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Compte-‐rendu de la table-‐ronde Sorbonne-‐SAFRAN (Mercredi 11 mai 2011 de 14h à 18h à Sagem-‐Safran, 27 rue Leblanc, 75015 Paris)
« Les enjeux de l’industrie aéronautique européenne : Défi environnemental, sécurité du transport aérien et concurrence des pays
émergents » Le groupe SAFRAN en quelques mots « SAFRAN est un groupe international de haute technologie, équipementier de premier rang dans les domaines de l’aérospatial, de la défense et de la sécurité. Implanté sur tous les continents, le groupe emploie plus de 54 000 personnes, pour un chiffre d’affaires de 10,8 milliards d’euros en 2010. Sa dimension internationale lui permet d’optimiser sa compétitivité, de bâtir des relations industrielles et commerciales avec les plus grands maîtres d’œuvre et opérateurs mondiaux, tout en offrant des services de proximité réactifs. Safran occupe, seul ou en partenariat, des positions de premier plan mondial ou européen sur ses marchés. » Introduction de la brochure Safran en 2011 Intervenants :
. M. Jacques CIPRIANO – Directeur des affaires européennes
. M. Francis COUILLARD – Directeur de la politique environnementale
. M. Emile BEAUDUIN – Attaché Affaires Européennes-‐Politiques de transport
. M. Frédéric DAUBAS – Directeur des études de marché
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La modération a été assurée par les étudiants du Master professionnel Affaires Européennes de Paris IV-‐Sorbonne. Thèmes abordés par les intervenants :
1) M. CIPRIANO sur les enjeux de la sécurité aérienne, la mondialisation et la dimension environnementale
2) M. COUILLARD sur le défi environnemental 3) M. BEAUDUIN sur la sécurité du transport aérien à travers l’agence EASA 4) M. DAUBAS sur l’émergence de concurrents
En premier lieu, M. CIPRIANO a introduit le débat en soulignant l’importance du thème de l’industrie aéronautique, dans le cadre plus large de l’Europe de la défense autour de laquelle gravitent une multitude des intérêts corporatistes et syndicalistes divergents. La question de la sécurité en général est un sujet sensible qui touche à l’essence même des Etats européens. Il sera donc intéressant d’étudier les différents aspects de ce thème, pour lequel Safran est plus que spécialiste, et de voir ses divers enjeux. Il a articulé son discours autour de 3 sujets : sécurité aérienne, mondialisation et dimension environnementale.
I. Sécurité aérienne Tout d’abord, il convient de se rendre compte que la sécurité aérienne est au cœur des mécanismes de la construction européenne. C’est pourquoi le lobbying, en tant qu’influence sur la décision publique, est primordial dans ce domaine. Ainsi, c’est dès ce niveau-‐là qu’intervient le groupe Safran… Safran, c’est 60000 personnes travaillant pour un groupe spécialiste de l’aéronautique et de haute technologie, gérant des clients internationaux tels que Boeing et Airbus. Selon M. CIPRIANO, « on [Safran] fait tout l'avion sauf l'avion. »
II. Les enjeux de la mondialisation de la sécurité aérienne Le marché de l’aviation étant ouvert à l’international, se pose alors la question de la mondialisation de la sécurité aérienne. En effet, l’aéronautique est un secteur ambitieux, source de nombreux emplois, qui investit intensément dans la recherche et le développement. Néanmoins, arrivera-‐t-‐il à faire face à la concurrence des pays émergents ?
III. La dimension environnementale M. CIPRIANO a enfin souligné la volonté du groupe Safran de s’inscrire dans une dimension plus environnementale. Effectivement, l’indépendance énergétique est de plus en plus problématique face à la raréfaction du pétrole. De plus, le secteur de l’aéronautique pose un autre problème bien plus technique : le carburant doit être constamment liquide, et cela, à des températures très élevées mais également très basses.
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Ainsi, l’enjeu majeur à l’heure actuelle est de réussir cette substitution de l'énergie en alliance avec les autorités publiques, avant la défaillance du marché. D’où le travail nécessaire en collaboration avec le lobbying d’expertise, qui traite de questions aussi techniques que celle du carburant des avions. L’intérêt est également d’entamer un processus de vulgarisation pour rendre le message palpable aux non-‐experts, comme les étudiants présents à la table-‐ronde par exemple. En deuxième partie de conférence, le deuxième intervenant, M. COUILLARD, a choisi d’insister sur les défis et enjeux environnementaux de la technologie aéronautique européenne.
