautoritaire?

L’action collective en contexte autoritairepeutprendrede trèsnombreuses formeset il serait pertinentd’expliciter les seuils de l’action collective. A partir de quand peut‐on considérer une action commeuneactioncollectiveoucontestataire?Certainspapiersabordaientdesmodesd’actionplusjuridiquescommel’expertiseparexemple,oucommel’artengagéoupolitisé.Maisilseraitintéressantd’ensavoirplussurlesinteractionsentremodesd’action.Peut‐onparexemplerepérerdesconfigurationsdemodesd’action:uneexpertisejuridiquecontestatairequitentedebataillerdansdesarènesadministratives/juridiques/politiqueset qui se trouverait en même temps renforcée par l’organisation concomitante de manifestations oud’actions contestataires? Cette question pose celle du rapport à la visibilité de l’action. Les actionscollectivesvisiblessont‐ellesplusrépriméesquecellesquiontlieuderrièredesportescommel’expertise?Leproblèmeserait‐ill’investissementdelarue?Etparextensionsionpenseaurôlecroissantd’internetetdes autres technologies l’investissement d’espaces virtuels plus ou moins publics car visibles pour denombreuxpublics?

‐Observerl’actioncollectiveouobserverlecontexteautoritaire?

La question de la spécificité de l’action collective en contexte autoritaire est soulevée. Faut‐il plutôtobserver comment un contexte autoritaire contraint l’action collective (modalités spécifiques d’action,émotionsnégativescommelapeur,l’inhibition?)oubienl’impactdel’actioncollectivesurcescontextes?Letitredelasectionpointaitverslapremièreproposition,pourtantils’agissaitplutôtderéussiràtenirlesdeuxensemble.Parailleurs,ilestsoulignéquelavastelittératuresurl’actioncollectivenepermettraitqued’apporter à la marge au corpus déjà existant tandis que les contextes autoritaires semblent plus malconnusparlessciencessociales.Surcettequestion,peut‐onvraimentparlerd’unespécificitédescontextesautoritaires? Existe‐t‐il réellement des lignes rouges à ne pas franchir? Ou bien celles‐ci sont‐ellesmouvantes,conjoncturellesvoireparfoisdépendantesd’interprétations individuelles(cequi inviteaussiàréfléchirauxdifférenteséchellesdepouvoiretà laquestionde lamargedemanœuvre des individusauseindestructurespolitiques)?Peut‐ondirequeleseulchampinterditest lechamppolitiquefinalement?Oulechampdelapolitiquepartisane(perspectiveplusrestreinteetquiouvretoutdemêmeunespaceaupolitiquetantqu’ilnesemanifestepassouslaformedepartisopposantsoudissidents).

‐Desformeslimitesd’actioncollective

Quatre papiers abordaient des formes limite d’action collective, ce qui nous permettait d’interroger lesfrontièresdupolitiqueetlesformesd’imbricationentredesactivitéscollectivescontestatairesetd’autresactivités sociales (ici composer de la musique, produire des films ou des analyses politiques ou encoresocialiser sur internet). Trois papiers posaient la question des relations entre art et politique. L’espaceartistique constitue‐t‐il un espace alternatif où exprimer des revendications politiques dans un contexteautoritaire? Observe‐t‐on des logiques de substitution par rapport au répertoire de protestation connudans les contextes démocratiques? Avancer ceci ne sous‐estime‐t‐on pas les logiques sociales propres àd’autresactivités.Celanerevient‐ilpasparexempleànierlesformesparticulièresqueprendl’engagementdesartistesprisdansdesjeuxspécifiquesliésàleur(volontéd’)appartenanceàl’espaceartistique?Maisenmêmetempspeut‐onfairevoyagerdansdessociétésmoinscomplexesoumoinsdifférenciéesetdansdes contextes autoritaires les théories des relations entre art et politique élaborées dans d’autres

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contextes et sociétés (Etats‐Unis, France?) et fondées notamment sur l’analyse du processusd’autonomisation relative du champ artistique vis‐à‐vis du champ politique? Il faut pour répondre à cesquestionsaccorderuneattentionparticulièreàlatemporalitéetàl’espace.Uneœuvrepeutêtrepolitiséeparsesusagesouparsaréception,àunmomentdonné,etnonàunautre,danscertainsespacesetpasdansd’autres.Parailleurs,lapolitisationdel’œuvrepeutêtreunemanièrederevendiqueruneautonomiedansuncontextequicriminalisel’expressioncritique.

Un papier abordait la question de l’action collective sur internetet permettait de poser les questionssuivantes:unesommed’actionsindividuellesentraînantdeseffets(parfoisminimesensoi)commelaplusgrandevisibilitédonnéeàune information (grâceaunombredeclicsdes internautes surunepageweb)peut‐elleêtreconsidéréecommeuneactioncollective?Uneactionnonconcertéemaiscoordonnéeest‐elleuneactioncollective?Cepapierattiraitl’attentionsurcequisejoueensituationetdansleseffetsproduitsplutôtquedanscequisejoueenamont(organisationpréalable,intentiondesacteursparex.)

‐Dimensionrelationnellecontestataires/autorités

Unepartiedespapiers insistaientsur ladimensionconcertéedesrapportsconflictuelsd’oppositionentreautorités et acteurs contestataires. Malgré des modes d’action parfois radicaux et malgré l’expressionpubliqued’uneoppositionpolitique,unegrandepartiedesenquêtésétudiésdanscetteSTestégalementprisedansdes relationsde cooptationetdenégociationavec les autorités.Onnepeutpas comprendrel’actioncollectiveencontexteautoritairesionn’analyseuniquementsousl’angledel’oppositionfrontale.

‐Politisation/dépolitisation

Tous les papiers abordaient la question de la politisation et de la dépolitisation de l’action collective encontexteautoritaire(uncontextequiseraitsurpolitisé).Selon lespapiers,certainsacteurstenteraientde‘politiser’ l’action afin de lui donner un contenu plus protestataire tandis que d’autres choisiraient de la‘dépolitiser’ afinqu’elle soit plus recevablepar les autorités. Ladiscussion a lancé lespistesde réflexionsuivantes:l’intentiondesacteurs(meneruneactioncontestataire)suffit‐ellepourqualifiercetteactiondepolitique?Doit‐ontoujoursprendre laparoledesacteursausérieuxquand ilsdisentvouloir ‘politiser’ou‘dépolitiser’ une action? Qu’en est‐il de la réception des actions menées par des publics, et par lesautorités? Ne peut‐on pas plutôt parler de sectorisation des luttes plutôt que de dépolitisation de cesluttes?Encreux,c’estdoncfinalement laquestionde larépressionquiest iciabordée: lapolitisationestproblématique car elle est criminalisée. Il faudrait se pencher plus avant sur tous ces modes subtils decensureetderépression,quinesontpastoujoursvisiblespour l’observateurni toujoursperçuescommetelsparlesenquêtés(quiparlentdediscussions,denégociations,etc.).Unmotsurl’auto‐censure:souventmentionnée,maiscommentl’étudier?Unepropositionquiasurgidesdébatsestl’étude,danslecasd’untexteoud’uneœuvre,lesesquissesoubrouillonssuccessifsdecetexteoudecetteœuvre.Maiscelaposeunproblèmed’accèsauxsources.

‐S’interrogersurlesconcepts

Pourquoicontexteplutôtquerégimeousituation?Lanotionderégimeestcomprisecommetropréifiante.Et un contexte peut être multiniveau, il peut contenir plusieurs situations. Il y a une charge pluscompréhensivedanslanotiondecontexte.Cettediscussionaattirél’attentionsurlanécessitédeprendreen compte leséchellesdegouvernementafinde saisir les contradictionsà l’œuvre, lesenchevêtrementsentreniveauxdedécisionsetlerôledesrivalitéspolitiquesaussi:eneffettoutn’estpascohérentdansungouvernement autoritaire comme dans un gouvernement démocratique. Et il ne faut pas toujours allerchercherdelacohérence,maisplutôtcomprendrecommentdesphénomènesd’arrangementsmultiplesetmultiniveaux finissent par produire un gouvernement autoritaire (ni forcément vertical ni forcémentfrontalementrépressif,avecunarbitraireparfoisinexplicable).

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Ensuite, la différence entre transgression et subversion reste assez peu explicitée. Une piste est decomprendreunetransgressionouunactesubversifparsonimpactobservableouparsaréceptionpardespublicsoudesautorités.Penseràcequiesttransgressé,ouàcequiestsubverti,maisnepasl’essentialiser(enseréférantauxintentionsdesacteursparex,ouàsapropreinterprétationparfoissurplombante)

Conclusionspartielles

D’aprèslesdiscussionsquenousavonseues,voiciquelquesconclusionspartielles.

‐Il existe une certaine spécificité des modes d’enquête en terrain autoritaire (difficulté d’accès auxenquêtés du fait de la censure ou de la répression, problème d’octroi de visas, filatures, menaces desautorités,etc.)

‐Ilexisteunecertainespécificitédescoûtsetdesrisquesdel’actioncollectiveencontexteautoritaire,d’oùl’intérêt pour des objets limite en matière d’action collective (dans l’art et la culture, sur internet, parl’expertise) et pour les espacesmoins visibles et plus périphériques de cesmodes d’action.Mais il fauttravaillerlesprotocolesd’enquête:parexemplecommentétudierlesémotions?

‐Le rapport à la politisation semble particulièrement problématique dans les contextes autoritaires. Ilfaudraitélaborerunprotocolepourdistinguercequiestpolitique,quandetcommentc’estpolitique.Onenrevientauproblèmecrucialdel’intentiondesacteursetdel’interprétationdeschercheurs.Ilaétésuggérerderepérerlesphénomènesdepolitisationàpartirdeseffetsproduitsparlesactions,ouàpartirdesusagesfaitsdetextes,d’œuvres,etc.,doncdenepassous‐estimerladimensiondelaréception.

‐Laquestionde l’Etatdedroitouplutôtdesonabsenceaétépeudiscutéedans laST.Pourtant,elleestessentiellecar ilsemblebienque l’incertitudequantà ladélimitationde l’espacedupossible joueunrôlecrucialdanslamiseenplacedecertainsmodesd’actionplutôtqued’autres.

‐On en vient à la question de l’autonomie des sphères sociales. Il semble que les sphères sociales –ouchamps sociaux – soit relativement moins autonomes dans les contextes autoritaires. On observe desphénomènes d’emprise de la sphère – ou du champ – politique sur les autres. Est‐ce que cela seracaractéristiquedescontextesautoritaires:l’existencedesociétésassezfaiblementdifférenciées?

‐Enfin,c’estlaquestiondelaméthodequiestsoulevée.ElleaétéquasimentabsentedesdiscussionsdelaST,alorsqu’elleestcruciale.Eneffet,laspécificitédestravauxdesciencepolitiquefrançaiseparrapportàceux de nos collègues anglosaxons est l’importance donnée à des méthodes qualitatives, etparticulièrementà laméthodeethnographique.Mais il faudraitmieuxexplicitercequ’onentendpar làetprésenterdesprotocolesd’enquêteafindedistinguerfinemententrelesdifférentsdispositifsderechercheretenus. Par ailleurs, si l’ambition de la recherche de science politique est de pouvoir produire descomparaisons entre cas, il est essentiel de pouvoir à la fois générer des travaux denses sur le planempirique(c’estbienlecasdescontributionsàcetteST)maiségalementcapablesdeconceptualiserplusintensémentlesconclusionsobtenuesafindegagnerencomparabilité.

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SectionThématique49Lepouvoirdelacroyance.

Statutexplicatifd'unconceptproblématique

ResponsablesGildasRenou(CRAPE/UniversitéRennes‐1)

AntoineVion(LEST/UniversitéAix‐Marseille‐II)

Cette section thématiqueproposait d’engagerune réflexion conceptuelle sur la catégoriede

croyance,eninvitantàs’interroger,àpartirdeterrainsderecherchevariés,surlafaçondontseposent,aujourd’hui, lespossibilitésmaisaussi lesdifficultésde l’usagede lacatégorie«croyance»ensciencepolitique.L’enjeunoussemblaitêtreuneclarificationdecettecatégorieà laquelle ilestfréquemmentfaitusagesanspourautant,ensciencepolitiquespécifiquement,qu’uneélaborationsoitexplicitée.Orcettecatégorie seprêteàbiendesquiproquos,engageant sesusagersdansdesconnotationsquinesont pas nécessairement aisémentmaîtrisables. En effet, si les «croyances collectives» constituaientdéjà,pourDurkheim,l’objetcentraldelasociologie,ilestfrappantdenoterl’embarrasaulongcoursdelasciencepolitiquedanslamanipulationdecettecatégoriemi‐savante,mi‐profane.Elleestvaguemais,justement,pourcetteraisoncommodepourarticulerleplandesconduitesetceluidesidées.Doit‐onsepasser définitivement d’un vocable si évident dans notre langage ordinaire qu’il semble malaisé del’élever au rang de concept? Les travaux de la ST ont donc commencé par une tentative deschématisationdel’usageetdurôlequel’onahabituellementattribuéauvocablecroyanceetqui,dèsl’appelàcommunication,estapparucommedevantêtreréélaboréàlalumièredesapportsrécentsdesautresscienceshumainesetsociales.

