Conscience, métacognition, apprentissage : le cas des ... · PDF file3 mémoire humaine : l'empan de la mémoire de travail, les règles de l'oubli, le caractère évolutif de la

  • Upload
    hatuyen

  • View
    216

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

  • Paru dans La conscience chez lenfant et chez llve

    sous la direction de Francisco Pons et Pierre-Andr Doudin

    Qubec : Presses de lUniversit du Qubec, 2007, 108-130.

    Conscience, mtacognition, apprentissage : le cas

    des comptences mthodologiques

    Romainville1 M.

    Rsum

    Lorientation de ce chapitre est rsolument psychopdagogique. Sa thse gnrale est

    que la conscience que llve dploie propos de ses apprentissages constitue une pierre

    angulaire de la russite de ces derniers. Cette thse sera dveloppe partir du champ des

    comptences mthodologiques, dont le dveloppement constitue actuellement un des objectifs

    prioritaires de la plupart des systmes ducatifs. Il sagira de montrer que la matrise, par

    llve, de ces comptences, essentielles la russite des apprentissages scolaires, implique

    une composante mtacognitive majeure.

    Lintroduction est consacre une rapide mise au point conceptuelle. On y prcise

    notamment ce que recouvre le concept de mtacognition et le rle quy joue la conscience. On

    montre aussi comment la mtacognition est un facteur particulirement favorable

    lapprentissage. La premire partie du chapitre est ensuite ddie la prsentation de

    quelques grands principes pdagogiques qui devraient guider, daprs nous, le

    dveloppement des comptences mthodologiques des lves. Ces principes sont tablis sur la

    base dune large synthse des travaux de recherche ayant trait lenseignement de stratgies,

    travaux qui concluent, de manire assez unanime, limportance dune approche

    mtacognitive de cet enseignement. La seconde partie se risque articuler ces principes dans

    un modle pdagogique, mtacognitif et oprationnel du dveloppement des comptences

    mthodologiques.

    1 Universit de Namur (Belgique)

  • 2

    1. INTRODUCTION

    La mtacognition fait fondamentalement rfrence au concept de conscience. Elle tudie en

    effet, en premire approximation, la manire dont un tat de conscience de ses propres

    processus cognitifs est dclench chez un individu (Nelson, 1996 ; Nguyen-Xuan, 1990).

    1.1 Conscience et mtacognition

    Dans la perspective pdagogique qui sera celle de ce chapitre, la mtacognition dsigne plus

    prcisment, d'une part, les connaissances introspectives et conscientes que llve a de ses

    propres manires d'apprendre et, d'autre part, sa capacit les rguler dlibrment

    (Gombert, 1990 ; Grangeat, 1997 ; Nol, Romainville & Wolfs, 1995 ; Romainville, 2000a).

    On dira donc que llve exerce sa mtacognition, soit quand il fait tat de connaissances

    explicites de son fonctionnement cognitif, soit quand il contrle et adapte intentionnellement

    ce dernier en vue datteindre un objectif dapprentissage. Cette faon de poser la

    mtacognition met clairement laccent sur limportance de la conscience dans cette opration :

    un changement de stratgie, opr par un lve la suite dun processus adaptatif inconscient

    dessais et erreurs, ne sera ainsi pas qualifi de mtacognitif . Au contraire, une

    modification de stratgie rsultant dune prise de conscience de ses propres oprations

    cognitives sera, quant elle, considre comme mtacognitive.

    Par ailleurs, cette esquisse de dfinition montre que la mtacognition constitue un

    concept double composante, lune dclarative et lautre procdurale. La premire

    composante de la mtacognition a trait lensemble des connaissances que llve se construit

    consciemment, au fur et mesure de sa scolarit, propos de ses actes mentaux. Llve vit

    des expriences dapprentissage et considre, spontanment ou parce quil y est invit,

    certaines dentre elles comme objets de rflexion. Il les explicite, les analyse, les

    conceptualise et se construit ainsi un certain nombre de connaissances sur sa cognition. Ces

    connaissances mtacognitives sont de trois types (Flavell, 1987).

    Des connaissances des facteurs lis la personne qui apprend. Par exemple, tel lve se

    rend compte qu'une ractivation orale (se redire haute voix linformation retenir) est

    plus efficace pour lui qu'une ractivation visuelle. Il apprend aussi connatre ses forces

    et ses faiblesses : il observe qu'il mmorise plus facilement des listes de mots de

    vocabulaire en langues trangres en leur associant des images mentales. Enfin, il

    emmagasine aussi des connaissances plus universelles propos du fonctionnement de la

  • 3

    mmoire humaine : l'empan de la mmoire de travail, les rgles de l'oubli, le caractre

    volutif de la mmoire, etc.

    Des connaissances des facteurs lis la tche dapprentissage. Par exemple, toujours dans

    le mme domaine de la mmorisation, tel lve dcouvre quune matire peu redondante

    doit tre mmorise moins vite ou qu'une longue liste doit tre fractionne.