I. Défi environnemental pour le secteur de l'aviation dans l'UE
1) Un secteur aérien de l'UE stratégique
Avec un volume d'affaires de 135 milliards d'€ et 800 millions de passagers en 2008, l’aviation est un secteur actif, créateur d'emplois et en pleine croissance. Cependant, c’est une industrie complexe dont l’enjeu principal est d’assurer une efficacité tout au long de la chaîne (de la conception à la mise en service des avions) et de développer l’intermodalité soit les liens avec les autres transports, à l’image des différents hubs. C’est également une industrie globale traversant les frontières, en croissance continue et soutenue depuis les années 60. Le secteur de l’aviation, en bonne santé, doit maintenant confirmer son succès en se dirigeant vers un mode de développement durable. L’objectif principal à l’heure actuelle est donc de réduire l’ensemble des nuisances liées à l'aviation. Le secteur aérien est un marché à l'évolution rapide : il doit répondre à des fluctuations (prix du pétrole, phénomènes naturels comme l’éruption du volcan islandais en 2010, etc…) alors que les avions sont créés sur le long terme. Leur durée de vie est de quarante ans. Les choix technologiques faits au début du processus ont donc des incidences pendant de longues années d'où la nécessité de faire les bons choix dès le départ !
2) Secteur aérien et règlementation
On compte différents acteurs européens de la réglementation : Commission Européenne, Parlement Européen, Conseil des ministres de l'environnement, EASA (agence européenne pour la sécurité européenne), institutions internationales des Nations Unies (OACI, CAEP, UNFCCC qui organise les conférences de type Copenhague), etc… Les enjeux environnementaux sont nombreux, comme l’a déclaré M. COUILLARD, avec en figure de proue la réduction indispensable des émissions de CO2 face au changement climatique. Viennent ensuite les questions d’amélioration de la qualité de l'air (phénomène plus localisé) et des nuisances sonores (encore plus local). Mais l’enjeu le plus important touche aux aspects matériaux avec la règlementation sur les produits REACH (produits chimiques) par rapport à leur impact sur la santé, d’où la question de recyclage propre.
3) Stratégie de l’industrie aéronautique
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Quatre piliers de la stratégie de l'industrie :
1) investissement dans les nouvelles technologies incluant les biocarburants 2) opérations aériennes avec l'optimisation des routes 3) infrastructures plus efficaces 4) extension du marché des émissions des gaz à effet de serre (l'UE a été la première à
créer ce type de marché dans le secteur aérien)
Selon l’UE, l’approche doit être globale à travers la recherche et le développement (ACARE, Clean Sky, programme FP7), la mise en place du ciel européen unique et du marché des émissions de CO2. M. COUILLARD a ainsi développé ces différents points :
• Objectifs ACARE (Advisory Council for Aeronautics Research in Europe) : réduire de 80%
les émissions d'oxyde d'azote d'ici 2020, réduire de 50% le bruit et les émissions de gaz carbonique, maîtrise des produits dangereux et recyclage avec une meilleure gestion de la fin de vie des avions. Dans la mise en œuvre de ces objectifs a été créé en 2008 le programme Clean Sky. Il s’agit d’un partenariat public-‐privé entre Commission Européenne et industriels, qui se partagent le financement. Le budget de 1,6 milliard d'€ est pris en charge à 50% par la Commission Européenne et à 50% par les industriels. Clean Sky a pour but de diffuser l’utilisation de technologies plus vertes, plus durables et plus innovantes en vue de réduire la consommation de carburant et ainsi que l’émission de CO2.
• Dans l’optique d’une intégration de l’industrie européenne et de l’harmonisation des règlementations, le projet SES "Single European Sky" (Ciel Unique Européen) a vu le jour. L’objectif à terme serait d’avoir un contrôle aérien unique et d’optimiser l'utilisation des routes. Grâce à une meilleure gestion du trafic aérien, la sécurité serait ainsi renforcée et les coûts fortement diminués tout comme les effets nocifs.
• L’intérêt d’un marché des émissions de CO2 de l'UE se fait de plus en plus pressant face à l'inquiétude croissante concernant le réchauffement climatique. Les compagnies aériennes auront ainsi intérêt à acheter de nouveaux avions plus « propres » afin de ne pas avoir à payer des frais supplémentaires découlant des quotas d’émissions. Ce marché des émissions existe déjà dans plusieurs secteurs industriels mais sera étendu à l’aviation dès le 1er janvier 2012.
