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22 MUTATIONS Numéro 44 - 02/03 L e concept de financement de projets renvoie à une grande variété de tech- niques de financement, fai- sant intervenir une grande variété d'activités et d'ac- teurs. Les opérations BOT (Build Operate and Transfer) sont caractéri- sées par l'existence d'un faisceau de contrats, dont la finalité est d'assurer le financement d'équipement public par des fonds privés. Le BOT peut être défini comme “une opération par laquelle plusieurs sociétés privées vont s'associer dans une socié- té de projet, qui sera autorisée par le pays d'accueil, conformément aux termes d'un contrat passé entre cette société et ledit état à financer, construire et exploiter des ouvrages et équipe- ments publics d'infrastructure. A l'expira- tion d'une durée d'exploitation contrac- tuellement définie, les ouvrages privés seront transférés à l'Etat d'accueil et deviendront sa propriété. La société de projet sera propriétaire et exploitera les équipements pendant une durée suffi- L’ARBITRAGE INTERNATIONA ARBITRAGE ET DE PROJ

Concessions 44

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22 MUTATIONS ● Numéro 44 - 02/03

Le concept de financementde projets renvoie à unegrande variété de tech-niques de financement, fai-sant intervenir une grandevariété d'activités et d'ac-

teurs. Les opérations BOT (BuildOperate and Transfer) sont caractéri-sées par l'existence d'un faisceau de

contrats, dont la finalité est d'assurer lefinancement d'équipement public pardes fonds privés.

Le BOT peut être défini comme “uneopération par laquelle plusieurs sociétésprivées vont s'associer dans une socié-té de projet, qui sera autorisée par lepays d'accueil, conformément auxtermes d'un contrat passé entre cette

société et ledit état à financer, construireet exploiter des ouvrages et équipe-ments publics d'infrastructure. A l'expira-tion d'une durée d'exploitation contrac-tuellement définie, les ouvrages privésseront transférés à l'Etat d'accueil etdeviendront sa propriété. La société deprojet sera propriétaire et exploitera leséquipements pendant une durée suffi-

L’ARBITRAGE INTERNATIONA

ARBITRAGE ETDE PROJ

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23 MUTATIONS ● Numéro 44 - 02/03

sante pour rembourser les prêteurs etassurer un retour sur investissementconvenable aux investisseurs en fondspropres”. Les avantages d'un tel finan-cement pour l'Etat d'accueil sont mul-tiples, notamment en ce qu'il permet laréalisation d'infrastructures importantessans appel aux ressources publiques.

Ce mécanisme des opérations BOT

rappelle en droit français le modèlecontractuel de la concession de travauxpublics, puisqu'il entraîne un partenariateffectif entre les secteurs privé et public,et qu'il transfère au secteur privé la char-ge de construire et d'exploiter un ouvra-ge destiné au service public.

Mais le financement BOT diffère de laconcession en ce qui concerne la char-

ge des risques. En effet, le financementBOT est un financement sans recours(ou à recours limité) des prêteurs vis-à-vis de l'Etat d'accueil et de la société deprojet. Les risques sont donc générale-ment répartis en cascade entre lesautres parties au projet BOT. Le contratde concession de type classique faitquant à lui reposer la charge des risques

AL DANS LES CONCESSIONS

T FINANCEMENTJETS BOT

Par Mehdi Haroun

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24 MUTATIONS ● Numéro 44 - 02/03

sur le concessionnaire, cocontractant del'état, puisqu'il doit assurer le servicepublic “à ses risques et périls”. En outre,la concession diminue l'assiette dessûretés pouvant être consenties auxprêteurs car contrairement à la conven-tion BOT, le concessionnaire n'estjamais propriétaire des infrastructuresqu'il dirige.

Nous retiendrons pour les besoins denotre exposé le terme générique deBOT comme recouvrant la concessionmais également les BTO,BOO,DBFO,MOT2 etc…

Au cœur du schéma BOT se trouvela société de projet. Créée spécifique-ment pour le projet BOT, elle réunit lespromoteurs (par un pacte d'action-naires) et elle est le réceptacle du finan-cement du projet. La société de projeten tant que personne morale signe l'ac-cord BOT avec l'Etat ainsi que les autrescontrats afférents à la réalisation du pro-jet. Mais elle ne sera véritablement opé-rationnelle qu'à partir du moment oùl'ensemble du projet passera avec suc-cès le test de bancabilité, c'est-à-direl'examen de la viabilité du projet par lesprêteurs, au regard notamment de larépartition des risques.

Nous présenterons d'abord lescontrats les plus souvent rencontrésdans un schéma BOT (1), pour évoquerensuite rapidement leur implication enmatière d'arbitrage.

1 - PRÉSENTATIONDE LA STRUCTURE

CONTRACTUELLE DESSCHÉMAS DE TYPE BOT

Outre le ou les contrats entre les pro-moteurs (généralement les actes d'ac-tionnaires), existe un faisceau decontrats liant la société de projet.

L'organisation contractuelle du projetdoit assurer sa bancabilité, c'est-à-direl'acceptation par les prêteurs de financerun projet sans recours contre la sociétéde projet et l'Etat. Cette bancabilitédépend en réalité de la répartition desrisques entre les différents cocontrac-tants impliqués dans la réalisation duprojet. Par risques, on entend ici lesrisques pays (politiques, économiqueset juridiques), les risques projet (deconstruction, d'exploitation, d'approvi-sionnement, financiers), et les événe-ments de force majeure naturelle.

On peut, par ailleurs, noter que le

système de la concession connaît cer-taines contraintes spécifiques (telles lepouvoir de modification unilatérale del'autorité publique contractante et le faitdu prince) qui ne peuvent être mises enœuvre dans le cadre d'un projet BOTsous peine de remettre en cause d'exis-tence et la réalisation même du projet.

