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Construction de la paroi au coulis ciment– bentonite sous la digue nord de l’aménagement hydroélectrique La Grande 1 Michel Massiéra et Jerry Levay Résumé : Dans le cadre de la réalisation du complexe La Grande, une digue de 2444 m de long a été construite sur la rive nord de l’aménagement hydroélectrique La Grande 1 (LG-1). La présence d’une grande terrasse d’argile sensible d’origine marine surmontée, dans sa partie centrale, de dépôts alluviaux et deltaïques de sable et silt, a nécessité une conception particulière, soit la construction d’une paroi au coulis ciment–bentonite pour assurer une coupure étanche à travers les dépôts de sable et silt de la terrasse. Cet article présente les différentes phases de construction de cet écran d’étanchéité, en insistant plus particulièrement sur les méthodes d’excavation utilisées et le contrôle de la qualité exercé au cours de la réalisation de la paroi. Mots clés : bentonite, ciment, construction, coulis, écran d’étanchéité, excavation, tranchée. Abstract: As part of the La Grande complex, in northern Québec, the development of the LG-1 hydroelectric project required the construction of a 2444 m long dyke on the north shore. The presence of a wide sensitive marine clay terrace covered with deltaic and river sand and silt deposits called for several design features, including the construction of a cement–bentonite cutoff through the sand and silt deposits on the terrace. This paper describes the different construction phases of the cement–bentonite cutoff with emphasis on excavation procedure and quality control. Key words: bentonite, cement, construction, cutoff, excavation, slurry trench. Massiéra et Levay 155 La technique d’utiliser une paroi au coulis ciment– bentonite pour construire un écran d’étanchéité s’est déve- loppée il y a une trentaine d’années. Ce type d’écran peut être utilisé, comme coupure ou écran d’étanchéité sous les ouvrages en remblai, dans le cas où il est nécessaire d’avoir un écran flexible capable de subir des déformations sans fissuration. Cette technique consiste en l’excavation d’une tranchée à l’aide d’un coulis ciment–bentonite; le coulis agit d’abord comme support des parois et, en faisant prise, cons- titue l’écran d’étanchéité. Dans le cadre de la phase II du développement du complexe La Grande, à la Baie James (Société d’énergie de la Baie Ja- mes 1996), l’aménagement La Grande 1 (LG-1) a nécessité la réalisation de la digue nord. L’emplacement de la centrale LG-1 (fig. 1) se trouve au kilomètre 37 de La Grande Rivière, à 74 km en aval des centrales LG-2 et LG-2A. La centrale LG-1 est une centrale au fil de l’eau, d’une puis- sance installée de 1368 MW. Outre la centrale, l’aménagement hydroélectrique LG-1 comporte un évacuateur de crues de 17 200 m 3 /s de capacité et deux barrages poids en béton (barrages nord et sud) ainsi que deux digues en terre et en enrochement. La digue nord qui constitue la plus importante de ces deux digues prolonge les structures en béton sur la rive droite (rive nord) de La Grande Rivière. Un écran d’étanchéité a été réalisé sous cette digue nord, dans sa partie centrale (secteur 2) qui constitue une digue de re- vanche. Cet écran est constitué d’une paroi au coulis ciment–bentonite autodurcissable qui s’étend sur une lon- gueur de 1030 m. Il a une profondeur moyenne de 17,7 m et une largeur (épaisseur) de 0,6 m. Après une courte description des conditions de fondation de la digue nord et des différents choix possibles de traite- ment de fondations, l’article présente les différentes phases de construction de l’écran d’étanchéité. Il insiste plus parti- culièrement sur les méthodes d’excavation utilisées et le con- trôle de la qualité exercé au cours de la réalisation de la paroi. Can. J. Civ. Eng. 26: 145–155 (1999) © 1999 CNRC Canada 145 Reçu le 14 mai 1998. Révision acceptée le 16 septembre 1998. M. Massiéra 1 . École de génie, Université de Moncton, Moncton, NB E1A 3E9, Canada. J. Levay. Direction principale, projets d’équipement, Société d’énergie de la Baie James et Hydro-Québec, 855, rue Ste-Catherine Est, Montréal, QC H2L 5B2, Canada. Les commentaires sur le contenu de cet article doivent être envoyés au directeur scientifique de la revue avant le 31 août 1999 (voir l’adresse au verso du plat supérieur). 1 Auteur correspondant (tél. : (506) 858-4141; téléc. : (506) 858-4082; e-mail : [email protected]).

