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CONGRÈS DE VICHY 11-13 juin 1994 Conférence inaugurale par Winston Roberts Coordinateur professionnel de l'iFLA Je vais essayer, au cours de cette al- locution, de passer en revue cer- taines questions qui animent actuel- ement les débats professionnels, afin de présenter en quelque sorte une « dé- fense et illustration d u métier de bibliothécaire. Vous comprendrez qu'en si peu de temps, et traitant d'un do- maine si vaste, je ne peux qu'effleurer certains sujets, apporter quelques té- moignages choisis. J'espère tout au moins y jeter un éclairage différent, di- sons « international Quel est ce métier ? Selon le dictionnaire, la notion de « mé- tier renferme les notions de service, d'utilité, de travail reconnu. Parmi ses connotations, il y a celle du travail bien fait, de l'expérience, de la conscience « professionnelle e t de l'engagement dans la société. C'est un mot de tous les jours, clair et sans prétention. Il décrit un ensemble de techniques, un savoir et une attitude commune à un groupe défini. S'agit-il d'un métier ou d'une profession ? Je vais employer le mot profession dans son acception gé- nérale : je pars du principe que le mé- tier et la profession de bibliothécaire sont deux faces de la même médaille. J'observe que, selon le dictionnaire, le terme « métier doit son origine à une (con)fusion entre les termes minis- tère » et « mystère ». Est-ce un hasard ? Toujours est-il qu'un vrai métier, une profession, a quelque chose d'un « mi- nistère », mais garde également une part de « mystère ». Comment le métier se définit-il ? Nous exerçons un métier de service. Ce métier a la noble tâche de rendre ser- vice à la société, et non pas de pro- mouvoir la recherche pure dans un do- maine abstrait du savoir. Il doit donc contribuer à tisser des liens entre les citoyens de cette société. (Il est intéressant de remarquer que, dans les pays de tradition « euro- péenne », on a tendance à parler de cha- que classe ou catégorie de biblio- thécaire, d'agent ou d'assistant comme d'un « métier séparé; tandis que dans les pays de culture anglo-saxonne, le terme qui traduit « métier ne s'appli- que qu'aux métiers manuels. Il est de- venu courant dans ces pays de parler de la « profession de bibliothécaire » ou de la « profession de spécialiste de l'in- formation e t c . ) Les objectifs traditionnels du métier de bibliothécaire sont conçus et acceptés, grosso modo, dans la plupart des cultures. On pourrait formuler la

Conférence inaugurale - CORE · Conférence inaugurale par Winston Roberts Coordinateur professionnel de l'iFLA Je vais essayer, au cours de cette al-locution, de passer en revue

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CONGRÈS DE VICHY11-13 juin 1994

Conférence inaugurale

par Winston Roberts

Coordinateur professionnel de l'iFLA

Je

vais essayer, au cours de cette al-locution, de passer en revue cer-

taines questions qui animent actuel-ement les débats professionnels, afin

de présenter en quelque sorte une « dé-

fense et illustration d u métier debibliothécaire. Vous comprendrez qu'ensi peu de temps, et traitant d'un do-maine si vaste, je ne peux qu'effleurercertains sujets, apporter quelques té-moignages choisis. J'espère tout aumoins y jeter un éclairage différent, di-sons « international

Quel e s t ce métier ?

Selon le dictionnaire, la notion de « mé-t i e r renferme les notions de service,d'utilité, de travail reconnu. Parmi ses

connotations, il y a celle du travail bienfait, de l'expérience, de la conscience« professionnelle e t de l'engagementdans la société. C'est un mot de tousles jours, clair et sans prétention.

Il décrit un ensemble de techniques, unsavoir et une attitude commune à ungroupe défini. S'agit-il d'un métier oud'une profession ? Je vais employer lemot profession dans son acception gé-nérale : je pars du principe que le mé-tier et la profession de bibliothécairesont deux faces de la même médaille.

J'observe que, selon le dictionnaire, let e r m e « métier d o i t son origine à une

(con)fusion entre les t e r m e s min is-tère » et « mystère » . Est-ce un hasard ?Toujours est-il qu'un vrai métier, une

profession, a quelque chose d'un « mi-nistère », mais garde également une partde « mystère ».

Comment le métierse définit-il ?

Nous exerçons un métier de service. Ce

métier a la noble tâche de rendre ser-vice à la société, et non pas de pro-mouvoir la recherche pure dans un do-maine abstrait du savoir. Il doit donccontribuer à tisser des liens entre les

citoyens de cette société.

(Il est intéressant de remarquer que,dans les pays de tradition « euro-

péenne », on a tendance à parler de cha-

que classe ou catégorie de biblio-thécaire, d'agent ou d'assistant commed'un « métier séparé; tandis que dansles pays de culture anglo-saxonne, leterme qui traduit « métier n e s'appli-que qu'aux métiers manuels. Il est de-venu courant dans ces pays de parlerde la « profession de bibliothécaire » ou

de la « profession de spécialiste de l'in-formation e t c . )

Les objectifs traditionnels du métier debibliothécaire sont conçus et acceptés,grosso modo, dans la plupart descultures. On pourrait formuler la

conception traditionnelle des tâches dece métier comme : la préservation dupatrimoine, l'organisation et la trans-mission du savoir contenu dans les do-cuments, dans le but d'appuyer l'édu-cation, la culture et le progrès écono-mique de la société.

Il s'agit évidemment d'un métier actifqui se voue à une mission, et qui tendà se transformer en profession. Mais enmême temps, curieusement, on a la trèsforte impression que c'est un métier ouune profession qui éprouve sans cessele besoin de se défendre, de justifierson action. Toutes les professions se re-mettent périodiquement en question :pour s'en convaincre il suffit de penseraux débats qui agitent la médecine, ledroit, le journalisme... - des débats quiportent sur des questions de déontolo-gie, de mission, et qui sont souvent lereflet de l'opinion publique.

Il est vrai que l'éducation, la culture,l'économie sont l'affaire de tout lemonde. « Tout le monde ( l e grand pu-blic, donc) sait vaguement que lesbibliothèques et l'information sont né-cessaires, mais ceux qui ne sont pas« dans la mêlée » ont parfois du mal à

saisir en quoi consiste la spécificité etl'importance de la profession de biblio-thécaire (ou du professionnel de l'in-formation).

L'aspect le plus frappant de notre pro-fession, sans doute, est la très grandediversité des formes qu'elle revêt et destechniques qu'elle emploie, donc de ses

aspects visibles. La diversité des spécia-lisations, la diversité des types d'insti-tution où nous exerçons notre métier,la diversité des niveaux de formationexigés, sont tout simplement fonctionde la diversité des publics et des clien-tèles desservis.

Il y a des membres de notre professionqui se plaignent d'être mal compris, etqui voudraient qu'on leur apporte unedéfinition précise de leur identité pro-fessionnelle. Certains remettent mêmeen question le terme de " biblio-thécaire e n disant que nous avons be-soin d'un terme plus adéquat.

Pourquoi tant de perplexité ? Peut-êtresera-t-il possible de trouver un débutde réponse en examinant cette questionsous l'éclairage d'un certain nombre dedébats qui se poursuivent actuellement.Je parlerai tout d'abord du débat sur laprofessionnalisation du métier ; ensuite,de ce qu'on pourrait appeler l a que-relle des généralistes et des spécia-listes » et enfin de l'opposition entre« bibliothèques e t « information » .

Un métier ou une profession ?

La professionnalisation de certains mé-tiers est un phénomène connu. Celapeut provenir du désir bien humaind'obtenir un meilleur statut social ; etcela peut être imposé par l'évolution dela société. Quelques-unes des raisonsen sont le désir des praticiens de se

faire mieux accepter dans une sociétéde plus en plus complexe, les respon-sabilités toujours plus grandes qu'ilsdoivent assumer (qui leur sont impo-sées par une législation complexe),l'évolution des techniques qui exigentde nouvelles formations adaptées, par-fois plus longues et plus chères, la de-mande de diplômes de niveau univer-sitaire. (Il y a eu, pendant les années

1960 et 1970, une prolifération de coursmoins traditionnels, de diplômes dehaut niveau, signe que les biblio-thécaires, tout comme les membresd'autres professions, ont senti la néces-sité de justifier de nouveau leur statutsocial.)

Il est évident que le produit ou la ma-tière que nous manions n'est pas neu-tre : les technologies de l'information," l'interface » avec les utilisateurs et lesquestions de déontologie sont deve-nues si complexes que la réflexion estexigée à chaque pas. Un métier qui se

tourne vers le monde, qui exige autantde réflexion sur sa finalité n'est plus unensemble de techniques, mais se trans-forme inévitablement en profession.

A nous de faire en sorte que le savoir,la conscience du « métier r e s t e ; et

que les professionnels de l'informationque nous formons puissent développerdes compétences techniques alliées à la

capacité de réfléchir sur le « pourquoiaussi bien que sur le « comment

La « professionnalisation » me sembleêtre intimement liée à l'action des as-

sociations professionnelles, et je revien-drai là-dessus tout à l'heure.