Un montage BOT est généralementstructuré autour d'une convention BOT(voir Annexe 1). Mais il peut aussi, para-doxalement, et contrairement au systè-me de la concession, ne pas y avoir deconvention entre l'Etat d'accueil et lasociété de projet (voir Annexe 2). Lesobligations BOT sont alors décrites dansle pacte d'actionnaires par exemple. Enfait, il n'existe pas de structure BOT type

mais une multitude de structures, d'oùune multitude de schémas contractuelspossibles.

■ Le contrat BOTLe contrat BOT qui pourra revêtir les

caractéristiques, soit d'un contrat deconcession, soit d'un contrat sui generisd'investissement, sera l'instrument cen-tral du projet. Les stipulations de cecontrat varieront en fonction de la natu-re des infrastructures à construire maisdevront toujours définir clairement lesobligations de construire et d'exploiterde la société de projet.

Bien que le contrat BOT soit unaccord liant les promoteurs à l'état d'ac-cueil, son impact sur l'ensemble du pro-

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jet conduit à y associer toutes les autresparties intéressées, tels les banquiers,les constructeurs, les éventuels sous-traitants, etc… Leur association à l'éla-boration du contrat permettra d'en ren-forcer les termes et d'assurer ainsi labancabilité du projet BOT.

■ Le contrat de constructionLe contrat de construction pour un

projet BOT doit pallier aux risques liés àsa mise en œuvre, puisqu'il manque lepoint de départ de l'exécution du projet.Ces risques ont trait aux délais deconstruction et aux dépassements debudget.

La phase de construction est laphase au cours de laquelle les infra-structures faisant l'objet du projet BOTsont construites. C'est une phase géné-ralement très courte (un à trois ans)mais qui est essentielle pour la faisabili-té et la rentabilité du projet. Le contratde construction doit donc faire l'objetd'une rédaction minutieuse et leconstructeur doit veiller scrupuleuse-ment au respect de ses obligationscontractuelles.

A l'achèvement des travaux deconstruction et plus particulièrement à ladate de réception provisoire, la phased'exploitation peut commencer.

■ Le contrat d'exploitation et demaintenance

La mise en exploitation des infra-structures marque le début de la phasedurant laquelle des revenus sont géné-rés par le projet (c'est aussi en principele début du remboursement des crédits).En règle générale, sa durée est de 20 ou30 ans. Pour l'exécution de cette phase,la société de projet conclut un contratd'exploitation et de maintenance avecune société d'exploitation.

Rien n'interdit à la société de projetd'exploitation elle-même l'ouvrage objetdu projet, mais en pratique, elle sous-traite son exploitation et sa maintenancecar elle ne dispose généralement pas eninterne des compétences nécessaires.Par ailleurs, cela lui permet d'externali-ser le risque lié à une mauvaise exploi-tation ou maintenance. Cependant, lesous-traitant exploitant est souventactionnaire de la société de projet etdonc particulièrement vigilant à la réali-sation du projet dans ses diversesphases. Ce contrat est particulièrementimportant pour l'Etat d'accueil, puisque

l'infrastructure réalisée est exploitée afinde satisfaire aux besoins de la popula-tion, il est aussi capital pour les prêteurspuisqu'il permettra de générer le cash-flow assurant le remboursement deleurs prêts.

■ Le contrat d'enlèvementLe contrat d'enlèvement est crucial

au sein de la structure BOT dans lamesure où en découleront les recettesnécessaires au remboursement desemprunts.

Ce contrat soit assurer un flux régu-lier de recettes, à un montant indexé, quine devra pas supporter le risque dechange puisque, par définition, lesrecettes seront la plupart du temps enmonnaie locale.

■ Autres contratsNous pouvons citer pour mémoire les

contrats de mise à disposition de terrainlorsque la société de projet n'a puacquérir la propriété du terrain sur lequelle projet a été construit. La montant dela location doit faire l'objet d'une atten-tion particulière lors de la conclusion ducontrat car il peut grever de manièresignificative le coût du projet. Il est ainsisouhaitable de fixer ce montant sur unebase forfaitaire non indexable, pourobtenir un montant fixe pour toute ladurée du projet.

Nous pouvons aussi citer les contratsd'assurance (notamment crédit-export),qui doivent faire l'objet d'une attentiontoute particulière, s'agissant parexemple de leurs conditions d'applica-tion pour les délais de transfert, le tauxde change (fixe ou non) etc…

2. PROBLÉMATIQUEDE LA CLAUSE

D'ARBITRAGE DANS LESSCHÉMAS DE TYPE BOT

Le faisceau de contrats, imbriquésles uns dans les autres, devra apporterune sécurité juridique suffisante pourque les promoteurs investissent leursfonds propres dans le projet considéréet que les prêteurs acceptent de lefinancer. En effet, le financement desprojets BOT est assuré, pour partie parapports en fonds des promoteurs maisessentiellement par le concours des prê-teurs. Ces derniers sont remboursésgrâce au cash-flow généré par l'exploita-tion du projet, généralement sans aucun

recours contre les promoteurs ni contrel'Etat d'accueil. La qualité des sûretésest plus généralement dans la bancabi-lité du projet.

Outre la répartition des risques,l'existence et la valeur juridique dessûretés qui pourront être octroyées,ainsi que l'analyse économico-financièredu projet, le test de bancabilité reposeradonc sur une analyse de la sécurité juri-dique de l'ensemble contractuel etnotamment de la pertinence du mode derésolution des litiges. A ce titre, la claused'arbitrage jouera un rôle primordial. Ilconviendra donc de tenir compte desimplications particulières des clausesd'arbitrage dans les projets BOT.

Dans le cadre d'une opération BOTen Algérie, trois questions essentiellestenant à la clause d'arbitrage nous sem-blent devoir se poser :

- Les clauses d'arbitrage dans lescontrats BOT conclus entre lesinvestisseurs privés et l'Etat algé-rien sont-elles valides au regarddu droit administratif algérien ?- Quelques sont les conditions durecours à l'arbitrage internationalposées par le Code de procédurecivile algérien ?- Et enfin, comment les clausesd'arbitrage peuvent-elles êtremises en œuvre en cas de plurali-té des litiges dans les schémasBOT ?