On a proposé de qualifier d’épistémique l’usage conceptuel relativement routinisé de lacatégorie«croyance».Cetteappellationsejustifiedanslamesureoùcetusagesoutientavanttoutunethéorie de la connaissance: la croyance,même si elle a des effets de réalités bien objectivables, estconçuedanscetteproblématisationcommeune‘connaissanceimparfaite’delaréalité,quiellesejugeàl’aunedes résultats dégagéspar les sciences. La conceptionépistémiquede la catégorie «croyance»semble caractériser plus largement un epistémê moderniste, déjà présent au début des sciencessociales, par exemple dans l’œuvre d’Auguste Comte. Historiquement constituée, cette manière depenser peut être qualifiée de légitimiste et d’idéaliste; elle mesure le rapport des humains auxcroyancessousl’angledelareprésentationinadéquate,dueàlafaiblessedelaréceptiondeslumièresdusavoirincarnéesparlaScience.Ladeuxièmepartiedelaréflexionthéoriqueaconsistéàsoumettrecetusagedelacroyanceàlacritiqueformuléedansledomaineanthropologique,notammentdanslescontributionsdeR.Needham,J.PouillonetR.Hamayon.Cetteépreuveapermisdedégagerunevoiealternative à la conception de la croyance comme contenu cognitif, la conception dynamique quienvisage la croyance comme rapport social élémentaire, analytiquement indépendant du critère devérité.

Les communicationsprésentéesont permis de confronter à des terrains à diverses ces pistesthéoriques.SolenneJouanneauaproposéuneapprochedispositionnelledelacroyancedanssonétudesur le mode d’exercice du rôle d’imam bénévole en France, qu’elle a structurée autour de l’idée dedispositionsindividuellementincorporéespermettantdetirerprofitdetypesymbolique(ausensdeP.Bourdieu) de contraintes de situations d’apparence difficilement tenables. Jeanne Hersant a exploréunequestiondélicateàpartird’unterrainderechercheenGrèce.Aquellesconditionslepolitistepeut‐iltravailler sur une croyance en la persécution d’une minorité nationale (en l’occurrence la minoritéturque)? Pour ce faire elle a articulé l’approchedes «cadres» deGoffman à celle du programmedevérité de Veyne.Mathieu Brugidou a proposé un traitement de la question des croyances selon uneméthodegrammaticaleinspiréedelaphilosophie(notammentdestravauxdeV.Descombes).Apartird’unmatériaud’enquêted’opinions,ilaprécisémentmontréquelaformationd’un«public»(àlaJohnDewey) est logiquement solidaire de la formulation d’un type d’énonciation qui implique un typeadhésion et une économie du vraisemblable. Ce faisant, cette approche a suscité un débat de fond,

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nourri par ladiscussiondeP.Aldrin, soulignant ladifficultéd’unparadigmeuniquement langagierdusocial,quifaitl’impassesurlesformesinfraverbalesparquoilesocialseperpétue,notammentdanslesformesd’incorporation.Ilaégalementsoulignélespossiblestorsionsidéalistesdecetteapproche,quiprive lessciencessocialesd’unepartiedeses ressources lesplusessentielles.Ens’interrogeantsur ladiffusion internationale de certaines politiques sociales, Pablo Diaz et Julien Debonneville se sontinterrogéssurlesconditionssocialesd’efficacitéperformativedecroyanceséconomiquestellesquelesvertus d’incitation des conditional cash transfers. Philippe Zittoun a développé ensuite unedéconstruction conceptuelle des postulats cognitifs implicitement mis en œuvre dans l’analyse despolitiquespubliques,tantconcernant le«problèmepublic»que la«solution»apportée. Ilenarriveàmettre en question le schème central de la «persuasion» de certains acteurs (passifs) par d’autres(actifs),cequileconduitàs’interroger,au‐delàdudomainestrictdelasociologiedel’actionpublique,sur la façondont la sciencepolitique envisage le partage le partagedu sens autrementque sous lesatoursdelafolkpsychology.AlainFaureetEmmanuelNégrierontproposéuneperspectivecavalièresurdeux riches terrains d’enquêtes portant sur l’ancrage locale de la légitimité politique, en Campanie(Italie) et dans le Languedoc. Décloisonnant les approches des sous champs de la science politiqueimpliquésdansleurobjet,lesauteursontsuggérélapertinenced’unecompréhensiondesmécanismesde la représentation politique qui fasse droit à l’étude anthropologique des transactions designificationsauseindessociétéslocales.Celles‐cisont,quoiquesouventdefaçonpeuperceptible,desvecteurs essentiels de la production des identités croisées et des relations de créance au sein desrelations,socialeslocales.Cetteapprochemontrelecaractèrecentral,contreuncertainprésentismedecertaines approches de la représentation, de la transmission des formes héritées du passé dans leprésent.Dansladiscussionfinale,Jean‐PhilippeHeurtinamisenévidencel’importanced’articulerlare‐problématisationdelaquestiondelacroyance,rendueselonluiplusaiséeparlaredécouverterécentede la tradition pragmatiste américaine, avec l’équipement conceptuel issu des approchesinstitutionnalistes. En effet, les institutions sociales se caractérisent en ce qu’elles remplissent unefonction de support de croyance, dispensant les agents d’internaliser intellectuellement de façonpersonnelle les nombres de conventions fiduciaires sur lesquelles opèrent les relations les plusordinaires. Cette démarche permettrait, par ricochet, d’engager un approfondissement de lacompréhensiondesconditionsdefélicitédelaperpétuationconvenablesdesrôlesinstitutionnels.Nousnoussommeségalemententenduspourvisers’attacherà rendrecompte,plusprécisémentquedanslescommunicationsprésentées,dudoubleprocessusdecroyance/confianceetdescepticisme/critiquequisembleconstitutif,commel’aavancélesociologueL.Thévenot,detoutemédiationinstitutionnelle.

En conclusion, le groupe de chercheurs présent s’est félicité de la tenue de cette rencontrepermettantdesdiscussionssurunoutilconceptueltransversalàladiscipline,au‐delàdesessecteursderecherche. Les participants se accordés pour considérer que la réflexion commune était parvenupremier stade relativement satisfaisant dedéfinitiond’objet commun. Le réseau intellectuel qui s’estconstituéàl’occasiondelaSTstrasbourgeoiseprolongerasaréflexiondébut2012autourd’unenouvellerencontrequi fixera lecontenuduprogrammeéditorial sur lequelaboutiranotreprojet.L’implicationdansceprojetdedeuxchercheursétrangerscontactésestprobable.

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ST50:Lespolitiquessymboliquesexistent‐elles?

ResponsablesSarahGensburger(ISP,CNRS)

AntoineMandret‐Degeilh(CEE,SciencesPo)

ParticipationOutre laparticipationactivedes intervenantsauxdeuxdemi‐journéesde lasection,entrecinqethuitpersonnesselonlesheuresontassistéetparticipéaudébat.Ilestànoter,parrapportauprogramme initialement indiqué, l’absencedeFrançoisForet(ULB)et laprésencedeMarie‐ClaireLavabre(CNRS/ISP),commediscutantedelapremièredemi‐journée.BilandesdébatsscientifiquesLa section thématique 50 « Les politiques symboliques existent‐elles ? » proposait de réfléchir auxinstrumentsd’actionpubliquedenaturesymbolique,enouvrantlaboîtenoiredeladiversitédurecoursauxsymbolesdanslespolitiquespubliquespours’intéresserauxcontextes,auxpratiques,auxacteurssociauxetàleursinteractions,auxréseauxenprésence,auxregistresdejustificationmobilisésetauxdynamiques d’institutionnalisation. Il convient d’emblée de souligner la grande qualité descontributionsprésentéesainsiquecelledesdébatsmenés,facilitéspar l’envoipréalablede lapartdel’ensembledesintervenantsdelaversionécritedeleurintervention.Lepremieracquisdelasectionthématiqueconstitueaussisaprincipalelimite.Ilconcerneleconstatdela diversité des acceptions de la notion de «politiques symboliques» comme, plus largement, de«symbolique». Eric Savarese, discutant de la seconde journée, a par exemple relevé pas moins dequatre acceptions différentes dans les interventions de la section thématique: 1) une politique pourpromouvoir des cadres du passé, 2) une politique avec une instrumentation symbolique, 3) unepolitiquepourmobiliserdesémotions,4)unepolitiquepourproduiredessymboles.Cesontainsideuxacceptionsprincipalesquelesusagesconstatésmettentenfaitenévidence.D’une part, l’accent a pu être mis sur des secteurs d’action publics jugés «symboliques» que lesinstruments utilisés soient de nature symbolique ou pas (ex: lois de mémoire historique/ politiquesd’indemnisation). La question de savoir si un tel secteur connaît aujourd’hui une inflation a alors étéposée.Del’autre,iln’apasététantquestionde«politiquessymboliques»qued’instrumentssymboliquesquelquesoitletypedepolitiquespubliquespourlesquelsceux‐cisontmobilisés.Aalorsémergélaquestionde savoir si de tels instruments constituent un type spécifique d’instrument d’action publique (IAP),notamment du fait de leur nature non contraignante, très peu technique et particulièrementpolysémique.Untel instrumentcomptetoutefoisdenombreuxpointscommunsaveclesautrestypesd’IAPcomme,notamment,sonabsencedeneutralitéetlefaitqu’ilnesoitpaslemonopoled’unacteurparticulier(local/national/UE/transnational;privé/public).Plusieurs pistes et réflexions transversales sont alors apparues. Elles dessinent un programme derechercheàvenirquelesparticipantssouhaitentexplorer:

- commentpeut‐onpenser l’articulationentre instrumentsymboliqueetnonsymboliqueet,au‐delà,entrelesdimensionssymboliquesetnonsymboliquesprésentesauseind’unseuletmêmeinstrument?

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Laparticipationtantd’historiensquedepolitistesàcettesectionamisenévidencelanécessitéde poser cette question tant dans une perspective synchronique que diachronique pourfinalements’interrogersurleséventuelschangementscontemporainsenlamatière.

- Quel(s)type(s)d’efficacitésocialeontlesdiversespolitiquessymboliques?

Les communications ont en effet évoqué la difficulté d’estimer les effets de cespolitiques/instruments.Ils’agitdoncdetravaillerplusavantsurlesméthodologiesetlessourcesmobilisables pour traiter cette dimension. Quelques participants ont ainsi ouvert une voieintéressanteenmettantl’accentsurlanaturecirculairedecespolitiques.Ilsontinvitélesunsetlesautresàallierréflexionsurleseffetsetréflexionsurlesbutseffectivementpoursuivisparlesdiversacteursenprésence.

- Laquestionde larepolitisationsouscouvertde ladépolitisationsymboliqueestenfinapparueavecforce.Ledialogueentre terrainscontemporainsetétudesdecasduXIXèmeouencoredudébutduXXèmesiècleanotammentmisenévidencel’anciennetéd’unegouvernanceprivé/publicoudetransferts transnationaux souvent considérés commedesnouveautésenmatièredepolitiquesymbolique. Il a souligné la nécessité d’historiciser le regard du chercheur sur cette questioncommesonusagedestermesemployés(de«mémoire»à«rituels»).Là encore des considérationsméthodologiques sont apparues: à partir de quelles sources, àquelleéchelleetsurquelleduréeétudierlespolitiqueset/oulesinstrumentssymboliques?Dansquellemesure,unemontéeengénéralitéest‐ellepossible?

Lesparticipantsàlasectionsesontaccordéssurlaqualitédestravauxetsurlanécessitédetravailleràla publication collective de plusieurs des communications. Les organisateurs sont ainsi en train deconcevoirunepropositiondenumérospécialderevue.

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ST51:Sociologiepolitiquedusport.Renouvellementdesperspectivesetapprochescomparées

Responsables

CorinneDelmas(CERAPS,UMRCNRS8026)IgorMartinache(CERAPS,UMRCNRS8026)

Notre ST s’est tenue le dernier jour du congrès, le vendredi 2 septembre de 15 h 15 à 18h,dissuadantquelquesparticipantspotentiels.Nousavionsretenuungrandnombred’intervenants(9)euégardauxpropositionsreçues,carnoussouhaitionsprivilégieruneentréethématique.Lesinterventionsdevaientêtreconcisespermettantuntempsdediscussion,toutefoispluslimitéquenous le souhaitions. Plusieurs résultats saillants et idéesmaîtresses résultent cependantde cescommunicationsetdesdébatsqu’ellesontsuscités.