La querelle des généralisteset des spécialistes

On entend parfois dire qu'il existe dansnotre profession des bibliothécaires gé-néralistes et des spécialistes. Et on de-vine parfois que certains regrettent de« n'être que » des généralistes. Je croisque c'est un faux débat : on est toujoursle « généraliste d e quelqu'un. Maisqu'est-ce qu'on entend par ces termes ?

Fait-on allusion au type de formationsuivie ? Mais il est évident que toutbibliothécaire qualifié peut se prévaloirà la fois de certaines connaissances de

base acquises pendant sa période deformation, et d'une expérience plus im-portante acquise dans des domaines de

spécialisation en fonction de sa carrièreet de ses intérêts personnels. Cela n'arien de remarquable dans une profes-sion aussi pluridisciplinaire que la nô-tre. Tout professionnel ayant de

grandes responsabilités est susceptiblede posséder d'autres compétences -dans les domaines de la gestion et de

la communication. Il est important de

comprendre qu'une formation initiale,aussi bien conçue qu'elle ait pu être,

n'est toujours qu'une première phase,et que l'expérience et les compétencesqui se développent après cette forma-tion initiale conditionnent l'évolutiond'une carrière et les perceptions de sa

valeur.

Peut-être que, quand on parle de « gé-

néralistes » ou de « spécialistes », onpense au genre d'établissement. Mais lefait de travailler dans une grande biblio-thèque municipale offrant un largeéventail de services au public n'em-pêche pas nécessairement le personnelde se spécialiser s'il le désire (dans lesservices automatisés, dans l'accueil desenfants, etc.). De même, le fait de tra-vailler dans une bibliothèque dite « spé-

cialisée " (dans l'industrie ou l'adminis-tration, par exemple) oblige souvent lepersonnel, généralement assez réduit, à

maîtriser toute une gamme de tâches

qui n'ont a priori rien à voir avec la

discipline dans laquelle la bibliothèqueen question se spécialise.

Il est vrai qu'on parle couramment au-

jourd'hui du secteur des bibliothèquesspécialisées » ou « spéciales ", par quoion entend (généralement) des biblio-thèques qui n'ont pas pour vocation deservir le grand public mais plutôt uneclientèle restreinte d'employés, de fonc-tionnaires, d'industriels, ou de cher-cheurs dans une discipline particulière.Ces bibliothèques se définissent parleur cadre institutionnel, par leurconcentration sur un seul domaine dusavoir, ou par la nature des services do-cumentaires qu'elles rendent. Le biblio-thécaire formé dans une autre traditionpourrait faire remarquer qu'en termesde public restreint desservi, ces biblio-thèques ne sont pas plus « spécialisées qu'une bibliothèque scolaire, unebibliothèque de quartier à populationmulti-ethnique, ou une bibliothèque de

prison. Les personnels de toutes ces

bibliothèques « spécialisées » doiventposséder les mêmes compétences tech-niques de base, le même sens ducontact humain et la même conscienceprofessionnelle.

Serait-ce un problème de terminologiequi cache en fait un problème existen-tiel ? Faut-il qu'un service de biblio-thèque ou d'information soit baptisé« spécialisé pour que l'organisation quil'accueille le prenne au sérieux, pourque la profession lui accorde plus deprestige ? Les employeurs ne font-ilsconfiance qu'aux diplômés ayant suiviune formation spécialisée ? Mais est-cequ'on est fondé à croire qu'une forma-tion spécialisée produit toujours demeilleurs spécialistes qu'une solideculture et une formation généralecomplétée par une expérience « sur letas » et une formation continue ?

Il est évident qu'il y a des différences,des courants, dans notre profession ;mais je crois que l'opposition « généra-listes / spécialistes e s t dépassée. Onpourrait avancer l'hypothèse que lesdifférences vraiment significatives sontcelles qui existent entre les personnelsdont c'est la responsabilité première deconserver un fonds (en le rendant ac-cessible), et les personnels dont c'est lavocation de fournir un service à un pu-blic défini en exploitant un fonds dedocuments ou d'information. Mais, en-core une fois, la diversité de types deservices de bibliothèques est si grandequ'on ne peut que schématiser.

En fait, le défi auquel nous sommesconfrontés est celui de l'adaptation dela formation professionnelle. La sélec-tion et la formation doivent avoir pourobjet de produire des professionnels à

tous les niveaux ayant des connais-sances de base et une capacité d'adap-tation leur permettant de réagir auxévolutions de la profession et de se spé-cialiser, ou de changer de spécialisa-tion, en connaissance de cause.

La bibliothéconomieconfrontée à l'information ?

Il y a un débat sur la nature de la dif-férence supposée entre les métiers desbibliothèques et ceux de l'information.

Nous sommes tous concernés par lafourniture d'information autant que parla fourniture de livres. De nos jours, iln'y a pratiquement plus de grandebibliothèque publique qui n'offre unchoix de documents numérisés aussibien que de documents imprimés. Les

plus grandes bibliothèques publiquesoffrent des possibilités d'interrogationde bases de données (en ligne toujours,certes, mais de plus en plus fréquem-ment sur CD-ROM). Les centres de do-cumentation fournissent des informa-tions grâce à la consultation d'ouvragesde référence aussi bien qu'au moyen de

recherches dans des bases offertes parles grands serveurs internationaux se

spécialisant dans l'information indus-trielle, financière et scientifique.

D'ailleurs les grandes bibliothèques derecherche (nationales et universitaires)s'abonnent à ces mêmes services d'in-formation, et fournissent elles-mêmesdes bases accessibles sur d'autres ser-veurs.

La FID (Fédération internationale de ladocumentation et de l'information)parle du concept du « professionnel mo-derne de l'information » - et a mêmepublié en 1992 un recueil intitulé L'Étatdu professionnel moderne de l'informa-tionl. Nous, bibliothécaires, devrionsporter une attention particulière à cedocument.

Comment se définit l'information ? Undes auteurs2 du recueil de la FID rap-pelle très justement la définition classi-que selon laquelle l'information est à lafois une activité et un produit : l'infor-mation est une denrée ayant une valeurdéfinie et la bibliothèque est l'endroitoù l'échange de ce produit a lieu.

Que lit-on encore dans ce document ?Que l'information est nécessaire pourle développement économique et so-cial, qu'il faut exploiter les nouvellestechnologies de l'information, qu'il fautde nouveaux spécialistes dynamiques etagressifs possédant de nouvellescompétences ; qu'il faut dépasser lesrôles et les responsabilités traditionnelsdu bibliothécaire, de l'archiviste, du do-cumentaliste pour définir de nouveauxrôles dans des sociétés en pleine évo-lution. Enfin, qu'il faut un nouveau« profil d u professionnel de l'informa-tion, formé selon un programme enprise sur les réalités sociales et écono-miques, bon gestionnaire, ayant le sensde la communication et de l'innovation,ouvert au monde en dehors de l'établis-sement où il (elle) travaille, capable deprévoir les besoins de la clientèle et d'yadapter l'information fournie.

Conscient de la valeur économique del'information, capable d'analyser le pro-cessus de transfert de l'information,

1. State of the Modern Information Professional1992-1993: an international view of the state ofthe information professional and the informationprofession in 1993-1993 / Compiled by the FID

Spécial Interest Group on Roles, Careers and De-velopment of the Modern Information Professional(FID/MIP). - La Haye, FID, 1992. - (FID 701).2. Rosza, Gyorgy. "Information policy in [the] newcircumstances of [a] region of Central and Eastern

Europ with spécial regard to Hungary", in State ofInformation Professional, p. 99-104.

capable d'évoluer au sein d'une entre-

prise commerciale ou industrielle et defaire comprendre aux décideurs le rôleet l'importance de cette matière pre-mière qu'est l'information, le « profes-sionnel moderne » justifie pleinementce titre et jouit d'une carrière et d'unerémunération en rapport.

A la lecture de ce recueil, on peut êtretenté de protester en disant que ce pro-fessionnel moderne existe aussi dansles bibliothèques, que ces programmesde formation existent déjà, dans lesmeilleurs établissements de formation,et qu'en fait un bibliothécaire compé-tent est un professionnel moderne del'information, comme M. Jourdain par-lait en prose. Mais nous ne devons pasoublier que cette heureuse situationn'est pas universelle.

Il est juste de dire qu'il faut repenserl'image de notre profession, et de poserla question de la terminologie. Mais enrevendiquant une autre définition de laprofession par rapport à un savoir portantsur un autre mystère », l'information, nerisque-t-on pas de brouiller les cartes ?

Le nom de « bibliothèque » n'indique« q u e le bâtiment où l'on travaille(comme certains se plaisent à le dire).Il n'empêche que le nom et ses dérivesreflètent la position centrale du livre ouautre contenant. e t son rôle dans latransmission des connaissances. Ce

n'est pas seulement en changeant cettedésignation qu'on maintiendra la digni-té de la profession et l'estime dans la-quelle elle est tenue par le public : c'estaussi en maintenant et en augmentantla qualité des services.