■ Arbitrage et droit administratifAinsi que nous l'avons vu, les sché-

mas contractuels utilisés dans les opé-rations de financement de projet peu-vent faire appel, dans certains systèmesjuridiques, à des contrats administratifs.Dans les pays connaissant la distinctiondroit privé/droit public, il s'agira descontrats conclus entre des personnesmorales de droit public, en particulierl'Etat d'accueil, et les investisseurs. Lecontrat de concession en est une illus-tration.

Cette distinction droit privé/droitpublic est une spécificité d'origine fran-çaise dont le droit algérien à hérité, avecles difficultés qu'elle génère, notammenten matière d'arbitrabilité des litiges, lejuge administratif étant le juge naturel del'administration ou autres collectivités.En revanche, cette approche est incon-nue des pays Common law où l'Etatsujet de droit est un cocontractantcomme les autres, ne disposant d'aucu-

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ne prérogative particulière notammenten matière juridictionnelle.

L'appréciation du caractère adminis-tratif d'un contrat repose sur différentscritères et s'avère essentielle pourdéterminer le régime juridique qui pour-ra être appliqué au contrat. C'est en effetde ce régime que dépendra celui de l'ar-bitrabilité d'un litige découlant d'uncontrat administratif.

■ Le contrat administratifLe premier critère dégagé pour

apprécier le caractère administratif d'uncontrat est organique : en présenced'une personne morale de droit public(Etat, collectivités locales, établisse-ments publics), partie au contrat, celui-ciest soumis au droit administratif. Il enest de même en droit algérien : uncontrat est administratif dès lors qu'unepersonne morale de droit public estsignataire de ce contrat, conformémentà l'article 7 du Code de procédure civile,à l'exception des baux commerciaux etdes affaires sociales (article 7 bis duCode de procédure civile).

Les autres critères dégagés par lajurisprudence administrative françaisepour la qualification d'un contrat admi-nistratif sont des critères matériels : lepremier a trait à l'objet du contrat, lesecond au régime juridique exorbitantdu droit commun applicable.

- Le contrat est administratif si sonobjet le qualifie comme tel, envertu de la loi3 ou vertu des solu-tions jurisprudentielles(4).- Le contrat est administratif si lerégime juridique (législatif ouréglementaire) auquel est soumisle contrat est un régime exorbitantdu droit commun, ou s'il contientdes clauses considérées commeexorbitantes (qui ne pourraientêtre valablement inclues dans uncontrat de droit privé).Les contrats qui nous intéressent ici

portent sur le financement de projetsayant un lien avec les opérations d'inté-rêt national. Ils nécessitent l'interventiond'une autorité étatique et visent la réali-sation de travaux publics en entraînantl'occupation du domaine public. Ils relè-vent donc en droit français du régimedes contrats administratifs. En témoignela signature de contrats de concession,par lesquels une personne publiquecharge une autre personne de l'exploita-tion d'un service public ou de la réalisa-

tion de travaux publics moyennant unerémunération déterminée par les résul-tats financiers de l'exploitation du servi-ce ou de l'ouvrage public(5).

Jusqu'en 1962, ces critères de for-mation des contrats administratifsétaient applicables en droit algérien. Laquestion est de savoir si aujourd'huiencore ils sont reconnus et appliquéspar le droit algérien ou si un revirementjurisprudentiel ou une intervention du

législateur algérien a modifié ces condi-tions.

Ces critères matériels n'ont pas étéretenus par le droit algérien. Lescontrats de concession et les contratsde marché public sont ainsi qualifiés decontrats administratifs, en vertu de la loidomaniale 90-30 du 1er décembre 1990,non pas en raison de leur objet mais enraison du régime juridique dont relèvel'un des signataires.

Les règles de droit privé applicables auxrelations de commerce, avec la possibilité derecourir à l'arbitrage pour les litiges nés desrelations commerciales, ne sont pasappliquées aux contrats de concession, afortiori dans un contexte international.

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La signature de ces contrats entre lespersonnes publiques et les personnesprivées, si elle comporte de multiplesavantages aussi bien pour le développe-ment national que pour les investisseursprivés, peut cependant être source delitiges entre les cocontractants. Le pro-blème qui se pose alors et nous intéres-se aujourd'hui est l'existence d'un princi-pe d'interdiction de l'arbitrage en matiè-re administrative.

■ L'arbitrage en matièreadministrative

Le principe de la prohibition de l'arbi-trage en matière administrative est fon-dée sur la spécificité de la juridictionadministrative dans le système juridiquefrançais : le juge administratif est consi-déré comme le juge naturel des litigesconcernant l'administration. Il ne peutdonc être dérogé à sa compétence léga-le par un recours à l'arbitrage, véritablejustice “privée” d'origine conventionnel-le. Cette dualité juridictionnelle ne seretrouve pas, en tant que telle dans le

système algérien, où le contentieuxadministratif est traité au sein de chaquetribunal. Néanmoins, elle demeure enfiligrane puisque existe, non pas unejuridiction, mais une chambre spéciali-sée, appelée la chambre administrative.En témoigne encore, la création récented'une Cour suprême administrative quipourrait faire entrevoir la naissance pro-chaine d'un ordre administratif.

C'est sur la base des articles 83(6) et1004(7) de l'ancien Code de procédurecivile que le Conseil d'Etat français àlongtemps considéré les personnespubliques y compris les établissementspublics industriels et commerciaux(8),comme étant incapables de compro-mettre. Ces dispositions furent abrogéespar une loi du 5 juillet 1972 pour donnernaissance à l'article 2060 du Code civil,réitérant l'interdiction de compromettrepour les personnes publiques(9).

Pourtant, une loi du 9 juillet 1975 aintroduit un deuxième alinéa dans l'ar-ticle précité, admettant de manière déro-gatoire et sur autorisation réglementaire

des établissements publics industriels etcommerciaux à compromettre(10). Malgrécette disposition, une telle autorisation,exceptionnelle, n'a jamais été accordéepar voie décrétale à ce jour.