Lepremieraxeétaitconsacréà lapolitisationdusport. Ils’agissaitd’interroger lacontributiondes acteurs des espaces sportif et politique à cette politisation qui pose, entre autres, lesquestionsdes effetspolitiquesdu sport et du senspolitiquede l'actiond'agents seprésentantcomme«apolitiques».

Lesoucidediversifierlesfocalesetdeprivilégierlesapprochescomparéesaprésidéauchoixdesthèmesetterrainsabordésparlestroisintervenants.LacommunicationdeNadineHaschar‐Noéaainsimis en évidence l’enjeu de gouvernance territoriale que peut constituer un projet sportifintercommunal, cellede Jean‐FrançoisPoloa interrogé lamisedu sport au serviced’une causenationaletandisqueLoïcTregouresasoulignésonrecoursparl’ONUdanslecadrediplomatique.Jorge Tuñón et Elisa Brey, qui n’ont pu participer à la section thématique, se proposaient detraiterdesliensentrefootballetnationalismeenEspagne,àpartird’exemplescomparésauPaysBasqueetenCatalogne.

NadineHaschar‐Noé,qui s’appuyait suruneenquêtede terrainparobservationetentretiens,apointé les controverses et le compromis suscités par un projet sportif de territoire dans unecommunauté d’agglomération. Elle a souligné les enjeux d’un projet pouvant participer à lalégitimation du niveau intercommunal comme échelon pertinent d’action publique. Lesdiscussions ont particulièrement porté sur ces effets politiques ambivalents, les conséquencesparadoxales de logiques d’acteurs et certains aspects de l’action sportive des EPCI, dont laquestion des équipements sportifs. Cette communication a rappelé l’existence d’unenchâssementétroitdesactivitésphysiquesetsportivesdans letissusocial local,dont il reflètelestensions,invitantàsegarderdetoutpropostropglobalisantsurceseffetspolitiques.

Les communications suivantes ont conforté ce constat, notamment les limites d’une approchepurementinstrumentaledusport.

Celle de Jean‐François Polo, tout enmontrant combien l’organisation et la participation à desgrandescompétitionssportivespeuventêtreperçuescommedes instrumentsdepromotionauservice de l’intégration de la Turquie au sein de l’Union européenne, en révèle finalement leslimites; en attestent les résistances persistantes à l’«eurocomptatibilité» de ce pays et laviolence de supporters turcs qui traduirait, selon J.‐F. Polo, une crispation nationaliste et uneattitude ambivalente à l’égard de l’Europe. Les échanges ont particulièrement visé ce dernierpoint, et les limites d’une approche de ces phénomènes de violence à partir de sourcessecondaires.

LoïcTregouresasoulignépoursapartlesenjeuxetlimitesdel’outildiplomatiquequeconstitueleboycottd’unévènementsportifenpartantdessanctionssportivescontrelaYougoslavievotées

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en1992parl’ONU.Sacommunication,s’appuyantsuruneenquêtearchivistiqueetdesentretiens,analyseeneffet l’applicationcontrastée(enfonctionnotammentdesdisciplinesetfédérations)decettesanctionpesantsur les joueurs,metenévidence lepouvoiret l’actionde lobbyingdesfédérations internationales telle la FIFA et du CIO, interroge enfin les raisons pour lesquellesl’ONUn’aplusutilisécetypedesanctiondepuiscecasyougoslavede1992.Instrumentde«softpower»1, la sanction doit être mesurée, a‐t‐il précisé, à l’aune de l’investissement politique,identitaire et symbolique que les régimes mettent dans le sport à des fins de politiqueinternationale.Elledoitêtrerelativisée.Si lessanctionssportivesvotéescontre laYougoslavie–quis’inscrivaientd’ailleursdansunensembledesanctionséconomiquesetsocialestrèslourdes‐ontachevédefairedusportunélémentàpartentièredesrelationsinternationales,celaauraitenmêmetempsrenforcél’idéeselonlaquellelesgrandesorganisationsinternationalesdesportsontellesaussidesacteursdiplomatiques,avecdesintérêtsàdéfendre,parfoiscontradictoireàceuxdesEtats.

Cesdeuxcommunicationsontdonnélieuàdenombreuxéchangesautourdecesenjeuxetlimitesd’une«instrumentalisation»politiquedusport.

Ledeuxièmeaxeportait sur lemilitantismesyndical, lesnégociationsetactioncollectivesdansl’espace des sports. Nicolas Lefèvre a abordé lesconditions professionnelles d’existence et dedémobilisationcollectivedescyclistesprofessionnels,XavierLandrin leconflitde travaildans laNational Basketball Association (NBA) à partir de l’étude d'un lockout, Jérémy Pierre «laconstructiond’unepolitiquepubliqueenmatièred’emploissportifs».

S’appuyant surunensembled’observations réaliséesdans le cadred’un travail sur lemétierdecoureurcycliste,NicolasLefèvrearappelélesspécificitésd’unsyndicalismesportifcaractériséparde forts taux d’adhésion dans un environnement professionnel peu propice aux mobilisationscollectives. Cette communication a mis en évidence les facteurs expliquant le fort sentimentindividualistecaractérisant lesrelationsde l’universsportif.Lesconditionsd’emploietdetravaildescyclistesprofessionnelspermettentainsidecomprendrecommentlesformesdeprécarité,ladifférenciationdescarrières,uneorganisationdutravailconcurrentielleetl’édificed’uneviedansunespaceprofessionnelséparécontribuentàinhiberlamobilisationcollective,enparticipantàladésunionprofessionnelleetà laconstructionde l’individualisme.Cette interventionasuscitéunriche débat où ont notamment été abordés: l’intérêt de l’étude du syndicalisme sportif, lesparticularitésdecedernier,lesraisonsdusuccèsd’organisationsproposantàleursadhérentsunsyndicalismedeservice–démarchecongruenteàl’individualismedesrelationsprofessionnelles‐,les caractéristiques socio‐démographiques des sportifs contribuant à hypothéquer lesmobilisationscollectives,lesdifférenciationsenfonctiondesdisciplinessportives.

XavierLandrinaquantàluiapportéundoublechangementdeperspective,déplaçantlafocaledel'autrecôtédel'Atlantique,maisaussivisantlesemployeursetnonplusdestravailleurssportifs.Ila en effet proposé d'analyser un «lock‐out», c'est‐à‐dire une grève patronale, dans lechampionnat professionnel de basket‐ball étasunien, organisé par la National BasketballAssociation.Untelévénementseproduitassezrégulièrementdanslesdifférentesliguesdesportprofessionneldecepays.Apartirprincipalementdutraitementdedonnéesquantitatives,XavierLandrin a étudié& ce phénomène en mettant en évidence ses facteurs structurels, qui,contrairementàcequel'onpourraitpenser,tiennentnotammentàuneinstitutionnalisationbienplus grande des règles; ces dernières tendent à freiner un fonctionnement libéral du marchéinterne du travail, en le reliant aux conditions de financement des «franchises» adossées auxclubs, mais aussi aux stratégies individuelles des joueurs en réaction aux interruptions de leuractivitéenfonctiondeleurspropresressourcesetoriginesgéographiques.Lorsdeladiscussion,lesquestionsontprincipalementvisélescomparaisonsaveclesautresliguessportives.

1 Nye,Joseph,Boundtolead:thechangingnatureofamericanpower,NewYork,Basicbooks,1990

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Jérémy Pierre s'est intéressé à une autre forme de régulation professionnelle: celle de laformationauxmétiersdel'encadrementsportifenFrance.Ilmontreainsicomment,confrontéàune tension croissante entre la volonté de contrôler la qualification en la matière et des«besoins» d'emplois grandissants, le Ministère des Sports s'est considéré contraint d'ouvrirprogressivement ce «marché» au secteur privé. Or, à l'instar de la loi de Gresham enmatièremonétaire,danslamesureoùilspermettentdepourvoirdespostesàmoindrescoûtssalariaux,les certificats de qualification professionnels (CQP) délivrés par des acteurs privés tendent àévincerprogressivementlesdiplômesnationaux.

Le troisième et dernier axe de la section thématique était consacré à l'entrée des sportifs enpolitique, une expression à prendre littéralement, comme l'a fait Christian Le Bart, ouindirectement, ainsi que l'aproposéKarimSouanef.Apartir d’un corpusdepresseetde récitsautobiographiques, le premier a proposé une comparaisondes trajectoires de plusieurs agentsayanttentépareilleentreprisede«conversion»decapital«sportif»encapitalpolitique;ilamisen évidence les points communs, mais aussi les divergences, notamment en termes deressources,avantdeseconcentrersurdeuxfiguresrécentes:BernardLaporteetDavidDouillet(avant, rappelons‐le, qu’il ne soit nommé Ministre des Sports suite à la démission de ChantalJouanno, élue sénatrice). Il a ainsi montré comment l'étiquette de sportif joue initialementcommeunstigmateà l'entréedans lechamppolitique;si lanotoriétémédiatiquepeuts'avérerune ressource,notammentenmatièreélectorale, sa conversionest loind’êtreautomatique, etnécessitesouventleparrainaged'«insiders».Cefaisant,ChristianLeBartasuggéréquedetellestrajectoires peuvent être menées différemment; ainsi, contrairement au judoka, l'ancienentraîneur du XV de France semble avoir intériorisé sa position «dominée», tout en mettantl'échecdeson insertionpolitiquesur lecomptedesrègles«égoïstes»d'unchampauxquelles iln'auraitpasvoulusesoumettre.Lacommunicationasuscitémoultéchangessurcesitinérairesdesportifsenpolitique,ainsiquesurl’apportetleslimitesdetelsmatériauxautobiographiquespourl’étudedestrajectoirespolitiques.Enfin, KarimSouanef s'est appliqué, à partir essentiellementde sourcesdepresse, à étudier lacommunication politique autour de deux «événements» médiatiques: le but de la main ducapitaine ThierryHenry contre l'Irlande et la «grève» de l'équipe de FranceA de football à lacoupeduMondede2010.Cesdeuxépisodespermettent,selonl’intervenant,depointercertainesdesrèglesstructurellesduchampmédiatico‐politiqueàl'égardd’unsportàlafoisincontournableet prêtant le flanc à des interprétations aussi peu fondées que fortement empreintes de«moralisme». Si quelques auditeurs ont déploré que sa communication ne mobilise pasdavantage d'entretiens, notamment ceux réalisés auprès de journalistes sportifs, unrapprochement a également été fait entre son propos et celui de Stéphane Beaud dans unouvrage récent2, permettant à Karim Souanef d'expliciter ses convergences, mais aussi sesdésaccordsvis‐à‐visdecedernier.

2 Traîtresàlanation,Paris,LaDécouverte,2011

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ST52:Lajusticeauprismedugenre:approchescomparées

ResponsablesEmilieBiland(UniversitéLaval/CentreMauriceHalbwachs)WilfriedLignier(ENSParis/CentreMauriceHalbwachs)

Ils’agissaitaveccettesectionthématiquedeprolongerlemouvementdedécloisonnementdesétudessocialesdelajusticejusqu’auxdomaineshabituellementfréquentésparlasociologiedugenre.Alorsqueledroitaconstituéunlevierdesluttesféministesnord‐américaines,ilsetrouvequelesrecherchesfrançaisesnesesontguèreemparéesdesquestionsrelativesauxrapportssociauxdesexe.Ceconstatest d’autant plus étonnant que l’analyse desmécanismes de la dominationmasculine à l’intérieur duchamppolitiqueacontribuéàrenouvelerlasociologiedupersonnelpolitique(LévêqueetAchin,2006;Achinetalii,2007).Endépitdestravauxconsacrésàlaféminisationdesprofessionsjudiciaires(Boigeol,1993;Boigeol,1996;Mathieu‐Fritz,2004),legenredanslajusticeapparaît,pourl’essentiel,commeun«non‐objet » (Boigeol, 2010). L’absence relative de travaux français croisant sociologie du droit etsociologiedugenreestd’autantplusfrappantelorsquel’onrelèvel’intérêtinternationalquesuscitelecourant Gender and Judging (Collectif, 2008), aujourd’hui représenté au sein de l’InternationalSociologicalAssociation,etcomplémentairedugroupedeFeministLegalTheorydelaLawandSocietyAssociation.S’intéressantaucaractèregenrédelasélection,delaformationetdelacarrièredesjuges,à lamanière spécifiquequepourraient avoir lesmagistratesde juger, ouencore aux représentationssexuées de la justice (Schultz et Shaw, 2003), ces travauxméritent d’être interrogés dans un cadrefrançais.