Construction de la paroi au coulis ciment-bentonite sous la digue nord de l'aménagement hydroélectrique La Grande 1

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Page 1: Construction de la paroi au coulis ciment-bentonite sous la digue nord de l'aménagement hydroélectrique La Grande 1

Construction de la paroi au coulis ciment–bentonite sous la digue nord de l’aménagementhydroélectrique La Grande 1

Michel Massiéra et Jerry Levay

Résumé: Dans le cadre de la réalisation du complexe La Grande, une digue de 2444 m de long a été construite sur larive nord de l’aménagement hydroélectrique La Grande 1 (LG-1). La présence d’une grande terrasse d’argile sensibled’origine marine surmontée, dans sa partie centrale, de dépôts alluviaux et deltaïques de sable et silt, a nécessité uneconception particulière, soit la construction d’une paroi au coulis ciment–bentonite pour assurer une coupure étanche àtravers les dépôts de sable et silt de la terrasse. Cet article présente les différentes phases de construction de cet écrand’étanchéité, en insistant plus particulièrement sur les méthodes d’excavation utilisées et le contrôle de la qualitéexercé au cours de la réalisation de la paroi.

Mots clés: bentonite, ciment, construction, coulis, écran d’étanchéité, excavation, tranchée.

Abstract: As part of the La Grande complex, in northern Québec, the development of the LG-1 hydroelectric projectrequired the construction of a 2444 m long dyke on the north shore. The presence of a wide sensitive marine clayterrace covered with deltaic and river sand and silt deposits called for several design features, including theconstruction of a cement–bentonite cutoff through the sand and silt deposits on the terrace. This paper describes thedifferent construction phases of the cement–bentonite cutoff with emphasis on excavation procedure and qualitycontrol.

Key words: bentonite, cement, construction, cutoff, excavation, slurry trench.

Massiéra et Levay 155

La technique d’utiliser une paroi au coulis ciment–bentonite pour construire un écran d’étanchéité s’est déve-loppée il y a une trentaine d’années. Ce type d’écran peutêtre utilisé, comme coupure ou écran d’étanchéité sous lesouvrages en remblai, dans le cas où il est nécessaire d’avoirun écran flexible capable de subir des déformations sansfissuration. Cette technique consiste en l’excavation d’unetranchée à l’aide d’un coulis ciment–bentonite; le coulis agitd’abord comme support des parois et, en faisant prise, cons-titue l’écran d’étanchéité.

Dans le cadre de la phase II du développement ducomplexeLa Grande, à la Baie James (Société d’énergie de la Baie Ja-mes 1996), l’aménagement La Grande 1 (LG-1) a nécessitéla réalisation de la digue nord. L’emplacement de la centraleLG-1 (fig. 1) se trouve au kilomètre 37 de La GrandeRivière, à 74 km en aval des centrales LG-2 et LG-2A. Lacentrale LG-1 est une centrale au fil de l’eau, d’une puis-sanceinstallée de 1368 MW. Outre la centrale,l’aménagementhydroélectrique LG-1 comporte un évacuateur de crues de17 200 m3/s de capacité et deux barrages poids en béton(barrages nord et sud) ainsi que deux digues en terre et enenrochement. La digue nord qui constitue la plus importantede ces deux digues prolonge les structures en béton sur larive droite (rive nord) de La Grande Rivière. Un écrand’étanchéité a été réalisé sous cette digue nord, dans sapartie centrale (secteur 2) qui constitue une digue de re-vanche. Cetécran est constitué d’une paroi au coulisciment–bentonite autodurcissable qui s’étend sur une lon-gueur de 1030 m. Il a une profondeur moyenne de 17,7 m etune largeur (épaisseur) de 0,6 m.

Après une courte description des conditions de fondationde la digue nord et des différents choix possibles de traite-ment de fondations, l’article présente les différentes phasesde construction de l’écran d’étanchéité. Il insiste plus parti-culièrement sur les méthodes d’excavation utilisées et le con-trôle de la qualité exercé au cours de la réalisation de laparoi.

