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MÉMOIRE Conditions psychosociales de travail et santé dans la distribution de la presse Résultats descriptifs d’une enquête épidémiologique menée en médecine du travail I. NIEDHAMMER (1) , L. BAROUHIEL (2) , G. BARRANDON (2) , J-F. CHASTANG (1) , S. DAVID (1) , A. BARRAGUÉ (2) , M.-P. GAILLIOT (2) , J. GUILMAN (2) , A. HEIM (2) , L. KERLIRZIN (2) , E. LAGUITTON (2) , M.-C. LEGET (2) (1) INSERM Unité 88 - IFR 69, Hôpital national de Saint-Maurice, 14, rue du Val d’Osne, 94415 Saint-Maurice Cedex (2) Service médical, NMPP, 52, rue Jacques Hillairet, 75012 Paris. SUMMARY: Psychosocial work environment and health in the sector of press distribution. Results from an epidemiologic survey conducted in occupational medicine. Purpose of the study The objective of this study is to present the first results from an epidemiologic survey performed in collaboration with occupational physicians in a population working in the sector of press distribution, which has been subjected to major organisational changes for several years. The aim of this survey is to evaluate psychosocial work factors among this population and their effects on various health outcomes. Methods This cross-sectional survey is based on two kinds of data collec- tion: a self-administered questionnaire and a medical questionnaire filled up by occupational physicians during compulsory medical check-up. This study presents the descriptive results for the main sociodemographic, occupational and health-related variables accord- ing to gender and work place (head office versus distribution places). Results The survey was carried out in a period of major organisational changes, including restructuring and downsizing. The participation rate for medical questionnaire was 80%, 1530 questionnaires were filled up. The participation rate was lower for self-administered questionnaire (36%), as only 697 questionnaires were returned by post. Differences were observed by gender and work place for certain studied variables. Conclusion The study of participation rate and characteristics of non- respondents underlines that organisational changes had certainly contributed to the low participation rate for self-administered ques- tionnaire. Comparisons of our results for psychosocial factors at work to those obtained in the Gazel cohort, composed of people working in the national electricity and gas company, do not show significant differences between these two populations. Further analy- ses are still needed, as well as etiologic ones. Finally, this survey points out the problems to perform epidemiologic surveys in firms or sectors in period of major organisational changes and the need to pursue these reseach efforts in such periods. RE ´ SUME ´ Objectif L’étude a pour objectif de présenter les premiers résultats d’une enquête épidémiologique réalisée en partenariat avec la médecine du travail dans une population de salariés du secteur de la distribution de la presse, secteur touché depuis plusieurs années par d’importantes restructurations. L’objectif proprement dit de l’enquête était d’éva- luer les contraintes psychosociales au travail dans cette population et leurs conséquences sur la santé. Méthodes Il s’agit d’une enquête transversale reposant sur deux types de recueil de données : un questionnaire auto-administré rempli par les salariés et un questionnaire médical rempli par les médecins lors de la visite médicale systématique. L’étude présente les résultats descrip- tifs sur les principales variables socio-démographiques, profession- nelles et de santé par sexe et selon la localisation des salariés (siège social versus centres de distribution). Résultats L’enquête s’est déroulée dans un contexte difficile pour les sala- riés, avec des restructurations incluant la fermeture d’un centre lors de l’enquête et la mise en place de plans sociaux. Le taux de participation des salariés au questionnaire médical a été de 80 %, 1 530 questionnaires médicaux ont été remplis, par contre la partici- pation a été plus faible pour le questionnaire auto-administré avec un taux de 36 %, soit 697 auto-questionnaires retournés. Des différences sont observées entre sexe et entre localisations pour certaines des variables étudiées. Conclusion L’étude de la participation et des caractéristiques des non- répondants soulignent que le contexte a certainement joué un rôle non négligeable dans le faible retour de l’auto-questionnaire. Les comparaisons des résultats obtenus avec ceux de la cohorte GAZEL, composée d’agents d’EDF-GDF dans laquelle les mêmes instru- ments d’évaluation des facteurs psychosociaux au travail ont été utilisés, ne mettent pas en évidence de différences significatives entre les deux populations au regard de ces facteurs. Néanmoins, des analyses complémentaires, y compris étiologiques, sont nécessaires pour affiner ces résultats. Finalement, l’enquête souligne les difficul- tés de réaliser des enquêtes épidémiologiques dans des entreprises ou secteurs soumis à des restructurations et pointe la nécessité de pour- suivre les efforts de recherche dans ces contextes difficiles. Tirés à part : I. Niedhammer, à l’adresse ci-dessus Mots clés : Facteurs psychosociaux au travail. Stress au travail. Santé mentale. Distribution de la presse. © Masson, Paris, 2004 Arch. mal. prof., 2004, 65, n° 4, 311-325

Conditions psychosociales de travail et santé dans la distribution de la presse

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MÉMOIRE

Conditions psychosociales de travail et santédans la distribution de la presse

Résultats descriptifs d’une enquête épidémiologique menéeen médecine du travail

I. NIEDHAMMER (1), L. BAROUHIEL (2), G. BARRANDON (2), J-F. CHASTANG (1), S. DAVID (1), A. BARRAGUÉ (2),M.-P. GAILLIOT (2), J. GUILMAN (2), A. HEIM (2), L. KERLIRZIN (2), E. LAGUITTON (2), M.-C. LEGET (2)

(1) INSERM Unité 88 - IFR 69, Hôpital national de Saint-Maurice, 14, rue du Val d’Osne, 94415 Saint-Maurice Cedex(2) Service médical, NMPP, 52, rue Jacques Hillairet, 75012 Paris.

SUMMARY: Psychosocial work environment and health inthe sector of press distribution. Results from an epidemiologicsurvey conducted in occupational medicine.

Purpose of the study

The objective of this study is to present the first results from anepidemiologic survey performed in collaboration with occupationalphysicians in a population working in the sector of press distribution,which has been subjected to major organisational changes for severalyears. The aim of this survey is to evaluate psychosocial work factorsamong this population and their effects on various health outcomes.

Methods

This cross-sectional survey is based on two kinds of data collec-tion: a self-administered questionnaire and a medical questionnairefilled up by occupational physicians during compulsory medicalcheck-up. This study presents the descriptive results for the mainsociodemographic, occupational and health-related variables accord-ing to gender and work place (head office versus distribution places).

Results

The survey was carried out in a period of major organisationalchanges, including restructuring and downsizing. The participationrate for medical questionnaire was 80%, 1530 questionnaires werefilled up. The participation rate was lower for self-administeredquestionnaire (36%), as only 697 questionnaires were returned bypost. Differences were observed by gender and work place for certainstudied variables.

Conclusion

The study of participation rate and characteristics of non-respondents underlines that organisational changes had certainlycontributed to the low participation rate for self-administered ques-tionnaire. Comparisons of our results for psychosocial factors atwork to those obtained in the Gazel cohort, composed of peopleworking in the national electricity and gas company, do not showsignificant differences between these two populations. Further analy-ses are still needed, as well as etiologic ones. Finally, this surveypoints out the problems to perform epidemiologic surveys in firms orsectors in period of major organisational changes and the need topursue these reseach efforts in such periods.

RESUME

ObjectifL’étude a pour objectif de présenter les premiers résultats d’une

enquête épidémiologique réalisée en partenariat avec la médecine dutravail dans une population de salariés du secteur de la distribution dela presse, secteur touché depuis plusieurs années par d’importantesrestructurations. L’objectif proprement dit de l’enquête était d’éva-luer les contraintes psychosociales au travail dans cette population etleurs conséquences sur la santé.Méthodes

Il s’agit d’une enquête transversale reposant sur deux types derecueil de données : un questionnaire auto-administré rempli par lessalariés et un questionnaire médical rempli par les médecins lors de lavisite médicale systématique. L’étude présente les résultats descrip-tifs sur les principales variables socio-démographiques, profession-nelles et de santé par sexe et selon la localisation des salariés (siègesocial versus centres de distribution).Résultats

L’enquête s’est déroulée dans un contexte difficile pour les sala-riés, avec des restructurations incluant la fermeture d’un centre lorsde l’enquête et la mise en place de plans sociaux. Le taux departicipation des salariés au questionnaire médical a été de 80 %,1 530 questionnaires médicaux ont été remplis, par contre la partici-pation a été plus faible pour le questionnaire auto-administré avec untaux de 36 %, soit 697 auto-questionnaires retournés. Des différencessont observées entre sexe et entre localisations pour certaines desvariables étudiées.Conclusion

L’étude de la participation et des caractéristiques des non-répondants soulignent que le contexte a certainement joué un rôlenon négligeable dans le faible retour de l’auto-questionnaire. Lescomparaisons des résultats obtenus avec ceux de la cohorte GAZEL,composée d’agents d’EDF-GDF dans laquelle les mêmes instru-ments d’évaluation des facteurs psychosociaux au travail ont étéutilisés, ne mettent pas en évidence de différences significatives entreles deux populations au regard de ces facteurs. Néanmoins, desanalyses complémentaires, y compris étiologiques, sont nécessairespour affiner ces résultats. Finalement, l’enquête souligne les difficul-tés de réaliser des enquêtes épidémiologiques dans des entreprises ousecteurs soumis à des restructurations et pointe la nécessité de pour-suivre les efforts de recherche dans ces contextes difficiles.