Cettesectionthématiquearéunideschercheusesetchercheurstravaillantsurlesinstitutionsjudiciaires(aussi bien civiles que pénales) dans différents pays demanière à faire se rencontrer une sociologiefrançaise du genrequi a fortement investi l’étudedumarchédu travail et du champpolitique, et unmouvementinternationaldanslequelle«genrejudiciaire»constituedésormaisunobjetàpartentière.En réunissant des enquêtes diverses dans leurs inspirations théoriques comme dans leur ancrageméthodologique, elle a permis de discuter la pertinence de l’approche gender and judging (initiée àpartirdesinstitutionsdecommonlaw,tellesquelescourssuprêmesaméricaineetcanadienne)dansunpays de tradition civiliste, ainsi que l’apport des concepts forgés sur d’autres objets («plafond deverre»,«espacedelacausedesfemmes»etc.)àl’analysedestribunaux.

Deuxsessionsontétéorganisées.Lapremière, intitulée«L’institutionjudiciaireaucœurdesrapportssociauxdesexe»,s’estintéresséauxpolitiquespubliquesdelajustice,entantqu’ellesstructurentdesmobilisationsmenéesaunomdecausesgenrées‐notammentféministes(Berenietalii,2010;Revillard,2009), mais aussi en tant qu’elles transforment les rapports sociaux de sexe au sein de l’institutionjudiciaire–notammentautraversdesdébatssur la féminisationde lamagistrature.Sous letitre«Del’audience au jugement : une justicedegenre ? », la deuxième séance aporté sur le fonctionnementconcret des tribunaux et il a s’agi de travailler, au plus près des pratiques des professionnels et desjusticiables, sur la place du genre dans la production des décisions judiciaires. Les interactions entrepersonnelsdestribunaux,partiesetexpertsaucoursdesaudiences,maisaussilesmodesd’écritureetles «pièces » faisantpreuve,ontétéexaminéspour appréhenderd’éventuellesmanièresgenréesderendre la justice. Deux types de contentieux se sont avérés plus précisément envisagés : les affairesfamilialesentantqu’ellescontribuentàla(re)définitiondesrôlesfémininsetmasculins;lesdélitsliésauproxénétismeetà laprostitutionpourcequ’ilsnousdisentde l’encadrement judiciairedespratiquessexuelles.

Danssacommunicationintitulée«Sesocialiseraudroitdansuneassociationmilitantpourledroitdespères», Aurélie Fillod‐Chabaud (Institut Universitaire Européen) a rendu compte de son enquête

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auprèsd’uneassociationfrançaise,SOSPapa.L’augmentationcroissantedesséparationsconjugalesenFrancesupposeuneconfrontationaudroitetàlaJusticeauxAffairesFamilialespourdeplusenplusdecivils: ils deviennent alors des justiciables. Ces justiciables, confrontés pour la première fois auxinstitutions judicaires, n’ont pas pour la plupart unemaîtrise du champ juridique et s’adressent pourcertainsd’entreeuxàdesinstitutionspubliquesd’accèsaudroitoudesassociationsdesoutien.Parmicesassociations,bonnombred’entreellesmilitentpourdénoncerunaspectdiscriminantdelaJusticeauxAffaires Familiales afin de changer des loismais aussi des pratiques qu’elles considèrent commeinjustes,sexistesouallantàl’encontredel’intérêtdel’enfant.Lesassociationsdepères,objetdecettecommunication, s’insurgent contre une justice «matricentrée», et aident les pères dans leursprocéduresjuridiques.Professionnelsetnon‐professionelsdudroitdispensentdesconseilsauprèsdesadhérents: on assiste dès lors à un réel «coaching juridique» imprégné d’une trame militante quioriente inévitablement ces pères vers une vision de la justice genrée, sexiste et anti‐père et ce parl’intermédiairenonseulementdudiscoursdesanimateursetavocats.

Il était encorequestiondemilitantisme juridique et genrédans la communicationproposéparDianeLamoureux (Université Laval) sur «La luttepour la libertéd’avortementauQuébec (1969‐1989)». Lemouvement en question est conçu comme un terrain privilégié pour examiner l’articulation entre lamobilisationpolitique, la contestation judiciaireet lespratiquesalternatives,puisqueces trois formesd’action ont été non seulement présentes mais aussi consciemment utilisées par les militantesimpliquéesdans la luttepour la libertéd’avortement.LacommunicationaportéplusparticulièrementsurdeuxdécisionsdelaCoursuprêmeduCanada.LapremièreestlejugementMorgentalerde1988quiaboutit à l’abrogation des dispositions du Code criminel concernant l’avortement. La seconde est ladécisionDaigleen1989,alorsquelaCourétablissaitleprincipededécisiondesfemmesenlamatière.D.Lamoureux a cherché à analyser en quoi les décisions majoritaires de la Cour dans ces deux casreprennent certains arguments du mouvement en faveur de la liberté d’avortement et ce qu’elleslaissent de côté. Cette analyse s’est avérée intéressante pour comprendre les apportsmais aussi leslimitesdelacontestationjudiciairedanslesluttesféministes.

Lescommunicationssuivantesconcernaientlelienentregenreetjusticeautourdelaquestiondupoidsdu sexe du juge dans l’activité judiciaire, et e particulier dans la prise de décision (sur lemodèle desétudes anglo‐saxonne du sentencing). Marie‐Claire Belleau (Université Laval) et Rebecca Johnson(UniversityofVictoria)ontprésentéuntexteintitulé«LespremièresfemmesjugesàlaCoursuprêmeduCanada:desopinionsjudiciairesdifférentes?».Ils’agissaitdeproposerquelquespistesderéflexionausujetdelarépartitiondesopinionsjudiciairesdespremièresfemmesquisiègentàlaCoursuprêmedepuis les trentedernières années.Premièrement, les auteuresont cherchéàmontrer, statistiquesàl’appui,quecellesquiportent letitrede jugeontoccupéunepositionuniqueauseinde laplushauteinstancejudiciaireduCanadaenécrivantunetrèslargeproportiondesopinionsdissidentes.Ensecondlieu, elles ont formulé quelques hypothèses susceptibles de guider une étude ultérieure qui seulepermettrait d’indiquer plus précisément d’enquêter sur la nature véritable de la «différence» desfemmes jugeset, potentiellement, d’autresgroupes sociauxhistoriquement sous‐représentés au seinducorpsjudiciairecanadien.

LacommunicationdeCélineBessière(Dauphine/IRISSOetCMH),MurielMille(EHESS/CEMS‐IMM),etSabrinaNouiri‐Mangold(EHESS / IIACetCESSP)portaitquantàellesur«Legenredans lespratiquesdes professionnel‐le‐s aux Affaires familiales». Les chambres aux Affaires familiales sont un lieuprivilégiéd’observationdeseffetsdugenredanslespratiquesetdécisionsdesprofessionnel‐le‐sdelajustice.LajusticedesAffairesFamilialesestundomainemoinsvalorisédudroit,oùunemajeurepartiedes postes sont occupés par des femmes. La nature des affaires traitées met ainsi aux prises cesmagistrat‐e‐s,greffièr‐e‐s,avocat‐e‐savecleursnormesetconceptionsdelafamilleetdesrelationsdecouple.Ceseffetsdegenresemesurentd’abordauxvariationsnotablesentre lesmagistrat‐e‐s : leurmanièredes’approprierleurrôle,leurconceptiondumétiersemblentainsiêtrefortementdifférenciésselon le genre, et selon leurs trajectoires personnelles et professionnelles. Par ailleurs, si on prêteattention à l’aspect collectif de la décision, on retrouve aussi des effets de genre dans la division dutravail entre greffières, qui sont presque exclusivement des femmes, et magistrat‐e‐s : le

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fonctionnement interne des services conduit ainsi en lui‐même à invisibiliser le travail des greffières.Cette communication, se fonde suruneenquêteethnographique collectivedansquatre tribunauxdegrande instance, et sur une série d’entretiens avec des professionnel‐e‐s du droit : magistrat‐e‐s,greffières,etc.

C’est lerapportentre«Genreetdécisionpénale»qui intéressaientenfinThomasLéonard(UniversitéLille2 /CERAPS),ThomasSoubiran (CERAPS)dans leur travailquestitatifsur«les jugementsselon lesexe des magistrats en comparution immédiate». Les juges rendent‐ils des décisions similairesindépendamment de leur sexe ? Suivant les premiers résultats de l'analyse basée sur près de 1200jugements correctionnels en comparution immédiate, les juges femmes prononcent des peines deprison ferme plus longues que leurs homologuesmasculins. En outre, les femmes apparaissent plussévèrespour les les infractions liéesauxstupéfiants,maismoinsencequiconcerne lesatteintesauxbiens.Pourautant, l'effetdecettevariableapparaîtd'ampleurlimitée.Ilapparaîtainsiquelescritèresde jugement à la base sont assez proches indépendamment du sexe. Ces différences semblentdavantage le produit d'une socialisation professionnelle que d'une socialisation genrée. On peutégalement faire l'hypothèse que les socialisations professionnelles en fonction de la spécialisationpuissent participer à expliquer unepartie desdifférences : ainsi, les juges n'occupentpas lesmêmesfonctions selon leur sexe, et c'est cette situation qui concoure à expliquer les différences dans lesdécisionsqu'ilsprononcent.L'analysedetroiscasdemagistrats,laisseainsientendrequ'ilpeutexisterdesmanières trèsdifférentesde juger, etque le sexeestunevariablepertinente,même si soneffetsemblerelativementfaiblecomparativementàd'autres.

Dans le suite de la session, le regard s’est déporté des professionnels de la justice vers ses usagers.Sibylle Gollac (ENS / CMH‐ETT), JulieMinoc (ENS‐EHESS) et Hélène Steinmetz (ENS / CMH‐ETT)ontprésentéuncommunicationintitulé«HommesetfemmesprisdanslaJusticeauxAffairesFamiliales».Cette communication reposait sur l'analyse de matériaux collectés au sein de quatre tribunaux degrande instance français, dans le cadre d'une enquête collective sur les procédures de séparationconjugale combinantobservationsd'audienceet consultationdedossiers.Devant le jugeauxaffairesfamiliales,cesontdesqualitésdepère,demère,d'épouseetdemariquisontévaluéespourdéciderdelarésidencedesenfants,dumontantd'unepensionalimentaireoud'uneprestationcompensatoire.Lafaçon dont elles sont présentées et jugées est complètement prise dans des rapports de genre,étroitement articulés à des rapports de race et de classe. Les auteures se sont ainsi intéressées à laconfigurationsociale,racialeetgenréedelaprocédure,quimetenrelationjusticiables,juges,avocats,greffières. Par ailleurs, elles ont cherché à montrer que les relations de genre exposées par lesjusticiablessontprisesdanslalogiqueparticulièredudroit,dansleslogiquesprofessionnellesdecellesetceuxquil'appliqueetdansuneprocédurecodifiée,quifaitviolenceauxhistoirestellesqu'ellessontvécues par leurs protagonistes. Plus généralement, il s’agissait de montrer comment la procédurejudiciaireproduitunrapportdedominationspécifiqueentrehommesetfemmes.

Ilétaitencorequestiond’affairesfamiliales,maisau‐delàducadrefrançais,dans lacommunicationdeMarièmeN’Diaye(IEPdeBordeaux/CEAN)intitulé«Dutexteàlapratique:lesjugesetl’applicationdudroitdelafamilleauMarocetauSénégal.»Lescodesdelafamillesénégalais(1973)etmarocain(2004)tentent de concilier préceptes islamiques et promotion de l’égalité entre les sexes, d’où les vivescontroverses qui ont accompagné leur adoption. Dans les deux cas, le législateur a laissé uneimportantemargedemanœuvreaujugepourlesmatièreslesplussensibles,sedéchargeantainsidelaresponsabilité de porter le changement de manière effective. Or, la jurisprudence révèle un réeldécalage entre l’esprit égalitaire du code et son application. Au Sénégal, la succession de droitmusulmantendàsesubstitueràcelledudroitcommunfondéesurleprinciped’égalitéentrelessexes(art.571).AuMaroc, lesdispensespour lesmariagesdesmineur‐e‐set lesunionspolygamessont trèslargementaccordéesetn’ontpaslecaractèreexceptionnelprévuparlaloi.Lemanqued’uniformisationdelajurisprudenceenmatièredepartagedesbiens(art.49)tendégalementàléserlesfemmesencasdedivorce.Atraversl’analysedelajurisprudence,l’observationdesaudiencesetlesentretiensaveclesprofessionnels de justice (magistrats, avocats) et les associationsdedéfensedesdroits des femmes,l’auteure a analysé les causes du décalage entre une loi à visée égalitaire et une pratique judiciaire

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marquéepardes inégalitésdegenre,etainsiàdéterminercomment lanotionde justicedegenreestcomprise,miseenœuvreouignorée,délibérémentounon,danslapratiquejudiciaire.