Can. J. Civ. Eng.26: 145–155 (1999) © 1999 CNRC Canada

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Reçu le 14 mai 1998.Révision acceptée le 16 septembre 1998.

M. Massiéra1. École de génie, Université de Moncton,Moncton, NB E1A 3E9, Canada.J. Levay. Direction principale, projets d’équipement, Sociétéd’énergie de la Baie James et Hydro-Québec,855, rue Ste-Catherine Est, Montréal, QC H2L 5B2, Canada.

Les commentaires sur le contenu de cet article doivent êtreenvoyés au directeur scientifique de la revue avant le 31 août1999 (voir l’adresse au verso du plat supérieur).

1Auteur correspondant (tél. : (506) 858-4141;téléc. : (506) 858-4082; e-mail : [email protected]).

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La digue nord a une longueur en crête de 2444 m (pointmétrique (PM) 000 au PM 2444), un volume de1 052 000 m3 et une hauteur maximale de 25 m (niveaumaximal 37,5 m). Elle peut être divisée en trois secteurs(fig. 1). Le premier secteur, situé à l’extrémité nord, a unelongueur d’environ 604 m. La digue qui franchit une tour-bière située dans une dépression est construite, en majeurepartie, sur une épaisse fondation de silt argileux et d’argilesilteuse sensible. Dans le deuxième secteur, d’environ1144 m de longueur, la digue est essentiellement une diguede revanche, de faible hauteur (6 m au maximum), construitesur une terrasse de sable et silt qui repose sur un dépôt desilt argileux et d’argile silteuse. Un écran d’étanchéité a étéréalisé à travers la terrasse de sable et silt jusqu’au silt argi-leux, et la digue a été construite jusqu’au niveau 36 m. Enfinau voisinage de la berge, dans le troisième secteur, la digueest construite sur une fondation de roc ou une fondation demoraine.

La coupe stratigraphique de la figure 2 présente les diffé-rents dépôts suivant quatre périodes géologiques. Tout

d’abord, le socle rocheux date de la période précambrienne.Il est essentiellement constitué de gneiss granitique et gneissà biotite et hornblende, accompagné d’intrusions granitiquesou dioritiques. Au dessus, la moraine se rapporte aux dépôtsglaciaires et glacio-lacustres mis en place lors de la dernièreglaciation. Les dépôts argileux regroupent les dépôts marinsmis en place dans les eaux profondes de la Mer de Tyrrel etla zone de transition (silt argileux) mise en place durant lapériode transitoire, entre les phases marines et fluviatiles. Fi-nalement, les silts et sables regroupent les dépôts deltaïqueset alluviaux déposés par La Grande Rivière durant la périodepost-glaciaire du quaternaire.

Sur la terrasse (secteur 2), les dépôts de sable et silt pren-nent la forme d’un sillon dont la profondeur atteint près de24 m sous l’axe de la digue vers le PM 1100. Le fond de lacuvette n’est pas uniforme et tend à osciller pour former,vers le PM 1500, un sillon secondaire dont la profondeur at-teint près de 20 m. Sous ces dépôts, se retrouvent, successi-vement, jusqu’à 30 m d’épaisseur de silt argileux et d’argilesilteuse d’origine marine, suivis d’une épaisseur de 37 m demoraine qui comble une vallée rocheuse dont la forme rap-pelle celle du sillon sableux en surface, mais décalée plus aunord (fig. 2).

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Fig. 1. Aménagement hydroélectrique La Grande 1.

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Globalement, la nature sensible de la fondation d’argilemolle a conduit le concepteur à incorporer, dans le projet,des travaux de stabilisation des berges tant en aval qu’enamont (fig. 1), dans le but d’éviter que des glissements detype coulée n’aient lieu. De tels glissements pourraient avoirdes conséquences désastreuses pour la digue (Schneebergeret al. 1991; Tecsult 1991). Pour la digue de revanche sur laterrasse (secteur 2), les études ont porté, entre autres, sur lastabilité (risques de liquéfaction) sous des conditions sismi-ques et aussi, sur les écoulements souterrains.