Tirés à part : I. Niedhammer, à l’adresse ci-dessusMots clés : Facteurs psychosociaux au travail. Stress au travail. Santé mentale. Distribution de la presse.

© Masson, Paris, 2004 Arch. mal. prof., 2004, 65, n° 4, 311-325

Les contraintes psychosociales de l’environnementprofessionnel sont reconnues depuis maintenant plu-sieurs années comme facteurs de risque pour la santé.A ce jour, deux modèles sont essentiellement utiliséspour mesurer les facteurs psychosociaux au travail, lesmodèles élaborés respectivement par Karasek et Sie-grist.

Le premier modèle, le plus ancien, permet d’évaluertrois principales dimensions de l’environnement psy-chosocial au travail : la demande psychologique (défi-nie par la charge psychologique associée à l’accom-plissement des tâches, aux tâches imprévues, auxinterruptions, aux demandes contradictoires...), la lati-tude décisionnelle (qui comprend à la fois l’autonomiedécisionnelle ou contrôle, et la possibilité d’utiliser etde développer ses compétences et qualifications) et lesoutien social (défini par l’aide et la reconnaissancedes collègues et du supérieur hiérarchique) qui a étéajouté un peu plus tard au modèle (1, 2). Selon Kara-sek, la combinaison d’une forte demande psychologi-que et d’une faible latitude décisionnelle conduit à unesituation à risque en termes d’effets sur la santé, enparticulier pour les maladies cardio-vasculaires. Cerisque serait accru par un manque de soutien social autravail.

Le second modèle repose sur un autre concept : ledéséquilibre entre les efforts fournis et les récompen-ses obtenues en retour (3, 4). Il définit deux dimen-sions, celle des efforts (contraintes professionnellesliées au temps, aux interruptions, aux responsabilités,à la charge physique, et à une exigence croissante de latâche) et celle des récompenses (estime, perspectivesde promotion et de salaire, stabilité de la situation detravail), auxquelles est ajoutée une troisième dimen-sion, le surinvestissement, qui se définit par des com-portements associés à un engagement excessif dans letravail. Selon Siegrist, un déséquilibre entre des effortsélevés et des récompenses faibles conduit à une situa-tion de détresse socio-émotionnelle, susceptibled’accroître le risque cardio-vasculaire. De plus, unniveau élevé de surinvestissement serait un facteur derisque supplémentaire.

La littérature fournit des éléments convaincantssoulignant les liens entre facteurs psychosociaux autravail et état de santé, en particulier dans le domainecardio-vasculaire mais aussi pour les affectionsmusculo-squelettiques et les pathologies mentales(5-14). Soulignons que ces affections ont une impor-tance majeure en population générale et en particulierpour les populations au travail, et qu’elles ont desconséquences considérables en termes de coûts etd’absentéisme. Pour mémoire, les maladies cardio-vasculaires représentent une des principales causes de

mortalité dans les pays industrialisés. De même, lestroubles musculo-squelettiques représentent deux tiersdes maladies professionnelles reconnues en France.

En France, les études épidémiologiques évaluant lesfacteurs psychosociaux au travail et leurs effets sur lasanté sont relativement rares, au regard du dynamismede la recherche au niveau international. Cependant,quelques grandes cohortes prospectives ciblant despopulations au travail ont intégré les risques psycho-sociaux au travail comme une problématique derecherche : il s’agit essentiellement des cohortesGAZEL, ESTEV, et plus récemment GERICOTS (15-17).

L’étude présentée ici porte sur une populationappartenant à une grande entreprise de la distributionde la presse. Ce secteur subit depuis la fin des années90 de fortes mutations, liées à une augmentation de laconcurrence, et qui ont conduit l’entreprise à d’impor-tantes restructurations et à des plans sociaux. En par-tenariat avec les services de médecine du travail sen-sibles à ces changements, et plus généralement auxcontraintes psychosociales de travail spécifiques del’entreprise et à leurs effets potentiels sur la santé, il estapparu pertinent de mener une étude épidémiologique.Les objectifs globaux de l’enquête sont d’évaluer lescontraintes psychosociales au travail dans cette popu-lation, contrastée au niveau socio-professionnel, etleurs répercussions sur divers indicateurs de l’étatsanté, l’accent étant mis sur la santé mentale. Uneattention particulière a été donnée au contexte généralde l’entreprise, en particulier aux restructurations, lorsde la réalisation de l’enquête. Les objectifs plus spéci-fiques de l’article sont ici de présenter les premiersrésultats descriptifs de l’enquête, au regard, entreautres, des facteurs psychosociaux au travail et desindicateurs de santé dans cette population. Cette des-cription sera réalisée chez les hommes et les femmes,mais également en fonction de l’implantation des sala-riés au siège social ou dans les centres de distribution,les salariés présentant des caractéristiques profession-nelles très différentes selon leur localisation.

MATÉRIELS ET MÉTHODES

Population

Les salariés concernés par cette enquête appartien-nent tous à la même entreprise de distribution de lapresse. Deux grands groupes de salariés peuvent êtredistingués, d’une part les salariés du siège social, etd’autre part les salariés des centres de distribution. Lespremiers sont situés au siège à Paris, et les secondsdans plusieurs centres situés en périphérie. Ces sala-

312 I. NIEDHAMMER ET COLL.

riés se différencient par leurs professions : des salariésayant des activités administratives et commerciales,c’est-à-dire des cadres, professions intermédiaires etemployés administratifs pour les premiers, et descadres techniques, contremaîtres ou agents de maîtriseet ouvriers pour les seconds.

Protocole

L’entreprise comptait au moment de la préparationde l’enquête environ 2 500 salariés répartis sur 7 sitesen Ile-de-France. L’enquête se centre exclusivementsur les salariés présents dans l’entreprise depuis aumoins 6 mois et recrutés en contrat à durée indétermi-née. Les autres catégories de salariés, c’est-à-dire ceuxen contrats à durée déterminée, n’ont pas été inclusdans le protocole, d’une part parce qu’ils sont relative-ment rares, et d’autre part parce qu’ils sont recrutés surdes périodes courtes (moins de 6 mois). L’enquêteconcerne donc tous les salariés de l’entreprise vus lorsde la visite médicale systématique au cours de lapériode 1999-2000. En pratique, l’enquête a en faitdébordé sur l’année 2001, les restructurations, et enparticulier la fermeture d’un centre, ayant conduit àinclure dans l’enquête les salariés mutés après leurnouvelle affectation. Le protocole prévoyait une solli-citation de chaque salarié par le médecin du travail lorsde la visite. Le salarié était donc invité à participer àl’enquête, après une brève présentation de celle-ci.Après acceptation et à l’issue de la visite, le médecinremplissait un questionnaire médical, comportant lerecueil de données biomédicales et de santé. Au préa-lable, le salarié avait reçu avec sa convocation à lamédecine du travail une lettre d’invitation del’INSERM, un auto-questionnaire et une enveloppepré-affranchie. Lors de la visite, le salarié était sollicitéde nouveau pour remplir cet auto-questionnaire en lieuet temps qui lui convenaient, de préférence au plus prèsde la visite, si cela n’avait pas déjà été fait, et à leretourner à l’aide de l’enveloppe pré-affranchie direc-tement à l’INSERM. Cet auto-questionnaire comportedes informations relatives aux caractéristiques socio-démographiques, professionnelles et de santé. Al’issue de l’enquête, tous les salariés ont reçu une lettrede remerciement, qui comprenait également un mes-sage de rappel pour les retardataires qui n’avaient pasencore retourné leur auto-questionnaire.