II. Défi des moteurs du futur
1) Futur vu par Safran
Sur les dix dernières années, les « moteurs du futur » ont été conçus dans une optique bien précise : réduire de 70% la consommation de carburant. Parmi ces moteurs du futur, M. COUILLARD a présenté le moteur "LEAP" qui sera certifié en 2015. Le LEAP diminue la consommation de carburant de 15%, réduit les NOx (émissions
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d'oxydes d'azote) de 50%, offre une meilleure acoustique de 10 à 15% sans pour autant dégrader la fiabilité ni augmenter les coûts de maintenance. Un autre type de nouveau moteur, celui à hélices rapides, est prévu pour 2020. Celui-‐ci réduira la consommation de carburant d'encore 15% par rapport au LEAP. Le passage à une plus grande utilisation d’équipements électriques est également envisagé.
2) Vision de l’UE
L’UE a elle aussi sa propre conception du futur de l’aviation, à travers sa « Vision 2050 ». Cette vision est le fruit de la réflexion de nombreux industriels de haut niveau dont Jean-‐Paul Herteman, PDG de Safran, pour la Commission Européenne (DG R&T et DG Move). Elle préconise la réduction des NOx de 90% et des émissions de CO2 de 75% mais omet l’implication des autres équipements que le moteur dans les impacts environnementaux comme l'avionique, le train d'atterrissage ou encore la gestion du trafic aérien et les procédures opérationnelles. Le développement des biocarburants est également un terrain de recherche majeur dans la mesure où ils représentent les compléments indispensables à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. En effet, ils seront bientôt nécessaires pour répondre à la raréfaction du pétrole et à l'augmentation probable de son prix. Cependant, M. COUILLARD a insisté sur la particularité du carburant utilisé dans l’aéronautique. Ce type de carburant étant soumis à des températures passant d’un extrême à un autre, les contraintes techniques sont extrêmement sévères et rendent la tâche encore plus difficile. Le problème est donc intimement lié à la capacité de production d’un biocarburant répondant à toutes ces attentes et à échelle industrielle sans qu’il ne provienne de l’alimentaire. L’utilisation de déchets organiques ou encore d’algues est ainsi envisagée… La difficulté est donc plus de produire le biocarburant que d’inciter à l’utiliser. Par conséquent, Safran a un rôle important à jouer dans ce processus environnemental en supportant les décisions et en initiant la réflexion. Questions de l’audience : Vers quelle voie se porte le choix d’un nouveau type de carburant ?
ð M. COUILLARD : La voie des algues est privilégiée. Mais l’utilisation d’un nouveau
carburant doit s’accompagner de la mise en place d’un bilan carbone en partenariat avec les autorités publiques, pour une meilleure efficacité de la politique environnementale. Même si les conflits d’intérêts sont nombreux entre producteurs, avionneurs et compagnies aériennes, il est nécessaire qu’ils travaillent main dans la main pour un futur plus « durable ».
En troisième partie de la conférence, M. BEAUDUIN est intervenu par rapport au thème de la sécurité du transport aérien.
I. Sécurité du transport aérien
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Tout d’abord, il faut bien comprendre le terme de « sécurité » dans le sens de délivrance d'un produit fiable et non pas en lien avec l'aspect terroriste. En anglais, la distinction est plus claire car on utilise le terme « safety » qui signifie sûreté et non pas celui de « security ». Dans ce secteur de la sécurité, l’acteur principal en Europe est représenté par l’EASA (European Aviation Security Agency). L’agence européenne de la sécurité aérienne est étroitement liée à la mise en place des politiques européennes ainsi qu’aux organismes de droit public européen chargés de mettre en place les décisions de l’UE. Avant l’entrée en fonction de l’EASA en 2003, chaque pays avait sa propre règlementation malgré une tentative d'harmonisation et de coordination de l’aviation civile à l’échelle internationale avec la Convention de Chicago (texte de 1944 révisé pour la dernière fois en 2006). Au niveau européen, la prise en charge des responsabilités des autorités certifiantes nationales a été prise graduellement par l’EASA, comme pour le contrôle de la navigabilité et l’ATM (Air Traffic Management), par exemple.