Enfin,lestroisdernièrescommunicationsdelasectionposaienttoutelaquestiondugenreàpartird’uncaspartiuclier, le traitement judiciairede laprostitution.Milena Jaksic (EHESS / IRIS)aprésentédesdonnéesethnographiquestiréesdesonenquêtesur«latraitedesêtreshumains».Lesvictimesde latraitedesêtreshumainssontappréhendéesdanslesprocèsdedeuxmanières:entantquevictimesdel’exploitationsexuelle,etentantquecoupablesderacolagepassifet/oudeséjourirrégulier.Danscesconditions, qui les font apparaître sous le prisme des victimes‐coupables, le récit qu’elles livrent auxinstitutionschargéesdeleurpriseencharge,estentachéd’unsoupçond’inauthenticité.L’auteurs’estconcentrée sur un moment de la carrière des victimes: les procès pour proxénétisme aggravé auTribunaldegrandeinstancedeParis,danslecadredesquelslesvictimesapparaissentcommetémoinsou parties civiles. Dans ces audiences qui ressemblent à une arènemorale dans laquelle s’affrontentdémonstration rigoureusedes faits et visionnormativede la criminalité, toutunarsenalde tactiquesd’invalidation est déployé afin de mettre en cause la parole des parties civiles. Dans ce contexte, ils’agissaitdes’interrogersurlerôlejouéparlavariable«genre»dansl’effortpourtraduirelasouffranceendroitetpouraffranchirlesvictimesdetoutsoupçond’inauthenticité.

GwenaëlleMainsant(EHESS / IRIS)aprésentéuntexte intitulé«Dugenredespratiquespolicièresaugenredudroit.Lecasdelaluttecontreleproxénétisme.»Ils’agissaitdepartird’unétonnement:alorsque les sources militantes, policières et scientifiques convergent pour montrer une hausse de laproportiondeprostituéshomosexuelsettranssexuels,leschiffrespoliciersenmatièrederépressiondeproxénétismenemontrentpasd'évolutionanalogue,i.e.iln’yapasdehaussesignificativedunombred’arrestationsdeproxénètesexerçant leursactivités surdesprostitués transsexuelsethomosexuels.Commentexpliquercettedisjonctiondegenreentrel'évolutiond'unphénomènesocialetledécalage,voirel'inertiedelamiseenœuvrepolicièreetjudicairedemesurespénalesrelativesalarépressionauproxénétisme?Partantd'unemesurededroitvisantlarépressionduproxénétisme,l’auteurainterrogésa mise en œuvre locale par les policiers afin de donner à voir ce qui conditionne son application«genrée».Apartird'enquêtesethnographiquesconduitesauseindeservicesdepolicespécialisésdansla répressionduproxénétisme, elle a exposédansunpremier temps combien les relationspolicier‐e‐s/populations administrées suivent des registres genrés appartenant à un répertoire limité. Dans unsecond temps, elle a montré combien ces registres limités et genrés d'interaction restreignent lespossibilitésd’interactions,conduisantàunefocalisationdesinvestigationspolicièressurdessegmentsspécifiquesduproxénétisme‐ceuxoùleproxénétismes’exercesurdesconfigurationshétérosexuellesde prostitution. Ainsi cette communication visait‐elle à opérer un déplacement en analysant lespratiques policières non comme des pratiques professionnelle, mais comme le droit en action,partiellementautonomevis‐à‐visdel'appareiljudicaire.

La section s’est conclue sur l’interventiond’unehistorienne,HélèneVialle (Université Lille 2 / Centred’histoire judiciaire), dont le travail porte que «Le traitement genré de l’exercice de la prostitutionpendant l’entre‐deuxguerres»,enFrance.L’analysedesminutesdesarrêts correctionnelsde laCourd’appeldeDouaientre1919et1939,relatifsauproxénétismeetàlaprotectiondelajeunessecontrela«débauche»(environ400affaires),permetàcetteauteured’observerl’existenced’unejusticegenréepresquecaricaturale,révélatricedesrelationshommes‐femmesdel’époque,bienau‐delàdelaquestionprostitutionnelle. Les personnes poursuivies pour «excitation de femmes à la débauche», sontprincipalement des femmes, alors que cette incrimination vise à réprimer la prostitution clandestinedans des bars qui sont majoritairement tenus par des couples de tenanciers. Lorsque les deuxpersonnes du couple sont jugées, l’étude des peines révèle un déséquilibre dans la répression deshommes et des femmes. La gestion de la prostitution est, pour les juges qui se font ici vecteur del’inconscientcollectifdel’époque,«affairedefemmes».Lafemmerestelatentatricebiblique,elleestdoncnaturellementpluscoupablequel’hommedans«l’offre»sexuelle.Lespeinesprononcées,souslamêmeincrimination,àl’encontredestenanciersdeprostitutionclandestinesontpluslourdess’ilssontpoursuivispouravoirpermisàun jeunegarçonmineurd’avoirdes relationsavecuneprostituée,quepouravoirtirédesressourcesdelaprostitutiond’unejeunefillemineure.Leconstatentermedegenre

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est cependant à nuancer partiellement car au‐delà de la discriminationde genre, apparait égalementune discrimination de classe: prostituées mineures issues du milieu populaire/ clients mineurs debonnes familles. Cependant, il semble que les jeunes hommes, forces vives de la Nation dans cettepériode incertainede l’entre‐deuxguerres,bénéficientde laprotection laplus forte,particulièrementcontrel’«avilissementmoral»etlasyphilis.

*

Au final, la vingtaine de personnes ayant participé à cette section thématique ont pu profiter d’uneréflexionrelativementoriginaleenFrancesur lesrelationsentregenreet justice, relationsenvisagéestant du point de vue des professionnels de la justice que de ses usagers. Le pari d’insister surl’importance d’associer différentes techniques d’enquêtes (examen de la littérature juridique,statistiquesplusoumoinssophistiquées,entretiens,ethnographie,etc.)etdepenserconstamment,parailleurs, la comparaison entre différents espaces nationaux s’est avéré judicieux. Les donnéesquantitativesdesunsontpuêtrediscutéesdepuislesdonnéesqualitativesdesautres,etinversement.Chacun a pumettre à l’épreuve d’autres contextes juridiques les diverses propositions théoriques etobservationsempiriques.

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ST53:Genreetnation

ResponsablesAmélieLeRenard(UniversitéVersailles‐Saint‐Quentin‐en‐Yvelines)

ElisabethMarteu(UniversitéParisI/IEPdeParis)L'organisation de la section thématique 53 sur le thème «genre et nation» avait deux ambitionsprincipales:(1)réfléchiràl’actualitédescadresd’analyseproposésparlestravaux,majoritairementenlangueanglaise,quiontthéorisélesrapportsentregenreetnation,(2)mettreenperspectivelesanglesd'approche et les enquêtes de terrain, pour débattre des différents usages des concepts et réfléchirensembleàdesoutilsd'analysecommuns.Pourcefairedeuxsessionsontétéorganisées:La première séance s'est focalisée sur l'articulation genre/nation dans les mouvements sociaux(mobilisations de femmes, d’immigré(e)s, de minorités sexuelles, etc.). Différents aspects de cettequestionontpuêtreappréhendéscommelesrapportsentreféminisme(s)etnationalisme(s)dans lestransitions démocratiques (Espagne/Brigitte Frotiée) et les Etats multiculturels (Canada/DianeLamoureux) ; les imbrications entre genre, classe, race et appartenance religieuse au sein desmobilisations féministes contre la loi sur le voile en France (Fanny Tourraille) ou encore le rôle desmédias dans la mise en avant d’un imaginaire national viriliste pour couvrir des grèves(France/AlexandraOeser).Lasecondeséances'estconcentréesurlaconstructionetladéconstructiondesnormesdegenredansles discours et politiques publiques. L’intervention de Mathilde Darley a montré quelles normes degenreetdesexualitéétaientpromuesparlesacteursreligieuxintervenantdanslescentresderétentionpourétrangersenAllemagne.MarionManieretLauraSchuftontmisenparallèledeuxrecherches,l’uneportant sur le traitement des femmes dites «issues de l’immigration» dans les centres sociaux enFrance et l’autre sur lesmariages dits «mixtes» en Polynésie française, afin demettre en avant lesinjonctions adressées aux femmes racisées et les stéréotypes circulant sur elles. Sara Garbagnoli amontrécommentdeuxprojetsdéposésauParlementitalienliaientluttecontrelemariagehomosexuelet lutte contre la polygamie. ValérieDutoya a analysé, à partir des débats publics autour dumariageentredeux«célébrités»,l’uneindienneetl’autrepakistanaise,lamanièredontlesquestionsdegenreetdesexualitépouvaientcristalliserlesenjeuxnationalistesdanslarelationInde/Pakistan.Enfin,LuciaDirenberger a montré comment deux discours différents, l’un énoncé par le gouvernement dans lecadred’un régimeautoritaire, l’autreénoncépar lesorganisations internationales,avaientpourpointcommundemobiliserunimaginairedelapassivitéconcernantlesfemmestadjikes.Cette ST a permis de soulever des questionnements plus larges qui mériteront de plus amplesrecherches et échanges scientifiques. Des pistes de réflexions ont été lancées sur les définitions etmodes d'articulation entre les concepts d'intersectionnalité des rapports de pouvoir (oucoextensivité/consubtantialité) et de féminisme post‐colonial. La pertinence du concept de«nationalisme sexuel», qui fait actuellement l’objet d’intenses débats scientifiques, a été discutée.Enfin une piste de recherche, peu abordée,mériterait d'être explorée par la suite : la discussion desrapportsentregenreetnationdanslecadredelacirculationtransnationaledepolitiquesetdenormesdegenre.L’objectifseraiticid’éclairerl’articulationgenreetnationauxpointsd’interactiondeséchelleslocale,nationaleetinternationale.Cettesectionthématiquealancéunediscussionquidevraitsepoursuivresouslaformed’unejournéed’étudeetéventuellement,àmoyenterme,delapublicationdecertainescontributions.

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MPP2:Lessimulationspédagogiques

ResponsableYvesSchemeil(SciencesPoGrenoble)

Lesprésentationssesontéquitablementrépartiesentrelesdeuxdomainesprivilégiantlesexercicesdesimulation: les études internationales et la théorie politique. Charles‐Philippe David a ainsi montrécomment,dansuncoursdemasterdontlebutestdedébattredenotionsthéoriquespuisdes’investirdans l’application pratique de ces notions, les étudiants parvenaient à mieux comprendre lescontraintesdelaformulationd’unepolitiqueétrangèreauxEtats‐Unis,lacomplexitédelapolitique,etlapertinencedesnotionsthéoriquescomme«penséegroupale»(grouphink).Lesétudiants lesmoinscompétentsfontbeaucoupdeprogrèsdanscetapprentissage,et l’investissementest jugépositifpartouscaronsuscitechezeuxledéploiementd’uneénergieetd’unecréativitéparfoissous‐utiliséesdoncméconnues.

L’ensemble des séquences dure quinze semaines. Lors de la première, la phase préparatoire à lasimulationproprementdite,lesétudiantslisentlesouvragesetarticlesphareenlamatière.Poursavoircommentilsontincarnél’acteurdontilsjouentlerôle,destestspériodiquesévaluentleprofitqu’ilsonttirédeleurslecturesobligatoiresousuggérées.Pendantlasimulation, ilsdécouvrentqu’il leurfaudra,dans une situation comparable, réagir à des événements imprévisibles, en trouvant un compromisacceptable.Lecadreadoptéestlesuivant:onmetlesétudiantsdanslapeaudemembresduNationalSecurityCouncil américain (NSC). Ils sont regroupésen 7 équipesde 2décideurs et autantd’adjoints(auxquels s’ajoutent divers secrétaires généraux, y compris celui de la Maison Blanche, voire 2sénateurs). Le professeur jour le rôle du président des EU (son adjoint pour gérer le séminaire, unefonctionindispensableausuccèsdel’exercice),interprètepoursapartlerôleduVice‐Président).