Le comité consultatif et la CNIL ont donné un avisfavorable à ce protocole. Toutes les précautions entermes de confidentialité ont été prises. Chaque salariés’est vu affecter un numéro d’anonymat par les méde-cins du travail, qui seuls ont la correspondance entre lenuméro et l’identité de la personne. Ce numéro a été

reporté à la fois sur le questionnaire médical rempli parle médecin et sur l’auto-questionnaire rempli directe-ment par le salarié, permettant ainsi de chaîner lesdeux types de questionnaires pour chacun des salariés.Par conséquent, le protocole prévoyait ainsi une totaleconfidentialité en ce qui concerne l’auto-question-naire, y compris au regard des services de médecine dutravail, puisqu’il était rempli par le salarié lui-même etretourné par la poste à l’INSERM seul, garantissantainsi a priori une meilleure fiabilité des donnéesrecueillies.

Une information sur l’enquête, avec une présenta-tion de l’enquête, de ses objectifs et de son protocole,a été donnée au sein de l’entreprise via plusieurscanaux : lors du CHSCT au sein de tous les établisse-ments, rencontres avec les partenaires sociaux, direc-tion et syndicats, et par le biais d’affichettes dans lesservices médicaux. Seul un centre (Ro) n’a pas étéinclus dans l’enquête, faute d’avoir pu obtenir unaccord définitif de l’ensemble des partenaires sociaux.L’enquête a donc porté sur le siège social et 5 centres.

Matériels

Les deux types de questionnaires, le questionnairemédical et l’auto-questionnaire, ont été construits enpartie à l’aide d’échelles et d’instruments déjà exis-tants et validés. Des questions spécifiques ont de plusété ajoutées pour cerner des informations plus adap-tées à l’entreprise.

L’auto-questionnaire comporte principalement :— les caractéristiques socio-démographiques :

sexe, date de naissance, situation de famille, nombred’enfants, diplôme, etc ;

— les caractéristiques professionnelles : anciennetédans l’entreprise, temps de trajet et moyen de trans-ports, horaires de travail, ancienneté dans l’horaire,satisfaction vis-à-vis des horaires de travail, les événe-ments récents dans le travail (changement de lieu detravail, de poste, d’horaires, mutation, reconversion,reclassement, formation qualifiante, restructuration duservice dans les 12 derniers mois) ;

— les conditions et contraintes de travail : les expo-sitions physiques ou chimiques (telles que bruit, tem-pératures extrêmes, poussières, produits chimiques,travail sur écran, sur des machines...), les contraintesgestuelles et posturales (position debout, positionassise, conduite d’engins, port de charges, manipula-tion d’objets en hauteur, rotations du tronc...) ;

— les contraintes psychosociales au travail : mesu-res de la demande psychologique, de la latitude déci-sionnelle et du soutien social au travail (modèle deKarasek), des efforts, des récompenses et du surinves-

ENQUÊTE ÉPIDÉMIOLOGIQUE DANS LA DISTRIBUTION DE LA PRESSE 313

tissement (modèle de Siegrist) ; les versions françaisesdes modèles ont été développées et validées précédem-ment (18, 19) ;

— les comportements vis-à-vis de la santé : prati-que sportive, consommation de tabac et d’alcool, ali-mentation ;

— trois échelles de symptômes musculo-squelettiques (cou, épaules, dos) (20) ;

— deux échelles de santé mentale (Ces-D : symp-tomatologie dépressive, GHQ-12 : bien-être psycholo-gique) (21, 22) ;

— les événements de vie au cours des 12 derniersmois ;

— l’auto-évaluation de la santé.Le questionnaire rempli par les médecins du travail

comprend entre autres :— les caractéristiques socio-démographiques :

sexe, date de naissance ;— autres caractéristiques professionnelles : lieu de

travail, fonction/profession actuelle, ancienneté dansla profession actuelle (dans le poste), durée hebdoma-daire théorique et effective de travail, pratique ponc-tuelle d’horaires atypiques et fréquence ;

— les antécédents médicaux (en particulier d’hos-pitalisation) ;

— les pathologies, le recours à une consultation et àun traitement au cours des 12 derniers mois ;

— la prise de médicaments au cours des deux der-nières semaines et, en particulier, la prise de psycho-tropes et les troubles du sommeil ;

— les absences pour maladie de plus de 21 jours etles absences pour accident de plus de 8 jours au coursdes 12 derniers mois (arrêts qui impliquent une visitede reprise en médecine du travail) ;

— les mesures de la tension artérielle et de la fré-quence cardiaque ;

— les données morphométriques : poids, taille.

Méthodes

L’étude vise à décrire la population en fonction dusexe et de la localisation du salarié (siège social versuscentres). Des méthodes statistiques de type univariécomme le test du Chi-2 ont été utilisées pour lescomparaisons portant sur deux variables qualitatives,et le test t pour la comparaison de deux moyennes. Desméthodes multivariées ont également été employées,comme la régression logistique et le modèle linéairegénéralisé. Des interactions entre le sexe et la locali-sation ont été testées à l’aide de ces deux méthodesmultivariées. Notons que si le siège et les centres sontcomparés l’un par rapport aux autres, les différentscentres ne sont pas distingués entre eux, d’une part

parce que les effectifs peuvent être faibles dans cer-tains centres, et d’autre part parce que les caractéristi-ques professionnelles sont relativement similairesentre les centres. Les analyses ont été réalisées à l’aidedu logiciel SAS (23).

RÉSULTATS

Description de la population

L’enquête a été menée sur la période 1999-2001.Elle devait initialement se dérouler sur une périoded’environ un an, afin de voir la totalité des effectifs envisite médicale systématique. Les restructurations del’entreprise n’ont pas permis de suivre à la lettre cetaspect du protocole. Parmi les 5 centres, un centre (Ru)a fermé au cours de l’enquête, obligeant à prendre encompte cette réalité. Cette fermeture a conduit à untransfert des salariés vers un autre centre (C). Cesconditions n’ont pas été favorables à l’enquête, et ontconduit à décaler l’enquête dans le centre qui devaitaccueillir les nouveaux venus. La plupart des salariésont donc été sollicités pour l’enquête au cours de lapériode 1999-2000, à l’exception d’un centre pourlequel l’enquête a été décalée entre 2000 et 2001. Pour87 % des salariés, le remplissage du questionnairemédical a été fait par les médecins entre 1999 et 2000,et pour 13 % après l’année 2000. Ces pourcentagessont respectivement de 89 % et 11 % pour le remplis-sage de l’auto-questionnaire par les salariés.

Par ailleurs, l’entreprise a été amenée à procéder àdes plans sociaux au cours de l’enquête, ce qui a réduitles effectifs de la population d’étude de manière subs-tantielle. Ces plans sociaux ont pour l’essentielconsisté à procéder à des départs à la retraite anticipéeet à des incitations au départ de l’entreprise. Une partnon négligeable des salariés concernés par l’enquêteest donc partie de l’entreprise avant d’avoir pu y par-ticiper, de plus pour certains salariés dont le départétait annoncé la motivation et l’intérêt ont certaine-ment été affectés pour participer à l’enquête.

Participation à l’enquête

La participation pour le questionnaire médical a étéla suivante : 1530 salariés ont accepté de participer aurecueil des données médicales par le médecin du tra-vail. On compte 639 salariés travaillant au siège et 891dans les centres. Le taux de participation pour le ques-tionnaire médical s’élève globalement à 80 %, maisdes différences sont observées dans la participation enfonction de la localisation des salariés (p = 0,05). Onobserve en particulier que la participation au question-

314 I. NIEDHAMMER ET COLL.

naire médical a été plus élevée au siège que dans lescentres. La participation à l’auto-questionnaire a été lasuivante : 697 salariés ont retourné leur auto-questionnaire, dont 356 salariés du siège et 341 sala-riés des centres. Le taux de participation à l’auto-questionnaire est d’un peu plus de 36 %. Laparticipation est significativement différente selon lalocalisation (p < 0,001), la participation ayant étépresque deux fois plus élevée au siège que dans lescentres. Les résultats de la participation selon la loca-lisation sont présentés dans le Tableau I.