Le t e rme bibliothécaire. p e u t très bienne pas s'appliquer avec une force égaleà toutes les branches modernes de la pro-fession - la fragmentation d'une activitéprofessionnelle en évolution est un phé-nomène connu ; mais cela ne veut pasdire pour autant que le terme n'a plus devaleur. Si certains le pensent, c'est quenous devons nous occuper sérieusementde rehausser notre image.

L'image de la profession( d u mét ie r )

Comment la professionest-elle perçue ?

Dans un sens, nous sommes donc tousdes professionnels de l'information.L'information est un bien culturel, unedenrée et un produit ; elle est aussi unatout dans n'importe quelle stratégie,commerciale ou autre. Savoir trouver

l'information, la maîtriser, la mettre à ladisposition de la société, implique quel'on possède un ensemble de connais-sances théoriques et pratiques qui de-vrait assurer au professionnel de l'infor-mation un certain prestige dans la so-ciété. On devrait pouvoir faire unconstat très positif du statut et de la ré-putation de notre profession.

Et pourtant, nous sommes, disent cer-tains, « mal perçus p a r le grand public.Les conclusions de nombreuses études3tendent à confirmer qu'il existe un sen-timent de malaise parmi les biblio-thécaires qui sont profondémentconvaincus de la valeur de leur métier,mais en même temps conscients qu'ilest sous-estimé par le public. Les opi-nions glanées dans de nombreux pays(du monde industrialisé aussi bien quedes pays en développement) se recou-pent parfaitement : ce sentiment d'êtreincompris est général. La professionjouit, paraît-il, d'une réputation assezcurieuse dans l'opinion publique.

On peut lire dans la presse profession-nelle, sous la plume de nombreux au-teurs, des critiques du manque de dy-namisme des bibliothécaires dans leurvie professionnelle, et de leur incapa-cité de faire preuve d'initiative.

Comment le public nous perçoit-il ?Qu'est-ce qu'il attend de nous ?

Ces attentes diffèrent-elles d'uneculture à l'autre, d'une région dumonde à une autre ? Sûrement, toutcomme les traditions culturelles, les sys-tèmes d'éducation, le droit, et les ni-veaux de développement économiqueaccusent de grandes divergences.Quelles sont donc ces différences decontexte, qui affectent la perception etles attentes du public ?

Il n'est évidemment pas possible de faireune synthèse universelle, donc je ne ci-terai que quelques exemples choisis.

Il est évident que les services de biblio-thèques des pays les moins développéssont les plus sérieusement affectés parla crise économique endémique dansces pays. Il ne convient pas d'analyserici les raisons de cette crise, peut-être

3. Status, Image and Réputation of Librarianship:a report of an empirical research undertaken on

behalf of IFLA 's Round Table for the Management

of Library Associations / by Hans Prins and Wilcode Gier. - La Haye ; IFLA/NBLC, 1993. 85 p. D'au-tres études sont publiées dans les recueils sui-vants : le recueil de la FID (op. cit. note 1) ; TheFuture of Librarianship. Proceedings of the 2nd in-ternational Budapest symposium, January 1994 /Ed. R. Verwer et al. - Amsterdam : Hogeschool vanAmsterdam, 1994.

suffit-il de faire remarquer que dans unpays où la majorité de la population estanalphabète, et où manquent les biblio-thèques et les centres de documenta-tion scientifique, les attentes du grandpublic ne sont pas très élevées. Ceci estd'autant plus vrai que dans de nombreuxpays du tiers monde on voit toujours desservices qui essaient de fonctionner selondes normes culturelles héritées d'an-ciennes métropoles coloniales.

Dans beaucoup de pays d'Afrique, onconstate des différences flagrantes entrela misère des grandes bibliothèques pu-bliques et les bibliothèques plus mo-dernes érigées en banlieue ou dans lespetites villes, qui sont relativementmieux adaptées aux besoins de la po-pulation. Mais le manque de ressourceséconomiques est partout dévastateur :les fonds vieillissent, la préservationphysique des collections est irréalisa-ble, l'informatisation est insuffisante, etla formation des personnels n'est plusà jour. Ce n'est que dans quelques raresbibliothèques que l'on note une situa-tion favorable. Dans ces conditions, legrand public et les universitaires enAfrique doivent souvent se contenterd'un niveau de service qui serait jugéinacceptable dans un pays économi-quement avancé.

Pourtant, il y a eu des expériences heu-reusement réussies : par exemple, lesCLAC (centres de lecture et d'animationculturelle), bien connus dans les paysfrancophones d'Afrique de l'Ouest. Descommunications sur les CLAC ont étéprésentées de temps en temps à descongrès de 1TFLA4. En Namibie, pays in-dépendant depuis très peu d'années,avec une petite population éparpilléesur un vaste territoire, on a réussi à

créer et à gérer un réseau de biblio-thèques publiques et mobiles.

Dans certains pays d'Asie du Sud et duSud-Est, on remarque toujours l'in-fluence des conceptions européennesde la bibliothéconomie, enseignées autemps de la colonisation, mais qui sontdepuis longtemps intégrées dans uneculture aux racines très profondes. La

société attend bien des bibliothèquespubliques qu'elles servent de phares dela culture, de temples de la lecture pu-blique et accorde un respect certain à

ceux dont c'est la vocation d'interpréterla parole écrite. L'Inde est un pays degrands contrastes : le respect accordé

4. Sagna, Rémi. Diffusion de l'information en milieu

rural africain : l'exemple des centres de lecture et d'a-nimation culturelle (communication 62. Africa. F.

présentée au congrès de l'IFLA à Barcelone, 1993).

aux bibliothécaires n'empêche pas cer-taines des grandes bibliothèques publi-ques « traditionnelles de souffrir de-

puis longtemps d'un manque de res-sources qui ne leur permet pas de

remplir pleinement leur mission deconservation et de mise à disposition dedocuments ; tandis que les bibliothèques« spécialisées qui desservent un publicd'universitaires et de chercheurs sont de-

puis trente ans en prise sur le progrèsscientifique et surtout industriel.

Il convient de noter qu'aux Philippines,en 1990, le gouvernement a voté uneloi qui reconnaît le statut de biblio-thécaire, réglemente l'exercice de la

profession et les qualifications requisespour l'exercer. L'Association profession-nelle nationale est chargée de mettre laloi en ½uvre : elle gère les concoursd'accès à la profession, et a publié uncode de déontologie. Ce qu'on est endroit d'attendre d'un bibliothécairedans ce pays est évident à la fois pourles autorités et pour les utilisateurs.

En Indonésie, on sait quel est le profilsouhaité du bibliothécaire profession-nel. Afin de promouvoir le développe-ment des services et l'amélioration del'image de la profession, les autoritésont organisé un concours au niveauprovincial, puis national, pour trouver« le bibliothécaire modèle5 ».

Quant aux débats dans la profession enAmérique latine, on a observé ces der-nières années les attaques de certains« rénovateurs c o n t r e ce qu'ils croientêtre les traditions vieillies de la biblio-théconomie traditionnelle e t contreles programmes de formation qui nesont plus tous en phase avec les réalitéséconomiques et sociales de ces pays.Un des commentateurs les plus éminents,I. Paez Urdaneta (Venezuela) a publié les

résultats d'une étude^ sur les bases psy-chologiques et philosophiques de la for-mation professionnelle dans cette région,et il a conclu que c'est une vision d'en-semble qui manque.

Un commentateur brésilien, A. Miranda,a observé il y quelques années7 qu'il

5. Permadi, Paul. News from National Library of In-donesia i n CDNLAO Newsletter, n° 20, janvier 1994.6. Paez Urdaneta, Iraset. "To Experience a Connec-tion; in Search of a New Information Professionalfor Latin America", in State of the Modern Infor-mation Professional..., op. cit., pp. 33-53.

7. Carvalho de Miranda, A.L. "The Rôle of Profes-

sionnalisme in Curriculum Development for Infor-mation Personnel: the Case of Brazil", in Harmo-nisation of Education and Training Programmes

for Library, Information and Archivai personnel.Proceedings... - Mùnchen : Saur, 1989. (IFLA Publi-cations n° 49).

existe une grande inégalité entre lesservices (les centres de documentationet d'information) qui ont accès à latechnologie moderne, et les autres quin'y ont pas accès.

Les pays des Caraïbes ont aussi héritédes traditions européennes, qu'ils ontadaptées. Les services de bibliothèquespubliques et universitaires sont bons etles personnels bien perçus par le pu-blic. En plus, cette région marquée parl'exiguïté des territoires, par l'isolementgéographique et par la multiplicité deses langues et ses cultures, se taille unesolide réputation pour la création et lagestion de réseaux informatiques quipermettent dans une certaine mesured'abolir les distances et de faire circulerl'information entre les îles.