LejourJ,lelieuchoisiestquelquepeudécoré,pourapparaîtreofficiel,lesparticipantsrevêtentl’habitdeleurfonction.Ilsreçoiventenarrivantuneinformationconfidentiellesurunecriseinternationaleencours – des journalistes fabriquent une fausse nouvelle et de faux reportages, un émissaire vientl’annoncer. Les étudiants ne connaissent donc pas à l’avance l’événement sur lequel ils auront àdébattre, c’est une totale surprise pour eux. Dans ce contexte d’information incomplète, un dossiercontenantdesinformationsdebaseleurestcommuniquéetilstiennentleurpremierbriefing.Ensuite,ilsretournentchacundansleurbureau(cequin’exclutpasdetempsàautreuntravailenéquipe).Enfin,le «Président» convoque une conférence de presse. Prétendant qu’il ne veut pas ou ne sait pasrépondreauxquestionsilpasselaparoleàsesadjoints–lesétudiants.Parexemple,le«secrétaireàladéfense» doit répondre aux questions posées par des journalistes (en réalité des chercheursintervenant à l’université), qui jouent eux‐mêmes un rôle, et parfois à celles d’un ou deux vraisjournalistesprofessionnels.Letoutestfilmé,pourquelavidéoconvainqueceuxquin’yparticipentpasdel’intérêtdecettesimulation,etpoureninformerlesétudiantsdelagénérationsuivante.

Parfois,aucoursde laphasededébriefingavantdefaire faceà lapresseonobservedesdissensionsentregroupes,ouentre individus (comme leprésident et le vice‐président). Le consensusnécessairedoitalorsêtrerecherchépournepasparaîtredivisésdevantlesjournalistes.L’évaluationreposedoncàlafoissurleréalismedujeu,etsurlaperformancedechaqueparticipant–l’impactdesessuggestionssurladécisionfinale.

Toujours dans le domaine de la décision stratégique, Yves Schemeil (et Stéphane Labranche) ontexpliqué le déroulement et les enseignements de deux types de simulation de négociationsmultilatérales, l’une au niveau bachelor, l’autre au niveau master. La première est massive etdiscriminante:quelques240étudiantsdeplusieurssectionsont,àplusieursreprises,concluuncoursdethéorie des relations internationales par une journée de simulation portant sur des accordshumanitaires, environnementaux, climatiques, ou commerciaux qui a fait l’objet de multiplesobservations portes ouvertes (y compris de journalistes) et fait intégralement partie de l’examen

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terminal.L’autreestsurbiendespointstoutlecontraire:20à30étudiantsseconnaissantbiensesontchaque fois réunis dans un lieu clos, éloigné de celui de leur formation (au point de le trouver àl’étranger) avec le même objectif. Toutefois, le consensus n’est pas plus facile à trouver dans cettedernière formule que dans la première, et la durée plus longue ne semble pas être une variabledéterminantedusuccès.Danstouslescasdefigurechaqueparticipantdoitrédigerunenoted’environtroispagesexpliquantàses«principaux»quelsontétélesmomentsclefsdelanégociation,commentelle s’est déroulée, avec quels arguments; pourquoi leurs objectifs initiaux ont pu être réalisés, enpartie ou en totalité; et surtout, pourquoi il n’a pas été possible de les atteindre en dépit d’effortsdétaillésde«l’agent».

Dans le cas de la simulation la plus large, les 240 participants sont répartis en quatre groupes denégociation, soit sur quatre enjeux différents, soit dans des conditions d’expérience différentes (parexemple,surunenjeuclimatique,ensituationd’urgenceounon)quipermettrontultérieurementunerechercheempirique.Lescoalitionsenvisageables,réalisées,etlesdéfectionsprobablesouinattenduessont étudiées avec le plus de précision possible. La simulation alterne séances plénières et comitésrestreints, à géométrie variable, des ralliements étant sollicités et parfois obtenus moyennant desconcessionsbilatéralesque l’onretrouveensuitedans levotedemotionsadoptéesparungroupedeparticipants, à l’issue de délibérations longues et laborieuses sous la responsabilité d’unmodérateurauquel revient la tâche ingrated’organiser lasdébatsde la façon laplusconformeaux théoriesde ladélibération équitable, de faire voter des amendements, voire de refuser certaines propositions quisortentduchampdelasimulationetmêmedumonderéel.

Danslecasdelasimulationréduite,lesparticipantsontplusdedifficultésàs’écarterdeleurexpériencede vie et de l’image de soi qu’ils donnent habituellement à leurs camarades, ce qui contribue àprivilégier lecontenudesargumentspar rapportà la forcedeconvictiondeceuxqui les tiennent.Lapréparationenamontesttoutaussisolidequelaprécédente,quoiqueplusthéoriquecarlesétudiantsrédigentdeuxnotesde8à10pagesexanteetde1à2pagesexpost,maisaulieudechoisirunrôlesurune liste fermée,qui seraensuiteagréépar lemodérateur, ce rôleestd’aborddiscutéavec luiet lessourcesd’informationsursespositionsréellessontexaminéesavecplusdedirectivité.Deplus,cequin’existe pas dans la formule large faute de temps, une série de cours sur les théories desnégociationsinternationales (en tout 15heures)metchaqueparticipantencondition,et l’inciteàdeslecturesopportunes. Il s’ensuitque les coalitions sontmoinsétancheset stables, lespositionsmoinstranchéesoumoinscaricaturales.Levotefinalestdonclefruitd’unvraitravailcollectif,quiévitelepirepour chacun des négociateurs, mais ne parvient que rarement à atteindre le meilleur – l’optimumcollectif.

Cequecesdeuxexpériencesontencommun–outreleursconcepteursetorganisateurs–cesontlescapacitésdesétudiantsdes’approprierleurrôleavecréalisme(audoublesensduterme:prochedelaréalité,et«néo‐réaliste»), leurtrèsgrandedifficultédeparveniràunaccord,et leur ingéniositédansl’analyse des causes de leur échec individuel ou collectif. L’évaluation tient donc compte de ceséléments, au lieu de n’être basée que sur la performance objective finale de chacun: elle incorporedonc la capacité «constructiviste» à se donner une identité reconnue, qui apparaisse cohérente auxautresnégociateurs,etquisemanifesteaucoursduprocessusdenégociation.Pluscedernierestlonget ferméentrepersonnesqui se connaissentbien, etplus cette identitéade chancesd’êtreà la foisstabilisée et source stratégique de «coups» tactiques qui peuvent être évalués distinctement. Ensomme, on note la faculté d’adaptation, la vitesse de réaction, et la compétence en matière derationalisationapostérioridesétudiants,quilesaventetcherchentdoncàêtrelesmeilleurspossiblessurcestroisdimensions.

Côtéencourageant, lasimulationprovoqueunbesoindeconsolidersonsavoiretdemieuxutiliser lesinstruments théoriques découverts en cours qu’il serait difficile de susciter autrement. Elle contribueaussiàinstallerl’usagedestechnologiesdel’informationetdelacommunicationdansl’universpartagédesenseignantsetdesétudiants,puisqu’unsitedédiésertd’espacecollaboratifentreeux,etque lesrôles sont attribués, refusés, et finalement préparés par l’intermédiaire d’Internet (ce qui favorise,évidemment,lesdemandesdeclarificationrépétées,lalevéed’incompréhensionsinexcusables,etpour

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toutdire,uncounsellingindividualisédonccoûteux).Cesmoyensnouveauxontpermisdecollerlepluspossible, sans que les étudiants ne le sachent, aux pratiques recensées par des chercheurs qui onttravaillé sur des négociations réelles, par exemple celle de la récente conférence sur le climat deCopenhague:ainsilorsdeladernièresimulation(celledejanvier2011)destextosont‐ilsétéenvoyésentemps réel à chaque étudiant au cours des discussions fermées auxquelles d’autres négociateurs nepouvaientparticiper,afindeluitransmettrequandmêmel’informationpertinente(situationconformeàlaréalitéobservéeparStéphaneLabranche).

Dans laprésentationsuivante,RaùlMagni‐Bertonadécritetanalysé l’exerciceauquel iladéjàconviéplusieurspromotionsd’étudiants.Celui‐ciadeuxobjectifs:apprendreenquelquesjoursl’essentieldelaphilosophie politique enmatière de théorie de la décision, et savoir quellemodalité de décision estprivilégiéeàl’issued’unedélibération.Lesétudiantscommencentparrecevoiruneformationferméeetpilotéepar leprofesseur,ensuite ilscomprennentd’eux‐mêmes leproblèmeets’ensaisissent.12à19groupesde7étudiants travaillentalorssurunedélibération(etnonpasunenégociation)à l’issuedelaquelle ilsdoiventdélivrerunbiencommun.Chacund’entreeuxreçoitunn°quisesitueentre1et7.Trois collaborateurs (modérateurs, animateurs) qui observent ces délibérations et les évaluent,expliquentaufuretàmesureàtouscommentellessepassentdanslesautresgroupes.Aprèsunedemi‐heuredediscussion, les étudiantsdécouvrent lespropriétésde chaquedistribution, et arrêtent alorsleurchoixsurl’uned’entreelles.

Audébut,lesgroupesnesaventpasqu’ilssontchacunsoumisàdesrèglesdedécisiondifférentesdesautres (du point de vue du mode de délibération, du mode de scrutin). Ils ne savent pas non pluslesquelles, que l’on peut simplifier sous les étiquettes suivantes: «démocratie directe»,«représentative», «consultative (dictature)», «délibérative». De plus, ils doivent aussi discuter aupréalable de leurs propres règles procédurales dedécision.Des coalitions se forment alors,maispastoujours,etl’onconstateparfoisdesdéfections.

Acestade,desquestionsleursontposéessurleurperceptiondurésultatdeladélibération.L’analysede leursréponsespermetde lesévaluer,etcommel’objetde leursdébatsestdeparveniràunenotecollective acceptable, ils finissent par apprendre lors du débriefing qu’ils n’auront pas la note qu’ilsavaientcollectivementchoisieaprèsdélibérationsur laprocédureetsur l’objectifvisé,maisunenoteindividuellemiseparl’enseignantauvudeleursargumentsexpost.Ledépouillementdeleursréponsesrévèle qu’ils semontrent satisfaits de laprocédure quand ils ont choisi d’être coopératifs, et de sesrésultats quand ils ont opté pour l’égoïsme. De plus, il s’avère que la majorité des étudiants ayantparticipéàcettesimulationchoisittoujoursladistributionrawlsienne(lanotecollectivelaplusfaiblesurlaquelle ils se sont arrêtée est aussi la plus haute possible parmi celles qu’ils pourraient obtenir), unrésultatsusceptibledecontribueràlarecherchesurlathéoriedelajustice.

Toujours en théorie politique, ChristopheBouillaud a discuté ici une simulation de décision publique.Tout d’abord, dans la phasepréparatoire, deuxquestions d’actualité sont choisies avec les étudiants(l’euthanasie, les prisons, etc.). Ils doivent alors recenser les différentes positions existantes dans lepays.Un rapportécritdoitêtre renduparchacun7 joursavant l’exercice,mais lapositiondugroupetout entier doit être cohérente lorsqu’elle sera exposée devant une Commission mixtesénateurs/députés, «représentatifs»desélusauparlement lorsde l’audition simuléequi constitue lecœur de l’exercice. Lors de cette «audition» les présentationsmultimédias sont autorisées, qui sontparfoistrèsprochesdelapropagandeoudesituationsdelavieréelle(exemple:ceuxquisontréputéssortirdeprisondonnentdeleurrôleuneinterprétationcriantedevérité).

Lanotemiseestcollective,cequivaloriseletravaildugroupeévaluésursonsérieux,sacohérence,sacréativité, et sa capacité à mobiliser des argumentaires légitimes dans le cadre de la rationalité del’espacepublic français(ilest indéfendableenFranced’avoirunepositionanarchistesur laprison,ourétablirlebagne,donccespositionssontexcluesdudébat).Lesétudiantschoisissenteux‐mêmesleurspartenaires,cequirévèledesappariementstrèssélectifs(semettentainsispontanémentensembledesidéologues,des«théâtreux»,desgeeks,desbons,etdesmoinsbons).Certainsprennentlepouvoirausein de leur groupe, ils ont vite compris comment fonctionnaient la rhétorique et la mauvaise foi.

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D’autres,aucontraireserévèlentpeusocialiséset l’opérationa leméritedelesrepéreravantqu’ilnesoittroptard.Onn’observejamaisdephénomènesdecavalierseul,cequiestégalementnotable,maisdes changements de groupe faute d’entente, ou bien la fondation d’un nouveau groupe par desdissidents,seproduisentdetempsàautre.