Une comparaison a été effectuée entre les répon-dants à l’auto-questionnaire et les non-répondantsparmi les salariés pour lesquels un questionnaire médi-cal a été rempli au regard des variables disponiblesdans ce questionnaire. Cette comparaison montre queles non-répondants sont plus fréquemment des hom-mes. On observe également que plus l’âge augmente,plus la participation diminue, et cette relation est miseen évidence à la fois chez les hommes et chez lesfemmes. Le taux de participation est plus faible dans lacatégorie des professions intermédiaires et l’est encoreplus dans celle des employés administratifs et desouvriers. On note enfin une association entre la parti-cipation et certaines variables de santé, qui souligneque les personnes ayant des problèmes de santé,comme l’hypertension, des troubles du sommeil, et quiont eu au cours des 12 derniers mois au moins un arrêtde travail pour maladie, ont moins souvent répondu àl’auto-questionnaire.

Les caractéristiques socio-démographiques

L’âge moyen est significativement inférieur pour lessalariés du siège (44 ans) par comparaison à ceux descentres (46 ans). On compte 28 % de salariés de moinsde 40 ans au siège et 16 % dans les centres. La majoritédes salariés, 78 %, vivent en couple, cependant lesfemmes vivent moins souvent en couple que les hom-mes. De même, 84 % des salariés ont des enfants, leshommes ayant plus fréquemment des enfants que lesfemmes. Pour 67 % des salariés, les enfants sontencore au foyer. Les conjoints des salariés travaillentau moment de l’enquête dans 81 % des cas au siège,pour les femmes plus que pour les hommes, et dans70 % des cas dans les centres. Les différences entrelocalisations du travail et entre sexes sont significati-vement différentes pour la situation professionnelle duconjoint. Dans l’ensemble, 66 % des salariés sont pro-priétaires de leur logement, les femmes le sont moinsfréquemment que les hommes. Les salariés du siègesont plus souvent diplômés de l’enseignement supé-rieur que ceux des centres : 51 % contre 13 %. De plus,on observe des différences entre hommes et femmes :au siège, les femmes sont moins diplômées que leshommes, par contre dans les centres elles le sont plusque les hommes. 67 % des salariés ont dû faire face àun événement stressant de la sphère personnelle aucours des 12 derniers mois : les événements les plusfréquemment rencontrés sont, par ordre décroissant defréquence : achat important (20 % des salariés concer-

TABLEAU I. — Situation et effectifs des salariés au moment de l’enquête et participation à l’enquête.

Localisation Nombre desalariésavant

l’enquête(1)

Départs oumutations1

(2)

Maladie,invalidité,

décès(3)

Salariésnon vus

en médecinedu travail

(4)

Nombre desalariés pour

l’enquête(5) = (1) –

[(2) + (3) +(4)]

Nombre departicipants

auquestionnaire

médical(6)

Taux departicipation

auquestionnairemédical (%)(7) = (6)/(5)

Nombre departicipants

à l’auto-questionnaire

(8)

Taux departicipation

à l’auto-questionnaire

(%)(9) = (8)/(5)

Siège 788 51 8 24 705 639 90,6 356 50,5

Centre L 261 23 0 6 232 173 74,6 50 21,6

Centre B 163 21 6 1 135 116 85,9 34 25,2

Centre C 555 65 38 9 443 305 68,8 120 27,1

Centre S 242 16 16 2 208 151 72,6 69 33,2

Autrescentres2

244 13 2 45 184 146 79,3 68 37,0

Total 2 253 189 70 87 1 907 1 530 80,2 697 36,5

1 Départs (retraites, préretraites, départs négociés, démissions...) ou mutations (vers une filiale ou vers la province) juste avantl’enquête ou en cours d’enquête. Notons que 3 salariés sont inclus dans cette catégorie, alors qu’ils sont en congés parentaux ousabbatiques.2 Autres centres, dont les effectifs restreints ont été regroupés.

ENQUÊTE ÉPIDÉMIOLOGIQUE DANS LA DISTRIBUTION DE LA PRESSE 315

nés), maladie grave/accident/hospitalisation duconjoint ou d’un proche (17 %), décès d’un proche(15 %), déménagement (13 %), difficultés à rembour-ser des crédits (11 %), et maladie grave/accident/hospitalisation du salarié lui-même (10 %). Les autresévénements ont concerné moins de 10 % des salariés.Le Tableau II synthétise les résultats sur les caractéris-tiques socio-démographiques.

Les conditions de travail

Une partie des caractéristiques professionnellesétait recueillie dans le questionnaire médical. La dis-tribution de la catégorie socio-professionnelle est trèsdifférente au siège et dans les centres, comme cela était

attendu : 27 % sont des cadres administratifs et ingé-nieurs au siège contre 3 % dans les centres, 48 % sontdes professions intermédiaires administratives, techni-ciens et agents de maîtrise au siège contre 25 % dansles centres, 23 % sont des employés administratifs ausiège contre 4 % dans les centres, et 2 % sont desouvriers au siège contre 68 % dans les centres. Lesdistributions sont également très différentes entrehommes et femmes : les femmes travaillent moinsfréquemment comme cadres administratifs et ingé-nieurs et également moins comme ouvrières, ce sontpar contre plus souvent des employées administrativesque les hommes. En lien avec les différences de struc-tures d’âge entre le siège et les centres, l’anciennetédans la fonction est de 7 ans en moyenne au siège et de10 ans dans les centres. Que ce soit au siège ou dans les

TABLEAU II. — Description de la population en fonction des caractéristiques socio-démographiques.

Siège Centres

Hommes Femmes Hommes Femmes

N % N % N % N %

Age (ans)1

Moins de 30 13 3,8 10 3,4 2 0,2 0 0

30-39 92 27,1 67 22,5 132 15,6 6 12,8

40-49 131 38,5 114 38,3 397 47,0 17 36,2

50 ou plus 104 30,6 107 35,9 313 37,1 24 51,1

Situation de famille

Seul(e) 30 15,5 50 31,3 68 21,9 4 25,0

En couple 163 84,5 110 68,8 243 78,1 12 75,0

Nombre d’enfants

0 25 13,2 37 23,6 37 12,3 4 25,0

1 50 26,3 41 26,1 78 25,9 3 18,8

2 82 43,2 65 41,4 122 40,5 7 43,8

3 ou plus 33 17,4 14 8,9 64 21,3 2 12,5

Diplôme

< Bac 51 26,4 82 51,3 253 81,4 8 50,0

Bac 22 11,4 17 10,6 18 5,8 5 31,3

> Bac 120 62,2 61 38,1 40 12,9 3 18,8

Evénements personnels2

0 70 36,3 55 34,4 96 30,9 5 31,3

1 61 31,6 43 26,9 100 32,2 4 25,0

2 39 20,2 33 20,6 66 21,2 4 25,0

3 ou plus 23 11,9 29 18,1 49 15,8 3 18,8

1 Variable issue du questionnaire médical, les autres variables provenant de l’auto-questionnaire.2 Au cours des 12 derniers mois parmi les événements suivants : mariage, naissance ou adoption, séparation ou divorce, départd’enfant(s) du foyer, maladie grave, accident, hospitalisation de la personne, maladie grave, accident, hospitalisation du conjoint,décès du conjoint, décès d’un proche, chômage du conjoint, cessation d’activité ou retraite du conjoint, achat important, diffıcultés àrembourser des crédits ou emprunts, déménagement.

316 I. NIEDHAMMER ET COLL.

centres, la durée hebdomadaire de travail est de 35heures, auxquelles s’ajoutent une moyenne de 4 heuressupplémentaires (payées ou non) par semaine au siègeet 2 heures dans les centres.