Dans les pays ex-socialistes d'Europede l'Est, on a assisté à un passage brutald'une conception de la société à uneautre, avec tout ce que cela impliquepour la (re)formation des personnels, laremise en question de la valeur de cer-tains fonds, le bouleversement de laproduction de livres et d'un système deprix stables. L'attente du grand publicn'a peut-être pas beaucoup changé entermes du niveau de service attendu,mais le service a été dégradé (provisoi-rement, espérons-le) par la diminutiondes budgets et la hausse des prix delivres. L'attitude des autorités de tutellea changé radicalement.

Les Pays-Bas sont l'exemple type d'unpays économiquement avancé. Les

bibliothèques publiques y jouent pleine-ment leur rôle dans la vie sociale et éco-nomique, et estiment avoir un devoird'enseignement. Elles desservent unepopulation dont le taux d'alphabétisa-tion est élevé. L'infrastructure physiqueest remarquable et les personnels sontbien qualifiés. Mais des changementssont néanmoins en cours. Un rapportvient d'être publié sur l e profil profes-sionnel du bibliothécaire dans les biblio-thèques publiques8 L e s bibliothèquesde ce pays bien loti traversent en faitune période de remise en question : larecherche d'économies dans le budgetaccordé par l'État aux bibliothèques pu-bliques et de recherche, un certain cou-rant de pensée favorisant une plusgrande autonomie des institutions, lesévolutions démographiques, parmi d'au-tres facteurs, créent des incertitudes.

En Grande-Bretagne, les orientationssuivies depuis les années 1980 ont

8. Beroepsprofil bibliothecaris openbare biblio-theken. - La Haye : NBLC, 1994.

radicalement transformé le " paysagebibliothéconomique d u pays. Les mu-nicipalités ont toujours l'obligation lé-gale de fournir un service de biblio-thèque financé sur les deniers publics,mais des réformes qui encouragent unegestion plus efficace ont ouvert la voieà la sous-traitance, à la limitation desheures d'ouverture des bibliothèquespubliques et à l'augmentation du nom-bre des services payants. Les servicesofferts, et ce que le public est en droitd'en attendre, sont très clairement dé-finis. Seulement, il n'est pas sûr que legrand public soit convaincu, ce publicdont les attentes ont été formées end'autres temps, par une très longue tra-dition de lecture publique.

On pourrait prolonger cette liste indéfi-niment : il y a autant de conceptions durôle des bibliothèques dans la sociétéqu'il y a de conceptions de la société elle-même. Dans un sens, on peut dire quetout le problème est là : dans de tropnombreux pays, les attentes du publicvis-à-vis des bibliothèques, et les concep-tions des décideurs, sont tributaires deconceptions vieillies. Rares sont les paysqui considèrent leurs bibliothèquescomme des agents de la culture, commedes moteurs du développement.

Le statut, la réputationet l'image de la profession

L'IFLA a tenu un séminaire en 1992 surle " problème de l'image de la profes-sion. Ce séminaire, sous l'égide de laTable ronde sur la gestion des associa-tions de bibliothécaires, était destinéprincipalement aux bibliothécaires des

pays en développement, mais il a aussi

permis de confronter les points de vuede ces pays avec ceux de collègues depays plus fortunés.

Il était frappant de constater, au coursde ce séminaire, combien de partici-pants avaient le sentiment que, dansleur pays, le métier de bibliothécaireétait sous-évalué. Ils étaient unanimesà penser que la mise en valeur de la

profession passe par une meilleure for-mation professionnelle, une plus largepublicité sur la réelle importance de la

profession, et la création ou le renfor-cement d'associations capables d'êtreles porte-parole de la profession.

Les conclusions provisoires d'une en-quête de l'IFLA, sur « Le prestige, l'imageet la réputation de la profession debibliothécaire ont été présentées à ceséminaire. Cette enquête avait été me-née parmi un certain nombre de pro-fessionnels (bibliothécaires) des paysen développement.

Parmi les commentaires recueillis, on lit :- que les bibliothèques manquent deressources financières ;- que les bibliothécaires sont insuffi-samment formés ;- que les bibliothèques manquent de

prise sur la vie économique et socialede la communauté desservie ;- qu'il y a un manque de reconnais-sance de la profession (souvent perçuecomme étant < féminine »), donc le sta-tut du professionnel est relativementbas.

Il convient de signaler aussi d'autresétudes sur la sociologie de notre pro-fession qui ont paru récemment dansles actes d'un symposium tenu à Buda-pest, au début de 1994. Les réflexionssur l'image de la profession (encoura-gées par l'IFLA et d'autres associations)

et les conclusions qui en ont été tiréesont été rapportées par la presse profes-sionnelle de nombreux pays.

Nous savons tous que l'image populairede notre métier est assez décevante - iln'y a pas besoin d'insister sur les cari-catures que nous avons tous lues. Il estvrai aussi que l'image du lecteur dansla bibliothèque n'est pas forcément plusréjouissante, Anne-Marie Chaintreaunous l'a rappelé dans une communi-cation sérieuse et drôle au congrès del'IFLA l'année dernière à Barcelone9.

L'image de la profession ne peut pasmanquer de produire une certaine auto-sélection des étudiants demandant à

suivre les cours de formation. On sait

que les écoles de formation sont parfoistentées d'accepter des étudiants pasvraiment motivés, qui obtiennent fina-lement des diplômes médiocres, et netrouvent que peu de débouchés. Si, enplus, les débouchés sont dans des

bibliothèques ayant peu de ressources,où il n'y a que peu de distinction entreles tâches vra iment professionnelles »

et les autres, la démotivation et la dé-

professionnalisation du personnel sont

rapidement (mal) perçues par les utili-sateurs et les employeurs. C'est un cer-cle vicieux.

Comment améliorer l'imagede la profession et celle quenous avons de nous-mêmes ?

Une meilleure image viendra d'une plusgrande reconnaissance de la valeur denotre travail, la reconnaissance de son

9. Chaintreau, Anne-Mar ie. Lecture, lecteurs et

bibliothèques dans la fiction au xxe siècle (communication n° 52-READ-F présentée au congrès

de l'IFLA à Barcelone, 1993).

aspect « métier » et de son aspect « pro-fession ».

J'avance la proposition que cette re-connaissance passera par quatre ac-tions : une attention permanente à

l'augmentation de la qualité des presta-tions, l'adaptation des formations, lerenforcement des associations profes-sionnelles, et l'adoption d'une ap-proche marketing » pour faire passernotre « message professionnel.

La qualité des prestations

Qu'est-ce que la " qualité " ? Sur le plantechnique, l'attention à la qualité dansun service de bibliothèque peut portersur de nombreux éléments : ceux queles usagers perçoivent directement etceux qu'ils ne perçoivent pas. Parmi ceséléments il y a, pour ne prendre quequelques exemples, la politique des ac-quisitions, la qualité des notices dansune base de données, l'accueil du pu-blic (l'attitude du personnel, la gratuitéou non des services, les heures d'ou-verture), le niveau de formation despersonnels, etc.

La qualité dans un service d'informa-tion-documentation peut égalementporter sur des temps de réaction trèscourts, la présence d'un personnel qua-lifié dans les disciplines concernéespour effectuer les recherches documen-taires, la sélection, l'interprétation et laprésentation des documents ou de l'in-formation, la tarification, etc.

Il va sans dire qu'il est impossible deporter un jugement sur la qualité d'unservice sans pouvoir se référer à des ob-jectifs définis à l'avance, à un plan stra-tégique, ou aux objectifs de l'établisse-ment dont le service en question faitpartie. Ces objectifs ne concernent pasdirectement la gestion interne (l'admi-nistration) mais la prestation de service.

Divers organismes, y compris les asso-ciations professionnelles, peuvent êtreimpliquées dans la formulation des ob-jectifs d'un service de bibliothèque. Lecontrôle de la qualité technique impli-que que l'on puisse définir tout d'aborddes critères en fonction du type de ser-vice, du statut de l'établissement, et letype de public ; et puis que l'on défi-nisse des indices (ou des « indica-teurs ») se rapportant aux critères. Il estévident que certains de ces critères etde ces indices peuvent varier selon lecontexte économique ou social. Ils peu-vent, par exemple, s'appliquer diffé-remment aux pays développés et auxpays en développement. De nom-breuses études ont été publiées, d'au-tres sont en cours : peut-être convient-il

de mentionner ici l'étude menée actuel-lement sous l'égide de l'IFLA pour dé-terminer des mesures de la qualité s'ap-pliquant aux services de bibliothèquesuniversitaires10.

L'étude de N. Moore, Mesurer la per-formance des bibliothèques publiquesll,préparée par l'IFLA et publiée parl'Unesco en 1989, a connu un succèscertain. Les critères et les procédures demesures proposés dans ce documentont été testés « sur le terrain dans denombreux pays, en Norvège, aux Fidji,au Canada et en Colombie, pour ne ci-ter que quelques exemples.

A part les aspects techniques, il ne fautpas négliger l'importance de la qualitéen termes de « professionnalisme », quel'on pourrait définir ainsi : la fourni-ture d'un service dans le respect dela déontologie professionnelle.