C'est la voie législative qui a été pré-férée, comme par exemple pour les casde la SNCF(11), La Poste et FranceTélécom (12).

Cette interdiction de principe (13) anéanmoins constitué, dans une certainemesure, un handicap à l'investissementétranger. Et c'est dans ce contextequ'est intervenue l'affaireEurodisneyland, impliquant l'Etat fran-çais, différentes personnes de droitpublic français et la société de droitaméricain “Walt Disney Production”.

Dans son avis du 6 mars 1986 relatifà cette opération, le Conseil d'Etat a rap-pelé l'existence du principe général dedroit public qui prohibe le recours à l'ar-bitrage pour les personnes morales dedroit public pour les litiges auxquelselles sont parties et qui relèvent del'ordre juridique interne. Il a considéréque le contrat envisagé, relevant del'ordre juridique interne français, pouvaitêtre qualifié de contrat administratifpuisque conclu avec des personnespubliques françaises et contenant desclauses exorbitantes du droit commun.Cette qualification excluait toute applica-tion de l'article 1492 du nouveau Codede procédure relatif à l'arbitrage interna-tional car, selon les conseillers d'Etat,les intérêts du commerce internationaln'étaient pas en jeu. Les contrats deconcession, signés soit par l'Etat soit parun de ses établissements publics, sontsoumis au droit français des contratsadministratifs, et non au droit descontrats commerciaux, ce qui exclut lerecours à l'arbitrage.

Les règles de droit privé applicablesaux relations de commerce, avec la pos-sibilité de recourir à l'arbitrage pour leslitiges nés des relations commerciales,ne sont pas appliquées aux contrats deconcession, a fortiori dans un contexteinternational. En effet, le droit françaisne reconnaît pas l'existence de “contratsadministratifs internationaux” et ce, alorsmême que certaines opérations definancement de projet, comme le projetEurodisney, peuvent avoir des élémentsd'extranéité. Mais il faut noter que cettequalification de contrat de droit publicest de plus en plus écartée par les juri-dictions arbitrales, qui retiennent volon-

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tiers la qualification de contrat de droitprivé, par exemple pour les contrats deconcession de recherche et d'exploita-tion des ressources naturelles(14).

L'existence d'une clause compromis-soire avec l'Etat français constituaitpourtant une condition sine qua nonpour que l'investisseur américain réaliseune quelconque opération en France.Une loi du 19 août 1986(15) a donc per-mis, par dérogation à l'article 2060 duCode civil, d'introduire une clause com-promissoire dans le contrat d'investisse-ment entre l'Etat français, les collectivi-tés locales et la société Walt DisneyProductions(16).

Le droit algérien a dans un premiertemps repris ce principe absolu de pro-hibition du recours à l'arbitrage enmatière administrative.

L'action article 442 alinéa 3 du Codede procédure civile algérien prévoyaitexpressément que “l'Etat et les per-sonnes morales publiques ne peuventpas compromettre”.

Mais cette position s'est assoupliepour favoriser le développement de pro-jets internationaux.

En effet, la prédominance de l'Etatalgérien dans la conduite des relationséconomiques internationales et savolonté affichée d'ouverture en matièred'investissements étrangers a rendunécessaire un assouplissement de cetteprohibition.

Le décret législatif 93-09 du 25 avril1993 a donc modifié l'article 442 duCode de procédure civile algérien, enintroduisant un alinéa 2 qui dispose :“Les personnes morales de droit publicne peuvent pas compromettre, saufdans leurs relations commerciales inter-nationales”. Mais que faut-il comprendredes termes “relations commercialesinternationales” ?

La nouvelle rédaction de l'article 442alinéa 2 du Code de procédure(17) algé-rien semble admettre l'idée qu'un contratconclu par une personne publique,contrat a priori administratif, ait uncaractère commercial, dans le cadre derelations internationales. Pourtant, uncontrat de concession pourrait ne pasêtre considéré comme un contrat com-mercial, puisqu'il ne s'agit pas d'unemise à disposition de biens ou de ser-vices transfrontières. On verrait donc dif-ficilement une concession “internationa-le”. Il est vrai que l'expression “relationscommerciales internationales” a des

contours imprécis, qui nécessiteraientune intervention prétorienne étantdonné le caractère déterminant de cettenotion. Cependant, les magistrats algé-riens seraient peut-être amenés àétendre ce concept en optant pour unedéfinition large, proche de la notion d'in-térêt du commerce international(18). Dansce cas de figure, plusieurs contratspourraient alors bénéficier d'une claused'arbitrage.

Indépendamment des dispositionsgénérales, certains textes ne permettentpas de nous éclairer. A titre d'exemple,le décret exécutif du 18 septembre 1996relatif aux conventions de concessiond'autoroutes, en dépit du prochain projetde concession de l'autoroutesEST/OUEST reste vague puisqu'il n'in-terdit ni n'encourage la rédaction d'unetelle clause. En effet, il reste muet surles moyens offerts aux concédants etconcessionnaires pour régler les diffé-rends susceptibles de surgir dans lecadre de leurs relations contractuelles.

Mais d'autres textes spécifiquesapportent des réponses de nature à ras-surer les investisseurs. Ainsi, il convientde mentionner le décret 93-12 du 5octobre 1993 relatif à la promotion desinvestissements. Texte qui, en vertu duprincipe specialia generalibus derogant,doit être appliqué en priorité par rapportau Code de procédure algérien enmatière d'investissements.

Au titre des avantages conférés auxinvestisseurs étrangers, l'article 41 dece décret dispose : “Tout différend entrel'investisseur étranger et l'Etat algériensera soumis aux juridictions compé-tentes sauf conventions bilatérales oumultilatérales conclues par l'Etat algé-rien relatives à la conciliation et à l'arbi-trage ou accord spécifique stipulant uneclause compromissoire ou permettantaux parties de convenir d'un compromispar arbitrage ad hoc”.

Ce texte devrait permettre le recoursen cas de litige à un tribunal internatio-nal ad hoc.