À cause des risques de liquéfaction, la crête de la digue derevanche a été rehaussée de 1 m (niveau 36 m), le niveaumaximum prévu pour le réservoir étant à la cote 32 m. Lacrête a aussi été élargie à 12 m, tandis que les pentes ont étéadoucies à 3H: 1V.

La présence de dépôts perméables dans la fondation de ladigue de revanche a soulevé certaines questions relativesaux débits de fuite à travers la fondation après la mise eneau du réservoir. En effet, tout changement notable desconditions hydrogéologiques naturelles sur la terrasse affec-terait la stabilité de la berge aval et favoriserait une rétro-gression potentielle. L’étude de l’écoulement sur la terrassea mis en évidence, la nécessité d’avoir une coupure totale(écran d’étanchéité) jusqu’au silt argileux.

Choix du type d’écran d’étanchéitéLa présence de dépôts perméables (sable et silt) qui repo-

sent sur des dépôts compressibles (silt argileux et argile sil-teuse normalement consolidés) a nécessité la constructiond’un écran d’étanchéité relativement flexible. Pour réaliserl’écran d’étanchéité, trois types de coupures ont été envisa-gés dans les plans et devis : tranchée de boue, paroi au cou-lis ciment–bentonite et colonnes de sol injecté (jet grout).Dans les plans et devis, la profondeur de la tranchée de bouea été limitée à 14 m, à cause des risques d’instabilité des sa-bles et silt lâches en profondeur. Dans sa soumission initiale,l’entrepreneur avait proposé de réaliser une paroi ciment–bentonite dans la section la plus profonde entre le PM 850 etle PM 1625 et une tranchée de boue dans l’autre sectionentre le PM 595 et le PM 850. Compte tenu du temps né-cessaire à lamobilisation d’un équipement légèrementdifférent pour la construction d’une tranchée à boue lourdeet de l’avancement rapide et sans problème des travauxd’excavation de la paroi ciment–bentonite, l’entrepreneur aréalisé la totalité de l’écran d’étanchéité avec une paroi aucoulis ciment–bentonite.

Critères de conception de la paroi et du coulisAu niveau de la conception, les caractéristiques de la pa-

roi et du matériau de remplissage ont été établies commesuit :

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Fig. 2. Coupe stratigraphique selon l’axe de la digue nord (coupe A–A).

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Paroi : épaisseur de 0,60 m, profondeur maximumd’environ28 m à partir du niveau de la plate-forme de travail(cote 34 m).

Matériau de remplissage : coulis auto-durcissable (ciment–bentonite–eau), (i) déformation plastique de 6% sans fissura-tion, mesurée à 90 jours, par un essai de compressiontriaxiale sous une pression latérale de 100 kPa et à un tauxde déformation de 0,1% par minute; (ii ) coefficient de per-méabiliték inférieur ou égal à 10–6 cm/s.

L’épaisseur de la paroi a été choisie en conformité avec lapratique courante. En effet, depuis l’apparition des parois aucoulis auto-durcissant, presque toutes les parois ont été réali-sées entre 0,45 et 0,60 m d’épaisseur, l’épaisseur de 0,60 métant considérée suffisante pour résister à une chargehydraulique de 30 m (Millet et Perez 1981). Ceci a étéconfirmé ultérieurement par Beier et Strobl (1985) qui ontindiqué qu’un tel matériau de remplissage peut supporter ungradient maximal de 100. Ici, l’écran d’étanchéité doit subirun gradient maximal de 43 (26 m/0,6 m).

Travaux de reconnaissance et instrumentationLes travaux de reconnaissance pour la conception pro-

posée de la digue de revanche sur la terrasse (secteur 2) ontconsisté en 8 forages avec prélèvement d’échantillons et 8essais de pénétration statique au piézocône effectués en 1989et 1990 (Boncompain et al. 1992). Ces forages et sondagesont permis de déterminer, pour l’appel d’offre, la profondeurde l’écran. Pour vérifier le niveau du toit de la zone de tran-sition (silt argileux) dans laquelle l’écran d’étanchéité devaitêtre ancré sur une profondeur d’au moins 1 m, 11 autres es-sais au piézocône ont été réalisés au mois d’avril 1991. Lesdonnées recueillies ont confirmé le profil préalablement éta-bli, à l’exception de la section située entre le PM 1500 et lePM 1600 où le silt argileux était, en réalité, jusqu’à 4 m plusprofond que prévu. Les forages et sondages ont été espacésen moyenne de 38 m. Ces forages et sondages ont, en géné-ral, été poursuivis jusqu’au toit de la moraine. Seuls deuxforages ont été réalisés jusqu’au socle rocheux.