II. Missions de l’EASA
M. BEAUDUIN a ensuite défini l’objectif principal de l’EASA comme étant la mise en place d’un niveau de sécurité élevé et uniforme dans le domaine de l'aviation civile, qui est un élément majeur dans la stratégie de l'UE. Elle a la particularité d’être une agence ex nihilo, c’est-‐à-‐dire créée à partir de rien, pratiquement du jour au lendemain et d’évoluer dans un environnement spécifique où "tout est interdit sauf ce qui est autorisé". Ainsi, les tensions entre autorités nationales et EASA sont nombreuses car le transfert de compétences dans un domaine aussi stratégique que l’aviation est parfois difficile. Cependant, l’agence joue surtout un rôle de superviseur, représentant de l’intérêt public. Basée à Cologne et regroupant 600 employés, l’EASA a plusieurs missions :
1) expertise technique apportée à l'UE en vue de nouvelles dispositions législatives 2) mise en œuvre et contrôle de l'application des règles de sécurité 3) certification des nouveaux matériels 4) conclusion d'accords internationaux dans le cadre de la BASA (Biltareal Aviation
Safety Agreement), entre FAA (agence américaine) et EASA 5) établissement d'une black list des compagnies aériennes interdites en Europe
ex compagnies togolaises et indonésiennes
La coopération EASA-‐Safran se fait à plusieurs niveaux, tout au long de la vie d'un produit aéronautique, soit pendant 40 ans. L’EASA intervient essentiellement par le biais de la certification. En effet, tout nouveau produit peut être développé seulement après certification de l’agence, qui valide le processus. Avant le lancement de nouveaux produits, il y a donc en amont une certification de la production, de la navigabilité du produit, de la maintenance et enfin une expertise technique. Ce long cheminement a pour but de démontrer la sécurité avant de voler.
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A l’heure actuelle, le chantier majeur de l’EASA est de mettre en œuvre le projet SES dont M. COUILLARD a parlé plus tôt. Le volet technologique de ce projet, lancé par la Commission Européenne en 2004, est nommé le programme SESAR (Single European Sky Air traffic management Research). Contrairement aux Etats-‐Unis, il n’a pas de gestion unique du ciel européen bien qu'il y ait plus de 33000 vols quotidiens en Europe. C’est une problématique qui doit nourrir la réflexion sur la restructuration de l’espace aérien européen. SESAR a pour objectif de réduire les coûts ATM de 50%, de tripler la capacité, d’améliorer la sécurité et de réduire l'impact écologique de chaque vol de 10% à l'horizon 2020. Sa mise en œuvre se fera sur le long terme, à travers trois phases : définition du plan, développement (2008-‐2014) et déploiement (2014-‐2025). Grâce à une gestion unique, l’avion sera donc suivi depuis l'embarquement jusqu'à son arrivée pour un vol homogène sans temps d'attente (comme celui au gate qui représente jusqu’à 3% du temps total du vol). De cette manière, l'obtention d’une courbe de vol plus lisse et moins saccadée réduira efficacement la consommation de carburant. La volonté ultime défendue par l’EASA et Safran est la création de FABs (Functional Airspace Blocks) qui transformerait 27 espaces aériens nationaux en 9 zones plus larges et plus coordonnées. Etant donné que l’intégration de l’industrie aéronautique européenne sera terminée en 2019, il y a donc une nécessité de concordance à la fois au niveau européen et au niveau mondial, en référence aux problèmes d’organisation et de logistique posés lors de la traversée de l'Atlantique pour aller aux Etats-‐Unis. Dans cette volonté d’innovation, les pays européens suivent d’ailleurs de près le système de transport aérien américain de Nouvelle Génération appelé « Next Gen » qui se tourne vers une utilisation plus poussée des satellites… Une nouvelle piste à explorer ! Conclusion M. BEAUDUIN a donc conclu en soulignant l’importance des facteurs humains dans le secteur de l’aéronautique. En effet, l’avenir des contrôleurs aériens européens est actuellement en danger face à la future uniformisation du trafic aérien, qui suppose la suppression de plusieurs emplois. Un autre chantier majeur pour l’avenir de l’espace aérien européen est la nécessité d'une coopération militaire et civile pour une utilisation possible des couloirs aériens militaires en cas de besoin. Cependant, la divergence d’intérêts est telle qu’une solution ne semble pas possible pour le moment. Enfin, la question de la lutte entre américains et européens pour imposer leur modèle est centrale. Une coopération est-‐elle envisageable ou l’un des deux modèles va-‐t-‐il finir par écraser l’autre ? Questions de l’audience : Y a-‐t-‐il une volonté européenne de concordance avec le système américain ?