Le maintien de la qualité implique uneattitude positive de la part des person-nels, et que l'on s'occupe de leur for-mation continue en fonction de l'évo-lution des besoins du service.

L'adaptation des formations

Je n'ai pas l'intention d'entreprendre iciune analyse comparative des différentscours de formation offerts. L'état de laformation professionnelle de nos joursest amplement analysé et commentédans toutes les revues professionnelles.Ce qui est remarquable, c'est qu'il sem-ble être question dans de nombreuxpays de faire face à une crise : crised'identité du métier pour lequel onforme les étudiants, débat sur le nom-bre et le contenu des formations, man-que de débouchés pour les diplômés,et ainsi de suite.

Dans ces conditions, dans les forma-tions longues, il est essentiel de porterl'accent sur l'acquisition de connais-sances de base, une culture générale etle développement d'une attitude « pro-fessionnelle ». A partir de ces bases, lesfuturs bibliothécaires pourront s'adapterà l'évolution de leur profession.

Dans les services de bibliothèque de laplupart des pays, les catégories de per-sonnel se résument grosso modo à unecatégorie d'agents techniques, une ca-tégorie d'assistants qualifiés et une

1 0 . Performance Mesurment in University Libra-ries P a r un groupe de travail de la section IFLA

des Bibliothèques universitaires, sous la directionde Mme R. Poil, Bu de Munster (Allemagne) [En

préparation].11. Moore, N. Mesurer la performance des biblio-thèques publiques. - Paris : Unesco, 1989. (PGI-

89/WS/3).

catégorie de cadres (soit des scientifi-ques, soit des gestionnaires).

Les formations courtes (initiales, pourles agents techniques, et de conversion,pour les diplômés) doivent toujoursêtre remises à jour suivant l'évolutiondes techniques. Ces formations doiventrépondre aux attentes des employeurs- ce qui implique que les responsablesde la formation professionnelle les dé-finissent en consultation avec les em-

ployeurs.

Il est souhaitable que les formations ini-tiales et moyennes consistent en untronc commun de bibliothéconomie,d'informatique, d'archivistique, desciences de la communication, des mé-tiers du livre et de l'information - suivide cours facultatifs de spécialisation.

Les cours destinés à ceux, scientifiquesou administratifs, qui pourront accéderaux postes de direction, doiventcomprendre : les principes de gestion,l'informatique, etc.

Le brassage des idées et le maintien à

niveau des compétences seraient aussile résultat d'un plus grand effort à

l'échelle internationale pour obtenir unaccord sur l'équivalence des diplômes.

Il faut des enseignements pour formerdes spécialistes dans tous les domaines,des restaurateurs aux informaticiens.Les pays avancés ont suffisamment deressources économiques pour offrirtoute la gamme des formations, parfoismême dans des centres spécialisés.Dans certains pays en développement,en revanche, ce choix serait un luxe.Ces pays ont besoin tout d'abord desauver leurs bibliothèques. Des spécia-listes de ces pays estiment qu'il est ur-gent de mettre à jour le profil du biblio-thécaire ; mais il n'est pas aisé de créerdes cours de formation moderne au ni-veau national avant d'avoir déterminéles objectifs du service qu'on veut mo-derniser et les besoins en personnelsqualifiés, défini les tâches de chaque ni-veau et le contenu des formations, exa-miné le nombre de débouchés prévudans le plan national correspondant, ettrouvé le moyen de financer une for-mation à haut contenu technologique.

Cet effort est si difficile et si coûteuxqu'on a trouvé parfois la solution en lacréation de cours régionaux de sciencesde l'information / bibliothéconomiedans des institutions desservant touteune région. Pour ne citer que quelquesexemples : c'est le cas de l'Asian Insti-tute of Technology (AIT) à Bangkok, del'université du Pacifique sud à Nouméa,de quelques universités dans les pays

arabes, et c'est le cas des écoles debibliothéconomie de quelques grandesuniversités africaines (telle l'universitédu Botswana), soutenues par l'aide au

développement fournie par des payseuropéens.

Mais le modèle ne réussit pas toujours.De nouveaux programmes ont bien étécréés en Amérique latine dans les an-nées 1980, et il convient de noter le suc-cès du Programme régional créé à l'uni-versité Simon-Bolivar au Venezuela.Mais le directeur de ce Programme a

lui-même noté que le même enseigne-ment dans un programme à vocation ré-gionale ne peut pas avoir le même im-pact à travers toute la région, dans despays qui diffèrent tant dans leurs struc-tures socio-économiques et culturelleset dans leur perception politique du dé-

veloppement12. Il note également qu'ilest difficile d'obtenir le financement né-cessaire à la création de nouveauxcours universitaires au niveau nationalpour un groupe professionnel dont leprofil est si flou.

Pour en revenir aux attentes

Il semble évident que les compétencesattendues des personnels dans ces di-verses catégories relèvent d'abord de lamaîtrise des techniques (les compé-tences traditionnelles adaptées à l'utili-sation des technologies modernes),puis d'un comportement et d'une atti-tude « professionnels ». Pour les postesà contenu scientifique, on peut exiger- en plus des connaissances de la dis-cipline choisie - des capacités d'analy-se, de gestion au niveau d'un service,une certaine affinité avec l'informati-que, un profil de formateur, et le sensde la communication et de l'accueil dupublic. Pour les postes de direction, onexige aujourd'hui surtout des capacitésde gestionnaire, un talent de chef poli-tique et une large vision de la missionde l'organisation.

Ce n'est pas peu demander, et l'onconstate en effet dans beaucoup de

pays que les autorités de tutelle char-gées de pourvoir des postes au sommetdes grandes bibliothèques se tournentparfois vers des gestionnaires chevron-nés venus des entreprises ou de lahaute fonction publique, et même del'industrie.

12. Paez Urdaneta, I. « The Development of theRGPIS at Simon Bolivar University : Learnings [sic]

and Perspectives ». In Journal of Education for Li-brary and Information Science, vol. 32, n° 1/2(1991), p. 66.

Les attentes des employeurs pèsentlourd dans la définition des cursus deformation. Il y a une opposition entrela nécessité pour une profession de dé-finir ses propres objectifs, et la néces-sité d'obéir aux lois du marché (en l'oc-currence, la politique du gouvernementou des entreprises, qui influent sur lademande de services de bibliothèqueset donc sur l'offre d'emplois). Nous de-vons impérativement rester à l'écoutede nos usagers, qui sont en mêmetemps nos employeurs, en tant quecontribuables.

Les associations professionnelles et lesécoles de bibliothéconomie (ou les cen-tres de formation) doivent se mettre enavant, faire valoir leur aptitude à êtreles interlocuteurs des employeurs et desgouvernements. Ce dialogue a lieu enFrance, et les avis des associations sontpris en compte.

La réflexion en cours aux Pays-Bas viseà renforcer la position du bibliothécairequalifié dans les bibliothèques desser-vant le grand public, par le moyend'une analyse approfondie de ce quiconstitue les tâches, à divers niveaux,de ces personnels. Les résultats de cetteanalyse permettront de mieux défendrele statut des bibliothécaires dans les né-gociations avec les employeurs etd'améliorer l'image du bibliothécairedans l'esprit des usagers ; mais ce quiest même plus important, l'étude per-mettra de mieux définir :- l'impact des services (aspects ex-ternes) ;- l'efficacité des services (aspects in-ternes) ;- les besoins en personnels aux diffé-rents niveaux ;- le contenu des formations, en accordavec les directions des écoles de forma-tion.

La définition d'un profil optimal impli-que que les personnes acceptées dansles cours de formation des écoles doi-vent être celles qu'on estime suscepti-bles de répondre à ces critères, et queles écoles ne doivent pas accepter d'ins-criptions simplement pour des raisonséconomiques.

Il semble que le profil de la professionait changé depuis quelques années - ouqu'il est en train de changer, et pour lemieux. La sélection des étudiants s'enressentira. On peut en conclure quel'expérience et le jugement des écolesde formation et des associations profes-sionnelles, ensemble, doivent être dé-cisifs dans la définition des programmeset des objectifs de formation.

Le rôle de la formation continue aura de

plus en plus d'importance à l'avenir. Cegenre de formation est la plus apte à per-mettre aux personnels déjà expérimentésde prendre la mesure des changementstechniques intervenus. La formationcontinue entreprise dans l'établissementmême est souple et s'adapte aux besoinsde petits groupes. Paradoxalement, enmême temps que les évolutions tech-

niques rendent nécessaire un recyclageprofessionnel, les pressions économiquesauxquelles les bibliothèques sont sou-mises ne leur permettent pas toujoursd'arracher leurs personnels à leurs tâches

principales pour leur faire donner - ousuivre - de telles formations. Cela est vraisurtout des petites bibliothèques ou cen-tres de documentation. Pourtant c'est es-sentiel, et l'efficacité du personnel en dé-pend. Ce genre de formation est mêmed'autant plus efficace que le nouveau sa-voir est immédiatement mis en applica-tion, et que l e s étudiants . sont motivés

parce qu'ils voient l'utilité de ce qu'ils ap-prennent.