Quandonanalyselesrésultatsdecettesimulation,onrelèvedenombreuxpointspositifs,etquelquesproblèmesnonrésolus.Lesétudiantstémoignentainsid’unevraiecapacitéd’innovation(parexemple,danslecasdeprisonsentièrementdécentralisées,avecplansetphotosvirtuellesdesfuturescellules;ou dans celui de l’abolition des lycées militaires). On constate aussi chez les enseignants qui yparticipent la formationd’un esprit d’équipe.Mais il y a aussi despoints plus négatifs. Endépit d’undroitdevétominimaldeleursprofesseurs,surtoutpouréviterquedessujetstraitéssoientànouveauretenus),leschoixd’étudiantsportentleplussouventsurdessujetsdesociété,oude«biopolitique»àlaFoucault(dignité,immigration,politiquessexuellesdel’Etat,sécurité,protectionsdel’enfance,santémentale,etc.).Lesquestionséconomiquesetsocialestraditionnelles,siimportantesdanslaformationd’étudiants en sciencepolitiqueetdans la viepublique, tombent àplat.Deplus lesprofesseurs eux‐mêmes ont parfois des difficultés à tenir leur propre rôle: les arguments leur étant tous connus,certainsonttendanceàfairelaleçonauxétudiants,ouàprendrepartitropouvertemententreeuxaulieu de rester autant que possibles neutres. Enfin, l’innovation use les innovateurs, qui cherchent àrenouveler l’exercice–parexemple,en tirantausort lesmembresdechaquegroupe, lesyaffectantd’office, au lieu de les laisser choisir leurs partenaires, et en leur attribuant discrétionnairement lessujetsàdébattre.

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MPP3:Lesmanuelsdesciencepolitique.Editionsetusagesd’unoutilpédagogique

Responsables

JulienFretel(UniversitéPicardieJulesVerne/CURAPP)HélèneMichel(UniversitédeStrasbourg/PRISME)

Julien Fretel et Hélène Michel, au nom de l’AECSP (Association des enseignants et chercheurs enscience politique) rappellent quelles étaient leurs intentions lorsqu’ils ont proposé cemoduleprofessionnel sur lesmanuels. L’objectif était d’organiser des rencontres entre collègues quienseignent désireux d’échanger sur différentes questions pédagogiques: le contenu desenseignements, lesméthodes, lesoutils…Ils’agissaitaussidepoursuivrelesréflexionscollectivesquiavaient pu prendre place lors de rencontres sur l’enseignement de la science politique (cf. ouvragedirigé par P.Favre et JB Legavre, L’Harmattan, 2000) ou de l’Europe (cf. numéro spécial de la revuePolitiqueeuropéenne««Enseignerl’Europe»)Dans cette perspective, le choix de se centrer sur les manuels de sociologie politique obéit à deuxlogiques.Lapremièreestconjoncturelleetrenvoieàl’actualitééditorialeenlamatière:unedizainedemanuels ont été publiés durant ces 2 dernières années. La seconde renvoie au souci d’animer desdiscussionspouvantintéresserlargementlescollèguesavantd’aborder,lorsderencontresfutures,desthèmesplusspécialisés(relationsinternationales,politiquespubliques,sociologieduvote….).Ontdoncété sollicités prioritairement les collègues auteurs de manuels de sociologie politique (cf. liste ci‐dessous).Depuis la publication en 1973 du manuel de Maurice Duverger (Sociologie de la politique, PUF, coll.Thémis), de l’ouvrage manifeste de Jean‐Pierre Cot et Jean‐Pierre Mounier (Pour une sociologiepolitique,Seuil, 1974), lesmanuelssesontsuccédé.Sansse livreràunereconstitutionexhaustivedestitres, ilestcertainque lecontenuet les formatsdecesmanuelsontconsidérablementévolué,signequ’enlamatière, ilestbienunedimensionduprogrèsdelaconnaissanceetdestransformationsdelaplace de cette discipline parmi les disciplines universitaires que sont principalement le droit et lasociologie.Unpremiertourdetableapermisauxdifférentsauteursdemanuelsderendrecomptedesraisonsqui lesontpousséàécrireetpublierunmanuel.Outre le faitque tousonteuà«monterdescours»età cetteoccasionontéprouvéunecertaine insatisfactionpar rapportauxmanuelsetoutilsexistants, il reste que ces auteurs ont aussi voulu à la fois partager leur travail et le rentabiliser.L’objectif est aussi, de manière implicite, de pouvoir à travers ces manuels dire quelle doit être lasociologiepolitiqueetcommentelledoitêtreenseignée(choixdesréférencesbibliographiques,choixdes objets, hiérarchie des chapitres…). Reste, bien sûr, à trouver des éditeurs intéressés parde telsprojetséditoriaux.Mais il faut rappelerque la sollicitationpeutparfoisvenirdeséditeurseux‐mêmesquicherchentdesauteurspouralimenterleurcollection.Dumanuel reproduisant lecoursmagistralaux fichespour réviserenpassantpar lesdictionnairesdenotionsetlescorrigésdecours,lelecteuralechoix.Maisquelestcelecteur?C’estsurcettedeuxièmequestion du public qu’a portée la discussion. A qui s’adressent ces manuels (étudiants? collègues?profanessoucieuxdesedocumentersurladiscipline?Français?étrangers?).La troisièmequestion, enfin, a concerné l’épineuxproblèmeduniveaudesétudiants.A ce sujet, unedoublequestiondont ilconvientd’oresetdéjàdedirequ’elleestrestéesansréponsesatisfaisante,aétéposée:qu’estcensésavoirunétudianttoutjustesortid’uneclassedeterminalepours’approprierunmanueldesociologiepolitique?Etàquelniveaudecompétencelesrédacteursdemanuel,auregardde ce qu’on nomme ses acquis, entendent hisser cemême étudiant? Pour ce faire, une piste a étéentr’ouverte:queldérouléaétéconçupourpermettre laprogressiondesusagersdesmanuels,quel

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cheminement textuel, voire iconographique, a été pensé pour atteindre l’objectif suprême, à savoird’initier réellement les étudiants et les citoyens à la science politique. Il est ici largement apparu lebesoinderegarderducôtédestravauxdessciencesdel’éducationmaiségalementdesexpériencesetdesmanuelsdesenseignantsdusecondaire.Sicemoduleprofessionnelaétésansaucundouteplusportéversuntravaildedéfrichagedesenjeuxque revêt la fabrication desmanuels en science politique, assurément, il a convaincu les participantsainsiquelesorganisateursdelanécessitédepoursuivrel’analysetantscientifiquequepédagogiquedesmanuelsenquestion.Unejournéed’étudeyseraconsacréed’iciquelquesmois.HommageàJean‐PhilippeLECOMTE,Sociologiepolitique,GualinoEditeur(2005),632pages,32€Réédité2010sousletitre:L’essentieldelasociologiepolitiqueLasérie"Manuels"delacollectionFac‐Universitésapourobjetdedonneràl'étudiantlesconnaissancesdétailléesetapprofondiesqu'ildoitacquérirsurchacunedesmatièresquicomposentsoncursus.Lesconnaissancessontdéveloppéesdemanièrepédagogique,accompagnéesdeplansetderésumésetillustréesdecaspratiquescorrigésetd'élémentsdeméthodologie.CemanuelesttoutentierconsacréàlaSociologiepolitique;ildéveloppesuccessivement:lescadresdelaviepolitique:lepouvoirpolitique(qu'est‐cequelepolitique;lesfondementsdupouvoirpolitique),l'Etat(genèseoccidentaledel'Etat;l'Etatetlanation;trajectoiresétatiques),lesrégimespolitiques(lanotionderégimepolitique;autoritarismesettotalitarisme;lesfondementsdesdémocratiesmodernes);lesacteursdelaviepolitique:lecitoyen(qu'est‐cequelacitoyenneté?citoyennetéetvote),l'électeur(participationetabstention;unélecteurcaptif?rationalité,calculetinformationdel'électeur),participationetreprésentationdesgroupes(lesmouvementssociaux;lespartispolitiques).Autotalunlivrespécialementdestinéauxétudiantsenlicenceetmasterdesfacultésdedroitetdesciencepolitique,auxétudiantsdesinstitutsd'étudespolitiquesainsiqu'àtousceuxquisontengagésdanslesfilièresdeformationquicomprennentlaconnaissancedelasociologiepolitique.

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Jean‐YvesDORMAGENetDanielMOUCHARD,Introductionàlasociologiepolitique,DeBoeck(2007),271pages,22,50€(3èmeédition2010)Cetouvrageestunmanueld'introductionàlasociologiepolitique,quientendêtrelisibleaussibienparunpublicdéjàsensibiliséauxsciencessocialesquepardecompletsdébutants.Lepartiprisestd'adopteruneformesouple,conciseetsimple,serapprochantd'unvéritablecours,quiexposeetenchaînedefaçonlogiquelesnotionsfondamentalesdelasociologiepolitiqueenlesassortissantd'exemplesvariésetenlesliantauxréférencesessentiellesdeladiscipline.L'ouvrageexaminesuccessivementlescadresdel'activitépolitique(qu'est‐cequelepouvoirpolitique?qu'est‐cequel'Etat?quelssontlesgrandstypesderégimespolitiques?),avantdesetournerverslesprincipauxacteursdelaviepolitiquedémocratique(lescitoyens,lespartispolitiques,les"professionnels"delapolitique,l'opinionpublique),puisexaminelesgrandstypesdepratiquespolitiquesendémocratie(levote,lesmouvementssociaux,l'actionpublique).Ilproposeaufinaluntableaugénérald'unedisciplinescientifiquedevenuedeplusenpluscentraledansl'analyseetlacompréhensiondesphénomènespolitiques.Cetouvrageintéresseralesétudiants,chercheursetenseignantsdes1er,2eet3ecyclesensciencepolitiqueetendroitconstitutionnel.

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Sciencepolitique,50fichespourréviser,Sup’Foucher(2010),224pages,15€Jean‐GabrielCONTAMIN,JérômeAUST,Pierre‐YvesBAUDOTCécileCRESPY,AlexandreDEZE,LaurentGODMER,SébastienGUIGNER,JérômeHEURAUX,CédricMOREAUDEBELLAING,AnneMORVAN,ThomasRIBEMONT,HélèneTHIOLLET60fichespourréviseret500QCMpourtestersesconnaissancesThèmestraités‐Lasciencepolitique‐Lepouvoir‐L’actionpolitique‐Lacommunicationpolitique‐L’Etat‐Ladémocratie‐Lespartispolitiques

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OlivierNAY,GuyCARCASSONNE,FrançoiseDREYFUS,OlivierDUHAMEL,dir.,Lexiquedesciencepolitique:vieetinstitutionspolitiques,Dalloz‐Sirey,576pages(2008),Plusde1200noticessynthétiquesetcomplètes.Touslesdomainesdelasciencepolitique:partisetélections,régimesetsystèmespolitiques,droitconstitutionnel,institutionspolitiquesetadministrations,justice,droitsdel'homme,politiquespubliques,décentralisationetEurope,relationsinternationalesetmondialisation,philosophieethistoiredesidéespolitiques.Lesdéfinitionsdetouslesconcepts‐clésetnotionsdel'analyseensciencepolitique,assortiesdesynthèsesdesconnaissancesetdenombreusesillustrations.systèmederenvoispermettantaulecteurdecirculerfacilementd'unenoticeàl'autre.Lelexiquedesciencepolitiqueprésente,sousuneformesimpleetaccessible,actualiséessurlechamppolitique.Combinantlesapprochesdelasociologiepolitique,dudroit,del'histoireetdelaphilosophiepolitique,ilconstitueuninstrumentcompletetutilepourcomprendrelesgrandesévolutionsdelavieàl'échellenationale,commeàl'échelleeuropéenneetinternationale.Ilapourambitiond'expliquerauxétudiantsdepremiercyclelestermesfondamentauxdelaviedesinstitutionspolitiques,maisaussid'initierlesétudiantsplusavancésàdesnotionstechniquesetdesconceptsscientifiquesutilisésdanslesprincipalesdiscipliness'intéressantaupolitique.Ils'adresseauxétudiantsdescursusdedroit,desciencepolitique,d'histoireetdephilosophie.IlseraparticulièrementutilepourlesétudiantsdeSciences‐Poetlesélèvesdesclassespréparatoires.