Les données recueillies dans l’auto-questionnairepermettent d’évaluer les conditions de travail etl’exposition à diverses contraintes et expositions pro-fessionnelles, et en particulier l’exposition aux fac-teurs psychosociaux au travail ; ceux-ci serontdétaillés dans le paragraphe suivant. L’anciennetédans l’entreprise est d’environ 17 ans en moyennepour les salariés du siège et de 21 ans pour les salariésdes centres. Les temps de trajet quotidiens (aller-retourentre le domicile et le lieu de travail) sont en moyennede 85 minutes pour les salariés du siège et de 75minutes pour ceux des centres. Les transports en com-mun sont le moyen de transport dominant pour lessalariés du siège (64 % les utilisent) alors que lessalariés des centres sont 86 % à prendre leur voiture. Anoter que la proximité du métro du siège social expli-que certainement ce résultat. Les horaires de travailsont majoritairement des horaires de jour classiquespour les salariés du siège, et plus généralement pourles femmes, pour 94 % d’entre eux. Pour les hommesdes centres, les horaires sont plus hétérogènes : 26 %sont en horaire de jour classique, 22 % en horaires dumatin, 18 % en horaires d’après-midi et 19 % en horai-res de nuit, les autres ayant des horaires alternantsincluant ou non des nuits. L’ancienneté dans les horai-res de travail est de 11 ans pour les salariés du siège, etde 8 ans en moyenne pour les salariés des centres.Notons que 25 % des hommes des centres ont uneancienneté de moins d’un an dans les horaires detravail actuels. La majorité des salariés sont dansl’ensemble satisfaits de leurs horaires, plus fréquem-ment les salariés du siège et les femmes (plus de 90 %plutôt satisfaits ou très satisfaits) que les hommes dansles centres (76 %). De par les différences de profes-sions et de fonctions, les salariés du siège sont 38 % àtravailler dans un bureau seul, 59 % dans un bureaupartagé, 5 % dans des locaux techniques, et 4 % àl’extérieur, alors que 10 % des hommes des centrestravaillent dans un bureau seul, 27 % dans un bureaupartagé, 69 % dans des locaux techniques et 11 % àl’extérieur, sachant que des salariés peuvent à la foisêtre dans des bureaux, des locaux techniques et àl’extérieur. Un rôle d’encadrement, les déplacements,les contacts avec le public et le travail sur écran sontplus fréquemment rencontrés au siège que dans lescentres, par contre la polyvalence, le travail sur desmachines, les expositions au froid, au chaud, au bruitet aux poussières sont plus fréquents dans les centres.De plus, on note des différences entre hommes et

femmes, les hommes ayant plus souvent un rôled’encadrement et des déplacements à effectuer que lesfemmes. Les hommes des centres sont plus exposésque les autres salariés à l’ensemble des contraintesposturales et gestuelles : position debout, conduited’engins, port de charges, position penchée en avant,manipulation d’objets en hauteur et rotations du tronc.La majorité des salariés sont dans l’ensemble satisfaitsde leur travail, plus fréquemment les salariés du siège(84 % plutôt ou très satisfaits) que dans les centres(76 %), et plus souvent les femmes que les hommes.Les hommes des centres sont les plus nombreux àavoir été confrontés à des événements professionnelsstressants au cours des 12 derniers mois, 46 % d’entreeux ont vécu au moins un événement professionnelmarquant au cours des 12 derniers mois. Ce pourcen-tage est de 41 % pour les femmes du siège, de 33 %pour les hommes du siège et de 19 % pour les femmesdes centres. Les événements les plus fréquents sont lechangement de poste ou de fonction (22 % des salariésdu siège et des centres ont été concernés par ce typed’événement), la restructuration du service (11 % dessalariés du siège et des centres), mais aussi, pour lessalariés des centres, le changement de lieu de travail(24 % des salariés des centres) et le changementd’horaires de travail (25 % des salariés des centres),ces deux derniers événements étant souvent liés. LeTableau III présente les résultats pour les caractéristi-ques professionnelles.

L’exposition aux facteurs psychosociauxau travail

Pour la demande psychologique du modèle de Kara-sek, on observe que la demande psychologique est plusfréquemment élevée au siège que dans les centres, etceci est d’autant plus vrai chez les hommes. En effet,60 % des hommes du siège ont une demande psycho-logique élevée contre 39 % chez les hommes des cen-tres. La latitude décisionnelle est plus fréquemmentfaible dans les centres pour les hommes : 25 % deshommes au siège ont une faible latitude contre 73 %dans les centres. L’étude des deux sous-dimensions dela latitude conduit à un résultat similaire ; les hommesdes centres ont plus souvent une faible utilisation descompétences et une faible autonomie décisionnelleque ceux du siège. Un manque de soutien social estplus fréquemment observé dans les centres qu’ausiège. En particulier, on note que le soutien de lahiérarchie et le soutien des collègues est plus souventfaible dans les centres qu’au siège. Quand on étudie lasituation considérée comme à risque par Karasek, qui

ENQUÊTE ÉPIDÉMIOLOGIQUE DANS LA DISTRIBUTION DE LA PRESSE 317

TABLEAU III. — Description de la population en fonction des caractéristiques professionnelles.

Siège Centres

Hommes Femmes Hommes Femmes

N % N % N % N %

Profession1

Cadres administratifs, ingénieurs 117 34,5 52 17,5 24 2,8 3 6,4Professions intermédiaires 175 51,6 128 43,1 212 25,1 13 27,7Employés administratifs 31 9,1 117 39,4 5 0,6 30 63,8Ouvriers 16 4,7 0 0 603 71,4 1 2,1

Horaires de travailJour 176 91,2 155 96,9 82 26,4 15 93,8Matin 5 2,6 2 1,3 70 22,5 1 6,3Après-midi 5 2,6 2 1,3 57 18,3 0 0Nuit 2 1,0 0 0 58 18,6 0 0Alternants sans nuits 4 2,1 1 0,6 24 7,7 0 0Alternants avec nuits 1 0,5 0 0 20 6,4 0 0

Satisfaction des horairesTrès satisfait(e) 54 28,7 47 30,5 56 18,4 8 50,0Plutôt satisfait(e) 118 62,8 91 59,1 175 57,4 7 43,8Plutôt insatisfait(e) 15 8,0 14 9,1 39 12,8 1 6,3Très insatisfait(e) 1 0,5 2 1,3 35 11,5 0 0

Contraintes et expositionsPolyvalence 103 53,4 66 41,3 219 70,4 4 25,0Encadrement 106 54,9 48 30,0 95 30,5 8 50,0Déplacements 73 37,8 34 21,3 26 8,4 1 6,3Contact avec le public 74 38,3 65 40,6 52 16,7 6 37,5Travail sur écran 176 91,2 152 95,0 191 61,4 16 100,0Travail sur des machines 10 5,2 3 1,9 96 30,9 0 0Exposition au froid 6 3,1 4 2,5 68 21,9 1 6,3Exposition au chaud 7 3,6 3 1,9 73 23,5 1 6,3Exposition au bruit 28 14,5 20 12,5 196 63,0 4 25,0Exposition à la poussière 9 4,7 4 2,5 137 44,1 1 6,3Exposition à des produits chimiques 6 3,1 2 1,3 17 5,5 0 0

Contraintes gestuelles et posturales2

Position debout 2 1,0 3 1,9 113 36,3 0 0Conduite d’engins 3 1,6 0 0 15 4,8 1 6,3Port de charges 2 1,0 1 0,6 33 10,6 0 0Position penchée en avant 1 0,5 2 1,3 23 7,4 0 0Manipulation en hauteur 1 0,5 1 0,6 22 7,1 0 0Rotations du tronc 3 1,6 2 1,3 37 11,9 0 0

Satisfaction au travailTrès satisfait(e) 37 20,2 19 12,3 28 9,5 4 26,7Plutôt satisfait(e) 112 61,2 116 74,8 193 65,6 10 66,7Plutôt insatisfait(e) 29 15,8 19 12,3 57 19,4 1 6,7Très insatisfait(e) 5 2,7 1 0,6 16 5,4 0 0

Evénements professionnels3

0 130 67,4 94 58,8 167 53,7 13 81,31 36 18,7 38 23,8 49 15,8 1 6,22 18 9,3 11 6,9 45 14,5 1 6,23 ou plus 9 4,7 17 10,6 50 16,1 1 6,2

1 Variable issue du questionnaire médical, les autres variables provenant de l’auto-questionnaire.2 N et % de sujets exposés « tout le temps ».3 Au cours des 12 derniers mois, parmi les événements suivants : changement de lieu de travail, changement de poste/fonction,changement d’horaires, mutation, reconversion, reclassement, formation qualifiante, restructuration du service.

318 I. NIEDHAMMER ET COLL.

est la combinaison d’une forte demande et d’une faiblelatitude, on observe que 25 % des hommes des centressont exposés à une telle situation, contre 14 % pour leshommes au siège. De même, la combinaison d’uneforte demande, d’une faible latitude et d’un faiblesoutien est également plus fréquente dans les centres,puisque 18 % des hommes des centres y sont exposéscontre 11 % des hommes au siège. De plus, les hom-mes sont plus exposés que les femmes à un tel cumul.