A l'échelle internationale, des efforts sontfaits pour encourager une réflexion surles méthodes et les objectifs de la forma-tion professionnelle et continue. Les spé-cialistes IFLA de la formation profession-nelle ont tenu plusieurs séminaires de ré-flexion au cours des dix dernières années.Il convient de noter en particulier le sé-minaire pré-conférence de Londres(1987) qui a réuni de nombreux spécia-listes des pays en développement, et quia permis de faire le point sur la situationdans ces pays. Ce séminaire a voté desrecommandations portant sur la nécessitéd'harmoniser les programmes de forma-tion de bibliothécaires, de spécialistes del'information et d'archivistes, en précisantles méthodologies à appliquer et le conte-nu des programmes. Il a également adop-té des recommandations sur la formationcontinue des enseignants, sur l'équiva-lence des diplômes et sur la déontologiecommune aux trois professions.

La Table ronde de l'IFLA sur la forma-tion professionnelle continue a étécréée en 1985. Elle a tenu sa deuxièmeconférence en 199313, et sert de forumde débats sur les politiques et les tech-niques de formation continue. Elle per-met de confronter les expériences de

13. Continuing Professional Education and IFLA:

past present, and a vision for the future. Papers

from the IFLA CPERT Second World Conférence oncontinuing professional education for the libraryand information science professions / Edited by B.

Woolls. - München : Saur, 1993. (IFLA Publicationsn° 66/67).

collègues de pays en développement etde pays avancés.

Le renforcementdes associations professionnelles

Le rôle des associations n'est pas seu-lement de satisfaire le besoin très hu-main d'appartenir à un groupe. Les as-sociations ont essentiellement la voca-tion de s'occuper de :- la déontologie ;- de la défense de leurs membres, desobjectifs de la profession et de la libertéintellectuelle ;- la définition du contenu de la forma-tion professionnelle ;- la coopération avec les associationsd'autres pays et avec celles qui repré-sentent d'autres professions.

La déontologie

De nombreuses associations nationalesou sectorielles ont étudié et publié uncode d'éthique professionnelle. Le codede la Library Association de Grande-Bretagne14, publié il y a plus de dix ans,met l'accent sur l'obligation des mem-bres de se comporter d'une façon quine jette pas le discrédit sur l'Associa-tion, de maintenir leurs connaissanceset compétences professionnelles à jour,de fournir un service de bonne qualité,de remplir leurs obligations contrac-tuelles, de refuser la discriminationdans leurs rapports avec les usagers, derespecter la confidentialité.

Un comité de l'American Library Asso-ciation vient de terminer une longueconsultation sur la révision de son coded'éthique. Un nouveau texte provisoirea circulé en 1994 (également sur l'IN-TERNET). Il met l'accent d'un côté surla qualité du service rendu, le refus dela censure, la confidentialité et l'impar-tialité dans l'exercice du devoir profes-sionnel et, d'un autre côté, sur la dé-fense des collègues et de la profession,le maintien des compétences des pro-fessionnels, le désintéressement.

Les nouvelles associations démocrati-ques des pays de l'Est européen ex-so-cialistes ont publié des informations surleurs objectifs et leurs statuts. C'est lecas notamment de l'Association desbibliothécaires de Lituanie, refondée en1989, et de la nouvelle Association desbibliothèques slovaques, fondée en1992.

14. Guidance Notes on the Code of ProfessionalConduct. - London : the Library Association, 1986.(disponible auprès de l'Association).

Et il ne faut pas oublier que l'AmericanLibrary Association déclare que sa mis-sion est de remplir le rôle de leader« pour le développement, la promotionet l'amélioration des services de biblio-thèque et d'information et pour la pro-fession de bibliothécaire afin de mettreen valeur le savoir et d'assurer l'accèsà l'information pour tous15 ».

Le respect de la déontologie et leconcept de « professionnalisme » sontintimement liés, on l'aura compris.

Il est intéressant de constater que lesouci de la qualité du service rejointquelques-uns des points repris danscertains codes de déontologie. EnGrande-Bretagne, la Library Associationa publié une Charte des bibliothèquesen 1993, et publiera en 1994 un docu-ment normatif sur les services fournispar les bibliothèques publiques16. EnFrance, la Charte des bibliothèques a

paru en 199217. Bien que ces deuxtextes ne soient pas tout à fait sembla-bles, ils parlent tous les deux du rôleculturel des bibliothèques, du droitd'accès à l'information, de la formationdes personnels.

Le besoin s'est fait sentir de temps entemps d'un code de déontologie univer-sellement reconnu par les associationsinternationales représentant les profes-sions des bibliothèques, des archives etde l'information. C'était d'ailleurs unedes recommandations du séminaire IFLA

de Londres (1987) sur l'harmonisationde la formation dans ces professions.

Pourtant, un tel code commun n'a pasencore vu le jour. L'IFLA ne publie paselle-même de code déontologique.Lorsque la question a été posée, on a

estimé que cela ferait double emploiavec les codes (nationaux) existants.On peut toutefois entrevoir les grandeslignes ou les éléments d'un code dansla déclaration de politique à long termede l'IFLA18.

L'IFLA vient également de préparer lenouveau texte du Manifeste des biblio-thèques publiques, qui doit être publiépar l'Unesco. Ce Manifeste est le fruitd'une large consultation internationale.

15. ALA. Mission statement ; cité dans ALA Hand-book of Organization.16. "A Charter for Public Libraries". Texte disponi-ble auprès de la Library Association, Londres.17. Charte des Bibliothèques. - Paris : Associationdu Conseil supérieur des bibliothèques, 1992. (Ex-trait du Rapport du président pour l'année 1991).1 8 . Statement of Long Term Policy, 1991 ». (Publiédans la brochure Le Programme à moyen terme del'IFLA 1992-1997, disponible auprès du secrétariatde l'IFLA à La Haye.)

Tenant compte de la nouvelle situationdes bibliothèques publiques, il met l'ac-cent sur la responsabilité de ces biblio-thèques de fournir avec impartialité unservice de haute qualité profession-nelle, en fonction d'objectifs et denormes clairement définis. Il parle dudroit des citoyens à l'information à desfins de développement social et cultu-rel ; mais il parle également de l'impor-tance économique des services de

bibliothèque et d'information, des res-sources et des politiques qui doiventsous-tendre ces services, de la forma-tion des personnels et de l'exploitationdes possibilités offertes par la techno-logie.

Dans le texte provisoire de ce Manifes-te, on peut lire : « La lecture est la clefde la connaissance et de l'information.Aussi est-il important d'encourager, dèsla petite enfance, le développement deshabitudes de lecture. C'est pourquoi la

bibliothèque publique se doit de four-nir des services propres à favoriser età améliorer la pratique de la lecture, à

vaincre l'illettrisme des adultes etcontribuer ainsi à combler l'écart entrebien et mal informés19. »

La formationDans la plupart des cas, la formation entant que telle ne semble pas être du res-sort des associations professionnelles.Leur rôle se limite normalement à :- la définition des compétences re-quises dans l'exercice du métier ;- la consultation avec les autorités detutelle et les écoles sur les modalités dela formation ;- le contrôle de certains types de for-mation et la délivrance de diplômes.

En ce qui concerne la définition descompétences, je voudrais simplementciter deux exemples récents des activi-tés d'autres associations nationales eu-ropéennes.

Tout d'abord, aux Pays-Bas, le NBLC a

défini (dans son rapport sur le profilprofessionnel) ce qui constitue actuel-lement l'essentiel du contenu destâches des personnels des biblio-thèques de lecture publique. Ce rapportdonne quelques indications sur lesorientations à venir. L'accent sera missur une meilleure adaptation de l'offrede services à la demande. Concernantla formation des personnels, il estprobable qu'on portera l'accent sur le

19. Citation du Manifeste Unesco pour les biblio-thèques publiques, version révisée de 1994. (Texteremis par l'IFLA au Programme général d'informa-tion de l'Unesco en mai 1994.)

bibliothécaire comme intermédiaire,conscient du droit du public à l'infor-mation et sur les compétences en ma-tière de communication et de gestion.Compte tenu de la professionnalisationdu métier de bibliothécaire, on essaierade mieux exploiter le grand nombre de

personnels diplômés et de faire en sorteque les programmes de formation tien-nent pleinement compte des besoins.

En Grande-Bretagne, la réglementationsur les nouvelles National VocationalQualifications est entrée en vigueur, etles associations de bibliothécaires assu-ment leur responsabilité de surveillancede la délivrance de ces qualifications.

Selon les pays, cette consultation entreles associations et les autorités de tu-telle peut porter sur :- le nombre des postes à pourvoir dansdifférents types d'établissement, selonles politiques en vigueur ;- le contenu des formations en fonc-tion d'objectifs professionnels.

Les associations ne doivent pas dicter leurloi aux écoles de formation, qui sontautonomes ou dépendent de l'État ou descollectivités. Il n'empêche que les asso-ciations ont un rôle à jouer dans l'homo-logation de cours de formation. AuxÉtats-Unis, l'ALA homologue 59 cours deformation dans des collèges divers (ycompris un petit nombre au Canada).