ð M. BEAUDUIN : On peut surtout observer une volonté des pays européens d'imposer rapidement le système Sesar dans le cadre du programme du Ciel Unique Européen.
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Cependant, la FAA (Federal Aviation Administration) américaine est bien plus influente que l’EASA car elle représente un volume de vols quotidiens beaucoup plus important.
Pourquoi les espaces aériens civil et militaire ne sont-‐ils pas conciliables ?
ð M. CIPRIANO : Le partage de l'espace aérien entre civils et militaires est une source
réelle de conflits. C’est un vrai bras de fer et chacun campe sur ses positions. De plus, certains aéronefs civils, comme le A400M qui embarque des parachutistes, sont utilisés à des fins quasi-‐militaires. Un dialogue doit donc être engagé pour régler ce problème épineux touchant à l’enjeu de défense des administrations nationales.
En quatrième et dernière partie, M. DAUBAS a expliqué le phénomène d’émergence des nouvelles forces. Avec la mondialisation, le constructeur européen Airbus voit apparaître de nombreux concurrents de plus en plus sérieux. Un exemple frappant de cette nouvelle dynamique s’observe par le nombre croissant de joint ventures (coentreprises) en Chine ces dernières années (36 en 2010). Au départ, personne ne croyait vraiment en l’avenir du constructeur Sud Aviation, futur Airbus, et surtout pas le constructeur américain Douglas qui a refusé de s’associer à Sud Aviation en 1959, pour produire la Caravelle. Il a préféré « la jouer solo » en lançant un avion identique, le DC-‐9, en 1965, croyant faire le bon choix. McDonnell Douglas a fini par être absorbée par Airbus quelques années plus tard. Cette petite anecdote montre que personne ne peut prévoir ce qui se passera demain. Un avionneur, qui ne paye pas de mine, peut devenir un géant par la suite. A travers cette introduction, M. DAUBAS a voulu souligner le fait que rien n’est jamais joué d’avance d’où la nécessité de ne jamais sous-‐estimer la concurrence. Il a ensuite présenté les nouveaux arrivants sur le marché de la construction aéronautique en exposant les caractéristiques de chacun :
• Embraer, le constructeur brésilien, énormément soutenu par son gouvernement depuis sa création en 1969 pour exporter ses petits avions, mais n’a pas de partenariats clairs
• Bombardier,"the brave" canadien (ni gros ni petit) qui attaque de front les marchés d'Airbus et Boeing (ex avion CSeries, bête noire de Safran) et qui a un partenariat industriel/technique très développé avec la Chine et le Royaume-‐Uni
• Sukhoi, le "converti" russe avec une culture d'avions de combat high tech, qui ne s’affronte pas aux "colosses" mais cherche des partenariats pour s'entourer d'avis extérieurs. A cause du contexte politique russe délicat, c’est une famille assez isolée soumise à la méfiance internationale malgré ses moyens considérables.
• Comac, "l'énigme" chinoise avec un marché domestique chinois considérable qui rappelle le titre du livre d’Alain Peyrefitte "Quand la chine s'éveillera… le monde tremblera" ex Pékin, 3e aéroport mondial après Atlanta et Londres avec ses 800 millions de passagers par an
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Cependant, c’est la première expérience de Comac dans un avion de cette taille bien qu’il soit énormément soutenu par de grands équipementiers occidentaux et par Safran. Des doutes persistent donc sur les délais, la qualité et les certifications mais réelle volonté politique de mener ce projet à terme.