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AntoninCOHEN,BernardLACROIX,PhilippeRIUTORT,dir,Nouveaumanueldesciencepolitique,Ladécouverte,(2009),786pages,35€CeNouveaumanuelproposeunevasteprésentationdesconnaissancesdisponiblesensciencepolitique.Uniquemanuelcollectifenlanguefrançaise,mobilisantl'expertisedeplusde70auteurs,ilréunitlesmeilleursspécialistesdesnombreuxthèmesabordés.Ladiversitédecesthèmes,desobjetslesplusclassiquesdeladisciplineauxsujetslespluscontemporains,letraitementnovateurdecertainesquestions,l'attentionparticulièreaccordéeauxrelationstransnationalesetàlapolitiquecomparée,ladiscussiondesauteursdesociologieetd'histoire,l'historicisationdesprocessussociauxquiontdonnécorpsàlapolitiquemodernefontdecetouvrageunoutildetravailindispensableetincomparable.Ils'adresseauxétudiantsensciencepolitiqueetauxétudiantsendroit,histoire,sociologie,économieayantdesoptionsdesciencepolitiqueauprogrammedanslecadredeleurcursusLMD,auseindesuniversitéscommedesInstitutsd'étudespolitiques,enFranceetdanslespaysfrancophones(Belgique,Suisse,Québec,etc.).Parsaclartépédagogiqueetsonexhaustivitéthématiqueetbibliographique,ilestdestinéauxétudiantsdelaL1jusqu'auM2(incluantlapréparationauxconcours).

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RémiLEFEVBRE,Leçonsd'iIntroductionàlaSciencepolitique.Courscomplet&Sujetscorrigés,Ellipses(2010),288pages,24€Desleçonsdétailléesetdesrepèresincontournables.Dessujetscorrigés,classiquesoudifficiles,pours'entraîneravantl'examenouleconcours.Dessélectionsdelecturepourallerplusloin.Unindexdesnotions.

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YvesSCHEMEIL,Introductionàlasciencepolitique.Objets,méthodes,résultats,PressesdesciencespoetDalloz,coll.Amphi,(2010),531pages,35€Celivreprésentelasciencepolitiquedanssonensemble.Ilmontrequ'elleobtientdesrésultatssurprenantsgrâceàdesméthodesrigoureuses.Iltrouveuneunitéàcettedisciplineglobaleetpluralistemalgrélamultiplicitédesesobjets,ladiversitédesesapproches,l'intensitédesescontroverses.Lecteursetlectricesdécouvriront‐ouverrontànouveau,maissousunnouvelangle‐destravauxanciensourécents,dansplusieursdomaines:lasociologiepolitique,laphilosophiepolitique,lespolitiquescomparées,lespolitiquespubliques,lesrelationsinternationalesetlesméthodesdessciencessociales.L'ouvragefaitaussiplaceàlacommunication,augenre,àl'ethnicité,àlaglobalisation.S'appuyantsurlasociologieetl'histoire,ils'inspireenfindel'anthropologie,delapsychologieetdel'économiepolitique.Sonbutestderendreladisciplineaccessibleàtousceuxquil'abordenten"grandsdébutants"ouen"fauxdébutants",ouencorel'interrogentpourdonnerdusensàleurexpérience.Cemanuelestrédigédansunelangueclaireetlesproblématiqueslespluscomplexesfontl'objetdedémonstrationsfacilesàsuivre.

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ChristopheVOILLIOT,Elémentsdesciencepolitique,L’Harmattan(2010),206pages,21€Issud'unenseignementuniversitaired'introductionàlasciencepolitique,celivreaplusieursobjectifs:enpremierlieu,mettreàladispositionduplusgrandnombrelefruitd'untravailpédagogiquecollectif;ensecondlieu,témoignerdelasituationparadoxaledelasciencepolitiquefrançaisecontemporaine.Eneffet,cettedisciplineissuedessciencesdegouvernementetdudroitpublicestaujourd'huilargementouverteetinfluencéeparl'ensembledessciencessociales,notammentparlasociologie;aupointmêmequ'ilestcourantdeparlerdesociologiepolitiquepourladésigner.Toutefoiscetteouverturesurlessciencessocialesainitiéunediversificationinfinie,réjouissantepourlechercheur,maisquinefacilitepasl'enseignementdelasciencepolitiqueauxnon‐spécialistesetlacomparaisondestravaux.Encesens,cevolumeestaussiunpari:s'appuyeràlafoissurdestravauxrécents,sanslimitespréconçues,etsurlesacquisdelasociologie,aupremierchefsurdesauteursdontleslivresetarticlessontaujourd'huilargementdisponiblesenlanguefrançaise(MaxWeber,NorbertElias,PierreBourdieu)pourproposeruneperspectiveunifiéesurdesélémentsdesciencepolitique.C'estpourquoi,letitredel'ouvragen'estpasseulementunclind'oeilàun"classique"italien,ilsouligneaussileslimitesdel'approchesociologiqueensciencepolitique,approchequin'apasencorepermis,loins'enfaut,d'intégrerl'ensembledesobjetsderechercheconstitutifsdel'activitépolitiqueetderépondreàl'ensembledesquestionsquisontposéesaujourd'hui,ouquidevraientl'être,auxpolitistes

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Etlesrééditions:JacquesLAGROYE,BastienFRANCOIS,FrédéricSAWICKI,Sociologiepolitique,Dalloz,coll.Amphi6èmeédition,2008,607pagesLesactivitésetlesorganisationspolitiques,l'Etatetl'actionpublique,lesformesdegouvernementetlesconditionsdeladémocratiesontobjetderecherchepourdesanthropologues,desjuristes,desthéoriciensdupouvoiroudessociologues;aucunn'alemonopoledecedomained'études.Adopterladéarchesociologique,sansignorertoutcequ'elle‐mêmedoitàd'autresdémarches,c'estseplaceràcepointdevued'oùlapolitiqueapparaîtcommeunensembled'activitéssociales,certesspécialiséesmaisinséparablesdesrelations,despratiquesetdescroyancesquistructurentlesrapportssociaux.Depuislesannées1970,lestravauxdesociologiepolitiquesesontmultipliés,lesapprochessesontdiversifiéesetenrichies.C'estcerenouvellementquecelivretentedemontrer.Ilrendcomptedel'élargissementdeschampsderecherche,sansnégligercequelasociologiepolitiquedoitàdestravauxanciensaujourd'huiconsacrés.Cettenouvelleéditionaétéactualiséepourtenircomptedesavancéeslesplusrécentesdanslessciencessocialesdupolitique,s'agissantenparticulierdel'analysedesinstitutionspolitiques,delasociologiedesmobilisationscollectivesetdesorganisationspartisanes,del'étudedespratiquesdeparticipation.L'ambitiondesauteursestdefournirunoutildetravailàtousceuxquiveulentcomprendrelapolitiquedefaçonréaliste,enleurproposantnotammentdenombreusesréférencesàlasociologiepolitiqueenlangueétrangère,sansméconnaîtrepourautantlavitalitéd'uneproductionfrançaiseàlaquellelesétudiantspeuventavoiraccèsaisément.

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DominiqueCHAGNOLLAUD,Elémentsdesociologiepolitique,Sirey,7èmeédition2010,(1èreéd.348pages,26€

PhilippeBRAUD,Sociologiepolitique,LGDJ,9èmeédition(2008),824pages,34€

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JeanBAUDOUIN,Introductionàlasciencepolitique,Mémento‐DallozSirey,9èmeédition2010,167pages,16€CeMémentopoursuittroisobjectifsindissociables:faireétatdesdifficultésauxquellesseheurteunedisciplinejeunepourcreusersonsillondanslechampplusvastedessciencessocialesetrevendiqueràsonprofitletitregratifiantde"science";présenterlescontroversesméthodologiquesquitraversentlasciencepolitiqueetquitiennent,pourunepart,àl'héritagedesautressciencessociales,pouruneautrepart,aucaractèremouvantetincertainduphénomènepolitique;identifieretcommenterlesproblématiquesqui,àdéfautd'unifiersubjectivementlacommunautépolitologique,lasoudentintellectuellementautourd'objetscommuns:l'émergenceetlaspécificitédupolitique,lesacteurs,lesenjeuxetlesmécanismesduchamppolitique,lestypesdelégitimationetlesformesd'organisationdespouvoirspolitiquesouencorelestentativesdeclassificationdesrégimespolitiques.L'ambitiondecetouvrageestmoinsdecodifierunescienceachevée,sûredesesméthodesetdesesobjets,quedetémoignerdelarichesseetdelavitalité,maisaussidel'incertitudeetdel'inconfortquientourentla"dernièrevenuedessciencessociales".

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Jean‐MarieDENQUIN,Introductionàlasciencepolitique,2èmeédition2008,Hachettesupérieur,155pages,11,50€Uneconnaissancedebasedelasciencepolitiqueestfréquemmentrequisedesétudiantsdanslesfilièresuniversitairespolitiques,juridiquesetéconomiques.Danscetteoptique,celivreproposeauxétudiantsdelicenceuneintroductionaccessibleetefficaceàuneapprochescientifiquedesphénomènespolitiques.

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MPP5:Enseignerlesméthodesd’enquêtesquantitatives.Echanged’expériences

Responsable

PierreBréchon(Institutd’étudespolitiquesdeGrenoble,PACTE)Laprésentation initialedumoduledressaitunconstatassezsombrede l’enseignementdesméthodesquantitativesenFrance.Ilprenaitactedelafaibleplacequiluiestaccordéedanslescursusdesciencepolitique, et l’expliquait en partie par la formation insuffisante des enseignants‐chercheurs dans cedomaine. Le constat n’a pu qu’être réitéré lors de la séance du module au vu du faible nombre departicipants (une dizaine). On regrette de ce point de vue que les modules professionnels etpédagogiquesaientétéorganiséssimultanémentlorsducongrèsdel’AFSP.Celasembleavoirincitélescongressistes à se tourner vers le module qui coïncidait le plus étroitement à leurs pratiquesd’enseignement et de recherche et non à aller explorer des modules abordant des pratiques ouméthodespluséloignésde leurspréoccupations immédiates.Ceuxqui assistaient à la séanceavaientd’ailleurs pour la plupart une expérience de l’enseignement des méthodes quantitatives et ont puenrichirleséchangesdelaprésentationdeleurspratiquespédagogiques.Les cinqcontributionsont toutes insisté sur lanécessitéde lapratiqueetdumaniementdedonnéesdans la formation dispensée, que ce soit auprès d’étudiants en formation initiale, ou auprès dechercheurs en école d’été. Si la réflexion épistémologique, la présentation théorique des outils et laréflexioncritiquesur lesméthodesquantitativessemblent indispensables, l’enseignementdoitpasserpar un travail sur les données et la manipulation des outils statistiques. On peut noter que lesparticipantsutilisentdeslogicielsdetraitementdesdonnéestrèsvariésdanslecadredeleursactivitéspédagogiques. Il n’apparaît pas que l’un d’entre eux présente des avantages (simplicité d’utilisation,«convivialité»,qualitédesoutils…) telsqu’il s’imposepourcesactivitésd’enseignement,quece soitauprèsd’étudiantsdébutantsouconfirmés.Si lanécessitéde lapratiquedutraitementdesdonnéesa fait l’unanimité, iln’envapasdemêmedu«périmètre» de l’enseignement. Tandis que certains intervenants centrent leur pédagogie sur letraitement des données – de manière parfois très approfondies ‐, d’autres considèrent qu’il estindispensablederevenirenpréalablesurlaconstructiondesenquêtes,l’élaborationdesquestionnaires,lesméthodesd’échantillonnageetdepassationdel’enquête.Danslepremiercas,oninsistedavantagesur unemaîtrise poussée desméthodes et outils statistiques. Dans le second, l’accent estmis sur lacompréhension des conditions de production des enquêtes comme élément d’analyse des données.Pour laplupartd’entreeux, lesétudiantsconcernésne seront jamaisamenésàélaborerundispositifd’enquêtedansleursfuturstravauxderechercheoudansleuractivitéprofessionnelle.Enrevanche,ilsseront plus sûrement amenés à manipuler des données quantitatives. On peut donc estimer que laconnaissancedétailléedesmodalitéspratiquesdecetravaildeconstructiondel’enquêteestsecondairedanslaformation.Maisonpeutaussiconsidérerqu’elleestnécessaireàl’analysecritiquedesdonnées.Apparaissentdoncdeuxoptionsbiendistinctesd’enseignement. Lechoix faitpar les intervenantsnedépendpasessentiellementdutypedepublicconcerné.Ilnesemblepasnonplusintimementliéàdesenjeuxdifférenciésdeprofessionnalisation.Ilsrenvoientplutôtàdesconceptionsdistinctesdusensetdesenjeuxintellectuelsdelaformationauxméthodesd’enquêtesquantitatives.

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L’outil numérique...Utilisation du site internet du Congrès sur la période 2010-2011

De l’ouverture du site web dédié au 11ème Congrès de Strasbourg en novembre 2010 jusqu’au 13 décembre 2011, ce sont 237.167 pages qui ont été visitées.

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Retrouvez toutes les communications aux différentes sessions sur le site web du congrès qui reste en ligne au

http://www.congres-afsp.fr

Prochain RDV ?Début juillet 2013 à Sciences Po Paris...