Ces travaux de reconnaissance ont permis, compte tenu dela nature sédimentaire des dépôts, de fixer avec une préci-sion suffisante, le profil de la base de la clé servant à ancrerla paroi ciment–bentonite dans le silt argileux. C’est ce pro-fil qui a été fourni à l’entrepreneur pour servir de ligne depaiement pour la construction de l’écran d’étanchéité.

Des piézomètres hydrauliques (à tube ouvert) avaient étéinstallés dans les trous de forages exécutés lors des travauxde reconnaissance. Six de ces piézomètres, dont la crépinese trouvait dans les dépôts alluvionnaires et deltaïques desable et silt, ont pu être récupérés pour faire le relevé des ni-veaux piézométriques avant et pendant la construction del’écran d’étanchéité. De plus, un piézomètre scellé à cordevibrante a été installé, dans la couche de silt lâche, au PM1214, au niveau 15,0 m, à 1,5 m en amont de l’axe du pan-neau d’essai. Ce piézomètre a servi à mesurer l’évolutiondes excès de pression lors de l’excavation du panneaud’essai et des panneaux adjacents.

Caractéristiques générales de l’écranLa paroi au coulis ciment–bentonite de la digue nord

s’étend sur une longueur de 1030 m (PM 595 au PM 1625)et sur une profondeur qui varie de 5,7 à 27,7 m (fig. 3).L’écran d’étanchéité a une profondeur moyenne de 17,7 m etune épaisseur minimale de 0,6 m. La surface verticale netteexcavée est de 18 246 m2 sans compter un recouvrement mi-nimal de 0,6 m entre les panneaux successifs. La paroi estformée de 26 panneaux jointifs ancrés d’au moins 1 m dansla couche de silt argileux. La longueur de ces panneauxvarie entre un minimum de 7,1 m et un maximum de110,6 m. La longueur moyenne des panneaux, en tenantcompte du recouvrement, est de 40,4 m.

La construction de la paroi au coulis ciment–bentonite aété réalisée en deux phases : (i) fabrication du coulis ci-ment–bentonite, (ii ) excavation individuelle de chaque pan-neau en maintenant la tranchée pleine de coulis.

Fabrication et propriétés du coulis ciment–bentoniteLe coulis ciment–bentonite a été fabriqué dans une cen-

trale montée à cet effet (fig. 4 et 5). Cette centrale était di-visée en deux secteurs. Le secteur pour la fabrication de laboue de bentonite était constitué d’un réservoir de 75 t decapacité pour l’emmagasinement de la bentonite en poudre,d’un mélangeur de bentonite à haute pression Venturi, oùl’eau et la bentonite en poudre étaient mélangées, de troispompes et de deux bassins d’hydratation. Le secteur pour lafabrication du coulis ciment–bentonite était composé dedeux réservoirs de 75 t de capacité et de deux silos de 15 tde capacité pour l’emmagasinement du ciment, deux mélan-geurs de 3 m3 pour le gâchage du ciment et de la boue debentonite, trois pompes et un silo de réserve pour le coulisciment–bentonite.

La bentonite Bara-Kade 90 a été utilisée. La densitémoyenne obtenue, après un séjour d’hydratation de 24 h, aété de 1,026 avec une viscosité moyenne de 32 s au côneMarsh. La composition du mélange par mètre cube de coulisa été de 0,893 m3 d’eau, de 285 kg de ciment de type 20, de33 kg de bentonite et de 1 à 4 kg deretardateur de prise. Lacomposition du mélange a été établie, après la réalisationd’un programme d’essais, de façon à satisfaire aux critèresde conception énoncés précédemment.