• Mitsubishi, "le suppléant" japonais lancé certainement par fierté nationale qui a un accord technique avec Boeing mais un marché assez petit et très concurrencé
Selon les termes de M. DAUBAS, « tous ces nouveaux avionneurs sont ceux que l'on [Safran] connaît et que l'on apprend à connaître ». Ils concurrencent sérieusement les trois géants de la construction aéronautique, appelés « les ABC » : Airbus, Boeing et Comac. Ces trois constructeurs ont souvent bénéficiés de la politique du « right sizing » pratiquée par les compagnies aériennes. Cette politique consiste à allouer les bons avions, de la bonne taille, à la bonne heure. Ainsi, les avions Airbus et Boeing sont ceux que les compagnies choisissent aux heures de pointe, lorsque l’afflux de passagers est maximal. Pour faire face aux trois géants, les nouvelles forces mettent donc sur pied un ensemble de stratégies s’articulant autour de trois concepts : vouloir, savoir et pouvoir. Questions de l’audience : Pourquoi existe-‐t-‐il un partenariat chinois avec Bombardier mais pas avec Embraer ?
ð M.DAUBAS : Car, sans établir de partenariat, Embraer a tout de même su s'intégrer
au niveau international.
Le Superjet 100 est un avion russe mais on voit qu’aucune pièce n’est construite par les russes ?
ð M.DAUBAS : En effet, c’est un avion conçu et pensé par les russes mais ils ont su s'entourer pour la construction.
Conclusion Aujourd’hui, on assiste à l’avènement d’un nouveau paysage aérien avec beaucoup d'avionneurs pour un marché assez réduit et déjà très compartimenté entre les ABC. L’Inde et la Corée désirent également entrer sur le marché pour avoir leur part du gâteau : "et moi, et moi, et moi". "Ce n'est pas parce que l’on est numéro un aujourd’hui qu'on le sera encore demain", a insisté M. DAUBAS, d'où la nécessité d'innovation et d'investissement dans de nouveaux avions. L’ensemble des avionneurs doit se tourner vers l’avenir, lorsque la politique non polluante sera étroitement liée avec la notion de gain économique. Les constructeurs et les compagnies aériennes ont donc tout intérêt à rechercher les meilleures solutions possibles pour réduire le coût total de possession de l'avion plutôt que son coût de production. L’avion a une longue durée de vie et doit toujours être conforme aux normes à ses 40 ans. Dans cette optique, la mise en œuvre active de la taxe carbone va accélérer le mouvement vers un développement plus durable. Même si de gros investissements sont nécessaires en
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amont, la rentabilité se fera sur le long terme avec une taxe carbone à payer qui sera bien moindre. Ainsi, la question écologique à travers un mode de développement plus durable et la diminution des effets nocifs des avions sont les enjeux majeurs des prochaines décennies. Conclusion générale de M. BUSSIÈRE, directeur du Master Affaires Européennes de Paris
IV-‐Sorbonne On a pu voir tout au long de vos différentes interventions que le facteur politique est omniprésent, même jusqu'au fond de la technique. Les relations entre états, constructeurs et compagnies s’entremêlent sans cesse. Le politique a changé de nature aujourd’hui : il est maintenant axé sur la règlementation et sur l'élaboration des normes, qui sont les symboles de contrôle sur le processus et marqueurs de pouvoir décisionnel important. On remarque également que les raisonnements en termes nationaux et globaux se concurrencent vivement. Les différentes échelles sont interpénétrées, à l’image du groupe Safran, européen mais partenaire de beaucoup (Chine, USA). Son cœur est en Europe mais son action n’a pas de frontières, à travers une négociation au niveau mondial. D’autre part, l’Europe s’est organisée autour de nouvelles structures dans les années 2000 mais les enjeux sont tellement colossaux dans les secteurs industriels qu’ils sont longs à mettre en œuvre. L’idée est d’être en mesure d’avoir un dialogue équilibré avec les Etats-‐Unis. Cette table-‐ronde comporte ainsi un intérêt tout particulier pour les étudiants en affaires européennes pour ouvrir leur esprit et leurs connaissances à d’autres domaines. "Acquérir la culture du champ où ils vont cultiver", a expliqué M. BUSSIÈRE. Dans une optique professionnelle, les étudiants se doivent d’acquérir des compétences et une compréhension du métier afin de pouvoir agir dans le bon sens et prouver qu’ils sont capables de suggérer des solutions aux problèmes posés.
« Nous, étudiants du Master Affaires Européennes, tenons à remercier chaleureusement les professionnels du groupe Safran pour avoir accepté notre invitation et pour avoir ouvert
notre connaissance à un domaine aussi passionnant qu’est l’aéronautique ».
Nombre de personnes présentes : 40 Compte-‐rendu rédigé par Appolonia BENOIST, étudiante de première année en Master Affaires Européennes de Paris IV-‐Sorbonne