La dimension des efforts du modèle de Siegristconfirme les résultats trouvés pour la demande psy-chologique, à savoir que les salariés du siège sont plusfréquemment exposés à des efforts élevés, et plus les

hommes que les femmes. Pour les récompenses,aucune différence n’est observée entre le siège et lescentres, et entre les hommes et les femmes. Quant onétudie les sous-dimensions des récompenses, l’estime,les perspectives de promotion et la sécurité de l’emploisont similaires quels que soient la localisation et lesexe des salariés. Pour l’exposition à un déséquilibreentre des efforts élevés et des récompenses faibles, onn’observe pas de différences significatives entre lessalariés selon leur sexe et leur localisation. Le surin-vestissement diffère selon le sexe et la localisation. Leshommes ont des niveaux plus élevés de surinvestisse-ment que les femmes, les salariés du siège plus que

TABLEAU IV. — Description de la population en fonction des facteurs psychosociaux au travail définis par les modèles de Karasek et de Siegrist.

Siège Centres

Hommes Femmes Hommes Femmes

N % N % N % N %

MODÈLE DE KARASEK

Demande psychologique

Faible 78 40,4 85 53,8 186 61,4 8 53,3

Forte 115 59,6 73 46,2 117 38,6 7 46,7

Latitude décisionnelle

Forte 145 75,1 99 62,3 83 27,4 12 80,0

Faible 48 24,9 60 37,7 220 72,6 3 20,0

Soutien social

Fort 118 61,8 104 66,7 114 37,7 9 56,3

Faible 73 38,2 52 33,3 188 62,3 7 43,8

Exposition au job strain1 28 14,5 20 12,7 75 24,8 0 0

Exposition à l’isotrain2 21 11,0 10 6,5 53 17,7 0 0

MODÈLE DE SIEGRIST

Efforts

Faibles 76 41,8 72 47,4 159 56,8 9 60,0

Forts 106 58,2 80 52,6 121 43,2 6 40,0

Récompenses

Fortes 90 49,2 72 51,1 122 45,9 7 50,0

Faibles 93 50,8 69 48,9 144 54,1 7 50,0

Surinvestissement

Faible 98 51,3 104 66,7 223 74,1 11 68,8

Fort 93 48,7 52 33,3 78 25,9 5 31,3

Exposition au déséquilibreefforts-récompenses3

12 6,8 9 6,4 8 3,1 0 0

1 Exposition simultanée à une forte demande et une faible latitude.2 Exposition simultanée à une forte demande, une faible latitude et un faible soutien.3 Exposition à une situation telle que le ratio efforts/récompenses soit supérieur à 1.

ENQUÊTE ÉPIDÉMIOLOGIQUE DANS LA DISTRIBUTION DE LA PRESSE 319

ceux des centres. Les résultats sont présentés dans leTableau IV.

Les indicateurs de santé

Les comportements à risque

La pratique d’un sport est plus fréquente dans lescentres qu’au siège pour les hommes : 31 % des hom-mes des centres pratiquent un sport plus d’une fois parsemaine, contre 19 % parmi ceux du siège. La réparti-tion des femmes selon leur statut tabagique ne diffèrepas selon leur localisation. Par contre, on observe desdifférences pour les hommes : la prévalence defumeurs et d’ex-fumeurs est plus importante dans lescentres qu’au siège. L’exposition au tabagisme passifau travail est plus fréquente dans les centres qu’ausiège, et plus élevée chez les hommes que chez lesfemmes. Les données concernant la consommationd’alcool ne mettent pas en évidence de différencesdans la consommation des salariés du siège et des

centres. Plusieurs indicateurs portant sur l’alimenta-tion montrent des différences entre hommes et fem-mes, les femmes consommant moins d’aliments frits etplus de légumes cuits et crudités. Le Tableau V pré-sente le détail des résultats.

Les échelles de symptômes de l’auto-questionnaire

Plusieurs échelles ont été utilisées dans l’auto-questionnaire, elles portent pour l’une d’entre elles surdes symptômes musculo-squelettiques, et pour lesdeux autres sur des symptômes de santé mentale. Lapremière échelle permet d’évaluer les douleurs auniveau du cou, au bas du dos et aux épaules. Ne sontprésentées ici que les douleurs « vie entière ». Pour lestrois localisations, la fréquence des douleurs est simi-laire au siège et dans les centres. On note cependantque les femmes déclarent plus fréquemment des dou-leurs que les hommes pour le cou et les épaules. Lesdeux échelles de santé mentale utilisées permettentl’évaluation de la symptomatologie dépressive et de la

TABLEAU V. — Description de la population en fonction des variables relatives à des comportements de santé.

Siège Centres

Hommes Femmes Hommes Femmes

N % N % N % N %

Pratique sportive plus d’une foispar semaine

36 18,7 40 25,0 96 31,1 3 20,0

Tabac

Fumeur 59 30,6 51 31,9 103 33,3 5 31,3

Non fumeur 75 38,9 88 55,0 98 31,7 9 56,3

Ex-fumeur 59 30,6 21 13,1 108 35,0 2 12,5

Tabagisme passif au travail(exposition considérée comme forte)

23 12,0 14 9,0 53 17,3 0 0

Alcool1

Abstinent 41 21,2 50 31,3 82 26,7 9 56,3

Petit buveur 70 36,3 73 45,6 98 31,9 5 31,3

Moyen buveur 39 20,2 30 18,8 45 14,7 0 0

Gros buveur 43 22,3 7 4,4 82 26,7 2 12,5

Alimentation

Charcuterie tous les jours 5 2,6 4 2,6 13 4,3 0 0

Jamais de poisson 28 14,6 22 13,8 60 19,7 1 6,7

Aliments frits 2 fois/semaine ou plus 26 13,5 6 3,8 29 9,5 0 0

Jamais de légumes cuits 23 11,9 8 5,0 43 14,1 1 6,3

Jamais de crudités 12 6,2 4 2,5 27 8,8 0 0

Desserts sucrés tous les jours 27 14,2 23 14,5 63 20,6 3 18,8

Jamais de fruits frais 19 9,9 12 7,5 40 13,1 1 6,3

1 Petit buveur : 1-6 verres par semaine, moyen buveur : 7-13 verres par semaine, gros buveur : 14 verres ou plus par semaine

320 I. NIEDHAMMER ET COLL.

détresse psychologique. Les fréquences de la détressepsychologique et de la symptomatologie dépressive nesont pas différentes entre le siège et les centres. Notonsque les femmes ont plus souvent un niveau élevé dedétresse psychologique. Enfin, une question étaitposée dans l’auto-questionnaire sur l’auto-évaluationde la santé. La très grande majorité (plus de 90 %) dessalariés déclarent être dans un bon état de santé (plutôtbon ou très bon). Aucune différence n’est observée enfonction du sexe et de la localisation. Le Tableau VIprésente le détail des résultats.

Les données médicales du questionnaire médical

Le passé médical a été abordé à l’aide d’indicateursrelatifs aux hospitalisations passées et aux antécédentsmédicaux. Les hospitalisations passées ont été plusfréquentes chez les salariés des centres que chez ceuxdu siège, puisque 81 % des salariés des centres et 72 %de ceux du siège ont déjà été hospitalisés au moins unefois. Les trois principales causes d’hospitalisation sontpar ordre décroissant de fréquence : les maladies del’appareil digestif (42 %), les lésions traumatiques(23 %), et les maladies de l’appareil respiratoire(12 %), qui ont concerné chacune plus de 10 % desalariés. Notons que 29 % des salariés des centres ontdans le passé subi une hospitalisation pour une lésiontraumatique contre 14 % chez ceux du siège. L’étudedes antécédents de facteurs de risque et maladiescardio-vasculaires montre que les hommes sont plusnombreux que les femmes à avoir des antécédentsd’hypercholestérolémie et de diabète. Le bilan médi-cal porte sur quelques grands groupes de pathologies,en particulier les affections cardio-vasculaires, lesmaladies endocriniennes et métaboliques, et les affec-tions psychiques et nerveuses. Le Tableau VI présenteune sélection de ces résultats. Notons que des différen-ces sont observées entre les salariés du siège et ceuxdes centres pour l’hypertension, les salariés des cen-tres ayant souffert plus fréquemment d’hypertension,et ayant également plus souvent consulté et suivi untraitement pour un problème d’hypertension au coursdes 12 derniers mois. Des différences significativessont observées entre hommes et femmes, la prévalencede l’hypercholestérolémie, de l’hypertriglycéridémieet du diabète, les consultations et les traitements étantplus fréquents chez les hommes. Par contre, les trou-bles du sommeil, l’anxiété, et la dépression le sont pluschez les femmes, y compris pour les consultations etles traitements. La prise de médicaments au cours des2 dernières semaines concernait plus les femmes queles hommes. Les raisons de la prise médicamenteuserelevaient essentiellement des maladies vues précé-demment : maladies de l’appareil circulatoire (13 %),