La densité moyenne du coulis, mesurée à l’alimentationdans la tranchée, a été de 1,2, pour une viscosité moyennede 46 s au cône Marsh. Dans la tranchée, la présence desable provenant des parois a épaissi le coulis. La densitémoyenne obtenue a été de 1,30. La viscosité au cône Marsha dépassé souvent 65 s, et la teneur en sable a été enmoyenne de 10%. Cette teneur en sable correspond à celledu coulis prélevée à la mi-hauteur de la tranchée. Elle estexprimée en fonction du volume total du coulis selon lanorme API RP 13B (American Petroleum Institute 1988). Letemps de prise du coulis a varié de quelques heures à unejournée. Il est fonction de la quantité de retardateur de priseajoutée au mélange ciment–bentonite. Pour les panneaux lesplus profonds qui nécessitent un temps d’excavation pluslong, la proportion du retardateur de prise a été de 4 kg/m3.La résistance en compression simple, mesurée après un mû-rissement de 90 jours sur des échantillons prélevés à lasortie du tuyau d’alimentation de la tranchée (fig. 6) ou dansla tranchée, a été en moyenne de 603 kPa. Pour s’assurer

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149Fig. 3. Digue nord, paroi au coulis ciment–bentonite.

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Fig. 4. Schéma de la centrale pour la fabrication du coulis ciment–bentonite.

Fig. 5. Centrale et bassins pour la fabrication du coulis ciment–bentonite.

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que l’écran d’étanchéité soit suffisamment flexible, 11 deces échantillons de coulis ciment–bentonite ont été soumis,après un mûrissement de 90 jours, à des essais de compres-sion triaxiale sous une pression latérale de 100 kPa et à untaux de déformation de 0,1% par minute. Tous ces échantil-lons se sont déformés plastiquement de plus de 6% sans fis-suration. L’ensemble des résultats des essais effectués sur lecoulis avant et pendant la construction de l’écran d’étanchéitéa été présenté antérieurement par Deschênes et al. (1995).

Méthode d’excavationLa digue de revanche a d’abord été construite, entre le

PM 560 et le PM 1630, jusqu’au niveau 34 m, afin que lasurface du remblai soit utilisée comme plate-forme de tra-vail. Comme l’indique la coupe type de la figure 3, unecouche de moraine (zone 1) d’environ 2 m d’épaisseur a étémise en place de part et d’autre de l’axe de l’écrand’étanchéité. Cette protection de moraine a permis d’éviterle dessèchement et la fissuration du sommet de la paroiciment–bentonite. Afin d’entreposer les matériaux provenant

de l’excavation de la tranchée, la digue a été élargie du côtéaval d’environ 1 m.

L’excavation de la tranchée a été effectuée selon la mé-thode de construction suivante : (i) Pour une profondeur detranchée supérieure à 19 m, l’excavation a été initialementréalisée jusqu’à 16 m de profondeur, en utilisant la rétroca-veuse Koehring KH 1266 D. Cette rétrocaveuse était munied’un bras allongé de 26,6 m de longueur, avec un godet de0,6 m de large et de 0,38 m3 de capacité (fig. 6). Ensuite latranchée a été approfondie en utilisant une grue à câbleLink-Belt 150-08 de 150 t de capacité. Cette grue étaitéquipée d’un guide Kelly de 39,3 m de hauteur et munied’une benne preneuse de 2,7 m d’ouverture et de 0,6 m delarge (fig. 7). (ii ) Pour une profondeur de tranchée inférieureà 19 m, l’excavation a été directement réalisée en utilisantuniquement la rétrocaveuse munie d’un bras allongé.

La tranchée a été maintenue pleine de coulis ciment–bentonite pendant l’excavation, sauf lors de l’excavation despremiers 2 m duremblai de moraine, pendant laquelle lesparois de la tranchée pouvaient se maintenir temporairement

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Fig. 6. Paroi ciment–bentonite. Excavation de la tranchée à l’aide d’une rétrocaveuse à bras allongé.

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verticales. En général, le niveau du coulis a été maintenu àenviron 150 mm sous le niveau de l’aire de travail. Le coulisa été transporté à partir de la centrale de production parl’intermédiaire d’un tuyau semi-flexible en CPV de 152 mmde diamètre (fig. 6).