■ Les conventions internationalesL'un des cadres conventionnels d'ar-

bitrage international applicable enAlgérie est le système CIRDI(19), dont lebut est d'améliorer les procédures derèglement des différends entre les Etatssignataires et les investisseurs privésétrangers. Ce système est spécialementconçu pour répondre aux particularités

Au titre desavantages conférésaux investisseursétrangers, l'article 41de ce décretdispose : “Toutdifférend entrel'investisseur étrangeret l'Etat algérien serasoumis auxjuridictionscompétentes saufconventionsbilatérales oumultilatéralesconclues par l'Etatalgérien relatives àla conciliation et àl'arbitrage ou accordspécifique stipulantune clausecompromissoire oupermettant auxparties de convenird'un compromis pararbitrage ad hoc”.

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des contrats d'Etat et donc aux contratsde concession et contrats BOT.

Il y est prévu la possible renonciationà l'exercice de tout autre recours juridic-tionnel sous réserve de l'absence detoute stipulation contraire(20).Théoriquement, l'Etat contractant peutsubordonner son consentement à l'épui-sement préalable des voies de recoursinternes par la partie privée demande-resse (article 26 de la convention). Maison peut émettre des doutes sur l'efficaci-té d'un tel mécanisme, qui est loin d'êtresynonyme de rapidité. Cependant, cer-tains justifient cette option par la partici-pation d'un Etat, lequel renonce très dif-ficilement à ses prérogatives de puis-sance publique(21).

La convention franco-algérienne du13 février 1993(22) relative à l'encourage-ment et la protection réciproques desinvestissements prévoit dans son article8 la possibilité pour l'une des parties desoumettre le litige soit à la juridictionnationale compétente soit à l'arbitragedu CIRDI. Cette convention n'a été rati-fiée par la France qu'en 2000 et estentrée en vigueur le 27 juin 2000 alorsque le décret de ratification est intervenuen Algérie dès 1994(23).

ARBITRAGE INTERNATIONALET CODE DE PROCEDURE

ALGERIEN

2.2.1 Définition de l'arbitrage international en droit algérienL'article 458 bis du Code de procédu-

re algérien dispose qu'est international“l'arbitrage qui connaît des litiges relatifsà des intérêts du commerce internatio-nal et dont l'une des parties au moins ason siège ou son domicile à l'étranger”.L'internationalité de l'arbitrage est doncsubordonnée à un double critère, éco-nomique et juridique, l'un emprunté à laloi française, l'autre à la loi suisse. Onpeut s'interroger sur l'intérêt du cumuldes deux critères dans le cadre d'opéra-tions de financement de projets.

La mise en jeu des intérêts du com-merce international “implique un mouve-ment de biens, de services ou un paie-ment à travers les frontières”(24).

Aussi une opération BOT sera consi-dérée comme relevant du commerceinternational puisque les promoteurs(dont les plus importants sont le plussouvent étrangers), réunis au sein de lasociété de projet, réaliseront des inves-

tissements qui donneront lieu à un mou-vement de capitaux à travers les fron-tières25.

L'opération BOT étant basée sur unfaisceau de contrats indissociables,c'est cet ensemble contractuel qui meten jeu les intérêts du commerce interna-tional, alors même que certains contratspeuvent avoir une nature interne(26),conclus entre des opérateurs nationauxet la société de projet. Ces dernierscontrats, indissociables de l'ensemblecontractuel BOT, prendraient alors unecoloration internationale et devraientpouvoir être soumis à l'arbitrage interna-tional.

En revanche, la condition cumulatived'un siège ou domicile à l'étranger sou-lève des difficultés puisque la société deprojet est la plupart du temps constituée

dans et selon les règles de l'Etat d'ac-cueil. Les contrats conclus entre lasociété de projet et les opérateurs natio-naux ne pourraient donc faire l'objet d'unarbitrage international en raison de cecritère du siège social.

Ce double critère posé par l'article458 bis du Code de procédure algérienest approuvée par une partie de la doc-trine au motif que “le seul critère juri-dique du siège ne permet pas d'appré-hender toutes les opérations de com-merce international” mais que “l'uniquerecours au critère économique peutdans certaines circonstances conduire àune extension déraisonnable de lanotion d'internationalité”(27).

En revanche, d'autres s'interrogentplus justement sur “l'opportunité qu'il yavait pour le législateur algérien à adop-

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ter un double critère, alors que les deuxlégislations qui l'ont inspiré se conten-tent d'un seul”(28).

Ce double critère introduit un doutesur l'arbitrabilité des contrats internesdans les opérations internationales definancement de projet. Ce doute auraitpu être évité si le critère du siège socialn'avait pas été retenu. Les investisseursétrangers se montrent en effet très atta-chés à la condition d'une résolution arbi-trale des litiges éventuels.

Qu'il nous soit donné, à l'occasion dece séminaire, d'appeler de nos vœux lasuppression de ce critère du siègesocial afin de lever cette ambiguïtéconcernant l'internationalité des litigesdécoulant de certains contrats relevantd'opérations BOT. Nous laisserons à lasagesse des juges algériens le soind'éviter une “internationalisation” exces-sive des litiges. Ambiguïté d'autant plusinutile que plusieurs arguments militenten faveur de l'arbitrabilité internationaledes litiges découlant de ces contrats.

■ Le principe de l'autonomie del'accord compromissoire

Ce principe a été reconnu dès 1961,à l'occasion du premier congrès interna-tional de l'arbitrage, dont les travaux ontconclu à une dissociation de la nullité dela clause compromissoire par rapport àcelle du contrat principal(29). Ce principea par la suite été adopté par certainesjuridictions internes(30), pour se générali-ser dans le droit des Etats pratiquantl'arbitrage international.

Ce principe laisse donc aux arbitresla possibilité de décider que la clausecompromissoire, indépendante ducontrat principal, est soumise à un autredroit que le contrat principal ou mêmeaux principes généraux de la lex merca-toria, leur permettant de retenir leurcompétence dans le cadre d'un arbitra-ge international.