Il y a relativement peu d'associations denos jours qui délivrent des diplômes à lasuite d'enseignements ou de formationsqu'elles offrent elles-mêmes sans l'aided'établissements spécialisés. En revanche,certaines associations délivrent à leursmembres un certificat de compétencefondé sur l'accomplissement d'un stageou d'un cours suivi ailleurs ou sur le« contrôle continu d u travail quotidienpendant une période définie.

A ce propos, une initiative britanniquevaut d'être signalée : c'est l'encourage-ment aux personnels des bibliothèquesd'assumer une grande part de respon-sabilité pour leur propre développe-ment professionnel, de suivre un par-cours d'études et de réflexion tout entravaillant, et d'en faire le bilan en ré-digeant leur propre Professional Deve-lopment Report.

La défense de la profession

La défense des objectifs et du statut dela profession est, on le sait, un des prin-cipaux objectifs d'une association. Uneassociation n'est pas un syndicat ; pour-tant, le désintéressement n'exclut pasde défendre les carrières des membresqui ont le droit de voir leurs compé-tences et leur engagement reconnus.

L'importance des bibliothèques n'estnulle part contestée, mais la reconnais-sance du rôle essentiel joué par la pro-fession de bibliothécaire n'est jamaisgagnée d'avance. Le propre d'une asso-ciation est d'obtenir cette reconnais-sance en mettant en évidence la valeurdu travail professionnel ; et il est évi-dent que le niveau de rémunérationconsentie aux différentes catégories depersonnels constitue, dans l'ensemble,une jauge de la valeur que la sociétéaccorde à la profession.

Les codes de déontologie promulguéspar les associations imposent à leursmembres l'obligation de fournir un ser-vice de qualité au(x) public(s) pour quile service existe, et cela sans aucunediscrimination à l'encontre de quelquegroupe que ce soit. Dans le cas d'unservice de bibliothèque de rechercheou d'un service de documentation des-tiné à une clientèle restreinte, cela nepose généralement pas de problème -sauf peut-être dans le cas de politiquesd'acquisitions contestées et même decensure flagrante.

Dans le cas des bibliothèques publi-ques, les directions et les personnelssont parfois confrontés à des choix dif-ficiles : acheter ou non des documentscontroversés, enfreindre soit le principedu libre accès à l'information, soit celuide la non-discrimination. C'est un di-lemme. Mais quelle que soit la solutiontrouvée, les professionnels qui seraientattaqués en justice (ou même physique-ment - cela s'est vu) pour avoir agi entoute bonne foi et conformément à la

déontologie sont en droit de s'attendreà ce que leur association les défende.

Toutes les associations démocratiquesprennent position contre la censure, etpour la liberté d'expression et de publi-cation - mais contre toute " publica-tion " ou expression d'une opinion quiincite à la violence ou à la discrimina-tion. La recherche du dialogue ne doitjamais faire oublier que la Déclarationdes droits de l'homme impose des obli-gations à tous.

Notre profession a aussi pour objectifla défense du libre accès à l'informa-tion, mais dans le respect des lois surla propriété intellectuelle. Et au cas oùles associations estiment que ces loisdoivent être adaptées, elles font des

propositions dans ce sens. Depuis ledébut des années 1980, les associationsde nombreux pays de l'OCDE ont eul'occasion de défendre énergiquementauprès de leurs gouvernements la né-cessité de tenir compte, dans des pro-jets de loi, des intérêts des consom-

mateurs f a c e au lobby des proprié-taires de droits. En conséquence, dansces pays, la législation actuelle permetune utilisation « loyale d e l'informationà des fins de recherche, mais la bataillen'est jamais gagnée.

Le dialogue des bibliothèques avecd'autres organisations faisant partie dela chaîne du livre, sociétés d'auteurs,maisons d'édition, sociétés de distribu-tion, peut parfois buter sur des malen-tendus. Il est du ressort des associationsde négocier avec ces partenaires.

Signe du temps, les associations des

pays de l'Union européenne ont bienvu le danger de ne pas s'engager danscertains débats, et de ne pas faire en-tendre leur voix, de sorte qu'ils ont crééun bureau pour les représenter auprèsde la Commission européenne.

Nous savons qu'à l'issue du débat surle droit de prêt en Europe, les associa-tions ont dû accepter une réglementa-tion dont elles contestent certaines dis-positions. Il est de l'intérêt de chaquepays d'adopter une politique nationalede promotion de la lecture qui respectele droit à l'information, tout en respec-tant les droits des créateurs de l'infor-mation.

Autre signe du temps, l'OMPI discute ac-tuellement de la préparation d'une ré-vision de la convention de Berne. Cer-taines ONG (dont l'IFLA) sont représen-tées aux auditions, mais notreprofession a du mal à faire entendre sa

voix face aux propriétaires de droits.

Il est évident que le droit d'accès à l'in-formation suppose que les biblio-thèques soient en mesure d'obtenir tousles documents qu'elles estiment néces-saires. Toutes les associations profes-sionnelles pensent avoir le devoir dedéfendre les budgets des bibliothèqueset leur pouvoir d'achat qui a un impactdirect sur le libre accès à l'information.

Les relations internationales

Les associations ont évidemment unrôle important à jouer dans ce domaine.Elles sont bien placées pour aider leurs

homologues à l'étranger - par la diffu-sion d'informations sur les politiquesprofessionnelles, par des accords de ju-melage qui permettent d'organiser des

stages, des programmes de dons de li-vres, des échanges de personnels, etc.Ces activités peuvent se mener avectous les pays, mais présentent un intérêttout particulier dans le cas d'échangesavec les associations des pays en déve-

loppement.

Il y a des activités qui tombent dans ledomaine des relations internationales :les négociations sur l'équivalence des

diplômes, la gestion des accords de co-

opération.

Aucune association ne peut consacrerplus qu'une part très restreinte de ses

ressources à ces activités, qu'elle doittoujours justifier auprès de ses mem-bres ; mais elle peut les justifier en fai-sant valoir que les intérêts d'une pro-fession sont forcément internationaux,même si les associations profession-nelles sont des collectivités aux statutsréglés par des lois nationales.

La gestion des associations

Les associations doivent aussi se gérerd'une manière efficace et démocrati-que. L'importance des statuts d'une as-sociation, c'est qu'ils permettent auxmembres de s'exprimer démocratique-ment, à l'association de suivre une po-litique claire et à la profession de dé-fendre son identité professionnelle.

Le Programme général d'information del'Unesco a publié des Principes direc-teurs pour la gestion des associationsprofessionnelles d'archivistes, de biblio-thécaires et de documentalistes, préparépar R. Bowden sous l'égide de l'IFLA20.Ce document important a été traduitdans de nombreuses langues. Il définitle rôle des associations dans la défensede la profession et du professionna-lisme, pose les principes de l'organisa-tion et de l'administration et ceux d'unebonne gestion financière des associa-tions, propose les services profession-nels qui peuvent être fournis et une dé-finition des politiques qui peuvent gui-der les associations. Enfin, il proposeun « règlement intérieur modèle ».

La Table ronde de l'IFLA sur la gestiondes associations continue à mener uneréflexion et à diffuser informations etconseils sur ce sujet. Ce groupe orga-nise une série d'ateliers dans différentspays pour expliquer et commenter lesprincipes directeurs de R. Bowden.Avant le récent atelier en Hongrie, enmars 1994, on a recueilli des informa-tions sur les statuts des nouvelles asso-ciations démocratiques des pays del'Europe de l'Est. Il ressort de certainsde ces documents que les nouvelles as-sociations apprennent à se gérer autre-ment dans la nouvelle situation.

20. Bowden, Russell. Principes directeurs pour lagestion des associations professionnelles d'archi-vistes, de bibliothécaires et de documentalistes. -Paris : Unesco/PGI et UNISIST, 1989 (PGI-

89/WS/ll).

Le marketing de la profession

Il ressort de tout ce qui précède quel'amélioration de l ' image populaire »

du métier de bibliothécaire passe parune sensibilisation du public. Mais l'en-jeu est trop important pour en resteraux act ions cosmétiques ».

La profession tout entière (les associa-

tions en tête) se doit d'insister sur la

valeur économique des services d'infor-mation et sur l'importance des services

de bibliothèque pour l'éducation, doncaussi en fin de compte pour l'économienationale.

La profession doit se mettre mieux en

valeur, mais aussi écouter. Pourquoi lemarketing de la profession est-il si im-portant ? Parce que l e marketing n eveut pas dire « la vente » . Ce vocable bi-zarre signifie, pour une professionorientée vers le service :- savoir quels sont ses propres objectifs ;- savoir quelles sont les ressources dis-ponibles pour les atteindre ;- savoir quels sont les besoins et les

objectifs des utilisateurs (actuels et sur-

tout potentiels) ;- savoir comment les satisfaire ;- savoir comment évaluer et améliorerle service fourni.