maladies endocriniennes et métaboliques (12 %) etégalement troubles mentaux et du comportement(9 %). La prise de psychotropes concernait 10 % dessalariés du siège et 11 % de ceux des centres, plus lesfemmes que les hommes. La prescription portait sur-tout sur des anxiolytiques, mais aussi sur des hypnoti-ques et des antidépresseurs. Les salariés des centresavaient plus de difficultés d’endormissement que ceuxdu siège et les femmes rencontraient plus fréquem-ment des problèmes de rendormissement que les hom-mes. Le questionnaire médical comportait le recueil del’absentéisme pour maladie et accident ayant nécessitéune visite de reprise au cours des 12 derniers mois. Ausiège, la fréquence d’au moins un arrêt pour maladiede plus de 21 jours au cours des 12 derniers mois estplus élevée chez les femmes que chez les hommes.Dans les centres, les arrêts pour maladie sont plusfréquents qu’au siège, mais leur fréquence ne diffèrepas entre hommes et femmes. La première raisond’arrêt pour les salariés du siège était liée à des affec-tions mentales ; pour ceux des centres, les raisonsétaient par ordre décroissant de fréquence : les lésionstraumatiques, les maladies ostéo-articulaires, lesmaladies des appareils digestif et circulatoire et lesaffections mentales. Les arrêts pour accidents de plusde 8 jours ont concerné moins de 1 % des salariés dusiège et 7 % des salariés des centres, et plus les hom-mes que les femmes. Enfin, quelques données étaientmesurées directement par le médecin du travail, enparticulier le poids et la taille. La mesure du poids et dela taille permet de constater que la prévalence desurpoids (IMC = poids/taille2 supérieur ou égal à27 kg/m2) était plus élevée chez les hommes et chezles salariés des centres.

DISCUSSION

Résumé des résultats

Une enquête a été réalisée auprès des salariés d’unegrande entreprise de distribution de la presse dans uncontexte d’importantes restructurations de l’entrepriseet de plans sociaux. Son objectif est d’étudier lescontraintes psychosociales au travail de cette popula-tion et leurs effets sur la santé. Cette enquête a étéréalisée dans le cadre d’un partenariat entre la méde-cine du travail et la recherche épidémiologique et aconsisté à recueillir des informations à la fois directe-ment auprès des salariés via un questionnaire auto-administré et par le biais d’un questionnaire médicalrempli par les médecins du travail. La participation aété élevée pour le questionnaire médical avec un tauxde participation de 80 %, elle l’a été beaucoup moins

ENQUÊTE ÉPIDÉMIOLOGIQUE DANS LA DISTRIBUTION DE LA PRESSE 321

TABLEAU VI. — Description de la population en fonction des indicateurs de santé.

Siège Centres

Hommes Femmes Hommes Femmes

N % N % N % N %

AUTO-QUESTIONNAIRE

Symptômes musculo-squelettiques1

Douleurs au niveau du cou 83 43,0 96 60,0 140 46,5 10 62,5Douleurs au niveau du bas du dos 114 59,1 103 64,4 185 60,9 12 75,0Douleurs au niveau des épaules 44 22,8 59 36,9 93 30,8 5 31,3

CES-DScore élevé de symptomatologiedépressive

34 17,9 27 17,3 72 24,2 6 37,5

GHQ-12Score élevé de détresse psychologique 37 19,2 49 30,8 65 21,4 5 31,3

Etat de santé perçuTrès bon 42 22,0 26 16,5 40 13,0 2 12,5Plutôt bon 135 70,7 115 72,8 235 76,5 12 75,0Plutôt mauvais 13 6,8 17 10,8 29 9,4 2 12,5Très mauvais 1 0,5 0 0 3 1,0 0 0

QUESTIONNAIRE MÉDICAL

Passé médicalHospitalisation 241 70,9 221 74,2 683 80,9 39 83,0Antécédents d’hypertension 64 18,8 53 17,8 194 23,0 8 17,0Antécédents d’hypercholestérolémie 89 26,2 42 14,1 238 28,2 7 14,9Antécédents de diabète 24 7,1 10 3,4 70 8,3 1 2,1Antécédents de maladiescardio-vasculaires

17 5,0 11 3,7 48 5,7 2 4,3

Bilan médical (12 derniers mois)A souffert d’hypertension 27 7,9 31 10,4 123 14,6 5 10,6A souffert d’hypercholestérolémie 49 14,4 18 6,0 145 17,2 4 8,5A souffert d’hypertriglycéridémie 21 6,2 4 1,3 46 5,5 1 2,1A souffert de diabète 6 1,8 1 0,3 47 5,6 0 0A souffert de troubles du sommeil 27 7,9 46 15,4 76 9,0 8 17,0A souffert d’anxiété 43 12,6 69 23,2 60 7,1 13 27,7A souffert de dépression 12 3,5 45 15,1 32 3,8 6 12,8

Suivi d’un régime alimentaire 45 13,4 40 13,4 96 11,4 6 12,8

Prise de médicaments2 115 33,8 183 61,4 369 43,7 25 53,2

Prise de psychotropes2 21 6,2 43 14,4 92 10,9 7 14,9

Troubles du sommeil

Difficultés d’endormissement3 15 4,4 19 6,4 66 7,8 4 8,6

Problèmes de rendormissement4 42 12,3 57 19,1 117 13,9 8 17,1

Absentéisme pour raison de santé5

Au moins un arrêt pour maladie (arrêt deplus de 21 jours)

4 1,2 16 5,4 92 10,9 5 10,6

Au moins un arrêt pour accident (arrêtde plus de 8 jours)

4 1,2 1 0,3 61 7,2 0 0

Surpoids (IMC ≥ 27 kg/m2) 75 22,1 45 15,1 343 40,7 11 23,4

1 Douleurs au cours de la vie passée.2 Au cours des deux dernières semaines.3 Diffıcultés déclarées comme plutôt importantes ou très importantes.4 Problèmes déclarés comme plutôt importants ou très importants.5 Au cours des 12 derniers mois.

322 I. NIEDHAMMER ET COLL.

pour le questionnaire auto-administré (36 %). Unecomparaison des non-participants aux participantspermet de mieux cerner les facteurs ayant influencé laparticipation. Une analyse descriptive des caractéristi-ques socio-démographiques, professionnelles et desanté a été menée sur la population d’étude. Des diffé-rences notables ont été observées entre les hommes etles femmes et entre les salariés travaillant au siègesocial et ceux situés dans les centres de distribution dela presse. L’étude des facteurs psychosociaux au tra-vail, qui sont les principales variables d’intérêt, montreque les expositions à des contraintes telles qu’une fortedemande psychologique, une faible latitude décision-nelle, un faible soutien social au travail, ou encore undéséquilibre entre des efforts élevés et des récompen-ses faibles, ne sont pas différentes de celles observéesdans une autre population utilisée comme référence (lacohorte GAZEL). Néanmoins des analyses ultérieuressont nécessaires pour affiner ces résultats. D’autrepart, des analyses étiologiques sont prévues pour ana-lyser les relations entre ces facteurs et divers indica-teurs de santé.