Il est donc plus que probable qu'unprojet BOT pourra aboutir et prospérerdevant une juridiction arbitrale, indépen-damment de toute incertitude quant à lavaleur juridique de l'accord compromis-soire, même si une clarification de l'ar-ticle 458 bis du Code de procédure civi-le serait, nous l'avons vu, souhaitable.

■ Le principe de l'estoppelIl semble être admis que le principe

de l'interdiction de se contredire au détri-ment d'autrui est désormais considéré

comme un principe général du droit ducommerce international(31), appliqué enmatière d'arbitrage international.

Issu de la Common Law, le principede l'estoppel, basé sur la bonne foi, peutaussi être rapproché de la théorie del'apparence reconnue en droit français,et du principe allemand selon lequel “nuln'est admis à se prévaloir de l'existencede faits contraires à ses allégations pré-cédentes”. Enfin, ce principe connaîtaussi de très nombreuses applicationsen droit international public(32), où il peutêtre résumé par la formule “Un Etat nedoit pas être autorisé à se prévaloir deses propres contradictions au détrimentd'un d'autre Etat”(33).

Ce principe est de nature à neutrali-ser l'ambiguïté posée par l'article 458 bisdu Code de procédure civile en privantd'effet toute velléité de l'une des partiesau projet BOT de ne pas se conformer àla clause d'arbitrage international àlaquelle elle avait consenti.

Il convient, d'ailleurs, de rappelerqu'avant la réforme du Code de procé-dure civil algérien en matière d'arbitra-ge, lorsque le texte interdisait, sansexception, aux personnes morales algé-riennes de droit public de compromettre,et alors que ces dernières acceptaient

des clauses compromissoires lorsque lecontrat était soumis au droit algérien,l'incompétence des arbitres sur le fonde-ment de la prohibition contenue dans leCode de procédure algérien n'a pas, ànotre connaissance, été soulevé.

Ce comportement démontre que leprincipe de l'estoppel avait été enquelque sorte intégré par la pratiquepour des motifs évidents de crédibilitésur la scène commerciale internationale.

■ Le règlement CCI

On peut en outre rappeler qu'un tri-bunal arbitral constitué sous l'égide de laCCI peut toujours, préalablement à

l'examen au fond du litige, vérifier queles parties et la nature du litige relèventbien de sa compétence, en vertu de l'ar-ticle 6.2 du Règlement CCI(34). Il est donclibre de considérer qu'un contrat a prioriinterne conclu entre une société de pro-jet et un opérateur BOT conserve uncaractère international en raison de sonlien indissociable avec l'ensemblecontractuel de l'opération BOT.

■ L'arbitrage CCI en tantqu'arbitrage interne ?

Les conditions posées par l'article

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31 MUTATIONS ● Numéro 44 - 02/03

458 bis tiennent au caractère internatio-nal de l'arbitrage. Reste alors toujoursouverte la voie de l'arbitrage interne.Même si l'on peut contester l'intérêtd'une telle distinction(35), il n'en demeurepas moins qu'elle existe en droit algé-rien. La question se pose alors de savoirs'il serait possible d'utiliser l'arbitrageCCI alors que selon le droit national ils'agirait d'un arbitrage interne.

Même si cette dernière questionreste ouverte, des arguments de poidsmilitent en faveur du caractère interna-tional de l'arbitrage de l'ensemble descontrats relevant d'une opération BOT,même s'il est vrai qu'une suppression ducritère du siège social serait souhai-table.

Le Règlement CCI met essentielle-ment en place une organisation admi-nistrative de l'arbitrage. Tous les élé-ments d'organisation et les garantiesprocédurales qu'offre l'arbitrage CCI neparaissent pas en contradiction avec lesrègles algériennes en matière d'arbitra-ge interne.

PLURALITE DES LITIGES DANS LESSCHEMAS BOT

Un projet BOT se traduit au plan juri-dique par la formation d'un ensemblecontractuel. Il convient d'avoir à l'espritqu'un montage BOT repose sur unensemble contractuel cohérent. La mau-vaise exécution d'un seul contrat a defortes chances de se répercuter sur lescontrats(36).

Les différents contrats comportentgénéralement chacun une clause com-promissoire, qui en vertu de l'effet relatifdes contrats ne pourra être mise enœuvre qu'entre les signataires ducontrat en cause. Mais apparaissentalors deux questions principales :

- d'une part, un des contractants(en l'occurrence la société de pro-jet) peut se trouver partie à diffé-rents litiges et vouloir nommer unmême arbitre pour les différentslitiges ;- et d'autre part, la mise en œuvrede chacune des clauses compro-missoires contenues dans les dif-férents contrats du projet BOTrisque d'aboutir à une multiplica-tion des procédures arbitrales,avec un risque de solutionscontradictoires alors qu'il s'agitd'un même ensemble contractuel

qui nécessiterait un traitementcohérent voire unitaire.

■ La participation d'un mêmearbitre à plusieurs arbitragesconnexes

L'hypothèse ici envisagée est celled'une société de projet, engagée dansdivers litiges avec ses différents cocon-tractants, sans qu'il existe de lien juri-dique commun entre eux. La pratique(37)

montre que cette société de projet auratendance à désigner le même arbitrepour l'ensemble de ses litiges. Ceci partde l'idée d'un traitement cohérent delitiges différents mais relatifs au mêmeprojet, au même ensemble contractuel,afin d'éviter des jugements contradic-toires.

Une telle situation soulève la ques-tion de l'indépendance des arbitres et lerisque qui en découle de récusation.

En effet, l'impartialité de cet arbitrepeut être remise en cause par l'autrepartie dès lors que les problèmes dedroit ou de faits soulevés sont similairesou ont un lien direct avec ceux soulevésà l'occasion d'un autre arbitrage auquell'arbitre en question participe ou a parti-cipé.

En outre, afin de préserver le principedu contradictoire, l'arbitre commundevra conserver confidentielles les infor-mations qu'il détiendrait à l'occasion del'autre litige.

Alors que la nomination d'un seul etmême arbitre devrait contribuer à unemeilleure administration de la justicedans le cadre d'opérations BOT, unetelle approche est aussi de nature àgénérer de sérieux risques procéduraux.