    Des connaissances des facteurs lis aux stratgies dapprentissage. Quelles sont les

    stratgies d'encodage, de ractivation et de rappel les plus efficaces ? Vaut-il mieux

    mmoriser un texte long tout d'un coup ou par parties ? Vaut-il mieux reprendre, chaque

    mmorisation, les parties prcdemment mmorises ?

    La seconde composante de la mtacognition a trait la capacit de llve rguler ses

    manires dapprendre, cest--dire les planifier (fixer le nombre et l'horaire des ractivations,

    par exemple), contrler leur mise en uvre et les ajuster si ncessaire aprs en avoir valu

    les effets.

    Quelle que soit la composante envisage, la mtacognition est donc fondamentalement

    une opration de mise distance consciente des apprentissages. Elle suppose, de la part de

    llve, une sorte dintuition de ce qui se passe dans son esprit en termes doprations

    cognitives, ce qui correspond une dimension majeure de la conscience, parfois appele

    expresse ou rflexe (Pinard, 1989). Une discussion plus approfondie des diverses thories de

    la conscience et des relations entre conscience et mtacognition dpasserait largement le cadre

    de ce chapitre. Le lecteur intress par une telle discussion pourra consulter Nelson (1996),

    Nguyen-Xuan (1990) et Pinard (1989). Pour notre propos, il suffit de faire observer que

    llve, en se regardant apprendre, considre le savoir et ses modes dappropriation comme

    des objets possibles de rflexion consciente. Il devient ainsi plus indpendant des situations

    cognitives et de lenseignant qui les lui propose (Grangeat, 1997). Cette autonomie lui permet

    ds lors de piloter de manire plus efficace son activit intellectuelle.

    1.2 Mtacognition et apprentissage

    Ds que la mtacognition a pntr avec force le discours pdagogique des annes 80, il sest

    rpandu une sorte de paradigme propos de la relation entre la mtacognition et laction :

    llve qui sait quil sait est capable den savoir plus que les autres. La mtacognition, comme

    opration de second ordre de la pense sur la pense, a alors t considre comme un moyen

    privilgi d'amliorer la performance des lves. Les bons lves taient dailleurs, par

  • 4

    essence, mtacognitifs : Jusquici, les bons lves sont une minorit. Pourquoi ? Parce

    quun bon lve est un lve -spontanment ou familialement - mtacognitif, cest--dire qui a

    appris savoir ce quil sait, tre capable de mobiliser bon escient ses connaissances

    dclaratives et procdurales. (Lancelot, 1999, p. 9).

    Mme si cette relation entre la mtacognition et lamlioration des performances doit

    tre nuance, notamment en regard de la clbre distinction de Piaget entre russir et

    comprendre (Romainville, 2000a), il nen est pas moins vrai que la mtacognition sest

    rvle un facteur particulirement favorable lapprentissage. Ainsi, Wang (1990) conclut sa

    mtaanalyse sur les facteurs qui favorisent lapprentissage en pointant la mtacognition

    comme tant en dfinitive le facteur le plus efficace, davantage que le temps pass sur la tche

    ou encore le feed-back. Les recherches sur les lves en difficult dapprentissage montrent

    aussi que les performances scolaires leves sont associes des comptences

    mtacognitives efficaces ... la matrise de savoirs et de savoir-faire mtacognitifs permet de

    bnficier de linstruction et facilite le dveloppement cognitif et les apprentissages

    notionnels (Doudin & Martin, 1992, p. 19). Zimmerman (2000) indique, dans le mme sens,

    que la comptence la plus ncessaire un apprentissage de qualit est celle de pouvoir

    rflchir sur sa propre activit dapprentissage et de lajuster en fonction de contextes varis.

    Les tudes ralises sur les processus du transfert montrent, elles aussi, que ce dernier

    est largement favoris par des interventions mtacognitives. Par exemple, si on aide les lves

    prendre conscience des succs et des impasses de leurs stratgies de rsolution de

    problmes, on peut en favoriser le transfert dans de nouvelles situations (Kail & Fayol, 2003).

    2. LE DVELOPPEMENT DE COMPTENCES

    MTHODOLOGIQUES : PRINCIPES

    Plutt que de vouloir passer en revue tous les domaines dans lesquels lapprentissage

    bnficie de la mtacognition, ce chapitre cherche montrer - dans le dtail et sur un seul de

    ces domaines, mais dimportance - comment le dveloppement de comptences passe presque

    inluctablement par des interventions mtacognitives auprs des lves.

    Le domaine choisi est celui des comptences mthodologiques. Il est important dans la

    mesure o laccompagnement mthodologique sest progressivement impos, depuis une

    vingtaine dannes, comme une facette nouvelle du mtier denseignant, de lenseignement

    primaire au suprieur. Ainsi, on estime