Limites de l’enquête

Plusieurs limites à cette enquête peuvent être discu-tées. La première et principale limite porte sur le tauxde participation. Autant le taux de participation auquestionnaire médical (80 %) est très satisfaisant,autant celui pour l’auto-questionnaire (36 %) peut êtreconsidéré comme faible. Deux éléments peuvent êtresoulignés sur ce point. Le premier est que, d’unemanière générale, un questionnaire qui doit êtreretourné par la poste, même s’il a l’avantage de laconfidentialité, présente souvent l’inconvénientd’avoir un plus faible taux de participation qu’un ques-tionnaire posé par un enquêteur. Dans ce sens, notonsque d’autres enquêtes ont également eu des taux departicipation relativement faibles, exemple la cohorteGAZEL avec 44 % de taux de participation (15). Lesecond élément est directement lié au contexte danslequel notre enquête s’est déroulée. Les restructura-tions importantes qu’a connues l’entreprise, et lesplans sociaux qui les ont accompagnées, ont rendu lecontexte difficile et peu serein pour la populationconcernée par l’enquête. L’étude des caractéristiquesdes non-participants montre qu’ils se différencient desparticipants sur plusieurs points, en particulier l’âge.On est en droit de penser que cette différence estétroitement liée à l’annonce des plans sociaux, qui ontpour l’essentiel concerné les plus âgés de l’entreprise,auxquels des retraites anticipées ont été proposées. Un

nombre substantiel de ces salariés encore dans l’entre-prise étaient lors du déroulement de l’enquête dansl’attente de telles propositions, et se sont donc peut-être sentis peu concernés par l’enquête. Les autresdifférences observées montrent que les non-participants étaient plus fréquemment des hommes,des salariés des catégories socio-professionnelles desprofessions intermédiaires, et, plus encore, desemployés et des ouvriers, et ceux ayant des problèmesde santé. Ces différences sont concordantes avec desrésultats obtenus dans d’autres enquêtes (15).

Dans la mesure du possible, les instruments qui ontété utilisés dans cette enquête proviennent d’échellesdéjà existantes et validées, y compris en langue fran-çaise. C’est le cas en particulier pour les échellesd’évaluation des facteurs psychosociaux au travail,mais aussi pour des échelles de santé (douleursmusculo-squelettiques et santé mentale). L’utilisationde telles échelles présente l’avantage d’utiliser dumatériel déjà existant et surtout de pouvoir réaliser descomparaisons avec les résultats d’autres études. Néan-moins, comme tout instrument auto-administré, lesrésultats obtenus peuvent être entachés de biais dedéclaration liés par exemple à des phénomènes dedésirabilité sociale ou d’affectivité négative. De plus,le contexte a peut-être contribué à renforcer ce biais dedéclaration.

Les résultats présentés ici se veulent descriptifs del’enquête, de son protocole et de ses objectifs et despremiers résultats. L’objectif était donc de présenterles résultats descriptifs de la population d’étude auregard des principales variables extraites du question-naire auto-administré et du questionnaire médical.Notons que nous avons opéré une sélection, et quetoutes les variables de l’enquête n’ont pas pu êtreprésentées. Il a semblé utile de présenter ces résultatsséparément chez les hommes et les femmes, des résul-tats antérieurs ayant montré que par bien des aspects,professionnels et médicaux, les femmes diffèrent deshommes et que ces différences sont souvent négligées(24). D’autre part, il est paru nécessaire de distinguerles salariés selon leur localisation de travail, les sala-riés du siège présentant des caractéristiques profes-sionnelles très différentes de ceux des centres. Cepen-dant, les différences observées entre les salariéspeuvent être difficiles à interpréter, en particulier parcequ’elles peuvent s’expliquer par des facteurs non prisen compte dans les comparaisons. Il convient donc derester prudents quant à l’interprétation des différencessignificatives observées dans cette étude, qui peuventne pas s’expliquer uniquement par des différencesentre sexes ou entre localisations de travail.

ENQUÊTE ÉPIDÉMIOLOGIQUE DANS LA DISTRIBUTION DE LA PRESSE 323

Comparaison avec les données de la littérature

Afin de comparer les résultats descriptifs de cetteétude à des résultats antérieurs, le choix a été fait de lescomparer à ceux obtenus dans la cohorte GAZEL.Notons que peu d’enquêtes épidémiologiques sont dis-ponibles et utilisent les mêmes instruments. L’avan-tage de la cohorte GAZEL est de fournir des donnéespour une population large et variée au niveau socio-professionnel, et qui bénéficie d’un statut stable. Lescomparaisons qui ont été effectuées portent pourl’essentiel sur les facteurs psychosociaux au travail,qui sont les variables d’intérêt ici. Les moyennes pourles dimensions du modèle de Karasek ont été calculéeset comparées à celles obtenues dans la cohorteGAZEL (19). Les moyennes ne sont pas significative-ment différentes entre les deux populations pour lademande psychologique, la latitude décisionnelle et lesoutien social, les hommes et les femmes étant analy-sés séparément. Pour le modèle de Siegrist, la compa-raison a porté sur la prévalence de salariés exposés à undéséquilibre efforts-récompenses, et les prévalencesdans les deux populations ont été comparées. Dans lacohorte GAZEL, la prévalence du déséquilibre était de6 % chez les hommes et 7 % chez les femmes (25). Lesprévalences obtenues dans la distribution de la pressene diffèrent pas de celles obtenues dans GAZEL.Notons enfin qu’un gradient social est observé dansl’exposition aux facteurs psychosociaux, en particulierchez les hommes ; les hommes des centres, qui sont engrande majorité des ouvriers, présentent des situationsplus défavorables au regard des risques psychosociauxau travail que les hommes du siège (voir les dimen-sions du modèle de Karasek en l’occurrence). Cesdifférences socio-professionnelles ont déjà été obser-vées dans d’autres populations (26).

Perspectives

Les résultats présentés ici tentent de décrire trèsglobalement la population d’étude et ses caractéristi-ques. Des analyses de type étiologique seront réaliséesultérieurement pour étudier les associations entre dif-férents types de variables, en particulier entre les fac-teurs psychosociaux au travail et les indicateurs desanté. Ajoutons que la collecte des épisodes d’absen-téisme pour raison de santé ayant conduit à une visitede reprise a été entreprise depuis la réalisation del’enquête, de manière à fournir un suivi prospectif desproblèmes de santé les plus sévères dans cette popula-tion de salariés.

CONCLUSION

L’étude des risques psychosociaux au travail enFrance reste un secteur marginal dans le domaine del’épidémiologie des risques professionnels. Pourtant,dans nos sociétés occidentales, même si des risquesphysico-chimiques au travail persistent, on admet queles risques psychosociaux au travail constituent desenjeux majeurs pour le futur. Jusqu’à présent, lesenquêtes épidémiologiques dans des populations autravail, incluant des secteurs d’activité et des profes-sions variés, restent rares, une des exceptions étantl’enquête ESTEV. D’autres enquêtes portent sur dessecteurs particuliers comme la cohorte GAZEL, cons-tituée d’agents d’EDF-GDF. Par contre, peu ou pasd’informations sont disponibles sur les risques psy-chosociaux au travail dans des secteurs ou entreprisesà risque, c’est-à-dire des secteurs fortement concur-rentiels ou des entreprises subissant des restructura-tions majeures. Citons une étude menée dans le secteurde la construction automobile, auprès de salariésconfrontés à des modifications organisationnelles(27). Notre enquête menée dans une entreprise dusecteur de la distribution de la presse confirme lanécessité de poursuivre les travaux sur les risquespsychosociaux au travail, elle souligne également lesdifficultés auxquelles sont confrontés les salariés dansun contexte de changements majeurs et qui peuventrejaillir sur le déroulement d’une telle enquête. L’inté-rêt de mener de tels travaux dans un contexte d’incer-titudes n’est pas forcément bien perçu, aussi bien parles partenaires sociaux que par les salariés. De plus,des problèmes pratiques en résultent, quand il s’agitpar exemple de suivre les transferts de salariés touchéspar une fermeture d’établissement et de mettre enplace l’enquête. Le contexte génère doute et suspicionpar rapport à l’enquête dans une période où pour lessalariés des plans sociaux sont mis en place. Bref, laréalisation d’une enquête épidémiologique en milieude travail, qui peut de toute façon être délicate, l’estencore davantage dans un contexte aussi mouvant etdifficile que celui-ci. Notons qu’une étude a été réali-sée par le Conseil d’Etat et relate les changementsayant affecté le secteur de la distribution de la presseau cours des dernières années (28). Ces difficultés, sielles peuvent paraître décourageantes, ne doivent paspour autant freiner les initiatives. Les enquêtes épidé-miologiques menées dans des secteurs ou entreprises àrisque ont beaucoup à nous apprendre, les enquêtesmenées dans des entreprises ou secteurs stables ten-dant à sous-estimer les risques pour les salariés.

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Remerciements

Les auteurs remercient les salariés qui ont accepté de participer àcette enquête et qui ont ainsi rendu cette étude possible. Cette enquêtea été réalisée grâce au soutien de la Fondation pour la recherchemédicale et du Mécénat santé des NMPP.

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