Toutefois, la CCI et les tribunaux(38)

ont une approche pragmatique, en s'at-tachant à déterminer si malgré sa parti-cipation aux différents arbitragesconnexes l'arbitre en cause a pu inconcreto conserver ou non un jugementlibre et impartial.

■ La jonction d'arbitragesconnexes

La procédure devant les juridictionsétatiques permet la jonction d'instancesdifférentes ayant un lien de connexitésuffisant(39) afin d'éviter des jugementscontradictoires. Une telle situation deconnexité peut évidemment exister dansune opération BOT. Ainsi par exemple lecontrat de fourniture de gaz par une

société X à la société de projet aura unimpact sur le contrat de vente d'électrici-té par la société de projet à une sociétéY. Le lien de connexité évident entre lesdeux contrats permet-il une jonction desinstances arbitrales ?

L'article 4.6 du Règlement CCI stipu-le désormais qu'une demande d'arbitra-ge peut être jointe à une procédure encours dès lors que les parties sont iden-tiques et que l'acte de mission n'a pasété signé ou approuvé par la Cour. Sil'acte de mission a déjà été signé ouapprouvé par la Cour, l'accord du tribu-nal arbitral déjà constitué sera alorsrequis et ce dernier “tiendra compte del'état d'avancement de la procédure etde toutes autres circonstances perti-nentes” (article 19).

La jonction d'instance n'est donc per-mise que si les litiges concernent lesmêmes parties. Cette nouveauté duRèglement CCI, certes louable, n'estpas de nature à répondre à tous les casde figure pouvant se présenter dans lecadre d'un schéma BOT. En effet, dansl'exemple, précité, un litige au titre ducontrat de fourniture de gaz et un litigeau titre du contrat de vente d'électricitéimpliquerait des parties différentes (àl'exception de la société de projet) touten présentant un lien de connexité justi-fiant une jonction d'instance ? Or leRèglement CCI ne le prévoit pas puis-qu'il ne vise que des litiges entre lesmêmes parties.

En outre, la limitation du nombre d'ar-bitres à trois(40) ne permet plus de“fusionner" les deux tribunaux arbitraux.On pourrait penser à faire renoncer l'unedes parties au choix de son arbitre maiscela serait contraire au principe du librechoix de l'arbitre41.

Afin d'éviter des solutions contradic-toires, une rédaction minutieuse des dif-férents contrats sera donc nécessaire,notamment en matière de répartition deslitiges et des liens contractuels entre lesdifférentes parties, voire entre les diffé-rents intervenants.

MEHDI HAROUNConférence de la Chambre

Internationale Alger,31 mars et 1er avril 2001

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Convention de pret

Pacte d’actionnaires

O & M

PAPATake

orpay

LTC A

ESA EPC

Conventionde prêt

Pacte d’actionnaires

Contrat de construction

contrat d’enlèvement

Annexes

ETAT HOTE PROMOTEURS

EXPLOITANTS

Contrat d’exploitation

et de maintenance SPV société

de projet

PRETEURS

CONSTRUCTEURCLIENTS

EXPLOITANT C

FOURNISSEUR (B)

PROMOTEURS(A) (B) (C)

BAILLEUR

PRETEURS

ASSURANCE CREDIT EXPORT

CONSTRUCTEUR

SPV Société

de projetCLIENTS A

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33 MUTATIONS ● Numéro 44 - 02/03

1 Définition de M. Jean-MarcLoncle in " Grande Projets d'in-frastructure : le montage Build,Operate, Transfer ", RDAI 19978,n°8, p. 945 à 9652 Build Transfer Operate, BuildOwn Operate, Design BuildFinance and Operate, ModemiseOwn/Operate and Transfer.6 L'article 83 de l'ancien Code deprocédure civile énumérait lescauses devant être communi-quées au ministère public, dontl'Etat, le domaine et les établis-sements publics.7 L'article 1004 de l'ancien codede procédure civile françaisinterdisait de compromettredans les affaires devant fairel'objet d'une communication auministère.8 Conseil d'Etat Ass. SociétéNationale des Ventes de Surplus,13 décembre 1957, Rec. Lebonp. 678.9 L'article 2060 du Code civilintroduit par la loi de 1972 dispo-se : " On ne peut compromettresur les questions d'Etat et decapacité des personnes, surcelles relatives au divorce et à laséparation de corps ou sur lescontestations intéressant les col-lectivités publiques et les établis-sements publics et plus généra-lement dans touts les métiersqui intéressent l'ordre public ".10 L'article 2 de l'article 2060 duCode civil dispose : " Toutefois,des catégories d'établissementsà caractère industriel et commer-cial peuvent être autorisées pardécret à compromettre ".11 Loi du 30 décembre 1982.12 Loi du 2 juillet 1990.13 Sur l'interprétation par leConseil d'Etat, Ass. 13 décembre1957, Société de vente de sur-plus, Rec. CE. 1957, p. 677 ; pourune application plus récente, CE.Section, 3 mars 1989, sociétédes autoroutes de la régionRhone Aples, Rec. CE 1989, p.69.14 Voir Ph. Le Boulanger " Lescontrats entre Etats et entre-prises étrangères ",Economiques 1985, p. 215.15 JO du 22 août 1986 : l'article 9de cette loi prévoit ainsi que "par dérogation à l'article 2060 duCode civil, l'Etat, les collectivitésterritoriales et les établissementspublics sont autorisés, dans lescontrats qu'ils concluentconjointement avec des sociétésétrangères pour la réalisation