Les travaux ont débuté avec la réalisation d’un panneaud’essai qui avait 7,7 m de longueur et 23,6 m de profondeur.En raison de la bonne stabilité des parois de la tranchée dece panneau d’essai relativement profond, la longueur despanneaux a été augmentée. Les panneaux dont la profondeurest supérieure à 19 m ont une longueur qui varie de 7,7 à77,9 m (moyenne de 34,6 m) tandis que la longueur des pan-neaux les moins profonds varie de 7,1 à 110,6 m (moyennede 47,2 m). Un panneau correspond à un segmentd’excavation de la tranchée qui doit être réalisé d’une façoncontinue jusqu’à la profondeur finale et ce, avant la priseinitiale du coulis. Les parois latérales du panneau doiventêtre verticales. Lors de la réalisation des panneaux adjacentsà un panneau primaire il est nécessaire, pour assurer lacontinuité de l’écran d’étanchéité, d’excaver sur toute la pro-fondeur (hauteur) une portion minimale de 0,6 m du pan-neau primaire antérieurement construit.

Avancement et productivitéL’écran d’étanchéité constitué de 26 panneaux a été réa-

lisée en 20 jours de travail. Le rythme de construction a étéd’un panneau par jour. Cependant, à six reprises, il a étépossible d’exécuter, en une journée, deux panneaux à desPM différents. Les taux d’excavation en présence du coulisont été, en moyenne, de 87,6 m2/h par la rétrocaveuse et de34,2 m2/h par la grue à benne preneuse. Ces rendements in-cluent l’excavation d’une portion minimale de 0,6 m du pan-neau ou des panneaux adjacents afin d’obtenir un écrand’étanchéité continu. Les temps d’excavation calculés netiennent compte que des heures effectives de travail et ex-cluent toute période d’arrêt pour bris, changement, prépara-tion et entretien des équipements et toutes périodes d’attente.

Contrôle de la qualitéLes contrôles de la qualité pour la réalisation de la paroi

ont porté d’une part sur les matériaux et, d’autre part, sur lesvérifications sur la paroi même. L’ensemble des essais effec-tués, avant construction en vue de mettre au point un coulisqui satisfasse aux exigences du devis et pendant la construc-tion pour le contrôle, a été présenté antérieurement par

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Fig. 7. Paroi ciment–bentonite. Excavation de la tranchée à l’aide d’une grue munie d’un guide Kelly.

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Deschênes et al. (1995). La densité et la viscosité au côneMarsh selon la norme API RP 13B (American PetroleumInstitute 1988) ont été déterminées sur la boue de bentoniteet le coulis. De plus, des essais de ressuage du coulis prélevéà l’alimentation de la tranchée et de teneur en sable du cou-lis, prélevé à la mi-hauteur de la tranchée, ont été réalisés aumoins deux fois par jour. Les échantillons qui ont été préle-vés, soit à la sortie du tuyau d’alimentation de la tranchée,soit dans la tranchée, ont subi des temps de mûrissement de3, 7, 28 et 90 jours. Ils ont été soumis, par après, à des essaisde perméabilité, de compression triaxiale, de compressionsimple ainsi qu’à des mesures de densité et de teneur en eau.

Des vérifications et contrôles ont également été effectuéssur la paroi même, à savoir :

La verticalité. Lors de l’excavation à la rétrocaveuse, laplate-forme de travail est nivelée horizontalement avantl’excavation de la tranchée. La verticale du guide Kelly de lagrue est contrôlée avec un théodolite situé dans l’axe del’écran.

L’alignement. L’axe de la tranchée est aligné au moyen depiquets distants de 5 m etvérifié, pendant l’excavation de latranchée, au moyen d’un théodolite.

La profondeur. Le fond de la tranchée a été mesuré, aumoins à des intervalles de 5 m, avec un fil à plomb ayantune masse de 11,35 kg. Le fil à plomb était descendu dans

l’axe de la tranchée à partir d’une nacelle montée sur unchariot élévateur muni d’un bras téléscopique.