On n'oblige plus les clients à chercher

les coordonnées des ouvrages qu'il leurfaut dans des tiroirs de fiches catalogra-

phiques - bien qu'il y ait peut-être cer-

tains d'entre nous qui regrettent le bonvieux temps. De la même manière, ondoit écouter notre public lorsqu'il s'agit

d'améliorer notre service sur le plan hu-main : meilleur accueil dans les biblio-thèques, meilleur accès à distance aux ca-

talogues par la télématique. De la même

manière encore, les associations doiventrester à l'écoute de leurs membres.

Une approche « marketing de la pro-fession, la mise en évidence de son im-portance économique, correspondaussi à la défense des membres.

Prévoir les évolutionsà ven i r

Un métier ne survit qu'en s'adaptant,mais pour bien s'assurer de la survie de

son métier, il faut savoir prévoir les évo-lutions à venir. Quelles sont les ten-dances actuelles qui vont se poursuivreet créer des enjeux pour notre profes-sion, à l'échelle internationale ?

La défense du droit de l'accèsà l'informationEt l'encouragement à la mise en ½uvre- bien dosée - des moyens techniquesactuellement disponibles qui ouvrentl'accès à l'information. Mais il s'agit enmême temps de ne pas être dupe, deregarder le coût de ces moyens nou-veaux, leurs effets sur notre public.

Dans tous les pays industrialisés, l'ex-périence du travail en réseau et de l'in-terrogation de bases de données four-nies par des serveurs nationaux et in-ternationaux est depuis longtempsacquise par les bibliothèques de re-cherche et les plus grandes biblio-thèques publiques. Les avantages deces moyens technologiques dans lamise à disposition de documents sontconnus et reconnus.

Les bibliothèques sont maintenantconfrontées à d'encore plus grandespossibilités d'exploitation et d'inter-connexion de ces outils merveilleuxque sont les réseaux télématiques. Maisil serait sage, avant de se lancer sur les« autoroutes de l'information d e sesouvenir qu'elles sont chères (et de cefait toujours inaccessibles aux petitesbibliothèques) et ont des effets impré-visibles sur le comportement de leursutilisateurs. La profession doit étudiersoigneusement les coûts de ces ser-vices, la valeur des informations qui cir-culent, et leurs implications pour la dé-

ontologie.

Les avantages et les inconvénients ? Ilest évident que ces réseaux offrent lapossibilité de resserrer les liens entreles membres de la profession. S'ils po-sent des problèmes, ceux-ci ne sont pasfondamentalement nouveaux, mais plu-tôt des problèmes connus apparaissentsous une forme plus aiguë.

Par contre, les technologies de l'infor-mation ouvrent d'autres possibilités,déjà en exploitation, de communicationprofessionnelle et de publication élec-tronique - en abolissant la distance eten permettant d'adapter le t i r a g e d'une publication à la demande. Maisil est faux (évidemment) de dire que lelivre imprimé va disparaître.

On a compris quelles en sont les impli-cations dans le domaine de la propriétéintellectuelle et comment la professiondoit réagir. Essentiellement, nous de-vons concilier la défense du droit à l'uti-lisation l o y a l e d e l'information (dans

un but culturel) et le respect des loissur la propriété, tout en continuant à

faire valoir que ces lois tendent à pro-téger les plus forts.

La préservation du patrimoine

Nous sommes tous conscients aujour-d'hui des dangers qui menacent notrepatrimoine - national ou international.Des plans de sauvegarde se trouventmis en application depuis longtemps ousont à l'ordre du jour des associations,des grandes bibliothèques ou des gou-vernements. On sait à peu près quelssont les moyens techniques à mettre enoeuvre - bien qu'on sache moinscomment financer des actions de sau-vegarde à très grande échelle.

L'enjeu est double : pour la professiondans son ensemble de réfléchir sur lescritères de sauvegarde (puisqu'il fautchoisir entre ce qu'on peut et doit sau-ver et ce qu'il est moins important desauver, vu que le temps et les moyensnous sont comptés) et pour chaque pro-fessionnel de rester conscient des ac-tions simples qu'il peut pratiquer quo-tidiennement pour préserver les docu-ments « patrimoniaux » dont il estresponsable.

La reconnaissance de la valeuréconomique de l'informationEt la prise en compte de cette évidencedans l'opération des services et la for-mation des personnels.

La défense du rôle cultureldes bibliothèques dans l'éducationet le combat contre l'illettrisme

Et la prise en compte de ce rôle dans lespolitiques culturelles : les professions dulivre, des bibliothèques et de l'informa-tion doivent combattre toute attitude ettoute politique qui aillent à l'encontre desprincipes de la lecture publique et de lagratuité. Nous avons l'obligation de per-mettre à tous les membres de la commu-nauté (majorité et minorités comprises)d'avoir accès au savoir. Cela entraîne desactions d'alphabétisation, des campagnesde publicité.

Cela signifie la défense de nos objectifsprofessionnels contre un certain étatd'esprit ou climat d'opinion qui auraitpour effet l'appauvrissement des ser-vices de bibliothèques actuels sans lesremplacer par d'autres services répon-dant aux mêmes objectifs - des effetstotalement négatifs, donc.

L'action en faveurdes pays en développement

Les associations et les institutions desdifférents pays peuvent, selon leursmoyens, agir directement, soit souteniractivement les autres organisations- gouvernementales et non gouverne-mentales - qui ont plus de moyens et

dont l'action vise à améliorer les condi-tions socio-économiques dans ces pays.

Ce n'est pas de l'idéalisme, mais de l'en-traide pratique et nécessaire. Le mondemoderne de l'information est très petit,et nous sommes interdépendants lesuns des autres.

Un haut responsable du PNUD a dit trèsclairement, dans une réunion de l'Unes-co-PGI à Caracas en mars 199321, qu'unpays peut très bien avoir atteint un hautniveau de développement industrielsans pourtant que son niveau de déve-loppement social ait suivi. La pauvretéest flagrante dans de nombreux paysdont les indices de développement in-dustriel sont pourtant favorables - etc'est la pauvreté qui menace la paix so-ciale. Les politiques d'éducation etd'action culturelle doivent tenir pleine-ment compte du fait que l'informationest un facteur de développement ; maissi les professionnels des bibliothèqueset de l'information ne mettent pas enavant cette vérité évidente, elle risquede ne pas être comprise.

Les implications ?

La profession doit faire mieux ques'adapter, elle doit prévoir, réfléchir surles vrais enjeux, et agir. Une collabora-tion stratégique se révèle nécessairepour défendre les objectifs des associa-tions dans le secteur des bibliothèqueset de l'information. Effectivement, desévolutions sont en cours :- dans le domaine de la sauvegarde dupatrimoine, l'IFLA, le CIA et d'autresONG collaborent avec l'Unesco dansl'élaboration de programmes « Mémoiredu monde » ;- la collaboration internationale entreles professions des bibliothèques, desarchives et l'information est de nouveauà l'ordre du jour, puisqu'il est questiond'une réunion en octobre de cette an-née (au cours du congrès de la FID à

Tokyo) pour examiner la possibilitéd'une approche commune des profes-sions au niveau international pour dé-fendre l'accès à l'information.

Conclusions

Quel sera demain le métier du biblio-thécaire ? Quel sera le dénominateur

21. Kliksberg, B. Conference. In Meeting of Experts

for the Definition of regional Information Strate-gies in Latin America and the Caribbean (Caracas,

March 2-4 1993). Final report. - Caracas : Unesco-PGI, 1993. (PGI/LAC-93/2).

commun entre les professionnels despays riches et ceux des pays pauvres ?

On peut voir dans les différenteschartes nationales des bibliothèques, etdans le Manifeste pour les bibliothèquespubliques, quelques indications des di-verses options professionnelles des as-sociations.

Au fond, le métier de demain n'aura paschangé de mission culturelle, mais ilexigera de ses praticiens une formationencore plus rigoureuse et des compé-tences nouvelles. Les conditions écono-miques dans le monde de demain se-ront sûrement encore plus dures qu'au-jourd'hui. La composante technologieappliquée d e la formation profession-nelle sera rigoureuse.

Les emplois seront moins assurés,moins confortables ; mais par contre ilsoffriront de nouvelles possibilitésd'épanouissement professionnel - à

une condition : que les professionnelssachent exploiter les nouvelles techno-logies et ne pas s'en détourner.

Un plus grand rapprochement ou uneplus étroite collaboration entre les as-sociations pourra en être une consé-quence. Seules, réunies au niveau na-tional, ou au sein de l'IFLA, les associa-tions pourront définir quels sont leursobjectifs prioritaires communs, quellessont les formations requises, quellessont les politiques à suivre.

Quelles ressources seront disponiblespour atteindre ces objectifs ? On nenous apportera pas ces ressources surun plateau d'argent. La profession et ses

associations devront apprendre à mieuxconnaître les organisations qui sont sus-ceptibles de les aider, et peut-êtremême à mieux connaître leur public.

Texte révisé, La Haye, juillet 1994