d'opérations d'intérêt national àsouscrire des clauses compro-missoires en vue du règlement,le cas échéant définitif, de litigesliés à l'application et l'interpréta-tion de ces contrats.16 Si on peut se féliciter qu'unesolution ait été trouvée en l'espa-ce pour satisfaire les parties etpermettre l'aboutissement duprojet, on peut regretter que laprocédure utilisée ait aussi exi-gée le vote d'une loi par le parle-ment français.De plus, la rédaction en termesrestrictifs de cette loi empêchecette autorisation d'être globaleet applicable facilement àd'autres projets de contrats. Eneffet, les collectivités publiquesne peuvent compromettre quedans le cadre de contratsconclus conjointement avecl'Etat et il faut que ces contratsaient pour objet la réalisation "d'opération d'intérêt national " :La notion d'intérêt national estparfois incertaine et son évolu-tion inconnue. Le droit positif n'ypas encore répondu.17 Issu du décret législatif 93-09du 25 avril 1993.18 M. HAROUN,Le régime desinvestissements enAlgérie,thèse.LITEC, 2000, n°808et s.19 Centre international pour lerèglement des différends relatifsaux investissements entre Etatset ressortissants d'autres Etats,établi par la Convention deWashington du 18 mars 1965, JOdu 30 décembre 1967, p. 13065.20 Article 26 de la convention.21 Les publicistes et les priva-tistes ne partagent pas le mêmepoint de vue sur cette question,voir M.HAROUN, thèse précitée,n°431.22 Voir Décret 2000-625 du 29juin 2000, JO 7 juillet 2000, p.10247.23 Décret n°94-01 du 2 janvier1994, J.O.R.A. du 2 janvier 1994.24 En France, Cour d'appel deParis Ministère tunisien de l'équi-pement c/société Bec Frères du24 février 1994, Revue de l'arbi-trage 1995, p.275.25 Pour une démonstration simi-laire, Voir Cour d'appel de ParisAranella 26 avril 1985, Rev, arb.1985, p.311.26 Comme par exemple lescontrats de fourniture ou d'enlè-vement (supply and off take).27 Mohand ISSAD, " Le décret

législatif algérien du 23 avril1993 relatif à l'arbitrage interna-tional ", Rev. Arb. 1993, n°3,p.377.29 Revue de l'arbitrage, 1962,p.3730 En France, voir par exempleCour de cessation Ets Gossetc/Carappeli 7 mai 1963, p.545.31 Voir par exemple Sentencearbitrale CIRDI Amco Asiac/République d'indonésie 25septembre 1983, Rev.arb.1985,p.241.32 Voir par exemple Cour inter-nationale de Justice Camdodgec/Thailande (affaire du temple dePréah Vihéar), Recueil 1962, p.6.33 Formule du Vice PrésidentAifaro dans " l'affaire du templede Préah Vihéar ".34 Règlement CCI Article 6.2 : "lorsqu'une des parties soulèveun ou plusieurs moyens relatifsà l'existence, à la validité ou à laportée de la convention d'arbitra-ge, la Cour peut décider, sanspréjuger la recevabilité ou lebien fondé de ce ou cesmoyens, que l'arbitrage aura lieusi elle estime possible l'existen-ce d'une convention d'arbitragevisant le Règlement. Dans cecas, il appartiendra au tribunalarbitral de prendre toute déci-sion sur sa propre compétence”.35 " Il est de bon ton de vanterles mérites des procédures d'ar-bitrage commercial international.Elles seraient tout à la foisrapides, discrètes et permet-traient de trouver des solutionsadaptées au Droit du CommerceInternational, toujours en évolu-tion. La réalité est quelque peudifférente. Le remarquable déve-loppement de l'arbitrage com-mercial international depuis unetrentaine d'années tient moinsaux vertus précitées qu'à laconjonction de deux réticencesà l'égard du juge étatique ". J.L.de Grandcourt cité in " Le régi-me des investissements enAlgérie " thèse de M.HAROUNprécitée, p.633.36 A titre d'exemple, dans l'hypo-thèse d'une société de projetexploitant une centrale élec-trique, si celle-ci n'est pas four-nie en gaz au titre de contrat defourniture, elle ne pourra assurerla fourniture d'électricité prévueau contrat d'enlèvement. Ceciaura donc un impact sur soncash-flow et donc sur sa capaci-té de remboursement des pré-

teurs. Le risque de litige en chaî-ne est donc patent.37 Serge Gravel " Arbitrage mul-tipartite et pluralité ", Bulletin dela CCI vol, 7/N°2, Décembre1996, p.43.38 En France, la Cour d'appel deParis a ainsi jugé, dans un arrêtBen Nasser c/BNP et CréditLyonnais du 14 octobre 1993que le principe du contradictoire" n'est pas voilé, pas plus queles droits de la défense, lors-qu'un même arbitre statue dansdeux instances parallèles ; il enva autrement si est intervenuedans l'autre instance une déci-sion pouvant constituer de lapart de cet arbitre un préjugédéfavorable, en particulier si l'ar-bitrale a participé, dans la pre-mière affaire, à une sentence quientraîne logiquement certainesconséquences sur les questionsà trancher dans la seconde ;cependant le préjugé doit portersur cet ensemble indissociablede fait et de droit qui constitue lacause soumise à l'arbitrage ; eneffet, il n'y a ni prévention ni pré-jugé lorsque l'arbitre est appeléà se prononcer sur une situationde fait proche de celle examinéeantérieurement, mais entre desparties différentes, et encourtmoins lorsqu'il doit trancher unequestion de droit sur laquelle ils'est précédemment prononcé”.39 Code de procédure, article367 “Le juge peut, à la demandedes parties ou d'office, ordonnerla jonction de plusieurs ins-tances devant lui s'il existe entreles litiges un lien tel qu'il soit del'intérêt d'une bonne justice deles faire instruire ou ? : Code deprocédure civile algérien, article90 : “S'il a été formé précédem-ment devant un autre tribunalpour le même objet ou si lacontestation est connexe à unecause déjà pendante devant unautre tribunal, le renvoi ordonnéà la demande des parties”.40 Règlement CCI : " Les diffé-rends sont tranchés par unarbitre unique ou par troiarbitres ".41 En France, Société BKMIc/Dutco construction 7 janvier1992 Bull, civ. 1 n°2 : “le principede l'égalité des parties dans ladésignation des arbitres estd'ordre public, (qui')on ne peut yrenoncer qu'après la naissancedu litige.

Références