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Connexions Un fil se déroule et s'effare Ariane est passée par ici Le long d'objets épars Sans parole, sans récits Disposés sur la table basse Rien que des mutismes fiers! Accrochés par leur chair lasse Rouge et grise; une flamme légère Brûle la terre, la barbe et le canon Qui longe le fil des piloris gratuits A la gâchette fragile, geste prompt Lie et soude leurs jours et nos nuits D'un fil sulfureux qui se tord Aux lointaines morts qu'on ignore Sous les spasmes des tchadors Jusque dans nos miradors Troués de baïonnettes et de vols... Un fil part des fantassins Par le chas de leurs âmes fragiles Un nœud les accroche à la potence Des frivolités barbares et des dols Sans qu'ils soient chérubins Exempts de sang et de grésil De Vénus que ploie la repentance De vices et de viols sépulcraux Serpente un fil ocre de terre remuée Sous le silence des joies muées En rets majeurs, dardant leurs crocs Vers la chair lasse des clergés, Dans les ombres virevoltantes Aveugles, jaugeant sans berger, Et les vagins rebelles de la décadente Ouverts aux assauts des torrents Un fil rampe, hagard sous les vents Des terres arides aux ifs hautains Un fil simple, un fil mince, presque vain Un air fuyant s'accroche à un fil Fluette trainée de mélodie De rythmes qui se faufilent Des steppes aux maquis Au gré des périples heureux... Des mouchoirs en guise d'adieu Pour des pères qui partent au loin Ce sont des torches et des témoins Que les compagnes vénèrent Quand les héros se taisent dans la paix Quand elles s'ennuient des débarcadères Du bateau grave, un fil s'attache aux quais Un fil à coudre les attend Sous les commissures du temps Et on se force à oublier les fronts avides Qui résonnent comme des errances vides Aux coins des feux que torture la grêle D'un ordre de mort fébrile, vite signé Comme le frisson d'une hache sur un cou frêle Pend un fil coupable et résigné Il pénètre les cales et délivre les squales Les flots rouges des orgasmes mâles Un fil qui vibre à Auschwitz Quand les hégémonies renient leur berceau, Là où tomba le verdict de Nietzsche Pousse un fil qui nous rappelle le sceau Au milieu des pâmoisons du Ritz Des convenances et des contrats humains Un fil soulève les traités fâcheux Enfichés dans les cols des justices putains Un fil accroche au cou des fils sans mères Des barreaux aux jets de pierres Les miasmes des charniers d'Al-Aqsa Un fil saigne sous les coups et les pustules Que délecte la violence des forçats Sous les yeux des anges incrédules Les existences se débattent Emmaillotées aux altérités ingrates Entre Toulouse dans sa robe lourde Et un passant noir à la marche sourde Des briques crasseuses aux sandales Un fil invisible tisse un amour vandale Honni par les sages et leurs prémisses Un fil contre l'anéantissement se tisse Nul souffle vain sur cette terre Nulle sueur qui ne soit bue par un frère

Connexions

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Le fil de la vie

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Page 1: Connexions

Connexions

Un fil se déroule et s'effare Ariane est passée par ici Le long d'objets épars Sans parole, sans récits

Disposés sur la table basse Rien que des mutismes fiers! Accrochés par leur chair lasse Rouge et grise; une flamme légère

Brûle la terre, la barbe et le canon Qui longe le fil des piloris gratuits A la gâchette fragile, geste prompt Lie et soude leurs jours et nos nuits

D'un fil sulfureux qui se tord Aux lointaines morts qu'on ignore Sous les spasmes des tchadors Jusque dans nos miradors

Troués de baïonnettes et de vols... Un fil part des fantassins Par le chas de leurs âmes fragiles Un nœud les accroche à la potence

Des frivolités barbares et des dols Sans qu'ils soient chérubins Exempts de sang et de grésil De Vénus que ploie la repentance

De vices et de viols sépulcraux Serpente un fil ocre de terre remuée Sous le silence des joies muées En rets majeurs, dardant leurs crocs Vers la chair lasse des clergés,

Dans les ombres virevoltantes Aveugles, jaugeant sans berger, Et les vagins rebelles de la décadente Ouverts aux assauts des torrents

Un fil rampe, hagard sous les vents Des terres arides aux ifs hautains Un fil simple, un fil mince, presque vain

Un air fuyant s'accroche à un fil Fluette trainée de mélodie De rythmes qui se faufilent Des steppes aux maquis

Au gré des périples heureux... Des mouchoirs en guise d'adieu Pour des pères qui partent au loin Ce sont des torches et des témoins Que les compagnes vénèrent Quand les héros se taisent dans la paix