La continuité. Avec la rétrocaveuse, la continuité a étécontrôlée au fur et à mesure du nettoyage du fond de latranchée en faisant deux « passes » du godet posé à plat aufond de la tranchée. Dans le cas des zones approfondies avecla benne preneuse, la benne était déplacée de 2,7 m pour ex-caver les panneaux primaires et revenait, à la fin de chaquepanneau primaire, de 1,35 m dans l’axe du joint fictif pourêtre descendu jusqu’au fond de la tranchée.

La largeur du recouvrement aux joints. À la fin del’excavation d’un panneau, les coordonnées de chaque extré-mité de la base du panneau (profondeur et PM) ont été déter-minées à l’aide du fil à plomb et d’un théodolite. Lors del’excavation d’un panneau adjacent, les coordonnées de labase du joint étaient déterminées pour s’assurer d’une lar-geur minimum de recouvrement de 0,6 m. En surface, la lar-geur de recouvrement était aussi vérifiée.

L’ancrage dans le silt argileux. Cette vérification a étéfaite en prenant des échantillons de sol au fond de latranchée. Deux échantillons de sol ont été prélevés au mini-mum pour chaque panneau, ce qui correspond, en moyenne,à un prélèvement à tous les 15 m de distance pour les pan-neaux profonds et à un échantillonnage à tous les 20 m pourles autres panneaux. Ces échantillons ont été soumis à des

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Fig. 8. Sommaire des courbes granulométriques du silt argileux provenant de l’excavation du fond de la tranchée.

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analyses granulométriques par tamisage et sédimentométrie(fig. 8) afin de s’assurer que l’écran était bien ancré dans lacouche de silt argileux.

Le niveau de la nappe phréatique sur la terrasse. Six pié-zomètres installés dans le sable près de la surface ont été uti-lisés. Le niveau de nappe phréatique n’a jamais dépassé31,52 m, ce qui a permis de maintenir, en tout temps, le cou-lis ciment–bentonite à un niveau supérieur à 2,30 m au ni-veau maximal de la nappe phréatique et d’éviter ainsi desproblèmes d’instabilité des parois de la tranchée pendantl’excavation.

L’excès de pression interstitielle dans la couche de siltlâche lors de l’excavation du panneau d’essai et des pan-neaux adjacents. Cet excès a atteint une valeur maximale de64 kPa (6,5 m d’eau) lors de l’excavation du panneaud’essai (fig. 9). L’excavation des panneaux adjacents a éga-lement eu une influence sur les pressions interstitielles me-surées.

Pour vérifier le comportement de la paroi sous l’effet dutassement des sols argileux sous-jacents et donc, vérifierl’efficacité de l’écran au point de vue étanchéité, 14 piézo-mètres hydrauliques (à tube ouvert) ont été installés, en avalde l’écran, dans les couches de sable et de sable–silt. Cespiézomètres n’ont indiqué aucune variation de niveau liée auremplissage ou à l’utilisation du réservoir dont le niveauvarie entre la cote 30,5 et la cote 32 m.

L’écran d’étanchéité sous la digue nord de l’aménagementhydroélectrique La Grande 1 constitue, à notre connaissance,

la plus longue paroi au coulis ciment–bentonite construitedans l’Est du Canada. Ce type d’écran s’adapte bien à desterrains relativement meubles où il est possible de fairel’excavation de panneaux successifs en une seule journée detravail. Ce type d’écran est suffisamment flexible pours’adapter aux tassements différentiels et aux déformationsdu terrain. C’est une solution relativement économique carelle implique un choix limité de matériaux à utiliser et unminimum de séquences d’opérations. Le coût unitaire decette paroi a été de 200 $ par m2 de surface verticale ex-cavée.

Les auteurs remercient la Société d’énergie de la Baie Ja-mes (SEBJ) d’avoir permis la publication de cette communi-cation. La conception de l’écran d’étanchéité a été le fruitd’une collaboration étroite entre les spécialistes de la SEBJ,le Comité des experts de la SEBJ et la firme d’ingénieur-conseils TECSULT Inc. La construction de l’écran a été réa-lisée par les Entreprises VIBEC Inc. et son sous-traitantINQUIP-SOLCAN.

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Fig. 9. Paroi ciment–bentonite. Excès de pression interstitielle mesurés au PM 1214 pendant la construction.

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