Quand elles s'ennuient des débarcadères Du bateau grave, un fil s'attache aux quais Un fil à coudre les attend Sous les commissures du temps Et on se force à oublier les fronts avides Qui résonnent comme des errances vides Aux coins des feux que torture la grêle

D'un ordre de mort fébrile, vite signé Comme le frisson d'une hache sur un cou frêle Pend un fil coupable et résigné

Il pénètre les cales et délivre les squales Les flots rouges des orgasmes mâles Un fil qui vibre à Auschwitz Quand les hégémonies renient leur berceau,

Là où tomba le verdict de Nietzsche Pousse un fil qui nous rappelle le sceau Au milieu des pâmoisons du Ritz Des convenances et des contrats humains Un fil soulève les traités fâcheux Enfichés dans les cols des justices putains

Un fil accroche au cou des fils sans mères Des barreaux aux jets de pierres Les miasmes des charniers d'Al-Aqsa

Un fil saigne sous les coups et les pustules Que délecte la violence des forçats Sous les yeux des anges incrédules

Les existences se débattent Emmaillotées aux altérités ingrates Entre Toulouse dans sa robe lourde Et un passant noir à la marche sourde Des briques crasseuses aux sandales Un fil invisible tisse un amour vandale Honni par les sages et leurs prémisses

Un fil contre l'anéantissement se tisse Nul souffle vain sur cette terre Nulle sueur qui ne soit bue par un frère

Page 2: Connexions

Crasseuse toile qui nous enchaîne Des viols aux croque-mitaines Sur les faîtes comme sous les limbes Dans les orgies comme sous les nimbes Un fil chante l'invasion des foules Vers Sélène-la-Vierge que nos pas foulent Une louve qui hurle contre notre batre Et au loin, les moutons se cloîtrent Un fil étrange que j’entends sourdre

Du fond des entrailles sèches Des gueules aux prisonniers à pendre Un mince fil d'or et de sang

De pleurs et de salives rêches S'entend autant que les taons Ruisselle quand se tarissent les étangs Au bout des mirages effacés

Un fil qui se tend quand le temps attend Enroule les caducées Aux pics des souffles unanimes Un fil bravant les immondices Sous les ponts magnanimes Un fil qui lie les mains qui se tendent Aux fouets qui déchirent Les rameurs qui se vendent Aux champs qui se meurent Un fil va, tout aux roulis Un fil lourd de peines et de marches Légère volute des nuits de pluie Sous les cieux de la grande arche Un fil s'échappe de la robe de la mariée Et s'en va coudre les linceuls

Des hommes des conquérants, Des âmes qui se bradent à la criée Qui asservirent même les océans Cyniques d'étals de reines peulhes

Menottées au fil des caravelles, De l'histoire qui titube dans les ténèbres Des opprobres stoïques

Une nuit d'orgie et de sac Dans la cité d'Abel Sous les cieux qui se zèbrent Aux lueurs des calligraphies héroïques

Pendant que dansent les abaques Un fil suinte des jougs putrides Aux bâtards sans patrie Qui coulent le long d'une ride Que mille regrets strient Un fil dépasse de la scène Un fil survit Eclair clair sur la cène De deux hommes sur le parvis Lorsque les tocsins ne servent plus Un fil se dévoile Quand se voilent les yeux perclus Aux côtés des graals Un fil qui court décrocher les tachyons Accrochées aux grimoires Un fil prostré sur sa condition De griot des temps sans mémoire Un fil qui se donne, qui s'arrache Dans les rires et la douleur Un fil sublime en haut des marches Au-delà de toutes les peurs Ardente torche des êtres transis Derrière les coulisses et les racines Un fil et un pain rassis De la manne qu'on piétine Des sacrifices rabâchés

Page 3: Connexions

Aux dons et aux rites Un fil couve les tranchées Et terrasse les guérites maudites Un fil de laine lacère Bellérophon Ulcère les dieux Un fil sonne comme sonne un papillon Dans un envol langoureux Un fil sans attaches, qui va et dort A travers les rues des vampires Quand marchent les morts Et que se barricadent les empires Un fil qui suit les contingences Perdues ou compromises

S'empare des quêtes Urgentes ou sursises Des ossements aux faïences En quinconce sur le gril

Un fil ne fuit ni n'arrête Les statures grises d'argile S'arriment aux compromissions Négociées avec les utopies

Encore endormies, les heures titubent En cette ère sans entropie Sur un fil nu en travers de l'horizon Cherchent un messie

Et fuient les succubes… Un Potier qui passa par ici